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D!§§ERTATION : Faut-il prendre Gargantua au sérieux ?

I UNE (EUVRE QUI N'EST PAS À PRENDRE COMPLETEMENT AU SERIEUX DANS Iâ MESURE OÙ SON BUT
PBEMIER §EMBLE ÊTXT DE NOU§ DIVERTTR:

1. Raklais essurfie la dimension comique de eon cesvre et lui assigne une fonction théraputique: i§
s'egit de tout iaire pour nous éioigfler dcs stüsts srrsceptibIes de nots corltffiriÊr, donc des sujeB
grave§ etsérteErx-

Ex : on citera l'adrese aux lecteurs : « Voyant la peine qui vous consurrc, / Mieux est de rire que de lanres éûriîe. ».
Le æmique nous guérit de nofe humeur cfiagrine, de nofe mélanælie et des sujets graves qui naus attristent.

Ex : on comprend ainsi mieux l'allêgorie du silène, boîte qui sous des dehors grotesquês car peinte « sur le dessus de
figures joyeuses et ffrvoles, telles que harpies, satyrcS, oisons bridés, iièvres oomus, canes bâtées,... et autres
semblables peintures insentÉes parfa*taisie pour inciter le rnonde à rire », renfenne des rn*Éisênlents. Le rtre est une
thérapiq il dissipe toutes nos idées noires qui nous minent et nous rongent de l'intÉrieur. li nous distrait de tous les
suje§sérieux.
?, Le eonniEeç !ié a* @ corp-esel qui prenü appqi sw Ia s-calab$ie et ta grtveiseEle Elarque çe re-fr!§ êu
sérieux: il
prccure un rire facile qui est, du moins en apparence, dépourvu de toute prÉentlon
intellectuelle,
Ex: Nombreux sont les épisodes du roman où le comique est lié aux fonctions excrémentielles: la naissance de
Gargantua au chapitre 6, illustre bien ce type de comique hérité de la farce. Garganrelle, suite à une indigestion de
tripes, est prise d'une ælique, q stn fondement » (son intestin) lui échappe': « cêHit le fondernent {ui lui Éshêppait
(suite au relâchement d-e fintestin gue vsus appelez le boyau Çulier) pour avoir trop mangé de tripeç. ». La crise est
teile qu'on lui administre un astringent Or, au nÉne nrornent, elle accoucfre de Gargantua qui est contraint de sortir
par I'oreiile gauc-he.. "

Ex: le roman regorge aussid'allusions sexuelles plus ou moins explicites Ebéissant ainsià la tradition imposêe par le
genre de la farce ainsi que par les fabliaux du nmyen-âge. On bascub souvent dans le comique grivois, paiilard. On
note par exemple, ce gienre dhllusions dans l'Échange entre Grandgousiaet GargamellÉ, au msrnent où elte ætsur
le point d'accoucher. Quand Grandgousier I'exhorê à se dê@her d'accoucher pour qu'ils puissent taire un autre
enfant, elle répnd en pariant de son rnembre viril : s plut à Dieu que vous I'eussiez coupé ! » mais elle se Étracte dès
que Grandgor.rsier, qui semble [a prendr* au moû, demande que* apForte un couteaa... Èe rnêrne, au chapitFe 3,
lorsqu'il est question de la grossess€ de Gargamelle qui dure 11 mcüs, Acofribas se livre à toute une série de
plaisanteries scabreuses sur là sexualité férninine. Cette sexualité débrid& et décomplex& est aussi bien illustrÉe par
leur fils, Gargantua, gui est exhêmenrent prÉcose, notamnrrent quand 'ii est avæ ses gouvemantes qu'il pourchasse de
ses assiduités au chapitre 11: « ce petit paillard, toujours tâtant ses gouvemantes pardessou§, par-dessus, par-
denière, pardevant et hardi bouniquet I Et déjà il comnençait à exercer sa bragueüe que chaque jour, ses
gouvernantes omaientde heauxho*qu*, de heatxruhafis" »

3. Ee la nrême façon, le comique verbal nous prêcure un pur diyertisçement compl,ètement gratuit, dans
lequel il s'agit de faire * soriner » le6 rnorb, indépendamrnent de leur significatioea. Là, !e son prirne sur
le sens et an oublie'ler rnessagræsÉeieux.

