Vous êtes sur la page 1sur 106

Année académique 2022-2023

Institut Universitaire d’Abidjan


(I.U.A)

Mémoire de MASTER II
Option : DROIT DES AFFAIRES

THÈME :

LA VALEUR JURIDIQUE DE L'ÉCRIT


ÉLECTRONIQUE EN DROIT IVOIRIEN

Directeur de mémoire : Professeur ALLA Koffi Étienne, Agrégé des Facultés de


Droit, Avocat au Barreau de Côte d'ivoire

JURY :

Président : Professeur COULIBALY Climanlo Jérôme, Agrégé des Facultés de


Droit, Avocat au Barreau de Côte d'ivoire

Suffragants :
- Professeur ALLA Koffi Étienne, Agrégé des Facultés de Droit, Avocat au
Barreau de Côte d'ivoire
- Docteur COULIBALY Mamadou Kounvolo, Maître-Assistant à
l'Université Jean Lorougnon Guédé de Daloa

Présenté et soutenu publiquement par :


KONÉ Mac-Aurel

Décembre 2023.
L’Institut Universitaire d’Abidjan n’entend donner aucune approbation, ni improbation
aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme
propres à leur auteur.

I
DÉDICACE

À mon père et à ma mère,


KONÉ Salifou et KOUASSI Klah Marie-Josèphe.

II
REMERCIEMENTS

Nous tenons à traduire nos sincères remerciements à toutes ces personnes qui d’une
manière ou d’une autre, ont contribué à l’élaboration de ce mémoire.

Nous pensons tout d’abord à notre directeur de mémoire, le Professeur ALLA Koffi
Etienne, Agrégé des facultés de droit, Avocat au Barreau de Côte d’ivoire, pour sa
patience, sa disponibilité et surtout ses judicieux conseils qui ont fortement contribué à
alimenter notre réflexion. Merci infiniment Professeur, de nous avoir communiqué votre
passion pour la recherche.

Ensuite au Docteur COULIBALY Mamadou Kounvolo, Maitre-assistant à


l’université Jean Lorougnon Guédé de Daloa pour sa disponibilité ainsi que ses critiques,
qui ont largement contribués à la correction de ce mémoire.

III
SIGLES ET ABRÉVIATIONS

Al : Alinéa
AU : Acte Uniforme
AUDCG : Acte Uniforme Portant Droit Commercial Général
Art : Article
ARTCI : Autorité de Régulation des Télécommunications de Côte d’Ivoire
CEDEAO : Communauté Économique Des États de l’Afrique de l’Ouest
CNUDCI : Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International
IA : Intelligence Artificielle
OHADA : Organisation Pour L’harmonisation En Afrique Du Droit Des Affaires
Op. cit. : Ouvrage précité
TGI : Tribunal de Grande Instance

IV
SOMMAIRE

INTRODUCTION.....................................................................................................................1

PREMIÈRE PARTIE : UNE ADMISSION MITIGÉE DE L’ÉCRIT ÉLECTRONIQUE


EN MATIÈRE DE VALIDITÉ D’UN ACTE JURIDIQUE EN DROIT IVOIRIEN.......10

CHAPITRE 1 : UNE ADMISSION DE L’ÉCRIT ÉLECTRONIQUE COMME


CONDITION DE VALIDITÉ DU CONTRAT DE COMMERCE ÉLECTRONIQUE.....12

Section 1 : l’intervention de l’écrit électronique au stade


de l’obligation d’information précontractuelle..................................................................12

Section 2 : l’intervention de l’écrit électronique au stade


de l’échange des consentements par voie électronique.....................................................21

CHAPITRE 2 : UNE EXCLUSION DE L’ÉCRIT ÉLECTRONIQUE POUR


LA VALIDITÉ DES ACTES SOUS SEING PRIVÉS RELATIFS AU DROIT
DE LA FAMILLE ET AUX SURÉTÉS................................................................................33

Section 1 : Des actes soumis à un formalisme particulier.................................................33

Section 2 : L’inadaptation dudit formalisme au contexte virtuel.......................................41

DEUXIÈME PARTIE : UNE ADMISSION DIFFICILE DE L’ÉCRIT


ÉLECTRONIQUE EN MATIÈRE DE PREUVE D’UN ACTE JURIDIQUE EN DROIT
IVOIRIEN................................................................................................................................49

CHAPITRE 1 : DES INCERTITUDES SUR L’AUTEUR ET


SUR L’INTÉGRITÉ DE L’ÉCRIT ÉLECTRONIQUE........................................................51

Section 1 : Une difficile identification de l’auteur de l’écrit électronique........................51

Section 2 : Une intégrité de l’écrit électronique fortement discutable..............................60

CHAPITRE 2 : UN ÉCRIT ÉLECTRONIQUE À FORCE PROBANTE RELATIVE.......71

Section 1 : la persistance d’une discrimination entre les preuves littérales.......................72

Section 2 : Une faculté d’appréciation laissée au juge......................................................81

CONCLUSION.......................................................................................................................91

V
VI
INTRODUCTION

« Le droit est nécessairement influencé par les données, qui lui sont extérieures, mais
qu’il est appelé à régir. Les faits transforment toujours le droit »1

