Vous êtes sur la page 1sur 107

MACROECONOM1E MONETAIRE 1

Cours élaboré par Prao Yao Séraphin,


Enseignant-Chercheur à l'Université de Bouaké
Email : katythlinadja@gmail.com

1
PREMIÈRE PARTIE
DÉFINITIONS, FORMES ET MESURES DE LA MONNAIE

2
CHAPITRE 1 : LES DÉFINITIONS DE LA MONNAIE

Nous vivons dans des économies complexes et décentralisées où les opérations (de
production, de consommation etc.) reposent sur des échanges monétaires. Ces derniers sont
tellement nombreux que la monnaie est en nous, devenant un des modes d'expression de
l'homme, à tel point qu'un candide pourrait dire point besoin de définir la monnaie, lorsque je la
vois, je la reconnais. Mais la monnaie est difficile à définir. Une première définition estime que
la monnaie est un instrument de paiement Indéterminé, universel et immédiat. En prolongeant
cette définition essentiellement juridique, nous pouvons exhiber trois approches en vue de
préciser le concept de monnaie :
- Une approche historique et Institutionnelle ;
- Une approche fonctionnelle ;
- Une approche essentielle.

Section I : Approche historique et Institutionnelle


Sans chercher à présenter une histoire exhaustive de la monnaie, nous pouvons
esquisser une étude logique des étapes ayant caractérisé l'organisation des échanges et du
système bancaire en parlant d'une évolution plus logique qu'historique.

A- Les étapes dans l'organisation des échanges


Il s'agit de comprendre pourquoi un Instrument nommé monnaie devient l'unique
Intermédiaire dans les échanges, la seule contrepartie aux offres et aux demandes de tous les
biens sur tous les marchés. Dans une économie n'ayant aucun échange, on n'a pas besoin de
monnaie comme dans une économie d'autosubsistance, chacun vivant des produits de son
travail. Dans le même temps sous le contrôle d'une autorité centrale, une économie
communautaire peut se passer d'une monnaie dans la mesure où les besoins individuels peuvent
être satisfaits directement par le travail du groupe. Seules les nécessités de l'échange dans une
économie où les décisions sont prises de façon décentralisée commandent l'intervention d'une
monnaie. On pourrait certes concevoir que l'on puisse s'en passer, mais il nous faut montrer que
son introduction rend plus efficace le fonctionnement d'une économie décentralisée en
réduisant les coûts de l'échange,
Les coûts de l'échange sont de trois types :
- des coûts d'attente, aussi bien subjectifs (les agents devant différer la satisfaction de leur
besoin) qu'objectifs (frais de stockage et détérioration possible des biens entre deux

3
échanges) ;
- des coûts d'information. Le même bien étant vendu en plusieurs lieux (et temps) les
agents devraient connaître l'ensemble des prix en ces lieux (et temps) différents,
compliquant ainsi la prise de décision ;
- des coûts de transactions. Dans un échange bilatérale, chacun des deux partenaires doit
disposer du bien que l'autre veux acquérir (on parle des nécessité de «la double
coïncidence»: un agent offrant x contre y doit rencontrer un agent demandant x contre
y).
Les coûts d'attende CA augmentent logiquement avec le temps t séparant deux échanges.
Ces coûts sont donc une fonction croissante du temps. Quant aux coûts de transaction , Ils
sont d'autant moins élevés que l'attente entre les deux expéditions est longue et la quantité de
biens échangés importante. Ils sont fonction décroissante du temps séparant deux échanges. Les
coûts d'échanges sont donc la somme des deux coûts, CE. En vue de minimiser les coûts de
l'échange, si les agents sont rationnels, ils doivent opter pour une période de temps optimale
séparant deux expéditions. Pour minimiser de tels coûts, les agents se déplaçant et entrant en
relation ont le choix entre plusieurs modes d'organisation.
Certains biens choisis, de par leurs qualités Intrinsèques, sont acceptés par tous les
agents comme Instruments d'échange. C'est le stade de monnaie-marchandise résolvant
pleinement le problème de « double coïncidence » des désirs et réduisant les coûts d'échange.
Immuables, identifiables et transportables, certaines marchandises servent de moyen de
paiement et de réserve de valeur.
Mais progressivement, le métal (plomb, cuivre et, très rapidement, or et argent) prend la
première place dans les transactions, à la fois comme monnaie et comme marchandise, en
pensant notamment à l'or ou à l'argent en matière d'orfèvre. Dans ce double usage, II fallait que
ce métal ait une valeur garantie par son émetteur : mettant en évidence la nature judiciaire de
toute monnaie, tant il est vrai qu'une monnaie ne saurait exister sans être investie de la
confiance de celui qui la détient. Ainsi le 19è siècle a été marqué par la primauté de l'or, dont on
pouvait dire qu'il était la première des monnaies fiduciaires (Charles Rist, 1938). On considère
qu'il existe trois grandes étapes de la monnaie métallique.
D'abord la monnaie pesée ; on pèse l'objet métallique (blocs, lingots, pépites, pièces)
servant à l'échange afin d'en déterminer son contenu en métaux précieux et on en détermine, de
façon souvent très rudimentaire, sa teneur en cas de mélange avec d'autres métaux.
Ensuite la monnaie comptée : le métal est transformé en pièces de petite taille dont la
dimension et la teneur sont progressivement normalisées ; il suffit alors de compter les pièces

4
pour déterminer la quantité d'or ou argent que l'on transmet. Enfin la monnaie frappée : des
autorités, religieuses ou politiques, vont attester, par le sceau ou le signe qu'elles frapperont sur
les pièces, la valeur de celles-ci (titres et poids). En France, si l'on trouve encore au Moyen Age
de nombreuses monnaies locales, frappées par des seigneurs ou des autorités religieuses, la
frappe tend à s'étatiser sous l'autorité du roi jusqu'à la révolution de 1789. Après celle-ci, est mis
en place un nouveau système monétaire, appelé le bimétallisme or et argent et soumis aux
règles suivantes :
- or et argent circulent sous forme de pièces ;
- un rapport légal est établi entre les deux métaux : x grammes d'or valent y grammes
d'argent pour tous ;
- un cours légal leur est donné : chacun se devait de les accepter en règlement d'une
transaction.

B- Les étapes dans l'organisation bancaire


La banque s'est développée logiquement dans le cadre de la réorganisation permanente
des échanges dont elle assurait la fluidité. Dans le cadre d'un système de monnaies métalliques
(or ou argent), la banque a connu un essor grâce à sa double activité de gardienne des métaux et
de change entre ces derniers. En acceptant de conserver les métaux (contre une commission),
elle fonctionnait comme une sorte de coffre-fort. La banque remettait donc des certificats de
dépôts aux déposants, des billets de banque, attestant de la valeur des métaux reçus. Pouvant
être convertis à tout moment, les billets se substituaient aux métaux dans les échanges.
Dans un système où plusieurs agents (roi, seigneur etc.) avalent le droit de battre
monnaie, la banque Intervenait comme un agent de change en assurant (contre une commission)
la conversion des différentes monnaies entre elles. Les billets étant convertibles à tout moment
en métaux, les banques allaient bien vite s'apercevoir que, statistiquement, le stock de métaux
nécessaire pour assurer ces conversions était généralement Inférieur au stock de métaux
effectivement déposé par les clients. En effet, les clients d'une même banque, connaissant et
ayant confiance dans les billets de celle-ci, pouvaient les accepter en paiement et n'être pas
contraints de les échanger, dans un second temps, contre l'or, puisqu'ils étaient en mesure, à leur
tour, les employer comme moyen de règlement.
C'est ainsi que les banques vont se mettre à créer, par l'octroi de crédits, plus de billets
qu'elles n'avaient de métaux en caisse. Cette généralisation du billet de banque comme moyen
de règlement au détriment des métaux va avoir d'importantes Implications. Tout d'abord, avec
le développement de l'usage des billets progressait la tentation de voler. La conception du billet

5
de banque, en tant que moyen de protection, se détruisait d'elle-même. Il fallait trouver une
protection supplémentaire en demandant à la banque d'effectuer les transferts entre les clients.
Le paiement par chèque, par l'intermédiaire des dépôts bancaires, apparut alors : le chèque
n'étant rien d'autre qu'un document envoyé par le débiteur à son créancier, donnant pour
instruction à ce dernier de collecter les fonds auprès de sa banque. Au lieu de recevoir des
billets en contrepartie d'un apport d'or (ou de crédit accordé), les clients ouvraient des comptes
à la banque et pouvaient tirer sur ceux-ci afin de régler leurs dettes.

Section II : Approche fonctionnelle

La première approche nous a permis de comprendre comment la monnaie a


progressivement émergé dans les économies d'échange et comment elle a été institutionnalisée,
réglementée, par les autorités. Nous devons à présent préciser les fonctions qui vont expliquer
son utilisation, son perfectionnement en vue de rationaliser les échanges. Définir la monnaie
par ses fonctions est la méthode la plus développée en économie politique. Depuis Aristote, il
est devenu traditionnel d'attribuer trois fonctions à la monnaie : intermédiaire des échanges,
réserve de valeur et unité de compte. Pour autant, ces trois fonctions n'ont pas été remplies en un
jour par le coup de baguette magique d'un quelconque monarque éclairé, mais peu à peu, en
s'appuyant sur des véhicules variés et en se déduisant l'une de l'autre au cours d'une évolution
millénaire.

A- La monnaie comme intermédiaire des échanges

L'existence de la monnaie permet une diminution du flux d'information nécessaire au


bon fonctionnement d'un système décentralisé, comme nous l'avons vu précédemment, le
nombre des transactions, dans une économie non monétarisée, est nécessairement milité par la
contrainte de la «double coïncidence ». Imaginons une économie composée de trois agents A, B
et C, et trois biens 1, 2 et 3. Supposons dans un premier temps, que les trois agents détiennent ou
souhaitent détenir les trois biens. Dans ce cas, les échanges bilatéraux sont réalisables. Mais une
telle économie semble peu plausible puisqu'elle repose sur une abondance des biens. Les
agents, disposant de tous les biens existants, ont toujours une « monnaie d'échange ».
Supposons à présent, que tes agents détiennent les trois biens tout en souhaitant n'en
détenir que deux. Dans ce cas, les échanges bilatéraux sont toujours réalisables mais étant
donné les préférences, II y a bien un gaspillage des ressources puisque certains biens ont été

6
produits par les trois agents pour ne servir que d'intermédiaire dans les échanges.
Supposons enfin que chaque agent ne souhaite détenir que deux biens parmi les trois
disponibles : A détenant des quantités de biens 1 et 2 mais ne souhaitant pas détenir de biens 3,
B détenant des quantités de 2 et de 3 mais ne souhaitant pas détenir de biens i et C détenant des
quantités de 3 et 1 mais ne souhaitant pas détenir de biens 2. En supposant connus les termes de
l'échange, il est aisé de voir qu'aucun échange direct n'est possible.
En revanche, des échanges «triangulaires» sont possibles. Ainsi, A peut accepter du
bien 3 de la part de C afin de pouvoir l'échanger contre du biens 2 avec B. Cependant, ces
échanges impliquent de nombreux coûts (coûts d'attente, d'Information et de transaction). En
pratique, il faudra une « autorité centrale de marché » Informant l'agent A de l'intérêt d'accepter
le bien 3 de la part de l'agent C afin de pouvoir l'échanger avec l'agent B contre du bien 2.
L'existence de la monnaie permet de réduire les coûts de l'échange. Dans une économie
monétaire, la monnaie achète les biens et les biens achètent la monnaie ; mais les biens
n'achètent pas les biens (R.W CLOWER, 1967).
Dans une économie de troc, tous les biens sont tour à tour monnaie d'échange. En prenant un
monde à quatre biens A, B, C et D, et en supposant qu'un bien ne s'échange pas contre
lui-même, nous aurons les relations présentées dans le tableau 1.
Tableau 1 : Echange de troc
A B C D
A 0 X X X
B X 0 X X
C X X 0 X
D X X X 0

Tableau 2 : Echange monétaire


M B C n D
M 0 X X X
B X 0 0 0
C X 0 0 0
D X 0 0 0

Dans un monde à quatre biens, il y a donc 12 (soit 4(4-1)) relations potentielles. En


généralisant, une économie à n biens implique n (n-1) relations potentielles.

7
En revanche, une économie monétaire dans un monde à quatre biens (en prenant le bien
A comme intermédiaire des échanges, comme monnaie : A = M), implique les relations
présentées dans le tableau 1. Nous n'obtenons que 6 relations d'échange soit 2(4-1), et en
généralisant à un monde à n biens : 2(n-1) relations. En définitive, la monnaie réduit bien le
nombre des relations potentielles, mais elle les garantit. Dit autrement, les 2(n-1) relations en
économie monétaire ont toutes les chances d'être supérieures aux relations effectives parmi les
n (n-1) relations potentielles en économie de troc. La monnaie est donc nécessaire pour assurer
des échanges efficaces sur les marchés. Elle permet aussi de réduire les coûts de transaction
sans les éliminer.

B- La monnaie comme réserve de valeur

Dans une économie monétaire, un agent ayant vendu un bien contre de la monnaie peut
ne pas souhaiter dépenser celle-ci immédiatement. En ce sens, la monnaie détenue constitue un
moyen de reporter un pouvoir d'achat dans le futur. C'est donc ici un comportement de
détention d'encaisses monétaires qui se justifie par :
- L'absence de synchronisation entre les recettes et les dépenses : si à chaque fois qu'un
agent voulait dépenser son argent, il bénéficiait d'une rentrée de fonds, il n'aurait pas
besoin de détenir une encaisse, cet argent passerait de mains en mains. Or dans la réalité,
les périodicités des dépenses et des recettes sont généralement différentes.
- L'Incertitude concernant certaines dépenses futures imprévues a priori et certaines
recettes futures dont la valeur n'est pas garantie. Mais a priori, la plupart des biens
durables peuvent constituer une réserve de pouvoir d'achat. Mais la préférence des
réserves monétaires s'explique par au moins deux arguments : la liquidité et le risque. La
liquidité est la propriété qu'ont certains biens d'être immédiatement disponibles sans
coût de transformation ni risque. En termes de risque de perte en capital, la monnaie,
ayant une valeur étable hors marché, conserve le pouvoir d'achat à court terme de
meilleur façon que les actifs financiers (actions, obligations etc.) qui peuvent à tout
moment perdre de leur valeur.

En résumé, l'instrument dans lequel les agents acceptent de mettre en réserve du pouvoir
d'achat doit être à la fois liquide et sans risque. Ces deux propriétés étant le mieux vérifiées dans
le cas de la monnaie, cette dernière sera définie comme la liquidité par excellence (J .M.
Keynes, 1936).

8
Par cette fonction, la monnaie se définit comme un actif financier, elle est immergée
dans le spectre d'une multiplicité d'actifs financiers dont elle constitue un substitut.
C- La monnaie comme unité de compte
La monnaie a une troisième fonction : celle d'unité de compte. Sans monnaie, dans une
économie marchande, il y a autant de prix que de paires de biens, de types d'échanges entre
deux biens. Le rôle d'unité de compte est celui de la monnaie comme Instrument de mesure de
la valeur relative de biens hétérogènes. S'il y a n biens, Il y a n (n-1)/2 prix relatifs dans une
économie de troc. Pour opérer ses arbitrages dans un système de troc, chaque consommateur
doit avoir en tête tous ces prix. Si un de ces biens est utilisé comme étalon des valeurs, alors le
système des prix est profondément simplifié. La présence de monnaie permet de ramener le
nombre de n (n-1)/2 à (n-1): le prix de chaque produit, exprimé en monnaie, moins le prix de la
monnaie par rapport à elle-même (soit 1 nécessairement). Il suffit alors de connaître les n-1
expressions de la valeur des autres biens dans le bien choisi comme monnaie pour connaître
l'ensemble des rapports de valeurs des n biens. La monnaie permet donc d'établir une échelle de
prix simple et unique, exprimée en unités monétaires. Mais une "vraie" unité de compte ne peut
avoir de valeur par elle-même sauf à varier. Or, c'est bien ce que les hommes ont fait en
utilisant, pendant de brèves périodes historiques, comme valeur monétaire, des biens ayant
eux-mêmes un certain prix. Toutefois, durant la majeure partie du Moyen-Âge, le Prince
demeurait le "maître des mesures" : il imprimait son sceau et fixait les valeurs monétaires qui
différaient, la plupart du temps, de celles du métal Incorporé. En résumé, au fur et à mesure que
les hommes amélioraient leur manière de cultiver la terre, de chasser, de pêcher ou de se
défendre, ils se seraient aperçus qu'il valait mieux que chacun se spécialise dans l'activité où II
était le plus doué. Lorsqu'on chasse avec une lance en bois, on peut soi-même produire cette
lance puis s'en servir pour tuer le gibier. Si cette lance a une pointe en bronze, l'extraction du
minéral, sa transformation en métal puis en point exigent beaucoup plus de temps. Tellement de
temps qu'on risque de ne plus avoir celui va chasser. Il vaut mieux que certains soient forgerons,
d'autres chasseurs, et que les forgerons échangent des lances contre de beaux cuissots de
sangliers ou de biches. [...] Toutefois, cet échange économique non monétaire (le troc) ne peut
avoir qu'un développement restreint. Il suppose que celui qui possède ce que vous désirez
accepte en échange ce que vous possédez. Pour faciliter les échanges, les hommes ont été
incités à introduire un bien Intermédiaire : la monnaie, que tout le monde désirait et qui se
conservait aisément. Son introduction permet de décomposer le troc en deux opérations
distinctes. Dans un premier temps, on vend contre de la monnaie ce qu'on possède
(éventuellement son travail) à ceux qui le désirent. Dans un second temps, on achète au moyen

9
de la monnaie gagnée les produits que l'on désire à ceux qui le possèdent. [...] La monnaie se
présente donc comme un bien Intermédiaire qui facilite l'échange. La monnaie permet alors non
seulement de décomposer l'échange, mais aussi de comparer la valeur de biens entre eux (par
exemple, X unités de monnaie = un sanglier = une hache en bronze).
Mais cette approche n'explique pas la nature de la monnaie. C'est cette dimension
essentielle de la monnaie que nous abordons à présent.

SECTION III. Approche essentielle

Il s'agit ici de dépasser les dimensions traditionnelles de la monnaie restreintes au seul


champ de l'économie, pour appréhender ses dimensions historiques et sociopolitiques.

A- Le dépassement des dimensions traditionnelles de la monnaie


La dimension fonctionnelle se contente de dire ce que fait la monnaie et non ce qu'elle
est, supposant déjà connu son statut. Pour certains économistes, pour définir la monnaie, on doit
procéder comme le fait l'analyse microéconomique pour tout bien, en étudiant le marché des
services qu'elle rend.
Dans sa dimension institutionnelle, la monnaie serait apparue progressivement à travers
un processus de rationalisation des comportements humains, il y aurait eu le troc, ensuite les
hommes auraient compris l'intérêt des échanges sur des marchés, puis grâce à une
monnaie-marchandise, enfin par le biais d'une monnaie totalement dé matérialisée. Dans sa
dimension purement individuelle, la monnaie offre la liberté de choisir te bien, l'offreur de
celui-ci, le temps et !e lieu de toute transaction.
Dans sa dimension temporelle, elle constitue le « lien par excellence entre le présent et
le futur» (Keynes 1936). Elle est un moyen d'apaiser notre inquiétude face à un avenir incertain
et non probabilisable.
La préférence pour la liquidité étant une sorte de baromètre mesurant notre degré de
confiance dans l'évolution de l'économie. Mais finalement qu'est-ce que la monnaie ? Cette
question par laquelle Il fallait bien commencer, n'admet pas de réponse simple, acceptée par
l'ensemble des économistes, ni sous l'angle empirique, ni sous l'angle théorique. Notre
préoccupation à ce stade de notre réflexion, est de dissiper le « nuage épais » qui enveloppe les
contributions sur la nature de la monnaie. La monnaie, rassurons-nous n'est pas un bien
industriel comme le pain. Elle n'est pas une marchandise. La monnaie a plusieurs dimensions.

10
B- Les différentes approches essentielles de la monnaie

1) Les origines de la monnaie selon la vision "morphogénètique" ( Cf.J-P DUPUY ).

René Girard, philosophe français vivant aux Etats-Unis et enseignant à l'Université Stanford de
Californie, a donné une explication universelle du fonctionnement social. Selon lui, le
problème fondamental auquel est confronté tout ordre social, est la canalisation de la violence,
née du désir mimétique d'appropriation. En effet, l'homme est la créature qui, au-delà, des
besoins essentiels, désire intensément mais sans savoir vraiment quoi : il en vient donc à désirer
ce que l'autre désire (cette théorie s'oppose à la vision freudienne, où l'homme désire sa mère
par exemple).
Dès lors, la rareté inhérente à la condition humaine fait que chaque bien est susceptible d'être
convoité par plusieurs individus, qui risquent d'utiliser la violence pour en exclure les autres
(«rivalité mimétique»).
Par l'avènement du sacré, les sociétés vont parvenir à transformer ce mimétisme d'appropriation
en mimétisme d'exclusion. Le stratagème consiste à trouver une victime émissaire, sur laquelle
sera focalisée la violence, ainsi exclue du champ social quotidien. Cette logique expliquerait
des pratiques extrêmement diverses, telles que les rites sacrificiels (Abraham sacrifiant un
bélier pour épargner son fils, ou les assertions du grand prêtre CAÏPHE dans la passion du
Christ "il vaut mieux qu'un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas
toute entière" Evangile selon St Jean), ou la prohibition de l'inceste.
Dans ce dernier cas, pour extirper la violence née du désir de possession des femmes, de
l'intérieur du cercle familial, on détourne vers l'extérieur les stratégies de conquête. Ce qui
aboutit à la consécration de la logique de l'échange : un groupe donne un homme, l'autre une
femme. Ce type d'unions matrimoniales était dans les sociétés traditionnelles, l'occasion de
circulation de richesses matérielles et symboliques.

Par extension, dans la société marchande, l'échange d'objets permet de dévier le désir
mimétique de l'individu en tant que tel, vers la possession desdits objets, grâce à une monnaie
qui polarise toute violence. Pour M. AGLIETTA et A.ORLEAN, dans La violence de la
monnaie, la généralisation des rapports monétaires dans le cadre du système capitaliste relève
de cette même dynamique. La monnaie serait donc in fine, première : elle fonde l'économie
marchande (les échanges de troc ne seraient donc pas préalables aux échanges monétaires). Elle
est aussi plus généralement, la base du social, dans la mesure où elle est-ce bien, qui incarne,

11
une violence polarisée exclue, mais aussi cet équivalent général, qui permettra de représenter
institutionnellement le social (mesure de la valeur comme nombre).

2) La monnaie comme une créance à vue

La monnaie est une créance à vue des agents économiques sur le système bancaire; c'est
quelque chose que la banque nous doit. Du point de vue des Institutions financières monétaires,
c'est une dette qui circule dans l'économie. De ce point de vue, il est impossible de dissocier la
monnaie du système monétaire d'où d'ailleurs l'Importance des banques dans une économie
monétaire de production.
3) La monnaie comme un fait social
La monnaie a une dimension sociale. La monnaie est en effet, le mode spécifique de
socialisation du travail, lorsque ce dernier s'effectue sur la base d'une production privée. Les
productions Individuelles ne peuvent être mises en relation que par l'intermédiaire d'un
équivalent général. En clair, le passage de la production communautaire (le cas d'une économie
coopérative) aux productions individuelles (dans une économie monétaire), commande
l'instauration d'un numéraire pour mettre en relation ces dernières, les socialiser (c'est-à-dire
assurer la cohérence du système en garantissant la viabilité des différentes productions).
La monnaie est certes une technique mais c'est aussi un phénomène social qui met en jeu des
relations humaines et pas simplement une technique. L'enjeu principal de la monnaie est
toujours l'appartenance à une communauté de valeurs. Or, cette appartenance s'inscrit dans des
formes relativement différentes selon les époques et les sociétés. La monnaie est une institution
qui exprime et conforte les valeurs globales de la société où elle existe.
4) La dimension conventionnelle de la monnaie
La monnaie apparaît en définitive, comme une convention, dans la mesure où elle constitue un
accord de fait pour l’ensemble des individus, qui se révèle, à l’usage, d’une grande commodité
pratique, mais dont il est impossible d’expliquer de façon expérimentale (donc scientifique),
l’essence (H. POINCARE). Elle est un signe qui est l'émanation du social : "la valeur de la
monnaie n'est autre chose que ce que la société décide d'y voir" (J-B. RUFFINI).
La monnaie est générée par une convention marchande : J'accepte la monnaie car autrui
l'accepte. La qualité d'une monnaie se mesurera, dès lors, à l'aune de son aptitude à conserver sa
valeur d'une période à l'autre et de sa capacité à inspirer confiance à ses utilisateurs. Ce
minimum de cohésion sociale et de confiance, qui est au fondement même de toute monnaie,
émane soit d'un acte de foi (acceptation générale du numéraire par la communauté), soit d'un

12
édit des autorités qui l'établit comme cours légal dans un territoire donné.
Dans le premier cas, la monnaie peut provenir soit d'une coutume immémoriale, soit
d'une convention émergeante ou librement négociée, ou encore être le résultat d'une
concurrence entre monnaies privées où une a fini par s'Imposer dans un vaste réseau d'échange.
Dans le second cas, la monnaie est la production d'un monopole d'État qui impose le
médium d'échange et tente de le contrôler. La puissance publique tire profit de cette situation à
divers échelons : la monnaie sert, à la fois, de source d'unité symbolique du pays, de source de
revenu pour l'État et de moyen d'indépendance politique, le pays ayant sa propre devise.
Georges Simmel met pour sa part en avant que si la monnaie ne doit rien dans sa genèse, à
l'Etat, un fonctionnement viable ne peut cependant être garanti par celui-ci. C'est dans cette
filiation que se situe l'approche étatique de Knapp (1973) à laquelle fait référence J.M. Keynes
dans le «Treatise on Money». Cette approche peut être résumée ainsi: « la monnaie est une
créature de la loi », c'est-à-dire du droit. En fait, selon Knapp, l'Etat sélectionne et impose une
forme-monnaie en choisissant une certaine unité et en lui donnant une validité sur un territoire
qui correspond à son espace national. Ainsi, l'acceptation inconditionnelle de la monnaie par les
individus est garantie par l'État.
Il s'agit de dire que c'est l'autorité politique représentative qui, dans un espace national
donné, fait battre monnaie et lui donne cours légal, un principe repris, après bien des
vicissitudes, du droit romain. Bien qu'elle soit un enjeu entre les classes sociales et un
instrument de domination des uns sur les autres, la monnaie est aussi un bien public. Elle ne
peut exister que par la légitimation politique qui lui donne la capacité d'être un pouvoir d'achat
immédiat ou futur, garantissant son rôle de réserve à travers le temps.
5) Les dimensions historiques et sociopolitiques de la monnaie
Les historiens nous rappellent que les Lydiens auraient été les premiers à frapper et à
mettre en circulation des pièces d'or et d'argent. Par ailleurs, tes historiens disent également que,
en Grèce antique, les citoyens libres ne pouvaient exercer ni commerce ni, plus tard, d'activité
d'argent. Ces activités étaient réservées aux esclaves et surtout aux étrangers résidents dans les
cités. Il y avait une segmentation entre le gros et le petit commerce (J.M. Thiveaud, 1999). Le
premier ou le négoce maritime, était fondé, à l'origine, exclusivement sur des marchandises et
n'a utilisé que très tardivement la monnaie. A contrario, le petit commerce a été immédiatement
associé à la monnaie. La politique et l'économie sont étroitement liées. Comment peut-on
justifier par exemple une monnaie dotée du caractère libératoire de l'impôt, si celle-ci ne
relevait que du seul domaine économique ? On sait que la confiance des agents dans la monnaie
dépend de sa capacité à permettre de se libérer des dettes tant privées que publiques. Finançant

13
les activités économiques et politiques, la monnaie assure la cohérence entre projets sociaux et
privés. Au même titre que l'interdiction (ou le contrôle) de la violence dans les échanges
économiques commande l'intervention du politique, l'action de ce dernier ne peut pas ignorer
les contraintes économiques dans ses prélèvements obligatoires. La monnaie a également liée à
la souveraineté. Les nations se sont construites autour de la monnaie et autour d'un roi qui avait
le pouvoir de battre monnaie. Au 19ème siècle, l'unification progressive de l'Allemagne s'est
faite à partir du Zollverein, mais aussi par une monnaie commune : le Thaler (1857). A l'heure
actuelle, le pouvoir monétaire est perçu comme un élément de la souveraineté nationale : ses
capacités régulatrices lui viennent de son aptitude à représenter les valeurs qui sont au
fondement de la communauté d'échanges. Pour Charles Loyseau, dans son «Traité des
seigneuries» (1669) : « ...la souveraineté est du tout inséparable de l'Etat, auquel, si elle était
ôtée ne serait plus un Etat. Car, enfin, la souveraineté est la forme qui donne l'être à l'Etat, voire
même l'Etat et la souveraineté prise in concrète sont synonymes et l'Etat est ainsi appelé, pour
ce que la souveraineté est le comble et période de puissance où II faut que l'Etat s'arrête et
s'établisse». La souveraineté s'affirme ad externa. Concrètement, elle s'exerce sur un territoire
délimité- la première fonction du roi étant de tracer la ligne qui situe le domaine de la couronne
dans l'espace, et qui marque sa libre existence face à toute autre puissance extérieure contre
quoi le moyen militaire peut être requis.

