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Pierre Boulez

Claude Debussy et Anton Webern (1955)


Mit der ad hoc-Übersetzung von H.-К. Metzger

Mesdames, Messieurs,
je veux d’abord vous présenter mes excuses pour cette conférence, car malheu-
reusement je ne puis la tenir en allemand. Je lirai donc mon texte en français, et pa-
ragraphe par paragraphe, je le ferai traduire par Monsieur Metzger, qui se chargera
de cette tâche ingrate.
Il serait factice de vouloir établir à tout prix un rapprochement entre Debussy et
Webern parce que nous les considérons, à leur époque, comme les représentants les
plus aigus de la musique. Certes, l’histoire n’est pas pour nous. Il est certain que
Webern ne s’est jamais préoccupé outre mesure de Debussy, du moins pas à ma con-
naissance. Et si l’on a exécuté à Vienne les dernières œuvres de Debussy sitôt après
leur création à Paris, nous n’avons pas d’échos bien marquants des réactions que
cela suscita. Par curiosité, j’ai compté le nombre de fois où Schönberg parle de De-
bussy dans le recueil Style and Idea et évalué l’importance qu’il lui attribue. Très
curieusement, au travers de ces articles, Debussy n’apparaît guère que comme
émancipateur de la tonalité au même titre - ou peu s’en faut - que Puccini, Strauss
et quelques autres. Peut-être la réaction est-elle d’un Français, mais je dois dire que
j’ai été profondément choqué par ce peu de clairvoyance. Il semble bien que c’est ce
manque de contact avec Debussy qui a entraîné dans l’École Viennoise certaines
péripéties qui l’ont fait verser suivant la sacro-sainte tradition Brahms-Mahler dans
une inactualité profonde. Si j’excepte Webern dece cas, je ne puis dire que je le fais
en bonne conscience, n’étant pas assuré, en définitive, de l’excellence de la cause
plaidée. Néanmoins, j’entends que, malgré tout et à cause même de l’évolution mu-
sicale actuelle, Debussy reste une figure primordiale autrement neuve que tout ce
qui restait en piste delà grande tradition austro-allemande à la fin du siècle dernier.

METZGER: Boulez sagt, daß es zunächst merkwürdig erscheinen wird oder jeden-
falls wohl vergeblich sei, eine Analogie, eine Beziehung zwischen Debussy und We-
bern um jeden Preis herstellen zu wollen, die sich ja nicht allein dadurch rechtferti-
gen kann, daß man diese beiden Autoren für die wesentlichsten Repräsentanten der
Musik in der jeweiligen Epoche, zu der sie gehören, ansieht. Um hier eine histori-
sehe Kontinuität herzustellen, die an und für sich nicht da ist, ließe sich wohl nicht
einmal behaupten, daß Webern sich sehr mit Debussy abgegeben hat; zwar sind die
entscheidenden späten Werke von Debussy kurz nach der Pariser Première bereits
in Wien im Verein für musikalische Privataufführungen aufgeführt worden, aber
wir sind kaum darüber orientiert, welche Reaktionen dadurch ausgelöst worden
sind und insbesondere welche Wirkung das nun auf die Wiener Schule gehabt
hätte. Es scheint, daß diese Wirkung nicht sehr groß gewesen ist. Boulez hat einmal
zum Spaß festgestellt, wie oft eigentlich in dem Buch Style and Idea von Schönberg
der Name Debussy fällt, um daraus zu entnehmen, wie großen Wert Schönberg
wohl auf Debussy gelegt haben möchte. Er stellte fest, daß der Name zwar einige
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Male im Zusammenhang mít der Emanzipation der Tonalität erwähnt wird, aber
so in einem Atem ungefähr mit Puccini und Strauss: in diesem Zusammenhang
eben. Und Boulez möchte meinen, daß dieses mangelnde Interesse der Wiener
Schule gegenüber dem Phänomen Debussy, also der Umstand, daß diese ganze
Tradition nicht in die Wiener Schule eingegangen ist, dazu führen mußte, daß
diese Schule eben dadurch auf die Tradition Brahms-Mahler zurückgeworfen wur-
de und daß dieser Vorgang für die weitere Entwicklung der Schule einigermaßen
tödlich gewesen sei. Das war es wohl im wesentlichen.

