https://doi.org/10.20870/IVES-TR.2021.
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Rappels sur la vigne et le déficit hydrique.
Quels leviers au vignoble à courts et
moyens termes ?
>>> Dans le cadre de l’évolution du climat, la majorité des
régions viticoles subissent des périodes de contraintes
hydriques voire de stress hydrique et des vagues de
chaleurs. L’augmentation des températures moyennes
est avérée, décalant les stades phénologiques de la
vigne. Dans les régions méditerranéennes du sud de la
France, les orages plus fréquents en automne et la plus
faible pluviométrie en hiver réduisent le remplissage de
la réserve utile des sols pré débourrement. Par ailleurs,
la pluviométrie sur le cycle cultural diminue alors que
l’évapotranspiration augmente. L’ensemble de ces
évolutions climatiques (pluies x températures) a des
effets sur le fonctionnement de la vigne, la composition
des baies et le profil aromatique des vins. À ce titre, il
nous semble intéressant de partager sous forme de « dot
points » les conséquences possibles de l’augmentation du
déficit hydrique et des pics de chaleur sur la physiologie de
la vigne et de ses fruits et de rappeler quelques solutions
potentielles à mettre en œuvre à court et moyen terme,
notamment lors de la plantation de jeunes vignes. <<<
n Vigne et eau : quelques rappels
è Les besoins en eau de la vigne pour son cycle de
développement sont de 450-550 mm (1 mm = 1 litre
par m2 = 10 m3 par ha).
è Il faut entre 250 à 350 litres d’eau au vignoble, de
débourrement à vendange, pour produire un litre de moût.
è La réserve utile du sol dépend principalement de la
profondeur d’enracinement, de la texture du sol et du taux
d’éléments grossiers.
è L’évaporation du sol dépend de l’humidité de la couche
de surface, de sa structure et des couverts végétaux qui
sont implantés. La part d’évaporation du sol versus la part
de transpiration dans les pertes en eau par hectare (en
mm) sont difficiles à estimer.
è Le choix du porte-greffe est crucial en matière
d’adaptation d’une vigne à la contrainte hydrique.
è 98 % des besoins en eau de la plante résultent de sa
transpiration.
è L’efficience d’utilisation de l’eau est la capacité de la
plante à fixer une quantité de carbone pour un niveau de
perte en eau par transpiration donné.
è Une meilleure efficience d’utilisation de l’eau résultant
d’une activité photosynthétique supérieure et/ou d’une
régulation stomatique plus efficiente peut être considérée
comme un trait d’adaptation à la sécheresse.
è Les entre-cœurs (rameaux secondaires) réduisent
leur développement dès l’apparition d’une contrainte
hydrique légère alors que les rameaux primaires ont un
développement impacté par des contraintes hydriques
modérées (figure 1).
è Le volume final des baies est réduit à des niveaux de
contrainte hydrique inférieurs à ceux requis pour réduire
le nombre de grappes par cep ou le nombre de baies par
grappe (figure 1).
Le LabEx COTE soutient la création et le lancement de la revue IVES Technical Reviews dans le cadre de son appel à projets Transfert et valorisation.
Figure 1. Impact de la contrainte hydrique sur le développement des rameaux et les com-
posantes du rendement. Les rameaux secondaires (entre-cœurs), chez la vigne, sont impactés par
des niveaux de contrainte hydrique plus faibles que les rameaux primaires qui portent la récolte
de l’année1. Le volume final des baies est impacté par des niveaux de contrainte hydrique plus
faible que le nombre de grappe par cep, qui est lui-même impacté par des niveaux de contrainte
hydrique plus faible que le nombre de baies par grappe2.
è Le remplissage de la réserve utile du sol est important pré-
débourrement pour garantir l’homogénéité du débourrement
et post-vendange pour maintenir l’activité photosynthétique
des feuilles et favoriser les réserves carbonées.
n Conséquences potentielles de la
sécheresse (forte contrainte hydrique)
et de l’élévation des températures
(vagues de chaleur)
a) Croissance végétative et composantes du
rendement
è Réduction de la croissance végétative et donc de la
surface foliaire exposée.
è Réduction du développement des entre-cœurs, avec des
conséquences positives ou négatives selon les conditions
climatiques (augmentation de l’exposition des grappes
au rayonnement, réduction de l’activité des puits ou des
sources en C selon le stade).
è Dans le cas de contraintes hydriques fortes et précoces,
hétérogénéité du débourrement et réduction de la fertilité
des bourgeons latents sur les rameaux primaires en
développement (figure 1)3.
è Altération du développement des inflorescences et des
fleurs en année N+1 (dont les primordia ont été formés
dans les bourgeons latents l’année N) pouvant conduire à
des défauts de fécondation (coulure et millerandage).
è Diminution du volume des baies (dès le stade de
croissance herbacée du fruit et post véraison-maturation),
réduisant le rendement final mais pouvant favoriser
la qualité (diminution de la compacité de la grappe,
augmentation de la concentration en métabolites primaires
et secondaires), l’important est d’éviter les blocages de
maturation2, 4.
è Risque accru de back-flow d’eau du fruit vers les
feuilles, notamment en situation de contraintes hydriques et
thermiques post véraison, conduisant au flétrissement des
baies (le flétrissement est généralement irréversible post
plateau du chargement en sucres et en fin de maturation).
La figure 2 résume les relations et les raisonnements
possibles entre la disponibilité en eau du sol, la surface
 foliaire totale par cep et/ou par hectare et le rendement
par vigne et/ou par hectare. La surface foliaire par hectare
est un terme majeur du bilan hydrique dans la mesure où
70 à 80 % de l’eau perdue par évapotranspiration est due
à la transpiration des vignes.