14
CHAPITRE 2 : LES FORMES ET LES MESURES DE LA MONNAIE

Parmi les formes monétaires, après avoir distingué les moyens dés paiement et les
moyens d'épargne, nous préciserons les différentes mesures de la monnaie en présentant les
agrégats monétaires.

Section I : Les formes de la monnaie

A- Les actifs monétaires ou moyens de paiement

En s'attachant à l'aspect matériel de la monnaie, on constate celle-ci se présente


actuellement sous deux formes i la monnaie manuelle et la monnaie scripturale.

1) La monnaie manuelle

Durant des siècles, sous la forme de l'or ou de l'argent, la monnaie manuelle a été la
forme prépondérante de la monnaie à l'échelle nationale comme à l'échelle internationale. La
monnaie manuelle ou fiduciaire correspond aux pièces métalliques et aux billets. Dans le passé,
l'usage simultané de l'or et de l'argent comme monnaie (Le bimétallisme or-argent) a été institué
en France par une loi des 7 et 17 germinal an XI (28 mars et 7 avril 1803). Les deux métaux
circulaient librement et étaient liés par une parité fixe. La loi de Germinal établissait deux
égalités entre le franc F (qui n'était qu'une unité de compte) et les métaux : 1F=
5g d'argent; 1 F = 0,333 g d'or.
Le bimétallisme a été abandonné en 1876 au profit d'un monométallisme o, dans le
cadre du système de l'étalon or (gold standard) ou, plus précisément, du système de l'étalon
espèce-or-gold spécial standard) en raison de la circulation effective des pièces d'or ; ce dernier
fut le système monétaire universel jusqu'en 1914.
1.1- Les billets
Les premiers billets apparaissent en Chine, pays où fut inventé le papier (3e siècle avant J.C.)-
Les plus anciens billets sont émis en Chine au début de la dynastie des Song du Nord
(960-1127) et leur emploi va se généraliser entre le 12 et le 14e siècles. Aujourd'hui le billet,
monnaie « légale » que l'on ne peut pas refuser en paiement, reste important dans les
transactions courantes et son usage est grandement facilité par le développement des cartes
bancaires et des distributeurs automatiques de billets.

15
1.2- Les pièces métalliques

Les pièces s'appellent aussi la «monnaie divisionnaire», puisqu'elles permettent la


division de l'unité de compte. Elles sont faites d'alliage de nickel et de cuivre, sans grande
valeur intrinsèque comme par le passé. Les valeurs réelles et faciales diffèrent grandement.
L'histoire monétaire nous enseigne que lorsqu'une monnaie est préférée aune autre, tes agents
économiques ont tendance à la thésauriser et à n'utiliser que la seconde monnaie comme moyen
de règlement. Connue sous le nom de « loi de Gresham », résumée par la célèbre formule, « la
mauvaise monnaie chasse la bonne », cette tendance se retrouve au niveau des pièces
contemporaines.
2) La monnaie scripturale
Elle désigne les dépôts à vue possédés par les agents économiques dans les comptes courants
(dépôts à vue) des banques et de la Poste. Elle circule grâce aux chèques (qui ne sont pas de la
monnaie mais un instrument de paiement), aux virements bancaires et aux cartes de crédits. On
l'appelle scripturale (du latin «scriptus » qui signifie écrit) car elle est créée par de simples Jeux
d'écritures et correspond à des sommes qui sont inscrites dans les registres de banques, La
monnaie scripturale a plusieurs avantages :
La commodité ; on peut payer une certaine somme, juste avec une écriture avec la présentation
de l'un des supports : pas de présentation de monnaie ;
- La sécurité : de vols (est-ce toujours vrai avec internet ?) ;
- La rapidité : principalement avec le paiement par carte ;
- Limite le travail au noir;
- La justification : l'existence de documents écrits qui peuvent servir de preuve devant les
tribunaux.
Mais il faut tout de même éviter de confondre la monnaie scripturale avec ses supports ou
Instruments. Par ordre d'importance décroissante, les supports sont, actuellement en France, les
suivants : le chèque pratiquement à égalité avec la carte bancaire, le virement, l'avis de
prélèvement, le TIP ou titre interbancaire de paiement.
Le chèque est un écrit par lequel le titulaire d'un compte (le tireur) donne l'ordre à sa
banque (le tiré) de remettre à un tiers bénéficiaire (le porteur), sur présentation de cet écrit, une
somme déterminée, lui appartenant et disponible. Le chèque peut être au porteur: le bénéficiaire
n'est pas désigné, par opposition à un chèque à personne dénommée. Le chèque peut être à ordre
: la transmission doit être effectuée par endossement. Un chèque en blanc est un chèque signé

16
mais sur lequel la somme à payer n'est pas indiquée. Le chèque barré est un chèque qui ne peut
être encaissé que par une banque. Un particulier ne peut pas l'encaisser par voie d'endossement
et il n'est pas payable à vue. Ces chèques sont émis par les banques à la demande du particulier.
Le particulier pourra ensuite s'en servir librement mais l'endossement devra obligatoirement
passé par le compte d'Une banque. Le compte du bénéficiaire du chèque n'est pas directement
crédité. La banque du bénéficiaire joue donc un rôle d'intermédiaire servant de garanti
supplémentaire à la personne qui a délivré le chèque. Ainsi le titulaire du chèque est protégé
contre tout abus suite au vol ou à la perte de son chéquier. Le plus souvent, ce type de chèque est
délivré gratuitement par la banque.
La carte bancaire est une carte délivrée par un établissement de crédit comportant, le
plus souvent, une puce électronique et une piste magnétique permettant, selon le cas, d'effectuer
des retraits dans les distributeurs de billets et/ou des retraits et des paiements auprès des
commerçants.
Un avis de prélèvement est un moyen de paiement automatisé adapté aux règlements
répétitifs dispensant le débiteur de l'envol d'un titre de paiement lors de chaque règlement. C'est
essentiellement un double mandat permanent mais révocable donné par le débiteur à son
créancier pour l'autoriser à émettre des avis de prélèvement payable sur son compte ; à sa
banque pour l'autoriser à débiter son compte.
Un virement bancaire est une opération de transfert de fonds d'un compte à un autre. Il
s'effectue électroniquement entre deux comptes bancaires, qui ne sont pas nécessairement tenus
dans la même agence ou la même banque. Depuis 2008, les virements bancaires font l'objet
d'une harmonisation au niveau européen.
Le paiement par TIP (Titre Interbancaire de Paiement) est un moyen de paiement simple. Il
accompagne une facture (société, organisme, etc.) et vous permet de la régler ponctuellement
(loyer, facture de téléphone ou d'électricité) à distance sans avoir besoin d'émettre un chèque. Il
vous suffit de signer le TIP et de le renvoyer, accompagné de votre relevé d'identité bancaire, à
votre créancier.
3) Le paiement électronique et la monnaie électronique
Le développement d'Internet et l'explosion des ordinateurs portables fait qu'il est
désormais peu coûteux de payer électroniquement. Au lieu d'envoyer un chèque on peut se
connecter sur le site internet de sa banque et en quelques secondes transmettre un ordre de
paiement pour régler ses factures. C'est un moyen de paiement qui devient de plus en plus
répandu. Le paiement électronique peut non seulement se substituer au chèque, mais peut aussi
remplacer le numéraire sous forme de monnaie électronique. La première forme de monnaie

17
électronique est appelée carte de crédit. Il en existe d'autres (cartes prépayées ou portemonnaie
électronique).
B- Les actifs liquides ou moyens de placement
Les actifs non négociables sont constitués de l'ensemble des placements à vue auprès
des intermédiaires financiers, c'est-à-dire des créances émises par les établissements de crédit et
le Trésor remboursables à leur guichet à leur valeur faciale. Il s'agit des comptes sur livret
ordinaires, des comptes sur livret privilégiés et des placements à court terme contractuel.

1) Les comptes sur livrets ordinaires

Les comptes sur livret ordinaires sont des placements à vue, non plafonnés, ne pouvant
être utilisés directement comme moyens de paiement, rémunérés à un taux faible (2 % en 1999)
fixé par les organisations bancaires et dont les intérêts sont soumis à l'impôt. Ils sont de deux
sortes selon l'émetteur : les livrets ordinaires des banques et les livrets B des Caisses d'épargne.

2) Les comptes sur livrets privilégiés

Les comptes sur livrets privilégiés sont des placements à vue rémunérés à un taux
réglementé et dont les intérêts sont exonérés d'impôt. Leurs règles de fonctionnement sont
diverses et dépendent des objectifs qui leur sont assignés.
 Les comptes d'épargne logement (CEL) peuvent être ouverts auprès des banques et des
Caisses d'épargne, ils donnent droit, dans certaines conditions, à l'obtention d'un prêt à faible
taux d'intérêt.
 Les comptes pour le développement industriel (CODEVI) ont été créés afin de donner
aux banques un instrument comparable aux livrets A et bleus. Ils ont les mêmes caractéristiques
de rémunération que ceux-ci, mais le plafond des dépôts est Inférieur.
3) Les placements à court terme contractuels
On peut en citer au moins cinq :
- Les livrets d'épargne populaire (LEP) ont été créés afin de protéger l'épargne populaire
de l'inflation.
- Les plans d'épargne logement (PEL) peuvent être ouverts dans les banques et les caisses
d'épargne ;
- Les plans d'épargne populaire (PEP) sont des contrats collectifs d'assurance sur la vie.
Ils ont pris la suite des plans d'épargne retraite qui, insuffisamment attrayants, n'avaient

18
pas obtenu le succès escompté. Gérés par l'organisme collecteur, ils permettent la
constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières (cotées) et immobilières, y compris
sous forme de parts de SICAV, bénéficiant d'avantages fiscaux si la durée de placement
est supérieure à une certaine durée (8 ans).
- Les plans d'épargne en actions (PEA) ont été créés afin d'attirer l'épargne populaire vers
Les marchés financiers et bénéficient d'avantages fiscaux si la durée de placement est
supérieure à une certaine durée (5 ans). Les dépôts à terme et bons de caisse, d'une durée
de 1 à 3 mois essentiellement, sont des dépôts bloqués librement rémunérés, qui peuvent
néanmoins faire l'objet de retraits avant terme moyennant une réduction du taux
d'intérêt selon un barème fixé à l'avance. Ils permettaient aux ménages fortunés, avant la
déréglementation financière, d'avoir accès au marché monétaire.

4) Les actifs liquides négociables


Placements à Court terme en titres négociables sur le marché des capitaux. Ces placements ont
un rendement financier de marché et sont convertibles en moyens de paiement par négociation
sur un marché. Leurs formes actuelles sont les titres de créance négociables (TCN) émis par des
institutions financières, titres d'OPCVM monétaires. OPCVM : organismes de gestion de
portefeuilles investis en titres à + ou - courte échéance de remboursement. On distingue les
SICAV (sociétés d'Investissement à capitaux variables) et les FCP (fonds communs de
placements). Pour se financer, ces organismes émettent des parts qui sont souscrites par les
ANF.
Les fonds déposés sous forme d'apports liquides par les déposants constituent leur
passif et sont divisés en parts émises selon le même principe que les parts du capital social d'une
société par actions, mais continûment et à la demande. Les fonds sont Investis dans l'achat de
titres financiers qui constituent l'actif de l'OPCVM. Ces formes de placement présentent de
grands avantages pour les Investisseurs, surtout pour les petits épargnants. Gérés par des
spécialistes, Ils réduisent le manque d'information ou l'asymétrie d'information des
investisseurs qui ne peuvent être en permanence sur les marchés financiers. Ils forment un
marché de la gestion d'actifs financiers sur lequel peuvent être comparées continûment les
performances des gestionnaires et qui leur impose d'afficher les résultats les meilleurs
possibles, ce qui tend à accroître la rentabilité moyenne des placements.

19
Les titres du marché monétaire.
Le marché monétaire consiste en échanges de monnaie contre dette. Il fonctionne largement par
l'échange de titres négociables mais peut comporter des prêts directs, spécialement entre
institutions financières s'il s'agit du compartiment interbancaire. Les titres de créances
négociables ont été créés par les décisions du Conseil des ministres de l'UMOA en date du 21
Décembre 1995 et du Conseil d'administration de la BCEAO en date du 20 Décembre 1995.
Les règlements N° 96-02 et N° 96 - 03 de la BCEAO définissent les modalités d'émission des
bons du Trésor, des certificats de dépôts, des bons des établissements financiers et des bons des
Institutions financières régionales.
Tableau 1 : Instruments échangés sur le marché monétaire de l'UEMOA
Instruments Emetteurs Durée
Bon du Trésor Gouvernement 7 jours- sans

Billets de Trésorerie ou
Entreprises 7jours-2ans
commercial paper

Institutions financières
Bons des établissements financiers 7 jours- 7 ans

Certificats de dépôts Banques 7 jours - 7 ans

Bons des institutions financières


BOAD 7 Jours- 7 ans
internationales
Source : BCEAO

Tableau 2 : Les conditions d'émission sur le marché monétaire


Instruments Conditions Valeur nominale
Bons de Trésor - 1000000 FCFA
Capital au moins de 100 millions,
Billets de trésorerie bénéficié d'un accord de classement ou 1000000 FCFA
une garantie

Bons des établissements L'encours des bons doit être inférieur à


1000000 FCFA
financiers 25% de leur emploiµ
Certificats de dépôts
Respect du dispositif prudentiel 1 000000FCFA
Bons des institutions L'encours des bons doit
financières régionales 1 000000FCFA
être inférieur à 25% de leur emploi
Source : BCEAO

20
Les principaux titres émis sur le marché monétaire de l'UEMOA sont :
- Les bons du Trésor à taux fixe, ou BTF émis par l'Etat qui font l'objet d'adjudication ; la
durée à l'émission des BTF varie de 7 semaines à a ans. Leur valeur nominale est égale à
1 000000 FCFA. Le taux est fixe, les intérêts sont précomptés et le taux in-fine.
- Les billets de trésorerie sont émis par entreprises. Le taux est in fine, fixe et la durée est
comprise entre 7 jours et 2 ans,
- Les certificats de dépôts sont émis par les banques. Les intérêts sont post ou pré-
comptés leur durée varie entre 7 jours et 7 ans. Le taux est in fine et fixe.
Section II : Les mesures de la monnaie

A- Les agrégats comptables


Par les regroupements opérés, le principal souci des autorités qui ont en charge la conduite de la
politique monétaire est de savoir si la quantité de monnaie en circulation est d'un volume
suffisant pour financer les transactions de sorte qu'elle ne freine pas la croissance économique
tout en ne relançant pas les tensions inflationnistes. Feront partie de la masse monétaire, les
moyens de paiement au sens strict (pièces, billets, dépôts à vue), mais aussi tous les actifs
susceptibles d'être transformés en moyens de paiement, sans délai important, ni risque de perte
en capital. Les agrégats monétaires sont définis par la banque centrale (approche de la banque
centrale européenne) sur la base d'un critère de classement des instruments et en distinguant les
types d'agents.
1) Les différents agents

On a les secteurs émetteurs et détenteurs de monnaie :


Le secteur émetteur de monnaie regroupe les institutions financières monétaires (IFM)
résidentes de la zone UEMOA dont les exigibilités vis-à-vis des non-IFM situées dans la même
zone (à l'exclusion des administrations centrales) présentent un caractère fortement monétaire.
En général, les IFM englobe la Banque centrale, les établissements de crédit au sens de la loi
bancaire, la Caisse des dépôts et de consignations (le cas de la France), les OPCVM monétaires,
le Trésor public et la Banque postale en tant que collecteurs de dépôts (comptes chèques
postaux, comptes ouverts auprès des caisses nationales d'épargne et compte du Trésor).
Le secteur détenteur de monnaie recouvre l'ensemble des non-IFM résidentes de la zone
UEMOA, soit : les ménages, les sociétés non financières, les gouvernements d'Etats fédérés
(s'ils existent), les collectivités locales et les administrations de sécurité sociale.

21
2) Le critère de classement
Les autorités ont retenu le critère le plus simple permettant d'harmoniser le classement des
dettes utilisées. Ce critère est celui du degré de liquidité des instruments. Les agrégats
monétaires permettent de classer les différents actifs monétaires. La banque centrale définit
trois agrégats emboîtés, notés de M1 à M3, du plus étroit au plus large. Le degré de liquidité
peut se traduire par la fréquence avec laquelle les agents économiques transforment ces actifs
en moyen de paiement. La banque centrale a défini un agrégat étroit, monnaie au sens strict,
(M1), un agrégat « Intermédiaire», monnaie et quasi monnaie (M2) et un agrégat élargi (M3),

Tableau n°3 : Définition des agrégats

Dettes (actif du plus


M1 M2 M3
liquide au moins liquide)
Monnaie fiduciaire X X X
Dépôts à vue X X X
Dépôts à terme jusqu'à 3ans X X
Dépôts à terme avec préavis
X X
maximum de 3 mois
Rémérés (les pensions) X
Titres d'OPCVM monétaires X
Titres de créance jusqu'à 2 ans X

NB : La Dette ici est constituée de la dette du secteur émetteur de monnaie et des dettes des
gouvernements centraux ayant un caractère monétaire détenues par le secteur détenteur de
monnaie.

3) La catégorisation des agrégats monétaires


Fort des critères ci-dessus, on peut retenir trois agrégats monétaires :
La monnaie au sens strict (M1): Elle est composée de la monnaie fiduciaire (billets et
pièces) et de la monnaie scripturale (comptes courants ouverts auprès des institutions bancaires
et financières où on peut utiliser les instruments suivants : les chèques, les prélèvements
automatiques, cartes bancaires etc.).
L'agrégat monétaire « intermédiaire » (M2) : M2 inclut M1 ainsi que les dépôts à
terme d'une durée inférieure ou égale à deux ans et les dépôts avec préavis de retrait de trois
mois maximum. A la monnaie au sens strict on ajoute donc des dépôts liquides. L'élément (M2
– M1) est désigné par l'expression quasi monnaie. Il s'agit des placements très liquides parce

22
qu'ils permettent de conserver l'épargne sans perte en capital et avec possibilité de retrait à vue,
c'est-à-dire avec possibilité de retrait à vue, c'est-à-dire de transformation en monnaie fiduciaire
ou virement sur un compte courant. (M2 – M1) regroupe tous les comptes sur livret : livret A
(intérêts exonérés d'impôt mais avec un plafond de dépôts), CODEVI (Compte pour le
développement industriel), mêmes conditions que le livret A mais avec un plafond de dépôt très
inférieur, les livrets bleus, les comptes d'épargne logement, les livrets d'épargne populaire),
L'agrégat élargi (M1) : L'agrégat élargi M3 comprend M2 auquel on ajoute des
instruments négociables émis par le secteur des institutions financières monétaires. Il inclut des
titres d'OPCVM monétaires et des titres de rémérés en raison de leur grande liquidité. La
définition de M3 - Ma met l'accent sur les placements (il s'agit donc d'une épargne placée sur un
marché alors qu'ils sont mis à la disposition d'une institution financière monétaire) d'une durée
inférieure ou égale à 2 ans. (M3 - M2) comprend :
- Les dépôts et titres de créance monétaire en devises détenus par les agents non
financiers
- Les rémérés et pensions effectués par les agents non financiers : ce sont des titres
vendus au comptant mais la vente est associée à un engagement ferme de rachat à un
terme convenu.
- Les titres d'OPCVM détenus par les agents non financiers : Les organismes de
placement collectif en valeurs mobilières sont contraints de définir et annoncer
explicitement ta composition de leur portefeuille. Il existe des OPCVM dont la politique
de placement est orientée vers les titres à court terme: les épargnants qui achètent les
titres émis par ces OPCVM bénéficient donc d'un accès à des placements liquides.
- Les titres de créance dont la durée de vie est inférieure ou égale à 2 ans : on retrouve les
certificats de dépôts qui sont des titres émis par les établissements de crédit. Ces titres
peuvent circuler sur un marché secondaire puisqu'ils donnent droit au remboursement
du dépôt initial.

M1 = Pièces et billets en circulation + dépôts à vue


M2 = M1+ dépôts avec préavis inférieur à 3 mois (livrets ordinaires, livret A, livret Bleu, livrets
jeunes, livret d’épargne, compte d’épargne logement etc) + dépôts à terme durée inférieure à 2
ans (compte à terme, plan épargne populaire, plan épargne logement, des bons de caisse etc).
M3 = M2 + prises en pensions de titres + titres d’Opcvm monétaires + titres de court terme du
marché monétaire d’une durée inférieure à 1 an émis par les IFM + titres de créances de durée
inférieure à 2 ans émis les résidents de la zone.

23
M4 = M3 + certains avoirs monétaires (Bons du Trésor, billets de Trésorerie) : liquidation assez
rapide des placements mais risque de perte en capital.
Les agrégats monétaires sont utilisés par les autorités monétaires pour suivre l'évolution
de la masse monétaire et, à travers elle, la dépense future et les prix. Mais ce sont des indices
très approximatifs de l'évolution des ressources disponibles des ménages à cause de leur forte
substituabilité avec les actifs non monétaires. Certaines autorités monétaires les complètent par
des Indicateurs de crédit qui se situent en amont des arbitrages de placement. Dans certains
pays, la Banque centrale calcule l'endettement intérieur total (EIT) qui regroupe l'endettement
des agents résidents non financiers et de l'État, en crédit auprès des établissements de crédit
résidents et à l'étranger, et en titres sur les marchés monétaire.

B- Les agrégats théoriques


La monnaie apparaît comme un actif parmi l'ensemble des actifs financiers. Les positions ne
sont unanimes sur la notion de monnaie et de liquidité car des formes monétaires sont
susceptibles de servir rapidement de moyens de paiement ne sont répertoriés dans les
statistiques. Ces formes monétaires sont notamment les chèques de voyages, les billets et les
devises étrangères, ainsi que les possibilités de tirage offertes par les établissements de crédit à
une partie de leur clientèle. Avec toutes ces nuances, « toute définition large de la masse
monétaire est arbitraire car elle est toujours entourée d'une nébuleuse "d'actifs liquides" qui n'en
font pas partie mais qui en sont de proches substituts » (Nicolas Kaldor, 1982). Il y a aussi le fait
qu'il est difficile comme le font les économistes de classer les actifs plus ou moins liquides en
deux groupes : les très liquides et les non liquides. En effet, cette distinction n'est pas facile à
établir puisque la liquidité est une qualité attribuée à un actif en fonction d'un jugement porté
par son propriétaire, ni facile à maintenir de façon continue en raison des probables
modifications des risques et des rémunérations des actifs selon les époques. C'est pourquoi à la
suite de Hicks, on doit admettre « l'idée d'un spectre continu des actifs financiers et réels,
incluant les actifs monétaires, différant entre eux principalement par leur degré de liquidité » (J.
R. Hicks, 1939).

24
DEUXIÈME PARTIE : L'OFFRE DE LA MONNAIE

25
CHAPITRE 3 : LES MECANISMES DE LA CRÉATION MONÉTAIRE

Le pouvoir de transformation des créances en moyens de paiement est exclusivement


détenu par les institutions financières, principalement les banques. La création monétaire met
toujours en relation deux catégories d'acteurs ; les agents non financiers et les agents financiers
qui seuls ont pouvoir de création monétaire. Cette création monétaire est assurée par trois types
d'agents : les banques commerciales, la Banque Centrale et le Trésor Public.

