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Guerre d'Algérie: «La stratégie du chaos»
Par Michel De Jaeghere
Publié le 02/04/2022 à 09:42

Henri-Christian Giraud. F.CAMPO

ENTRETIEN - De Gaulle a-t-il subi ou organisé les


événements qui ont présidé au règlement sanglant de la
guerre d'Algérie? Le journaliste et essayiste Henri-
Christian Giraud a repris le dossier à nouveaux frais.

Cet article est extrait du Figaro Histoire «Le crépuscule sanglant de


l'Algérie française», retrouvez dans ce numéro un dossier spécial sur ce
sujet toujours brûlant, 60 ans après les accords d'Evian.

La guerre d'Algérie n'a pas été pour le général De Gaulle l'occasion d'un
grand retournement. Il était dès 1958 pleinement décidé à y mettre fin
en donnant l'indépendance au pays et en le livrant au FLN. Tout juste a-t-
il été empêché de le dire avec franchise parce qu'il avait compris que

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c'est en s'appuyant sur les plus ardents partisans de l'Algérie française,


en leur faisant croire qu'il serait l'artisan du maintien de l'Algérie dans la
France, qu'il parviendrait à sortir de sa traversée du désert pour se hisser
au pouvoir et mettre fin à la IVe République honnie : telle est la thèse
que soutient Henri-Christian Giraud dans Le Piège gaulliste. Un livre
d'une densité exceptionnelle, en même temps que d'une grande audace
novatrice, nourri par une impressionnante bibliographie, le recueil des
observations quotidiennes des contemporains de l'événement, et plus
encore par l'exhumation d'archives inédites, singulièrement celles de
l'Union soviétique. L'histoire de la tragédie algérienne en sort renouvelée
par la mise en lumière d'un écheveau de trahisons et de tromperies qui
constitua, au prix d'un fleuve de sang, l'un des plus singuliers
mensonges d'État de notre histoire.

LE FIGARO HISTOIRE. - Quelle intention se cache derrière votre


titre ?

Henri-Christian GIRAUD. - Devant le sinistre spectacle de l'aéroport de


Kaboul, un certain nombre d'observateurs ont fait à juste titre le
rapprochement avec la fin de la guerre d'Algérie pour dire que ce à quoi
l'on assistait, aussi terrible que cela soit, était peu de chose à côté de ce
qu'on avait pu voir en 1962 : en effet, ce qu'ont souffert les pieds-noirs et
les harkis, dans l'indifférence à peu près générale de la population
métropolitaine, mais de par la volonté délibérée du pouvoir et de son
chef, fut atroce. Certains historiens parlent même d'apocalypse… Or, je
me suis toujours posé la question suivante : le traitement de l'affaire
algérienne devait-il fatalement être tragique ? C'est à cette question que
j'ai tenté de répondre.

Et quelle est la conclusion de votre enquête ?

Si, pour Camus, « la tragédie n'est pas une solution », en revanche, elle
l'est pour De Gaulle. « Je ne me sens bien que dans la tragédie », a-t-il
confié à son éditeur Marcel Jullian, qui lui prêtait même cette boutade : «
Moi, je fais dans la tragédie. »

Qu'est-ce que cela a voulu dire concrètement ?

Cela voulait dire changer la donne Algérie française, sur laquelle De

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Gaulle avait habilement surfé pour arriver au pouvoir, et, de mensonges


en coups montés, créer progressivement les conditions de la tragédie
(l'autre nom du chaos) pour réaliser son dessein primordial : le
dégagement. Ou encore : la fuite, comme il le dira sans fard lors du
Conseil des ministres du 4 mai 1962 devant un gouvernement en état
d'hébétude. Il fallait que la situation soit chaotique pour justifier qu'il
fasse lui-même l'exact contraire de ce pour quoi il avait été appelé en
1958 par les Français, à l'époque encore majoritairement favorables à
l'Algérie française.

Au sortir de la guerre, conscient de ce que la li‐


bération de la France devait à son empire colo‐
nial, De Gaulle était encore un impérialiste assu‐
mé, voire forcené
Henri-Christian Giraud

Contrairement à la plupart des spécialistes de la période, vous


affirmez que De Gaulle savait exactement ce qu'il voulait faire en
arrivant aux affaires. Sur quoi vous fondez-vous ?