Figure 3. Les besoins en eau de la vigne se raisonnent de pré-débourrement à post vendange.

des sols et les évènements de pluie qui vont rythmer les

stades phénologiques et dicter la composition des baies.
Lorsque l’irrigation est possible, elle permet de corriger
les aléas climatiques qui peuvent être défavorables au
Figure 2. L’adaptation d’un vignoble à la contrainte hydrique se raisonne dès la plantation (choix
rendement et à la qualité des baies et des styles de vins
du système de conduite, densité de plantation, rapport feuille/fruit, rendement, couple cépage-porte-
associés.
greffe). La rentabilité de l’exploitation peut être mise en danger par des contraintes hydriques sévères
à répétition impactant les rendements et le nombre de bouteilles produites par hectare.
n En conclusion
b) Composition des baies et qualité des vins
è Inhibition de la biosynthèse des métabolites Il convient d’éviter les contraintes hydriques fortes
primaires (acides organiques, sucres)5 conduisant à des (stress hydrique) sur vigne de pré-débourrement à post-
perturbations de la dynamique de maturation des baies6. vendange, notamment pour la production de vins blancs
è Augmentation du pH des vins par concentration du et de vins rosés. Bien évidemment, il faut considérer les
potassium et dégradation de l’acide malique. points suivants dans le raisonnement de l’impact de l’état
è Inhibition de la biosynthèse des métabolites secondaires hydrique de la vigne sur son fonctionnement (appareil
(phénols, précurseurs d’arômes) pré- et post-véraison pour végétatif ; appareil fructifère/rendement ; développement
des contraintes hydriques fortes. La teneur en anthocyanes et composition du fruit ; catégories et profils aromatiques
dans les baies est toutefois favorisée pour des contraintes des vins) :
hydriques modérées. è La période de survenue de la contrainte hydrique versus
è Modification du profil aromatique des vins au-delà de les stades phénologiques
20 % de baies flétries7. è L’intensité de la contrainte hydrique (contrainte versus
è Hétérogénéité de la croissance des baies4 qui peut stress)
affecter le style des vins. è La durée de la contrainte hydrique.
è Avancement de la date de vendange qui est dû è L’état hydrique de la vigne doit être raisonné en relation
principalement à la concentration en sucres des baies avec la température et il faut prendre en compte les vagues
(raisonnement dates de vendanges basé sur le degré de chaleur (intensité et durée). n
alcoolique) et non à une augmentation de la teneur en
sucres par baie.