Cette citation met en lumière la dynamique constante entre le droit et les faits, souli-
gnant que le système juridique est inévitablement façonné par les données et les circonstances
qui lui sont externes mais qu'il est destiné à gouverner. En d'autres termes, le droit n'est pas
une entité statique, isolée des réalités du monde, mais plutôt un instrument en perpétuelle évo-
lution qui réagit et s'adapte aux changements et aux évolutions de la société. Cette dynamique
d’adaptation du droit au numérique se justifie totalement dans la mesure où le monde s’est ré -
solument engagé dans une profonde mutation avec son entrée dans la société de l’informa -
tion2, au sein de laquelle le numérique joue un rôle moteur. Ainsi, l’ouverture des réseaux in-
formatiques et de télécommunications, permet désormais à tout un chacun d’écrire voire de
communiquer par voie électronique, toutes sortes d’informations numérisées, que le droit ap-
préhende à différents stades3. Par ailleurs, l’émergence de la société de l’information telle que
nous la concevons aujourd’hui découle sans aucun doute de l’explosion de la quantité de don-
nées mises à disposition d’un public de plus en plus large 4 mis à disposition d’un public de
plus en plus nombreux. Aussi, il convient d’indiquer que cette émergence a entrainé un chan-
gement profond des réalités qui s’imposent dans presque tous les domaines. Celle-ci est perçu
sous l’angle d’une « circulation généralisée de l’information », allant même jusqu’à devenir
la nouvelle richesse des entreprises. Par voie de conséquence Internet constitue alors un outil
primordial de la société de l’information, dans son acception d’espace fonctionnel et séman-
tique, où foisonnent nombre de contenus d’informations, qui participent à sa subsistance 5. Il
est à la fois une capacité de diffusion dans le monde entier, mais également un mécanisme de
distribution de l’information, un moyen de collaboration et d’interaction entre les individus et
leurs ordinateurs, peu importe leur emplacement géographique. Cette idée est bien illustrée
par un auteur qui affirme qu’« avec Internet, les frontières géographiques traditionnelles s’es-
tompent au profit d’un environnement virtuel où tous les services semblent être de proximité.
1
Philippe Le TOURNEAU, Contrats informatiques et électroniques, 3ème éd. Dalloz, 2002, p.15.
2
L’apparition de l’expression « société de l’information » remonte aux années 1970.
3
Lors de la création, de la transmission, de l’enregistrement, de la consultation ou de la mise à disposi -
tion.
4
Djibril SOW « Retour sur l’adaptation du droit au numérique », Revue CAMES/SJP, n°001/2016, p.
77-100.
5
Jean-Paul BASQUIAT, Les administrations et les autoroutes de l’information. Vers la cyberadminis-
tration : stratégies et pratiques, Les éditions d’organisation, 1996, p.16.

1
Cette proximité est renforcée du fait d’une communication immédiate et par la possibilité
d’effectuer des actions à distance. Les produits dématérialisés sont téléchargeables instanta-
nément alors que les produits physiques sont livrés toujours plus rapidement par des acteurs
logistiques globalisés. L’abolition des notions de distances géographique et temporelle in-
duite par l’usage des réseaux de télécommunications et d’Internet exerce une influence sur la
façon dont chacun perçoit le monde et interagit avec lui. Cela favorise l’émergence de l’idée
d’un village global »6. Cela est d’autant plus vrai car, nous assistons depuis vingt ans déjà, à
une révolution dans le domaine de la technologie numérique en général, et dans celui des ré-
seaux mondiaux de transfert et d'échanges d'informations en particulier. Dès lors, il semble
tout à fait clair que le développement des nouvelles technologies de l’information et de la
communication ainsi que le phénomène de la dématérialisation des supports ont effectivement
entrainé plusieurs bouleversements, auxquelles sont confrontées de nombreuses institutions et
ont donné naissance à une nouvelle forme d’écrit en l’occurrence l’écrit électronique.

Cependant cette nouvelle forme d’écrit n’est pas considérée au même titre que l’écrit
manuscrit et ce pour diverses raisons. Cette réalité bien loin d’être reluisante nous a conduit à
nous interroger sur : « LA VALEUR JURIDIQUE DE L’ÉCRIT ÉLECTRONIQUE EN
DROIT IVOIRIEN ».

Avant tout débat au fond, et pour une meilleure compréhension de notre sujet, il
convient de définir les mots clé tels que : valeur juridique et écrit électronique.

Le Dictionnaire français7 définit de façon générale la valeur comme l’importance, l’uti-


lité ou la signification attribuée à quelque chose. Il s’agit en fait de l’estime ou de l’apprécia-
tion qu’une personne accorde à un objet, une action, une idée ou une personne. Il importe de
préciser que la notion de valeur revêt plusieurs acceptions.

D’un point de vue économique, la valeur est souvent associée au prix d’un bien ou d’un
service sur le marché. Elle peut être mesurée en termes monétaires, mais aussi en fonction de
l’utilité qu’elle apporte à un individu ou à la société. La théorie de la valeur a été largement
explorée par des économistes8, chacun apportant sa propre perspective sur la nature et la dé-
termination de la valeur économique.