Section 1 : Les principes de la création monétaire

A l'origine, les banques ne prêtaient qu'à hauteur du montant de monnaie métallique


détenue à leur actif. Ainsi lorsqu'un dépôt d'or était effectué pour une durée d'un an par
exemple, la banque pouvait prêter cette somme pour une durée inférieure. Les banques
s'aperçurent toutefois que leurs stocks de monnaies métalliques (or, argent) ne descendaient
jamais en dessous d'un certain seuil puisqu'une partie des sommes prêtées revenaient toujours
dans leurs caisses sous forme de dépôts. Les banques décidèrent alors de prêter une nouvelle
fois ces encaisses, donc d'accorder de nouveaux crédits, sans prendre trop de risques, puisque
les dépôts se reconstituaient dans les comptes des nouveaux emprunteurs. Ainsi les banques
prêtaient plusieurs fois les mêmes sommes. Chaque déposant considérait ses dépôts comme
disponibles alors qu'ils étaient à l'origine de nouveaux crédits. Il y avait une création monétaire
puisque les moyens de paiement dont pouvaient disposer les individus étalent bien supérieurs
aux encaisses métalliques et billets en circulation dans l'économie.
Aujourd'hui les banques ne sont plus de simples intermédiaires qui prêtent des fonds à
partir des dépôts reçus. Elles créent de la monnaie lorsqu'elles accordent des crédits. Ce sont
ainsi les crédits qui font les dépôts et non plus t'Inverse. Les opérations de crédit réalisées par
les banques représentent donc une source majeure de création monétaire, il s'agit des crédits
accordés aux particuliers, aux entreprises mais également à l'Etat1. La création monétaire peut
être analysée simplement en prenant le cas d'une économie comprenant une seule banque. Cette
situation est certes simpliste, mais elle permet de comprendre l'essence du phénomène de
création monétaire. Dans un second temps, on intégrera la présence de plusieurs établissements
concurrents les uns des autres. Enfin, l'existence de la banque centrale sera prise en compte dans

1
Lorsque le Trésor Public, banquier de l'Etat, veut financer le déficit budgétaire, il peut émettre des bons du Trésor
qui seront achetés par les banques. Ces dernières acquièrent donc une créance sur le Trésor Public en créant de la
monnaie.

26
un troisième temps.

A- Cas d'une économie simplifiée avec une seule banque

Dans ce monde imaginaire, il n'existe qu'une seule banque émettant la monnaie unique
auprès des agents non financiers qui n'ont pas la possibilité d'émettre des titres (actions,
obligations ou « papier commercial » à court terme) pour se financer. Le circuit monétaire que
forment la banque, l'ensemble de ses clients et la monnaie utilisée, est donc unique.
La banque unique peut être un établissement privé, dont le capital appartient à des
actionnaires privés, ou un établissement public détenu par l'État. Comme nous l'avons déjà
mentionné, la forme de la monnaie importe peu maïs, pour simplifier l'exposé, nous
supposerons ici qu'il s'agit d'une monnaie scripturale. Chaque agent détient un compte auprès
de la banque unique et toutes les transactions donnent lieu à un paiement se déroulant
nécessairement à l'aide de la monnaie de cet établissement. La monnaie étant une dette à vue de
la banque (son possesseur peut la mobiliser à tout moment pour procéder à un paiement),
voyons comment se déroule un paiement de l'agent (X) auprès de l'agent (Y) qui se fait avec un
crédit de la banque de 1000 : dans ce cas, le compte courant de (X) à la banque est débité, celui
de (Y) est crédité de la même somme. Dans le bilan très simplifié ci-dessous, nous ne porterons
que les opérations décrites ici : le bilan sera donc tenu en termes de variations d'actif et de
passif.
(1) Bilan de la banque lors d'un paiement de (X) à (Y)

Actif Passif
Dépôt à vue agent (X) -1000
Dépôt à vue agent (Y) +1000

Supposons maintenant qu'un agent non financier, par exemple une entreprise, ait besoin
de monnaie pour régler un fournisseur, sa trésorerie étant insuffisante. L'entreprise en question
sollicite un crédit (de 100000 FCFA dans l'exemple ci-dessous) à la banque et elle est disposée
à payer le taux d'Intérêt en vigueur. Le banquier étudie le dossier de l'emprunteur (II s'assure de
l'honorabilité de l'entreprise, de sa solvabilité...) et, s'il donne son accord à l'octroi du crédit, il
crédite le compte de l'emprunteur. Les comptes en T (toujours tenus en termes de variations
d'actif et de passif) des deux protagonistes s'établissent donc ainsi :

27
(2) Bilan de la banque après création monétaire

Actif Passif
Prêt Dépôt à vue (compte
100000 100000
à l'entreprise courant de l'entreprise)

(3) Bilan de l'entreprise emprunteuse

Actif Passif

Compte courant à la Dette envers la


100000 100000
banque banque

La lecture des comptes montre que, d'un seul trait de plume, ou par une pression sur la
touche d'un ordinateur, la banque a inscrit un montant de 100000 FCFA au compte courant du
bénéficiaire (montant qui figure au passif de son bilan, parmi ses engagements) et,
simultanément, a lait figurer à l'actif de son bilan l'origine ou, comme on la désigne parfois la «
contrepartie » de cette monnaie nouvelle, c'est-à-dire l'acquisition d'une créance (par exemple
un effet commercial) sur l'entreprise. Les deux écritures qui figurent dans le compte de la
banque (de même que les deux écritures symétriques qui figurent dans le compte de
l'entreprise) ne sont pas disjointes dans le temps, car elles représentent une seule et même
opération : la monétisation d'une créance par !a banque. Dans cette mécanique, peu importe
l'identité de l'emprunteur : il pourrait aussi bien s'agir d'un ménage ou de l'État (auquel cas,
l'actif immobilisé par la banque pourrait être un bon du Trésor) : on parlera donc généralement
d'un agent non bancaire (ANB). Peu importe également la nature de l'actif acquis par la banque
: la création monétaire est initiée par le crédit dès lors que l'emprunteur est jugé solvable.
Les Inscriptions portées dans les deux comptes en T (de la banque et de l'emprunteur) appellent
plusieurs remarques :
1) dans ce schéma à banque unique, il n'existe aucune limite endogène au pouvoir
bancaire. Les dépôts de la banque croissent au rythme de ses crédits et elle n'éprouvera aucune
difficulté de financement. Toutefois, la banque ne prête - et donc ne crée ou, comme l'a exprimé
Hartley Withers', ne « fabrique » de la monnaie - que dans la mesure où des emprunteurs sont
disposés à s'endetter auprès d'elle au taux d'intérêt pratiqué. Ainsi, si la banque détient
effectivement le pouvoir de créer la monnaie, elle partage la responsabilité de cette création avec
les ANB, en particulier avec les entreprises qui expriment un besoin de monnaie pour rémunérer

28
tes facteurs de production qu'elles emploient, avant qu'elles soient en mesure d'écouler leurs
produits. Cette remarque, a priori triviale, souligne toutefois le rôle exercé par la monnaie et par
le système bancaire dans Se financement de l'activité productive et la formation du revenu.
2) l'opération de création monétaire à laquelle procède la banque n'est subordonnée à
aucun dépôt préalable dont la gestion lui aurait été antérieurement confie (aucune ponction sur
des liquidités existantes n'est donc effectuée par la banque lorsqu'elle consent un prêt), ni à un
excédent de billets ou de monnaie centrale (inexistants dans cet exemple), ni à des réserves ou
des actifs dont elle disposerait dans ses caisses : la création monétaire s'effectue ex nihilo car la
banque a la faculté de prêter ce qu'elle n'a pas et elle retrouve dans ses dépôts toute la monnaie
qu'elle a créée.
En conséquence, et contrairement à une idée reçue, les banques fonctionnent à l'envers.
Elles ne collectent pas les dépôts pour les prêter, mais ce sont les crédits qu'elles accordent qui
constituent les dépôts dont use le public comme monnaie. L'adage de Withers « les prêts font les
dépôts » témoigne du caractère indissociable de la monnaie et du crédit : ils apparaissent en
même temps.
Pour bien marquer cette concomitance, l'ancien gouverneur de la Banque de France,
Renaud de la Genière, a proposé une terminologie originale en définissait la monnaie comme
un « contre-crédit ». Il signifiait par-là que si, conventionnellement, les statistiques voient dans
le crédit la principale « contrepartie » de la monnaie, il serait tout aussi légitime de désigner la
monnaie comme la contrepartie da crédit, c'est-à-dire, effectivement, comme un
«contre-crédit».
3) les comptes précédents révèlent la nature de la création monétaire qui apparaît comme
un endettement réciproque entre la banque qui émet la monnaie et l'entreprise qui la doit. Car
pour se rendre débitrice de la monnaie qu'elle a émise, fa banque doit nécessairement se rendre
aussi créditrice. Les écritures portées dans les comptes montrent en effet que d'une part le
banquier se reconnaît débiteur de l'emprunteur puisqu'il crédite son compte : l'emprunteur
possède effectivement une créance sur la banque (comme en témoignent, les écritures au passif
du bilan de la banque et à l'actif du bénéficiaire du prêt) et dispose du droit d'utiliser la monnaie
dont II a été crédité. Mais d'autre part et simultanément, l'emprunteur est débiteur de la banque,
puisqu'il s'engage à lui restituer à l'échéance convenue les sommes prêtées. Ainsi, la monnaie
est la dette de ta banque que celle-ci prête aux agents non bancaires qui s'en serviront comme
moyen de paiement et qu'ils restitueront à l'émetteur.
4) notons enfin que toutes les opérations comptables précédentes sont réversibles à
l'échéance des crédits. Le remboursement par l'emprunteur d'un crédit aboutit à la destruction

29
de monnaie. Dans les deux comptes en T, les écritures inverses à celles que nous avons fait
figurer sont passées et les postes inscrits à l'actif et au passif disparaissent en même temps.
La monnaie a donc un caractère éphémère. Chaque opération de crédit contient en
puissance sa propre annulation à terme et l'évolution du stock de monnaie résulte d'un processus
continu de création et de destruction de monnaie; si, au fil du temps, les agrégats monétaires
progressent, cela tient à l'excédent des flux de création sur les flux de destruction, la masse des
crédits nouveaux accordés, induits par les besoins en moyens de paiement supplémentaires,
l'emportant sur celle des crédits qui viennent à échéance. Puisqu'il n'existe qu'une seule
monnaie et une seule banque, la monnaie ne peut jamais quitter la comptabilité de
l'établissement émetteur : la banque retrouve nécessairement dans ses dépôts toute la monnaie
qu'elle a créée. Pour reprendre le vocabulaire habituel, aucune fuite ne peut se produire hors du
circuit bancaire. Tous les paiements successifs effectués par les agents économiques se
traduisent par le débit d'un compte et le crédit d'un autre, tous deux figurants au passif du bilan
de la banque unique. Le dépôt change de propriétaire mais la banque n'est Ici jamais contrainte
de convertir la monnaie qu'elle a créée en un autre actif ou une autre forme de monnaie; en
conséquence, son pouvoir de création monétaire n'est pas bridé par le risque de liquidité, celui
d'avoir à transformer les actifs qu'elle crée en actifs qu'elle ne crée pas. Une nouvelle création
de 100000 FCFA, de 500000 FCFA - ou d'une somme quelconque - affectera l'actif et le passif
de son bilan du même montant, puisqu'en développant ses crédits, la banque développe aussi les
dépôts qui constituent l'unique moyen de règlement existant.
Pour que l'exposé soit plus conforme à l'idée que l'on se fait de l'activité bancaire, il faut
intégrer à l'analyse les profits réalisés par la banque dans ses opérations de crédits, liés au fait
que les taux débiteurs et commissions prélevés sur les emprunteurs excèdent généralement
l'ensemble de ses coûts opératoires. Ces profits, s'ils sont distribués sous forme de dividendes
aux actionnaires de l'établissement, vont accroître leurs dépôts. Une partie de ces profits reste
cependant non distribuée et alimente tes fonds propres de la banque. Les fonds propres - le
capital de la banque - sont constitués des apports initiaux des actionnaires et des profits non
distribués. Ils constituent un engagement de la banque vis-à-vis de ses propriétaires et figurent
au passif du bilan de l'établissement. Ces fonds jouent un rôle identique aux dépôts que
possèdent les clients, à ceci près qu'ils ne peuvent pas être utilisés par leurs détenteurs; ils
servent à garantir la solvabilité de l'établissement et ils sont amputés à chaque défaillance d'un
emprunteur. Dans ce cas, le même montant sera retiré de l'actif et du passif de la banque : une
créance Irrécouvrable sera annulée et la banque perdra une fraction de son capital. Lorsque la
proportion de mauvais prêts devient excessive, les fonds propres peuvent disparaître totalement

30
et la banque elle-même devenir insolvable.
B- Cas d'une économie à banque multiples

Lorsque l'environnement financier se compose de 2, 3,..., n banques commerciales non


hiérarchisées, c'est-à-dire concurrentes les unes des autres, chacune d'elles crée, selon le
principe vu dans le paragraphe précédent, « sa » monnaie, qui figure au passif de son bilan (en
même temps que figure à l'actif l'opération génératrice de la monnaie). Ainsi, cohabitent dans la
même économie, des monnaies portant la marque du réseau de leur émetteur : de la monnaie «
SIB », de la monnaie « Société générale », de la monnaie « ECOBANK », etc. Ce qui
caractérise, à l'intérieur d'un espace monétaire, l'ensemble de ces monnaies, sont qu'elles sont
toutes libellées dans la même unité de compte (FCFA à l'intérieur de l'UEMOA, le dollar aux
États-Unis...) et qu'elles sont échangeables au sein de cet espace, l'une contre l'autre, au taux de
1 contre 1. Il est en effet Indifférent à un créancier d'être réglé par un chèque tiré sur telle
banque ou sur telle autre, dès lors qu'il s'agit d'établissements honorablement connus.
La fongibilité des dépôts n'a cependant rien d'inéluctable. L'histoire a montré qu'au
XIXe siècle, la monnaie émise (souvent sous forme de billets) par un établissement pouvait
subir une décote par rapport à un billet de même montant émis par une banque bénéficiant d'un
meilleur crédit.
La présence de plusieurs banques soulève pour chacune d'elles un problème nouveau
puisqu'il est probable qu'une partie des dépôts créés risque d'être convertie, à l'occasion des
paiements effectués par leur titulaire, en dépôts d'un autre établissement. Les établissements
sont alors confrontés à la présence de « fuites » hors de leur circuit. Ainsi, si la banque (A) crée,
par le crédit, un dépôt de 100000 FCFA à l'un de ses clients (un ANB), elle peut s'attendre à ce
que ce client ne laisse pas cet avoir, en contrepartie duquel il paye un intérêt, à l'état oisif sur son
compte. Il va probablement procéder à des dépenses auprès de (Y), de (Z)... dépenses qu'il va
régler en émettant des chèques (ou d'autres moyens de règlement) tirés sur la banque (A). Deux
scénarios sont alors possibles :
- (Y), le créancier de (X), peut, tout comme (X) lui-même, être client de la banque (A). Au
moment de l'encaissement du chèque (dans l'exemple ci-dessous, de l'intégralité des 100000
FCFA), la banque n'aura à effectuer qu'un jeu d'écriture (débit de (X), crédit de (Y)),
exactement comme dans l'hypothèse de la banque unique. La monnaie, désormais détenue par
l'agent (Y), reste la monnaie de la banque (A) et celle- ci n'est alors confrontée à aucune
difficulté de liquidité (bilan 4) puisque la quantité de monnaie (A) est inchangée après le
paiement de (X) à (Y);

31
- (Y) peut être client d'un autre établissement, par exemple de la banque (B), En remettant son
chèque, ii sera crédité dans les comptes de la banque (B), c'est-à-dire payé en monnaie (B),
Mais, naturellement, la banque (B) ne peut créditer son client (Y) qu'en contrepartie d'un
engagement à son endroit de la banque (A) : la séance de compensation, à l'issue de laquelle
sont dégagés les soldes Interbancaires, fait apparaître, dans notre exemple, une créance de
100000 FCFA de la banque (B) (oui a encaissé le chèque remis par son client (Y)) sur sa
consœur (A) (bilan 5).
(4) X et Y sont clients de la banque A
Situation de la banque A

Actif Passif
Prêt 100000 FCFA D.V.X -100000 FCFA
D.V.Y 100000 FCFA

(5) X est client de A et Y client de B


Situation de la banque A

Actif Passif
Prêt 100000 FCFA D.V.X -100000 FCFA
Dette vis-à-vis
de B 100000 FCFA

Situation de la banque B

Actif Passif
Créance sur
100000 CFA D.V.Y 100000 FCFA
A

Il reste donc à comprendre comment sont effectués les paiements interbancaires,


c'est-à-dire ici le règlement entre (A) (l'établissement débiteur) et (B) (le créancier). On pourrait
imaginer que la banque créancière accepte d'être payée dans la monnaie de la banque débitrice.
Dans notre exemple, la banque (B) ouvrirait un compte auprès de la banque (A), compte qui
serait crédité du montant dû par (A) à (B) (bilan 6).

32
(6) A paye B à l'aide de sa propre monnaie

Situation de la banque A
Actif Passif
Prêt 100000FCFA D.V.X D.V.
banque B -100000 FCFA
100000 FCFA

On mesure le caractère Irréaliste de cette situation qui reviendrait en effet à faire de la


banque (B) le client volontaire d'un autre établissement, avec lequel elle est pourtant en
concurrence sur le marché des dépôts et du crédit. Mais surtout, le paiement par (A) de sa dette
à l'aide de sa propre monnaie est totalement avorté : l'observation des comptes montre en effet
qu'après ce prétendu paiement, (A) reste engagée vis-à-vis de (B) pour le montant du dépôt
constitué par (B), puisque la monnaie de (A) est la dette de (A). Pas plus qu'un agent non
bancaire ne se libère de ses engagements financiers en remettant à ses créanciers des
reconnaissances de dettes (il diffère alors son paiement), une banque ne peut acquitter ses dettes
en remettant sa propre monnaie.
Ce principe selon lequel « nul ne paye avec sa propre dette » nécessite l'interposition
entre les deux agents, le créancier et le débiteur, d'une monnaie de paiement qui ne soit la dette
ni de l'un, ni de l'autre. Entre deux ANB, les paiements s'effectuent en monnaie bancaire; entre
deux banques, lis s'effectuent en monnaie interbancaire. La présence d'une monnaie
Interbancaire ou centrale, d'un rang supérieur à celles qui sont émises par les banques
commerciales, et la hiérarchisation du système bancaire entre établissements émettant la
monnaie utilisée entre les ANB et la banque émettant la monnaie interbancaire, apparaissent
donc, non comme une simple originalité institutionnelle, mais comme une nécessité absolue de
son fonctionnement. La monnaie interbancaire, émise par la banque centrale, est le seul moyen
de paiement que les établissements de crédit acceptent unanimement.
Le schéma devrait être naturellement complété du fait de la multiplicité des opérations
entreprises au quotidien par les agents économiques. Il n'est pas question, naturellement, que les
banques règlent individuellement en monnaie centrale la foultitude des opérations effectuées :
afin de réduire les coûts de transaction et les opérations inutiles, une séance de compensation
multilatérale (aujourd'hui automatisée) entre l'ensemble des règlements est effectuée chaque
jour et seul le solde est payé ou encaissé en monnaie Interbancaire. La conclusion

33
opérationnelle des mécanismes précédents peut être maintenant soulignée. Une partie de la
monnaie créée par une banque peut lui échapper et se retrouver dans les dépôts d'établissements
concurrents; symétriquement, une fraction de la monnaie gérée par une banque provient de
crédits accordés par d'autres établissements. De telles fuites ont d'autant plus de chance de se
produire aux dépens d'un établissement qu'il est de petite taille et que sa part de marché, la
proportion de dépôts qu'il collecte, est modeste. Il doit alors se refinancer sur le marché
interbancaire, c'est-à-dire emprunter auprès de ses consœurs (ou leur céder des actifs) pour
obtenir la monnaie Interbancaire nécessaire à ses propres paiements. À la limite, la banque qui
perd tous ses dépôts et qui aliène l'ensemble de ses actifs en portefeuille pour se refinancer se
vide de sa substance et disparaît. Ainsi, une banque ne peut se développer uniquement en
accroissant ses crédits, c'est-à-dire en adoptant une politique agressive de prêts. Si elle
procédait ainsi, elle encourrait des risques de défaut croissants, c'est-à-dire serait confrontée à
un risque de solvabilité, mais elle supporterait parallèlement un risque de liquidité. Il est
essentiel à la pérennité de tout établissement de crédit qu'il conserve les dépôts qu'il crée (ou
qu'il puisse s'emparer des dépôts créés par ses concurrents), donc de fidéliser au sein de son
réseau la part la plus grande possible de la clientèle de déposants; tel est le principal moyen pour
la banque de préserver sa liquidité, constamment menacée par les fuites hors de son circuit. Il
faut naturellement noter que les fuites sont compensées au sein de l'ensemble des
établissements de crédit, c'est-à-dire que les demandes de conversion d'une monnaie (A) en une
monnaie (B) (ou d'une monnaie (B) en monnaie (A)) n'accroissent ni ne diminuent la
circulation monétaire et restent neutres sur la liquidité globale du système bancaire.
Considérons un autre exemple aussi intéressant : les transactions économiques de deux agents
non financiers X et Y, dans une économie à deux banques, A et B, qui leur ont accordé des
crédits.

Bilan de la banque A
Actif Passif
Créances sur X: + 100 FCFA Dépôts de X : + 100 FCFA
Bilan de la banque B
Actif Passif
Créances sur Y: +200 FCFA Dépôts de Y: +200 FCFA

Supposons que Y tire un chèque de 30 FCFA à l'ordre de X, et qu'à la suite d'une autre
transaction, X tire un chèque de 20 FCFA à l'ordre deY. Des opérations de règlement vont

34
devoir être effectuées entre les deux banques. Après compensation (c'est à dire annulation des
créances et des dettes), la banque B doit 10 FCFA à la banque A. Au terme des transactions,
l'agent X possède un dépôt de 110 FCFA à la banque A et l'agent Y dispose d'un dépôt de 190
FCFA à la banque

B. Les bilans des deux banques apparaissent de la manière suivante :


Bilan de la banque A
Actif Passif
Créances sur X: +100 FCFA Dépôts de X: + 110 FCFA
Créances sur B : + 10 FCFA

Bilan de la banque B
Actif Passif
Créances sur Y: +200 FCFA Dépôts de Y: +190 FCFA
Dette envers A : +10 FCFA

Dans le cas d'un système à banques multiples, on constatera généralement une certaine
inégalité des parts de marché dans la distribution des crédits comme la collecte des dépôts.
Dans notre exemple, le marché de !a banque B en matière de crédits est de 66% (200/
300) alors sa part dans la collecte des dépôts n'est que de 63% (190 /300). Il y a donc une fuite
de 10 FCFA dans le retour des dépôts de la banque B, le respect de la contrainte de l'équilibre du
bilan obligera la banque B à se refinancer, c'est à dire à l'emprunt auprès de la banque A des 10
FCFA de ressources financières nécessaires à l'équilibre de son bilan.
En généralisant, un système à banques multiples peut être composé par trois sortes de
banques : (I) Des banques qui équilibrent leurs opérations de crédits et de dépôts. Une banque C
distribuerait 1000 FCFA de crédits et capterait 1000 FCFA de dépôt, (II) Des banques qui
distribuent beaucoup plus de crédits que de dépôts. L'équilibre du bilan leur Impose un
endettement (donc une obligation de se refinancer). (III) Des banques qui captent plus de dépôts
qu'elles n'accordent de crédits. Elles peuvent assurer le bouclage financier du système en
permettant aux autres banques de se refinancer. Elles procéderont à l'acquisition de créances sur
celles-ci. De cet exemple, nous pouvons tirer deux enseignements. D'une part, chaque banque
commerciale crée sa propre monnaie scripturale en accordant des crédits aux titulaires de

35
comptes. D'autre part, les banques sont tenues d'assurer la circulation de la monnaie scripturale
entre les comptes de leur client. Dès lors toute banque qui crée et fait circuler de la monnaie
scripturale, se trouve confronter à des fuites hors de son circuit monétaire. Si les fuites du
réseau bancaire A vers le réseau bancaire B sont juste compensées par les fuites du réseau
bancaire 8 vers le réseau bancaire A. Il y a parfaite compensation des dettes que les banques ont
l'une envers l'autre et nulle opération de refinancement n'est nécessaire. Ce résultat est mis
en évidence par le principe de croissance équilibrée du système bancaire. Pour assurer une
croissance équilibrée du secteur bancaire, c'est à dire que les parts de marché sur les dépôts et
les crédits restent inchangées, il est nécessaire que le montant des crédits accordé par B à sa
clientèle vienne compenser les fuites que A enregistre lorsqu'elle a distribué ses propres crédits.
En d'autres termes, il convient de respecter l'égalité suivante :
Fuites bancaires de A vers B = Fuites bancaires de B vers A
FA=FB (1)
Le montant des fuites pour chacune des banques s'écrit :
FA = CA(1 – dA) (2)
FB=CB(l – dB) (3)
Avec dB + dA = 1

FA, FB représentent les fuîtes des banques A et B, CA, CB les crédits ;


dA et dB les parts de marchés ;

Compte tenu des équations (1), (2) et (3), on peut calculer le que la banque B devra accordée à
ses clients :
Soit FA = CB (l – dB) => CB = FA/ (l – dB)

Supposons le bilan initial pour chacune des banques suivantes :

Bilan de la banque A
Actif Passif
Crédits 6000 Dépôts 6000

Bilan de la banque B
Actif Passif
Crédits 4000 Dépôts 4000

36
La banque A octroie un crédit de 1200 FCFA et la banque B 800 FCFA. Sur les
1200FCFA de la banque A, une proportion (1200 x (1-60%) soit 480 FCFA fuit hors du réseau
de A. Et sur les 800 FCFA de crédit de B, une proportion (800 x (1 – 40%) soit 480 fuit hors du
réseau B. En fait, sur ces 800 FCFA, une proportion égale à 40%, soit 320 FCFA resteront dans
le réseau bancaire de B, le reste (soit 480 FCFA) se retrouvera dans le réseau bancaire de A,
compensant exactement les fuites qui ont eu lieu lors de l'octroi des 1200 FCFA de crédits par
A.
A terme, aucune banque n'est créancière ou débitrice de l'autre. La masse monétaire est
passée de 10 000 FCFA à 12 000 FCFA (la hausse de 2000 FCFA correspondant aux crédits
accordés par le banques A et B). Les parts de marché sur les crédits (et les dépôts) n'ont pas
changé.