Ex : l'auteur se livre à de nombreux jeux de mots dans Çaçanft.ra. Ainsi alors qu'il est juché sur tes tours de Notre-.
Dame, Gargantua decicie d'uriner sur les Parisiens « pâr ris » c'æt-à4ire ( pour rire » et le nanateur de préclser que
c'est de cette exFressicn que la ville tient son nrm « Paris ». L inventivité'verbale est générabice d u* ccmique grâtüil
où le jeu verbal se fuit uniquement « pûur rire », un rire gui n'est pas sensé nous transmettre un quelconque savoir.".

Ex: il en est de même porar la Bffiuce, rÉgion domt b ncm v-ierdrait de t'exdanætion de Garganh.ia': « beau ce flieu] »
quand il la dêcouvre, après que sa junrent a déraciné tous tes arbres de la fionât qui se trourrait en cet endroit. (c-hapitre
17j
Ex : les calembours sont fréquents dans le rornan : au chapitre 8, le << cul p d'une aiguille désigne aussi b,ien le « chas »
de i'aiguiile qr.le h sexe féminin des couturières ; cn chera aussiie jeu sur la paronomase de « senrice divill » quidans
la bouche de frère Jæn devient le « seruiae du vin *, au chapife 27.

À
Ex: autre passage qui illustre cette fantaisie verbale, les « propos des bien ivres » du chapitre 5, qui succèdent au
festin de tripes auquel participent Grandgousier et Garganælb. ii s'agit d'un texte dialogue ou les interlocnteurs « ivres »
échangent en §inguant des jeux de rnots et calembours fornÉs par cantrepètertes et Faronornâse§ : « entonnons ! -
OÙ est mon entonnoir ? ». lci, I'ivresse due à la boisson se rnanifeste à havers une ivresse verbale. Langue, parole
libérée qui se déploie pour elle-nr,ènre, inclêpndamment du sens. te passage s'inspire d'un genre qu'on appelte la
Hrasie, pièæ en vers dans un style amphigourique où on met bout à bout, des proverbes, des phnases qui a priori n'ont
aucun rappcrt"

Délire verbal profondérnent jubilatoire et nulterner* Édifiant, donc à ne pas prendre au sérieux
=
Ex: la harangue de maître Janotus de Bragmardo, âu chapitre 19, constitue un passage où le comique verbaltouche
à son parorysme. On y *ait « tinter », en le modulant sous toutes ses frrmes, le rmt < cloches », au rpyen du poÿptote :
« Toute clocfie sachant clocher devant clocfrer dans un clocher, fait cbcher, clocfiant ctoctrativement, les cldrants,
clochabilitants- »

4. ffir, le comËqre g§antal, empuntÉ au folklote, nous plonge dans un monde irréalEste et de purc
f,antaËie dont les effieb reposent sur les contrastæ et dhproportions enhe I'unives des géanh et celui
dæ hermains. Comrnent prendrc au sérieux une æuvre qui prÉ*ente de telleç invr:aisenrblanc€§ ?
Ex: Rabelais use et abuse de ces effets de décalage entre d'un côtê, le monde des géants, de l'autre, celui des
humains, deux univers qui sont sans commune resure. On citera au c*tapitre 36, « l'arbrc de saint Martin » que
Gargantua arrache et qui lui tiendra lieu de tance, lui permettant ainsi de détrr.rire le château du gué de Vède. Cet objet
surdimensionné provoque bien sûr le rire des lecteurs. Autre exemple, dans ce même chapitre, 6elui de la jument de
Gargantua, elle aussi d'e tailb gigantesque, qui urine et noie le camp ennemi lors de la prise du gué de Vède. Par la
suite, Gargantua confond les « plornbs et pienres d'artillerie » que le camp adverse tire dans sa direction avec des grains
de raisin puis avec des « mouches à boeufs » ; or, une simple branche de saule sufft pour les disperser. Enfin, de retour
thez lui, il se coiffe âvec son peigne qui était « long de deux cenE nÉtres » et soil père uoit que les boulets accrochés
à ses cheveux sont des poux.