Au sortir de la guerre, conscient de ce que la libération de la France


devait à son empire colonial, De Gaulle était encore un impérialiste
assumé, voire forcené, comme en témoignent ses ordres en faveur de la
répression la plus extrême tant à Thierry d'Argenlieu en Indochine, qu'à
Beynet au Levant et à Chataigneau en Algérie, lors des émeutes de Sétif
en mai 1945, puis, durant la période du RPF, ses diverses prises de
position sans concession. Mais, en 1954, une visite du démographe
Alfred Sauvy, qui dit l'avoir sensibilisé aux différents problèmes que ferait
peser le maintien de l'Algérie dans la France, semble l'avoir convaincu de
la nécessité de la décolonisation, sous peine de voir la natalité
musulmane submerger la population métropolitaine et envoyer 80
députés à la Chambre, et, parallèlement, de voir s'accroître un déficit
chronique entre la France et sa colonie qui a toujours coûté cher en

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subventions. Sauvy, qu'il y a tout lieu de croire, confie l'avoir alors


entendu se prononcer dès cette époque pour l'« abandon ».

Le 4 juin 1958, le général De Gaulle, depuis le balcon du Gouvernement général à Alger, lance à la foule enthousiaste :
« Je vous ai compris ! » Cette formule ainsi que le « Vive l'Algérie française ! » qui conclura son discours de
Mostaganem, deux jours plus tard, entretiendront les illusions des partisans du maintien de l'Algérie dans la France
auxquels il devait son retour au pouvoir. Selon Henri-Christian Giraud, De Gaulle était pourtant déjà décidé à l'«
abandon ». Bridgeman Images

Comment expliquer que ce changement ait été ignoré ?

Tout simplement parce que De Gaulle fait en 1955 ses adieux à la presse
et annonce son retrait de la vie politique, retrait confirmé par la mise en
sommeil du RPF en septembre suivant.

Un vrai faux retrait ?

En effet, il s'agit d'une pure tactique de la part de celui qui s'est fait une
méthode de « progresser par les couverts ». Disant alors en privé à
chacun ce que chacun veut entendre, l'ermite de Colombey regarde les
convulsions du « régime » honni avec gourmandise et, profitant du

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relâchement de la curiosité des journalistes, il programme


soigneusement son retour. Ainsi, le 10 octobre 1956, trois semaines
avant l'opération de Suez, qui a pour but d'assécher militairement la
rébellion algérienne soutenue par l'Égypte et dont il connaît les
préparatifs grâce à Christian Pineau, le ministre des Affaires étrangères,
De Gaulle passe secrètement à l'offensive : il délègue Gaston Palewski,
l'un de ses principaux intermédiaires avec Moscou depuis novembre
1940, auprès de Serge Vinogradov, l'ambassadeur soviétique à Paris, à
qui l'on doit la révélation de cette visite, pour lui faire savoir qu'il va
arriver incessamment au pouvoir, Guy Mollet n'étant pas en mesure de
faire face à la situation terroriste ; que le président Coty y est favorable ;
qu'il est le seul à pouvoir véritablement régler l'affaire algérienne et
qu'aussitôt aux affaires, il négociera avec les représentants des
Algériens.
Le mot important de ce message est le mot « négociation ».

Il l'emploie alors que le rejettent aussi bien le socialiste Robert Lacoste,


ministre résident en Algérie, que son prédécesseur en Algérie Jacques
Soustelle, député du Rhône sous l'étiquette gaulliste. Au même moment,
le FLN vient en effet de faire connaître lors du congrès de la Soummam
sa « doctrine de la négociation ». Celle-ci ne peut à ses yeux viser qu'à
l'indépendance plénière de l'Algérie dans le cadre de l'unité du peuple et
de l'intégrité de son territoire, Sahara compris, et à la condition d'être
reconnu comme l'interlocuteur unique, en refusant tout cessez-le-feu
avant un accord politique. En intervenant comme il le fait, c'est-à-dire en
se déclarant de but en blanc pour la négociation, De Gaulle renverse
donc le fameux triptyque molletiste : « Cessez-le-feu, élections,
négociations. »

D'où la joie des dirigeants de la rébellion, attestée par Jean Daniel alors à
Tunis, de le voir arriver au pouvoir en mai 1958. Et d'où aussi leur
immense déception à la suite de son discours du 4 juin à Alger et de son
cri de « Vive l'Algérie française ! » le 6 juin à Mostaganem.

Comment se présente alors la situation ?

À ce moment de l'Histoire, le cocktail politique gaulliste est fait du leurre


en cours des partisans de l'Algérie française et du sentiment chez les

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dirigeants du FLN d'avoir été dupés. De Gaulle se retrouve donc dans la


situation d'un chef de guerre contraint de combattre sur deux fronts.
Position intenable. Il lui faut par conséquent simplifier au plus vite la
situation. Disposant des pleins pouvoirs, et s'arrogeant personnellement
le traitement de l'affaire algérienne, il va concentrer toute son action sur
le renforcement de l'État avec notamment la constitution d'un staff
élyséen.