Bilan de la banque A

Actif Passif
Crédits: 7200 FCFA Dépôts : 7200 FCFA

Bilan de la banque B
Actif Passif
Crédits: 4800 FCFA Dépôts: 4800 FCFA

dA= 7200 : (7200 + 4800) = 60% dB = 4800 : (4800 + 7200) = 40%

En généralisant, on peut déduire des équations (1) (2) et (3), une règle simple qui exprime les
conditions de croissance équilibrée du secteur bancaire.

CA/CB = dA/dB

La création monétaire des deux banques doit être proportionne/le à leur part de marché
respective. Dans le cas d'un système bancaire généralisé, cette règle rappelle que la croissance
de ce dernier sera équilibrée si chaque banque crée de la monnaie proportionnellement à sa part
de marché. Ajoutons que les banques ont intérêt à respecter cette règle. Une banque ne
cherchera pas à limiter sa création monétaire en deçà de sa part de marché (raréfaction du

37
crédit), elle se priverait en effet de la rémunération des opérations de crédits (Intérêt) et
risquerait de perdre des clients (qui iraient obtenir des crédits chez les concurrents). De la même
façon, une banque ne cherchera pas à accorder davantage de crédits (stratégie agressive pour
déstabiliser les autres banques) que sa part de marché ne lui permet, ses concurrents réagiraient
aussitôt en accordant à leur tour des crédits (or les stratégies de course aux clients détériorent le
bilan des banques et accroissent les risques vis à vis des emprunteurs. N'en concluons pas pour
autant que la règle de croissance équilibrée limite la concurrence entre les banques. Ces
dernières ont d'autres armes à leur actif (différenciation des produits, tarification des services,
stratégies de régionalisation, de diversification,...).
Si les fuites du réseau bancaire A vers le réseau bancaire B ne sont pas compensées par
les fuites du réseau bancaire B vers le réseau bancaire A, alors une opération de refinancement
sera nécessaire. Elles peuvent se refinancer essentiellement de deux manières : sur le marché
financier par émission d'obligations ou sur le marché monétaire. Ce dernier se décompose lui-
même en trois compartiments : le marché interbancaire (né sous l'impulsion des banques
désireuses de compenser entre elles leurs excédents et leurs déficits de trésorerie, c'est aussi le
lieu privilégié des interventions de la Banque Centrale) ; le marché des titres négociables
(ouvert à tous les agents économiques, les banques y émettent des certificats de dépôts et des
bons à moyen termes négociables) ; la titrisation des titres (par cette technique apparue en
France en 1988, les banques vont regrouper les crédits en ensembles homogènes, puis Ses céder
par paquets à des organismes tels que les Fonds communs de créances, les OPCVM, qui vont se
financer en émettant auprès du public des parts représentatives de leur capital).

C- La création monétaire en présence de la banque centrale


Ce qui caractérise principalement la banque centrale est qu'elle n'a plus aujourd'hui de clientèle
particulière, qu'elle ne répond donc à aucune demande de crédit de la part des ANB, et qu'elle
émet la monnaie centrale, sous forme de billets utilisés par les ANB et de monnaie interbancaire
(sous forme scripturale), utilisée par les banques et l'ensemble des Institutions financières (y
compris le Trésor public) pour leurs paiements réciproques. La présence de la banque centrale
pèse sur le pouvoir de création monétaire des banques commerciales pour plusieurs raisons :
- elle alimente le système bancaire en liquidités Interbancaires et en règle le coût
puisqu'elle fixe unilatéralement les taux directeurs de ses refinancements;
- elle fournit seule les billets demandés par les ANB. Les demandes de billets constituent
une fuite hors du circuit bancaire commercial, exactement comme la conversion de la
monnaie (A) en monnaie (B) constitue une fuite pour la banque (A);

38
- elle peut contraindre les banques commerciales à détenir des réserves obligatoires" en
monnaie centrale.
On sait qu'en créant de la monnaie, les banques commerciales n'ont pas besoin de disposer, au
préalable, de monnaie centrale. En revanche, en fonction des fuites qu'elles subissent au profit
des autres réseaux, des demandes de billets ou de devises exprimées par leurs déposants ou des
réserves obligatoires y qu'elles doivent constituer, elles devront emprunter les liquidités
nécessaires en monnaie Interbancaire, soit auprès d'autres établissements sur le marché
interbancaire, soit auprès de la banque centrale elle-même lorsque, globalement, l'ensemble des
banques ne dispose pas d'avoir suffisants en monnaie centrale (la banque centrale intervient
alors en sa qualité de prêteur en dernier ressort). Ces opérations, qualifiées de « refinancements
», s'effectuent, le plus souvent, par la mise en gage (on parle de « mise en pension ») d'une partie
de ses titres (bons du Trésor, effets de commerce...) par l'établissement emprunteur à
l'établissement prêteur. Les titres en question restent dans le portefeuille de l'emprunteur qui
inscrit au passif sa dette à l'égard du prêteur,
Lorsque le refinancement est accordé par la banque centrale (10 millions d'euros dans
l'exemple ci-dessous), celle-ci crédite dans ses livres la banque commerciale à hauteur du
refinancement accordé. De la monnaie interbancaire a été créée. Les sommes prêtées figurent
donc au passif du bilan de la banque centrale et le crédit qu'elle a consenti figure à l'actif dans
l'une des rubriques «concours aux établissements de crédit ». En ce qui concerne la banque de
second rang, le passif de son bilan retrace le montant de ses engagements à l'égard de la banque
centrale et l'actif les sommes que cette dernière a porter au crédit de son compte.

(7) Opération de refinancement d'une banque commerciale auprès de la banque centrale


Situation de la banque centrale Situation de la banque commerciale

Actif Passif Actif Passif


Concours à la Dépôt Avoir en Engagements
banque envers la
10 M banque 10 M banque 10 M 10 M
commerciale. commerciale centrale banque
centrale

Cette présentation permet de répondre à quatre importantes interrogations.


1) au contraire des banques commerciales ou de second rang, la banque centrale ne peut
connaître des problèmes de liquidité, puisqu'elle émet la monnaie Interbancaire qui ne peut être
convertie, au sein d'un même espace monétaire, en autre chose qu'en elle-même. La banque

39
centrale possède les mêmes privilèges que ceux de la banque unique de notre premier
paragraphe. Il en va différemment en économie ouverte lorsque la monnaie d'un pays peut être
convertie en devises mais, en économie fermée, tous les paiements effectués par la banque
centrale s'effectuent en monnaie interbancaire que l'on peut ainsi qualifier de monnaie « ultime
» ou, selon la terminologie anglo-saxonne, de « high powered money»;
2) contrairement à une croyance très répandue, la banque centrale n'a ni l'initiative de la
création monétaire (celle-ci est effectuée par les banques commerciales, dès lors qu'il existe une
demande d'emprunts de la part des ANB et que les banques ont la volonté d'y répondre), ni le
pouvoir d'ajouter (ou de retirer) au stock des moyens de paiement circulant dans l'économie.
Ainsi, lorsqu'un agent demande des billets au guichet de sa banque, son compte à vue est
immédiatement débité de telle sorte que si davantage de billets circulent, l'agent considéré
détient, en contrepartie, moins de monnaie scripturale (cf. opération 8). Au total, le stock de
monnaie n'est modifié que dans sa composition (plus de monnaie fiduciaire, moins de dépôts
bancaires), mais pas dans son volume ; Il y a simplement changement de l'identité de la banque
sur laquelle l'ANF détient une créance De la même façon, le refinancement d'une banque
commerciale auprès de la banque centrale accroît le stock de liquidités Interbancaires (dans
l'opération 7, les avoirs de la banque commerciale en monnaie centrale se sont accrus de 10
millions), mais non le montant de monnaie circulant entre les ANB : ces refinancements restent
sans effet sur leurs avoirs en monnaie scripturale et en billets'.
Le pouvoir de la banque centrale paraît donc a priori ténu : elle n'a pas d'autre choix que
d'alimenter les banques commerciales en liquidités interbancaires, satisfaisant ad libitum les
demandes qu'elles formulent, le montant des liquidités créées n'ayant d'ailleurs aucune relation
avec le montant total de monnaie circulant dans l'économie. Enfin, II apparaît que la banque
centrale n'intervient qu'après coup, une fois la création de monnaie scripturale réalisée par les
banques de second rang, et sans avoir elle-même la possibilité d'exercer une influence directe
sur le montant des agrégats monétaires. C'est donc de manière très abusive que l'on parle du
pouvoir de création monétaire de la banque centrale.
(8) retrait de 1000 FCFA en billets de l'ANB (X) au guichet de sa banque (A)

Situation de la banque A
Actîf Passif
Avoir en compte à la banque centrale Dépôt à vue de X - 1000 FCFA
- 1000 FCFA

40
Situation de l'agent X
Actif Passif
Avoir en billets 1000 FCFA
Avoir à la banque centrale - 1000 FCFA

3) la moindre propension manifestée par le public, depuis plusieurs décennies, à utiliser


des billets dans ses règlements réduit les besoins de refinancement des banques commerciales
auprès de la banque centrale. Celle-ci est-elle donc condamnée à l'impuissance puisque les
banques paraissent, grâce à la baisse des fuites en billets, en mesure de s'affranchir de sa tutelle?
La réponse à cette interrogation est négative puisqu'au facteur naturel de dépendance que
constitue la demande de billets se juxtapose un facteur parfois qualifié d'artificiel ou de
réglementaire : le système de réserves obligatoires? oblige en effet les banques commerciales à
entretenir un solde minimum à leur compte à la banque centrale, solde généralement calculé au
prorata des dépôts qu'elles gèrent (parfois, des crédits qu'elles ont accordés). Les réserves
obligatoires peuvent donc créer un besoin supplémentaire de liquidités que la banque centrale
peut moduler en fonction des circonstances.
4) puisque la création monétaire émane des banques commerciales, et non de la banque
centrale, le rôle exercé par cette dernière sur le pouvoir bancaire ne peut être qu'indirect. Il n'en
demeure pas moins essentiel et fera l'objet d'un exposé approfondi dans le chapitre 6 relatif à la
politique monétaire.
La banque centrale peut se montrer plus ou moins restrictive dans ses opérations de
refinancement :
- soit en contingentant le volume des effets pris en portefeuille. Tel est le principe des
plafonds de réescompte appliqués jadis par la Banque de France ou la politique de base
monétaire fugitivement mise en œuvre par le Fédéral Reserve System en 1979'- Dans ce cas, les
banques commerciales vont anticiper les difficultés de leur approvisionnement en liquidités et
peuvent faire dépendre le volume de leur création monétaire du montant de liquidités en
monnaie interbancaire qu'elles sont susceptibles d'obtenir;
- soit (et c'est d'ailleurs généralement ainsi que les choses se passent), en exigeant des
taux d'intérêt plus ou moins élevés sur ses refinancements. Des taux directeurs accrus pèseront
sur les charges bancaires, sur les comptes d'exploitation des banques, et celles-ci n'auront
d'autre choix que de répercuter ces surcoûts sur leur clientèle, en lui facturant des taux débiteurs
plus élevés.

41
En définitive, on retiendra que la banque centrale n'intervient qu'indirectement dans la création
monétaire, puisqu'elle est contrainte de ratifier une création monétaire antérieure è ses
interventions. Toutefois, son rôle reste déterminante car elle fixe le prix auquel elle consent ses
concours et, de ce fait, influence les taux débiteurs appliqués par les banques.

Section II : Les facteurs de la liquidité bancaire

A. Les besoins en billets de banque

Au-delà des fluctuations saisonnières, la circulation des billets constitue un facteur


permanent de pression sur la liquidité. Supposons que le système bancaire B, après avoir
accordé un crédit de 1000 FCFA à sa clientèle X, volt celle-ci demander 150 FCFA en billets.
Initialement, les bilans de B et de X se présentent de la façon suivante :

Bilans 1

Bilan de B
Actif Passif
Créances sur X : +1000 FCFA Dépôts de X: +1000 FCFA

Bilan de X
Actif Passif
Dépôts de X : + 1000 FCFA Créances surX:+ 1000 FCFA

Contraint de remettre 150 FCFA de billets à sa clientèle, le système bancaire doit s'adresser à
l'organisme qui émet ces billets, c'est-à-dire la banque centrale BC.. Ce qui suppose que B ait un
compte auprès de BC (DB) et maintenir sur celle-d une provision suffisante en monnaie
centrale. Dans notre cas de figure, nous Ignorons les taux d'intérêt, ce qui veut dire que
l'alimentation de ce compte ne peut se faire que par emprunt auprès de BC. Deux solutions au
moins s'offrent au système bancaire.
La première consiste à céder à BC (réescompter) 150 FCFA de créances détenues sur
X, ce qui modifierait les bilans comme il suit :

42
Bilans 2
Bilan de B
Actif Passif
Créances sur X : + 850 FCFA Dépôts de X :+ 1000 FCFA
Dépôts de B : +150 FCFA

Bilan de BC
Actif Passif
Créances sur X: + 150 FCFA Dépôts de B : +150 FCFA

La seconde consiste, pour le système bancaire, à émettre des titres (Ce) acquis par la
banque centrale. Les bilans se modifient de la façon suivante :

Bilans 3
Bilan de B
Actif Passif
Créances sur X: + 1000 FCFA Dépôts de X: +850 FCFA
Dépôts de B : 150 FCFA Créances sur B : +150 FCFA

Bilan de BC
Actif Passif
Créances sur B :+ 150 FCFA Dépôts de B : +150 FCFA

En raison des besoins en billets des agents non financiers et par les concours apportés
aux banques, la banque centrale a créé de la monnaie centrale (les dépôts des banques DB)
ayant une forme scripturale. Le système bancaire peut alors utiliser ses fonds pour retirer 150
FCFA de billets (notées Bi) émis par la banque centrale. B solde ainsi son compte, de la façon
qu'un agent économique solderait le sien en faisant un retrait de billets correspondant à
l'intégralité de son dépôt en B, Dans ce second temps, la monnaie centrale scripturale se
transforme en monnaie centrale fiduciaire (les billets).

43
Au terme de l'opération, les bilans de B, de BC et des agents économiques X se
présentent de la façon suivante :
Bilans 4
Bilan de B
Actif Passif
Créances sur X : + 1000 FCFA Dépôts de X: +1000 FCFA
Dépôts de B: + 150 FCFA Créances sur B :-150 FCFA

Bilan de BC
Actif . Passif
Créances sur B : +150 FCFA Dépôts de B : + 0 FCFA
B1 :1+150 FCFA

Bilan de X
Actif Passif
Dépôts de X : + 850 FCFA Créances sur X: + 1000 FCFA
B,: +150 FCFA

Cette opération illustre la pression exercée sur la liquidité bancaire par la circulation des
billets. Le système bancaire qui, initialement, pouvait gagner des Intérêts sur les crédits
accordés (CX) doit déduire de ceux-ci les intérêts qu'il doit régler, à son tour à la banque centrale
en raison de sa dette (CB). Par ailleurs, si la banque centrale refusait d'acheter des titres (CB) aux
banques, celle-ci, n'ayant pas de dépôts (DB), ne pourraient pas répondre aux besoins de billets
de leur clientèle. Cette impossibilité les contraindrait à ne pas pouvoir leur accorder des crédits
(CX).
Il en découle que les banques n'ayant pas de réserves (de dépôts) à la banque centrale,
peuvent ne pas pouvoir accorder de crédits. En fait, la circulation des billets fait l'objet de cycles
relativement bien connus :
- sur la longue période, le public manifeste une moindre préférence pour le billet du fait
de son accoutumance à la monnaie scripturale et à la commodité (et la sûreté) des paiements par
chèques, cartes, prélèvements, etc. Cette évolution rend la progression de la circulation
fiduciaire plus lente que celle de !a monnaie scripturale et réduit tendanciellement le besoin de
liquidité,
- il existe par ailleurs des cycles infra-annuels, saisonniers, d'Intensification ou de
raréfaction de l'usage des billets : les vacances sont généralement propices à une plus forte

44
utilisation des billets, ceux-ci refluent vers les banques en fin de mois...
D'autres éléments sont beaucoup plus aléatoires. Ainsi, le travail au noir est réglé « de la
main à la main » en billets; des mouvements sociaux de grande ampleur peuvent, comme en
1968, engendrer des transferts à l'étranger de « valises de billets » après des retraits massifs en
banque. 11 faut tenir compte enfin de la localisation de la banque (les billets sont davantage
utilisés dans les zones rurales) et du type de clientèle dont elle gère les comptes (les catégories
sociales plus modestes effectuent une plus forte proportion de leurs paiements en billets).

B. Les besoins en devises

Ces besoins sont liés aux mouvements internationaux de marchandises et de capitaux.


Contrairement aux mouvements de billets, ils pèsent sur la liquidité des banques de façon
aléatoire; l'améliorant en cas d'excédent extérieur, et donc d'entrée de devises, et la détériorant
dans le cas inverse. Partant des bilans 4, considérons le cas d'un exportateur X qui, par la vente
de marchandises, obtient des devises (noté De) représentant la contre-valeur de 50 FCFA.
Celle-ci Initialement à l'actif de X, nous supposerons que ce dernier les cède à B (son dépôt est
alors crédité de 50 FCFA) qui, à son tour, les offre sur le marché des changes où, en raison de
son objectif de défense de la valeur externe de la monnaie, la banque centrale ne manquera pas
de les acheter. Au terme de ces opérations, les bilans de B, de BC et de X se présentent de la
façon suivante :
Bilans 5
Bilan de B
Actif Passif
CréancessurX: + 1000 FCFA Dépôts de X: +900 FCFA
Dépôts de B :+ 50 FCFA Créances sur B : +150 FCFA

Bilan de BC
Actif Passif
Créances sur B : +150 FCFA Dépôts de B: + 50 FCFA
De : +50 FCFA B,: +150 FCFA

45
Bilan de X
Actif Passif
Dépôts de X: + 900 FCFA Créances sur X: + 1000 FCFA
B1 : +150 FCFA
De : - 50 FCFA

Or que gagne le système bancaire à conserver de la monnaie centrale oisive (ici 50 FCFA) et
payer des intérêts sur les emprunts déjà contractés auprès de la banque centrale (ici 150 FCFA),
Le système bancaire peut gagner en se désendettant en partie, en soldant son compte à la banque
centrale (sa dette cb baissant à 100 FCFA).
La position de X restant inchangée, les bilans se présentent de la façon suivante
Bilans 6
Bilan de B
Actif Passif
Créances sur X : +1000 FCFA Dépôts de X : + 900 FCFA
DB : 0 FCFA Créances sur B : +100 FCFA

Bilan de BC
Actif Passif
Créances sur B : +100 FCFA Dépôts de B : + 0 FCFA
De : +50 FCFA B1: 150 FCFA

Bilan de X
Actif Passif
Dépôts de X : + 900 FCFA Créances sur X : + 1000 FCFA
B1: +150 FCFA
De : - 50 FCFA
La liquidité bancaire s'améliore en cas d'entrée de devises sur le territoire et apport de celle-ci à
la banque centrale. Inversement, elle se détériore en cas de sortie de devises.
Les opérations conduites avec l'extérieur peuvent également ponctionner la trésorerie des
établissements de crédit. Les demandes de devises de leur clientèle, dues aux achats de
marchandises ou de services à l'étranger, aux exportations de capitaux (achats de titres émis par
des agents non-résidents), voire aux opérations spéculatives (achats de devises étrangères dans
l'espoir d'en retirer une plus-value à court terme), conduisent les banques à se porter acquéreurs
sur le marché des changes ou auprès de la banque centrale, en cédant de la monnaie
interbancaire.

46
Symétriquement, des excédents de balance commerciale ou des capitaux entraînent une
amélioration de la liquidité bancaire puisque les établissements résidents bénéficiant de ces
entrées de fonds peuvent les convertir sur le marché des changes ou, s'ils ne redoutent pas
d'assumer un risque de change, conserver ces créances en devises auprès de leurs partenaires
(leurs « correspondants ») étrangers.

C. Les opérations financières avec le Trésor public


Les agents économiques sont en contact avec le Trésor public (TP), notamment au moment du
recouvrement de l'impôt, ou à l'inverse, lorsque ce dernier paie les fonctionnaires ou règle ses
fournisseurs. Or, il se trouve que le compte du Trésor public est géré, non par le système
bancaire B, mais par la banque centrale.
Reprenons l'exemple du bilan 5 et ajoutons le compte du TP (initialement nul) au passif
du bilan de la banque centrale BC. Nous ignorons le bilan de X puisque ses actifs et passifs
peuvent être lus dans les bilans de B et de BC.
Supposons également que les banques achètent 30 FCFA de bon de Trésor (BT) nouvellement
émis. Dans un premier temps, cette opération se traduit par un débit sur le compte des banques
et un crédit équivalent sur celui du TP.
Bilans 7
Bilan de B
Actif Passif
Créances sur X: +1000 FCFA Dépôts de X: +900 FCFA
DB: + 20FCFA Créances sur B : +150 FCFA
BT : 30 FCFA

Bilan de BC
Actif Passif
Créances sur B: +150 FCFA Dépôts de B : +20 FCFA
De : +50 FCFA DTP: +30 FCFA
B1: +150 FCFA

Bilan de TP
Actif Passif
DTP: + 30 FCFA BT: +30 FCFA

Il se trouve que le TP ayant emprunté 30 FCFA dans le but, par exemple, de régler les
fonctionnaires de l'Etat (noté X), eux-mêmes clients du système bancaire B, cette opération se

47
traduira par un débit de 30 FCFA du compte du Trésor et par un crédit d'un montant équivalent
du compte de X et de celui des banques B ; soit la situation suivante :
Bilans 8
Bilan de B
Actif Passif
Créances sur X : + 1000 FCFA Dépôts de X: +930 FCFA
Dépôts de B : +50 FCFA Créances sur B : +150 FCFA
BT : +30 FCFA

Bilan de BC
Actif Passif
Créances sur B : +150 FCFA Dépôts de B: +50 FCFA
De : +50 FCFA DTP: 0 FCFA
B1 : +150 FCFA

Bilan de TP
Actif Passif
DTP: + OFCFA BT: +30 FCFA

Il y a bien eu une création monétaire de 30 FCFA. La masse monétaire, somme des


billets et des dépôts, passe ainsi de 1050 FCFA à 1080 FCFA. La liquidité des banques est
revenue à sa position Initiale. Toutefois, celles-ci disposent alors d'une double possibilité :
- Solder leur compte à la banque centrale dans le but de se désendetter pour un montant de
50 FCFA;
- Vendre leurs bons du Trésor à la banque centrale ; leur compte étant à nouveau crédité
de 30 FCFA, elles peuvent se désendetter pour un montant équivalent.
Au terme de ces opérations, les bilans se présentent ainsi :
Bilans 9
Bilan de B
Actif Passif
Créances sur X: +1000 FCFA Dépôts de X: +930 FCFA
Dépôts de B : o FCFA Créances sur B:70 FCFA
BT : 0 FCFA

48
Bilan de BC
Actif Passif
Créances sur B : +70 FCFA Dépôts de B: +OFCFA
BT : +30 FCFA B1 : +150 FCFA
De : +50 FCFA DTP: 0 FCFA

Bilan de TP
Actif Passif
DTP: 0 FCFA BT: +30 FCFA

Dans le cas inverse où le Trésor public encaisse plus qu'il ne dépense (au moment par
exemple du recouvrement de l'Impôt), que la liquidité bancaire se détériore puisque le compte
des banques à la banque centrale est alors débité du montant des impôts prélevés, au profit du
compte du Trésor public. A partir des bilans 8, si X payait 30 FCFA d'Impôts, son dépôt
baisserait à 900 FCFA, et les comptes de B et du TP passeraient respectivement à 20 FCFA et
30 FCFA et on retrouverait ainsi les bilans 7.
Toutes les opérations entre les clients des établissements de crédit et le Trésor public
vont affecter les avoirs de ces établissements auprès de la Banque de France :
- lorsqu'un paiement est effectué par un ANB au profit du Trésor (par exemple, le
paiement d'un Impôt), le compte de la banque de ce client est débité à la Banque de France et le
compte du Trésor est crédité, ce qui se traduit bien par une perte de liquidité pour la banque au
profit du Trésor;
- lorsqu'au contraire le Trésor effectue un paiement au bénéfice d'un ANB (par exemple,
quand il verse une subvention), le compte du Trésor à la Banque de France et débité et celui de
la banque gérant les avoirs de l'ANB est crédité. L'opération améliore la liquidité de
l'établissement considéré.
La situation des finances publiques n'est pas neutre sur la liquidité bancaire : les périodes de
forts déficits conduisent le Trésor à effectuer des paiements qui ne sont pas gagés par des
recettes budgétaires ou domaniales. Ces dépenses diminuent les avoirs du Trésor à la Banque
Centrale et augmentent ceux des banques. Le Trésor doit alors couvrir son besoin de
financement par l'emprunt.

49
D. La réglementation des réserves obligatoires

Dans les faits, la banque centrale ajoute un autre facteur de pression sur la liquidité des
banques par le système des réserves obligatoires. Pour les établissements de crédit soumis à
cette réglementation (soit ceux pouvant gérer des dépôts à vue et à terme), les réserves
obligatoires ont le même impact qu'un prélèvement de billets supplémentaires. Ces réserves
créées en France en 1967 sont le plus souvent calculées au prorata des dépôts (généralement des
dépôts à vue et à court terme) gérés par les établissements et contraignent chacun d'eux a
immobiliser une fraction de sa trésorerie (ou à emprunter) en entretenant un solde minimum
auprès de la banque centrale.
Selon les pays, les réserves obligatoires sont ou non rémunérées par la banque centrale.
Quand elles ne le sont pas, le dispositif engendre un coût supplémentaire pour les banques qui
pèse sur leurs charges d'exploitation. Les réserves obligatoires exercent alors un effet-prix qui
tend à freiner la création monétaire puisque les banques s'efforcent de répercuter ce surcoût sur
leurs propres conditions débitrices. Toutefois, dans le cadre de l'UEMOA, les réserves
obligatoires sont rémunérées au taux des opérations principales de refinancement de la
BCEAO, de telle sorte que l'effet-prix précédent est inexistant sauf si, par exception, un
établissement doit faire appel aux facilités de prêt marginal auprès de la BCEAO pour couvrir
son insuffisance de trésorerie. Les réserves obligatoires n'ont donc pour effet que de contraindre
les banques à se refinancer plus souvent, ce qui accentue la maîtrise exercée par la BCEAO sur
les taux d'intérêt du marché interbancaire. Supposons qu'une banque a 1000 FCFA de dépôts de
sa clientèle et que celle-ci demande 20 FCFA en billets, cette banque a le choix entre :
- Si son compte à la banque centrale est créditeur (20 FCFA, minimum), tirer sur celui-ci
pour le montant des billets demandés ;
- Si son solde est nul, céder des titres privés ou publics lui permettant d'obtenir ces billets
ou emprunter ladite somme (on parte de refinancement).
De la même façon, si cette banque a 1000 FCFA en dépôts et que le taux de réserves
obligatoires est de 2%, il faut que son compte courant soit crédité de 20 FCFA. SI tel n'est pas le
cas, elle doit, comme pour les billets, céder des titres privés ou publics.