Peut-être mon point de vue est-il lié à des considérations extra-musicales - je ne


puis m’en porter garant. Mais on ne peut passer sous silence que l’un des moteurs de
Debussy fut Mallarmé, et que certaines acquisitions vertigineuses de Mallarmé
n’ont encore été rejointes par aucun poète de ce temps. Je ne puis oublier que le
temps de Debussy est celui de Cézanne, dont également on mesure encore difficile-
ment l’envergure. Devrais-je établir pour ces raisons une trinité Debussy-Cézanne-
Mallarmé à la source de tout art contemporain? Je serais tenté de le faire si l’entre-
prise n’était par trop autarcique. Et depuis ces trois illustres, d’autres illustres sont
apparus qui ont bouleversé de façon plus voyante. Le déchirement de l’histoire des
arts contemporains a exigé de la violence, presque de la démonstration. Nécessaires
chocs de surface qui ont modifié profondément l’aspect de la création contempo-
raine. Maintenant que ces chocs nous ont façonné en quelque sorte un nouveau
relief, nous ont aménagé un nouveau territoire, il ne nous paraît guère possible que
ces changements brutaux nous aient escamoté des changements moins ressentis
dans l’actualité mais quelquefois plus bouleversants. Apollinaire, puis la révolution
surréaliste ont dissipé le symbolisme, Mallarmé en a subi le contre-coup, mais il
nous reste Le coup de dés en pleine fulgurance - la révolution surréaliste en a pâti.
Nous avons eu le cubisme qui a mis a nu Cézanne, mais après les avatars du cubisme
et de l’abstraction, les Montagnes Sainte-Victoire ont plus de prestige que jamais.
Jeux est contemporain de Pierrot lunaire et du Sacre du printemps; maintenant que
l’on a assimilé et l’écriture du choc et le chromatisme intérieur, la lumière qui
émane de Jeux nous apparaît encore comme mystérieuse.

METZGER: Boulez fragt sich, ob seine Reaktion nicht vielleicht die eines Franzosen
sei und ob er sich bei seinen Ausführungen nicht von einigen außermusikalischen
Vorstellungen leiten läßt. Er kann nicht dafür garantieren, daß solche Momente
hier nicht hineinspielen. Aber er möchte sagen, daß einer der Autoren, mit denen
Debussy sich abgegeben hat, Mallarmé gewesen ist, ein Dichter, bei dem sich
Kühnheiten und schwindelerregende Neuerungen finden, die bisher noch von kei-
nem anderen Dichter auch nur erreicht worden seien, daß Debussy zugleich aber
auch Zeitgenosse von Cézanne gewesen ist, bei dem etwas ähnliches vorliegt, was
kaum mehr erreicht worden ist, auch wenn inzwischen in der Entwicklung der
Kunst Umstürze erfolgt sind, die an der Oberfläche viel größere Chocs hervorgeru-
fen haben, Apollinaire und die surrealistische Revolution etwa, die den Symbolis-
mus Mallarmés aufgelöst hat und sich gegen ihn wandte. Mallarmé hat da einen
Gegenschlag erlitten, aber nachdem nun dieser Surrealismus verflogen ist, bleibt
das Œuvre Mallarmés in einer viel stärkeren Weise bestehen. Und mit der Musik
stehe es nun ähnlich: zwar sind seit Debussy andere Dinge geschehen, der Pierrot
lunaire, der Sacre du printemps, die im übrigengleichzeitig mit dem Ballett Jeuxw on
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Debussy entstanden sind, aber nachdem die Chocs, die der Pierrot lunaire und der
Sacre du printemps ausgelöst haben, inzwischen assimiliert worden sind, meint
Boulez, daß das Leuchten, das von dem Ballett Jeux ausgeht, noch sehr viel geheim-
nisvoller ist; es ist bestehen geblieben, und man weiß immer noch nicht so recht,
worum es sich da eigentlich handelt. Es ist inzwischen weniger geklärt und assimi-
liert worden als das, was sich im Sacre oder im Pierrot zugetragen hat.

