Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
psychopathologie
des émotions
Psychologie et
psychopathologie
des émotions
Aurélie Pasquier
2e édition
Maquette de couverture :
Le Petit Atelier
Composition :
Soft Office
Introduction ............................................................................................................................................ 9
5
Psychologie et psychopathologie des émotions
6
Avant-propos
Cet ouvrage est une nouvelle édition de celui paru en 2012 chez
Armand Colin, intitulé Psychopathologie des émotions. Une partie du
contenu reste inchangé. Cependant, des parties, comme les chapitres
un et deux, ont été augmentées et d’autres ont connu des remanie-
ments importants (principalement les chapitres trois et quatre). Par
conséquent, le propos initialement développé se trouve élargi, ce qui
a conduit à introduire le terme psychologie au titre initial. Cet ouvrage
a donc pour volonté de fournir un aperçu non exhaustif des théories
et approches qui permettent de penser et étudier la complexité des
phénomènes émotionnels.
7
Introduction
La question des émotions a été longtemps laissée de côté car la
pensée classique (depuis l’Antiquité grecque) concevait les « passions »
comme des obstacles à la rationalité : les émotions (appartenant au
registre du corps) étaient l’opposé de la raison (de l’esprit). Puis, à
partir des travaux de Darwin (1809-1882), naturaliste britannique à
l’origine de la « théorie de l’évolution » des espèces, les émotions sont
devenues un objet de recherche où la dimension biologique est prin-
cipalement étudiée. Elles relèvent plus de l’inné (sont héréditaires)
que de l’acquis, et sont donc universelles. Il faudra attendre la fin du
XIXe siècle pour voir apparaître des études scientifiques s’intéressant
à la dimension psychologique des émotions.
L’histoire contemporaine des émotions a donné lieu à des théories
et des débats à partir du moment où l’émotion a été identifiée comme
jouant un rôle dans de multiples comportements normaux et patholo-
giques. D’un point de vue étymologique, le terme d’« émotion » renvoie
à celui d’« émouvoir » (exmovere), mot latin qui signifie « mettre en
mouvement » : les dimensions comportementale et « sensible » de
l’expérience des émotions deviennent alors des objets de recherche
en psychologie expérimentale mais également en psychopathologie
où de plus en plus d’études sur les « pathologies des émotions » appa-
raissent. À partir des années 1990, le courant social et anthropologique
a montré que les dimensions sociale et culturelle des émotions, tant
du point de vue de leur expression que de leur gestion, sont loin d’être
négligeables. La dimension verbale, dans l’acte d’échanger avec autrui
sur son vécu, peut-être d’ailleurs considérée comme un élément clef
dans la compréhension des états émotionnels pathologiques (au sens
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
9
Chapitre 1
Éléments historiques
Sommaire
1. L’étude psychologique des émotions ....................................... 13
2. L’évaluation cognitive ............................................................. 17
1. L’étude psychologique des émotions
L’étude des émotions dans les sciences psychologiques s’est parti-
culièrement développée au cours du XXe siècle à travers quatre grands
courants de recherche. Chacun a développé, depuis son point de vue
et ses méthodes d’investigation, sa propre théorie des émotions dans
le but de les définir, les étudier et les expliquer.
Le plus ancien axe de recherche est constitué par le courant biolo-
gique. Il repose sur les travaux de Darwin (1872) qui a comparé ses
nombreuses observations des expressions émotionnelles (par les
réponses corporelles mais aussi et surtout par l’expression faciale
émotionnelle) de l’homme à celles de l’animal. Il est arrivé à la conclu-
sion que les manifestations émotionnelles (réponses corporelles et
expressions faciales) qui caractérisent l’être humain suivent une ligne
phylogénétique dans la mesure où il y aurait une continuité relative
entre celles des humains et des espèces qui s’en rapprochent, c’est-
à-dire les primates. Un autre point essentiel soutenu par Darwin est
que l’expression des émotions est universelle (présentes dans toutes les
cultures et tous les pays) puisqu’elle résulte de l’évolution des espèces ;
évolution qui lui confère son caractère inné et sa valeur adaptative
pour la survie de l’espèce.
Cette conception de la fonction des manifestations émotionnelles
est empreinte des écrits de penseurs tels que Descartes qui consi-
dère les émotions comme un phénomène naturel conçu pour servir
et protéger la vie et le bien-être de l’organisme. Les intérêts de ce
dernier sont préservés lorsque les émotions fonctionnent à l’unisson.
Dans le cas contraire, elles deviennent des éléments perturbateurs
qui empêchent l’esprit rationnel de fonctionner (voir Charland, 2006,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
qui insiste sur les aspects méconnus des travaux de Descartes sur les
émotions).
Notons que les thèses développées par Darwin ont rencontré peu
de succès de son vivant alors qu’elles constituent le socle d’avancées
scientifiques majeures concernant l’émotion et ses manifestations. Ce
n’est qu’un siècle plus tard que la question par exemple de l’universalité
des émotions fera l’objet de nombreux travaux (voir chapitre 2, les
émotions dites de base ou primaires).
