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Bulletin de la Société Botanique de France

ISSN: 0037-8941 (Print) (Online) Journal homepage: https://www.tandfonline.com/loi/tabg17

Les inflorescences. Etude expérimentale

Mlle Monique Astie

To cite this article: Mlle Monique Astie (1964) Les inflorescences. Etude expérimentale, Bulletin
de la Société Botanique de France, 111:sup1, 135-159, DOI: 10.1080/00378941.1964.10838407
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Published online: 10 Jul 2014.

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Les inflorescences. Etude expérimentale
l'AH J\:lllc :\IONIQUE ASTU<:
Laboratoire de Tératologie !légétale de la Faculté des Seie11ees, .Ya11fes

Résumé. - Des traitements expérimentaux systématiqul's dl"ectués il dl'S


moments précis du stade végétatif de différentes plantes ont déterminé ia
formation de phénocopies d'inflorescences aussi variées que des verticilles,
des ombelles, des glomérules, des capitules.

Dans le courant du XVIII" siècle se sont accumulées la plupart des


connaissances concernant les inflorescences. Ce fut LlNNÉ qui, dans un
ouvrage fondamental, Philosophia botanica (18), établit le premier une
nomenclature des divers types d'inflorescences. Dans le chapitre Herba.
se trouvent les expressions suivantes accompagnées de quelques exem-
ples concernant la disposition des fleurs sur les pédoncules : Fasciculus
(Diant/ms barbatus), Capitulum, Spica, Corymbus (Spiraea Opuli folio),
Panicula, Thyrsus, Racemus (Vitis, Ribes), Verticillatus. Dans le cha-
pitre Fructi{icatio, se trouvent encore les expressions Umbella et Cyma.
Les ouvrages de Botanique qui parurent postérieurement à celui de
LINNÊ ne sont que des traductions ou des arrangements de « Philo:w-
phia botanica » ou encore des dictionnaires parmi lesquels nous cite-
rons celui de RICHARD (25) qui ajouta au vocabulaire de LINNÉ les
termes de Sertulum (sorte d'ombelle simple et sessile), Cephalanthe
(capitule des Composées), Périphorantlze (involucre des Composées).
Phoranthe (réceptacle du céphalanthe). BmssEAU DE MIRBEL (20) intro-
duisit plus tard les termes de Calathide équivalent du terme Cepha-
lanthe de RICHARD et Clinanthe qui désigne le pédoncule de la cala-
thide.

La classification actuelle des inflorescences utilise la terminologie


de LINNÉ et s'inspire des observations de LINK (16, 17) et de RoEPER
(29). LINK, considérant le degré de complexité des inflorescences, dis-
tingue les inflorescences homogènes (épi, grappe simple, corymbe,
ombelle simple, capitule) dans lesquelles toutes les fleurs terminent des
axes secondaires et les inflorescences hétérogènes (panicule, thyrse,
ombelle composée, cyme) dans lesquelles les fleurs sont portées par
des axes appartenant à des degrés divers de végétation.
C'est à RoEPER que re\'Ïent l'idée ingénieuse de la distinction entre
inflorescences définies ou déterminées et inflorescences indéfinies ou
indéterminées. Parmi les inflorescences du premier groupe HoEPEH dis-
tingunit plusieurs catégories :
t:Hl MÉMOIRES, 1964