En partant des bilans 9 et en supposant que le taux de réserves obligatoires sur les dépôts
de la clientèle est de 2%, soit dans notre exemple : 2% x 930 FCFA = 18,6 FCFA, les bilans de
B et de BC se modifient de la façon suivante :

50
Bilans 10

Bilan de B
Actif Passif
Créances sur X : + 1000 FCFA Dépôts de X : +930 FCFA
Créances sur B : 18,6 FCFA Dépôts de B : 88,6 FCFA
BT : 0 FCFA

Bilan de BC
Actif Passif
De : + 50 FCFA
Créances sur B : 88,6 FCFA Dépôts de B: 18,6 FCFA
BT : 30 FCFA Dépôt : 0 FCFA
B1: + 150 FCFA

Au même titre que les besoins de billets ou de devises, les réserves obligatoires
apparaissent comme une contrainte additionnelle pesant sur la trésorerie des établissements de
crédit.

E. Les coûts de la liquidité bancaire

Le bilan de la banque centrale peut être généralisé de la façon suivante :

BC
De B
T R
RF
MC MC

La monnaie centrale (MC) a deux composantes :


- Les billets B ;
- Les comptes créditeurs (ou réserves R) des établissements de crédits et du Trésor public
(dont les réserves obligatoires RO).
-

51
Cette monnaie centrale créée a essentiellement trois contreparties inscrites à l'actif:
- Les devises acquises par la banque centrale De ;
- Les concours apportés au Trésor public T ;
- Les créances sur te système bancaire résultant d'opérations de refinancement RF. On
sait que la liquidité bancaire L se compose des billets en caisse dans les banques, des avoirs de
celles-ci en monnaie du Trésor et de leurs réserves R à la banque centrale. Comme les banques
détiennent peu de billets en caisse et que leur compte au Trésor, toujours créditeur, n'est jamais
imposant, on peut déduire que la liquidité bancaire se compose essentiellement de réserves,
soit: L = R.
Par ailleurs, l'égalité comptable tirée du bilan de la banque centrale nous permet d'écrire
:
B + R = De + T + RF
Il en découle que:
L = De + T + RF – B
Ainsi, la liquidité bancaire qui conditionne la capacité des banques en matière de
création monétaire, s'améliore :
- Lorsque la banque centrale acquiert des devises ;
- Lorsque le Trésor public s'endette ;
- Lorsque les concours aux banques, au titre des opérations de refinancement, s'élèvent ;
- Lorsque les demandes de billets de la clientèle des banques diminuent

52
CHAPITRE 4 : LES RELATIONS ENTRE LA BANQUE CENTRALE ET LE
SYSTÈME BANCAIRE

Il s'agit de voir qui des banques centrales et des banques commerciales détient le rôle
moteur en matière de création monétaire et quels en sont en définitive les déterminants majeurs
de l'offre de monnaie. Deux réponses sont le plus souvent données. Dans l'optique dite du
multiplicateur, c'est la banque centrale qui a un rôle premier. Dans l'optique dite du diviseur,
l'accent est mis sur la relative autonomie des banques en matière d'octroi de crédit et donc de la
création monétaire.

Section I : Le comportement de la banque centrale

A. La banque centrale et la création monétaire


La Banque Centrale peut créer deux sortes de monnaie :
- Il s'agit d'abord de la monnaie fiduciaire (monopole d'émission des billets). La Banque
Centrale crée de la monnaie fiduciaire lorsque les agents économiques non financiers
souhaitent détenir une partie de leurs avoirs sous formes de billets: on parle de préférence pour
la liquidité. Comme la création de monnaie scripturale par les banques commerciales
s'accompagne toujours d'une demande de billets (fuite bancaire), elles sont obligées de s'en
procurer auprès de la Banque Centrale. Exemple : lorsqu'un étudiant retire au distributeur de sa
banque 40 FCFA, il oblige cette dernière à se procurer de la monnaie Banque Centrale (une
monnaie que les banques commerciales ne peuvent pas émettre).
Il s'agit ensuite de la monnaie scripturale qu'elle peut créer selon les mêmes mécanismes
que la création monétaire des banques, c'est à dire lorsqu'elle transforme une créance (sur tes
particuliers, sur l'extérieur ou sur le trésor public) en moyens de paiement. Il convient
cependant de discerner deux formes de monnaie.
Lorsque la Banque Centrale consent à acheter des actifs réels, financiers, des devises
(ou encore à accorder des crédits à l'Etat), elle crée ce que l'on appelle de la monnaie externe ou
libre (la création de la monnaie est définitive). Cette monnaie a pour principale caractéristique
de ne pas augmenter l'actif global du système non bancaire. En effet, ces opérations ne
concernent que la banque centrale, les banques commerciales et le Trésor Public. SI une banque
commerciale cède des devises à la Banque Centrale pour un montant de 1000 euro (nous
considérerons une parité 1 euro = 1 FCFA), la Banque Centrale va créer de la Monnaie Banque
Centrale en créditant le compte courant de la banque commerciale de 1000 FCFA. Le stock de

53
devises de la Banque Centrale va s'accroître de 1000 euro. On s'aperçoit Ici que la monnaie
créée est de type scriptural (elle n'est pas convertie en billets). En outre, cette monnaie est dite
externe ou libre dans la mesure où elle est créée définitivement par la Banque Centrale. La base
monétaire (Monnaie Banque Centrale) se sera accrue de 1000 FCFA.

Bilan de la banque commerciale A


Actif Passif
Devises: -1000 euro
CC à la BC: + 1000 FCFA

Bilan de la banque centrale


Actif Passif
Devises: + 1000 euro CC de A : + 1000 FCFA

Lorsque la Banque Centrale crée de la monnaie scripturale au titre du refinancement des


banques commerciales (octroi de crédit, opérations de réescompte d'un effet de commerce), la
monnaie créée est dite Interne dans la mesure où sa création n'est pas définitive. Si la Banque
Centrale refinance les banques commerciales et le Trésor Public, elle crée de Sa monnaie
scripturale qui circule entre les différents comptes. Cette monnaie est appelée Monnaie
Banque Centrale (MBC) ou également base monétaire. Elle apparaît au passif du bilan et ses
contreparties à l'actif. La Monnaie Banque Centrale assure ainsi une forme de communication
entre les diverses banques (et le Trésor). Nous avons vu précédemment qu'une compensation
Interbancaire quotidienne était réalisée sur le marché monétaire entre les créances et les dettes
de chaque banque. De cette compensation, se dégage pour chaque banque un solde excédentaire
ou déficitaire, inscrit au crédit ou au débit de son compte dans les livres de la Banque Centrale.
Ceci se traduit par une hausse ou une baisse de ses avoirs en monnaie Banque Centrale.
Dans le cas où le montant de Monnaie Banque Centrale détenu par une banque
commerciale devient Insuffisant, cette banque doit immédiatement acheter de la monnaie
Banque Centrale en cédant par exemple des effets représentatifs de crédits, soit à d'autres
banques commerciales, soit à la Banque Centrale (opération de refinancement).

54
Bilan de la banque commerciale A
Actif Passif
CC à la BC : + 1000 FCFA Refinancement auprès de la BC : + 1000
FCFA

Bilan de la banque centrale


Actif Passif
Refinancement de A : + 1000 FCFA CC de A : + 1000 FCFA

Par contre, si le montant de monnaie Banque centrale détenu par une banque
commerciale est supérieur à ce qui lui est nécessaire pour satisfaire la demande de ses clients et
pour constituer d'éventuelles réserves obligatoires, elle a la possibilité d'accroître le volume de
crédits qu'elle accorde.
L'opération de réescompte d'un effet de commerce peut être introduite de la manière
suivante : la société X doit une somme d'argent à une société Y, X signe donc une
reconnaissance de dettes, si Y a besoin de cette somme avant l'échéance, elle peut porter ce
papier (traite, effet de commerce) à sa banque qui lui échangera contre des moyens de paiement
disponibles immédiatement, moyennant un coût qui est le taux d'escompte. La banque peut à
son tour escompter ce papier auprès de la Banque centrale; par le réescompte, la Banque
centrale crée de la monnaie au profit de la banque. La dette de la société X est ainsi transférée à
l'actif de la Banque centrale. Nous voyons ici que la création monétaire de la Banque Centrale
n'est que transitoire dans la mesure où le remboursement du refinancement (effet de commerce)
donne lieu à une destruction de monnaie identique.

B. La création monétaire dans un système hiérarchisé


Supposons que pour une raison quelconque, les banques disposent de réserves excédentaires
RE de 100 auprès de la banque centrale. Elles ont intérêt à utiliser ces réserves afin d'obtenir des
revenus supplémentaires, plutôt que de les conserver en monnaie centrale, ce qui ne rapporte
rien ou très peu. On suppose que la préférence pour les billets (b = 20%). De plus, les banques
commerciales doivent respecter un taux de réserves obligatoires r = 10%. Elles décident donc
d'accorder 100 de crédits, ce qui va mettre en route des vagues successives de fuites et de
nouveaux crédits :

55
Vagues de Réserves Crédits Demande Retour de Constitution Total des
crédits excédentaires nouveaux de billets dépôts de fuites
(1) = monnaie (3) = 0,2. (4) = 0,8. réserves (6) = (3) +
créée (2) (2) obligatoires (5)
(2) = (1) (5) = 0,1.
(4)
1ère 100 100 20 80 8 28
2ème 72 72 14,4 57,7 5,8 20,2
3ème 51,9 51,9 10,4 41,5 4,2 14,6
ème
4 37,3 37,3 7,5 29,8 3,0 10,5
5ème 26,8 26,8 5,4 21,4 2,1 7,5
…. ..... …. …. …. ….
ième
n 0 0 0 0 0 0
Total 0 357 7%4 285,6 28,6 100

Ce tableau appelle au moins cinq commentaires :

1) On retrouve le privilège des banques: l'expansion de leur actif entraîne celle de leur
passif ;
2) A chaque vague successive de crédit, 28% de la monnaie créée fuît hors du circuit
monétaire des banques commerciales : 20% en billets (6) et 8% (r (l - 6)) en réserves
obligatoires, soit 10% (r) des 80% (1 - b) des retours de dépôts. A chaque période, les
réserves excédentaires représentent donc 72% (1 – b – r (1 - b)) de celles de la période
antérieure.
3) Le total des crédits accordés (C), et donc la monnaie créée (M) c'est-à-dire les 357, est
un multiple des réserves excédentaires initiales (100). Ce total s'obtient en effectuant la
somme des vagues successives de crédits :

∑ ∑

( ) ( ( )
( ) ( )
Soit la somme d'une progression géométrique de raison 0,72 < 1 qui, quand n tend vers
l'infini, devient :

∑ ∑

56
4) Sur ces 357 de monnaie supplémentaire, 285,6 sont de nature scripturale et 71,4 ont
pris la forme de billets;
5) Pour les banques commerciales, la somme des deux besoins supplémentaires de
monnaie centrale (billets + réserves obligatoires) est égale à 100, soit te montant des
réserves excédentaires initiales. De la monnaie a été créée jusqu'à disparition des
réserves excédentaires initiales.

En termes de variations de bilans, la situation à la fin du processus est la suivante:


Bilan des banques commerciales
Actif Passif
Créances sur ANF : + 357 Dépôts à vue : + 285,6
Réserves : - 71, 4
Dont RO : + 28,6
RE : - 100

Bilan de la banque centrale


Actif Passif
Billets : + 71,4
Comptes créditeurs des banques : - 71,4
Dont RO : +28,6
RE : - 100

En généralisant cet exemple, on obtient :

∑ , ( )- , ( )-

, ( )-

Qui admet comme limite :

∑ ∑
( )

La proportion k entre la monnaie nouvelle et le montant des réserves excédentaires


Initiales dépend des coefficients b et r. Elle augmente (diminue) lorsque :
- Les habitudes de paiement en monnaie fiduciaire s'affaiblissent (se renforcent) ;
- La banque centrale diminue (augmente) le coefficient de réserves obligatoires.
Les résultats que nous venons de présenter sont ceux du système bancaire pris dans son
ensemble. Une banque, prise Isolément, peut créer de la monnaie pour un montant supérieur
aux liquidités qu'elle a reçues, ce montant variant en fonction :

57
- du coefficient de réserves obligatoires,
- et de la part de marché de l'établissement.
Pour le système bancaire dans son ensemble, la contrainte « part de marché » disparaît
-puisque les fuites entre les différentes banques se compensent - et seule subsiste (en l'absence
de monnaie fiduciaire) le rôle des réserves obligatoires.
En considérant le cas d'une banque A dans le système bancaire, on peut dire que f est la
part de marché des autres banques que A. dans ce cas, en suivant le raisonnement précédent, on
obtient :

∑ , ( ) ( ))-


( ) ( ( ))

Avec ( ) ( ( ))

C. La relation entre la monnaie centrale et la monnaie de banque


Pour établir cette relation, nous simplifions l'analyse en supposant que les réserves du Trésor
public (c'est-à-dire son dépôt) à la banque centrale sont nulles. Auprès de cette dernière, les
banques ont des réserves R. elles sont composées pour partie de réserves obligatoires R0, liées
via le taux r aux dépôts de leur clientèle, et pour partie, elles peuvent être excédentaires RE.
On sait par ailleurs que la masse monétaire M est la somme des billets B et des dépôts D,
et la monnaie centrale étant la somme des billets et des réserves R, la relation entre les
différentes formes de monnaie peut être établie de deux manières.
1. Présentation du modèle
La première consiste à préciser les comportements en référence aux dépôts. En notant h
le rapport que les agents non financiers souhaitent maintenir entre les billets détenus et leurs
dépôts en banque (h = R/D), nous pouvons écrire :
MC = B + R = hD + rD = (h+r) D avec r et h compris entre 0 et 1.
M = B+D = hD + D = (h+1) D

De ces deux relations, nous déduisons que :

Soit enfin . /

Compte tenu de la valeur des paramètres h et r, le terme en crochets (le multiplicateur) est
supérieur à l'unité. La masse monétaire est un multiple de la monnaie centrale.

58
La seconde façon d'établir cette relation consiste à reprendre la décomposition de la
masse monétaire et, en raison des préférences de la clientèle, à supposer un rapport b entre les
billets détenus et la masse monétaire (b = B/M) et B = b.M.
RO le montant des réserves obligatoires ; g le coefficient de réserves obligatoires ;
D = d.M = (1 - b).M, d la fraction des dépôts dans la masse monétaire.
La base monétaire H= RO + B = gD + bM = g (1- b).M + bM
H = (g - gb + b).M

La masse monétaire est donc un multiple de la base monétaire. On dira également que la
Banque Centrale est capable de contrôler la masse monétaire en circulation et que l'offre de
monnaie est exogène (La Banque centrale peut imposer la masse monétaire de son choix).

2. Les conditions de mise en œuvre du multiplicateur de crédit

L'idée qui domine dans la théorie du multiplicateur est que la monnaie centrale constitue la base
d'une pyramide qui correspond à l'ensemble des moyens de paiement détenus par les ANB. Les
théoriciens établissent un lien de cause à effet entre ces deux grandeurs (monnaie centrale
monnaie bancaire), la monnaie centrale disponible (au-delà du montant immobilisé par les
réserves obligatoires) étant le facteur permissif de la création monétaire des banques. Sans
critiquer dès à présent le fondement même de cette conception, Il convient déjà de préciser les
conditions du fonctionnement du multiplicateur de crédit.
i) L'existence des réserves excédentaires
La présence de réserves excédentaires, d'avoirs en monnaie centrale dépassant les réserves
obligatoires est essentielle puisqu'elle est la condition même de toute création monétaire. C'est
en ce sens que la monnaie centrale est qualifiée de « base monétaire » ou de « monnaie à haute
puissance » (highpowered money).
Ces réserves excédentaires peuvent avoir plusieurs origines : apport de devises, moindre
utilisation des billets, drainage de liquidités aux dépens du circuit du Trésor. La banque centrale
peut également « libérer » des réserves bancaires en réduisant le taux, ou l'assiette, des réserves
obligatoires qu'elle exige des établissements de crédit. Une fraction des liquidités en compte à
ta banque centrale alimente ainsi le contingent de réserves « libres » que les banques de second
rang utiliseraient pour consentir de nouveaux crédits.

59
La pratique est toutefois que ces réserves, quand elles existent, sont davantage destinées
à donner plus de souplesse à la gestion de la trésorerie des établissements de crédit ou à les
prémunir contre le risque d'une hausse du coût de leurs ressources sur le marché monétaire, qu'à
servir de support à ta création monétaire. Au surplus, ces réserves excédentaires n'ont toujours
représenté en France qu'une fraction minime des avoirs des banques auprès de la banque
centrale de telle sorte que l'incidence de leurs variations sur l'encours des prêts ne peut être que
négligeable.
La conclusion est donc que, dès le départ, le processus de multiplication est entravé par
l'absence de « matière première » (les réserves libres), c'est-à-dire de multiplicande.

ii) L'emploi des réserves excédentaires


Pour que le multiplicateur de crédit puisse jouer, II faut encore que les banques réservent leurs
encaisses excédentaires en monnaie centrale aux fuites qui, inévitablement, résultent des
nouveaux crédits qu'elles consentent. Or, lorsque la liquidité des banques augmente, celles-ci
n'ont que l'embarras du choix en matière d'utilisation et toutes les utilisations possibles de ces
réserves n'alimentent pas la création monétaire. Ainsi, si l'octroi de crédits est jugé trop risqué
par les banques, ou si !es conditions sont Jugées trop peu rémunératrices, les banques peuvent
se livrer, sur les marchés monétaires nationaux ou Internationaux (euro-marchés) à des
opérations de trésorerie à très court terme (prêts à 24 heures ou à quelques jours) ou des achats
de titres divers (valeurs mobilières, bons du Trésor, etc.) Dans ce cas, les liquidités sont
simplement transférées vers d'autres établissements financiers, sans impulser directement une
nouvelle création monétaire.
Enfin, les banques peuvent profiter d'une éventuelle manne de liquidités pour se
désendetter vis-à-vis de !a banque centrale, c'est-à-dire réduire le recours au refinancement
plutôt que de répondre à une demande de crédit. Dans cette hypothèse, la monnaie centrale
excédentaire reflue auprès de l'institut d'émission où elle est détruite, sans avoir donné
naissance à une création monétaire additionnelle. Les banques ne sont donc pas des automates
répercutant mécaniquement sur les ANF les Impulsions données à la création monétaire par la
banque centrale à travers son action sur la base monétaire. Ce sont elles naturellement, plus que
les autorités monétaires, qui initient la création monétaire.
iii) L'existence d'une demande de crédits
La monnaie moderne est une monnaie de crédit puisque l'essentiel de sa création s'effectue par
les crédits aux ANB. En conséquence, pour qu'une impulsion exogène donnée à la liquidité des
banques entraîne un accroissement de la monnaie bancaire, II faut que la demande de crédit y

60
pousse. La théorie du multiplicateur de crédit suppose Implicitement qu'il existe en permanence
une demande de crédit insatisfaite au taux d'intérêt pratiqué par les banques. Si la volonté
d'endettement de la clientèle n'existe pas, il ne peut y avoir de création monétaire, en présence
ou non de réserves excédentaires.
Or, la demande de crédit ne dépend pas que des capacités de l'offre ; elle peut être
limitée par beaucoup d'autres facteurs : atonie de la conjoncture, attentisme des entreprises,
coût jugé excessif de l'endettement, etc. Il existe par ailleurs d'autres moyens concurrents de
financement, par les marchés.
Au total, le multiplicateur de crédit décrit un mécanisme potentiel d'expansion de la
masse monétaire, où la quantité de monnaie en circulation est réglée par l'offre de crédit des
banques, cette offre étant limitée par la monnaie centrale disponible. Les conditions de la
demande de monnaie sont négligées. À partir d'un accroissement de la liquidité des banques en
monnaie centrale, il permet de calculer les limites.
La création monétalre.et l'offre de monnaie théorique maxima à l'émission de monnaie
bancaire nouvelle. Mais il ne permet pas de prévoir précisément la création de monnaie qui sera
réalisée.
À ces critiques empiriques, il convient également de se rappeler les mécanismes
présentés dans la première section de ce chapitre. La création monétaire y a été analysée comme
un phénomène totalement indépendant des avoirs détenus par les banques en monnaie centrale,
ce qui établit qu'au contraire de ce que prétend la thèse du multiplicateur, la monnaie centrale
n'est pas le facteur permissif de la création de la monnaie bancaire, mais au contraire un facteur
induit La relation monnaie centrale - monnaie bancaire se trouve alors inversée : telle est la
problématique de la théorie du diviseur du crédit.
iv) La stabilité des coefficients b et r.
Si le coefficient des réserves obligatoires est contrôlé par la Banque Centrale (et donc stable), II
n'en va pas de même pour le taux de préférence pour les billets (très variable). En modifiant leur
préférence pour les billets, les agents non financiers peuvent entraîner une variabilité du
multiplicateur.

61
D. La remise en cause de la causalité du « multiplicateur monétaire »
Il est peu réaliste de considérer que l'activité de crédit n'est qu'une résultante automatique de la
situation de trésorerie des banques. Dans la réalité, celles-ci répondent à la demande de la
clientèle et disposent d'une certaine marge de manœuvre pour se procurer des liquidités. Dans
de nombreux cas, c'est la monnaie créée par les banques qui déclenche le recours à la monnaie
centrale et non l'inverse.
1- Le principe du « diviseur de crédit »
Le principe du diviseur de crédit peut être déduit de la relation suivante :

( )

Si on appelle alors ( )

La problématique du diviseur de crédit met l'accent sur le rôle moteur des banques dans
le processus de création monétaire, et inverse la causalité entre M et H, La banque centrale
entérinerait, par un refinancement (H) quasi automatique, l'offre de crédits des banques à leur
clientèle. Dans cette optique, à la suite d'un crédit C accordé par les banques, la monnaie créée
(M = C) est porté au crédit des agents non financiers. Ces derniers demandant une conversion
en billets (B = bM) et conservant des dépôts (D = (1 - b) M) sur lesquels les banques constituent
des réserves (R = g D = g (1 - b) M), les banques devront assurer un volume de refinancement
RF égal à : bM + g (1 - b) M. A la suite de la création monétaire des banques (M), les besoins de
refinancement conduisent à une création de monnaie de la banque centrale égale à :
MC = RF = bM + g (1 - b) M = (b + g (1 - b)).M
Alors que le multiplicateur monétaire nous enseigne que les banques se contentent de
consentir des crédits à partir de ressources préalables, le diviseur de crédit nous indique que la
quantité de monnaie centrale que les banques peuvent obtenir est une fraction du crédit dont
elles ont pris l'initiative.

2- Les freins à la « mécanique monétaire »

Le phénomène d'expansion des crédits ne se déroule pas sans Interruption. Les banques
conservent parfois volontairement des réserves excédentaires auprès de la banque centrale, ou
peuvent avoir l'assurance d'être refinancées sans être amenées à utiliser pleinement cette
facilité.

62
La première raison évoquée est que la création monétaire ne peut se faire qu'en réponse
à des demandes de crédits. C'est toujours la volonté d'endettement des agents non financiers qui
est à la base de la création monétaire : le multiplicateur indique seulement le maximum de
monnaie qui peut être créée par les banques ; de même le diviseur ne trouve sa valeur que si !a
demande de crédit est suffisamment importante pour que le processus aille jusqu'à son terme.
La seconde raison tient au fait que les banques sont des entreprises presque comme les
autres. De ce point de vue elles sont soumises par leurs actionnaires à une contrainte de
rentabilité. Elles cherchent à maximiser leur taux de marge, c'est-à-dire l'écart entre la
rémunération des crédits accordés et le coût résultant des opérations de refinancement. En
conséquence, leur création monétaire sera bornée d'un côté par les risques de défaillance des
emprunteurs et de l'autre côté par le coût des fuites hors de leur circuit monétaire : fuites nettes
vers les autres banques commerciales et fuites en monnaie centrale. Il en résulte un partage des
bénéfices qui vient grever le taux de marge de la banque : les intérêts versés par la clientèle sont
diminués des intérêts versés pour refinancement auprès d'autres banques et/ou de la banque
centrale.

63
Section II : Le contrôle de la monnaie et les limites de la création monétaire
A. Le contrôle de la monnaie par la banque centrale
La somme des postes figurant au passif constitue la monnaie banque centrale : MBC= B + R
Avec MC la monnaie banque centrale, B les billets et pièces (monnaies divisionnaires) en
circulation, et R les réserves des banques. Dans ce cadre, la banque centrale peut contrôler
parfaitement le montant de la monnaie banque centrale par ses opérations d'open market.