13
Psychologie et psychopathologie des émotions
14
Éléments historiques ■ Chapitre 1
15
Psychologie et psychopathologie des émotions
16
Éléments historiques ■ Chapitre 1
2. L’évaluation cognitive
Comme vu plus haut, un tournant s’est opéré dans l’étude des
émotions à partir des années 1960. La psychologie cognitive qui
jusque-là s’était surtout concentrée sur les activités mentales telles
que la résolution de problèmes, la perception, le raisonnement et la
mémoire, a commencé à s’intéresser à l’émotion en tant qu’informa-
tion susceptible de faire l’objet d’un traitement cognitif. La théorie de
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
17
Psychologie et psychopathologie des émotions
18
Éléments historiques ■ Chapitre 1
19
Psychologie et psychopathologie des émotions
20
Chapitre 2
Approches des émotions et
des affects
Sommaire
1. Définitions : proximités et différences .................................... 23
2. L’expérience émotionnelle ...................................................... 26
3. Psychobiologie et développement des émotions...................... 34
4. Psychosociologie et socio-anthropologie des émotions ........... 44
5. Approches psychanalytiques des affects ................................. 48
1. Définitions : proximités et différences
Si dans la vie courante comme dans la littérature scientifique
les termes d’« émotion », d’« affect », de « sentiment » ou encore
d’« humeur », peuvent être utilisés de manière interchangeable, ils
renvoient pourtant à des concepts différenciés, dépendants d’une
époque, d’une langue, d’un champ disciplinaire.
Concernant l’époque, alors que l’émotion constitue un objet de
recherche depuis plus d’un siècle, nous assistons à l’entrée progressive
de ce terme dans notre quotidien. Nous pouvons remarquer l’essor
grandissant d’émissions de télévision, de livres pour enfants, de maga-
zines de presse, d’ouvrages appelant au développement personnel ou
professionnel, consacrés aux émotions. Ce terme semble être une
notion « fourre-tout », devenue « vendeuse » dans une société de plus
en plus confrontée aux injonctions de bien-être, voire de bonheur (le
bien-être émotionnel au travail ou à l’école constitue également des
objets de recherche à l’intérêt croissant).
Concernant la question de la langue, le terme d’« affect » est
souvent employé dans la littérature scientifique anglo-saxonne
comme synonyme ou à la place du terme d’« émotion ». En France,
le terme d’« affect » est par contre presque exclusivement employé en
psychanalyse, tandis que celui d’« émotion » est davantage réservé aux
recherches menées en psychologie et en neurosciences.
Du point de vue des disciplines, les éléments historiques sur l’étude
scientifique des émotions exposés plus haut nous montrent que les
approches sont riches et variées. Même si définir les contours concep-
tuels de l’émotion pose problème au point qu’il semble exister autant
de définitions que de théories de l’émotion ou même de chercheurs
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
23
Psychologie et psychopathologie des émotions
24
Approches des émotions et des affects ■ Chapitre 2
25
Psychologie et psychopathologie des émotions
2. L’expérience émotionnelle
2.1 Le sentiment subjectif :
une composante de l’émotion
26
Approches des émotions et des affects ■ Chapitre 2
27
Psychologie et psychopathologie des émotions
28
Approches des émotions et des affects ■ Chapitre 2
29
Psychologie et psychopathologie des émotions
30
Approches des émotions et des affects ■ Chapitre 2
Surprise
Activation
Fear
Tense Alert
Stressed Elated
Disgust Happiness
Upset Happy
Unpleasant Pleasant
Sad Contented
Sadness
Depressed Serene
Lethargic Relaxed
Fatigued Calm
Desactivation
31
Psychologie et psychopathologie des émotions
32
Approches des émotions et des affects ■ Chapitre 2
33
Psychologie et psychopathologie des émotions
3. Psychobiologie et développement
des émotions
Dans l’étude psychologique des émotions, le rôle accordé aux
processus culturels et sociaux a retenu l’attention de chercheurs
venant de différents champs. Les chercheurs en psychobiologie et en
psychologie du développement ont voulu rendre compte des dimen-
sions sociales inhérentes au développement du répertoire émotionnel,
mais également des processus d’identification, de description et d’ex-
pression des émotions.
34
Approches des émotions et des affects ■ Chapitre 2
35
Psychologie et psychopathologie des émotions
36
Approches des émotions et des affects ■ Chapitre 2
et les identifier chez les autres. Il s’agit d’un traitement cognitif des
émotions structuré par cinq niveaux de transformations opérant prin-
cipalement durant le développement de l’enfant et de l’adolescent.
Les auteurs s’appuient sur les théories du développement cognitif de
Piaget (Flavell, 1963) et du développement du langage et de la symbo-
lisation de Werner et Kaplan (1963) et postulent que l’émergence
de la symbolisation (liée aux capacités d’abstraction) et l’apprentis-
sage progressif du langage présideraient à la formation des schémas
37
Psychologie et psychopathologie des émotions
38
Approches des émotions et des affects ■ Chapitre 2
39
Psychologie et psychopathologie des émotions
40
Approches des émotions et des affects ■ Chapitre 2
41
Psychologie et psychopathologie des émotions
42
Approches des émotions et des affects ■ Chapitre 2
43
Psychologie et psychopathologie des émotions
4. Psychosociologie et socio-anthropologie
des émotions
Les chercheurs en psychosociologie et socio-anthropologie s’inté-
ressent à la façon dont les facteurs sociaux et culturels influencent
ce que les individus pensent et font de leurs émotions, c’est-à-dire
44
Approches des émotions et des affects ■ Chapitre 2
45
Psychologie et psychopathologie des émotions
46
Approches des émotions et des affects ■ Chapitre 2
47
Psychologie et psychopathologie des émotions
48
Approches des émotions et des affects ■ Chapitre 2
pas de voisiner de trop près l’affectation » (p. 7). Ainsi, l’individu est
dupé par ses propres croyances sur son ressenti qu’il érige comme
vérité alors que le senti-ment.
Ainsi, pour sortir de ce travail stérile de distinction entre les concepts
d’émotion, d’affect et de sentiment, il faut se tourner vers une théorie
ancienne, celle de l’acte et de l’action chez Freud. Cela amène à se
poser la question de la fonction des affects et non pas de leur effet sur
l’individu. Et Freud, à ce propos, a montré combien le sujet pouvait
49
Psychologie et psychopathologie des émotions
50
Approches des émotions et des affects ■ Chapitre 2
51
Psychologie et psychopathologie des émotions
52
Approches des émotions et des affects ■ Chapitre 2
aux attentes du sujet, son sens moral, etc. (ce que Lacan lui nommera
« le désir d’avoir un désir insatisfait »).