En s'adressant sans distinction aux « 10 millions de Français d'Algérie », « des Français à part entière, avec les mêmes
droits et les mêmes devoirs », qui auront à se prononcer bientôt, dans le cadre d'un collège unique, sur la
Constitution en gestation, De Gaulle va dans le sens de l'intégration souhaitée par les tenants de l'Algérie française.
akg-images / Erich Lessing

En quoi consiste-t-il ?

Il est composé essentiellement de deux indépendantistes affichés : René


Brouillet, directeur des Affaires algériennes, et son adjoint, Bernard
Tricot. Ce dernier, d'inclination mendésiste, raconte qu'ayant refusé par
deux fois le poste, il ne l'a accepté qu'après s'être assuré auprès de De
Gaulle que son travail viserait à préparer l'indépendance algérienne,
comme lui-même venait de préparer celle de la Tunisie.

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Le staff élyséen s'enrichira plus tard d'un troisième personnage : François


Coulet, nommé en mars 1960 directeur des affaires politiques de la
Délégation générale du gouvernement à Alger, qui est un gaulliste
inconditionnel. Et puis, bien sûr, contrôlant en fait tous les services de
renseignement, officiels et officieux, et, surtout, disposant tous les soirs
d'une heure de conversation en tête à tête avec le chef de l'État, le
redoutable et redouté Jacques Foccart, le véritable homme fort du régime
gaulliste.

Comment les intentions de De Gaulle échappent-elles à ses


proches comme à l'opinion ?

Jusqu'en septembre 1959 au moins, la ligne officielle est le maintien de


l'Algérie française, renforcée par les résultats spectaculaires du
référendum constitutionnel (28 septembre 1958) et des élections
législatives (30 novembre 1958), et plus encore par le choix d'un Premier
ministre – Michel Debré – emblématique de la défense intransigeante de
l'Algérie française (il avait jugé, sous la IVe République, qu'un coup d'État
serait légitime contre tout gouvernement qui en consentirait l'abandon).
Elle s'exprime par la proclamation de la volonté élyséenne de rechercher
pour le problème algérien la « solution la plus française », formule
magique propre à semer la confusion, et l'annonce en fanfare, le 3
octobre 1958, du lancement du coûteux plan de Constantine pour
rattraper le retard en équipements des départements d'Algérie.

1954-1962: comment l'opinion publique a basculé

Tout cela désamorce plus ou moins les doutes que font naître d'autres
décisions : l'éviction brutale de Salan, commandant en chef et délégué
général du gouvernement en Algérie, et son remplacement par deux
personnalités favorables à terme à l'indépendance, Paul Delouvrier, et le
général gaulliste Maurice Challe ; la mise à l'écart de Soustelle dans un
poste ministériel mineur, l'Information, quand tout le monde le donnait
déjà comme Premier ministre ; les mutations massives d'officiers
engagés dans les événements du 13 Mai à des postes en métropole et en
Allemagne et leur remplacement par des fidèles ; la reprise discrète,
dans la nouvelle Constitution, d'un « outil séparateur » avec l'article 53
(titre VI) qui donne la possibilité de « cession, échange ou adjonction de

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territoire » en vertu d'une loi et avec le « consentement des populations


intéressées », ce qui permettra de contourner le dogme sacro-saint de
l'inaliénabilité du territoire de la République ; la dévitalisation des
comités de salut public nés du 13 mai 1958 par l'ordre de retrait des
militaires ; le lancement en fanfare de la Communauté (nouveau nom de
l'Union française), dans laquelle De Gaulle prétend inscrire le destin de
l'Algérie, tout en soutenant que « personne n'est tenu d'y adhérer » et en
précisant surtout que « l'indépendance est à la disposition de qui veut la
prendre » ; et enfin, derrière l'effet d'annonce de l'appel à la « paix des
braves », le 23 octobre 1958, l'appel du pied à l'« organisation
extérieure », pour l'inviter à la signature d'un cessez-le-feu, qui accorde
au GPRA, le prétendu gouvernement algérien en exil, un crédit qu'il
n'avait plus aux yeux des wilayas à bout de souffle et vent debout contre
les « nantis de Tunis », pour, ce faisant, habituer l'opinion publique
française à l'idée d'une négociation avec lui.