1 o la fleur terminale est unique (inflorescence solitaire),


2• l'inflorescence est une cyme : les bractées avoisinant la fleur ter-
minale axillent des axes secondaires portant à leur tour des axes ter-
tiaires.
Parmi les inflorescences indéfinies RoEPER distinguait aussi plu-
sieurs catégories :
1 o l'épi, assemblage de fleurs sessiles disposées le long d'un axe
commun,
2• la grappe, réunion de fleurs portées par des pédoncules disposés
à l'aisselle d'une bractée le long d'un axe commun, peut être simple
ou composée,
3 • l'ombelle, dont les rameaux latéraux partent d'un point situé
au sommet de l'axe, est également simple ou composée,
4 • le capitule, dans lequel les fleurs sessiles sont agglomérées en
une têtr, sur une tige raccourcie,
5• enfin. la panicule, dont les rameaux partent de l'axe à des niveaux
differents et se terminent à des hauteurs différentes.
DE CANDOLI.E (8), adoptant à son tour la terminologie de LINK, se
rallia aux idées de ROEPER et fit remarquer que, dans la cyme dicho-
tome, l'avortement constant des axes latéraux détermine la formation
d'une cyme particulière à laquelle il donna le nom de cyme scorpioïde ;
il reconnut encore qu'une inflorescence pouvait être indéfinie par son
axe principal et définie par ses axes latéraux, et fut alors conduit à
admettre l'existence d'inflorescences mixtes telles que le thurse et sa
réciproque, le corymbe.
Vers la même époque se développèrent les recherches concernant la
phyllotaxie : SCHIMPER (30), BnAUN (3) ; l'attention fut attirée sur l'im-
portance des préfeuilles. BRAUN reconnut qu'à l'aisselle des préfeuilles
existant au-dessous d'une fleur peuvent prendre naissance d'autres
rameaux portant eux-mêmes des feuilles et des fleurs et le résultat est
ce que SCHIMPER appela un dichasium ; ces auteurs distinguaient deux
types d'inflorescences en rapport avec le mode de succession des
rameaux :
a) l'intl01·escence est un bostryx si les bourgeons fertiles successifs
sont insérés le long d'une spirale continue (inflorescence homodrome),
b) l'inflorescence est un cincinnus si la spirale sur laquelle sont insé-
rés les bourgeons successifs se renverse (inflorescence antidromc), ce
dernier type correspond à la cyme scorpioïde de DE CAY..:OOLT.E.
En France, les frères BRAVAIS (4) parYenaient à des conclusions
analogues ; au bostryx et au cincinnus de ScHUfPER et de BRAPX corres-
pondent respectivement la cyme hélicoïde nninodale et la cyme scor-
pioïde uninodale. Reconnaissant chez les Dicotvlédones l'existence de
deux préfeuilles, une inférieure et une supérieu~e, par lesquelles passe
la spirale génératrice, les auteurs admettaient que les cymes sont bino-
dales ; la cyme binodale est unipare lorsqu'un nœud unique est fertile,
elle est bipare lorsque les deux nœuds sont fertiles (cas du dichasium
de SCHIMPER) ; la grappe était considérée comme une cyme multipare
de même que le corymbe ; ils conservaient pour le thyrse la définition
.!\[. ASTLÉ t:n
de DE C.\NDOLLE et réservaient le nom de panicule à toute inflorescence
composée.
BuCHENAU (5) introduisit dans le vocabulaire les termes rhipis
devenu rllipidium (bostryx dans lequel toutes les fleurs sont dans le
même plan) et drepanum ou drepanium (cincinnus dont toutes les fleurs
sont dans le même plan).
L'ensemble des connaissances acquises au xrx• siècle concernant
l'inflorescence est remarquablement exposé dans le traité classique de
ErcHI.ER (9). CELAKOWSKY (6) adopta une classification tripartite dis-
tinguant les inflorescences en panicules et botrytiques qui sont indéfi-
nies et les inflorescences brachiales ou cymeuses qui sont définies.
En 1931, GoEBEL (12) montra que la diversité des inflorescences
était le résultat d'un rythme symétrique et asymétrique. Dans certaines
inflorescences en cymes, le rythme peut passer de la symétrie radiaire
à l'asymétrie ; ainsi prennent naissance le cincinnus et le bostryx ;
dans les deux types, l'asymétrie peut passer secondairement :'1 la symé-
trie et il en résulte le drepanium et le rhipidium. Le passage du type
d'inflorescence cymeuse à l'inflorescence en racème est déterminé par
la modification du rythme de développement des fleurs.
Selon RrcKETT (26), il importe avant tout de connaître le type pri-
mitif d'inflorescence à partir duquel sont dérivés tous les autres types
et d'émettre alors des hypothèses concernant les voies dans lesquelles
s'est opérée l'évolution.
Trois théories ont été émises dans le but d'établir les relations qui
existent entre les divers types d'inflorescences, elles diffèrent par le
choix du type considéré comme primitif, la panicule, la fleur solitaire
terminale, le dichasium.
La première théorie, due à NAEGELI (21). CEL.\KOWSKY (6), PrL-
GER (24), s'appuie, pour les deux premiers, sur le rôle prépondénmt
des phénomènes de réduction au cours de l'évolution de l'inflores-
cence ; PrLGER, faisant appel à des notions paléontologiques, admettait
que toutes les inflorescences dérivent de la panicule feuillée ; une telle
panicule, par disparition des feuilles, puis par réduction des parties
terminales ou latérales ou des deux parties à la fois, aurait abouti it la
formation du thyrse, du dicl1asium terminal ou de l'inflorescene soli-
taire terminale.
La seconde théorie, due ù PAHKIN (23), fait dériver les inflorescences
multiflores (cyme et grappe) de la fleur solit::üre par addition de fleurs
ou de groupes de fleurs ù l'aisselle des feuilles inférieures, l'inflorescence
la plus simple étant le dicl!asium.
Enfin. en 1944, RrCKE1'T émit l'hypothèse selon laquelle le diclw-
sium, sorte d'unité d'inflorescence, représente le type primitif; il aurait
«lonné naissance par de légères morlifieations ù des inflorescences
variées (bostryx, eincinnus. verticille, eyme hipare. cyme hélicoïde,
cyme scorpioïde) ù partir desquelles par rédnetion des entre-nœuds se
seraient développés d'autres types tels que l'ombelle, Je capitule. le
cor~·mbe.
Le diagramme (fig. 1) établi par LAWHE!\'CE (13) et résumant l'hypo-
thèse de RTCKETT, montre que, dans une direetion, sc serait produite la
13S MtMOIRES, 1964

cyme bipare typique dans laquelle les fleurs centrales s'ouvrent en pre-
mier ; par réduction des axes, la cyme aurait donné naissance à une
ombelle déterminée ; par suppression complète des pédoncules floraux,
se serait formé le capitule déterminé. Dans une seconde direction, la
cyme hélicoïde aurait pris naissance par avortement de rayons du
dichasium. Enfin, le thyrse, par réduction des entre-nœuds, aurait
abouti à l'inflorescence en verticilles d'une part. et d'autre part, il aurait
donné naissance à l'ombelle et au capitule indéterminés avec la grappe
et l'épi comme termes de transition, par l'intermédiaire de la panicule
et du corymbe.

Fu;. 1. - Diagramme de l'évolution hypothétique des types d'inflorescences.


a, dichasium ; b, dichasium composé ; d, cyme bipare; f, ombelle déter-
minée; g, capitule déterminé ; Il, thyrse; j, inflorescence verticillée;
1, panicule ; rn, corymbe composé ; 11, corymbe simple ; o, racèmc ou
grappe ; q, ombelle indi-terminée ; s, é]>i ; 11, capitule indétl'rmint• ; 111.
~·ymc hélicoïde; y, cyme scorpioïdc; z, cincinnus.