1- Les achats à l'open market à une banque


Soit le cas où la banque centrale achète des titres d'une valeur de 100 millions de francs à une
banque. Celle-ci va soit déposer la somme reçue sur son compte à la banque centrale, soit la
conserver directement dans ses caisses sous la forme de billets. Voyons comment les bilans de
la banque centrale et de l'établissement de crédit sont modifiés par cette opération.
Variation du bilan du système bancaire
Actif Passif
Titres d'Etat: -100
Réserves (monnaie Centrale) : - 100

Simultanément, la banque centrale voit ses engagements augmenter de 100 (hausse des
réserves), et ses avoirs enregistrer une augmentation identique (hausses de la détention
d'obligations d'Etat). Le bilan varie comme suit :
Variation du bilan de la banque centrale
Actif Passif
Titres d'Etat : + 100 Réserves (monnaie centrale) : + 100

Le résultat net de ['opération est le suivant : l'achat à l'open market provoque une augmentation
des réserves des banques c'est-à-dire de la liquidité bancaire ou de la monnaie centrale égale à
100.
2- Les achats à l'open market au secteur privé non bancaire
Supposons que le ménage ou l'entreprise vend les titres à la banque centrale et dépose la
contrepartie à la banque. La modification du bilan du secteur privé non bancaire est donnée par
:

64
Variation du bilan du secteur privé non bancaire
Actif Passif
Titres d'Etat: -100
Dépôts à vue : + 100

La banque qui reçoit le chèque crédite le compte du déposant de 100 et dépose le chèque sur son
compte à !a banque centrale, ce qui augmente d'autant ses réserves. La modification du bilan du
système bancaire est donnée par :
Variation du bilan du système bancaire
Actif Passif
Réserves (monnaie centrale) : +100 Dépôts à vue : + 100

L'effet sur le bilan de la banque centrale est le suivant : à l'actif, la détention d'obligations d'Etat
augmente de 100; au passif, les réserves des banques augmentent du même montant :
Variation du bilan de la banque centrale
Actif Passif
Titres d'Etat : +100 Réserves (monnaie centrale) : + 100

Supposons maintenant que le vendeur de titres encaisse le chèque sous forme de billets. L'effet
sur les réserves est différent :
Variation du bilan du secteur privé non bancaire
Actif Passif
Titres d'Etat: -100
Billets: + 100

Variation du bilan de la banque centrale

Actif Passif
Titres d'Etat: + 100 Billets en circulation : + 100

Cette analyse montre que l'effet d'un achat à l'open market sur la monnaie centrale, la liquidité
bancaire dépend de la forme (billets ou dépôts bancaires) de détention du produit de la vente du
titre par le vendeur. L'effet d'un achat à l'open market sur la monnaie centrale n'est pas aussi sûr
que son effet sur la monnaie banque centrale.

65
3- Les ventes à l'open market
Si la banque centrale vend des obligations d'Etat d'une valeur de 100 à une banque ou à
un agent privé non bancaire, la monnaie banque centrale diminue du même montant.

B. Les limites de la création monétaire


Si un banquier n'a besoin que de son stylo pour créer de la monnaie, on peut se demander ce qui
empêche une création infinie de monnaie. En fait, la création monétaire est limitée par la
demande de monnaie, par les besoins des banques en billets et par les interventions de la
Banque Centrale.
1- La contrainte de la demande de monnaie

Les banques ne créent pas de la monnaie pour le plaisir, mais en réponse à une demande de
monnaie. La création monétaire est donc bornée par les besoins de liquidités des agents non
financiers, et ces besoins eux-mêmes sont élevés durant les périodes de forte activité, mais
réduits dans les périodes de ralentissement de l'activité.
La contrepartie «créances sur l'économie» est source de création monétaire si la consommation
des ménages, l'investissement des entreprises et des ménages jouent un rôle moteur dans
l'économie (demande de crédit pour la consommation, pour l'Investissement). La contrepartie «
créances sur l'extérieur » pèse sur la liquidité des banques commerciales, elle l'améliore en cas
d'excédent commercial et donc entrée de devises (apports de. celles-ci à la Banque Centrale),
elle la détériore dans le cas inverse. La contrepartie « créance sur le Trésor Public » détériore la
liquidité bancaire lorsque le budget de l'Etat est excédentaire (notamment au moment du
recouvrement de l'impôt), le compte des banques à la Banque Centrale est en effet débité du
montant des impôts prélevés, au profit du compte du Trésor public.

2- Les besoins des banques en billets


Les clients des banques font circuler une partie de la monnaie créée par les banques, non sous sa
forme initiale de monnaie scripturale, mais sous forme de monnaie. Or les banques ordinaires
ne peuvent pas émettre de billets, elles doivent se les procurer en effectuant des retraits sur leur
compte à la Banque Centrale. Si la banque n'est pas assurée de disposer de ces billets en cas de
besoins, elle ne peut créer davantage de monnaie. Les avoirs en monnaie Banque Centrale
constituent ainsi la base monétaire indispensable à tout création de monnaie en circulation.
Quand une banque ne dispose pas d'un crédit suffisante la Banque Centrale, nous avons vu
qu'elle pouvait emprunter sur le marché monétaire auprès des banques qui disposent d'un

66
compte créditeur à la Banque Centrale (il s'agit d'un refinancement sur le marché monétaire).
Une banque particulière peut donc créer de la monnaie sans disposer momentanément de la
monnaie Banque Centrale nécessaire pour faire face aux retraits en billets en l'empruntant à une
autre banque, mais cette autre banque diminue alors de façon équivalente sa propre base
monétaire et donc sa capacité à créer de la monnaie scripturale. Le système bancaire pris dans
son ensemble ne peut donc pas créer de monnaie s'il ne dispose pas des avoirs en compte à la
Banque Centrale lui permettant de retirer les billets qui lui seront demandés ensuite par la
clientèle. Or, cela ne dépend pas simplement du bon vouloir des banques, mais aussi de ta
demande de billets de la clientèle (b) et de la volonté qu'a la Banque Centrale de refinancer le
système bancaire (AMBC) sur le marché monétaire en lui procurant la monnaie Banque
Centrale dont il a besoin pour fonctionner.
Ceci est vrai quel que soit le principe (multiplicateur ou diviseur) évoqué :
∆M = ∆MBC / (r + b – rb)
∆MBC = ∆M. (r + b – rb)
3- Le contrôle de la création monétaire par ta Banque Centrale
La Banque Centrale contrôle indirectement la création monétaire des banques commerciales en
contrôlant la mesure dans laquelle elles pourront satisfaire les besoins en monnaie Banque
Centrale engendrés par cette création monétaire (refinancement des banques commerciales en
situation de déséquilibre). Toutefois, on ne doit jamais perdre de vue les principaux objectifs
assignés à la Banque Centrale, à savoir la lutte contre l'inflation au travers de la stabilité Interne
et externe de la monnaie. La stabilité interne a trait à ta surveillance et au contrôle de la masse
monétaire. !l s'agit de suivre l'évolution des agrégats monétaires. Si l'augmentation de la masse
monétaire est liée à celte de l'activité économique, les risques d'inflation peuvent être
raisonnablement contenus (l'accroissement de la monnaie en circulation fait suite aux besoins
des agents économiques). Si par contre, la hausse de la quantité de monnaie n'est pas justifiée
par la croissance économique, elle peut générer de l'inflation. La stabilité externe est liée à la
surveillance des taux de change, c'est à dire de la valeur de ta monnaie (ici l'euro) par rapport
aux autres devises. Ainsi le renchérissement de certaines importations, comme les matières
premières et énergétiques, libellées en dollars, accroît les coûts de production des entreprises
ivoiriennes (ou de la zone UEMOA) et peut conduire à une hausse des prix. A travers la
politique monétaire, la Banque Centrale a généralement recours à trois types d'intervention: la
politique d'encadrement du crédit, la politique d'Intervention sur le marché monétaire, la
politique de réserves obligatoires.

67
TROISIÈME PARTIE : LA DEMANDE DE MONNAIE

68
CHAPITRE 5: LA DEMANDE DE MONNAIE

SECTION I : LES FONCTIONS DE DEMANDE DE MONNAIE


A. La détention de monnaie dans une optique transactionnelle
1. La théorie quantitative de la monnaie
Pour les classiques (David Ricardo, John Stuart Mill), la monnaie n’est détenue que parce
qu’elle facilité les échanges, et la monnaie dépensée sera strictement égale aux marchandises
qu’elle permet d’acheter. Une même unité de monnaie pouvant financer plusieurs transactions
au cours d’une période donnée, la quantité de monnaie en circulation dans une économie sera
égale au total de la dépense de la période divisée par sa vitesse de circulation. Cette théorie
quantitative de la monnaie est formulée par Irving Fisher sous la forme suivante :
MV=PT
M = la quantité de monnaie en circulation dans l’économie ;
V = la vitesse de transaction, c’est-à-dire le nombre de fois où une unité monétaire est utilisée
dans les transactions au cours d’un période donnée ;
P = le niveau général des prix ;
T = le volume des transactions
Cette équation des échanges n’est pas une fonction de demande de monnaie. Elle ne traduit pas
une encaisse monétaire désirée, mais une encaisse nécessaire pour effectuer les transactions. La
monnaie est seulement ici un intermédiaire des échanges. En supposant que la vitesse de
transactions est exogène (car déterminée par les habitudes de paiement des agents), que le
niveau de transaction est exogène (fixé dans la sphère réelle), un accroissement de la quantité de
monnaie dans l’économie va provoquer un accroissement proportionnel du niveau général des
prix.
2. L’analyse de l’école de Cambridge
L’analyse de l’école de Cambridge (A. Marshall, A. Pigou) est différente de celle de Fisher.
Leur analyse est toujours macroéconomique mais elle a des fondements microéconomiques :
elle s’intéresse aux comportements des agents pris individuellement et le passage de l’individu
au global se fait par l’agrégation des comportements des agents. Ces auteurs mettent en avant,
le comportement de choix des individus, notamment en matière d’encaisses monétaires
désirées et le problème est défini en termes de quantité de monnaie désirée par les agents
économiques. Selon ces auteurs, les individus désirent détenir de la monnaie sous forme
d’encaisses en raison de son côté pratique pour les transactions et au sens où elle est
universellement acceptée contre des biens et des services, en échange. Comme chez Fisher, la

69
fonction principale de la monnaie est d’être un intermédiaire des échanges : plus l’individu
effectue des transactions, plus il désirera détenir de la monnaie. Dans cette approche, on met
l’accent sur la volonté de détenir de la monnaie plutôt que sur la nécessité de la détenir comme
c’était le cas chez Fisher. Un individu ne peut pas détenir toute la monnaie qu’il voudrait dans
la mesure où sa richesse est limitée : les encaisses désirées sont limitées par la contrainte de
richesse. L’individu désirera diversifier sa richesse en détenant des actifs monétaires mais aussi
financiers et réels. La plupart du temps, ces individus ont une activité de travail donc, il faut
rajouter le fait que l’agent économique perçoit des revenus ou des recettes et à partir de là, il
effectue des dépenses qui ont pour particularité de ne pas être synchronisées dans le temps
c’est-à-dire, il existe un décalage temporel entre les revenus perçus et les dépenses effectuées et
cette non-synchronisation temporelle entre revenus et dépenses ; Cela va conduire l’individu à
détenir des actifs liquides, des actifs monétaires dont le montant va dépendre du volume des
transactions qu’il projette de réaliser. Ce montant peut varier avec le montant de son patrimoine
mais il peut aussi varier en fonction du coût d’opportunité de la détention de monnaie, donc, du
manque à gagner qu’il aurait à détenir de la monnaie.
B. La détention de monnaie comme composante d’un portefeuille
1. La demande de monnaie keynésienne
La démarche de Keynes a consisté à définir une attitude générale des agents
économiques à l'égard de la monnaie marquée par ce qu'il appelle la préférence pour la
liquidité. Keynes estime que la monnaie se distingue des actifs financiers par le fait qu'elle ne
rapporte pas de revenu ; II faut donc expliquer pour quelles raisons les agents économiques
persistent néanmoins à demander de la monnaie.
a) La préférence pour la liquidité
Elle découle tout naturellement de deux éléments, l'avenir n'est pas connu avec
certitude, la monnaie à des propriétés particulières qui la font désirer par les agents de
l'économie.
i) L'incertitude du futur
L'avenir n'est pas connu avec certitude et « la monnaie est un lien entre le présent et le futur ».
La quantité de monnaie que l'agent reçoit sous forme de revenu monétaire et qu'il conserve sous
forme de pouvoir d'achat immédiatement utilisable, a une valeur parfaitement définie. Il n'en va
pas de même pour les titres boursiers dont les cours fluctuent parfois très fortement, ni pour les
autres formes d'actifs qui sont sujettes à des détériorations et exigent des frais de conservation
importants. La monnaie est une forme de détention de la richesse non risquée et sans coûts de
conservation : II est donc normal que les agents lui consacrent une place privilégiée dans leurs

70
actifs. La préférence pour la liquidité traduit la méfiance que l'agent restait à l'égard d'un futur
incertain, elle l'incite à conserver un pouvoir d'achat liquide supérieur à ses besoins normaux
d'encaisses de transaction.
ii) Les propriétés de la monnaie
La préférence pour la liquidité, en entendant par ce terme la préférence pour la détention de
monnaie, découle également des propriétés propres à la monnaie telles que Keynes les définit
dans le chapitre XVII de la Théorie générale. La monnaie a une élasticité de production et de
substitution nulle et, des coûts de conservation négligeables par rapport aux services qu'elle
rend à l'économie. La demande de monnaie est donc toujours suffisamment élevée pour que sa
valeur soit stable. En fait comme nous allons le voir il existe un mécanisme qui adapte la
demande à l'offre et évite à la monnaie de perdre de sa valeur.
b) Les motifs de détention de la monnaie
Keynes distingue trois motifs de détention de la monnaie qui déterminent à leur tour
trois types d’encaisses.
Le premier est le motif de transactions, qu'il subdivise en deux, le motif de revenu pour
les particuliers et le motif d'affaires pour les entreprises. L'encaisse demandée par les
particuliers dépendra de l'importance et de la périodicité de leur revenu, l'encaisse des
entreprises, des dépenses de la production, des besoins d'Investissement et des décalages entre
recettes et dépenses. Quoique le taux d'intérêt joue un rôle dans la constitution de cette encaisse,
le facteur déterminant en est le revenu.
Le deuxième motif est un motif de précaution, qui est le désir de se constituer une
réserve de pouvoir d'achat d'une valeur immuable. Il est clair que le taux d'intérêt peut ici
encore Jouer un rôle, mais Keynes considère finalement que l'agent détermine son encaisse de
précaution en fonction de sa dépense habituelle. Le revenu sera donc ici encore une variable
déterminante.
La troisième encaisse, l'encaisse de spéculation, déjà analysée, dépendra du désir de
faire des gains (ou d'éviter des pertes) sur la valeur patrimoniale des actifs, principalement de
ceux qui s'échangent sur le marché boursier. Dans ce cas le taux d'intérêt jouera un rôle
déterminant.
A ces trois motifs Keynes s'ajoute un élément de décision supplémentaire, le degré de
préférence pour la liquidité. Celui-ci dépend de « l'état de la confiance ». Ces termes
s'appliquent au degré de certitude avec lequel les agents prévoient l'avenir. Certains
phénomènes qui se produiront dans l'avenir sont probabilisables et la prévision qui les concerne
peut être appréhendée avec un degré suffisant de certitude. Par contre, il existe des phénomènes

71
qui d'après Keynes sont totalement incertains : leur degré de certitude est insuffisant pour
fonder une décision rationnelle. Il établit alors un lien entre le degré de certitude et la préférence
pour la liquidité. Celle-ci sera d'autant plus forte que le degré de certitude est faible et
réciproquement.
c) La fonction keynésienne de demande de monnaie
La fonction de demande de monnaie établit une relation entre l'offre M et la demande
correspondant à la fonction de préférence pour la liquidité L. On peut regrouper les deux
premiers motifs (transaction, précaution) dépendant du niveau du revenu et isoler le troisième
(spéculation) dépendant du taux d'intérêt.
On obtient la relation suivante :
M = M1 + M2 = L1(Y) + L2 (r)
On peut représenter la demande de monnaie par la fonction :
( ) ( ) ( )
avec

et

̅ facteur exogène correspond au degré de préférence pour la liquidité

Le graphique ci-dessus représente la fonction de demande de monnaie. L'encaisse de


spéculation (1.II) est une fonction décroissante du taux d'intérêt Le taux est le taux
au-dessous duquel aucun agent ne place plus ses disponibilités. L'encaisse de
transaction-précaution est considérée comme indépendante du taux d'intérêt.

72
La somme des deux encaisses nous donne la fonction de demande de monnaie (1-III),
dont nous allons analyser les différentes composantes,
 Influence du revenu sur la courbe L
Si les agents ont défini pour un revenu Y et un taux d'intérêt r une demande de monnaie L, et si
le revenu s'accroît de Y1 à Y2. Les agents ne changent pas leur demande d'encaisse de
spéculation qui ne dépend que du taux d'intérêt, mais ils sont obligés d'accroître leur encaisse de
transactions.
Pour un taux d'intérêt donné et une encaisse de spéculation donnée, la demande de
monnaie totale qui inclut l'encaisse de transaction et l'encaisse de précaution s'accroît. La
courbe L se décale vers la droite (graphique ci-dessous).

̅ facteur exogène correspond au degré de préférence pour la liquidité


Supposons maintenant que les anticipations des agents deviennent plus pessimistes et
que leur crainte de l'avenir augmente entraînant avec elle le facteur exogène lo. Désormais pour
un taux d'intérêt donné et pour un niveau de dépense donné, les agents désirent augmenter leurs
encaisses de thésaurisation. La demande de monnaie s'accroît globalement sous l'influence de
ce facteur exogène (alors même que le revenu et le taux d'intérêt restent Inchangés).

73
On considère que U est toujours positif, le degré de confiance n'étant Jamais total. Ainsi, d'après
l'analyse de Keynes, un même taux d'intérêt r1 peut être associé à des demandes de monnaie
différentes selon le revenu Y et selon le degré de préférence pour la liquidité, propension
psychologique qui constitue un facteur exogène de détermination de la demande de monnaie
(L0). Par ailleurs un même revenu Y peut être associé à des demandes de monnaie différentes
selon le taux d'Intérêt et le degré de préférence pour la liquidité. La demande de monnaie est
donc un phénomène instable.
On distingue trois parties dans cette courbe ;
- La partie haute : anticipation unanime par les agents d'une baisse des taux. Personne ne
veut céder ses actifs et la demande de monnaie pour le motif de spéculation est nulle.
- La partie centrale : diversité d'opinions à l'égard des niveaux futurs des taux. Les
transactions sur les marchés financiers sont donc Importantes.
- La partie inélastique : anticipation unanime d'une hausse des cours. Tout le monde se
débarrasse des titres actuels pour obtenir de la monnaie afin d'acheter dans le futur des
titres émis à des taux plus attrayants, c'est la trappe à liquidité.
La forme de la courbe peut s'expliquer par l'influence de plusieurs phénomènes :
- La baisse du taux d'intérêt réduit le coût d'opportunité de détention des liquidités, donc
accroît la demande de monnaie ;
- Une politique monétaire laxiste de la banque centrale et une forte croissance de la
quantité de monnaie peuvent provoquer une telle incertitude à l'égard du futur que le
motif de précaution soit considérablement renforcé. En outre, les agents peuvent
également redouter la hausse des taux d'intérêt et accroître leur demande d'encaisses

74
spéculative.
- Enfin, si le taux d'intérêt diminue, un surcroît de monnaie sera nécessaire pour satisfaire
le motif de transaction car la baisse du taux d'intérêt doit favoriser l'accroissement du
revenu national et donc les transactions.

d) Le taux d’intérêt et la demande d’encaisse de spéculation


La préférence pour la liquidité explique que les agents se constituent des encaisses
supérieures à l'encaisse de transaction des classiques. C'est ce supplément d'encaisse qui sera
influencé par le taux d'intérêt. Dans l'utilisation de leurs revenus, les agents effectuent deux
choix successifs : le premier concerne leur consommation qui est déterminée par leur
propension à consommer. L'épargne est résiduelle. Le taux d'Intérêt ne joue qu'un rôle
secondaire dans ce premier choix. C'est l'hypothèse keynésienne de la stabilité de la fonction de
consommation.
Le second choix consistera à déterminer la part de cette épargne qui sera conservée sous
forme monétaire, et la part qui sera consacrée aux achats de titres. Ici le taux d'intérêt jouera un
rôle déterminant.
Nous avons vu que tout titre ancien procurant un revenu a une valeur qui dépend du taux
d'intérêt courant. Lorsque l'agent fait un placement et qu'il s'intéresse à la valeur patrimoniale
des actifs qu'il acquiert il tient compte à la fois du rendement du placement déterminé par le
taux courant, et de la variation ultérieure de la valeur capitalisée de ce placement qui dépend du
taux d'intérêt qu'il anticipe. En période de bas taux d'intérêt, l'agent anticipe une hausse
ultérieure de ce taux et une baisse du cours des titres, par contre lorsque les taux d'intérêt sont
élevés, placer son argent devient avantageux car on ne peut qu'anticiper une hausse du cours des
titres.
Dans le premier cas, l'agent sera tenté de conserver de la monnaie, dans le second cas il
préférera acquérir des titres.
Quoique les agents déterminent leurs choix monétaires en fonction de leurs
anticipations sur l'évolution ultérieure des taux, le taux actuel du marché Jouera un rôle non
négligeable sur leurs comportements. En effet, les prises de décision s'opèrent dans un certain
climat psychologique, « l'état des anticipations à long terme » en fonction duquel les agents
déterminent un taux d'intérêt moyen de longue période qu'ils considèrent comme normal. Ils
confrontent le taux courant du marché à ce taux normal pour en déduire ses variations
ultérieures. SI le taux courant est élevé et supérieur au taux normal, les agents anticiperont une
baisse et placeront le plus possible de leur épargne en titres. Si le taux courant est dans l'esprit

75
des agents inférieur au taux normal, ils s'attendront a une hausse de ce taux et en attendant, ils
conserveront de la monnaie. En principe les agents ont tous des anticipations différentes ce qui
explique que certains demandent des titres tandis que d'autres offrent des titres et que s'opèrent
ainsi des échanges. Toutefois au- dessous d'un certain seuil du taux d'intérêt, tous les agents
anticipent une hausse et la demande de monnaie absorbe toute l'épargne disponible. C'est le
phénomène connu sous le nom de trappe à liquidité. Issue de cette procédure de choix,
l'encaisse de spéculation peut donc être considérée comme une fonction décroissante du taux
d'intérêt.
e) Le taux d’intérêt, phénomène monétaire
Pour Keynes, le taux d'intérêt est un phénomène de nature monétaire car, contrairement à ce
qu'affirmé la théorie «classique», l'intérêt ne récompense pas l'épargne en soi; l'Intérêt
récompense la renonciation à la liquidité, c'est-à-dire le passage d'une épargne liquide à une
épargne placée et donc temporairement Immobilisée. Selon la théorie traditionnelle, le taux
d'intérêt est le prix qui équilibre l'offre d'épargne et la demande d'investissement: il est donc un
phénomène réel puisqu'il dépend des préférences inter temporelles des consommateurs et de la
fonction d'investissement des entreprises.
Pour Keynes, les agents économiques Individuels sont amenés à prendre deux décisions
concernant l'utilisation de leurs revenus :
- Tout d'abord ils doivent décider quelle part de leur revenu sera consacrée à la
consommation Immédiate et quelle part sera conservée pour une consommation
ultérieure.
- Puis, pour la part du revenu qui n'est pas consommée, Keynes explique qu'une nouvelle
décision doit être prise; sous quelle forme les droits sur une consommation future
seront-ils conservés ? deux possibilités sont envisageables : conserver des droits
utilisables à tout moment (la détention de monnaie) ou renoncer à ces droits immédiats en
laissant le soin au marché de fixer les conditions dans lesquelles on pourra ultérieurement
accéder aux droits immédiats. Le choix entre ces deux formes de détention du pouvoir
d'achat est déterminé par le degré de préférence pour la liquidité.
2. La théorie friedmanienne de la demande de monnaie
Milton Friedman publie, en 1956, un article fondamental, la théorie quantitative de la monnaie,
une nouvelle présentation. C'est le fondement du renouveau libéral en t économie. C'est la base
de l'école de Chicago. C'est la base du monétarisme traditionnel qu'on oppose aux
ultramonétaristes.

76
a) La fonction de la demande de monnaie
i) La présentation générale du cadre d’analyse
On va appliquer la théorie pure du consommateur, on considère donc la monnaie comme un
actif dont on va mesurer l'utilité. Cette utilité est fonction d'un service rendu par la monnaie
(possibilité de dépenser, d'échanger). On applique la théorie néo-classique de base, la monnaie
est substituable aux autres biens et la décision de sa demande va provenir de la confrontation
entre l'utilité de la dernière unité de monnaie détenue et le rendement marginal des actifs
concurrents. Friedman réunifie les motifs d'encaisse : Il ne considère que le seul motif de
transaction. La monnaie est avant tout un Intermédiaire des échanges. En même temps, II
reprend les apports keynésiens notamment il va accepter l'Idée que le taux d'intérêt peut
Influencer la demande de monnaie mais en restant dans le cadre de l'encaisse de transaction.
L'agrégation des demandes individuelles importe en macroéconomie dans le sens où cela
permet de comprendre les fondements microéconomiques. Il cherche à justifier le
comportement des individus. Le problème est qu'il est difficile de soutenir que les agents aient
les mêmes comportements. On va travailler sur un agent représentatif qui possède les
caractéristiques moyennes du groupe. De ce fait, il sera représentatif de ce qu'on devrait
retrouver par agrégation au niveau macroéconomique. La demande de monnaie au niveau
macroéconomique correspondra à l'agrégation de demande de monnaie individuelle. Ceci va
permettre de nier l'influence de l'effet redistribution.
ii) La formulation de la demande de monnaie
Friedman raisonne surtout sur une demande de monnaie des ménages. Trots ensembles de
facteurs influencent la demande de monnaie, la richesse totale, le prix et les rendements des
actifs alternatifs à la monnaie, les goûts et préférences des individus. La richesse totale d'un
individu est la valeur totale de l'ensemble des revenus qu'un agent estime pouvoir toucher au
cours de sa vie. Elle va représenter la contrainte de budget à l'intérieur de laquelle il devra faire
son choix. Pour schématiser les choses, Friedman considère que la richesse totale est fonction
du revenu moyen de longue période Y. Ce Y est un revenu de long terme lié au patrimoine de
l'individu. C'est un revenu stable donc cela n'a rien à voir avec le Y de court terme keynésien qui
est susceptible d'évoluer.
- Les prix et rendements de la monnaie et des placements alternatifs. On a un portefeuille
où se mêlent monnaie et autres actifs. Ce choix va être lié au rendement anticipé des différents
actifs alternatifs. Friedman considère qu'il y a cinq actifs envisageables, monnaie, obligations,
actions, biens physiques, capital humain. A partir de là, il va Introduire une nouvelle variable
dans la demande de monnaie, le niveau général des prix P. Quand on a une augmentation du

77
niveau général des prix, on va réduire le pouvoir d'achat de la monnaie. On retrouve aussi le
taux d'intérêt sur le marché des obligations rb, le taux d'intérêt sur les actions (dividendes) rc, le
capital humain et son rendement w. Il prend en compte cette variable car il considère que les
agents n'ont pas le même comportement si on tire son revenu du capital ou du travail. Cela
permet de prendre en compte la proportion respective des deux formes de revenu. Le rendement

anticipé des actifs physiques est représentatif de la plus ou molns-value des actifs

immobiliers.
- Les goûts et préférences de l'agent type. Les individus détiennent de la monnaie car cela
procure un service, parce qu'elle a une utilité. Le montant de l'encaisse monétaire va être
fonction de l'attitude de l'agent par rapport à ce service. Il va prendre en compte un paramètre //
qui correspondre à l'attitude de la monnaie à rendre un service.