Le 4 juin 1958, Alger réserve un accueil triomphal à De Gaulle. La foule des pieds-noirs ovationne aussi Jacques
Soustelle, dernier gouverneur général de l'Algérie, de février 1955 à janvier 1956, et ardent partisan de l'Algérie
française, qui avait œuvré pour le retour du général au pouvoir. Maurice ZALEWSKI/RAPHO

Avançant masqué derrière ces paravents et les succès vite

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spectaculaires des offensives Challe, qui ne laissent au bout d'un an


aucun espoir aux fellaghas, dont les effectifs fondent de 121 katibas à
seulement 35 à effectifs réduits un an plus tard, le guerrier de la
politique qu'est De Gaulle peut œuvrer dans le secret à son
renversement des alliances. Au nom de la ruse, éminente qualité de
l'homme d'action comme il l'a écrit dans Le Fil de l'épée, tout y passe :
gages et fausses promesses, mensonges répétés, dissimulations et
assurances de tous ordres, provocations aussi, y compris l'engagement
de sa parole d'honneur ! « Dans cette affaire algérienne, conclura
Raymond Aron, De Gaulle a menti à tout le monde. »

Quand finit-il par abattre son jeu ?

Le coup de théâtre gaullien a lieu le 16 septembre 1959 : devant le


peuple français en état de choc, le chef de l'État annonce un référendum
sur l'autodétermination sur la base de trois options possibles : la
sécession, la francisation ou l'association. Et encore, ce troisième mot, «
l'association », il ne le prononce pas. Il se contente de le désigner en
usant d'une périphrase interminable (« le gouvernement des Algériens
par les Algériens, appuyé sur l'aide de la France et en union étroite avec
elle pour l'économie », etc.), car cela pourrait être vu par le FLN comme
l'amorce d'une troisième voie entre l'indépendance et l'assimilation.
Signe qu'à ses yeux, l'autodétermination qu'il promeut officiellement
n'est au fond que le masque d'une prédétermination en faveur d'une
indépendance à tout prix.
Or ce que l'on a appris depuis, grâce à une confidence publiée dans un
livre posthume (1995) de Louis Terrenoire, ex-ministre de l'Information,
c'est que dans le plus grand secret et au prix bien sûr de mille
précautions, De Gaulle était allé jusqu'à soumettre la teneur de son
discours sur l'autodétermination aux chefs du FLN : Ben Bella, Boudiaf,
Aït Ahmed, emprisonnés en France, avant même d'en faire l'annonce au
peuple français… « Ils m'auraient embrassé », confiera le messager,
Gaston Gosselin du cabinet de Michelet. Cette manière de faire – qui
n'est finalement que la poursuite de sa diplomatie secrète en direction
du FLN depuis octobre 1956 – consacre définitivement le renversement
des alliances (« Désormais, De Gaulle a partie liée avec nous », dit un
ministre du GPRA à Jean Daniel) et la désignation de l'« ennemi

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commun » (le mot est de Belkacem Krim) aux deux parties : le camp
Algérie française.

Que représente face à lui ce camp ?

Selon un sondage de l'Ifop, il était un an plus tôt encore majoritaire (52


%) dans l'opinion publique française et surtout au sein de l'UNR, le parti
gaulliste, ce qui n'est pas pour arranger les affaires du chef de l'État, qui
va tout faire pour le mettre au pas ! Concrètement, ce bloc Algérie
française se compose de l'armée à quelques exceptions près, des
Européens d'Algérie hormis quelques « libéraux », d'un certain nombre
de personnalités métropolitaines de tous bords, et d'une forte proportion
de musulmans fidèles à la France dont certains sont des élus de la
République et d'autres des combattants : soldats, moghaznis, harkis,
dont le nombre avoisine les 220.000. Un chiffre très supérieur aux
effectifs de l'ALN.

En leur sein, et en dépit de tout, nombreux restent ceux (de Challe,


partisan d'une « décolonisation par promotion » et non « par abandon »,
à Soustelle en passant par Camus, Debré ou même Salan) qui, sur la
base des résultats électoraux précédents et du délitement du FLN,
croient encore jouable une « solution française », puisque le chef de
l'État a annoncé le référendum d'autodétermination dans un délai de
quatre années après le retour de la paix, ce qui laisse de la marge.