Freud décrit cinq destins aux pulsions (pour rendre compte des deux
premiers destins, Freud prend l’exemple de « couples » de perversions,
mais ces devenirs pulsionnels peuvent s’appliquer à d’autres fonction-
nements psychiques) :
1. le retournement de la pulsion sur la personne propre : le but reste
inchangé, c’est l’objet qui change. Exemple du « sadisme-masochisme ».
53
Psychologie et psychopathologie des émotions
54
Approches des émotions et des affects ■ Chapitre 2
pas tant lorsque l’homme est manquant qu’il éprouve l’angoisse mais
plutôt lorsqu’il est comblé ou en passe de l’être. D’où cette simple
phrase qui revient à maintes reprises dans le Séminaire X : « L’angoisse
n’est pas sans objet ». En d’autres termes, l’angoisse s’installe quand
surgit l’objet a : « L’angoisse surgit quand le manque vient à manquer. »
Dans cette théorisation de l’angoisse en 1962, l’affect constitue un
point de discorde pour le sujet du fait que celui-ci baigne dans le
langage : c’est du langage que nous sommes affectés.
55
Psychologie et psychopathologie des émotions
56
Approches des émotions et des affects ■ Chapitre 2
au discours.
57
Psychologie et psychopathologie des émotions
58
Approches des émotions et des affects ■ Chapitre 2
59
Chapitre 3
Troubles des émotions
Sommaire
1. Du normal au pathologique :
une approche dimensionnelle................................................... 63
2. Rôle de l’intensité émotionnelle .............................................. 66
3. Les « troubles émotionnels » ................................................... 70
4. Troubles de l’expression des émotions,
des capacités à éprouver du plaisir
et à reconnaître ses émotions .................................................. 100
Le manque d’expressivité émotionnelle (émoussement affectif), la
perte de la capacité à éprouver du plaisir (anhédonie) et l’absence
de mots pour identifier et exprimer ses émotions (alexithymie)
sont conceptualisés comme des dimensions transnosographiques
(présentes dans différents troubles ou syndromes). Selon les études
et les auteurs, elles revêtent un statut soit de symptôme (anhédonie
comme signe de la dépression), soit de défense, de stratégie d’adap-
tation (ressentir moins pour se protéger des émotions négatives,
ici l’émoussement affectif a valeur adaptative), soit de trouble de la
personnalité (l’alexithymie comme facteur de vulnérabilité des mala-
dies psychosomatiques). L’anxiété et la dépression sont quant à elles
appréhendées comme des pathologies à part entière. Mais avant de
considérer ces différents troubles, voyons ce qui, en matière d’émo-
tions, permet de poser la limite entre le normal et le pathologique.
1. Du normal au pathologique :
une approche dimensionnelle
S’intéresser aux émotions d’un point de vue pathologique revient à
faire une analyse psychologique des phénomènes émotionnels patho-
logiques, donc à procéder à l’étude psychopathologique des émotions.
Il faut ici comprendre la psychopathologie (en tant que discours théo-
rique) comme un champ plus large que celui des maladies mentales (au
sens de catégories nosographiques, classées et codifiées par des orga-
nisations internationales comme l’American Psychiatric Association
[APA], ou encore l’Organisme Mondial de la Santé [OMS]) puisque
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
63
Psychologie et psychopathologie des émotions
fait partie des émotions du quotidien sans que cela n’entraîne néces-
sairement un trouble de l’humeur.
Les déficits émotionnels (troubles de l’expressivité émotionnelle, de
la capacité à éprouver du plaisir et de la reconnaissance/verbalisation
des émotions) sont quant à eux présentés comme des dysfonctionne-
ments temporaires (stratégie adaptative) ou permanents, ancrés chez
l’individu (type de personnalité). Dissimuler ses émotions, s’étonner
de ne rien ressentir ou encore être incapable d’identifier ce que l’on
ressent lors d’un événement en particulier ne sont pas pour autant
synonymes de déficit.
Quel que soit le discours théorique produit, les chercheurs s’ac-
cordent sur le fait que ce qui signe la pathologie se trouve bien plus du
côté d’un « vécu différent des émotions » (la notion d’intensité prend
ici toute son importance) que d’un « vécu d’émotions différentes »
(émotions particulières qui feraient partie d’une « catégorie patho-
logique » purement imaginaire). Se sentir anxieux, triste, coupable,
honteux, apeuré ou angoissé n’a rien d’« anormal » à partir du moment
où ce ressenti n’empêche pas l’individu de fonctionner au quotidien.
On a vu précédemment que les théories phylogénétiques et cogni-
tives des émotions se sont intéressées à leur fonction (Darwin, Izard,
Lazarus, etc.) et donc à la valeur adaptative des émotions dans le fonc-
tionnement global de l’individu.
Avec le postulat « adaptationnel », les émotions apparaissent comme
nécessaires à la survie d’une espèce dans son propre environnement.
Exemple : la peur qui a pour fonction de protéger l’individu face au
danger en suscitant chez lui une réponse comportementale du type
fuite, évitement. L’émotion prend place dans une relation dynamique
entre l’individu et son environnement, entre les exigences du dernier
et les capacités de réponse du premier.