Chocs en retour de certaines conquêtes dans le domaine de la création. Il se peut que


les recherches morphologiques, les recherches rhétoriques, enfin que la poétique
des œuvres divergent d’une façon incroyable. L’hétérogénéité des recherches d’une
époque, dans un même climat bien sûr, est peut être ce qu’il y a deplus frappant. Le
visage d’une époque n’est point aisé à définir, encore moins sa démarche historique.
Certes, on a cru, on croit encore dans une certaine mesure, on a raison de se fier à
cela, on croit donc à une évolution musicale. Nous ne sommes plus aux temps où
l’on croyait à un progrès vers un devenir meilleur de la musique. Mais cette évolu-
tion elle-même, peut-on y croire avec ferveur sans s’apercevoir qu’elle est constam-
ment mise en demeure par les faits et les individus? L’histoire de la musique n’est
pas cette ligne droite, que dis-je, ce tobogan bien huilé, qui nous mènerait de Léo-
nin à Bach, puis de Bach à Schönberg. Par malheur ou par bonheur, l’histoire n’est
pas spectaculaire à la mesure de ces scenic railways reconstitués en chambre close par
d’amers travailleurs. Si nous regardons d’assez près les diverses situations histo-
riques, nous trouvons, au contraire, certaines conquêtes qui sont mêlées d’un con-
servatisme étrange ou, au contraire, une teneur point tellement révolutionnaire que
vientaviverun esprit nouveau assimilé quelques lustres plus tard.

METZGER: Boulez geht von der Zerrissenheit der gegenwärtigen Situation der
Kunst, den verschiedenen Tendenzen, die es hier gibt, den Kämpfen, die geführt
werden, und davon aus, wie diese Dinge sich durchdringen. Man hatte sehr lange
Zeit daran geglaubt und hatte im gewissen Sinne auch recht mit diesem Glauben,
daß es einen musikalischen Fortschritt gibt, aber es scheint heute nicht mehr ausge-
macht, daß es etwa ein Fortschritt zu einer besseren Musik sei. Man darf sich insbe-
sondere die Entwicklung nicht so geradlinig als ein Schauspiel vorstellen, das etwa
von Leonin in gerader Linie zu Bach und dann von Bach weiter zu Schönberg gehe,
ohne daß es dabei Probleme gibt. Es gibt hier im Gegenteil Antinomien, Wider-
Sprüche, auch innere; die Schulen kämpfen nicht nur gegen einander, und es ist
nicht so durchaus ausgemacht, daß hier eine gerade Tradition durchläuft und in
dieser Tradition das Schicksal der Musik aufgehoben sei. Gewissen Eroberungen
ist ein sonderbarer Konservatismus beigemengt; dafür können Haltungen, die
weniger revolutionär aussehen, sehr wohl einen neuen Geist bergen, dessen Saat
später aufgeht.