De Gaulle dit à Peyrefitte au sujet de l'Algérie : «


C'est un terrible boulet. Il faut le détacher. C'est
ma mission. »
Henri-Christian Giraud

Mais le maréchal Juin, lui, connaissant bien le processus de pensée de


son camarade de promotion, comprend que ce qu'il craignait
confusément va se dérouler implacablement jusqu'à l'abandon de sa
terre natale. C'est lui qui est dans le vrai. Dès le 20 octobre, De Gaulle dit
à Peyrefitte au sujet de l'Algérie : « C'est un terrible boulet. Il faut le

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détacher. C'est ma mission. » Décidé à brusquer les choses, c'est-à-dire,


malgré ce qu'il dit, à tenir pour rien les conditions de temps et de
sécurité nécessaires à la bonne tenue du référendum, De Gaulle choisit
l'affrontement par la provocation. Comment ? La principale force du
camp ennemi étant le couple armée-pieds-noirs que symbolise le général
Massu, l'auteur de La Discorde chez l'ennemi, servi par l'habile Foccart,
monte son piège pour briser ce couple.

C'est ce que vous appelez « l'opération Massu ».

En résumé, selon le scénario mis au point par le « cabinet noir » gaulliste


(l'expression est de François Mitterrand), il s'agit de faire en sorte que le
bouillant général, patron de la 10e D.P. et préfet de la zone militaire
d'Alger, très engagé dans le maintien de l'Algérie dans la France (« Tant
que je serai ici, pas de crainte pour l'Algérie française ! » répète-t-il à
l'envi) et, de ce fait, l'icône des pieds-noirs, désavoue publiquement la
politique gaulliste. Ce sera alors le prétexte de son éviction, qui, chacun
le sait, entraînera inévitablement la révolte de la population européenne
que le pouvoir, fort d'un encadrement militaire très renouvelé à base
d'ex-membres des Forces françaises libres, brisera dans le sang.

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Le général Massu. « Tant que je serai ici, pas de crainte pour l'Algérie française ! » répète celui qui, préfet de la zone
militaire de l'Algérois, est l'idole des pieds-noirs depuis qu'il a démantelé l'organisation du FLN dans la « bataille
d'Alger » de 1957 et participé à l'insurrection du 13 mai 1958. Tombé dans le piège tendu par le « cabinet noir »
gaulliste, il désavoue publiquement la politique algérienne du général, et est rappelé en métropole en janvier 1960.
akg-images / ullstein bild

Sur la base d'autres indices encore, on peut légitimement affirmer que le


SR lui a mis le marché en main : la coopération, avec un probable scoop
à la clé, ce qui n'est pas négligeable pour un journaliste, ou un mauvais
sort. Tout se passe comme prévu : Massu se lâche, l'interview bien mise
en scène à la une du Süddeutsche Zeitung sous le titre « Massu déçu par
De Gaulle » et en sous-titre « Le général de parachutistes prend ses
distances avec la politique algérienne du président » paraît, comme par
hasard, le 18 janvier 1960, quatre jours avant la réunion à l'Élysée de
tous les responsables en Algérie, à laquelle Massu doit participer, alors
que le reste du reportage de Kempski ne paraîtra qu'à partir du 25
janvier…

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Debré confie dans ses Mémoires avoir brûlé les


ordres rédigés par De Gaulle pour empêcher que
« sa figure soit abîmée »
Henri-Christian Giraud

Dans le sang ? Ne forcez-vous pas le trait ?

Je n'invente rien. Debré confie dans ses Mémoires avoir brûlé les ordres
rédigés par De Gaulle pour empêcher que « sa figure soit abîmée ». Et le
général Ely, chef d'état-major des armées, confirme que ces ordres
comportaient « l'ouverture du feu sur une foule où se trouvent des
femmes et des enfants ».
Reste que, pour pousser Massu à la faute, il faut vaincre sa méfiance et
pour cela que le piège soit indétectable et donc qu'il vienne de loin, de
l'étranger même si possible. Ce sera d'Allemagne, où l'ambassade
française à Bonn prépare le terrain à un journaliste, Hans Ulrich Kempski,
du Süddeutsche Zeitung de Munich, pour lui obtenir l'autorisation de
faire un reportage sur la situation militaire en Algérie. Elle le
recommande chaudement en vantant ses bonnes dispositions au Quai
d'Orsay qui, à son tour, fait suivre l'autorisation à la Délégation générale
en Algérie.

Cette mobilisation d'autorités successives (un ambassadeur, un ministre


des Affaires étrangères, un délégué du gouvernement) ne peut
évidemment qu'être cautionnée par l'Élysée. À plus forte raison en ce
moment de fièvre suscitée sur place par le discours sur
l'autodétermination. Or le fameux Kempski, ancien parachutiste dans la
Wehrmacht et affichant désormais des opinions de gauche, était en
réalité ciblé par la Main rouge, la filiale du SDECE spécialisée dans
l'assassinat des soutiens du FLN (elle en aura, selon Constantin Melnik, le
responsable des services à Matignon, quelque 103 à son actif pour la
seule année 1961 !).