Sur la base de ces théories, si les émotions se sont développées
autour d’un besoin d’adaptation alors toutes celles s’exprimant en
dehors de ce contexte peuvent faire apparaître une pathologie telle
qu’un trouble de l’adaptation, du type anxiété ou dépression (catégorie
nosographique identifiée dans le Diagnostic and Statistical Manual of
mental disorders [DSM], proposé par l’APA). Il s’avère qu’une émotion
exprimée hors de sa fonction d’adaptation, c’est-à-dire de manière
64
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
65
Psychologie et psychopathologie des émotions
66
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
67
Psychologie et psychopathologie des émotions
68
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
69
Psychologie et psychopathologie des émotions
3.1 Anxiété
70
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
71
Psychologie et psychopathologie des émotions
72
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
73
Psychologie et psychopathologie des émotions
74
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
(pensées intrusives).
3. L’anxiété et les inquiétudes sont associées à trois (ou plus) des six
symptômes (dont au moins certains symptômes présents la plupart
du temps durant les six derniers mois) : agitation (ou sensation d’être
survolté ou à bout), fatigabilité (difficulté à l’effort continu), diffi-
cultés de concentration (ou trous de mémoire), irritabilité, tension
musculaire, perturbation du sommeil (difficultés d’endormissement
ou sommeil interrompu ou sommeil agité et non satisfaisant).
75
Psychologie et psychopathologie des émotions
76
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
Les troubles anxieux font partie des entités les plus spécifiées des
systèmes de classifications syndromiques. Ils sont dits « purs » lorsque
le patient présente exclusivement les manifestations correspondantes
aux critères diagnostiques de cette catégorie ; ils peuvent faire partie
ou être « associés » à d’autres troubles comme la schizophrénie ou les
troubles de l’humeur.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
77
Psychologie et psychopathologie des émotions
78
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
qui ne satisfait pas à tous les critères d’un trouble d’anxiété généra-
lisée ? Une autre conception psychopathologique de l’anxiété nous
propose une classification différente.
79
Psychologie et psychopathologie des émotions
80
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
Anxiété-trait : un mode
de fonctionnement spécifique
81
Psychologie et psychopathologie des émotions
Psychopathologie de l’angoisse
82
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
83
Psychologie et psychopathologie des émotions
3.2 Dépression
84
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
85
Psychologie et psychopathologie des émotions
86
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
87
Psychologie et psychopathologie des émotions
88
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
Symptômes
Troubles anxieux Troubles dépressifs
principaux
Humeur normale, Tristesse très souvent
Humeur et émotions
sans tristesse majeure présente
Énergie Normale Diminuée
Motivation Normale Diminuée voire absente
Normale, sauf Diminuées
Concentration
dans les phases anxieuses en toutes circonstances
Image de soi Préservée Altérée
Inquiétudes Grand pessimisme,
Vision de l’avenir
mais avec projets possibles absence de projet
(tempérament).
89
Psychologie et psychopathologie des émotions
90
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
doit être évaluée avec soin ». Les auteurs du DSM-5 veulent par ce
changement répondre à un certain nombre de critiques formulées
à l’encontre d’un traitement normatif du deuil (seulement ?), lisible
dans la version précédente. En effet, certains relevaient que si le « deuil
normal » devait durer deux mois, alors la persistance des réactions à la
perte (courante au-delà de cette période) pouvait être trop rapidement
considérée comme étant une dépression (Zisook et al., 2012).
91
Psychologie et psychopathologie des émotions
92
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
2005, pour une revue plus détaillée). Enfin, des symptômes relevant
des sphères cognitive (avec une inhibition intellectuelle ou à l’inverse
une intellectualisation importante) et somatique (perturbation du
sommeil, des conduites alimentaires, de l’image du corps, céphalées,
douleurs abdominales, digestives répétées et sans explication physio-
logique) peuvent compléter le tableau dépressif de l’adolescent.
En résumé, une approche dimensionnelle des manifestations
dépressives de l’enfant et l’adolescent est à privilégier, allant d’affects
93
Psychologie et psychopathologie des émotions
94
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
95
Psychologie et psychopathologie des émotions
Troubles dépressifs
et schémas cognitifs dysfonctionnels
96
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
97
Psychologie et psychopathologie des émotions
98
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
99
Psychologie et psychopathologie des émotions
100
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
101
Psychologie et psychopathologie des émotions
102
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
idées délirantes ne soit pas congruent avec les thèmes dépressifs habi-
tuels tels que se sentir inutile, incapable, coupable, ou avoir le sentiment
de mériter ce châtiment. […]. »
Diagnostic selon le DSM-IV-TR : trouble dépressif majeur, épisode isolé,
sévère, avec caractéristiques non congruentes à l’humeur.
103
Psychologie et psychopathologie des émotions
104
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
à partir de chez elle par un télescope ou une machine. Ses pensées lui sont
dictées ; elle est obligée de les penser et elle les entend qui sont répétées
après. Elle est interrompue dans son travail et elle ressent toutes sortes
de sensations pénibles dans son corps, auquel “on fait quelque chose”.
En particulier, sa “matrice” est retournée comme un gant, les gens lui
envoient une douleur dans le dos, lui mettent de l’eau glacée sur le cœur,
lui serrent le cou, lui font mal à la colonne vertébrale, et la violent. Elle
a aussi des hallucinations visuelles – des silhouettes noires, et l’aspect
des gens qui change –, qui sont cependant bien plus rares. Elle ne peut
pas exactement dire qui cherche à la contrôler, ni dans quel but. Il s’agit
105
Psychologie et psychopathologie des émotions
parfois des gens qui habitent dans son immeuble ; à d’autres moments, ce
sont les médecins de l’hôpital psychiatrique où elle venait avant, qui ont
prélevé quelque chose de son corps.
La patiente tient ces propos bizarres avec peu d’émotions apparentes.