Ce préambule ne serait point inutile si nous avions réussi à faire abandonner toute
idée de progrès chronologique, même si on le considère comme le fait d’une
époque. On a constaté le phénomène discontinu des individus créateurs; on pour-
rait bien faire la même remarque au sujet des époques créatrices. A chaque époque,
l’histoire vibre différemment harmoniquement, pourrait-on dire avec celles qui
s’en portent garant. Tout cela pour prouver l’actualité de Debussy, égale au moins à
celle de Webern? Oui, car la tâche n’est pas aisée. Le premier réflexe est de croire à
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un paradoxe habilement amené. Webern sonne de toute évidence plus »avancé« que
Debussy - et je mets bien le mot avancé entre guillemets. Morphologiquement, je
me place donc d’emblée sur un terrain défavorable. Mais la morphologie pure et
simple, est-ellede bonneguerre? Je ne le pense pas. C'est pourquoi j'ai pensé qu'une
approche autre que morphologique des dernières œuvres de Debussy pouvait être
très profitable. Pourquoi une approche autre que morphologique? Parce que depuis
assez longtemps, je trouve que nous sommes écrasés par les études morphologiques
ou du moins une certaine forme d’études morphologiques - études écrasantes par le
manque de talent qui s’y fait jour. L’analyse n’est pas cette besogne de caissier: je
prends cette composante, je prends cette autre composante, j’ajoute, cela me donne
une thématique; j’ajoute encore, cela me donne une forme; j’ajoute encore, cela me
donne une structure. On pourrait ajouter pendant des siècles sans que se dissolve la
monotonie d’une telle attitude. Quel manque d’imagination et quelle platitude
dans la réaction vis-à-vis d’œuvres qui méritent tout de même d'autres considéra-
tions. »Ah! que le temps vienne où les cœurs s’éprennent«, comme disait Rimbaud,
c’est-à-dire sans trop de lyrisme et d’appels aux poètes, où l’on cessera de passer à la
machine à calculer les séries, les renversements et autres écrevisses. Je voudrais ten-
ter un jour de faire une analyse avec les objets sonores du matériel employé et prou-
ver par là qu’il est possible et que reste claire une analyse de l’œuvre par l’élabo-
ration de ses composantes, une fois adoptées les prémisses sur lesquelles se fondent
ces composantes. Et que la précision n’est pas une question de numérotation - ni de
chiffres - qui de plus en plus d’ailleurs deviendra impossible. Heureusement pour
nous, et pour les dieux qui aiment l’imprévu, il faut aimer à forger le hasard.

METZGER: Wäre damit die Idee eines chronologischen Fortschritts, auch wenn
man sie einer gegebenen Epoche zugestehen will, grundsätzlich vom Tisch, dann
hätte diese Präambel bereits ihren Sinn gehabt. Denn nicht bloß zwischen den kre-
ativen Individuen, sondern auch zwischen den Epochen waltet Diskontinuität. In
jeder Phase ist die historische Vibration eine andere. Natürlich klingt Webern
»avancierter« als Debussy. Boulez meint jedoch,daß dies ein rein morphologischer
Befund sei; hingegen wäre eine nicht-morphologische Analyse Debussys an der
Zeit. Morphologische Analysen seien mittlerweile genug betrieben worden, und
meist kassiererhaft: ich rechne das und das zusammen, macht eine Thematik; dann
noch das, macht eine Form; und noch das, macht eine Struktur. Boulez setzt den
AusrufRimbauds dagegen: »Ah! que le temps vienne où les cœurs s’éprennent«, den
man provisorisch übersetzen könnte: »Mög’ uns doch bald blühn, daß die Herzen
glühn!« Es komme nicht auf das Kalkül an, auf Reihenumkehrungen und andere
Krebse, sondern auf den musikalischen Verlauf in einer Weise, wie er bei Debussy
etwa aufzuweisen ist. Das möchte Boulez nun im einzelnen darstellen.

Mais revenons, en attendant des choses si bouleversantes, aux dernières œuvres de