Notre ambassade à Bonn ne pouvait évidemment pas l'ignorer, non plus


que le président de la République, puisque chaque opération « Homo »

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devait recevoir son assentiment. D'ailleurs, Louis Terrenoire, ignorant des


dessous de l'affaire, vend la mèche : « Désireux d'aller enquêter en
Algérie, [Kempski] a obtenu un visa de nos services de chancellerie à
Bonn, bien qu'il y ait eu des raisons de le lui refuser, dit-il. Les facilités
qui lui ont été accordées lui permettront de franchir la porte du général
Massu et d'obtenir une interview. »

Violente manifestation musulmane pour l'indépendance de l'Algérie, contenue par un cordon de CRS, le 12 décembre
1960, dans le quartier de Belcourt à Alger, lors du voyage de De Gaulle. KEYSTONE-FRANCE/GAMMA RAPHO

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L'interview fait scandale, et sans même entendre son fidèle compagnon


qui crie au complot et dément ses propos, De Gaulle le fait convoquer à
Paris, mais surtout interdit son retour en Algérie malgré les alarmes de
tous les responsables, civils et militaires. Résultat : comme prévu,
l'éviction de Massu provoque la révolte connue sous le nom de la «
semaine des barricades ». Bilan : 22 morts et une centaine de blessés
mais, surtout, un début de scission au sein de l'armée entre les loyalistes
et les autres. La discorde chez l'ennemi est en cours… Pour De Gaulle, «
l'opération Massu » est une réussite sur toute la ligne. Le piège a
parfaitement fonctionné.

Qu'en est-il de « l'affaire Si Salah » qui intervient quelques mois


plus tard ?

Cette offre de reddition du colonel Si Salah, célébré par le FLN comme le


« prototype du maquisard valeureux et pur », et des principaux
responsables de la wilaya IV (l'Algérois) en opposition frontale avec la
direction du FLN jugée inapte, corrompue et communisante, a failli en
mai-juin 1960 perturber la démarche gaulliste qui privilégiait la
négociation avec ladite direction, loin du champ de bataille. Afin d'éviter
que l'équipe de Matignon, Debré en tête, se saisisse de cette opportunité
pour fonder la troisième force que Challe, fort de ses succès militaires et
de l'afflux de ralliements de combattants, met en chantier avec son «
parti de la France », De Gaulle s'en empare personnellement, allant
jusqu'à recevoir nuitamment les trois chefs fellaghas à l'Élysée le 10 juin
1960. Cette affaire « extraordinaire », selon le mot de Tricot, méritait un
traitement extraordinaire.

Il fallait choisir entre les deux parties : les combattants ou les dirigeants.
Mais la « paix des braves » n'est plus à l'ordre du jour (si tant est qu'elle
l'ait jamais été) et De Gaulle réduit d'entrée de jeu cet événement à un
rôle secondaire : celui d'un « adjuvant » (le mot est encore de Tricot),
c'est-à-dire de moyen de pression sur les dirigeants extérieurs de la
rébellion pour les amener à la table des négociations.

Il choisit donc de s'adresser directement à eux, le 14 juin, et de les


appeler à une rencontre à Melun, sauvant ainsi la mise à des politiques
discrédités au détriment des combattants. Ils vont bien sûr sauter sur

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l'occasion mais, désormais sûrs d'eux, sans lâcher un pouce de leurs


revendications concernant la reconnaissance de l'indépendance de
l'Algérie, et ce, sans aucun préalable sur le cessez-le-feu, le Sahara, la
représentation unique ou le sort des populations. D'où un haut-le-corps
gaullien et l'échec de la rencontre de Melun qui assure toutefois au GPRA
une grande visibilité aux yeux de la communauté internationale.

Pourquoi la direction du FLN reste-t-elle sur ses positions ?

Parce qu'elle y a tout intérêt puisqu'elle est assurée d'être


incontournable après le choix de De Gaulle de ne pas traiter avec les
combattants : comme par hasard encore, lors de l'ouverture des accords
d'Evian, les deux principaux chefs de la wilaya IV, Si Salah et Si
Mohamed, retournés les mains vides en Algérie tomberont sous des
balles françaises en pleine période de « trêve unilatérale », ce qui signifie
que l'ordre est venu de haut, sans doute pour effacer toutes traces d'une
autre politique possible…

Quant au chef de l'État, prisonnier du processus qu'il a mis en œuvre, il


ne peut s'en sortir qu'en portant tous ses coups au camp Algérie
française pour le neutraliser. Ce qu'il a anticipé en rétablissant la peine
de mort en matière politique (elle était abolie depuis 1848), six jours
avant de recevoir les chefs fellaghas à l'Élysée : sachant d'avance qu'il
ne donnerait pas suite à leur proposition, il se donnait sans doute les
moyens de faire face aux réactions des « ultras » si l'affaire venait à se
savoir. Dès lors, la tragédie est en marche et elle va monter en gamme
au rythme des initiatives présidentielles.