Elle pleure un peu, mais elle décrit ensuite son vécu pathologique avec
une satisfaction secrète, et même avec une tonalité érotique. Elle exige
sa sortie mais elle se laisse facilement convaincre qu’elle doit rester et
elle ne se fait pas de soucis quant à sa situation et à son avenir. Son
discours est marqué par le choix de mots inadaptés et par des phrases à
peine intelligibles. Elle est maltraitée “flagellement”, “affirmationellement”
et “terroristement” ; elle est “une image de la misère sous forme angélique”
et “une maman et une femme au foyer trompée du sens de l’ordre”. On “a
altéré sa forme d’émotion”. Elle est “persécutée par un insecte secret du
bureau du département”. »
Observations :
On retrouve chez cette patiente de nombreux symptômes caractéristiques
de la schizophrénie (selon le DSM-IV-TR) : idées délirantes de persécution
(« persécutée par un insecte secret »), des hallucinations auditives et des
perceptions corporelles délirantes (« sa matrice est retournée comme un
gant »). Son discours est incohérent et dénote un trouble du langage :
présence d’alogies (par exemple « une maman et une femme au foyer
trompée du sens de l’ordre ») et de néologismes (« flagellement », « affir-
mationellement », « terroristement »). Ses affects sont à la fois émoussés
(« peu d’émotions apparentes ») et inadaptés (« elle décrit ensuite son vécu
pathologique avec une satisfaction secrète, et même avec une tonalité
érotique »).
106
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
107
Psychologie et psychopathologie des émotions
108
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
109
Psychologie et psychopathologie des émotions
110
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
111
Psychologie et psychopathologie des émotions
112
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
113
Psychologie et psychopathologie des émotions
114
Troubles des émotions ■ Chapitre 3
115
Psychologie et psychopathologie des émotions
116
Chapitre 4
Régulation de l’émotion
et devenirs des affects
Sommaire
1. Coping versus régulation de l’émotion .................................... 119
2. Devenirs de l’affect ................................................................. 140
Une fois que l’émotion est née, que l’affect a mis en mouvement
le sujet, quel trajet va-t-il suivre ? Va-t-il s’exprimer directement,
par quelle voie (voix), ou bien être transformé, déplacé, inhibé voire
supprimé avant même d’avoir atteint la conscience ? Quels sont les
déterminants de ces devenirs ?
Quotidiennement, les événements suscitent en nous des émotions
que nous cherchons consciemment ou non à évacuer, à gérer (surtout
lorsqu’ils engendrent un ressenti négatif, voire douloureux) par diffé-
rents moyens afin de retrouver un « équilibre émotionnel » (état qui
nous permet de fonctionner comme à l’habituée).
Au regard de ces questions et constats, les approches cognitives,
sociales et psychanalytiques fournissent des éléments de réponse spéci-
fiques à leurs champs épistémologiques respectifs.
Concernant les émotions et le stress, un ensemble de travaux s’est
développé autour du concept de coping qui a ensuite donné naissance à
celui de régulation de l’émotion. Il s’agit de deux conceptions majeures
des moyens de gestion émotionnelle dont les individus disposent. Elles
sont habituellement distinguées alors qu’elles entretiennent des liens
complexes qui questionnent depuis peu la recherche.
119
Psychologie et psychopathologie des émotions
120
Régulation de l’émotion et devenirs des affects ■ Chapitre 4
121
Psychologie et psychopathologie des émotions
Définitions
122
Régulation de l’émotion et devenirs des affects ■ Chapitre 4
123
Psychologie et psychopathologie des émotions
124
Régulation de l’émotion et devenirs des affects ■ Chapitre 4
passe pas forcément par toutes les étapes et dans l’ordre) mais il vise
toujours la régulation des émotions.
– Il débute par (1) une réaction automatique d’activation physiolo-
gique préconsciente (perception des sensations somatiques suite
à une stimulation interne ou externe à l’organisme).
– Vient ensuite (2) la conscience (awareness) de cette réaction,
c’est-à-dire la conscience de sensations corporelles spécifiques
(le « noyau affectif élémentaire » pour Russell, 2003).
125
Psychologie et psychopathologie des émotions
126
Régulation de l’émotion et devenirs des affects ■ Chapitre 4
Même s’il a été à plusieurs reprises précisé par Gross et ses collabora-
teurs, il repose sur la définition selon laquelle la régulation de l’émotion
est un ensemble de processus conscients ou non par lesquels nous
influençons nos émotions dans le but de modifier la réponse émotion-
nelle. Dans ce modèle, deux catégories de régulateurs (ou stratégies de
régulation) sont identifiées en fonction du moment auquel ils inter-
viennent au cours d’une situation émotionnelle.
En amont (pendant la phase d’émergence des émotions), quatre
familles de stratégies de régulation peuvent agir sur le ressenti même
de l’émotion (Gross et Muñoz, 1995) :
– La sélection de la situation (situation selection) consiste à choisir
une situation émotionnelle (une situation sociale, un lieu en
particulier) plutôt qu’une autre. Par exemple, avant un examen,
l’étudiant qui choisit de passer la soirée à s’amuser avec des amis
plutôt que de réviser avec d’autres.
– La modification de la situation (situation modification) est la
stratégie qui vise à façonner la situation pour modifier l’impact
émotionnel, le ressenti. Exemple : demander à autrui de changer
le sujet d’une conversation trop émotionnelle.
– Le déploiement attentionnel (attentional deployment) est utilisé
pour sélectionner les aspects de la situation vers lesquels l’indi-
vidu porte son attention. Par exemple, je détourne sciemment
mon attention d’une conversation embarrassante en regardant
le plafond.
