La monnaie au cœur de l’économie
Par l’équipe1du Département Monnaie
Direction des Etudes et des Relations Internationales
I- Brève histoire de la monnaie
Du troc à la monnaie
Au cours de l’évolution de la société humaine,
la première forme de commerce était le troc1qui se
définit par l’échange d’un bien contre un ou
plusieurs autres pour satisfaire ses besoins et
améliorer son bien-être. Par exemple, un éleveur
qui avait besoin de bêches pouvait échanger son
bétail avec un ferronnier, qui devait, inversement,
avoir besoin d’acquérir du bétail.
Cette forme d’échange présentait des limites dans
les petites transactions courantes, en raison de
l’indivisibilité1 des objets. En effet, un éleveur qui
souhaiterait acquérir une bêche se trouverait
fortement lésé en échangeant un animal entier à
moins de le tuer et le découper. Un autre obstacle
pour le troc était la double coïncidence des désirs.
En fait, deux personnes ne peuvent troquer que si
l’une et l’autre exprimaient des besoins inverses au
même moment.
De ces contraintes, l’utilisation progressive d’un
bien, comme le sel entre autres, non plus comme
un bien de consommation, mais comme un moyen
d’échange, une monnaie marchandise, s’est établie.
Avec le temps, le sel qui était devenu trop facile à
se procurer perdait de sa valeur et ne pouvait plus
jouer le rôle de moyen d’échange. De là naissait la
monnaie qui permettait de s’affranchir de ces
limites. Elle s’est imposée comme intermédiaire au
cœur de toutes les transactions. Ces dernières sont
devenues plus commodes que le troc.
1
Les idées exprimées dans cet article ne reflètent que celles des
auteurs et n’expriment pas nécessairement la position de Banky
Foiben’i Madagasikara.
Les formes de la monnaie ont évolué avec la société
Aux prémices, les métaux précieux, notamment
l’or et l’argent, jouaient le rôle de monnaie du fait
de leur rareté et de leur malléabilité. Toutefois,
l’or demeurait l’étalon, car il inspirait la confiance
à tous.
« La confiance dans la monnaie est l’alpha et l’oméga
de la société. Institution fondamentale de la société,
la monnaie participe de la souveraineté. Avoir confiance
dans la monnaie, c’est avoir confiance dans l’institution
qui la légitime, dans le souverain, dans l’ordre social ».
Michel Aglietta2.
Fixer l’or comme étalon signifiait que l’unité
de compte correspondait à un poids fixe d’or
et que toute émission de monnaie devait avoir une
contrepartie et une garantie d’échange en or3.
Au fil du temps, l’utilisation de la planche à billets,
notamment pour financer les guerres, a fini par
entamer la convertibilité des billets émis en or et
créer la défiance du public vis-à-vis des monnaies
nationales. La crise des années 30 a provoqué une
série de dévaluations de la valeur des monnaies
nationales et a abouti sur les Accords de Bretton
Woods en 1944. Ceux-ci ont notamment établi la
valeur de l’once d’or à 35,0 dollars américains.
Cette parité était alors garantie par l’immense
stock d’or de la Federal Reserve. Les autres
monnaies étaient alors convertibles en dollars
américains selon des parités fixes. Au final, il en
ressort que chaque monnaie est rattachée
indirectement à l’or via le Dollar américain.
2
Economiste français spécialisé dans les questions de
régulations économiques.
3
Cet aspect est exposé plus en détail par Manda H.
Rakotomanana et Tiaray E. Razafimanantena dans une note
d’étude intitulée « Contribution de Banky Foiben’i Madagasikara
dans la stratégie pour la mise en valeur de la filière or», Bulletin
de BFM décembre 2019.
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La forme de la monnaie est passée d’un objet
ayant une valeur élevée comme les métaux
précieux à un objet purement symbolique fixé par
l’Etat n’ayant pas forcement de valeur intrinsèque.
De surcroît, la monnaie est devenue de plus en
plus dématérialisée avec l’apparition de solutions
alternatives aux métaux précieux telles que :
La monnaie fiduciaire [billets et pièces de
monnaie] ;
La monnaie scripturale [chèques,
virements, etc.] ;
La monnaie électronique [cartes
prépayées, mobile money, monnaies
cryptographiées, etc.].
