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L’HABITAT PARTICIPATIF

HUMEAU Camille, JØRGENSEN Nana, PIRET Miantsa

La résidence ANAGRAM, image de Jean Belvisi 2019

Le terme d’habitat “participatif” apparait dans les Il élabore le projet en totale adéquation avec le groupe
années 2000, il englobe d’autres notions telles que le d’habitants : une trame structurelle de base de 6 mètres
logement groupé, partagé, autogéré, voir le cohabitât. de large a été imaginée permettant une liberté
L’habitat participatif est une démarche citoyenne, il maximum d’aménagement. Il choisit des matériaux
permet à un groupe de personnes de construire leur traditionnels de proximité : de la pierre rouge barre, une
logement ensemble, chacun selon ses besoins et définir alternative à la brique. Il pense en priorité à la
des espaces communs. Les habitants partagent un circulation dans les espaces collectifs : canaliser le
mode de vie écologique et solidaire, ils gèrent et cheminement piéton, il se doit de tout desservir sans
entretiennent leur lieu de vie au quotidien. Ce type être trop large. Il imagine un grand jardin partagé tout
d’habitat est protégé par la loi Alur, la loi pour l’accès en permettant d’avoir des petits espaces extérieurs
au logement et un urbanisme rénové, depuis 2014. privés.
Le projet ANAGRAM fait partie de la Coordin’action, un
réseau national de 14 associations qui anime et rend Sa première étude du projet est un schéma analytique
visibles la diversité et le développement de l’habitat montrant l’implantation sur le terrain et non le plan
participatif en France. Le réseau regroupe 150 projets intérieur des logements. Ces derniers vont être élaborés
d’habitat participatif. Il leur accorde une légitimité et selon la demande des familles, aucun logement n’est
renforce la solidarité entre les acteurs. identique, certains sont de plain-pied, d’autres se
déploient sur deux ou trois niveaux. Ces choix sont ceux
des habitants, ils participent activement à la
LE PROJET ANAGRAM, 1989 construction de leur propre logement.
Naturellement, pour la mise en place du programme,
ANAGRAM, situé à Villeneuve d’Ascq dans le Bertrand Leclercq a donné au groupe un formulaire
Nord de la France, est un des projets pionniers de précis et a défini les ordres de priorité. Le groupe avait
l’habitat participatif en France. Conçu à la fin des des responsables de chantiers qui ont assisté à toutes
années 80, il est imaginé pour loger une dizaine de les réunions et avaient pour rôle de communiquer les
familles. Initié au départ par des habitants d’un autre nouvelles propositions aux futurs habitants.
habitat participatif nommé Les Crieurs, il est accordé
par la commune qui est en train de concevoir pour
Villeneuve d’Ascq une ville nouvelle. Le groupe négocie
avec un promoteur social pour leur projet et choisit
l’architecte Bertrand Leclercq.

Le défi de l’architecte était de satisfaire les besoins


individuels de chaque famille tout en y mêlant les
besoins de la vie en communauté. Dans cette ancienne
ferme, il innove. Il place la salle commune au centre de
son projet, c’est la première fois qu’on voit des locaux
communs partagés. Schéma analytique de la résidence ANAGRAM,
par l’architecte Bertrand Leclercq
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Aujourd’hui, cet habitat participatif continue d’exister Le logement participatif est une typologie d’habitat
sereinement. Le groupe continue de prendre des récente, on peut se demander s’il n’est pas un effet de
décisions collectives pendant leur conseil mensuel. contexte, une réponse sociale et écologique à la crise ?
Dernièrement, ils ont voté que les potentiels futurs Cet habitat est une alternative à l'impossibilité d’accès
locataires devaient être jeunes et avoir des enfants, avec à la propriété. Il est aussi un engagement écologique qui
pour but de perpétuer sur plusieurs générations le dépasse l’échelle du logement et questionne le
mode de vie en communauté. développement durable urbain. Les habitants
s’écoutent et participent à la maitrîse d’ouvrage, ils sont
actifs dans la production de la ville.
EN QUOI CONSISTE LE LOGEMENT PARTICIPATIF ?