( )

C'est la demande de monnaie de l'Individu, et par agrégation la demande de monnaie au niveau


macroéconomique.
b) La reformulation de la théorie quantitative
C'est à partir de cette demande de monnaie que Friedman va essayer de reformuler la théorie
quantitative. Il va d'abord chercher à simplifier cette formule pour diminuer le nombre de
variables. W et p sont assez difficilement quantifiables. Par agrégation, on va penser que les
choses vont se compenser. On va faire l'hypothèse qu'ils seront assez stables et n'influenceront
pas les demandes de monnaie, rb et re sont les taux d'intérêt dans l'économie. Or, sur le long
terme, ils reviennent à leur niveau naturel. Donc les taux d'intérêt sont stables. La variable sur
les actifs monétaires peut être enlevée car elle contient le niveau général des prix. On retrouve
ainsi :

( )

La demande de monnaie est fonction d'une variable Y, stable dans le temps. Y ne varie
pas. Une variation de Md entraînera une variation de P.
C'est la base du renouveau libéral. Cela lui permet de montrer que la politique monétaire est
inefficace pour relancer l'économie sur le long terme. Puisque la demande de monnaie en terme
réel est stable ; avec une politique monétaire expansive, les agents vont se retrouver avec une
encaisse supérieure à ce qu'ils voulaient. Donc l'augmentation des dépenses provoque
inexorablement une augmentation des prix. Sur le long terme, on reviendra toujours au niveau
Initial et réel des variables monétaires. La politique monétaire est inefficace, L'Inflation est

78
dangereuse pour l'économie. Il y a eu des études empiriques sur la demande de monnaie. Si on
essaie de trouver des points communs dans les résultats, on trouve une élasticité de la demande
par rapport au taux d'intérêt négative, mais l'élasticité est faible, supérieure à 0,5. On trouve une
relation statistique entre le revenu et la demande de monnaie, supérieure à 0,5. On estime qu'il
est très difficile d'avoir des tests représentatifs de mesure des agrégats monétaires. L'économie
souterraine est aussi susceptible de fausser les résultats. On a trouvé aux Etats-Unis une
encaisse monétaire moyenne de 2000 $ dont la moitié en billets de 100 $, liée aux divers trafics.
c) L'importance de la distinction entre grandeurs transitoires et permanentes
Au niveau empirique, Friedman s'appuie sur la distinction entre variables transitoires et
variables permanentes. Il définit ainsi un revenu permanent (ou de long terme) YP ainsi qu'une
vitesse permanente de circulation VP qui se modifie dans le long terme en fonction d'évolutions
structurelles (les facteurs permanentes). La vitesse observée est alors définie de la façon
suivante :

( )

La vitesse observée fluctue autour de la vitesse permanente selon la situation


économique car le montant d'encaisses détenues par les agents économiques dépend de leur
revenu permanent. En période de croissance de l'activité, le revenu courant augmente plus

rapidement que le revenu permanent donc . / augmente. Les agents économiques utilisent

plus intensément une quantité de monnaie qui a peu varié; En conséquence, la vitesse de

circulation observée augmente. Dans l'hypothèse d'un ralentissement de l'activité . /

diminue et la vitesse observée diminue également. Les agents utilisent donc les dépenses pour
ajuster leur encaisse courante à la valeur d'équilibre de leur demande de monnaie déterminée
par leur revenu permanent.
d) Les mécanismes monétaires de transmission
En conformité avec le point de vue quantitativiste, Friedman estime qu'une variation de la
quantité nominale de monnaie, déterminée de manière exogène par les autorités monétaires,
exerce un effet direct sur les dépenses, car les agents économiques cherchent à se débarrasser
d'une encaisse jugée excessive ou, en d'autres termes, Ils cherchent à rétablir la structure
optimale de leur patrimoine. L'encaisse excessive sera consacrée à rembourser des emprunts,
acheter des titres, des biens ou des services. En raison de ces dépenses, la variation initiale de la
quantité de monnaie se traduira finalement par une variation des prix des actifs dont la demande
nominale a augmenté.

79
Au total, la 'variation de la quantité de monnaie exerce un effet transitoire sur les
grandeurs réelles (la production) mais ces effets réels s'évanouissent après quelque temps et, sur
le long terme, les facteurs monétaires n'ont d'Influence durable que sur le niveau général des
prix.
C. Les approfondissements de l’analyse keynésienne
Il est possible d’analyser le motif de transaction de deux manières différentes :
- La théorie quantitative. L’encaisse de transaction est simplement proportionnelle au besoin de
transaction sur la période. C’est une manière exogène d’aller chercher le montant de monnaie
dans l’économie. Keynes n’a pas amené de choses nouvelles.
- On part d’une logique différente dès le départ. La demande de monnaie va être la conséquence
d’un calcul rationnel de la part des agents. Les agents vont chercher à maximiser leur utilité
sous contrainte. La demande de monnaie sera la conséquence d’un calcul logique et volontaire.
Leur idée est de complexifier l’analyse. Sans critiquer Keynes, ils vont essayer de clarifier
l’analyse keynésienne. On va montrer que le taux d’intérêt est une variable qui va justifier la
demande de monnaie sans revenir sur l’encaisse de spéculation.

1. La reformulation de l’encaisse transactionnelle par Baumol (1952): comment


éviter d’avoir trop de monnaie (cas incertain)
L’enjeu des modélisations qui sont présentées ici est de montrer qu’il y a des façons d’effectuer
les échanges qui minimisent la quantité de monnaie détenue, et donc libèrent la richesse pour
une utilisation plus intéressante.
a) Cas où la monnaie est la seule réserve de valeur
Prenons le cas d’un individu qui reçoit un salaire de 10 000 FCFA en début de chaque période,
qui est pour la simplicité du raisonnement, totalement consommé au cours de la période. Si le
revenu est initialement détenu sous forme de monnaie, les encaisses monétaires correspondent
alors au schéma du graphique ci-dessous. A chaque début de période les encaisses sont de
10 000FCFA et à chaque fin de période, les encaisses sont nulles. En moyenne sur le mois
(données corrigées des variations saisonnières à l’intérieur du mois, selon les statisticiens), la
demande de monnaie est de 5 000FCFA.

80
Richesse
10 000

5000

t1 1 t2 2 t3 3 4 5 temps

Dans ce cas, aucun choix n’est possible quant à la quantité de monnaie à détenir : le seul flux de
revenu détermine le stock de monnaie détenu, la demande est réduite à sa simple expression et
ressemble à une pure contrainte liée aux transactions. Ce cas simple correspond à une première
intuition, celle d’une demande de monnaie uniquement en fonction du revenu, faute
d’alternative à la détention d’encaisses.
b) L’alternative monnaie / titre avec une seule transaction possible
Lorsqu’il existe un moyen rémunéré de détenir sa richesse, il est intéressant de ne pas détenir
tout le revenu initial sous forme monétaire et d’en investir immédiatement une partie en
« titres »(ou placement bancaire) portant intérêt. Il est a priori intéressant de détenir le plus
longtemps possible un maximum de titres en portefeuille pour faire courir les intérêts, sous
réserve que les dépenses de consommation courante puissent être effectuées. Le graphique
ci-dessous décrit la situation pour une durée de détention d’une demi-période (une durée de
détention de titre de deux tiers période).

81
Richesse
10 000
monnaie

5000

titres

t1 1 t2 2 t3 3 4 5 temps

La quantité de monnaie détenue juste après le début de la période est de 5 000FCFA, à la fin de
la première demi-période l’encaisse monétaire est nulle car les 5 000FCFA ont été
intégralement dépensés pour la consommation. L’individu revend alors son titre de placement
en récupérant le nominal, les 5 000FCFA pour commencer à effectuer les dépenses de la
deuxième demi-période, plus les intérêts. Mais un titre rapporte d’autant plus d’intérêts que sa
durée de détention est longue. Ici le montant placé est inferieur puisqu’il faut faire face
également à la consommation entre le temps ½ et 2/3. Les intérêts reçus étant en première
approximation proportionnels à la surface du rectangle décrivant la détention de titres, il n’est
pas évident que cette stratégie soit meilleure que la précédente. Quelle est la durée optimale de
placement et quel est le montant optimal détenu sous forme de titre ou de monnaie ?
Pour la réponse, on va exprimer le montant du placement en fonction des données du problème,
le revenu et la période de placement. Considérons que les intérêts ne sont pas capitalisés et
qu’ils sont payables seulement en fin de période. Soit le taux d’intérêt mensuel (30 jours), le

placement de 1 FCFA pendant jours rapporte FCFA. On note le revenu perçu au

début de la période, on remarque la consommation cumulée à la date depuis le debut du mois

est et donc la richesse disponible à la date est : = . /

Si les titres sont détenus jours, on trouve le montant placé en examinant la situation suivante
à l’échéance du placement, puisqu’alors toute la richesse est détenue en titre. Le montant placé

est donc égal à . /

Supposons que les titres sont échangés une seule fois dans la période, sans coût de transaction.

82
Le revenu « R » des titres détenus pendant jours est le produit du montant du placement, par
le nombre de jours et le taux d’intérêt journalier, soit ;

* ( )}. = .( )

La variable de décision est la date à laquelle les titres sont revendus, ou de façon
mathématique équivalente du montant de placement initial en titres. Ce revenu est maximisé en
annulant la dérivée première de R par rapport à

( )= 0 , d’où

On en déduit d’après la formule précédente que la somme placée initialement est de :

. /

En résumé, si une seule transaction est possible au cours de la période, le montant optimal de
placement est égal à la moitié du revenu initial, et sa durée de détention est égale à la moitié de
la période. La demande d’encaisses initiales est donc égale à la moitié du revenu Y ; la demande
de monnaie moyenne au cours de la période est égale au quart du revenu.
c) La demande de monnaie résultant de deux transactions financières
Avec deux transactions financières, les placements sont décrits ci-dessous, en notant les
deux dates finales de détention de titres, auxquelles correspondent respectivement les deux
périodes de détention : ( ) ( ) Si l’on considère qu’il n’y a pas de coût à échanger les
titres en monnaie, le revenu de l’épargne est d’après le graphique :

. / . / ( ) ( )*( ) ( )( )+

Richesse
10000

8000 E1 monnaie

6000

4000
B1 titres
2000

0
t u temps

83
Il y a maintenant deux variables de décision : t et u ou de façon équivalente, deux montants de
placements. L’optimum est atteint lorsque les deux dérivées correspondantes sont nulles, soit :

( ) ( )

Les placements optimaux sont donc équivalents au cours de la période de consommation. Le


montant B1 du premier placement en titres, effectué à la date initiale 0, est égal à Y (1- 10/30),
soit 2/3 du revenu initial Y, si bien qu’en début de période, 1/3 du revenu reste sous forme de
monnaie E1 (qui sera dépensé régulièrement jusqu’à la date 1/3). Sur la période courant entre la
date 0 et 1/3, la quantité moyenne de monnaie sera égale à la moitié du stock initial, soit 1/6 du
revenu Y.
Le montant B2 du deuxième placement en titres, effectué à la date 1/3 jusqu’à la date 2/3, est
égal à Y (1-20/30), soit 1/3 du revenu Y. La quantité de monnaie détenue à la date 1/3 est égale
au produit de la vente du premier placement T1 (en supposant que les intérêts sont payables
seulement en fin de période complète) moins le prix d’achat des titres T2, soit 2/3Y-1/3Y =
1/3Y. La quantité moyenne de monnaie détenue entre les dates 1/3 et 2/3 est donc de 1/6 du
revenu. Il en est de même entre la date 2/3 et la fin de la période (3/3). Au total, il y a trois
périodes de longueurs égales où la quantité moyenne de monnaie est 1/6 du revenu. Le stock
moyen de monnaie est donc de 1/6 du revenu Y, ce qui est inférieur à ¼ trouvé lorsqu’une seule
transaction était envisageable. Dans ce cas présent, la quantité de monnaie est plus faible, quand
bien même la valeur de la dépense ne s’est pas modifiée, on dit que la vitesse de circulation de
monnaie a augmenté, dans le sens où l’on utilise moins de monnaie (en stock) pour les mêmes
dépenses (flux).
d) Le dilemme entre les intérêts et les coûts de transactions

Les couts de transactions financières sont parfois directement facturés comme les frais de
courtage, les frais d’accès aux marchés financiers, ou ils restent implicites comme la valeur du
temps passé pour effectuer les placements, l’investissement en formation pour connaitre les
possibilités de placement, voire pour les professionnels le salaire du trésorier d’entreprise. Si
ces couts sont faibles, alors il est intuitif que la quantité de monnaie demandée sera restreinte.
Inversement, lorsque le cout de transaction est élevé, le montant de passages entre monnaie et
titre de placement sera réduit, et la demande de monnaie sera plus élevée, bien que cela

84
représente un cout d’opportunité en termes d’intérêts non perçus. Autrement dit, le montant
optimal de monnaie à détenir, sachant que sa détention prive l’individu des revenus procurés
par les titres mais lui évite les couts de transactions, résulte d’un arbitrage entre les couts de
transactions et le taux d’intérêt. On peut expliquer cet arbitrage en examinant un portefeuille
composé de monnaie et de titres. Notons c le coût fixe de conversion des titres en monnaie, le
coùt d’opportunité de la monnaie le taux d’intérêt et le montant des encaisses initiales
résultant de la revente de titres. A chacune des transactions, la même quantité d’encaisse E est
produite ; Et l’on constate que le revenu initial Y est finalement divisé en productions
d’encaisses d’un même montant E. Il en résulte que Le nombre de transactions par

période de est donc egal à . Il s’ensuit que le cout total de transaction est de : .

Quant au cout d’opportunité de la monnaie, il est égal au taux d’intérêt que multiplie le

montant moyen de monnaie détenue (M), avec , puisque les encaisses initiales E sont

dépensées régulièrement jusqu’à épuisement. Le cout d’opportunité total est : ;

il est minimisé lorsque la dérivée par rapport à E est annulée .


Ce qui donne :

Le stock moyen de monnaie est la moyenne de E et du du stock final qui est nul, soit :

La demande de monnaie pour un motif de transaction dépend donc :


- Positivement du montant des transactions, mais moins que proportionnellement : il y a
des économies d’échelle dans l’utilisation de la monnaie. Autrement dit, la demande de
monnaie à fin de transactions ne varie généralement pas dans les mêmes proportions
que le revenu.
- Négativement du taux d’intérêt. En clair, la demande de monnaie à fin de transactions
est une fonction décroissante du taux d'intérêt, considéré comme le coût d'opportunité
de l'encaisse.
- Positivement des coûts de transactions financières. La demande de monnaie est nulle si
les coûts de transaction sont nuls.
Ces résultats sont très intéressants dans la mesure où ils précisent la relation existant entre
monnaie et taux d'Intérêt même en l'absence d'une encaisse de spéculation. Ils indiquent qu'un
changement donné de l'offre de monnaie induit un accroissement du niveau d'activité qui lui est

85
plus que proportionnel. Le revenu varie comme le carré de l'encaisse, ce qui implique qu'il
existe un véritable multiplicateur monétaire.

2. La demande de monnaie et constitution d'un portefeuille optimal chez Tobin


(1958)
Tobin a contribué à clarifier le débat sur la demande de monnaie en situation d'incertitude et ce,
en procurant deux analyses :
- La première est celle où l'Incertitude sur l'avenir du taux d'Intérêt existe mais où l'agent
fait des anticipations certaines. L'encaisse est alors une encaisse de spéculation.
- La seconde est celle où l'Incertitude existe et où les agents cherchent à maximiser le
rendement de leur portefeuille en prenant en considération un risque probabilisable.
Ceci correspondrait à la définition que donne Keynes de l'encaisse de précaution.

a) La notion de taux critique


On supposera que l'agent a le choix entre deux actifs, les consolidés ou rentes
perpétuelles (ce sont des titres non remboursables) et la monnaie. Le taux d'Intérêt des
consolidés est r. Les agents anticipent par ailleurs un taux re et calculent le gain ou la perte qui
se déduirait de la variation du taux d'Intérêt.
Soit g, la variation anticipée de la valeur de leurs actifs (g peut s'exprimer aussi en
pourcentage) et e = r +g, le rendement total anticipé du placement exprimé en pourcentage.
Pour l'agent qui a le choix entre détenir de la monnaie ou détenir des titres la rationalité exige
qu'il détienne de la monnaie s'il attend à ce que la baisse de la valeur patrimoniale des titres
annihile le gain en Intérêt perçu sur ces titres, mais qu'il détienne des titres dès lors que cette
détention de titres procure un gain positif.
En appliquant cette méthode d'analyse, Tobin va reformuler la théorie keynésienne de
l'encaisse de spéculation et en tirer une confirmation de la fonction de demande de monnaie de
Keynes.
Calculons g:
Le placement initial au taux r rapportant un revenu de une unité a une valeur capitalisée de 1/r.
Compte tenu de leurs anticipations les agents considèrent qu'elle passera à 1/re. Le gain ou la
perte exprimée en pourcentage est :

86
Quel est le rendement total ?
Le rendement total anticipé du titre est égal à l'intérêt perçu r auquel s'ajoute g. Il est donc
égal à :

Comment s'opère le choix de l'agent ?


si , alors l'agent choisira les titres

si , alors l'agent conservera de la monnaie.

Il existe un taux critique rc qui correspond à r + g = 0. Pour ce taux l'agent est Indifférent à la
structure de son patrimoine.
implique que

b) La fonction Individuelle de demande d'encaisse de spéculation


Ainsi formulée par Tobin la théorie de Keynes signifie simplement que le taux d'Intérêt actuel
est considéré comme une assurance contre une certaine dévaluation anticipée de façon certaine
par les agents économiques. Le taux critique traduit le seuil au-dessous duquel le taux d'intérêt
du marché est insuffisant pour remplir cette fonction. On en déduit que l'agent a un choix réduit
qui consiste à détenir toute sa richesse soit en monnaie soit en titres.
Si A1, désigne la monnaie, r le taux d'intérêt et W la fortune de l'agent, sa demande d'encaisse de
spéculation doit avoir la forme suivante :

Au-dessus de rc, la demande de monnaie est nulle.


Au-dessous de rc, la demande de monnaie est égale à la richesse W. Le taux futur peut être
anticipé par l'agent de façon totalement exogène, mais il est plus vraisemblable qu'il sera

87
influencé par le taux actuel. Que devient l'analyse de l'encaisse de spéculation si on inclut cette
hypothèse ?
Dans ce cas :
( )
Comment est déterminé le taux critique ?
L'expression de rc devient :
( )
( )
Représentons h® avec une pente inférieure à l'unité.

Si h’< 0, alors cela signifie :


- Que r0 est le taux critique,
- Que pour r < r0 le taux critique est supérieur à r et que les agents détiennent de la
monnaie.
- Que pour r > r0 le taux critique est inférieur à r et que les agents achètent des titres.
Voyons à quelle condition h’< 0. Pour cela, différencions l'équation du taux critique
( ) ( ) ( )
( ) ( ( ))
En simplifiant on obtient :
( )
( )
( )
Etant donné que re est normalement positif, une condition suffisante pour que ( ) est
que ( ) .
( ) signifie que lorsque les agents constatent un accroissement de r Ils anticipent un
accroissement de re qui lui est inférieur. C'est ce que l'on appelle l'hypothèse d'anticipations
régressives.

88
c) La fonction globale de demande d'encaisse
Les agents n'ont pas tous la même appréciation du taux critique. Les pessimistes ont un
taux critique plus élevé que les optimistes. Par agrégation des fonctions de demandes
Individuelles il sera possible d'obtenir une fonction de demande globale décroissante avec le
taux d'intérêt.

On peut admettre que lorsque le taux baisse, il y a de plus en plus d'agents qui désirent
placer toute leur richesse en monnaie. La fonction globale de demande de monnaie est donc
conforme à la fonction de demande de monnaie de Keynes. Le désaccord entre les agents est la
condition essentielle sur laquelle repose la fonction de demande de monnaie.

d) L'analyse probabiliste entre le rendement et le risque : l'analyse de l'encaisse de


précaution
Cette analyse proposée par Tobin est la base de la théorie du portefeuille. En effet, elle justifie
que l'agent détienne à la fois de la monnaie et des titres. Cette attitude rationnelle lui est dictée
par sa psychologie qui consiste à chercher à maximiser le rendement de sa richesse en
minimisant le risque.

i) L'analyse du risque
L'économie comporte toujours deux actifs : la monnaie et les consolidés. Les agents se
fondent toujours sur l'existence d'un taux critique.
Soit e = r + g et

L'agent n'anticipe pas g de façon certaine comme un spectre de tous les gains et pertes possibles
avec chacun une certaine probabilité fg. Cette distribution a une moyenne ou valeur centrale ̅.

89
Si la distribution des gains se fait selon une loi normale, alors la mesure de l'incertitude et du
risque attaché à la distribution des gains est donné par son écart type. Cet écart type est d'autant
plus élevé que les valeurs extrêmes de la distribution de fréquence s'écartent de cette valeur
moyenne. Avec la même valeur moyenne ̅ , la distribution f1 est moins risquée que la
distribution f2 avec un écart type plus faible.
Si on peut assimiler risque et incertitude, l'écart type de g est la mesure du risque encouru par
chaque agent lorsqu'il fait un placement dont le rendement moyen anticipé est r + ̅.

iii) L'association entre rendement et risque


Soit une distribution de probabilité des gains attendus. Appelons ̅ ̅ le
rendement moyen anticipé d'un placement, l'écart type de la distribution exprimant le
risque encouru par l'Investisseur.
Soit B le montant du placement en titres. Appelons le rendement total anticipé en fonction
de ce rendement moyen.
̅̅̅̅ ̅ ( ̅)
Si tous les titres sont semblables, alors le risque total encouru pour un placement B est :

Le choix de portefeuille de l'agent dépendra de la combinaison du rendement et du risque


anticipé. D'après on peut écrire :

est connu de façon Implicite.


Si l'agent accepte d'encourir un risque total on en déduit le montant B qu'il placera en titres.
Remplaçons B dans l'équation suivante (̅̅̅̅ ̅ ( ̅)).

90
Il ressort que :

̅̅̅̅ ( ̅)

Nous obtenons une relation entre le gain total attendu d'un placement et le risque qui lui est
associé. Cette relation est la droite de budget de l'agent,
En différenciant, on a :
̅̅̅̅ ̅

On obtient la pente de cette droite de budget OC

Sur l'axe vertical au-dessous de l'horizontale figure la richesse totale de l'agent W. Cette
richesse est Investie en titres (OB) soit conservée sous forme de monnaie (BW). Pour tout
niveau de risque accepté par l'agent nous obtenons la composition de son portefeuille.

La pente de la droite OA est égale à :

Tout risque déterminé sur l'horizontale nous donne à la fois la composition de portefeuille
de l'agent (au-dessous de cette horizontale) et le rendement de ses actifs (au-dessus de
l'horizontale).

91
Retenons : Tobin utilise une analyse de portefeuille. On va raisonner comme en gestion,
comme en microéconomie avec un agent-type. L’agent détient un portefeuille, un ensemble
d’actifs, et la monnaie n’est qu’un actif parmi d’autres. Ce qui va être déterminant dans
l’allocation du portefeuille est la notion de risques, les agents ont conscience de l’incertitude
par rapport à l’avenir. Cette conscience va expliquer leur comportement dans la répartition de
leur portefeuille, notamment au niveau individuel, les agents ne vont jamais mettre tous leurs
œufs dans le même panier (allocation des risques). Les agents vont détenir en permanence une
partie de leur portefeuille sous forme monétaire puisque par définition c’est l’actif le moins
risqué qui existe. En même temps, on ne détiendra jamais la totalité de son portefeuille sous
forme monétaire. La base de la théorie du portefeuille de Tobin est que les agents détiennent
systématiquement à la fois des actifs monétaires et des actifs non monétaires car ils cherchent à
s’assurer contre le risque. La demande de monnaie va correspondre aux actifs monétaires
détenus par le portefeuille des agents. Les agents vont faire un choix de portefeuille, qui va
correspondre à un portefeuille systématiquement diversifié avec un choix optimal en fonction
des rendements attendus et des risques encourus. On va chercher à maximiser le rendement et
minimiser le risque. Si on fait l’hypothèse que le taux d’intérêt augmente, la pente de la droite
de marché va augmenter, pour un même risque, le portefeuille rapporte plus. On est prêt à
prendre davantage de risques. L’agent aura moins d’actifs monétaires dans son portefeuille : la
demande de monnaie diminue. Donc la hausse du taux d’intérêt fait diminuer la demande de
monnaie.
Par contre si on anticipe un risque plus fort. L’incertitude par rapport à l’avenir augmente. On
va considérer que l’écart type augmente. On augmente les actifs monétaires dans le portefeuille.
La demande de monnaie dans l’économie va augmenter. Si on n’intègre plus le risque, on
s’assure contre ce risque en intégrant davantage de monnaie dans le portefeuille. La demande
de monnaie va ici augmenter lorsque le risque augmente. C’est aussi une vision keynésienne
des choses : la demande de monnaie peut varier y compris quand le taux d’intérêt reste stable. Il
y a un aspect psychologique, une aversion pour le risque qui va influer sur la demande de
monnaie. La demande de monnaie ne dépend pas d’une seule variable stable ; elle est
directement liée aux fluctuations de taux d’intérêt, du revenu courant et à l’attitude par rapport à
l’avenir. A terme, cela va permettre de conclure que la demande de monnaie est instable ; et
cette instabilité de la demande de monnaie va être liée à l’instabilité des taux d’intérêt, donc de
l’investissement et de l’économie.