Debussy. Aussi curieux que cela paraisse, elles sont encore assez mal connues, peu
jouées et commentées encore de façon inénarrable. Dans un honorable livre anglais,
paru il y a seulement trois ans, nous pouvons lire des phrases de ce genre: »Les Dou-
ze Etudes pour piano en deux livres sont de simples pièces d’exécutant, où l’appel
esthétique n’y est pas très fort. Elles disent très peu mais servent à montrer la direc-
tion que ľ esprit de Debussy était en train de prendre. En blanc et noir, trois pièces
pour deux pianos, sont conçues par une pensée orchestrale plutôt que pianistique.«
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On peut difficilement faire mieux. Et cependant, je lis dans un livre non moins ho-
norable, mais français cettefois-ci: »On ne sait que dire d’une partition commandée
par les Ballets Russes: Jeux. Ce nouvel ouvrage nous déçoit complètement, il nous
paraît trop subtil, assis sur l’emploi de moyens trop voulus. Ce Debussy-là n’est
plus de notre goût, il paraît déjà trop occupé de la concurrence que lui fait, dans
l’opinion publique, le jeune Strawinsky. Et il use à tort de quelques-uns de ces pro-
cédés qui ne sont point son affaire et qui contredisent le reste de son style.« Ainsi,
quoique j’ai cité les exemples les plus savoureux de l’incompréhension, il est à sou-
ligner que maintenant encore, mises à part les trois sonates, ni Jeux, ni les Études
pourpiano, ni les Poemes de Mallarmé ne provoquent un enthousiasme sans mélange
- pas plus qu’En blanc et noir d'ailleurs, sans parler des Gigues et Rondes de prin-
temps. Pour beaucoup, l’œuvre de Debussy s’arrête au Martyre de Saint-Sébastien, si
nous avions l’esprit de contradiction, nous dirions que c’est après Le Martyre que
Debussy nous passionne. Mais je ne pense pas que ce soit un raisonnement rentable.
Nous n’oublions pas comme, par exemple, le deuxième mouvement de La mer, le
célèbre »Jeux de vagues«, fait pressentir l’unique Jeux. Le dernier Debussy s’est
heurté de toutes parts à des exégèses douteuses. Et d’abord, le fameux »Claude
Debussy, musicien français«. Combien n’a-t-on pas voulu le rapetisser à ces dimen-
sions de France - d’île de France, même - qu’il s’était choisies un jour, peut-être,
dans la demi-extase d’un patriotisme guerrier. D’après cela sont nés des légions de
compositeurs et musiciens qui n’avaient d’autre ambition que ce goût de cendres
nationalistes, ayant perdu la demi-extase même dont Debussy l’avait encore paré.
Que de disciples de Couperin et de Rameau jusqu’à ce que ces épigones aient décou-
vert à leur juste mesure et convenance notre Charpentier et notre Lalande. Le der-
nier Debussy s’est encore heurté à la légende de celui qui, s’étant tiré enfin des
griffes de Moussorgsky, redoutait la présence et l’influence du jeune Strawinsky.
Debussy ne voulait pas être en reste de modernité et d’évoluer dans un sens déploré
par ses anciens amis. Mais quand il refusera de suivre Satie dans son enflure gro-
tesque et son chemin poisseux, alors on lui fera grief de redouter cette fameuse mo-
dernité. Et puis, après son second mariage, il était épuisé moralement. C’était un
homme fini auquel l’inspiration ne venait plus que rarement, de plus en plus tarie
par une sécheresse envahissante. Cela s’est dit, et sous des plumes bien intention-
nées. Cependant, nous allons le voir, Debussy n’était pas cette catastrophe décrite
de divers côtés. Mais il était en train de bouleverser encore plus profondément qu’il
ne l’avait fait la pensée musicale. Vague de fond, cette fois-ci; peut-être à l’époque
était-il difficile d’en apercevoir l’importance. Maintenant que toute une génération
d’une extrême valeur s’est placée entre lui et nous, nous sommes plus à même d'en
percevoir l’efficacité.