n Les solutions possibles : la boite à Alain Deloire, Anne Pellegrino

outils
. Inhibition de la biosynthèse des métabolites secondaires (phénols, précurseurs d’arômes) pré- et post-
véraison pour des contraintes hydriques fortes. La teneur en anthocyanes dans les baies est toutefois
Université de Montpellier, L’Institut Agro (SupAgro), UMR LEPSE, France
favorisée pour des contraintes hydriques modérées.
Le tableau 1 présente les objectifs appliqués visant à
. Modification du profil aromatique des vins au-delà de 20 % de baies flétries8.
réduire la consommation en eau d’un vignoble et les
. Hétérogénéité de la croissance des baies9 qui peut affecter le style des vins.
. Avancement de la date de vendange qui est dû principalement à la concentration en sucres des baies
solutions potentielles à court, moyen et long terme.
(raisonnement dates de vendanges basé sur le degré alcoolique) et non à une augmentation de la teneur en
Les besoins en eau de la vigne s’établissent de pré-
sucres par baie.
1 Lebon E., Pellegrino A., Louarn G., and Lecoeur J., 2006. Branch
débourrement
Les solutions possiblesà : lapost-vendange
boite à outils (figure 3). Dans le cadre development controls leaf area dynamics in grapevine (Vitis vinifera)
d’une
Le tableauapproche terroir
1 présente les objectifs (solvisant
appliqués x climat), ce sont la
à réduire la consommation réserve
en eau utile
d’un vignoble et les growing in drying soil. Annals of Botany, 98, 175-185.
solutions potentielles à court, moyen et long terme.
2 Levin A.D., Deloire A., Gambetta G.A., (2020). Does water deficit
Tableau 1. Réduction de la consommation en eau d’un vignoble et solutions possibles. negatively impact wine grape yield over the long term? IVES Technical
Tableau 1 : Réduction de la consommation en eau d’un vignoble et solutions possibles Reviews, https://doi.org/10.20870/IVES-TR.2019.4029
Objectifs visés Solutions mises en place
Augmentation de la réserve utile du sol -Régénération de la vie microbienne des sols
3 Guilpart, N., A. Metay, and Gary C., (2014). Grapevine bud
-Apport et augmentation de la matière organique fertility and number of berries per bunch are determined by water
dans les sols and nitrogen stress around flowering in the previous year. European
-Irrigation Journal of Agronomy, 2014. 54: p. 9-20.
Réduction des pertes par évaporation -Adaptation du travail du sol et des couverts
végétaux 4 Ojeda, H., A. Deloire, and Carbonneau A., (2001). Influence of
water deficits on grape berry growth. Vitis, 2001. 40(3): p. 141-145.
Réduction de la surface foliaire et des pertes par -Réduction de la surface foliaire totale par cep 5 Wang Z., Deloire A., Carbonneau A., Federspiel B., Lopez F.,
transpiration (et ajustement des rendements associés) (2003). Study of Sugar Phloem Unloading in Ripening Grape Berry
-Réduction de la densité de plantation
-Ombrage des vignes (ombrières)
under Water Stress conditions. J. Int. Sci. Vigne vin, 37, 4, 213 – 222.
-Choix de petits systèmes de conduite (Gobelet, 6 Antalick G., Šuklje K., Blackman J.W., Schmidtke L.M. Deloire A.,
Palmette) (2021). Performing sequential harvests based on berry sugar accumu-
Maintien de la production, réduction des pertes -Choix de cépages et de porte-greffes tolérants à lation (mg/berry) to obtain specific wine sensory profiles, OENO One,
par transpiration la sècheresse en considérant les styles potentiels
https://doi.org/10.20870/oeno-one.2021.55.2.4527
de vin
-Irrigation d’appoint 7 Šuklje K., Zhang X., Antalick G., Clark A.C., Deloire A., and
Maintien de la production, Fraîcheur des vins -Régénération de la vie des sols pour une Schmidtke L.M., (2016). Berry Shriveling Significantly Alters Shiraz
blancs et rosés meilleure gestion de la réserve utile en eau (Vitis vinifera L.) Grape and Wine Chemical Composition, J. Ag-
-Irrigation d’appoint et raisonnée de la vigne
ric. Food Chem., 64, 870−880, DOI:10.1021/acs.jafc.5b05158
(figure 2)

Les besoins en eau de la vigne s’établissent de pré-débourrement à post-vendange (figure 3). Dans le cadre
IVES Technical Reviews - published September 2021
d’une approche terroir (sol x climat), ce sont la réserve utile des sols et les évènements de pluie qui vont
rythmer les stades phénologiques et dicter la composition des baies. Lorsque l’irrigation est possible, elle