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© REUTERS / Bobby Yip

Incident nucléaire à Taishan: coup dur pour l’EPR made in France, en


concurrence avec les USA

20:59 14.06.2021(mis à jour 21:02 14.06.2021)


Par Maxime Perrotin
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Selon des informations de Framatome ébruitées aux États-Unis par


CNN, un incident nucléaire se serait produit à l’EPR de Taishan, dans le
sud de la Chine. Une mauvaise nouvelle pour EDF, qui espère voire
pérenniser plusieurs chantiers en France ainsi qu’en Pologne, où
l’entreprise fait face à la concurrence américaine. Analyse.
Selon des informations de CNN, une «fuite» de combustible serait en
cours à la centrale de Taishan. L’Administration Biden aurait planché sur
le cas tout au long de la semaine dernière. Les dirigeants américains
auraient «discuté de la situation avec le gouvernement français».
Washington aurait été directement averti de cette «menace radioactive
imminente» le 3 juin par la branche américaine de Framatome, ex-filiale
d’Areva rachetée en 2018 par EDF et Mitsubishi Heavy Industries.

© AFP 2021 ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP


Le nucléaire plus que jamais dans le collimateur de Barbara Pompili
À la suite de cette publication, Framatome s’est fendu, ce 14 juin, d’un
communiqué minimaliste. L’entreprise dit surveiller «l'évolution d'un des
paramètres de fonctionnement» de l’EPR (réacteur pressurisé
européen). Quant à EDF, elle a reconnu avoir été «informée» d'une
hausse des taux de certains gaz rares dans le circuit fermé qui
achemine l'eau de refroidissement dans la cuve du réacteur. En cause,
une «dégradation de gaine de combustibles», a précisé lundi le groupe
français lors d’une conférence de presse.

«EDF est, en quelque sorte, obligé de prendre les devants et de


communiquer là-dessus pour ne pas être accusée d’avoir caché
l’affaire. Qu’on ne dise pas qu’il y a eu un incident à Taishan, qu’EDF
savait et n’a rien dit!» réagit auprès de Sputnik Jacques Percebois,
savait et n’a rien dit!» réagit auprès de Sputnik Jacques Percebois,
président du Centre de recherche en économie et droit de l'énergie
(CREDEN).

Un «principe de précaution à l’extrême, pour des raison certes


environnementales, mais surtout judiciaires», observe, sous couvert
d’anonymat, un avocat international spécialisé dans le domaine de
l’énergie. Pour rappel, l’ex-maison mère de Framatome, Areva, est
restée plusieurs années dans le collimateur du département de la
Justice outre-Atlantique (DoJ).

© AP PHOTO / JEAN-FRANÇOIS BADIAS


Fermeture de Fessenheim: des raisons plus politiques
qu’écologiques ou sécuritaires
Les autorités américaines ne manquent pas de moyens de rétorsion
contre les entreprises tricolores. En 2016, l’affaire Uramin était portée à
la connaissance du FBI. Plus tôt, en 2010, un supposé pacte de
corruption avec plusieurs hauts dirigeants du parti Démocrate
éclaboussait notamment Édouard Philippe, alors directeur des affaires
publiques du groupe public. Bien qu’il n’ait pour l’instant pas intenté de
procès, le DoJ avait fait savoir aux autorités françaises qu’il pourrait leur
réclamer 24 milliards d’euros en cas de condamnation. Un passif qui
peut expliquer le zèle et la réactivité observé aujourd’hui vis-à-vis de
Washington.

À l’heure actuelle, «EDF a convoqué un conseil d’administration


exceptionnel». «Cela veut dire qu’ils prennent les choses au sérieux»,
tempère Jacques Percebois. Pour lui, la balle est à présent dans le camp
de Pékin: «tout dépendra de la réaction des Chinois.» «Il faut être sûr
qu’ils aient bien compris que la transparence est un atout et pas un
handicap», insiste notre intervenant. À ses yeux, cette médiatisation
peut être perçue comme un moyen de forcer la main aux autorités
chinoises, afin qu’elles fassent toute la lumière sur l’incident.
Répercussions sur les futurs chantiers en France et
en Pologne, au profit des États-Unis?
L’événement tombe extrêmement mal pour le groupe français. «Ce n’est
pas le moment qu’il y ait des incidents», note Jacques Percebois, qui
rappelle les contrats actuellement en jeu autour de l’EPR made in
France.
© AFP 2021 JEFF PACHOUD
Paris-Varsovie: cachez ce nucléaire que je ne saurais voir!
L’image du super réacteur souffre déjà des coûteux retards à répétition
sur les chantiers de Flamanville et d’Olkiluoto en Finlande. Du coup,
l’installation de Taishan fait figure de vitrine pour le savoir-faire français.
En effet, cet EPR entré en service en 2019 est le premier opérationnel au
monde. Il résulte d’une coopération franco-chinoise.

Donc, au-delà de se couvrir face au DoJ ou de pousser des partenaires


chinois à faire toute la lumière sur cet incident, cette anticipation d’EDF
pourrait viser surtout à rassurer ses clients potentiels. L’énergéticien
espère voir, le gouvernement se prononcer sur le lancement de six
chantiers en France d’ici à la prochaine élection présidentielle. Et, au-
delà du marché domestique, EDF compte également remporter une
énorme commande en Pologne. Estimé à plus de 34 milliards de
d'euros, ce méga contrat est particulièrement disputé à EDF… par les
Américains.

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