Ex: on citera le célèbre pâssage du chapitre 38 où Gargântua mange les pèlerins en salade. Ceux-ci, à I'intérieur de
sa boucte, « pensaient qu'on les avâit jetés dans queique cul de base-fosse, en prison. »" lci, Rabeiais reprend un
thème qui est fès fréquent dans les contæ populaires où bien souvent un géant avale puis rærache des personnages.

Ex: de rnême, les épisodes de la jument mcnstrueuse (chapitre 16), et du vol des cloches (chapitre 17) sont déjà
presents dans [es Grandes Chroniques, ou\rrage anonyme où apparaît pur la première bis le personnage de
Gargantua (on ignore qui rédigea ces Cfironigueg qrii sont peut4ke une compilation due à dæ folkloristes recueillant
des légendes relatives à un géant.

= Rire lié aux efiets de disproportion et de grossis*menl Démesure, ercagération gui, de par son
invraisemhlance, dlskait le lecteur, l'arnuse et l'êloigne apparernment de toute rêfiexion sêrieuse.

II CEPENDAIqT, CONTRE TOUTE ATTENTE, CE RIRE DEBOUCHE SUR UNE REFLEXION QUI PORTE SUR ÛES
SUJET§ GRÀVES : IL NE FAUT DONC PAS SOU§.ESTIMER LA PORTEE EDIFIANTE DE GARGANTUA

't. Le rire dans Gargmn*ra doit ê&s interpréÊé au secend degÉ eÉ a dsne un sêns caehé qulil faut premdre
au sérieux : on ne peut donc s'afiêter à ta dimension purement eornique du livre qui l,oin d'êttê léger,
frivole, æeèle Bour le leeteuraverti un « ptus haartsens n.
Ex: Cest ce que le narrateur, Alcofribas Nasier précise dans le prologue. Dès le début, il nous invite â ne pas nous
contenter du sens littiâral du récit, à ne pas nous anêter à sa dinension cornique : « c'est-Mire que ies mat!èræ ici
traitées ne sont pas aussi üolâtres que le tiüe audessus b prétenda?t ». ll poursuit en expliquant au lecteur que matgré
le caractère divertissant de l'ouvrage, « il ne faut pas en demeurer là, comme en un chant des sirènes, mais à ptus haut
sens interpréter ce que d'aventure vous pensiez avoir été dit en gaieté de cceur. ». Sous ces dehors comiques et
burtesgues, l'osuvre renferme un « plus haut se*s x. Le rire a bien une signification et rnène à u*e riÉfiexton des plus
profondes. La lÉgèret6 apparente cache une yraie pro*cndeur.

. 2. Ce « plus haut setcs s coff&ermê les passages satiriques donÊ le büt tÈ sérieux, est de poir*er du doigt
tous I€§ dysfonelionnemeæt eË a&us dE !a eqeEété" Gette délroErcla-tlon eet d'a{!Ëe$Es ufte ermg des plue
efficace§, qui fut Incomtestablement prise très au sérieux par tes contemporaËns de Rabetrais qui
eensurèresÈt sêâ (pE$rEEB"