----------------------
Peu importe sa forme, la monnaie
a trois principales fonctions
La monnaie se définit comme un instrument
financier caractérisé par trois fonctions
fondamentales : (i)-d’être un moyen de paiement pour
pouvoir acheter ou vendre des biens ; (ii)-d’être un
instrument de réserve de valeur qui conserve son pouvoir
d’achat sur une certaine durée et (iii) de servir d’unité de
compte, c'est-à-dire un moyen standardisé d'expression de
la valeur des biens, des transactions ou des stocks.
La monnaie est spécifique à un pays ou à un
ensemble de pays ayant décidé de mettre en
commun leur monnaie comme le Malagasy Ariary
(MGA), l’Euro (EUR) pour plusieurs pays
européens ou encore le franc CFA pour plusieurs
pays africains.
II- La monnaie dans l’économie
La monnaie peut être définie sur plusieurs niveaux
suivant un sens plus ou moins large, allant
généralement de la base monétaire (M0)
à la masse monétaire au sens large (M3).
 La base monétaire M0
Le premier niveau de mesure de la monnaie
est la base monétaire M0. Elle est définie comme
la quantité de monnaie, dite monnaie centrale,
que la banque centrale met en circulation.
Elle comprend ainsi essentiellement les billets
et monnaies [ou circulation fiduciaire]
et les réserves des banques auprès de la
banque centrale [ou Solde en compte des
banques(SCB)]. Pour le cas de Madagascar, les
premiers représentent actuellement environ
67,0 % de M0, tandis que les seconds
constituent environ 28,0 % de M0.
Le reste, les encaisses de ces mêmes banques,
représente environ 5,0 % de M0.
Une partie de ces réserves des banques
est obligatoirement conservée sur leurs comptes
auprès de la banque centrale. Il s'agit des réserves
obligatoires (RO) et sont proportionnelles aux
dépôts de la clientèle des banques commerciales.
Plus explicitement, supposons que le total des
dépôts de la clientèle d’une banque A se chiffre à
1 000,0 milliards d’ariary. Avec un coefficient des
RO de 13,0 pour cent, la banque A doit déposer à
la banque centrale les 13,0 pour cent des
1 000,0 milliards d’ariary, soit 130,0 milliards
d’ariary. C’est le montant des réserves requises.
Par ailleurs, il se peut que la banque A détienne
plus que ce qu’elle doit déposer auprès de la
banque centrale. Dans ce cas, la banque A est dite
en situation d’« excédent ». Dans le cas contraire, elle
est en situation de « déficit ».
Dans ses actions, la banque centrale cherche à
contrôler, par la mise en œuvre de la politique
monétaire, le niveau des réserves des banques,
car celles-ci peuvent à leur tour impacter le
niveau de la masse monétaire M3 et in fine le
niveau général des prix.
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  La masse monétaire M3
D’une manière très simple, la masse monétaire
représente l’ensemble des moyens de paiements,
immédiats ou différés, détenus par les agents
économiques non-financiers à un moment donné.
Mesurer la quantité de monnaie en
circulation dans l’économie pour asseoir la
politique monétaire
Dans cet angle, la masse monétaire révèle
la capacité des agents économiques à dépenser.
Par ailleurs, l’objectif d’une politique monétaire
peut se résumer par : pas trop de monnaie
dans l’économie, ni trop peu non plus.
Graphique 1. La composition de la masse
monétaire
circulation fiduciaire
+ dépôts à vue
= masse monétaire M1
+ quasi-monnaie (compte d'épargne et dépôts à terme)
= masse monétaire M2
+ dépôt en devises des résidents
+ obligations
= masse monétaire M3
La mesure de la masse monétaire n’est pas
suffisante pour comprendre le rôle de la monnaie
dans une économie. Elle ne permet pas en effet
d’identifier l’origine de la création monétaire4.
