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Covid-19 : Au Brésil, on danse

My Little Brasil se mobilise pendant la crise. Son arme ? La plume. Parole à notre
équipe et à nos lecteurs. Faites passer, faites savoir, témoignez vous aussi.

Une banalisation de la crise


Le premier mort du coronavirus a été annoncé mardi 17 mars au Brésil. Depuis, tout s’est
accéléré et nous enregistrons sept jours plus un total de 46 morts et plus de 2200 cas
déclarés. La propagation du COVID-19 fait peser sur la 9ème puissance économique
mondiale – outre une grave crise sanitaire, la menace d’une crise économique,
financière, sociale et même institutionnelle sans précédent.

Certes, le Brésil a été tardivement touché par la pandémie. Mais le principe de précaution
aurait dû prévaloir. Or le gouvernement fédéral – pourtant au fait de la situation
internationale – a mis du temps à réagir. Le Président Jair Bolsonaro, garant des
institutions, multiplie en suivant Trump les discours totalement à contre-courant de la
communauté internationale, banalisant l’ampleur de la crise, dénonçant la mobilisation des
médias, des gouverneurs et des maires, appelant même au “déconfinement » et à la
réouverture des écoles dans son allocution télévisée retransmise mardi 24 mars.

Ses interventions répétées – en conférences de presse et sur les réseaux sociaux –


alimentent malaise et inquiétude dans la communauté scientifique, chez les Brésiliens
résidant à l’étranger et dans une frange croissante de la population, notamment chez
les expats.

Si aujourd’hui l’ensemble des 27 États du pays sont touchés, la majorité des cas
enregistrés se trouvent dans la région sud-est, soit la zone la plus peuplée. L’État de São
Paulo est le plus durement touché avec 810 cas déclarés, suivi par l’État de Rio de Janeiro
avec 305 cas. Le nombre de cas réels, personne ne le connaît.

Des mesures gouvernementales


insuffisantes et une population mal
informée
Face à la menace de propagation, les mesures prises par les autorités à tous les niveaux
de gouvernement – Union, États, Municipalités – peuvent sembler timides et insuffisantes
vues de l’étranger : fermeture partielle jusqu’à mi avril des frontières aériennes aux
ressortissants de nombreux pays, à l’exception des Etats-Unis, pourtant durement touchés
par l’épidémie ; fermeture pour 15 jours des frontières terrestres, à l’exception de celles
avec l’Uruguay ; fermeture progressive des écoles, des universités, des gymnases et des
clubs de foot ; restriction à la mobilité sur les plages et dans les shopping centers ;
fermeture des magasins, bars et restaurants, à l’exception des établissements pratiquant
la livraison à domicile qui tournent à plein régime. Le Brésil, pays d’exceptions…

Certes, plusieurs gouverneurs et maires ont déclaré l‘état d’urgence et pris des mesures
plus strictes pour contenir la propagation du virus : la totalité de l’État de São Paulo est
en quarantaine depuis mardi et la ville de Rio de Janeiro est désormais isolée, le transport
interurbain ayant été suspendu. Mais la mise en quarantaine n’affecte ni l’industrie ni les
services jugés “essentiels” à la population, parmi lesquels les banques, les loteries et les
pet shops. Le confinement est partiel et la gestion de la crise largement improvisée.

Exposés à la critique, la Chambre des Députés et le Sénat (au cours de la première


session virtuelle de son histoire) ont approuvé le décret-loi présidentiel instituant l’état
de calamité publique. Cette décision permet à l’exécutif fédéral de renoncer à atteindre
l’objectif de déficit fiscal fixé pour 2020. Mais elle ne réduit pas le risque
de dissémination massive du coronavirus, en particulier dans les favelas, les prisons et
les squats, où l’insalubrité cohabite avec le manque d’accès à l’information.

Les conséquences sont prévisibles et terribles.

Face à l’aggravation de la
pandémie, quelles perspectives
pour le Brésil ?
 Le Brésil compte 6329 favelas où s’entassent littéralement 11,4 millions de personnes,
soit 6% de la population. Les travailleurs informels, dont de nombreuses employées
domestiques, se sont subitement retrouvés sans travail, sans aucun filet de sécurité,
avec des enfants en bas âge à nourrir qui n’ont plus accès aux repas servis à la cantine,
puisque les écoles publiques ont toutes été fermées.
 Du côté des prisons, les perspectives sont aussi noires. Le Brésil est, après les États-
Unis et la Chine, le pays qui compte le plus de détenus, 800.000 au total, 10 fois la
population carcérale en France, pour une population trois fois supérieure de 211
millions d’habitants. Nous prévoyons des mutineries, des évasions et… de nombreux
massacres.
 Et pour le reste… Les hôpitaux publics possèdent 46.000 appareils d’assistance
respiratoire, mais moins de 30.000 lits de soins intensifs inégalement répartis sur le
territoire et occupés à 80%. Dans certains hôpitaux, qui deviendront rapidement des
mouroirs, les malades s’entassent déjà dans les couloirs. Selon le ministère brésilien de
la Santé, le système de santé publique, déjà défaillant, pourrait s’effondrer fin avril.
En résumé, les mesures prises par les autorités brésiliennes visent surtout à contenir la
propagation du COVID-19. Elles ne l’arrêteront pas. Loin de là. D’autant que si les expats
et les familles aisées se terrent désormais à domicile ou dans leur maison de campagne, la
majorité de la population brésilienne, peu ou mal informée, continue de sortir, les marchés
et les lieux de culte attirent encore la foule, les travailleurs dans l’industrie sont exposés.

Le monde entier est en état d’alerte… et le pays de la samba continue de danser.


Chez les expats, aux quatre coins du Brésil, nous anticipons le pire.

Alexandrine Brami
My Little Brasil / Groupe IFESP
CEO e Founder

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