Lesquelles ?

Deux principalement. Le 3 avril 1960, c'est la mutation brusquée de


Challe qui va progressivement se convaincre du « torpillage » de l'affaire
Si Salah par l'hôte de l'Élysée parce que tout affaiblissement du GPRA le
gêne plus qu'il ne le sert, et prendre conscience que le plan Challe n'a
été qu'un « leurre » et pas un leurre « destiné à l'étranger, à l'ONU, mais
un leurre destiné à l'armée » et qu'il ne fallait pas que la victoire soit
totale ni que le « parti de la France » disposant de sa propre force armée
puisse offrir une alternative crédible.

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Le colonel Si Salah, un des chefs de la wilaya IV. L'offre de reddition de ce valeureux maquisard opposé à la direction
du FLN faillit perturber la démarche gaulliste qui privilégiait la négociation avec ladite direction. AFP

Le 4 novembre 1960, c'est l'offre solennelle de négociation politique faite


au GPRA. Évoquant « la République algérienne », De Gaulle ajoute
subrepticement lors de l'enregistrement : « laquelle existera un jour ».
Cette dernière incidente ne figurait pas dans le discours qu'il avait fait
lire à Debré. Elle le prend de court. Or, cette concession sans
contrepartie à la rébellion signe l'arrêt de mort de tout projet
d'association. Dès lors, les démissions se succèdent, notamment celles
de Delouvrier et de Jacomet, les deux têtes gouvernementales sur place,
qui s'offusquent de le voir lâcher l'indépendance avant même de l'avoir
négociée.

Comment réagit le FLN à ces nouvelles avances ?

Le message de l'Algérie algérienne a été bien capté par le GPRA qui se


dit prêt à renouer le contact rompu à Melun, mais le fait est là : le FLN ne
s'impose toujours pas à la population musulmane, première victime du
terrorisme, et qui ne lui obéit que sous la contrainte et la terreur. Ses
dirigeants n'étant pas sûrs de sortir victorieux du référendum
d'autodétermination, on assiste alors à cette chose assez ahurissante
que De Gaulle va devoir payer de sa personne pour imposer
publiquement le FLN tant en Algérie qu'en France, où il souffre d'un fort
discrédit dû aux attentats, et porter ainsi le coup de grâce à l'« ennemi
commun » : les partisans de l'Algérie française. C'est la raison pour
laquelle il se rend en Algérie en décembre 1960. Il confie à Terrenoire qui
l'accompagne : « C'est une partie difficile que nous allons mener, et qui
n'a pour moi rien de réjouissant. »

Cette « partie difficile », c'est de faire en sorte que des manifestations


musulmanes montrent la popularité du FLN. L'affaire a été montée de
main de maître par François Coulet et des officiers des SAU (sections
administratives urbaines) qui ont incité les jeunes à crier : « Algérie
musulmane ! Vive De Gaulle ! Algérie algérienne ! » La « partie difficile »

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s'accompagne de nombreux débordements puisqu'elle va faire 112


morts (statistiques officielles) et plus de 400 blessés. « Pour la première
fois, écrit Benjamin Stora, qui donne la clé de l'affaire, le drapeau du FLN
flotte sur Alger, donnant au GPRA une légitimité populaire cruciale alors
que s'esquissent les dures négociations qui vont mener aux accords
d'Evian. »

Désormais De Gaulle peut dire et répéter que le FLN est « représentatif


des neuf dixièmes de la population algérienne » et en prendre l'opinion à
témoin. D'où ce constat mélancolique d'un officier français : « Nous
avons subi un véritable Diên Biên Phu psychologique (…). Le 16 mai
1958, nous n'avions pas la situation militaire en main et tout le monde
criait : “Vive la France !” Aujourd'hui, nous avons gagné sur le plan
militaire, mais on crie : “Vive le FLN !” »

Vous avancez que le putsch des généraux aurait lui-même été


facilité par l'inertie volontaire du pouvoir…

Les futurs putschistes, parfaitement identifiables et depuis toujours iden‐


tifiés, étaient tous sous surveillance étroite de la Sécurité militaire du
fidèle ex-FFL Feuvrier, renforcée d'une cellule d'anciens de la France libre
se recrutant par cooptation. La police politique est donc assurée et, dans
son livre Le Putsch des généraux, Pierre Abramovici a recensé il y a
maintenant déjà une dizaine d'années les avertissements répétés des
diverses officines gaullistes, notamment le Mouvement pour la
Communauté, auprès des autorités.