EMnERGEH (11) distingue les inflorescences indéfinies dont le type


est la grappe et les inflorescences définies qui sont les inflorescences
cymeuses. Selon 1\L-\HESQl"ELLE (19) l'inflorescence fondamentale serait
« le type centrifuge ù silhouette générale de corymbe ou de grappe ».
La méthode expérimentale que nous utilisons (pulvérisation de solu-
tions aqueuses d'acide 2,4-dichlorophénoxyacétique à saturation à
divers stades du développement de la plante (1.) nous a permis de
mettre en évidence quelques étapes de l'évolution de l'inflorescence chez
diverses plantes : Saponaria officinalis, Euphorbia Peplu.~. Euplzorbia
marginata, Zebrirw pendula ; nous avons provoqué la formation d'inflo-
rescences aussi variées que la cyme unipare scorpioïde, la cyme uni-
M. ASTIÉ

pare hélicoïde, « l'ombelle », le « \'erticille », le « glomérule », le


« capitule », et, chez le Begonia tuberhybrida. M. LECOCQ (15) a observé
tous les termes de transition entre un dichasium composé et la fleur
solitaire.

FIG. 2. - Euphorbia Peplus L. - Inflorescence composée de cymes unipares


scorpioïdes, représentation schématique (d'après l\1. Th. LE BEc).

%?-~----- . _.. ./
--:-/

FIG. 3. - Euplwrbia marginata Pnrsh. Cyme unipare hélicoïde (d'après


C. CoQt.:E:-1). (Dans ce sch<'·ma et dans les autres sehémas, ee qui est repré-
s(•nté en pointillés est avorté).
140 MÉMOIRES, 1964

FORMATION DE LA CYME UNIPARE SCORPIOÏDE ET HÉLICOÏDE

Chez l'Euphorbia Pep/us L. dont l'inflorescence est une ombelle tri-


mère de dichasiums composés terminés par des cyathes, M. Th. LE
BEc (2) a obtenu la formation d'une inflorescence composée de cymes
unipares scorpioïdes par avortement de l'un des axes du dichasium à
plusieurs niveaux du même côté (fig. 2), Cl. COQUEN (7), chez l'Euphor-
bia marginata Pursh (fig. 3) a observé des cymes unipares hélicoïdes
par avortement de l'un des rayons de chaque dichasium à tous les
niveaux successifs mais alternativement d'un côté et de l'autre.

FOHMATIOK DE L' « OMBELLE »

Elle s'opère par trois voies différentes : soudures d'axes de divers


ordres, contraction d'axes, soudures et contraction à la fois.

1 o Soudure d'axes de divers ordres


Chez le Saponaria officinalis L., par soudure de deux axes de pre-
mier ordre en un axe unique, deux paires de bractées AA' disposées
parallèlement au même niveau axillent deux axes de second ordre
(fig. 4).

FIG. 4. - Saponaria officinalis L. Formation de « l'ombelle » (début)


soudure de deux axes de premier ordre entre eux.
M. ASTIÉ 141

Le schéma représenté figure 5 montre une inflorescence de Sapo-


naire dans laquelle deux axes de premier ordre a 1 et a 2, précédant le
dichasium composé terminal, sont soudés à l'axe principal P ; trois
paires de bractées (BB', cc', dd'), insérées au mème niveau et parallèle-
ment, axillent des rameaux de premier et de second ordres (a 4, a 3 et a,.
a 6, a,, a 8) et trois pédoncules floraux.

FIG. 5. - Saponaria officinalis L. - Formation de « l'ombelle » : soudure


à l'axe principal des deux rameaux de premier ordre précédant immédiate-
ment le dichasium composé terminal (représentation schématique).

Chez I'Euphorbia marginata (Pl. I, fig. 1), par soudure de douze


rayons de même ordre, se forme un immense S1Jncyathium, dont l'invo-
lucre constitué de 27 écailles et 31 glandes renferme une synanthie
femelle (gynécée composé de 34 carpelles).

2" Contraction d'axes


Chez la Saponaire, par contraction du dernier entre-nœud de l'axe
principal, deux paires de bractées disposées en croix axillent quatre
rameaux (fig. 9).

3" Soudures accompagnée.~ de contraction


Chez la même plante (fig. 6), par soudure d'axes d'ordres différents
(premier et second ordres) et avortement d'un entre-nœud, trois paires
tle bractées (BB', cc', dd') insérées au même niveau axillent quatre
rameaux et trois pédoncules floraux (dans ce cas particulier, deux
rameaux de second ordre, deux rameaux rle troisième ordre).
142 MÉMOIRES, 1964

~--'' ..

FIG. 6. -- Saponaria officinalis L. - Formation d'une « ombelle » par sou-


dure d'axes d'ordre diffi~n·rlt et avorlt•ment d'un entre-nœud (représenta-
tion schématique).

Chez l'Euplwrbia Peplus (fig. 7) neuf bractées axillent neuf rayons


par soudure de quatre rayons de même ordre et contraction d'un axe
d'ordre supérieur (.M. Th. LE BEc, 14).

FORMATION DE « \'EHTICILLES »

Les divers cas de soudure que nous venons de résumer intéressent la


région terminale de l'inflorescence. Des phénomènes comparables, inté-
ressant des nœuds et entre-nœuds de ln région moyenne, ont pour
résultat la formation d'un ou de plusieurs verticilles successifs selon
le degré de sévérité du traitement subi par la plante.
Chez le Saponaria officinalis (fig. !l), par soudure de deux axes de
premier ordre (a 1 et a 2 ) avec l'un des entre-nœuds de l'axe principal P.
trois paires de bractées (BB', dd', ee') insérées au même niveau axillent
deux rameaux de premier ordre (a 7, a 8), quatre rameaux de second ordre
(a 3 ù a 6) et deux pédoncules floraux (p 1 et p 2) ; il s'est ainsi constitué
un verticille dont le centre est l'axe principal. Si le phénomene se repro-
duit au-dessus, un second verticille est formé par les rameaux de pre·
mier ordre terminés chacun par un dichasium composé, par les quatre
rameaux de second ordre et par le pédoncule de la fleur terminale de
l'inflorescence.
&

Fw. i. - Euphorbia Pep/us L. - « Ombelle » il neuf rayons; a, h, rameaux


du dichasium d'ordre supérieur (d'apri·s ~1. Th. Le: BEc).
144 MÉMOIRES, 1964

FIG. 8. - Saponaria officinalis L. - Formation de deux « Yerticilles '> suc-


cessifs (représentation schématique).