6
Arnaud Dufour, Solange Ghernaouti, Internet, 9eme édition, Presse Universitaires de France, 2002,
p.27.
7
Le dictionnaire Larousse en ligne
8
Tels que Adam Smith, David Ricardo et Karl Marx.

2
Dans le domaine philosophique, la valeur est étudiée dans le cadre de l’éthique et de
l’esthétique. Les philosophes ont longuement débattu sur la nature des valeurs morales et sur
la manière dont elles influencent les actions humaines.

En mathématiques, la valeur est souvent utilisée pour décrire le résultat d'une expression
ou d'une équation. Par exemple, la valeur d'une variable dans une équation.

Enfin d’un point de vue juridique, on estime souvent la valeur juridique d'une chose par
sa capacité à produire des effets en droit, par exemple créer, transférer ou éteindre des droits 9.

La valeur dont il est question en l’espèce est la valeur juridique.

Parlant de l’écrit électronique, il est défini selon le lexique des termes juridiques comme
un document informatique transmis de manière dématérialisée via Internet, et admis en preuve
au même titre que l’écrit sur support papier, à la double condition que l’auteur du message
puisse être dûment identifié et que les modalités d’établissement et de conservation dudit do-
cument garantissent son authenticité10.

Il convient de préciser que cette forme d’écrit ne fait pas l’objet d’une définition spé-
ciale aussi bien dans la loi n° 2013-546 du 30 juillet 2013 relative aux transactions électro-
niques, que dans règlement n° 15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans
les Etats membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, encore moins dans
l’acte additionnel A/SA.2/01/10 du 16 février 2010 portant transactions électroniques dans
l’espace CEDEAO. Ces différents textes susmentionnés ne se limitent qu’à définir « l’écrit ».
Cependant tout comme l’expression « écrit électronique » l’indique, nous devons porter notre
attention sur la notion d’écrit.

Ainsi, pour certains auteurs spécialistes des nouvelles technologies 11, l’écrit est assimilé
à l’écrit manuscrit, et ne se conçoit pas en pratique sans le support papier. Par contre pour
d’autres, « la dématérialisation et le commerce électronique sous-tendent l’absence d’écrit
»12, ou encore « l’une des conséquences d’utilisation d’outils informatiques est de faire dispa-
raître l’écrit »13.

9
Définition consultée sur https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/fiche-gdt/fiche/17046719/valeur-
juridique.
10
Lexique des termes juridiques 2018-2019, p.429
11
Alain HOLLANDE, Xavier Linant de BELLEFONDS, Pratique du droit de l’informatique et de
l’Internet, 6ème édition, Paris, Delmas, 2008, p. 425.
12
Alain HOLLANDE, Xavier Linant de BELLEFONDS, op cit, p.210.
13
Arnaud Dufour, Solange Ghernaouti, Internet, op cit. p.77.

3
Pourtant, comme le démontre Larrieu, « en substance aucune des deux composantes de
l’élément matériel de l’écriture n’est définie en droit positif d’une manière qui justifierait
l’exclusion des procédés modernes d’écriture et des supports nouveaux d’information. Du
point de vue du seul critère matériel, la gravure d’un disque ou l’inscription d’une bande ma-
gnétique, comme l’impression d’une pellicule peuvent constituer des écrits »14.

Il s’agit d’une définition extensive de l’écrit 15, qui réside dans le fait de reconnaître un
écrit dans tous les modes d’expression : l’écrit est constitué, comme le précise le législateur
ivoirien, de « toute suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou sym-
boles qui a une signification intelligible (…) »16.

Cette définition a été en partie reprise par diverses législations africaines considérant
également l’écrit comme « toutes les formes d’expression dotées d’une signification li-
sible »17.

Plus spécifiquement l’écrit est composé de lettres, caractères ou syllabes, à l’exclusion


de graphismes et d’idéogramme18. Il ressort de ces différentes définitions, que l’écrit électro-
nique reste un écrit à part entière à condition de remplir toutes les conditions attendues à tout
type d’écrit sur n’importe quel support. Cela se justifie dans la mesure où les définitions pro-
posées sont de natures extensives, et permettent de rendre l’écrit indépendant de son support
tout en élargissant le périmètre conceptuel.

La loi abolie ainsi la hiérarchie des supports en assimilant toute forme d’expression li-
sible, à l’écrit peu importe qu’il soit dématérialisé ou non. Il ne subsisterait plus alors qu’un
seul concept fédérateur, l’écrit quel que soit le support qui doit alors être considéré comme in-
terchangeable.

Nous pouvons comprendre alors que parler de la valeur juridique de l’écrit électronique
revient à engager une discussion sur son acceptation réelle et sa pleine reconnaissance au sein
de la sphère juridique ivoirienne.
14
Jacques LARRIEU, Droit de l'Internet, 2ème édition, 2010, p.33.
15
Jacques LARRIEU, Idem.
16
Voir Article 1er Loi n° 2013- 546 du 30 juillet 2013 relative aux transactions électroniques, Voir aussi
article 1er acte additionnel A/SA.2/01/10 du 16 février 2010 portant transactions électroniques dans
l’espace CEDEAO
17
Art. 1er (point 13) du règlement n° 15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les
Etats membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, 27 de la loi Sénégalaise sur les
transactions électroniques et 17 de la loi portant réglementation des services et des transactions élec-
troniques au Burkina Faso
18
Thierry Piette-COUDOL, Échanges électroniques-certification et sécurité, Paris, Litec, 2000, p. 194.