92
Section II : Le taux d'Intérêt dans les différentes théories
A. Le taux d'intérêt et le marché des fonds prêtables
L'identité épargne-investissement, ou également connu sous identité comptable fondamentale,
est une égalité qui sera par construction toujours vraie. Cette identité est d'une importance
colossale en macro-économie car elle doit être respectée par tous les modèles
macro-économiques lors du bouclage. Tout modèle qui ne la respecterait pas serait forcément
incohérent. D'après cette identité, l'épargne et l'investissement sont toujours égaux pour
l'économie dans son ensemble.

1) L'identité épargne-investissement dans une économie fermée


Dans une économie fermée, on ne prend pas en compte les exportations et les importations. Par
conséquent, le calcul du revenu national se résume à:
PIB = C + I +G
Que peut devenir le revenu? Il peut être dépensé ou épargné. Donc il est vrai que:
PIB = C + G + S
Revenu total = Consommation + Epargne
En combinant les équations, on obtient:
C+G+S=C+G+I
S=I
Epargne = Investissement
C'est une réalité comptable élémentaire que l'épargne doive être égale à l'investissement
pour l'économie dans son ensemble. Mais les ménages ne sont pas les seuls agents susceptibles
d'épargner dans l'économie. L'Etat peut également épargner si une année donnée il perçoit
davantage de recettes fiscales qu'il ne dépense. Si c'est le cas, on appelle la différence un
excédent budgétaire et cela revient de l'épargne publique. Si en revanche, les dépenses
publiques excèdent les recettes fiscales, il est question de déficit budgétaire.
Le solde budgétaire est alors défini comme suit:
Epargne publique = T - G - Tr
 (T) représente la valeur des recettes fiscales
 (G) représente les dépenses publiques
 (Tr) représente la valeur des revenus de transfert assurés par le gouvernement
(chômage, allocations...)
L'épargne nationale est égale à la somme de l'épargne privée et du solde budgétaire:
Epargne nationale = Epargne publique + Epargne privée
93
Pour rappel, l'épargne privée est calculée comme étant la différence entre le revenu disponible
et la consommation. Nous avons donc:
Epargne nationale = Investissement
2) L'identité épargne-investissement dans une économie ouverte
Une économie ouverte est une économie dans laquelle les biens et l'argent peuvent entrer et
sortir de l'économie nationale. Cela modifie l'identité épargne-investissement dans la mesure où
l'épargne n'a plus besoin d'être utilisée pour des projets d'investissements. Ceci explique par le
fait que l'épargne des personnes qui vivent dans un pays peut être utilisée pour financer les
investissements réalisés dans d'autres pays. Un pays peut donc recevoir des entrées de fonds de
l'épargne étrangère qui finance l'investissement dans le pays. Un pays peut également générer
des sorties de fonds de l'épargne intérieure qui finance l'investissement dans un autre pays. On
appelle entrées nettes de capitaux (ENC) dans un pays l'effet net des sorties et des entrées
Internationales de fonds sur l'épargne totale disponible pour l'investissement dans un pays
donné.
ENC = M – X
 (M) représente les importations.
 (X) représente les exportations.
Il est important de noter que, d'un point de vue national, un dollar généré par l'épargne
nationale et un dollar généré par des entrées de capitaux ne sont pas équivalents. Ils peuvent
effectivement financer le même dollar de valeur d'investissement, Mais tout dollar emprunté à
un épargnant doit finalement être remboursé avec intérêt. Un dollar issu de l'épargne nationale
est remboursé avec intérêt à un agent national. Mais un dollar Issu d'entrées de capitaux doit
être remboursé avec intérêt à un étranger.
Un dollar d'investissement financé par une entrée de capital génère donc un coût
national plus élevé qu'un dollar de dépenses d'investissement financé par de l'épargne nationale.
I = (PIB – C – G) + (M – X)
I = Epargne nationale + (M – X)
I = Epargne nationale + ENC
Investissement = Epargne nationale + Entrée nette de capitaux
 Si ENC est positive, cela veut dire qu'une partie de l'investissement est financée par de
l'épargne étrangère,
 Si ENC est négative, cela veut dire qu'une partie de l'épargne nationale finance de
l'investissement dans d'autres pays.

94
3) Le marché des fonds prêtables
Le marché des fonds prêtables est un marché hypothétique qui illustre la rencontre entre
la demande de fonds qui émane des emprunteurs et l'offre de fonds qui émane des prêteurs. Le
prix déterminé sur le marché des fonds prêtables est le taux d'intérêt (r). On suppose qu'il
n'existe qu'un seul type de prêt sur le marché. Dans la réalité, on peut rencontrer une diversité de
taux d'intérêt. Mais l'hypothèse que nous faisons permet déjà de dégager quelques intuitions
intéressantes.

i) La demande de fonds prêtables


Investir signifie dépenser de l'argent maintenant, en espérant que cette dépense amènera
des profits plus élevés dans l'avenir. Mais en fait, la promesse d'un euro dans 5 ou 10 ans vaut
moins qu'un euro aujourd'hui. Donc un investissement vaut la peine uniquement s'il génère un
rendement futur plus élevé que le coût monétaire (concept de la valeur actualisée) qu'il
représente aujourd'hui.

Plus le taux d'intérêt est élevé, plus les euros du futur vaudront moins que ceux
d'aujourd'hui. Le taux d'intérêt mesure le coût d'opportunité de l'investissement qui débouche
sur un rendement futur.

Exemple: Si le taux d'intérêt est élevé, il vaut mieux dans ce cas épargner l'argent à la banque
plutôt que d'investir.
Par conséquent, la courbe de demande est inclinée vers le bas. La pente est donc

95
négative.
Des modifications possibles de la demande de fonds prêtables:
 Des changements de perception d'opportunité économique
 Des évolutions des emprunts d'État

ii) L'offre de fonds prêtables


Les fonds prêtables sont fournis par les épargnants, et les épargnants supportent un coût
d'opportunité lorsqu'ils prêtent à une entreprise ; les fonds pourraient être dépensés en
consommation. Le fait qu'un épargnant devienne prêteur en rendant ses fonds disponibles pour
les emprunteurs dépend du taux d'Intérêt qu'il reçoit en retour.

Des modifications possibles de l’offre de fonds prêtables :


 Des modifications de comportements d'épargne privée
 Des changements de flux de capitaux
iii) Le taux d'intérêt d'équilibre

96
Cet équilibre est doublement efficace. Premièrement, les meilleurs investissements sont
réalisés: les projets d'investissement effectivement financés ont des taux de rentabilité plus
élevés que ceux qui ne sont pas financés.
Deuxièmement, les bonnes personnes épargnent et prêtent: les épargnants qui prêtent
effectivement des fonds sont disposés à prêter à des taux d'intérêt plus faibles que ceux qui ne le
font pas.
La conclusion d'après laquelle le marché des fonds prêtables permet un usage efficace
de l'épargne, bien que déduit d'un modèle extrêmement simplifié ici, a des implications
importantes en réalité. À long terme, un système financier efficace permet d'augmenter le taux
de croissance économique d'un pays.
iv) L'inflation et les taux d'intérêt
Le facteur probablement le plus important qui affecte les taux d'Intérêt dans le temps est
ta modification des anticipations d'Inflation future, qui déplace à la fois l'offre et la demande de
fonds prêtables.
Le véritable coût de l'emprunt est le taux réel, et non pas le taux d'Intérêt nominal. En
réalité, ni les emprunteurs ni les prêteurs ne savent quel sera le taux d'inflation futur lorsqu'ils
concluent un échange, Les contrats de prêts courants spécifient un taux nominal plutôt qu'un
taux réel.
S'il y a une inflation non anticipée qui se présente dans l'économie, l'offre de fonds
prêtables diminue tandis que la demande augmente ce qui fait monter le taux d'intérêt nominal
(r). Pourquoi? Si le taux d'inflation est fort, la valeur réelle de remboursement diminue.
L'emprunteur sera donc incité à emprunter pour investir dans ses projets.
En revanche, l'épargnant voudra donc avoir un taux d'intérêt nominal de prêt plus élevé

97
pour maintenir sa rente constante. Toutes choses égales par ailleurs, on remarquera que
l'inflation non anticipée n'a pour seul effet que de faire grimper le taux d'intérêt nominal. Le
taux réel, lui, reste inchangé à cause des comportements des épargnants et des emprunteurs.
Cette situation peut être résumée par un principe général appelé effet Fisher (d'après
l'économiste américain Irving Fisher): le taux d'intérêt réel anticipé n'est pas affecté par les
variations de l'inflation future anticipée
B. Taux d'intérêt et demande de monnaie dans l'analyse du portefeuille
On constate que dans la réalité les agents détiennent à la fois de la monnaie et des titres. La
fonction globale de demande de monnaie ressemble donc à celle des diversificateurs. La forme
de leurs fonctions d'utilité traduit le fait qu'à taux de rendement Identique, l'utilité procurée par
un placement est d'autant plus élevée que le risque est faible. Les fonctions d'utilité I1, I2, I3
traduisent des utilités de plus en plus élevées.
Faisons l'hypothèse que la moyenne des gains et des pertes ̅ est nulle et que
dépend uniquement de r.

1) Que se passe-t-il lorsque le taux d'Intérêt courant varie ?

Lorsque le taux d'Intérêt augmente, la pente de la droite de substitution OC devient plus


forte. Le point de tangence des courbes d'Indifférence et de cette droite se décale vers la droite
car des taux de rendement croissants font accepter des risques croissants. Lorsque r1 passe en r2
puis en r3, la demande de monnaie décroît de WB1 à WB2 à WB3 dans le graphique de gauche,
ce qui a pour conséquence de donner à la fonction de demande de monnaie sa forme familière
(graphique de droite).

98
2) Que se passe-t-il lorsque l'appréciation du risque varie ?

Lorsque l'appréciation du risque augmente, les pentes des droites OC et OA


diminuent. Le risque total augmente de à Le niveau des placements en titres
diminue de OB1 à OB2.
Un risque total plus élevé aT2 correspond à une demande de monnaie plus forte pour un
taux d'Intérêt donné. Ceci est conforme à la théorie keynésienne selon laquelle l'état des
anticipations peut modifier la demande de monnaie.
Cette analyse de Tobin a le mérite d'expliquer la raison pour laquelle tes agents peuvent
détenir de la monnaie et des titres dans une optique keynésienne. On peut lui reprocher comme
à l'analyse de l'encaisse de spéculation de Keynes d'expliquer la détention d'actifs sans risque
plus que la détention de monnaie au sens d'Intermédiaire des échanges.
C. La théorie keynésienne de l'Intérêt
Nous avons vu pourquoi Keynes fait du taux d'Intérêt une variable déterminante de la demande
de monnaie. Si l'on admet que l'offre de monnaie est une variable exogène dépendante de
l'autorité monétaire, alors il est possible d'examiner le fonctionnement du marché de la monnaie
et de démontrer que le taux d'intérêt « prix de l'argent » au sens strict du terme est déterminé sur
le marché de ta monnaie.
1) Le taux d'Intérêt, prix du marché de la monnaie
Le taux d'Intérêt est le prix qui égalise la demande de monnaie telle qu'elle a été définie par la
fonction de demande de monnaie, et l'offre de monnaie disponible. L'offre de monnaie est en

99
général considérée comme exogène dans l'analyse de Keynes ou Issue de Keynes. On considère
en effet que le système monétaire (or, change or...) ou la politique monétaire détermine la
quantité de monnaie disponible dans l'économie. L'équilibre du marché de la monnaie se réalise
lorsque" l'offre exogène de monnaie M et la demande de monnaie exprimée par les agents
s'égalisent.
̅ ( ) ( )
M et L0 sont les deux facteurs exogènes susceptibles d'influencer le taux d'Intérêt; mais
le revenu joue aussi son rôle dans cette détermination. Montrons-le graphiquement en Isolant
chaque fois l'Influence d'une de ces variables.
Influence de l'offre de monnaie sur le taux d'intérêt

Soient L et M0 une demande et une offre de monnaie. L'encaisse demandée L est égale à
l'offre de monnaie M0 lorsque le taux d'intérêt est égal à r1 Si la quantité de monnaie était plus
élevée (M1). Les agents se contenteraient du taux r2.
Influence du degré de préférence pour la liquidité : les agents peuvent changer la
proportion dans laquelle Ils détiennent de la monnaie et des titres. Si leur confiance dans leurs
anticipations diminue ils accroîtront la part occupée par la monnaie dans leurs actifs. En ce cas
pour une même quantité de monnaie ils achèteront moins de titres et le taux d'Intérêt d'équilibre
sera plus fort.

100
L'accroissement du degré de préférence se traduit par un déplacement de la courbe de
demande vers la droite. Une même quantité de monnaie détermine avec L1 un taux r1 et avec L2
un taux r2.

Influence du revenu :
Les agents ne peuvent concilier un besoin accru d'encaisse de transactions dû à un
revenu plus élevé avec une quantité de monnaie donnée que si l'encaisse de spéculation est
réduite. Or celle-ci ne se réduira que si le taux d'intérêt est plus élevé. Graphiquement
l'accroissement du besoin d'encaisse de transactions décale la fonction L vers la droite.
On peut utiliser ici encore le graphique 10 où L1 est maintenant la fonction de demande
de monnaie correspondante à un revenu Y1 et L2 celle correspondant à un revenu Y2.

On voit que le taux r1 correspondant à cette nouvelle fonction L2 est plus élevé que celui
qui correspond à la courbe L1
Ainsi la quantité de monnaie n'est pas le seul facteur qui intervienne dans la
détermination de r.

2) Le mécanisme de substitution de la monnaie aux titres


Justifions maintenant ce que nous venons de constater sur les graphiques. Le
mécanisme de substitution keynésien s'oppose à l'effet d'encaisse réelle des classiques. Nous
avons vu que selon les analyses de Pigou, qui synthétisent la pensée classique et qui sont
reprises par Walras et Patinkin, tout supplément d'encaisse est uniformément dépensé sur le

101
marché des biens faisant s'élever l'ensemble des prix. Dans l'analyse de Keynes la monnaie sert
non seulement à opérer des transactions sur le marché des biens/ mais également à constituer
l'encaisse de spéculation qui est le substitut immédiat des titres. Or cette encaisse de spéculation
réagit Immédiatement à toute variation des conditions du marché de la monnaie tandis que
l'encaisse de transaction ne réagira que plus tardivement et indirectement. C'est le mécanisme
de substitution de la monnaie aux titres et des titres à la monnaie qui est la clé de toute l'analyse
de Keynes. Voyons comment il joue dans les trois cas décrits ci-dessus.
Influence de la quantité de monnaie :
Si l'offre de monnaie s'accroît, toutes choses égales par ailleurs, les agents ont des
encaisses plus importantes que ce qui correspond à leurs besoins, tels qu'ils sont définis par leur
courbe de demande. Le mécanisme de substitution va jouer : les agents vont acheter des titres et
faire baisser le taux d'intérêt.

Influence, du degré de préférence pour ta liquidité :


Supposons maintenant que le degré de préférence pour la liquidité augmente. Les agents
désirent changer le rapport des titres à la monnaie sans que la quantité de monnaie disponible ait
elle-même changé. Pour se procurer de la monnaie nécessaire à leur encaisse de spéculation, Ils
vendent des titres et feront monter le taux d'intérêt.

Influence du revenu :
Si le revenu augmente seul, le besoin d'encaisse de transaction devient plus Important.
Pour se procurer cette encaisse les agents vendront leurs titres. Le taux d'intérêt augmentera ce
qui logiquement doit inciter les agents à diminuer leur encaisse de spéculation qui devient
disponible pour opérer des transactions.
Notons que dans les trois cas, le taux d'intérêt Joue le rôle de variable d'ajustement qui
permet une adaptation de l'offre et de la demande de monnaie. Toutefois le marché de la
monnaie et le marché des titres fonctionnent de façon complémentaire, le taux d'intérêt est donc
une variable d'ajustement pour ces deux marchés en même temps.
Le mécanisme d'ajustement que nous venons de décrire se borne à décrire un marché de
la monnaie qui serait indépendant du reste de l'économie. Or ceci n'est pas le cas, car nous
savons que d'autres variables de l'économie réelle sont sensibles au taux d'intérêt.
Ceci va nous permettre d'étudier comment les variables monétaires peuvent agir sur l'économie
réelle par ce que nous appellerons un mécanisme de transmission.

102
Section III : Le modèle de Keynes et le mécanisme de transmission
Il s'agit maintenant d'examiner les liens qui peuvent exister entre le monde de la monnaie et le
niveau d'activité représenté par la variable Y. Dans l'analyse de Keynes l'économie est en
situation de sous-emploi et le mécanisme multiplicateur peut Jouer.
Partons d'une situation quelconque de l'économie et reprenons l'hypothèse d'un accroissement
de l'offre de monnaie ; nous savons qu'un mécanisme de substitution entre la monnaie et les
titres va jouer et qu'il en résultera une baisse du taux d'Intérêt.
Pour comprendre ce que cette baisse entraîne pour l'économie il faut disposer du modèle
keynésien complet.
A. Le modèle macro-économique de Keynes
Le modèle keynésien peut être résumé en trois équations :
( )
( )
̅ ( ) ( )

avec et

La première décrit le multiplicateur où le revenu est une fonction de l'Investissement, La


seconde est la fonction simple d'investissement, la troisième est la condition d'équilibre du
marché de la monnaie. Poursuivons l'analyse des effets d'une baisse du taux d'intérêt déclenché
par un accroissement de t'offre de monnaie M. Celle-ci doit encourager l'investissement et
celui-ci agir positivement sur le revenu. Quelles vont être les conséquences de la conjugaison
de ces deux effets, baisse du taux d'intérêt et augmentation du revenu, sur le marché de la
monnaie? La première va inciter à une augmentation de l'encaisse de spéculation et la seconde à
l'augmentation de l'encaisse de transaction. Ainsi comme nous le laissions prévoir en rappelant
les propriétés de la monnaie1, il existe un mécanisme qui adapte la demande à l'offre de
monnaie et évite ainsi à la monnaie de perdre de sa valeur.
L'ajustement de la demande à l'offre s'est en partie réalisé sur le marché de la monnaie (baisse
du taux d'intérêt) en partie réalisé dans l'économie réelle (augmentation du revenu). Nous
constatons donc que la monnaie n'est plus neutre.
Qu'en est-il des prix ?
On peut Introduire les prix dans le modèle de Keynes.
On suppose alors qu'au cours du processus de transmission, le revenu Y tend vers une situation
de plein emploi Y*. Si en ce point le processus d'ajustement n'est pas achevé, les dépenses des
agents sur le marché des biens feront monter les prix. Les prix redeviennent une variable

103
d'ajustement du marché de la monnaie, mais une variable parmi d'autres. Ceci vient de ce que,
Keynes raisonnant dans une situation de sous-emploi la variation de la quantité de monnaie, du
taux d'intérêt et de l'investissement déclenche un effet multiplicateur qui accroît la quantité de
biens mise à la disposition de l'économie. Lorsque l'on approche du plein-emploi,
l'accroissement de la demande peut déboucher sur une hausse des prix, mais celle-ci n'intervient
que comme complément des ajustements réels qui se sont produits.

B. Analyse graphique du processus de transmission


La représentation graphique qui suit va montrer ce qui se passe lorsqu'une des deux
variables monétaires exogènes du modèle de Keynes se modifie.
1) Variation de l'offre de monnaie

Dans ce graphique qui décrit une situation où l'offre de monnaie s'accroît de M1 à M2 la baisse
du taux d'intérêt entraîne un accroissement de l'investissement et le revenu passe en Y2.
L'encaisse de transaction augmente également et fait passer la demande totale de monnaie en
L(Y2). Le taux d'Intérêt s'établit finalement en r2.
2) Variation de la préférence pour la liquidité
Supposons que la confiance des agents augmente et que la demande de monnaie associée à ta
préférence pour la liquidité diminue. La fonction de demande totale en se déplaçant vers la
gauche (L2) fait baisser le taux d'Intérêt. L'accroissement du revenu et de l'encaisse de
transaction, décale à nouveau la fonction de demande de monnaie, mais cette fois vers la droite.
Le taux d'intérêt s'établit en r2.
Grâce au mécanisme de transmission il nous est possible de mieux comprendre la troisième
propriété de la monnaie énoncée par Keynes. Dans le cas d'un bien quelconque, une offre

104
excédentaire ne peut mener qu'à la baisse du prix de ce bien. Par contre lorsqu'il existe un
excédent de monnaie dans l'économie, l'adaptation de cette offre supplémentaire à la demande
se fait par la variation du taux d'Intérêt et l'augmentation du produit global. La monnaie est le
seul bien qui soit susceptible de déclencher ce processus de transmission.

Pour clore cette section consacrée à un premier énoncé de la théorie monétaire de Keynes,
rappelons le point clé de cette analyse, l'Introduction de l'Incertitude qui change la rationalité
des agents.
L'incertitude justifie la position d'attente que prennent les agents avant de s'engager sur
les marchés financiers et la détention d'une encaisse expliquée par la seule préférence pour la
liquidité. C'est bien parce que l'incertitude est plus grande sur le marché des titres que la
substitution entre monnaie et titres est plus forte qu'entre monnaie et biens. La relation entre
monnaie et biens est stable, la relation entre monnaie et titres est Instable et fortement
dépendante des anticipations des agents et du taux d'intérêt.
C'est ainsi que pour Keynes la monnaie entre dans l'économie en changeant le système
des prix relatifs puisque le prix des titres (et le taux d'intérêt) se modifie par rapport à tous les
autres prix. La monnaie n'est plus neutre et devient un des déterminants du niveau d'activité.

105
Section IV : Les limites de l'approche en termes de demande de monnaie
Toute modélisation implique une schématisation qui soulève Inévitablement des problèmes
techniques. Comme souvent en pareil cas, les études statistiques n'ont pas permis de corroborer
de manière indiscutable l'une ou l'autre version des fonctions de demande de la monnaie.

A. Quelle cohérence d'une approche en termes d'offre et de demande de monnaie


Le problème le plus fondamentalement concerne la pertinence du recours à la confrontation
offre/demande pour l'analyse de la monnaie. En effet, il faut pour cela séparer l'offre et la
demande de monnaie en écartant la création monétaire de la construction des fonctions de
demande. Une telle démarche suppose que la monnaie, même dotée de propriétés spécifiques,
constitue un actif comparable aux autres en sorte que l'on puisse isoler la création monétaire de
la production des «autres» biens et services. Evoquons quelques problèmes liés à un tel système
d'interprétation. Le cas de l'analyse keynésienne est le plus flagrant en raison du conflit
permanent entre les intuitions de Keynes visant à une reconstruction très profonde de l'analyse
économique et l'utilisation d'Instruments marqués par les conceptions très traditionnelles.
Tout d'abord, à quel niveau d'analyse la monnaie doit-elle être située ? Keynes affirme dans
Théorie Générale, que la monnaie ne peut être saisie que dans une perspective directement
macroéconomique ; pourtant, l'application à la monnaie de catégorie de demande ou motifs
situe incontestablement le raisonnement à l'échelon des comportements individuels.
Remarquons également que Keynes définit la monnaie comparativement aux autres actifs
comme un actif non rémunéré ; or il s'agit là d'une caractéristique purement Institutionnelle
sujette à évolution. Dans ce cas, que reste-t-il d'une construction qui ambitionnait une théorie
alternative de l'intérêt entièrement fondée sur la spécificité radicale de la monnaie ? De même,
le modèle de James Tobin, d'inspiration keynésienne, ne permet pas de démontrer que les
agents ne préféreront pas systématiquement à la monnaie des actifs rémunérés aussi liquides
que celle-ci en sorte que la monnaie serait évacuée du modèle. Quel peut être par ailleurs le
statut théorique d'un concept comme celui de la trappe à liquidité ? Alors que Keynes
reconnaissait n'avoir jamais observé le phénomène, celui-ci joue-t-il un rôle dans la
démonstration de l'existence dans l'économie d'un chômage involontaire ? Par ailleurs, tandis
que Keynes insiste très nettement dans Théorie Générale sur la nature comptable de la monnaie
(les dépôts figurant au passif des banques correspondant à des emplois figurant à l'actif et non à
une sorte de trésor conservé dans les coffres des banques), le concept de trappe à liquidité
suppose, au contraire, une monnaie thésaurisée, c'est-à-dire en fin de compte une monnaie
matérielle.

106
On peut se demander si l'approche en termes de fonctions de demande de monnaie n'est
pas fortement marquée par une conception matérielle de la monnaie. Cela se vérifie non
seulement chez Keynes mais également dans les courants liés à l'analyse néo-classique.
B. Le caractère Inapplicable des principes d'utilité à la monnaie et le cercle de
Helfferich
L'application à la monnaie des principes d'utilité suppose que l'on parvienne à résoudre le
problème connu sous le nom de cercle de Helfferich: l'utilité de la monnaie découle des services
qu'elle rend dans les échanges comme moyen de paiement alors que pour tous les biens et
services c'est l'utilité propre, l'usage qu'en font les individus, qui détermine leur utilité ; en
d'autres termes, pour tous les biens la causalité va de l'usage à l'échange alors que pour la
monnaie c'est l'échange qui détermine l'usage. On retrouve bien la dimension directement
macroéconomique de la monnaie à laquelle on ne parvient pas à donner un fondement
microéconomique. Il est significatif des difficultés de cette approche que tous les arguments
avancés pour justifier la demande de monnaie soient attachés à des imperfections, par rapport
aux hypothèses fondamentales, dans le fonctionnement du système économique. Il est
également intéressant de remarquer que systématiquement à la mise à l'écart de la création
monétaire, particulièrement nette dans les analyses de Milton Friedman, la destruction de la
monnaie n'est pas non plus intégrée dans la construction des fonctions. Or, s'il est effectivement
difficile de soutenir que la monnaie est « consommée » une fois acquise par un agent
économique, la fonction de demande conserve-t-elle une quelconque pertinence comme moyen
de compréhension des phénomènes monétaires ?
Les concepts de production/consommation ne semblent donc guère adaptés à l'étude de
la monnaie sauf à confondre création monétaire et production des supports matériels ainsi que
destruction de la monnaie et usure matérielle de ces mêmes supports.

107

Vous aimerez peut-être aussi