FORMATION DES « GLO~Ü:RULES »

Un degré supeneur de complication aboutit it la formation d'une


inflorescence en verticilles dans laquelle s'est opérée de façon plus
accentuée la réduction de diYers axes (fig. !!) ; la réduction du dernier
entre-nœud de l'axe a 1 détermine l'insertion an mème râvean de quatre
bractées disposées en croix (ce', gg') ; un phénomène semblable se pro-
duit sur l'axe correspondant a,. De plus, les axes a 1 et a 2 sont soudés à
l'axe principal formant un premier « glomérule » G1 au-dessus duquel
le « glomérule » G, est formé par la contraction totale du dernier
entre-nœud de l'axe principal.
M•. \STit: 1'1 .. 1

Fu;, 1. --- 1-:IIJ•Iwr/Jia mar!liuala l•u.-~h. - S.n••·~·athium furmi· par la ~uullul'<'


clt· 12 ra~·uu~ dt• lllt~IIH' urclrt·.

Fu;, 2. - ·""l"'""ritt uJ{iriu,liN 1.. lunun·~t·t·m·t· t'li « t•apituh· ».


M. ASTIÉ 145

~. 1

:
1

FIG. 9. - Saponaria officinalis L. - Hepréscntation schématique de la for-


mation de l'inflorescence en « glomérules ».

FotUL\TLOl\" DU « CAPITULE »

Chez le Saponaria officinalis, la transition vers le capitule s'opère


par l'extrême réduction de tous les entre-nœuds de l'inflorescence. Nous
nous bornerons à en décrire trois cas.
1) Le premier exemple (fig. 1 0) comprend presque uniquement des
synanthies et se forme par réduction de tous les axes, soudure de
rameaux de divers ordres entre eux ou avee l'axe principal, soudure
des bractées axillant ces rameaux et fasciation plus ou moins complexe
des fleurs.
2) Le second exemple (fig. 11) montre une réduction plus ou moins
importante des axes et leur fasciation en un « réceptacle » en dôme
portant des fleurs, des dichasiums et une seule synanthie triflore.
3) Enfin, le troisième exemple (Pl. I, fig. 2) illustre le terme ultime
1cm
,...__..

Fu;. 1 O. - Saponariu ofliciualis L. - Transition \'l•rs le « cavitulc » (Jlre-


mier stade).

If
Fu;. 11.- Saponaria tJfficinalis L. -Transition \'cr:; il• « capttuh• » (deuxième
stade).
FIG. 12. - Euplwrbia Peplus L. - « Capitule » de cyathes.

Fu;. li!. - Zebrina pendilla Schni?.l. lntlorcsccncl~ normall• dont les dl•ux
hrad(•cs ont été enlevées. (Au-dessous, diagramllll' dt· l'inflorescence).
148 1\IÉMOIRES, 1964

de la réduction, c'est une inflorescence extrêmement condensée ; sur le


réceptacle sont insérées quatre séries concentriques de bractées et trois
séries de fasciations florales : un premier verticille de quatre synan-
thies mêlées de dichasiums, une volumineuse synanthie en couronne et
enfin, une fleur terminale pléiomère dans laquelle on peut identifier
21 sépales.

1) ··. --"?
/

1
Smm

FIG. 14. - Zebrina pendula Schnizl. - Inflorescence anormale de 140 fleurs ;


1, vue de face ; 2, vue de dos ; 3, diagramme de l'inflorescence.
:&1. ASTIÉ 149

Chez l'Euphorbia Pep/us (fig. 12), la fasciation de rayons dont la


taille est réduite, détermine une condensation extrême de l'inflores-
cence qui prend l'aspect d'un capitule de cyathes ; le même phénomène
a été obtenu chez l'Euphorbia marginata.
Chez le Zebrina pendula (fig. 13), nous avons obtenu des inflores-
cences extrêmement complexes ; les fleurs sont normalement groupées
en deux cymes unipares dont les axes sont très condensés (cincinnus),
disposées it l'aisselle de deux bractées opposées, de taille égale, pubes-
centes ; il y a sept fleurs inégalement développées dans chaque eincin-
nus, la plus jeune encore ù l'état d'ébauche sr trouve ù l'extérieur.
La figure 14 représente une inflorescence qui compte 140 fleurs
(72 d'un côté, 68 de l'autre) ; chaque jour une dizaine de fleurs s'épa-
nouissent en même temps au lieu de une ou deux dans l'inflorescence
normale. Chaque cincinnus est ainsi devenu une sorte de « capitule »
déterminé dans lequel les fleurs de la périphérie se tli~veloppent pos-
térieurement aux fleurs centrales.