Pour mettre en œuvre sa politique monétaire,
la banque centrale doit déterminer les sources
de cette création monétaire. L’établissement
des statistiques monétaires regroupe justement
dans les contreparties de la masse monétaire
les opérations créatrices de monnaie selon chaque
secteur institutionnel de l’économie. Comme
chaque secteur constitue, par définition même,
un centre de décision autonome, il est aisé
d’identifier d’où provient la monnaie : du secteur
extérieur ou des secteurs domestiques [l’Etat,
les ménages et les entreprises]. On identifie ainsi
deux sources principales de la création monétaire :
Contrepartie extérieure
Elle enregistre les transactions du pays
avec le reste du monde. Ces transactions peuvent
faire varier le niveau de la masse monétaire.
4
Processus par lequel la masse monétaire d’une zone
économique est augmentée.
Autrement dit, la contrepartie extérieure constitue
une traduction monétaire de la balance
des paiements. Prenons l’exemple d’une
entreprise qui veut importer des matériels
de production, elle doit alors convertir l’Ariary
en devises pour payer le fournisseur à l’étranger.
Cette transaction se solde par une sortie
de devises et se traduit par une contraction
de la masse monétaire. A l’inverse, une
exportation engendre une entrée de devises
que l’exportateur va convertir en ariary, induisant
une hausse de la masse monétaire. A part les
échanges commerciaux sur les biens qu’on vient
de prendre pour exemples, toute entrée ou sortie
de devises résultant des transactions entre le pays
et le reste du monde entraine respectivement une
augmentation ou une diminution de la masse
monétaire.
Contrepartie intérieure
Les créances nettes sur l’Etat : L’Etat, en tant
qu’agent non-financier, est un pourvoyeur
de fonds, dans le but de financer son déficit.
Pour ce faire, il peut recourir à un financement
monétaire auprès de la banque centrale [avances
directes5] et/ou auprès des banques en procédant
par l’émission des titres publics. Ces diverses
formes de financement monétaire du déficit
public citées supra se traduisent par une
augmentation de la masse monétaire.
En revanche, le remboursement de ces avances
directes ou de ces emprunts publics engendrent
une contraction de la masse monétaire.
Les concours à l’économie : La création
monétaire peut également être le fait des banques
commerciales, par l’octroi des crédits.
Ce mécanisme de création monétaire est
enclenché lorsque les agents économiques non-
financiers [ménages et entreprises] effectuent une
dépense dépassant la capacité de ses propres
ressources à une date donnée. Les banques
commerciales leur fournissent alors des crédits
pour leur permettre de réaliser leurs projets. Pour
ce faire, ces banques créditeront le compte de
leurs clients du montant souhaité par un simple
jeu d’écriture. Les crédits font les dépôts, car ces
montants vont alimenter les comptes courants de
leur clientèle. Les banques ont donc le pouvoir de
création monétaire. Dans ce sens, l’octroi des
crédits aux agents économiques non-financiers
fait augmenter la masse monétaire.
5
« Faire fonctionner la planche à billets »
Page 3
A l’opposé, le remboursement de ceux-ci
engendre une diminution de la masse monétaire.
La politique monétaire de la banque centrale
consiste entre autres à maîtriser la création
monétaire car…
On entend par « politique monétaire » l’ensemble
des réglementations, instruments et stratégies mis
en œuvre par la banque centrale pour assurer sa
mission statutaire de maitrise de l’inflation6.
Pour ce faire, la banque centrale dispose
des instruments tels que le coefficient
des réserves obligatoires, le taux directeur,
le corridor des taux d’intérêts sur le marché
monétaire ou encore les opérations d’open
market. Par exemple, dans l’objectif de contenir
la création monétaire par les banques via l’octroi
de crédits, la banque centrale augmentera
le coefficient de réserves obligatoires. En fait, les
dépôts nés de ces nouveaux crédits nécessiteront
la constitution de plus de réserves sur les comptes
des banques à la banque centrale. Cette obligation
limitera les octrois de crédits dans la mesure où
les bénéficiaires retireront une partie des dépôts
dans leur compte sous forme de billets, que la
banque ne peut acquérir à la banque centrale qu’à
partir de ses avoirs restants auprès de cette
dernière. Cependant, un corridor des taux plus
bas serait un incitatif à la création monétaire
puisqu’avec un taux de refinancement à la banque
centrale bas, les taux accordés par les banques
pour les prêts seraient également en baisse et les
crédits bancaires seraient d’autant plus attrayants
pour les entreprises et les ménages.