Ex : Quoi de plus séfieux que les passages où Rabelais utilise le corrique pour fustiger le despotisme et l'impérialisme
de certains puissants ? Picrochole, dont le nom signifie « bile arnère », est une caricature vivante de Charles Quint. ii
incenre bien la figure du mauvais roi, ÿranniEue, gui ne peut maîtrisen son puple dans ia ffiÏesi.lre oÈr il est iacap*ble
t-
de maîtriser ses émotions et son appêüt de conquête. On voit qu'il est manipulé par ses conseillers, qui flattent son
ap@tit de conquête et luifunt miroiter la possibilitê de conquérir ie rnonde, au moyen d'une grdation au chapitre 33,
sorte d'écho à la devise de Charles Quint « plus outre » (« plus ufka » en latin). La triste fin du personnâge confirrle sa
dimension comique au cfrapitre 49, quând il üombe de son chevai et qu'il le « hra de sa colère ». La rÉfiexion quiert
la mêmg pro{ondeurquÇ Çelle qgç l'on ûqurre dans l'æuvrê de &lachiavel, Le Pfince.

Ex: le ton se fait grave et la critlque acerbe donc sérieuse dans les chapitres dans lesquels on critique les moines en
pointant du doigt leur inutilité sociab, en les présentant comme cie véritables parasites, aliant jusqu'à iæ qualifier de
« mâche-merdg ». La vie m<rnastiquç sUne aberration pqun Rabçlais-

Ex: de même, dans le chapitre 27, décrivant les combats de Frère Jean contre les soldats de Picrochole, le comique
se fait grinçant. Frère Jean devient proprernent inhumain, nonsfueux et #pourvu de toute ernpathie. On voit qu'il
n'hésite pas à faire de l'hunpur noir â l'fuard de ceux qui l'implorent de les êpargner. Le lexique chirurgical vient
diçqrêd'lter l'idéal épique e.t nou§ @nfrqnle â Ia réalitê de ta gqerre, dan$ çe qu'çlle de plçs Çru, de ptus barbare avee !a
vision de corps complètement démemhrés, déchiquetés, disséquês. On passe de l'épopée à Ia « boucherie hérorque »
comrne Ie dirait Voltaire.

3. Ces passages eritiquæ pernettent, par efret de çontræte, de défrnir fideal humaniste et les yaleurs qui
le constituen.t Ltntenüon de Rabelab e_st done dee pllrg sérieuses.

Ex : la satire de i'éducation scolætique du ctrapi§',e 2{ fait ressortir I'exællence de l'éducation humaniste transmise par
Ponocrates dans le chapitre 23. Ces deux chapibes forment un diptycue dans lequel on conftonte tes deux éducations.

Ex : de mêrne, la caricature du tyran, Picrochole, fait ressortir la grandeur et la magnanimité du souverain modèle gu'est
Grandgousier. On citera aussi la harangue aux vaincus, discours prcnoncé paiGargantua aux sujets de picrochole
aveç lessuels il sçuhaitg bâsr une paix durabB.
Ëx : enfin, la crit§ue de la vie rnonastique qui parcourt tout ie roman hit piace à l'abbaye de Tfiétenxe qui exprime fidéal
humaniste d'une religion sans conbaintes tout entier résurnê par la devise : s fais ce que tu voudras ».

lll TOUTEFOI§, lL S'AGIT DE NE PA§ §OMBRER DANS « L ESPRIT DE §ERIEUX », ENNEMI DE LA PENSEE ET
DE L'INTELLIGENCE.

T. Le mot d'oldre dans Galga*tua, ast de ne surtout pas se prcndrc au sérieux et de savoÈrfairc preuve
d:humilité.
Ex: le narrateur Alcofribas est l'incamation même du refus de I'esprit de sérieux: il n'â de cesse de pratiquer
l'autodérision et apparait tomme peu crédibte : à la fin du polngue, il dnret qu'il a écrit sæ orrvragês en mangeant et
surtout en buvarrt et explique qu'il a « dépensé plus en vin gu'en huile ». tl es{ aussi l'auteur d'suvrages fantaisistes tels
que La Dignité des braguetfes ou Des pors au \ard cam ærnmento- ll se place, d'ailleurs, sous fé4ide de Særate, passé
maître dans fart de t'ironie.