FORMATION n't:NE FUWR SOJ.l'l'.\IHE


A l'AHTTH D'l'NE TNFLOHESCENCE DTCH.\SL\Llè

Chez le Beyonia tuberhybrida. des obsen·ations récentes (15) ont


montré que l'on pouvait rcneontrer tous les termes de transition entre
un dichasium composé ct la fleur solitaire (fig. Hi) en passant par Il'
dichasium simple, typE' d'i nfloresccnce le plus cnrnnHmt~llH'nt rencontré
dans eette E'spèce.
Cette étude montn• qu'il est possible d'nbtenit· cxpéi'Îmrntalcment
des phénocopies d'inflorescences variées ù partir de types dont l'unit(·
est le dichasium. L'un des exemples le plus rligne rl'intérl-1 rst celui dt•
la Saponaire, dont l'inflorrsccncc est un pléiochasium et chpz laquelle
nous avons déterminé la formation d'une « partie des inflorescences )'
figurant sur le diagramme dress(· par LAWTŒ:\'CE rl'aprl·s les conceptions
de RICIŒTT. Tl fant remarquer aussi que. rians la famille des Caryophyl-
lacées. par la contraction ou l'élongation des cntre-nœurls, se retrouYent
des types vat·iés d'inflorrscenees établissant la transition entre l'inflo-
rescence extrêmement lttche, formée rle rlichasiums, <le certains G~·p­
sophiles et celle du Dianthu,ç barbatus très contractée, l'infloreseence de
Saponaire constituant un type intermédiaire.
Er.IBERGER (10), par une obsenation attenti\'e des termes de transi-
tion entre l'inflorescence en cymes bipares du Blerhrodia insignis et
la fleur de l'Anlial'is, a montré comment, par étapes successives ct
lentes, la phylogénèse aboutissait à la fleur représentant le stade ultime
et évolué rie l'inflorescence « ù la suite d'une série rle crisPs compa-
rables ù un mouvement ondulatoire ». Ajoutons que :\~ozERAN (22),
par l'étude des Plumbaginacées, des Passifloraeées, des Araliacées,
R. RrvrÈREs (27, 28) par celle des Urticacées, ont montré de leur côté
comment il était possible de passer des types d'inflorescences lâches
aux types contractés.
10
150 MÉMOIRES, 1964

Les divers types d'inflorescences dont nous avons provoqué la for-


mation chez la Saponaire, constituent donc une « série phylogénétique »
(selon la conception de L. Eli-IBERGER). Ces résultats font la preuve, une
fois de plus, de la validité de la technique expérimentale dans les
études de morphologie comparée.

Fu;, u·,_ - Be(JOllia tuberhybrida Voss. - Rl•prt·scntation seht•matiCjllL' mon-


trant tous les termes de transition entn• un diehasium composé ct la l1cur
solitain,, ll•s l1eurs femelles sont représent(,es par des points noirs (d'apri•s
F. 1\1. LECOCQ).

BlllL)()(;UAPHIE

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zwci deutschl'l' Vcrwandtcn der S. lmll>osum Schimp und S. tubao-
sum .lacq. nehst l~rHiuternngen iihl'l' die Aspcrifolicn iibcrhanpt
nanll'nlich ühcr dercn Blatbtt·llung und Tnfloresccnz. Heidelberg, 18:JG,
11 !l p., () pl.

***
lntencntion de M. OzE:-\DA :
L'utilisation des faits tératologiques en phylogénie est hien hasar-
deuse. :'i!ous ne savons pas grand l'hose du déterminisme des monstruo-
sités : il me paraîtrnit plus intéressant et plus fécond de pousser les
recherches dans cette Yoie, c'est-à-dire de voit· ce que les ca<; témtolo-
giques peuvent apporter à la compréhension dP mécanismes physiolo-
giques ou gi·nétiques, en s'appuynnt snr une étude morphologique rigou-
rense.

***
M. ( :nouAHD : Discussion avec M. PLANTEFOL et i\111• AsTif: à propos de
la communication de cette dernière.
Les essais de tératologie expérimentale môme a \'CC des substances
pharmneollynamiques -·- et les « phénocopies » qui en résultent, peu-
Y<:>nt cependant aYoir une réelle signification physiologique. D'abord,
si l'on obtient unP altération de la forme par un agent (chimique ou
climatiquP, p. ex.), C'Ct agent aura clù, cie toute façon, intervenir par
<Iuelques processus enzymatiques internes qu'il nura plus ou moins
mollifit~s. Si l'altération obtenue est bien compatible avec la survie, on
peut prédire, aYec d'assez nombreuses chances de succès, qu'une alté-
ration annlogue peut exister dnns la nature ù l'état de variété hérédi-
tair<:> (c'est-il-dire de raC'e génétique) correspondant à une mutation flu
ou dPs gi.·nes qui commandent les diverses modalités enzymatiques ici
intéressées. En effet, chaque système de gènes a chanC'e d'aYnir muté
aceidentcllement, un jour ou l'autre, et si la mutation est "iable, elle
peut exister quelque part. C'est le principe des « phénocopies ».
L'intérêt explicatif de telles expériences de tératologie expérimen-
tale, si on les rattache comme des phénocopies ù des formes analogues
génétiquement hért:·ditait·es, est de ponyoir engager une démarche ten-
dant au progrès de l'analyse eausale (c'est-à-dire relative à la génétique
physiologique) de telles races héréditaires d'une part et de telles varia-
tions d<' structure ou de morphologie d'autre part. En effet, la recherche
expérimentale peut parvenir ù mettre en évidence que la nouvelle struc-
ture observée est due à tel exc(~s, ù telle stimulation, ou ù telle inhibi-
tion, d'un agent biochimique plus ou moins bien défini. Si on trouve,
dans la variété génétiquement stable dont la forme tératologique est
M. ASTIÉ

une phénocopie, un excès ou une déficience biochimique analogue. on


touche du doigt le processus biochimique de cette mutation. et on peut
remonter à sa eause génétique. Un excellent exemple est celui du gigan-
tisme causé par l'acide gibberellique et la comparaison a ,·ec les formes
génétiquement naines ou géantes des Maïs, on sait que le résultat a été
la découverte de l'origine génétique des mutants nains par suite de
mutations géniques qui portent sur diverses déficiences dans les dif-
férents stades de l'évolution enzymatique des gibberellines naturelles.
On est bien loin encore de toute l'interprétation biochimique et géné-
tique de la morphogénèse. Mais on atteint ainsi quelques parcelles.
quelques unités élémentaires de l'ensemble qui est beaucoup plus éleYé
en « degrés de complexité » et qui régit la morphogénèse et l'onto-
genèse.
Abordées de la sorte, les recherches de tératologie expérimentale
peuvent ètre très fécondes. Quant à la tératologie d'observation, si elle
ne suggère que des rapprochements purement conceptuels. ses consé-
quences demeureront conjecturales, mais si elle sert il rechercher des
moyens expérimentaux de diriger à volonté la morphogénèse, c'est-
à-dire de reproduire expérimentalement les accidents tératologiques for-
tuits, elle peut être, il terme. t~galcment féconde.

