Vous êtes sur la page 1sur 4

Dissertation: Gargantua

Chez Rabelais et dans les textes de votre parcours associé, l’art de rire se limite-t-il
à l’art de faire rire?
L’humanisme est un mouvement intellectuel culminant du XVIème qui offre une
nouvelle conception de l’Homme et de l’univers, et est au service de
l’épanouissement intellectuel du genre humain. François Rabelais était un grand
auteur humaniste, prônant dans son œuvre intitulée Gargantua, un épanouissement
intellectuel et corporel de l’homme: “un esprit sain dans un corps sain". Son œuvre
rencontre un grand succès populaire mais pas du côté de l'Église et des théologiens
de la Sorbonne. Après plusieurs censures François Rabelais opte pour changer son
nom d’auteur en utilisant l’anagramme de son nom et prénom, ce qui donnera
Alcofribas Nasier. Gargantua est le second ouvrage à être publié sous ce
pseudonyme.Dans cet ouvrage,il associe rire et savoir entre passages comiques et
grotesques, et autre passage d’un grand sérieux. En effet dans son oeuvre, Rabelais
annonce deux intentions avant de s’engager dans l’histoire par l’intermédiaire
d’Alcofribas Nasier, la première est celle d’amuser le lecteur mais aussi de le
pousser dans une haute réflexion à la hauteur des grands penseurs comme Socrate
qui est très régulièrement cité dans son oeuvre. Nous en venons à nous demander
comment Rabelais suscite une réflexion intellectuelle profonde à travers le comique
et la satire . Dans un premier temps, nous verrons que Gargantua est une œuvre qui
suscite le rire, puis dans un second temps nous verrons que derrière cet art de faire
rire se cache une grande réflexion.