4
Après avoir cerné les différents contours de notre sujet, il semble intéressant de situer
l’intérêt ou la nécessité d’un tel sujet de recherche. L’étude d’un tel sujet suscite deux intérêts.
L’un est d’ordre théorique et l’autre est d’ordre pratique.

Théoriquement, l’étude vise à montrer qu’en dépit du fait que nous soyons à l’ère du nu-
mérique, la valeur juridique de l’écrit électronique s’avère discutable, dans la mesure où son
acceptation pleine et entière reste encore problématique.

Au plan pratique, s'intéresser à la valeur juridique de l'écrit électronique revêt une im-
portance significative. En effet en simplifiant les transactions commerciales, la légitimation
juridique des documents numériques accélère les opérations et optimise l'efficacité opération-
nelle. La reconnaissance des documents électroniques offre donc une souplesse accrue, favori-
sant une accessibilité aisée aux données et facilitant la collaboration à distance.

Cela dit, l'analyse approfondie de la thématique de l'écrit électronique a mis en lumière


plusieurs défis, principalement en ce qui concerne l'accès limité à la documentation spécifique
sur le sujet. Une observation importante réside dans la rareté des écrits dédiés exclusivement à
cette thématique particulière. La plupart des documents disponibles se révèlent être des écrits
généraux, offrant une exploration superficielle et peu détaillée de la question. De plus, l'ana-
lyse a révélé que la plupart des auteurs se sont concentrés exclusivement sur la valeur pro -
bante de l'écrit électronique, négligeant potentiellement d'autres aspects cruciaux. L’on pour-
rait également noter une absence de spécialiste en la matière. En outre, en raison de l'actualité
dynamique du sujet, l'identification de décisions de justice communautaire spécifiquement
liées à l'écrit électronique s'est avérée très difficile. Ainsi, malgré l'intérêt croissant pour la
thématique de l'écrit électronique, la recherche et l'analyse sont entravées par des lacunes do-
cumentaires. Ces défis soulignent la nécessité d'une recherche plus approfondie et d'une colla-
boration interdisciplinaire pour mieux comprendre les enjeux complexes liés à la valeur juri-
dique de l'écrit électronique.

Par ailleurs, la croissance technologique actuelle dans le monde est très rapide, et
chaque jour qui passe de nouveaux progrès sont accomplis, ce qui est possible grâce au grand
nombre de programmes de recherche technologique étendus et menés par un grand nombre de
chercheurs au sein des organismes de recherche, des entreprises et des universités. C’est dire
que les développements réalisés aujourd’hui sont très forts et constituent une force très répan-
due dans l’environnement commercial actuel. La technologie peut facilement être qualifiée
de connaissance scientifique des problèmes pratiques que nous connaissons dans le monde au-
jourd’hui, et on ne peut nier que l’impact de la technologie dans le monde est énorme et peut

5
être catégorisé dans la manière dont elle affecte notre société aujourd’hui et comment elle in-
fluence les activités et les opérations commerciales 19. Dans notre société moderne, la techno-
logie s'impose comme un catalyseur de changement, stimulant l'innovation et la progression
dans des domaines aussi divers que la communication, la santé, l'éducation, l'industrie, et bien
d'autres encore. Les avancées technologiques facilitent la connectivité mondiale, rapprochent
les individus et élargissent les opportunités. Elles améliorent également l'efficacité des entre-
prises en automatisant des processus, en optimisant les chaînes d'approvisionnement et en of-
frant de nouveaux modèles d'affaires.

L'influence de la technologie se fait également sentir dans la transformation des modes


de vie, avec l'émergence de dispositifs intelligents, de plateformes en ligne et d'applications
qui modifient la façon dont nous travaillons, apprenons, et interagissons socialement. Les in-
novations technologiques ont le pouvoir d'améliorer la qualité de vie, de résoudre des pro-
blèmes complexes et d'ouvrir de nouvelles perspectives pour l'avenir.

Ainsi, l'engagement accru dans le domaine de l’informatique revêt une importance cru-
ciale. En effet, la compréhension et la maîtrise de ces avancées sont essentielles pour saisir les
opportunités qu'elles offrent, anticiper les défis potentiels et contribuer activement à façonner
un avenir où la technologie est un levier positif du progrès. En s'impliquant davantage dans ce
domaine, nous sommes mieux armés pour tirer parti de leur potentiel transformationnel tout
en naviguant de manière éclairée à travers les complexités de notre monde de plus en plus
connecté. La technologie, en tant que savoir-faire scientifique appliqué, se révèle comme un
moteur puissant de changement et d'évolution dans notre société contemporaine. Son impact
transcende les frontières et englobe divers aspects de la vie quotidienne, de l'économie à la
culture, en passant par l'éducation et la gouvernance. Cette omniprésence technologique in-
fluence profondément nos interactions sociales, la nature de nos emplois, et la manière dont
les entreprises opèrent.