…l’inflation est d’origine
sur le long terme
De la théorie économique aux analyses
empiriques, l’inflation est expliquée,
essentiellement sur le long terme, par le facteur
monétaire lorsqu’il y a beaucoup plus de monnaie
en circulation par rapport à la quantité de
monnaie nécessaire au volume des transactions de
l’économie. Sur un horizon à plus court terme, à
part le facteur monétaire, d’autres facteurs non
monétaires [déficit public, taux de change,
inflation extérieure, etc.] peuvent également être
sources de la hausse des prix.
« L’inflation est toujours et partout un phénomène
monétaire en ce sens qu’elle ne peut être générée que par une
6
Voir Loi n° 2016-004 du 29 juillet 2016, complétée par la loi
n°2016-057 du 2 février 2017, portant statuts de la Banque
Centrale de Madagascar.
augmentation de la quantité de monnaie plus rapide que
celle de la production ». Milton Friedman7
La « théorie quantitative de la monnaie » établit une
relation directe entre la quantité de monnaie en
circulation et le niveau général des prix.
En d’autres termes, le niveau des prix s’accroît
lorsque la quantité de monnaie augmente plus vite
que la quantité de biens et services échangés
dans l’économie, et diminue dans le cas contraire.
Bien que cette théorie fût déjà pensée avant le
17ème siècle, ce n’est qu’au début du 20ème siècle
que l’économiste américain Irving Fischer la
formula ainsi :
M×V=P×Y
Dans cette formulation, M est la quantité de
monnaie en circulation, V la vélocité de la
monnaie [nombre de transactions effectuées par
une unité de monnaie dans un laps de temps
défini], P le niveau des prix et Y le volume de
production [ou Produit Intérieur Brut].
Au sein du courant de « pensée monétariste »,
on suppose que V ne varie que peu et
que la quantité de monnaie en circulation n’a pas
d’impact sur le volume de production Y.
Ainsi, toute variation de la masse monétaire M
entrainera une variation du niveau des prix P.
Graphique 2. Evolution de la masse
monétaire et de l’IPC à Madagascar
monétaire
Source : BFM/DET
Le graphique ci-dessus montre les évolutions
de la masse monétaire et de l’IPC depuis 1980
jusqu’en 2019 à Madagascar. Il révèle très
clairement que l’évolution des prix est fortement
liée à celle de la monnaie. Chaque variation
de la masse monétaire est suivie par une variation
dans le même sens de l’inflation.
7
Economiste américain [1912 – 2006], Prix Nobel d’économie en 1976.
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 Peu importe les formes de la monnaie, elle a toujours joué un rôle primordial
dans l’économie et continuera de le jouer. Les agrégats monétaires constituent
à la fois un repère indicatif quant à l’évolution de l’économie et un outil important
d’aide à la décision pour la politique monétaire.

Pour une compréhension aisée, la monnaie est pour l'économie ce que le carburant
est pour une voiture. Pour rouler, une voiture a besoin de carburant, mais pas
seulement de carburant. On peut pousser une voiture sans carburant
[économie de troc], mais sa progression sera très lente. Le bon fonctionnement
d'une voiture dépend de la qualité du carburant, mais aussi des injecteurs
[canaux de transmission de la politique monétaire], du moteur,
des transmissions et des roues [économie réelle], de la carrosserie [contexte local],
de l'état des routes [environnement international] et de la fluidité de la circulation
[conjonctures mondiales].

D'un côté, s'il n'y a pas suffisamment de carburant, la voiture aura du mal à arriver
à sa destination.

De l'autre côté, s'il y a trop de carburant qu'on injecte dans le moteur,

ce dernier s’emballera et sera moins efficace [inflation] et cela risque même de noyer
le carburateur [stagflation].

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