METZGER: Nun, das Bild Debussys ist durch mancherlei Legenden verdunkelt wor-
den. Zunächst hat Boulez einige Zitate aus neu erschienenen Büchern über Debus-
sy gebracht, aus einem englischen und einem französischen Werk, die er nicht
nannte, wo so allerhand haarsträubende Dinge darin stehen, ich brauche das nun
im einzelnen nicht wiederzugeben, also groteske Mißverständnisse und Sottisen,
und dann bildeten sich so verschiedene Legenden um Debussy herum. Erstens das,
was man von ihm kennt, sind wohl nur die Werke bis zum Martyre de Saint-Séba-
stien, die späteren Werke werden im allgemeinen verschwiégen oder schlecht
ausgelegt, man folgt ihm dann nicht mehr so recht. Dann kommt diese nationalisti-
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sehe Legende des musicien français, wo man ihn nun limitieren will auf den franzö-
sischen Rahmen oder gar auf die île de France und dergleichen mehr. In Wahrheit
habe sich aber bei Debussy eine innere Umwandlung der Musik vollzogen, die viel
tiefergreifend sei als die späteren Umwandlungen durch andere Komponisten, die
zwar offensichtlicher und daher viel leichter zu bemerken sind, aber die sich doch
wohl mehr an der Oberfläche abgespielt haben. Und für die wesentlichen Werke
Debussys möchte Boulez gerade diejenigen halten, die nach dem Martyre de Saint-
Sébastien entstanden sind, also Jeux und die Klavier-Etüden, über die in diesem
einen englischen Buch solch unsäglicher Schwachsinn verzapft wird, und dann die
drei Sonaten und En blanc et noir, eben diese letzten Arbeiten.

Ce que nous trouvons chez le dernier Debussy, c’est un sens, d’abord, de la forme
vécue non plus comme architecture. Mais c’est une forme dans laquelle, pour la
comprendre, on doit passer au travers. En somme, une espèce de forme tressée, par
tuilage des objets qui la composent. Il y a, chez Debussy, un souci constant du re-
nouvellement du matériel sonore à partir soit d’un intervalle, soit d’une idée géné-
ratrice formant ce matériel. Certes, dans les Études, on trouve des pièces conçues
suivant une architecture déjà assimilée. Quelques études, en particulier, sont con-
struttes dans la forme bien connue ABA, mais dans la plupart, la forme se crée au fur
et à mesure de son engendrement. Avant cette période, avant la dernière période, on
peut remarquer chez Debussy un recours historique. En somme, il a été très préoc-
cupé par le retour à un XVIe siècle, témoins: les poèmes qu’il a pris pour mettre en
musique, fin du XVe même, puisqu’il a pris les poèmes de Villon, et les chansons
Renaissance. De là vient toute une mode en France du reste: un recours au XVIe
siècle et au Moyen-Age. Les éléments musicaux qui correspondent à cette nostalgie
historique sont avant tout empruntés au diatonisme, à la polyphonie de la Renais-
sance et même à certaines formules moyenâgeuses. D’un autre côté, le chromatisme
se fait vraiment prépondérant, soit dans les intervalles eux-mêmes, soit dans la rela-
tion qui existe entre les divers diatonismes. D’autre part, une notion du tempo est
complètement bouleversée. Déjà depuis L’Apr'es-midi d’un faune, la rythmique de
Debussy apportait des horizons vraiment neufs sur la question des vitesses respec-
tives des déroulements de tempo. Le tempo est toujours, chez Debussy, et en parti-
culier dans les Etudes, excessivement changeant. On trouve même des structures de
tempos interpénétrés, comme par exemple dans l’étude en quartes. Enfin, la théma-
tique est entièrement renouvelée, ce qui implique toutes les conséquences que nous
venons de dire à propos des intervalles, à propos des tempos et à propos des
structures-mêmes de composition. Enfin, il n’est pas jusqu’au domaine du silence
que Debussy ait exploré. Car, dans une étude que vous allez entendre tout à l’heure,
qui est celle pour les accords, il y a un trio tout à fait extraordinaire du point de vue
de la valeur des silences et des sons, et de l’harmonie qui joue au milieu de ces silen-
ces comme les pivots de la sonorité. Enfin, et ça c’est la grande supériorité que l’on
peut lui trouver sur les Viennois, c’est une écriture orchestrale nouvelle. Il est vrai
que, chez Schönberg, en particulier jusqu’en 1918, on trouve une écriture orche-
strale réelle. Mais à partir de la découverte de la série - était-il préoccupé par les pro-
blêmes spécifiquement d’écriture? je le suppose, personne ne peut savoir exacte-
ment, mais on peut supposer que c’est la cause principale -, même dans les Varia-
tions d’orchestre, qui sont en principe écrites pour grand orchestre, ce n’est qu’une
écriture de chambre agrandie, avec des doublures, et l’écriture finalement n’est pas
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plus avancée que celle de Brahms. C’est-à-dire que l’écriture est multipliée, les par-
ties en somme se multiplient par les instruments, le volume sonore du grand orche-
stre étant fait par les instruments qui se multiplient. Mais chez Debussy, c’est l’écri-
ture elle-même qui est multipliée, où deviennent utiles tous les suppléments d écri-
ture qui apparaissent, au premier abord, inutiles, mais qui font vraiment une écri-
ture d’orchestre et non pas une orchestration d’une musique de chambre déjà
écrite.