Dans le domaine de la communication, la technologie a considérablement rapproché les


individus, éliminant les barrières géographiques et facilitant l'accès à l'information en temps
réel. Les réseaux sociaux, les applications de messagerie et les plateformes de collaboration
en ligne ont redéfini la façon dont nous interagissons, partageons des idées et collaborons,
créant ainsi des communautés virtuelles mondialisées.

Sur le plan de la santé, les avancées technologiques ont donné naissance à des diagnos-
tics plus précis, à des traitements personnalisés et à une meilleure gestion des données médi-
19
Arnaud Dufour, Solange Ghernaouti, Internet, Op cit, p.38.

6
cales. Les dispositifs connectés et les applications dédiées favorisent le suivi de la santé per-
sonnelle, encourageant une approche proactive envers le bien-être. Dans le secteur de l'éduca-
tion, la technologie offre des opportunités d'apprentissage plus flexibles et personnalisées. Les
plateformes en ligne, les cours à distance et les outils éducatifs interactifs transforment la fa-
çon dont les connaissances sont acquises, élargissant l'accès à l'éducation à des populations
plus diverses. Par ailleurs, dans le contexte professionnel, les technologies émergentes telles
que l'intelligence artificielle et l'automatisation redéfinissent les compétences requises sur le
marché du travail. Investir dans des formations axées sur les compétences technologiques de-
vient donc essentiel pour rester compétitif et adaptable dans un environnement professionnel
en constante mutation.

Enfin ans le domaine du droit, la technologie a considérablement transformé les pra-


tiques et les procédures, apportant des changements significatifs à la fois dans la prestation de
services juridiques et dans l'administration de la justice. L'avènement des technologies de l'in-
formation a engendré une révolution numérique, façonnant la manière dont les professionnels
du droit travaillent et interagissent avec leurs clients. Les outils de gestion des cas et les sys-
tèmes de gestion de documents électroniques facilitent le suivi des affaires, la gestion des do-
cuments. Aussi, les plateformes en ligne offrent un accès instantané à une immense base de
données juridiques, permettant aux avocats d'obtenir des informations juridiques précises et à
jour en un clic.

Tout cela nous permet d’affirmer que la technologie joue également un rôle central dans
la communication et l'interaction. En effet, les courriels, et les plateformes de communication
sécurisées facilitent les échanges et le développement des transactions électronique. Toutefois,
les opérations se réalisant dans un espace virtuel totalement dématérialisé, des problèmes de
preuve desdites opérations vont nécessairement se poser, du fait de l'éloignement des parties
au contrat20. Pourtant la question de la preuve du contrat électronique revêt une importance in-
déniable et les règles de preuve du droit positif ivoirien ont été conçues pour des relations
physiques. Aujourd’hui où l’on assiste à une dématérialisation croissante de ces relations dans
le cadre d’opérations virtuelles, la question de la preuve se pose donc avec une acuité particu-
lière. Dès lors, le contrat électronique intrinsèquement immatériel suscite de nouveaux défis et
implique de nouveaux enjeux.

Pacôme KOUADIO, La preuve sur internet : le cas de la vente en ligne, Université de Cocody-
20

Abidjan - D.E.A. 2006, p.3.

7
Cette nouvelle réalité bouleverse considérablement les règles de droit de la preuve lar-
gement pensées et ancrées dans un contexte papier.

Au regard de tout ce qui précède, l’on s’interroge en ces termes : Le législateur ivoirien
accorde-t-il suffisamment d’intérêt à l’écrit électronique aussi bien en matière de validité d’un
acte juridique, qu’en matière de preuve ?

Pour répondre à cette interrogation, il convient d’indiquer que deux fonctions princi-
pales sont généralement attachées à l’écrit à savoir la forme et la preuve. La fonction proba -
toire de l’écrit va de soi. Cependant au-delà des fonctions probatoires, il importe de mention-
ner que parfois l’écrit est exigé comme forme obligatoire et nécessaire à la validité d’un docu-
ment. C’est dans ce canevas que nous situerons notre analyse. Cela dit, lorsque l'on aborde la
nécessité de l'écrit à des fins de validité, nous pouvons remarquer que l'écrit électronique peut
être accepté comme condition de forme de validité du contrat électronique. Cette évolution
traduit une adaptation du cadre juridique aux réalités numériques, autorisant une plus grande
souplesse dans la formalisation des accords. Toutefois, cette acceptation n’est pas totale lais -
sant subsister des distinctions substantielles en ce qui concerne la validité de certains actes.
Cela signifie que des secteurs spécifiques maintiennent une préférence marquée pour l'écrit
traditionnel.

En abordant la nécessité de l'écrit à des fins probatoires, il est incontestable que la loi
accorde explicitement une valeur probante de l'écrit électronique. Cependant, cette reconnais-
sance n'est pas dépourvue de conditions, et la législation édicte des critères rigoureux pour as -
surer l'acceptation d'un document électronique en tant que preuve. Ainsi, avant d’aborder
l’écrit électronique en tant que preuve il convient de s’intéresser aux questions relatives à sa
validité. Tout cela nous conduit à soutenir que l’écrit électronique est difficilement accepté
comme preuve. L'appréciation de la force probante de l'écrit électronique, en fin de compte,
demeure une responsabilité confiée à la sagacité du juge. Cette réalité découle d'une recon-
naissance implicite du caractère dynamique et complexe de l'environnement numérique. Si les
avancées technologiques ont incontestablement simplifié et facilité la création, la transmission
et la conservation des documents électroniques, elles ont également engendré des défis inhé-
rents à la virtualité et à la nature manipulable des données numériques. Dans ce contexte, la
loi, bien qu'établissant des fondements juridiques pour l'utilisation de l'écrit électronique, reste
souvent prudente et ne dicte pas de manière stricte la manière dont la force probante de ces
écrits doit être évaluée.