– La modification ou réévaluation cognitive (cognitive change,
reappraisal) fait référence à la signification retenue parmi les
différentes représentations possibles d’une situation source
d’émotions. Exemple : suite à un désaccord avec un collègue de
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
127
Psychologie et psychopathologie des émotions
128
Régulation de l’émotion et devenirs des affects ■ Chapitre 4
129
Psychologie et psychopathologie des émotions
130
Régulation de l’émotion et devenirs des affects ■ Chapitre 4
131
Psychologie et psychopathologie des émotions
132
Régulation de l’émotion et devenirs des affects ■ Chapitre 4
133
Psychologie et psychopathologie des émotions
134
Régulation de l’émotion et devenirs des affects ■ Chapitre 4
135
Psychologie et psychopathologie des émotions
136
Régulation de l’émotion et devenirs des affects ■ Chapitre 4
Il nous semble que les modèles présentés plus haut s’engagent sur
une voie courageuse en cherchant à composer avec les données issues
de différents domaines s’intéressant à la régulation émotionnelle.
Cependant, la schématisation des processus de régulation de l’émotion
sur la base d’une distinction entre intra- et interpersonnel ou entre
endogène et exogène, intrinsèque et extrinsèque, avec les problèmes
de terminologie que cela entraîne (Dixon-Gordon, Bernecker et
Christensen, 2015), mène à un découpage systématique des niveaux
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
137
Psychologie et psychopathologie des émotions
138
Régulation de l’émotion et devenirs des affects ■ Chapitre 4
139
Psychologie et psychopathologie des émotions
2. Devenirs de l’affect
Dans la littérature psychanalytique moderne, les postfreudiens
anglo-saxons se sont particulièrement intéressés à l’affect. Nous
140
Régulation de l’émotion et devenirs des affects ■ Chapitre 4
Rapaport s’appuie sur les travaux de Freud qui dans une première
conception présente l’affect comme équivalent des pulsions et des
investissements d’objets. Le point de vue de Freud à ce moment-là
est essentiellement économique : l’intérêt est porté sur les moyens
de décharge des pulsions dont la relation d’objet fait partie (celle-ci
est considérée comme le moteur de l’économie psychique du sujet :
j’investis la réalité autour d’un objet de désir). La pulsion est un concept
carrefour entre le somatique et le psychique. En fait, l’affect et la repré-
sentation sont des « médiateurs », des représentants nécessaires qui
nous rendent potentiellement consciente la pulsion : représentant-
sensations (affect), et représentant-idées (représentation). C’est ce que
Freud tend à montrer en 1915 : « Toute la différence vient de ce que
les représentations sont des investissements – fondés sur les traces
mnésiques – tandis que les affects et sentiments correspondent à des
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
141
Psychologie et psychopathologie des émotions
142
Régulation de l’émotion et devenirs des affects ■ Chapitre 4
143
Psychologie et psychopathologie des émotions
144
Régulation de l’émotion et devenirs des affects ■ Chapitre 4
145
Psychologie et psychopathologie des émotions
146
Régulation de l’émotion et devenirs des affects ■ Chapitre 4
une part du conflit entre désir et interdit, mais elle provient également
des mouvements ambivalents (affects de tendresse et d’hostilité à la
fois) à l’égard de l’objet. « L’affect de tendresse est conservé, tandis
que l’affect d’hostilité est dirigé sur un substitut. Mais en revanche
apparaît le danger de rétorsion : crainte d’être agressé par l’objet du
désir d’agression » (Green, 2004, p. 156).
Dans ce sens, la phobie serait pour le sujet une tentative de résolution
du conflit d’ambivalence : les mouvements tendres dominent les relations
aux autres pendant que ceux hostiles sont subis (je n’agresse pas l’objet,
c’est lui qui m’agresse) et localisés sur l’objet ou la situation phobique.
147
Psychologie et psychopathologie des émotions
148
Régulation de l’émotion et devenirs des affects ■ Chapitre 4
149
Chapitre 5
Prises en charge des troubles
des émotions
Sommaire
1. Préalables thérapeutiques à la prise en charge ....................... 155
2. Techniques thérapeutiques ..................................................... 157
Il nous semble nécessaire en introduction de ce chapitre de préciser
ce que recouvrent les notions de « subjectivité » et d’« identité ».
Différentes approches, comme la psychanalyse, ont proposé des défini-
tions. Les conceptions phénoménologiques et existentielles retiennent
ici notre attention car elles offrent l’avantage d’intégrer, dans l’ana-
lyse des phénomènes psychopathologiques, l’influence des facteurs
sociaux, culturels et psychologiques. En d’autres termes, ces notions
mettent l’accent sur une façon d’« être global » qui ne peut être saisie
que dans l’intersubjectivité de la relation et qui n’a de sens que dans
celle-ci.
Selon Alfred Kraus (1977), psychiatre phénoménologue allemand,
l’identité est une organisation de la subjectivité (perception ou ressenti
propre à un sujet). Plus précisément, l’« identité humaine » est une
sorte d’équilibre entre deux pôles : une « identité de rôle social »
(« Rôle ») et une « identité égoïque » (« Je »).
Nous exerçons tous une fonction sociale, professionnelle ou fami-
liale, nous jouons ainsi un rôle. Nous nous identifions plus ou moins
à ce rôle mais notre identité ne se résume pas à une seule fonction
puisque nous pouvons en changer, nous identifier à un autre rôle
ou même nous en défaire totalement sans pour autant perdre notre
identité propre. Entre l’identité de rôle et celle du moi il existe un
mouvement, une dialectique qui permet d’être autre que soi tout en
restant soi, ou d’être soi en étant différent de soi. Cependant, encore
faut-il qu’il reste un creux, un espace entre ces deux identités, c’est-
à-dire une distance au rôle social. Cette distance constitue l’enjeu d’un
équilibre dynamique entre « Je » et « Rôle » où l’individu évite les alié-
nations à l’autre mais aussi à soi.
Face au paradoxe de l’identité humaine, d’une distance savamment
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
153
Psychologie et psychopathologie des émotions
des codes attendus par la société (voir le cas Patrick présenté dans le
chapitre 4).