Habiter un espace, c’est se l'approprier et le QUELS CONFLITS ?


marquer de ses habitudes sociales et culturelles, dans la
durée. Le partage de valeurs est caractéristique du Une vie partagée avec d’autres n’est pas sans
logement participatif. Il est adapté aux personnes ayant conflits et difficultés. Les espaces partagés et privés se
en commun des principes de développement durable et chevauchent parfois, d’où la nécessité de définir des
la volonté de vivre dans une forme de communauté. limites claires. Une absence de règles bien définies ou
Juliette, a grandi à ANAGRAM, elle revient sur son de limites physiques entre la vie privée et la vie
expérience : “je me sentais plus en sécurité, car j’ai grandi partagée, risque d'entretenir des relations conflictuelles
avec une mère célibataire, je me sentais moins seule”. entre les résidents et de compromettre le
Cette nouvelle manière d’habiter est idéale d’un point fonctionnement de la communauté. Les habitants de
de vue social, c’est un lieu d’échange, de rencontres, de l’habitat participatif Eco-Logis à Neudorf racontent au
communication et de partage d’expériences tout en magazine Rue89Strasbourg d’un tel conflit qui s’est
respectant l’intimité de chacun. Mathis, 8 ans vit à produit à cause d’un manque de séparation physique
ANAGRAM : “c’est pratique, car on peut demander des sur leurs balcons longeant tous les appartements. Un
services, chaque personne à sa particularité, on sait à qui espace ni privé ni partagé, les balcons permettaient aux
s’adresser pour quoi”. habitants de dépasser la sphère privée en entrant dans
“c’est pratique, car on peut demander des services, l’appartement de l’autre, sans se poser de questions.
chaque personne à sa particularité, on sait à qui
s’adresser pour quoi”. La répartition des charges Un tel conflit fait apparaître un aspect encore plus
distingue l'investissement, elle est répartie au prorata difficile dans la vie partagée entre voisins : la
des surfaces habitables et du nombre de personnes. communication. Comment communiquer de manière
constructive et sans perturber l'harmonie de la
Les cohabitants sont membres d’une coopérative, ils ne communauté ? C’est la question à se poser en cas de
sont ni propriétaires ni locataires, mais paient tous des problèmes entre voisins ou dans la gestion de l’habitat
parts à la coopérative qui est décisionnaire pour partagé. Chaque habitant est différent et chaque
l’ensemble des habitants. Chaque membre a un rôle habitant communique différemment. Certains parlent
précis dans le groupe. Une fois par mois, au logement plus fort que d’autres et se font entendre facilement,
ANAGRAM, le conseil se retrouvent pour discuter de la tandis que d'autres sont plus discrets. Cela peut rendre
gestion quotidienne ou des débats de fond. Pour une les décisions partagées difficiles à prendre.
question d’accord et d’équité, un vote est fait pour
toute prise de décisions, un adulte représente une voix. La différence d’âge, de profession ou de tempérament
joue un rôle considérable dans un habitat participatif.
L’habitant est le seul détenteur de la légitimité de Parfois, une simple différence d'âge peut entraîner des
l’action et du projet, seul lui peut savoir comment il va conflits par un choc des générations, lorsque les enfants
habiter son logis. Il en va de la valeur d’usage qui " se sont trop turbulents ou bruyants, ou lorsque les
réfère à la connaissance qu'a un individu ou un collectif résidents traitent une question différemment en
de son environnement immédiat et quotidien, en fonction de points de vue de générations différentes.
s'appuyant sur l'expérience et la proximité » (H. Nez,
Dicopart, 2013). En effet, le logement participatif remet Nous savons que la plupart des logements partagés sont
en cause les pratiques de conception et de gestion des habités par des familles, notamment pour les avantages
habitations. Les habitants mutualisent les contraintes qu'un tel logement peut offrir. Mais le nombre
liées à la construction et participent à la maîtrise important d'enfants s’avère être un des inconvénients
d’ouvrage de leurs logements, ils choisissent de leur pour des futurs habitants d’un logement participatif.
manière d’habiter. Les logements sont adaptés à leurs
besoins, sont à leur image. Ils se passent d’un
promoteur ou d’un syndicat de copropriété.