Ex: or, cetle ironie, cette câpacité à se moquer de soi-même conceme aussi le lecteur qui doit avoir ce même état
d'esprit s'il veut entrer dans I'ceuvre. D'embtée, toujours dans le prologue, il instaure un pacte de lecture avec b lecteur
qui doit lui aussi pratiquer I'autodérision, I'humilitê. ll le prend à partie au moyen d'apostrophes familêres et
irrévérencieuses : « Buveurs fès illustres et vous vêrotés três précieux ». À !a fin, il va iusqu'à l'insulter : « Mais écoutez,
vits d'ânes, et puisse le c-irancre vous Êauc*rer k jambes t ». ll s'agit de faire dæcendre ie læteurde son piÉdesta!, en
l'amenant à rire de lui-même, à sE taiçEer malnEner Bar qe ngrr&u-r qui rçssçmbte plus à un bsnirilçnEur dê foit_ê qu'à
un homrne lettré.

Celui qui esl censé représenter le savoir dans ce gu'il a de plus pres{igieux, est toumÉ en ridicule car !e savoir
= doit toujours rimer avec humilitê et ironie.

2," lË s'agit aüssi de se batrre


csmtr€ Êorcæ fomne de dogmatisrme, qu§ GsÊ prûpre à e È'esprüt de sérteux », et
qui nous enferrne dans des certitudes et des vérités tsutes faites. Même le credo hurnaniste est ici tenu
à dbtanee et parilois û!ême remis en question, rar ceÊ{e oeuvre est tout sauf un « pÉt-à-penser »
hurnanistê. G'est que pour Rabelals, il n'y a ps de vérËté aholue. Toub pensée, rsÉ6e celle qui re!ève
de Phuma*iscfts, esÊsuiette au questËennemeslt, à tra rer*Ëse en questÈon.