***
Jntenention de M. AYMONIN :

L'inflorescence des Caryophyllées : Il est toujours tout à fait souhai-


table de rechercher dans la nature des faits comparables ù ceux obtenus
au cours d'expérimentations - physiologiques ou tératologiques - et
spécialement dans le cas des Saponaria du groupe officinalis étudiés
par l\flle AsTIÉ, il condent rl'examiner ce qui se passe dans d'autres
représentants de la famille rles Caryophyllées (Caryophyllaceae).
Déjù. dans le seul genre Saponaria, on obsene chez de nombreuses
esp(·ees une réduction de l'inflorescence en une « tHe tlnntl<' " tri-s
semblable au schéma obtenu expérimentalement par :\fl 1'' AsTili sur le
Sapouuriu officinalis : c'est le cas, par exemple. de Saponuriu hel/idi-
foliu. Saponaria lutea et S. caespilosa représentés dans notre flore. nù
l'on assiste ù une réduction considérable des pédoncules florifères, pour
arriver parfois ù une inflorescence « omhelliforme » qui peut deYenir
une « tête florale » nu un « pseudo-capitule » par insertion des pédon-
cules à un mème nin·au de l'axe ; cet axe ne difft-rende pourtant jamais
un véritable plateau comme dans la :\larguerite.
Dans un autre genre de notre flore, des dispositions semblables et
également remarquables existent; ,trenariu capitula ct .4. tetraquetra;
dans cette dernière espèce, les bractées peuyent entourer totalement
l'inflorescence, mais une analyse clétaillée révèle toujours chez ces
« bractées » une disposition typique !l'organes stériles opposés di·cusst•s
des Caryophyllées.
Ces c:~s sont, cependant. loin d'dt·e isolés ou exceptionnels dans
1.14 MÉMOIHES, 1964

cette famille, surtout si l'on s'adresse aux espèces exotiques ; à titre


d'exemples qui pourraient éventuellement servir ù des expérimentations
fructueuses puisque la nature a déjà fait un grand pas vers la conden-
s~tion de l'inflorescence en un « pseudo-capitule », on peut évoquer
les cas suivants :
- Dans le genre (;ypsophila, on passe de l'inflorescence très déliée
de notre G. rnuralis à des types plus contractés (G. uralensis Less.) et
ù la réduction à une seule fleur (G. violacea (Led.) Fenzl).
- Dans la seule espèce Bolanthus fasciculatus (Marg et Rent.) Bar-
kouei., on a tous les passages.
- Chez I'Acantlwphyllurn vi.çcidwn F. et S. d'Afganistan (= Gyp-
sophila erinacea), les feuilles supérieures et les bractées toutes trans-
formées en épines paraissent constituer un inYolucre autour de l'inflo-
r:escence très contractée.
- Chez les Drymaria mexicains, on obsene aussi des termes de pas-
sage remarquables depuis le D. la.riflora Benth. jusqu'au D. pachyphylla
\\' oot. et Stan dl. et surtout une espèce des hauts volcans de l'Hidalgo,
le D . .rerophila Gray qui ressemble à notre Arenaria leptoclados et dont
les inflorescences sont incluses au sommet des ultimes « feuilles brac-
téales » très élargies.
- Bien que les systématiciens soient loin d'être d'accord sur ce
point, on a coutume aujourd'hui de réunir aux Caryophyllées les
anciennes Paronychiées chez lesquelles on trom·e les cas de « capitu-
lisation » tout ù fait surprenants, par exemple dans le genre Polycar-
paea (P. linearis d'Afrique), mais surtout chez les Splwerocorna, petit
genre de Perse et du Yémen, constitué de plantes ligneuses où des
rameaux très courts se terminent par une rosette de feuilles molles
d'où partent des pédoncules filiformes portant cles têtes florales très
denses rappelant nos Globulaires.
- Pourtant, l'une des Caryophyllées les plus curieuses (sur le plan
de l'inflorescence, tout au moins) est sans nul doute le Drypis Linneana
.:\furb. et Wettst. du l\Iontenegro et d'Albanie, où non seulement les inflo-
rescences sont contractées en une tête florale compacte, mais surtout
les bractées sont transformées en un involuere spinescent qui don ne
à ees petites plantes l'aspect de certains Eryngium (Ombellifères) ou
même parfois de certaines Carlines.
Il serait naturellement extrêmement intéressant que des expériences
soient faites sur certaines de ces plantes, soit en tentant de « déve-
lopper » dans l'espace des inflorescenc.cs typiquement contractées, soit
en essayant, par exemple, de passer de l'une ù l'autre des « espèces »
que les systématiciens définissent parfois en se basant sur la morpho-
logie de l'inflorescence dans les Gypsophila ou les Drymaria.