D’après Ricœur (philosophe du soi), il convient de considérer
Soi-même comme un Autre (titre de son ouvrage paru en 1990), ce qui
sous-entendrait que l’autre est construit comme soi et sur son modèle
ou l’inverse, ou encore que les deux relations sont possibles dans une
sorte de cercle fonctionnel. Cette conception souligne l’importance
de l’intersubjectivité où autrui occupe une place centrale.
Le soi constitue l’autre mais l’autre constitue aussi le soi dans un
équilibre réciproque qui n’est d’ailleurs jamais complètement achevé
puisqu’il se réinstaure tout au long de la vie. Les rencontres que nous
faisons et les produits de ces intersubjectivités peuvent nous aider à
évoluer ou au contraire nous mettre en difficulté. De même que l’envi-
ronnement qui est le nôtre, au moment où nous vivons des événements
émotionnels significatifs, peut constituer un support à notre évolution.
L’expression de Ricœur, « Soi-même comme un Autre », peut être
rapprochée d’un principe premier de la pratique du psychologue :
l’empathie. Cette notion reprise par Rogers, en 1963, dans le cadre
thérapeutique de la « relation d’aide », désigne le mouvement qui
consiste à se mettre à la place de l’autre comme si c’était soi, sans jamais
perdre la dimension « comme si ». Cependant, « il se peut que, grâce à
Rogers et à ses écrits, il existe aujourd’hui une plus grande conscience
de l’importance de l’écoute et de l’empathie dans la relation thérapeu-
tique, mais une plus grande conscience n’implique pas nécessairement
un progrès dans l’aptitude de la plupart des thérapeutes à écouter et à
manifester de l’empathie » (cité dans Thorne, 1994, p. 132). C’est pour-
quoi cette notion fondamentale nous amène à proposer des préalables
thérapeutiques aux différents types de prise en charge (principalement
les psychothérapies d’orientation cognitive et comportementale, ainsi
que psychanalytique) des troubles émotionnels.
154
Prises en charge des troubles des émotions ■ Chapitre 5
155
Psychologie et psychopathologie des émotions
verbal des émotions au même titre que n’importe quel autre maté-
riel verbal. Pour autant, parler de ses émotions n’est-il pas l’une des
choses les plus difficiles qu’il soit ? L’alexithymie si souvent repérée
et étudiée dans les tableaux anxieux et dépressif ressemble à ce que le
psychologue rencontre dans sa pratique, c’est-à-dire les « résistances »
du patient à parler de lui. Là où nous voyons des difficultés d’identifi-
cation et de verbalisation des émotions (sur le plan conceptuel), nous
pourrions parler de gêne à exprimer son vécu (au niveau clinique) ; là
où nous voyons une tendance au discours factuel (laissant présager un
manque de préoccupation pour son monde interne), il serait possible
d’entendre une façon de se préserver d’une image négative de soi
véhiculée par une stigmatisation (sociale) des termes d’anxiété et de
dépression.
La profession de psychologue véhicule, malgré elle, l’image d’une
autorité ayant le « pouvoir » de statuer sur la santé mentale d’autrui
(image sans doute héritée de l’époque de la « psychiatrie fermée »
comme l’illustre le film Vol au-dessus d’un nid de coucou). Pour
exemple, lorsque vous dites à quelqu’un (qui n’est pas forcément sensi-
bilisé à la psychologie et ses pratiques) de « consulter » s’il éprouve des
difficultés au quotidien dont il ne sait plus comment se sortir, vous
obtenez souvent comme réponse : « je ne suis pas malade, je n’en ai
pas besoin », ou encore « je ne suis pas fou, je ne vois pas pourquoi
j’irais consulter ».
Aussi, une fois la démarche entamée, le psychologue doit être vigi-
lant à ne pas « pathologiser » des manifestations dont la limite entre le
normal et le pathologique est souvent difficile à distinguer. Un patient
qui se parle à voix haute quotidiennement attire l’attention du clinicien
qui n’y voit pas forcément les signes d’une psychose.
Revenons-en aux présupposés de base sur lesquels toute technique
thérapeutique doit s’appuyer. En premier lieu, il s’agit de proposer
au patient ce qui fonde la rencontre clinique, c’est-à-dire l’accepta-
tion inconditionnelle de l’autre dans sa spécificité mais aussi dans la
part commune qu’il possède en tant qu’être social. Comment peut-on
amener l’autre à accepter ce qu’il ressent et par là même ce qu’il est ?
Classifier les manifestations humaines ne revient-il pas à instaurer
une distance entre soi et l’autre, excluant ce dernier du monde social
156
Prises en charge des troubles des émotions ■ Chapitre 5
2. Techniques thérapeutiques
Nous avons présenté plus haut (voir chapitre 3) les troubles
émotionnels (anxiété, dépression), les troubles de la reconnaissance
et de la verbalisation des émotions (alexithymie), ceux de l’expressivité
émotionnelle (émoussement affectif), et ceux de la capacité à ressentir
du plaisir (anhédonie). Ils sont considérés comme des pathologies à
part entière (troubles anxieux, troubles de l’humeur) ou des modes
de fonctionnement pouvant se retrouver dans différents troubles.