Pour donner plaisir à ses lecteurs, Rabelais nous met face à plusieurs procédés
qu’il utilise à bon escient pour engendrer le rire.
Tout d’abord, le narrateur engage le début de l’histoire du personnage de
Gargantua, fils de Grandgousier et Gargamelle forment une famille de géants. La
naissance de Gargantua suscite le rire par le gigantisme de la situation, en effet
l’enfant Gargantua est resté dans le ventre de sa mère pendant onze mois. Au
moment de l’accouchement de Gargamelle, celle-ci accouche par l’oreille gauche et
les premiers cris de Gargantua sont “ à boire! à boire!”. L’accouchement et les
premiers mots de Gargantua confirment la tonalité comique de ce chapitre. Afin
d’accentuer le comique tourné sur le gigantisme et le grotesque, Rabelais nous
dévoile d'où provient le prénom Gargantua. Suite aux paroles prononcées par le
géant nourrisson, son père s’exclame et dit “Que grand tu as” en sous entendant la
taille de son gosier et depuis l’enfant est baptisé Gargantua. Son prénom évoque un
comique centré sur le gigantisme et le grotesque du fait que l’on appelle pas son
enfant par rapport à la taille de son gosier. Cela nous rappelle le portrait de Gnathon
tiré de l’ouvrage Les Caractères écrit par La Bruyère, ou le nom propre Gnathon
vient du grec “gnathos” qui signifie "mâchoire”. Cela nous montre que le personnage
de ce portrait est également nommé du fait d’un caractère physique.
Par la suite, l’auteur utilise un autre procédé qui est celui du comique
scatologique qui est évidemment grand serviteur du rire gratuit. Rabelais nous
montre une grande aisance à l'égard des sujets tabous de son époque. Notamment
dans le chapitre XIII, où Gargantua explique à son père la démarche hypothétique
qu’il a mis en place pour se torcher le cul. Il commence par analyser et essayer tous
les moyens possibles qu’il cite à son père à travers une énumération
hétéroclite:”panier”; “poule”; “ un couvre-chef ”;”un panier”... Pour conclure sa
démarche il ajoute “ il n’y a pas de meilleur torche-cul qu’un oison bien duveteux,
pourvu qu’on lui tienne la tête entre les jambes”. Ce passage relève d’un comique
fortement présent qui est engendré par l’abord d’un sujet trivial qui déclenche un rire
gratuit. À ce sujet vient s’ajouter la réflexion de Gargantua qui elle reflète un
comique scatologique, ce qui vient accentuer ce rire gratuit déjà provoqué chez le
lecteur. Cette œuvre est desservie par le comique scatologique qu’on retrouve dans
le chapitre XVII. Gargantua arrive enfin à Paris, du fait de sa taille de géant il suscite
tant de curiosité de la part des parisiens. Celui-ci se réfugie au sommet de
Notre-Dame et “en souriant il détacha sa belle braguette et (...) les compissa si
roulement qu'il en noya 260 418, sans compter les femmes et les petits enfants.”
Implicitement, Alcofribas Nasier nous tend la clé pour comprendre un détail sur cette
avalanche d’urine. En effet Gargantua fait cette action “pour rire” ce qui donne “par
ris” en ancien français . Ce qui donne son nom à la ville. Nous comprenons que par
cette action que Gargantua les baptise. Les 260 418 parisiens sont baptisés par le
rire. Ce passage provoque le rire car il relie un sujet qui relève d’une certaine
tangibilité mais qui se voit être enseveli par un comique scatologique.
Pour finir, l’auteur met sa plume au service du rire par des techniques
audacieuses. Rabelais joue de son imagination pour créer des expressions et des
nouveaux mots afin de desservir le côté comique de son œuvre. En effet, Rabelais
va utiliser à maintes reprises le comique de mots par le biais de plusieurs
techniques. Considéré comme le roi du néologisme, il va enrichir la langue française
qu’il considérait comme une langue plurielle en officialisant de nombreux mots
d’origine latine, arabe, hébraique ou grecque comme “gymnaste” ; “génie”; ou
encore l’adjectif "célèbre". Ces mots que nous utilisons aujourd'hui proviennent de
l’imaginaire de Rabelais. L'inventaire des néologismes serait incomplet sans les
adjectifs gargantuesque, dérivés du nom du géant Gargantua. Rappelons que
Gargantua, au nom formé à partir de la racine “garg” qui signifie gorge est doté d’un
prodigieux appétit. Faisant fi de cette légère distinction, la postérité a fait passer
l'adjectif correspondant pour un synonyme qualifiant un repas copieux ou
caractérisant la démesure. Cependant Rabelais ne s'arrête pas là après avoir
officialisé et inventé des mots, il va jusqu'à créer des expressions courantes encore
aujourd’hui. Comme l’expression “une guerre picrocholine''qui également basée sur
le nom d’un personnage rabelaisien, Picrochole, toujours en colère et imbu de
cruauté dans Gargantua. Par extension, elle qualifie un conflit dont le motif apparaît
insignifiant. Cette expression est encore présente notamment en France où les
médias qualifient de "picrocholines" les guerres que mènent les membres d’un
même parti politique par exemple. Vient s’ajouter l’expression “la substantifique
moelle” : « C’est pourquoi il faut ouvrir le livre et soigneusement peser ce qui y est
déduit (…) puis, par curieuse leçon et méditation fréquente, rompre l’os et sucer la