8
Ainsi nous verrons dans un premier temps que l’admission de l’écrit électronique en
matière de validité d’un acte juridique s’avère mitigée (PREMIÈRE PARTIE).

Ensuite, s’agissant de l’admission de l’écrit électronique en matière de preuve d’un acte


juridique, il convient de dire qu’elle reste difficile (DEUXIÈME PARTIE).

9
PREMIÈRE PARTIE
UNE ADMISSION MITIGÉE DE L’ÉCRIT ÉLECTRONIQUE
EN MATIÈRE DE VALIDITÉ D’UN ACTE JURIDIQUE EN
DROIT IVOIRIEN

10
Dans cette première partie, nous mettrons en évidence le rôle essentiel de l'écrit électro-
nique dans la validation des contrats électroniques, en particulier dans le domaine du com-
merce électronique. L'avènement de ces nouvelles formes de transactions commerciales a en-
traîné une adaptation significative du cadre juridiques pour répondre aux besoins spécifiques
et aux réalités dynamiques du monde numérique. Plus précisément, les formalités inhérentes à
l'offre et à l'acceptation électronique peuvent être satisfaites par l'utilisation de l'écrit électro-
nique, comme l'envoi de courriers électroniques. Cette reconnaissance marque une avancée si-
gnificative, reflétant la volonté du législateur d'adapter les normes traditionnelles pour prendre
en compte les particularités des transactions numériques. Dans cette perspective, nous verrons
comment l'envoi de courriers électroniques peut constituer une forme valide d'offre et d'accep-
tation dans le contexte du commerce électronique. Nous analyserons les critères spécifiques
que la législation moderne met en place pour garantir que ces formalités électroniques soient
conformes aux exigences juridiques tout en facilitant le processus de conclusion de contrats
dans le monde numérique. (CHAPITRE 1).

Cependant, dans le deuxième chapitre, nous aborderons les limites de cette acceptation.
En effet, en dépit des avancées technologiques, des secteurs spécifiques du droit, imposent
toujours une préférence marquée pour l'écrit traditionnel. Pour ces actes, où les enjeux sont
souvent plus personnels et sensibles, la tradition persiste, et l'écrit électronique n'est pas admis
en tant que condition de validité. Nous examinerons ainsi les raisons sous-jacentes à cette ré-
serve, mettant en lumière les nuances juridiques qui continuent de circonscrire l'acceptation
totale de l'écrit électronique dans certaines sphères du droit. Par ailleurs, lorsqu'on prend en
considération les formalités rigoureuses exigées pour la validité de ces actes spécifiquement
exclus, il devient manifeste qu'elles ne peuvent être réalisées par voie électronique. Cette
constatation découle de la nature particulière de certains actes juridiques qui imposent un for-
malisme strict, lequel ne peut être pleinement respecté dans le cadre numérique. La complexi-
té et l'exigence de certains processus légaux imposent des formalités qui requièrent souvent la
présence physique des parties ou la manipulation de documents tangibles. Si la dématérialisa-
tion offre des avantages incontestables en termes d'efficacité et de rapidité, elle se heurte aux
limites imposées par la nécessité de respecter des procédures rigoureuses dans des domaines
où la tradition et le formalisme demeurent prédominants (CHAPITRE 2).

11
CHAPITRE 1 : UNE ADMISSION DE L’ÉCRIT ÉLECTRONIQUE
COMME CONDITION DE VALIDITÉ DU CONTRAT DE COMMERCE
ÉLECTRONIQUE

L’article 27 de la loi ivoirienne de 2013 relative aux transactions électroniques prévoit


que lorsqu'un écrit est exigé pour la validité d'un acte juridique, il peut être établi et conservé
sous forme électronique. Cet article a des incidences significatives sur la conclusion des
contrats, notamment dans le domaine du commerce électronique. En vertu de cet article, les
parties impliquées peuvent utiliser l'écrit électronique pour établir les documents nécessaires à
la formation du contrat. Par conséquent, dans le contexte précis du commerce électronique, où
les transactions se déroulent de manière virtuelle, cet article légitime l'utilisation de l'écrit
électronique pour la validité desdites transactions. Ce chapitre abordera deux aspects cruciaux
de l'utilisation de l'écrit électronique pour la validité du contrat de commerce électronique.
Tout d'abord, nous explorerons son rôle prépondérant au stade de l'obligation d'information
précontractuelle (Section 1), soulignant ainsi sa capacité à faciliter la transmission rapide et
efficace d'informations cruciales entre les parties. La seconde section mettra en lumière le rôle
crucial de l'écrit électronique au stade de l'échange des consentements par voie électronique
(Section 2).