***
Intervention de M. PL.-\KTEFOL

Je pense qu'en exposant les résultats de ces très intéressantes


recherches, vous avez eu tort d'utiliser les termes !'apitule ou ombelle
1\l. ASTIÉ 155

pour définir les formes des inflorescences anormales obtenues. Par


exemple vous n'avez pas « obtenu le capitule » comme vous l'avez dit,
parce qu'après traitement les pédoncules floraux ont été beaucoup plus
courts que normalement et que les fleurs se sont trouvées rapprochées
de l'axe d'une maniere un peu analogue il celle qui constitue l'un des
caractères d'un capitule. Il y a des caractères essentiels des capitules
que vos photographies ne semblaient pas montrer et en particulier la
régularité de la forme.
Je m'élève contre un emploi abusif du terme capitule, car il nous
conduit sur une pente dangereuse : il suggere une extrême plasticité
de la forme végétale dans le domaine du normal lui-mèrne, plasticité
qui serait bien utile à certaines de nos théories, mais que la nature ne
nous montre pas.
Il vous est aussi arrivé d'employer le terme « phénocopie » du capi-
tule ; il est correct, il exprime une « imitation » d'un caract(~re mor-
phologique qui n'est point héréditaire. Mais quelle difl'érence il peut
y avoir entre une imitation et la réalité ! .Je ne pense pas que, soumise
ù un systématicien des Caryophyllacées, votre phénocopie de capitule
serait déterminée « capitule d'une Saponaria inconnue voisine de
S. o{/'icirzalis » mais bien « inflorescence tératologique présentant ~·ù
et là des caractères floraux de 5'. officinalis ».

***
Intervention de M. LEHOY :

Je pense que l'étude des inflorescences n'a pas été faite jusqu'il pré-
sent en liaison assez étroite avec la taxonomie. J'ai la conviction que
l'analyse de certaines espèces dont l'étroite parenté peut être établie
avec une certitude absolue, mais dont les modes (le floraison divergent,
devrait pouvoir conduire ù des conclusions positives. C'est presque
une méthode nouvelle qui se trouverait ainsi intrcHluite et que j'ap-
plique, pour ma part, à l'analyse des Cojfea. l\L OzEJ\DA s'est montré
pessimiste quant ù la possibilité d'obtenir un résultat par l'utilisation
des seules rnéthtHles morphologiques alors que celles-ci sont ù l'ceuvre
depuis plus <l'un sii!de. Ce pessimisme ne me semble pas entièrement
justifié. Pensons an simple fait que toute la taxonomie botanique est
à repenser et que, dans ces conditions, tout un champ reste ouvert ù
l'investigation, même dans la recherche de la loi générale (en outre,
les progrès de la physiologie OU\Tiront de nouvelles perspectives mor-
phologiques).

***
Intervention de M 1 ~<- DEBJUVX :

Pour répondre à une observation de :\1. OzEtoiDA, je rappelle qu'un


Morphologiste célèbre, CLos, en 187ï, émettait l'opinion que « tout un
156 ~IÉMOIRES, 1964

vaste champ d'expérimentation reste encore à exploiter, J'entends les


productions artificielles des déviations organiques » et plus récemment
L. PLANTEFOL affirmait « si la tératologie est une sorte d'expérimenta-
tion de la nature, dont le déterminisme nous échappe le plus souvent,
l'expérimentation proprement dite doit ici jouer un rôle. Et d'abord elle
seule peut apporter des preuves cruciales ». En effet, ce savant ajoute
d'ailleurs « ce sont les cas tératologiques, c'est-à-dire normaux à un
facteur près - parfois à plus d'un facteur ... - , qui sont le mieux révé-
lateurs de l'organisation florale ».

***
Intervention de M. An:\'AL :

L'action des substances tératogènes entraîne facilement des modifi-


cations très profondes de la morphologie. Du fait de l'importance de
ces modifications elles sont difficilement interprétables. On obtiendrait
sans doute des résultats plus intéressants et plus facilement interpréta-
bles en envisageant les transformations les pllls faibles produites par
les traitements et en les comparant avec des espèces très voisines.

Réponse de Mil• AsTIÉ :

Dans d'autres recherches. dont les résultats sont consignés dans ma


Thèse de Doctorat, j'ai envisagé les « transformations les plus faibles
produites par les traitements expérimentaux » et je les ai comparées
avec des espèces et des genres voisins.

***
Intervention de M. LE:\IOTGNE :

A partir de résultats obtenus par l'action d'une seille mbstanr:e chi-


mique. l\flk Awrrr:: me parait extrapoler bien dte, surtout lorsqu'elle croit
pouvoir déduire, dans ses conclusions, le processus suivi par les plantes
lors de la phylogéni.~se !
Est-il nécessaire de rappeler que la phylogénèse - fait naturel his-
torique - a procédé de façon progressive mettant en jeu le facteur
temps et ce dans rles séries d'indhidus successifs?
Lors rie l'étude des phénomôncs évolutifs on rst ft•appé par la plurn-
lité des solutions possibles qui s'offraient. la Nature opta nt pom· l'une
d'entre elles (d'autres solutions pouvant s'exprimer llans ~les lignées
qui alors dérivent latéralement et quittent le mnu\'ement génôral de
I'E\'olution) .
.Je ne pense pas que \Jlk Asnr\ puisse se permettre d'extrapoler.
comme elle l'a fuit. ù partir rie quelques ens tératologiques. M"(' AsTIÉ a
provoqué des dé{ol'mations, certes spedHcttlnires (parce que rapides).
mais le .~ens rie ces déformations est-il relui qu'a suivi la phylogéni>se ?
M. ASTIÉ 157

Peut-être, mais l'argumentation est faible. Le sens des déformations pro-


voquées est-il régressif, ou accéléré ou particulier ? Il faut être extrê-
mement prudent ! Observons et notons les résultats expérimentaux mais
limitons-nous, du moins pour le moment, à cela. Cne seule substance a
été utilisée ; j'insiste sur ce fait !
Devant le peu d'arguments paléontologiques, les résultats expérimen-
taux sont très intéressants mais seulement comme une indication. Il me
paraît nécessaire de faire agir un grand nombre de substances, en par-
ticulier des substances reconnues comme principes intenenant dans la
morphogénèse végétale et de voir si toutes (ou la plupart ?) provoquent
des variations dans le même sens.
Par ailleurs, je crois qu'il faut nous « méfier » de ccci : la fleur
s'est exprimée progressivement dans les générations successives ; elle
est un organe bien acquis chez les Angiospermes et par suite, chez les
Angiospermes, on assiste à une multitude de ,·ariations autour de ce
« thème ». Or M11 • AsTIÉ a expérimenté sur des Angiospermes et n'aurait-
elle pas provoqué, ou mis en valeur, une de ces variations propre à un
genre limité ?
La variation provoquée concerne une ontogénie, mais de là à dire
qu'elle relève de la phylogénèse, le fossé il fmnchir est hien large.