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Une enquête en cours intitulée One shared house 2030, QUEL EST LE FUTUR DES HABITATS PARTICIPATIFS ?
réalisée par SPACE10 - IKEA et le duo de designers
Anton & Irene, vise à étudier comment les gens Le développement urbain d’aujourd’hui prouve que nos
souhaitent vivre les uns avec les autres à l'avenir. Un villes se densifient et la population dans les villes
grand nombre de participants s’inquiètent de la vie augmente. Il est donc impossible de ne pas vivre
commune avec les adolescents et les enfants. Une ensemble, de ne pas se croiser et partager un ou
majorité d'entre eux déclarent qu'ils ne souhaitent vivre plusieurs espaces de vie. Afin d’accueillir une telle
qu'avec des couples sans enfants ou des célibataires. évolution, il est indispensable de s’intéresser à la façon
Une étude de cas du Danemark (Sustainable Living and dont les personnes souhaitent vivre aujourd’hui, en
Co-Housing: Evidence from a Case Study of Eco- harmonie entre voisins. Le rôle de l’architecte sera
Villages, Marckmann et al. 2012, p. 424) prouve important en vue de réaliser un tel projet. En séparant
également qu’un nombre inférieur de ménages d’une différents types de ménages et d’âges, nous risquons de
seule personne vie en logement participatif, avec perdre les valeurs fondamentales du partage et ce que
l’explication possible d’une différence de ressources cela peut offrir à tout type de familles et personne,
économiques. Malgré l’aspect abordable, les logements malgré son âge, sa culture, ses besoins.
participatifs restent seulement accessibles pour un
groupe privilégié, la classe moyenne, ce qui exclue Les organismes HLM apprennent des valeurs du
rapidement plusieurs classes sociales, dont font partie logement participatif et les retranscrivent dans le
un grand nombre de personnes seules. logement social. Il s’agit de faire cohabiter des classes
sociales différentes, de générations et d’origines
différentes afin de renforcer le vivre-ensemble, la
UN MODELE A ADAPTER communication, le partage et favoriser les rencontres.
Un programme alternatif comme l’habitat participatif,
La cohabitation est une réponse à la crise du devient progressivement une institution autour des
logement abordable. Elle est une solution à l’isolement acteurs de ce type de projet.
et le sentiment de solitude des personnes vivant seules.
Vivre en communauté permet de minimiser l’impact
environnemental et réduire le coût de la vie en
partageant les dépenses.

L'enquête interactive pour le projet One Shared House


2030, révèle que la plupart des habitants des grandes
tours de logements préféreraient habiter dans de
petites communautés. Une majorité des participants
disent avoir une préférence pour la vie commune sans
enfants. Néanmoins, une grande diversité de cultures et
d’âges est souhaitée ainsi que l’accueil des animaux
domestiques. Mais où vont les familles et les enfants ?
Devrions-nous assurer une séparation entre ces deux
types de ménages ou bien essayer d’accueillir tous dans
une communauté organisée et structurée afin d’éviter
des conflits ?

Il y a une réponse architecturale à donner, à l’échelle de


la ville urbaine et non plus à l’échelle du village ou du
quartier. Le rôle de l’architecte est de traduire dans
l’espace les compromis qu’induit l’habitat en
communauté, de définir la limite dans la proximité et
d’améliorer la communication entre voisins.
Les projets d’habitats participatifs sont une nouvelle
manière de construire la ville et la vie de quartier.
Toujours dans une optique écologique, les habitants
choisissent des matériaux de construction durables et
labéllisés et l’utilisation d’énergies renouvelables.
L’habitat participatif représente aussi une solution
contre la construction de masse des grands ensembles.
Certains projets réhabilitent ou rénovent d’anciennes
bâtisses abandonnées, à l’instar d’ANAGRAM, et les
transforment au gré des futurs cohabitants.

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SOURCES

Coordin’action
https://www.basededonnees-habitatparticipatif-oasis.fr/?AnagraM
https://www.ecologie.gouv.fr/loi-lacces-au-logement-et-urbanisme-renove-loi-
alur#:~:text=La%20loi%20pour%20l'acc%C3%A8s,l'innovation%20et%20la%20transparence.

Sustainable Living and Co-Housing: Evidence from a Case Study of Eco-Villages, Marckmann et al., 2012
https://www.researchgate.net/publication/263168676_Sustainable_Living_and_Co-
Housing_Evidence_from_a_Case_Study_of_Eco-Villages

Enquête One Shared House 2030, SPACE10


https://space10.com/projects/one-shared-house-2030
https://www.designboom.com/design/space10-one-shared-house-2030-ikea-co-living-11-14-2017/

Enquête Rue89strasbourg, 2013


https://www.rue89strasbourg.com/habitat-participatif-ce-netait-pas-un-pari-gagne-davance-39103

Film ANAGRAM et son architecte Bertrand Leclercq


https://habitat-cooperactif.eu/retour-sur-site-anagram/

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