Section 1 : L’intervention de l’écrit électronique au stade de l’obligation


d’information précontractuelle

Les exigences de loyauté et de bonne foi du droit commun ne suffisent pas à protéger
efficacement le consommateur qui contracte à distance. Le législateur encadre alors le contrat
à distance, en imposant à la charge du professionnel, une obligation d’information renforcée
en faveur du consommateur. Cette obligation a pour objectif d’éclairer son consentement en
amont de la formation du contrat à distance afin de lui permettre de s’engager en toute
connaissance de cause. Ces informations précontractuelles sont édictées à titre impératif et
leur respect est d’ordre public. Il convient d’indiquer que le législateur ivoirien n’a donné au-
cune définition à l’obligation d’information aussi bien dans le domaine de vente traditionnelle
que dans celui du commerce électronique. Cela dit, elle vient « compenser le déficit de
connaissance mutuelle des parties et l’impossibilité de déterminer les caractéristiques maté-

12
rielles du produit, qui est une source de méfiance et peut mettre en péril le développement du
commerce électronique »21

Seront donc successivement analysés la communication d’informations relatives à


l’identification du e-fournisseur (Paragraphe 1) et la communication d’informations relatives
aux conditions contractuelles (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La nécessité de l’écrit électronique pour la communication d’infor-


mations sur l’identité du e-fournisseur

L’identification du e-fournisseur22 dans le contrat de commerce électronique est cruciale


pour garantir la transparence et permettre aux consommateurs de prendre des décisions éclai-
rées en connaissant l'entité ou la personne avec laquelle ils traitent. Cette transparence ren-
force la confiance des consommateurs, élément essentiel pour encourager les transactions en
ligne. Mais par quel moyen de fait cette communication. Nous verrons qu’elle peut être pos -
sible soit par courrier électronique (A), ou via les plateformes en ligne (B).

A- Un écrit électronique constitué par échange de courriers électroniques

Les individus ont très tôt réussi à trouver des moyens de communication différés
permettant un affranchissement et une alternative au mode de communication par excellence
que constitue la communication directe. Comme l’ont notamment défini deux théoriciens
américains de la communication, elle est définie comme un processus durant lequel les
participants créent et partagent de l’information dans le but d’atteindre une compréhension
mutuelle. C’est un échange, un processus mutuel d’information partagé entre plusieurs
personnes, soulignant le fait qu’une telle information partagée dans la durée conduit
inévitablement les individus à converger ou diverger les uns des autres dans la compréhension
mutuelle.

Les progrès technologiques et l’émergence de nouveaux moyens de télécommunications


au XIXe siècle ont eu un rôle décisif et nécessaire dans la diffusion de moyens de
communication assistés technologiquement tels que le télégraphe et le téléphone. De fait, « la
véritable rupture [en matière de communication à distance] n’intervient qu’avec la
21
Nacera KHALOUI, La protection civile du consommateur à travers l’internet, thèse de doctorat, fa-
culté de droit et sciences politiques, Université Mouloud Mammeri- Tizi Ouzou, 2018, p. 37
22
Le terme "e-fournisseur" peut être compris comme une contraction de "fournisseur électronique" ou
"fournisseur en ligne"

13
transmission à distance des messages par l’intermédiaire d’un média » 23. Etymologiquement,
un média désigne un « moyen » et plus précisément un moyen de transmission des messages,
grâce à un appareillage technique qui permet la conservation des informations et favorise la
rétroaction. Le courrier électronique entre donc dans cette catégorie.

Le courrier électronique transmis par le biais d’une messagerie électronique installée sur
un ordinateur (lui-même connecté à internet) a été l’un des premiers services proposés aux
internautes. Ainsi, le courrier électronique implique une adresse spécifique, tout comme les
correspondances postales ne peuvent être acheminées sans l’indication de l’adresse postale du
destinataire. Par ailleurs, rappelons comme le souligne un auteur dans son ouvrage, que le
courrier électronique subit 5 types de traitements exécutés de façon séquentielle 24: en premier
lieu sa création et sa préparation effectuée par l’émetteur qui consiste essentiellement à créer
le message et à saisir des paramètres nécessaires à son émission, après quoi le message est
prêt à être émis. Parlant de son émission, c’est l’envoi du message dans le système de
messagerie qui passe alors à l’état émis. Le message est transmis au système de transfert et on
emploie aussi le terme de soumission pour exprimer le fait qu’une fois envoyé, le message
n’est plus en la possession directe de l’utilisateur, mais est entré dans un processus
d’acheminement qui le traite jusqu’à la remise au destinataire. En ce qui concerne le transfert
du courrier électronique, celui-ci s’effectue par une série d’opérations successives jusqu’à la
boîte aux lettres du ou des destinataires. Lorsqu’il y’a plusieurs destinataires, le message doit
être dupliqué en autant de fois que de chemins estimés vers les correspondants et transporter
indépendamment des autres. Une fois le message transmis, il y’a la question de la remise. En
effet, le message est déposé dans la boîte mail du destinataire. Le message sort alors du
système de transfert et un accusé de réception peut alors être envoyé à l’expéditeur. Enfin la
lecture constitue la dernière étape du processus. Elle caractérise l’ouverture du courrier par
l’abonné et peut donner lieu à la génération d’un avis de réception. Le message passe de l’état
« lu » à « traité ».