Je n'ai pas la prétention de retracer les voies de la phylogénèse.


Depuis 10 ans, j'accumule des faits d'observation et il me faudra
encore cie longues années de recherche a va nt de pouvoir tirer quelques
conclusions.
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de faire agir un grand nombre
de substances comme vous le suggérez ; je puis cependant vous dire
que l'acide 1,3.5-triiodobcnzoïque provoque des anomalies comparables
ainsi, d'ailleurs, que des perturbations systématiques du rythme photo-
périodique appliquées ù des plantes de jour court du genre Rryo-
phyllum.

***
Intervention de :\'I. MAHESQUELU' :

Le travail (le :\II~<' AsTIÉ consiste à agir chimiquement sur des cymes,
modifiant des processus d'allongement, provoquant éventuellement des
contractions, des soudures, ailleurs des fasciations. Or la filiation des
inflorescences, qu'elle nous présente, et qui s'inspire de RICKETT, com-
porte. après la diversité 1les c:nnes. l'npp:trition des grappes. Le pro-
bli•me de la grappe sc pose donc à elle, ct je demande : existe-t-il une
ra('émisntion expérimentale? un moyen d'imposer à un méristème le
comportement racémoïde ? Je n'en ai pas connaissance ; et. jusqu'à nou-
n•l ordre . .ïe doute qu'une action chimique suffise pour décider un
méristème ù ne pas subir la métamorphose florale, tout en imposant
cette métamorphose aux méristèmes-flls, qu'il produit sur son côté. La
158 1\I~:MOIRES, 1964

racémisation est ù mes yeux le grand problème, parce que c'est le très
grand changement que doit pouvoir subir un méristème d'inflorescence.
En somme, vous qui croyez aux actions chimiques, espérez-vous
transformer une cyme en grappe ?

Réponse de l\P 1• AsTIÎ> :

Il n'est peut-être pas impossible de transformer une cyme en


grappe ; j'ai entrepris toute une sér-ie d'expériences concernant des
plantes, autres que les Caryoph:vllncécs, •lont l'inflorescence est emu-
posée de cymes.

***
Inten·ention de M. LEYACIIEH :

Pouvez-vous préciser, dans vos expériences, quel était l'état de déve-


loppement ontogénique des bourgeons lors du traitement, et, en consé-
quence, pensez-vous qu'on puisse établir une relation entre la nature
de l'anomalie obtenue (verticille. capitule, ... ) ct cet état de dévelop-
pement?

Réponse de M11 <' As·rrÉ :

Je pense qu'il existe une relation entre le type d'anomalie obtenue


ct « l'état de développement ontogénique des bourgeons ».•Je suis arri-
vée, après sept années •le recherches, ù dresser une sorte de calendrier
des périodes phénocritiques chez la Saponaire : maintenant il mc reste
ù étudier l'ontogénie des anomalies obtenues.

***
Inten·ention de .M. BUG:'\OK :

Dans les déformations provoquées, y a-t-il ù la fois soudure et modi-


fications •le croissance intercalaire, ou bien seulement ces dernières,
négatives ou positives ; négatives donnant des contractions ; positives
donnant des déplacements d'organes. Faire intenenir ce seul mode de
transformation et non la soudure est plus simple, plus conforme aux
faits d'observation. Qu'y a-t-il pour prou\·er l'intenention d'une sou-
dure?

Réponse de :VP 1e AsTu:: :

Je pense qu'il y a it la fois soudure au niYeau des ébauches et modi-


fication de croissance intercalaire.
M. ASTif: 159

***
Intenention ùe M. A BlONDi :

Il coudent de comparer les faits expérimentaux démontrés pat·


MU• AsTIÉ ù propos du Saponaria o{ficinalis aux exemples que nous
offre la nature dans cette même famille cles Caryophyllées, de préfé-
rence ù ce qui existe !lans des groupes systématiquement éloignés.
Chez les Caryophyllées, il est classique de considérer que l'inflores-
cence est cie type cyme, mais qu'il y a des contractions donnant une
« allure de capitule » - mais une allure seulement - ; eeci existe
spécialement chez certaines espi•ces du genre Gypsophila dans l'ouest
des massifs himalayens. Il faut aussi penser ù un exemple montagnard
plus proche de nous, celui du Lychnis alpina (l'iscaria alpirw) où la
contraction des deux cymes peut Hre extrêmement accentuée. ct peut
aller jusqu'à la réduction ù une seule fleur.
Il n'y a pourtant jamais, comme le souligne :\1. Je l't·ofesseur l'LA:\·
TEFOL, passage ù un capitule semblable ù eelui des Composées. mais
seulement contraction d'une inflorescence plus on moins complexe du
type cyme.

Réponse de :.\1 11 •• AsTIÉ :


Les phénocopies de capitules expérimentalement obtenus étaient plus
proches du capitule des Composées que des inflorescences « it allure
de capitule » que l'on rencontre naturellement dans la famille des
Caryophyllacées : en effet, les diehasiurns, les fleurs ou les synanthies
étaient insérés sur une sorte cie « réceptacle en !lôme ou plan ».

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