METZGER: Neues habe Debussy zumal in der Form gebracht. Man könne zwar bei
ihm Stücke finden, die auf den ersten Blick einfach nach dem Schema ABA gebaut
sind; aber wenn man sich die Sache etwas genauer ansieht, wird man finden, daß
der eigentliche Verlauf der Form häufig etwa von irgendeinem Intervall ausgeht,
das dann entwickelt wird. Auch das chromatische System wird konstitutiv für die
Form; wenngleich etwa diatonische Abläufe hier Vorkommen, so sind doch die Be-
Ziehungen dieser verschiedenen diatonischen Abläufe zueinander im allgemeinen
chromatisch organisiert. Alsdann sei eine sehr wesentliche Akquisition Debussys
die Behandlung des Tempos: er habe eine vollkommene Umwälzung in der Do-
mäne des Tempos heraufgebracht. Die ständig variierenden Tempi bei Debussy,
die zueinander in Beziehung treten, bedeuten sogar, daß überhaupt der Begriff des
Tempos als der Schnelligkeit des Ablaufes der Musik hier aufgegeben wird: diese
Konzeption wird variabel, es isr kein statischer Begriff mehr. Es gibt also Beziehun-
gen zwischen den Tempi, die wechseln. Und für wesentlich hält Boulez insbeson-
dere den Orchestersatz Debussys: den eigentlich modernen Orchestersatz, wie er
zwar auch in Wien entwickelt worden war, aber nur bis zur Entdeckung der Zwölf-
tontechnik beibehalten worden ist; denn nach deren Einführung sind die Orche-
sterwerke der Wiener Schule nicht mehr wirklich für Orchester komponiert, son-
dern es handelt sich eher um orchestrierte Kammermusikwerke. Boulez zitierte als
Beispiel Schönbergs Orchestervariationen, die eine durchaus kammermusikalische
Textur haben und in die Farben lediglich umgeserzt worden sind, wobei die Farben
nicht eigentlich komponiert wurden, wie das noch in den Orchesterstücken op. 16
der Fall gewesen sei. Debussy sei aber in der genuin orchestralen Konzeption unter
all den neuen Komponisten wohl am weitesten gegangen. Er multipliziert ja nicht
die Instrumente, um einen musikalischen Text zu orchestrieren, sondern die Mul-
tiplikation liegt schon in den instrumentalen Kombinationen einer Debussyschen
Komposition selbst.