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Les généraux André Zeller, Edmond Jouhaud, Raoul Salan et Maurice Challe (de gauche à droite), quittant la
Délégation générale d'Alger après s'être adressés à la foule, le 24 avril 1961. Averties des préparatifs d'un putsch, les
autorités politiques ont laissé faire, assurées qu'elles étaient de son échec. Mais la dramatisation orchestrée par le
chef de l'État lui a permis de s'octroyer les pleins pouvoirs en application de l'article 16 de la Constitution et de
remettre au pas l'armée française. KEYSTONE-FRANCE/GAMMA-RAPHO

Contraignant d'ailleurs Louis Joxe à intervenir pour censurer leurs


communiqués qui rendaient publique l'éventualité d'un putsch. Debré
reconnaîtra lui-même à la tribune de l'Assemblée nationale que le
gouvernement a été averti des préparatifs du putsch le 18 avril, soit
quatre jours avant son déclenchement ! Jean-Raymond Tournoux
rapporte ce propos de certains tacticiens du gaullisme : « Heureuse
insurrection… On peut imaginer que, par sa dernière conférence de
presse, le Général a eu pour dessein de débusquer ses adversaires, de
les amener à un coup. » Ce qui est sûr également, c'est que la
dramatisation orchestrée par le pouvoir autour d'un putsch qui n'avait
techniquement aucune chance puisque les moyens aériens ne donnaient
aucune possibilité de manœuvre en direction de la métropole, a permis
au chef de l'État de s'emparer des pleins pouvoirs en faisant jouer le

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fameux article 16 de la Constitution, et de remettre au pas l'armée


française. C'était le but du piège.

Cette mise au pas de l'armée était-elle destinée à aplanir les


derniers obstacles à un accord avec le FLN ?

Elle était nécessaire à la conversion de sa victoire en défaite. De Gaulle


s'est fait donner le 8 janvier 1961 par un référendum à double question
la liberté d'aller au terme de sa politique algérienne. Soucieux d'aller vite
lors des négociations (qui commencent véritablement le 5 mars 1961 à
Neuchâtel et se poursuivent par Evian 1 et Evian 2), il ne va plus hésiter
à céder alors aux quatre volontés d'un FLN bien décidé à lui « faire avaler
son képi et la visière avec » : le 9 mars 1961, il accepte que le cessez-le-
feu ne soit pas un préalable pour l'ouverture de négociations ; le 6 avril,
il accepte que le FLN soit l'interlocuteur unique et le représentant exclusif
du peuple algérien ; le 5 septembre, il reconnaît la souveraineté
algérienne sur le Sahara ; le 18 février 1962, il abandonne le sort des
populations européenne et musulmane à la discrétion du FLN. La
négociation a tourné ainsi à l'habillage diplomatique d'un abandon pur et
simple et, le 18 mars, c'est la France qui vient à Canossa, avec tout ce
que cela veut dire d'humiliation à venir.

Au final, notre pays se retrouve aujourd'hui en position de faiblesse


intellectuelle et morale dans le nouveau rapport de force international,
marqué par la montée d'un islamisme qui était alors déjà en germe dans
la guerre d'Algérie, et régulièrement en situation d'accusé de la part d'un
faux vainqueur qui, pour se légitimer aux yeux de sa population, n'a de
cesse de condamner l'œuvre coloniale française et de lui demander des
comptes et des excuses. Ce à quoi s'est prêté, toute honte bue, l'actuel
président de la République, n'hésitant pas à accuser la France d'avoir
commis en Algérie un « crime contre l'humanité ». On prétend souvent
que la politique gaulliste a été visionnaire. Elle a débouché pourtant sur
un fiasco dont nous n'avons pas fini de payer les conséquences.

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Guerre d'Algérie: «La stratégie du chaos» https://www.lefigaro.fr/histoire/guerre-d-algerie-la-stra...

Algérie : le piège gaulliste. Histoire secrète de l'indépendance, Perrin, 704 pages, 30 €. Perrin

«Le crépuscule sanglant de l'Algérie française», 132 pages, 8,90€,


disponible en kiosque et sur le Figaro Store.

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