Ex: même les passages apparemrTlent sérieux et didactiques rsrêtent une dimension parodique. C'est le cæ de la
description de l'abbaye de Thélèr'ne dans laquelle i'ironb ne cæse d'affleurer. L'auteur musËipl6e tes
Ësrvrraisearnbâance§, dans la description du rnode de vie des ThéltÉmites, notiamment guand il soullgne I'exkaçrdinaire
cohésion du groupe dont l'unique préoccupation semble être de satisfaire les moindres désirs de chacun : < si quelqu'un
ou quelqu'une disait << buvons », tous buvaient. Si l'un disait « jouons >>, tous jouaient. ». GetÉe surearehère sreus fatt
3
vite ba§culer daa§ la parodie : de façon ironique, Rabelais nous suggère que la perfection n'est pâs de ce monde et
qu'une telle communauté ne peut exister dans la réalité: il critique la notion même d'utopie. Parmi les différentes
exagérations et invraisernblances employées par Rabelais, on note aussi I'insistance beaucoup trop marquée sur la
perfection et les qualités des pensionnaires qui savent << parler einq à six langues » et même, comble de l'exagération,
« en chague langue composer des vers ou des textes en prose. ». Cetê dimension parodique concerne égalernent, le
chapitre 23 dans lequel Rabelais exagère de façon outrée les connaissances engrangées par Gargantua quifinit par,
dans le dornaine de l'arithmétique, en savoir plus que le grand Tunstal{. Autre détail qui est lourd d'ironie et quiest peu
erédible :il étudie même quand il se retire « en des lieux privés pour faire excrétion des digestions naturelles >r,
cornprenez quand il va aux toilettes... Un tel programme, si chargé, dans lequel Ia moindre minute est consacrée à
l'étude, est tout sauf réalisable... On connprend qure n'lême les convietions humanistes de Rahelais tont I'oh[et
d'un questionnernent au ifioyer? de I'iroslle et de la parodie.
Ex : Ce questionnement, cette remise eR cause sont aussi exprimés par Frère Jean dont la voix est ici dlssomamte si
on la compare à celle de Ponocrates, champion des valeurs humanistes. Son discours contredit totalement celui du
précepteur, dans ce roman qubn peut qualifier de polyphonique. Ainsi, dans le chapitre 39, il assume son ignorance
et exprime son refus du savoir: « Je n'étudie point pour ma part. En notre abbaye, nous n'étudions jamais, de peur
d'attraper la grosse tête. Feu notre abbé disait que c'est une chose rnonstrueuse de voir un moine savant. ». Voilà des
proBos qui sont une totale remise en question de ce culte du savoir qui est
Bropre aux humanistes. Et quand Ponocrates
lui reproche de jurer, Frère Jean ironise sur le savoir hérité de {'Antiquité, qui est pourtant la réfiôrence absolue pour {es
humanistes : << Ce n'est que pour orner mon langage. Ce sont mes fleurs de rhétorique cicéronienne. ». De même, on
voit que contrairement aux préconisations de Ponocrates, qui impose à son élève au chapitre 23, un régime frugal et
conforme à la diététique, Frère Jean, en bon vivant, se livre à tous les excès de table, buvant à toute heure, même à
minuit, juste avant de partir affronter l'ennemi et le surprendre en pleirte nuit. C'est ce qui fait dire à Gargantua : « Boire
si tÔt après avoir dormi ? ». On croirait entendre les reproches que lui faisait autrefois Ponocrates face à son manque
d'hygiène et à ses excès de nouniture et de boisson... Le discours de Frère Jean vient donc nuancer te propos
humaniste. À aucun moment on ne bascule dans le dogmatisme: on ne nous impose aucune vérité, aucun principe.
Même l'humanisme peut être contesté.

3, EtÉin, il c'as{t d'aç,sçpt&r l'autrç meme dans çe gq'i! a de mgine Eérieux parÇç que !'hqmme est par
naturc impaËait- l{e pes se prcndne au sérieu& c'est ne pas s'offinrsquer dæ défauk ou traves d'au&ui,
e'æt âtre tolêrant,
Ex : dans Pantagruel,les « agelastes » {ceux qui ne rient jamais) sont aussiceux qui censurent, quicondamnent.

Ex: Le rire est §ie"n la çÇule réponsê dê Fonocrab.s fac.e au diççqqrs burlessug e1 incornpréhensible de Janotus de
Bragmardo (chapitre 20) : il est dérision, mais il est aussiacceptation de la bêtise et de I'ignorance. Dans ce roman, on
ne juge pefsûnne, on ne condamne pâs : on rit. Pl#sons que Bragrnardo rit aussi Ésrec Êux : t'est un rire parbgé, de
comrnunion : « qt Aireq egx, rnaître Janqtus cqmmença à rirq aÿssi »

Ex : Cette même tolérance et ouverture d'esprit, cette bicnveillance se vêrifient aussi à travers l'afiitude de Ponoçrates,
de Gargantua et d'Ëudérnon, qui lrrin de se scandaiiær des propos et de I'attitude de Frère Jean, loin de s'en formaliser,
en rient et plaisantent à son sujet: « Par nra foi, dit Ponocrates, je ne sais pas, mon petit couilNon, rnais tu vaux ton
pesant d'or. ».

Ex: Frère Jean incarne ce pantagruélisrne. C'est un esprit ouvert, tolérant et joyeux qui nruNtiplie les plaisanteries
paillardes. Or cette bonne hurneur, cefte joie qui se rnanifeste à bavers son rire et ie rire qu'ii fait naîtr.e c{rez les aüxles,
est l'expression d'une vraie générosité, d'un attruisme et d'une acceptation des autres.

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