Paradoxalement, ce sont toutes ces trouvailles que nous constatons chez Webern
dans sa jeunesse. D’abord, suppression de la rhétorique discursive, relief donné au
son, c’est-à-dire au timbre, notion d’un développement vivant sa proprevie, exubé-
rance des formes et des volutes auditives, baroquisme né peut-être du post-roman-
tisme allemand, mais se rapprochant étrangement de la tendance baroque du der-
nier Debussy, sentiment de l’instantané exprimé et constamment renouvelable,
sensibilité chromatique extrême, où, dans l’agrégation ou dans la dimension hori-
zontale, un demi-ton déplacé devient un phénomène extraordinairement sensible,
changement de la direction de l’évolution musicale. Peu à peu, nous voyons We-
bern cependant se désintéresser de ce problème pour essayer, au contraire, un lan-
gage complètement nouveau morphologiquement et poétiquement. La réussite en
est certes parfaitement convainquante, mais on se rend compte parfois que l’ascé-
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tisme n’a pas payé outre mesure, c’est-à-dire qu’on est revenu à une conception plus
classique de la forme et de la poétique sans pour cela verser dans l’académisme.
Néanmoins, la grande tradition profère de l’ombre, dont Debussy avait délibéré-
ment supprimé la présence. Sauf en de très rares exceptions, la forme redevient
architecturée au sens pétrifié de ce mot. Les lignes et les sonorités s’en ressentent,
deviennent, elles aussi, beaucoup plus pétrifiées. Enfin, il manque l’orchestre,
comme je le disais plus haut, l’écriture de chambre ne suffisant pas à rendre compte
de tout l’univers musical. C’est pourquoi, pour en finir avec un webernisme étiolé,
et puisque le debussysme n’est plus qu’un souvenir, il faut joindre les deux forces,
dans ce qu’ils ont de commun: un renouvellement non seulement dans la façon d’é-
erire la musique, mais également de l’écouter. Il faut enfin s’appuyer sur la morpho-
logie de l’un, développée au maximum, et reconsidérer l’apport inestimé de Debus-
sy dans un nouvel état du développement et d’un nouveau sens de la forme. Ainsi
naîtra une profusion, un baroquisme que je souhaite voir s’instaurer. Car, que ce
soit classicisme ou post-romantisme, cette ère est maintenant définitivement close
et il nous faut regarder ailleurs.

METZGER: Boulez sagt, daß diese Errungenschaften des reifen Debussy weitgehend
übereinstimmen mit denjenigen des jungen Webern. Es seien hier dieselben Phä-
nomene aufzuweisen etwa in der Form, die alles Architektonisch-Statische ab-
streift, die wirklich eine Entwicklung in Zeit und Klang, und das heißt eben in der
Behandlung des Orchesters wird, in allen diesen Dingen, die von ihm aufgezählt
worden sind. Und Boulez hat in diesem Zusammenhang noch den Begriff des
Barocken zitiert, der hier, glaube ich, zu verstehen ist in der ursprünglichen Bedeu-
tung des Wortes, das heißt ja »schief«, nicht wahr: das Barocke war ursprünglich
das Exzessive oder Gekrümmte. Seit dem Übergang zur Reihentechnik allerdings
habe Webern diese Erfahrungen offenbar vergessen. Es kehren die klassischen
Strukturierungen zurück. Er hat also, bei einem unendlich weiter entwickelten
Material, in der Behandlung dieses Materials doch eigentlich einen Rückschritt
vollzogen. Von hier ging es bei Webern nun wieder zurück zu den klassischen
Strukturen, abgesehen von einigen Werken, die Boulez hier ausnehmen möchte.
Und er meinte, eine sinnvolle Entwicklung der Musik in der Zukunft müsse diese
beiden Kräfte, nämlich die Debussysche Tradition und die Webernsche, vereinen,
und zwar in dem Sinne, daß man die Webernschen Materialstrukturen und die
Debussysche Konstitution der Form in Eins setzt. Er meint, anders sei es wohl
nicht zu machen; denn inzwischen hat sich gerade an diesen späten Webern, der
wiederum gewisse reaktionäre Aspekte hat, ein heruntergekommener Webernis-
mus angeschlossen, und der Debussysmus ist vollends eine Erinnerung, eine Remi-
niszenz geworden. Daher müßten diese beiden Kräfte nun zusammengebracht
werden. [Beifall.]
Boulez, Pierre, and Heinz-Klaus Metzger (translator), "Claude Debussy et Anton Webern (1955)",
Musik-Konzepte /Sonderband (München, Germany: Januar 1999), 72-79.

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