substantifique moelle ». Grâce à cette expression, Rabelais prône le fait d’avoir une
lecture dite active pour découvrir tous les éléments dont un écrit regorge. L’arsenal
Rabelaisien ne s'arrête pas à créer mais aussi à détourner certains proverbes pour
leurs donner une tonalité comique afin de nous faire rire nous lecteurs. Comme par
exemple dans le chapitre XI, “tournait les truies au foin” ou encore “battait le chien
devant le lion”. Ces expressions relèvent un caractère comique et surtout montrent
une envie de l’auteur de jouer avec nos connaissances pour nous amuser et nous
captiver. Bien que cette œuvre possède un caractère comique, Rabelais cache
derrière celle-ci un savoir et une grande réflexion. Nous dirons que le rire est au
service de la réflexion.
De prime abord, Rabelais incite le lecteur à réfléchir sur d’importantes notions.
L’épisode de la guerre Picrocholine nécessite une réflexion aiguisée, notamment par
la notion de l’humanité et de l’inhumanité présente dans cet épisode. En effet, cette
guerre opposait Grandgousier, père de Gargantua, à Picrochole, allié de ce dernier
devenu ennemi, est par la violence tyrannique et le vaniteux désir de conquête du
monarque Picrocholien. Toutefois, Grandgousier ne répond pas aux provocations de
son ennemi et tente au contraire de calmer la situation en faisant preuve d’un grand
pacifisme; il offre plusieurs offrandes à Picrochole afin de rétablir et de préserver la
paix, mais convaincu par ces belliqueux conseillers, Picrochole décide de continuer
la guerre avec des pillages à répétition et plusieurs massacres sanguinaires. Par
conséquent, Picrochole est associé aux effusions de sang « la veine gloire » et à
l’amour excessif de soi, qui relèvent de l’inhumanité. Grandgousier, quant à lui, fait
preuve de charité, de magnanimité et de pacifisme qui relèvent de l’humanité.
Ainsi,dans Gargantua, Grandgousier est une figure d’humanité contrairement à
Picrochole qui est une figure d'inhumanité. Par la suite nous allons voir que cette
guerre suscite également une réflexion d’ordre politique.
Ensuite, cette guerre décrite par Rabelais renvoie au contexte politique de
l’époque. En effet, le lecteur peut faire le lien avec le conflit qu’opposait François Ier,
roi de France, et Charles Quint, empereur romain.Dans Gargantua, Picrochole est
un personnage symbolique, il représente la figure du monarque tyrannique et
belliqueux. En effet, sa seule et unique conviction était d’élargir son royaume avec
nombre de conquêtes dont Rabelais exprime une certaine insistance puisqu’il en
dédie un chapitre relativement long. Ce désir hardi de conquêtes renvoie à la propre
volonté de Charles Quint qui consistait en la conquête d’autres terres comme le
démontre si bien sa devise “ Plus ultra” en latin qui donne “Plus oultre” en français. A
travers cette ressemblance de caractère entre Grandgousier et François Ier et
d’autre part Picrochole et Charles Quint, montre que Rabelais parodie les guerres de
son époque à travers cet épisode des guerres picrocholines. De plus cette notion de
parodie nous évoque celle présente dans les Deux coqs de Jean de la Fontaine ou
celui-ci parodie la guerre de Troie en mettant en scène deux coqs qui se battent pour
une poule.sociétales. À travers la parodie des guerres de son époque, Rabelais
montre qu'il existe des rois justes et non-violents, tout autant que des rois batailleurs
et belliqueux.
Par ailleurs, par le comique et la fantaisie de son écrit, Rabelais pousse le
lecteur à réfléchir sur les mœurs de la société. En effet l’auteur nous déclare que d
dénonce l'éducation. Il utilise l'éducation qu'apporte ses précepteurs engagés par
Grandgousier à Gargantua afin de démontrer le mépris de l'hygiène et de l'activité
intellectuelle. Il met en opposition deux sortes d'éducation pour en mettre une en
avant. Il décrit d'abord l'éducation sophiste par Thubal Holoferne puis l'éducation
humaniste par Ponocrates. Selon Rabelais, une éducation idéale est une éducation
individuelle et personnalisée. On comprend, que le personnage de Gargantua dès le
début de l'histoire a des attributs très étranges. En plus de sa grande taille,
Gargantua a des besoins intellectuels spécifiques, c'est pourquoi Rabelais juge
l'éducation de Ponocrates plus qualifiée. Au départ, Grandgousier souhaite que son
fils développe ses dons naturels à l'aide d'un savant maître, mais les méthodes
utilisées ne font de lui qu'un "feignant et ignorant”. Il est donc soumis à de nouvelles
méthodes jugées plus efficaces et persistantes. Ponocrates, qui signifie "dur à la
tâche", présente Gargantua à des méthodes d'éducation plus modernes et
rationnelles

Pour conclure,Rabelais utilise le rire pour faire passer des messages plus que
implicite.Cette œuvre est extrêmement intéressante du fait qu’elle permet une
réflexion profonde en associant la doctrine de plaisir et savoir. Rabelais nous instruit
plusieurs principes mais celui que l’on peut retenir avant tout est bien de chercher à
comprendre le monde qui nous entoure, respecter certains principes afin que celui-ci
ne verse pas dans le chaos

Vous aimerez peut-être aussi