Le manque d’expressivité émotionnelle (émoussement affectif), la
perte de la capacité à éprouver du plaisir (anhédonie) et l’absence
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
157
Psychologie et psychopathologie des émotions
2.1.1 Pharmacologie
158
Prises en charge des troubles des émotions ■ Chapitre 5
2.1.2 Psychothérapies
159
Psychologie et psychopathologie des émotions
160
Prises en charge des troubles des émotions ■ Chapitre 5
161
Psychologie et psychopathologie des émotions
2.2.1 Pharmacologie
2.2.2 Psychothérapies
162
Prises en charge des troubles des émotions ■ Chapitre 5
163
Psychologie et psychopathologie des émotions
2.3.1 Pharmacologie
164
Prises en charge des troubles des émotions ■ Chapitre 5
165
Psychologie et psychopathologie des émotions
166
Conclusion
167
Bibliographie
Akiskal, H. S., Khani, M. K., & Scott- Bardel, M. H., & Colombel, F. (2009).
Strauss, A. (1979). Cyclothymic Rôles spécifiques de l’anxiété
Temperamental Disorders. Psy- trait et état dans l’apparition et le
chiatric Clinics of North America, maintien des biais attentionnels
2, 527-554. associés à l’anxiété : état des lieux
American Psychiatric Association et pistes d’investigation. Encé-
(2003). DSM-IV-TR : manuel dia- phale, 35(5), 409-416.
gnostique et statistique des Bar-On, R. (1997). The EQ-I: Bar-On
troubles mentaux (4e éd. rév. ; tra- Emotion Quotient Inventory,
duit par J. D. Guelfi & M. A. Crocq). technical manual. Toronto: Multi-
Paris : Masson. Health Systems.
American Psychiatric Association Barrera, M. J. (1986). Distinctions
(2008). DSM-IV-TR. Cas cliniques between social support concepts,
(traduction coordonnée par M. A. measures, and models. American
Crocq). Paris : Masson. Journal of Community Psycho-
American Psychiatric Association logy, 14(4), 413-445.
(2015). DSM-5 : manuel diagnos- Barrett, L. F. (2006). Solving The Emo-
tique et statistique des troubles tion Paradox: categorization and
mentaux (5e éd. ; traduit par J. D. the experience of emotion. Per-
Guelfi & M. A. Crocq). Paris : Mas- sonality and Social Psychology
son. Review, 10, 20-46.
Arnold, M. (1960). Emotion and Perso- Barrett, L. F., Lindquist, K. A., & Gen-
nality (vol. 1 & 2). New York: Colum- dron, M. (2007). Language as
bia University Press. context for the perception of emo-
Averill, J.-R. (1980). A constructivist tion. Trends in Cognitive Sciences,
view of emotion. In R. Plutchik & 11, 327-332.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
169
Psychologie et psychopathologie des émotions
170
Bibliographie
171
Psychologie et psychopathologie des émotions
172
Bibliographie
173
Psychologie et psychopathologie des émotions
174
Bibliographie
175
Psychologie et psychopathologie des émotions
176
Bibliographie
Pasquier, A., Bonnet, A., & Pedinielli, Pedinielli, J.-L., Bertagne, P., & Gime-
J-L. (2009). Fonctionnement nez, G. (1999). Classifications
cognitivo-émotionnel : le rôle de syndromiques et classifications
l’intensité émotionnelle chez psychopathologiques. L’informa-
les individus anxieux. Annales tion psychiatrique, 3, 289-295.
Médico-Psychologiques, 167, 649- Pedinielli, J.-L., De Bonis, M., Somogyl,
656. M., & Lebart, L. (1989). Alexithymie
Pasquier, A., Bréjard, V., Tavani, J. L., et récit de la maladie : contribu-
& Lo Monaco, G. (2020). La santé tion de la statistique textuelle à
au travail des enseignant.e.s l’analyse des conduits langagiers
français.e.s du premier degré : en psychopathologie. Revue de
étude des représentations sociales psychologie appliquée, 39(1),
du métier et des liens avec l’an- 57-67.
xiété et la dépression. Education Pedinielli, J.-L., & Gimenez, G. (2009).
& Formations, 101, 181-214. Les psychoses de l’adulte (2e édi-
Pasquier, A., Ponthieu, G., Papon, tion). Paris : Armand Colin.
L., Bréjard, V., & Rezzi, N. (2021). Pelissolo, A. (2006). Anxiété, dépres-
Working on the identification sion. Des troubles anxieux à la
and expression of emotions in dépression. Paris : Phase 5.
primary schools for better oral Pichot, P. (1978). Les dépressions : pro-
production: an exploratory study blèmes de vocabulaire et noso-
of links between emotional and logie. Les voies nouvelles de la
language skills. Education 3-13. dépression. Paris : Masson.
Prépublication.
Pierson, A., Ragot, R., Van Hoof, J., Par-
Pasquier, A., & Pedinielli, J.-L. (2010). tiot, A., Renault, B., & Jouvent, R.
Relations entre conscience émo- (1996). Heterogeneity of Informa-
tionnelle, partage social des tion Processing Alterations Accor-
émotions et états anxieux et ding to Dimensions of Depression:
dépressifs : des fonctionnements An Event Related Potentials Study.
émotionnels qui diffèrent. L’Encé- Biological Psychiatry, 40, 98-115.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
177
Psychologie et psychopathologie des émotions
178
Bibliographie
B. P., & Youngstrom, E. A. (2001). Taylor, S. E., Sherman, D. K., Kim, H. S.,
Emotion knowledge in econo- Jarcho, J., Takagi, K., & Dunagan,
mically disadvantaged children: M. S. (2004). Culture and Social
Self-regulatory antecedents and Support: Who Seeks It and Why ?
relations to social difficulties and Journal of Personality and Social
withdrawal. Development and Psychology, 87(3), 354-362.
Psychopathology, 13, 53-67. Taylor, L., & Gorman, J. (1992). Theo-
Sifnéos, P. E. (1973). The Prevalence ritical and Therapeutic Consi-
of Alexithymic Characteristics in derations for Anxiety Disorders.
179
Psychologie et psychopathologie des émotions
180
Bibliographie
181
79913 – (I) – OSB 80° – SOF – MGS