De façon moins technique, et pour reprendre l’analogie de Lucien Rapp, le courrier


électronique peut être décrit comme étant « un mode de communication intermédiaire entre
celui de la poste et celui des télécommunications, combinant leurs avantages respectifs »25.

23
Bruno HENOCQUE, Appropriation des messageries électroniques dans les entreprises en réseau,
Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2002, p. 11.
24
Christophe HANOTTE, « Les messageries électroniques », Paris, Presses universitaires de France,
1998, In : Revue d'histoire et de philosophie religieuses, 81e année n°1, Janvier-mars 2001. p.33.
25
Lucien RAPP, Le courrier électronique (E-mail), Que sais-je ? 1998, p.9.

14
Relativement à l’identification du e-fournisseur via l’envoi de courrier électronique, elle
se justifie clairement dans la mesure où, le courrier électronique contient par définition des
données nominatives, puisque la plupart du temps, une adresse électronique comporte un nom
ou un prénom, voir les deux. De fait, l’adresse électronique dispose de données à caractère
personnel, parfois accompagnés d’autres renseignements tels que l’origine géographique du e-
fournisseur.

B- Un écrit électronique constitué par le biais de plateformes en ligne

Il y a une distinction à faire entre site internet et plateforme en ligne. En effet, si les sites
internet ne sont en réalité qu’une extension, voir une transposition dans le monde du virtuel
d’un modèle préexistant de commercialisation, les plateformes en ligne sont au contraire plus
originales. Pour définir d’un point de vue général le terme de plateforme numérique,
nonobstant les définitions très matérielles26, il s’agit d’un ensemble varié de services en ligne
et d’acteurs offrant des services d’intermédiation. Comme exemple nous pouvons citer les
marketplaces27. Ce sont des acteurs variés dans l’écosystème numériques qui disposent de
caractéristiques variables (en taille, revenus…) et qui évoluent dans des secteurs d’activités
différents (distribution, hébergement, transport, réseaux sociaux…) de sorte qu’avec l’accès
facile à internet et son développement, les consommateurs et entreprises en font une
utilisation quotidienne28. Les plateformes en ligne jouent un rôle crucial dans la
communication d’informations sur les e-fournisseurs dans le cadre du commerce électronique.
Grâce aux fonctionnalités de messagerie intégrées, les plateformes en ligne offrent aux e-
fournisseurs la possibilité de communiquer directement avec les clients, répondant à leurs
questions et fournissant des informations supplémentaires sur les produits ou services
proposés. Par le truchement des plateformes en ligne, l'identification du e-fournisseur se
réalise par l'inclusion d'informations spécifiques sur ladite plateforme. En effet, le nom ou la
raison sociale du e-fournisseur est précisé, offrant une clarification sur l'entité ou la personne
exploitant l'activité. De plus, l'adresse physique du e-fournisseur, ou une adresse électronique
de contact, est généralement fournie, permettant aux consommateurs de le localiser ou de le
joindre facilement. Les coordonnées de contact, comme le numéro de téléphone ou l'adresse
e-mail, sont souvent incluses pour faciliter la communication. Si le e-fournisseur est une entité

26
Définition consultée sur https://www.cnrtl.fr/definition/plate-forme
27
JUMIA CI par exemple
28
Lucien RAPP, Le courrier électronique (E-mail), op cit

15
légale assujettie aux formalités d'inscription au registre du commerce et du crédit mobilier
pour les entreprises, ou à l'obligation de déclaration pour les associations, le numéro de son
inscription ou de sa déclaration, son capital social et l'adresse de son siège social. L'ensemble
de ces éléments garantit une identification claire et précise du e-fournisseur.

Le législateur ivoirien ayant saisi l’importance de l’identification du e-fournisseur dans


le commerce en ligne, exige l’identification de chaque auteur d’une offre de contrat de vente à
distance29. Il dispose en effet à l’article 5 de la loi de 2013 relative aux transactions
électronique que : « Sans préjudice des autres obligations d'information prévues par les textes
législatifs et réglementaires en vigueur, toute personne physique ou morale qui exerce le
commerce électronique est tenue d'assurer à ceux à qui est destinée la fourniture de biens ou
la prestation de services un accès facile, direct et permanent utilisant un standard ouvert aux
informations suivantes : s'il s'agit d'une personne physique, ses nom et prénoms ; s'il s'agit
d'une personne morale, sa raison sociale ou dénomination sociale ; l'adresse complète de
l'endroit où elle est établie, son adresse de courrier électronique, ainsi que son numéro de
téléphone ; si elle est assujettie aux formalités d'inscription au registre du commerce et du
crédit mobilier pour les entreprises ou à l'obligation de déclaration pour les associations, le
numéro de son inscription ou de sa déclaration, son capital social et l'adresse de son siège
social ; si elle est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, le numéro d'identification fiscale
correspondant ; si son activité est soumise à un régime d'autorisation ou d'agrément, le nom
et l'adresse de l'autorité l'ayant délivré ainsi que les références complètes de l'agrément ; si
elle est membre d'une profession réglementée, la référence aux règles professionnelles
applicables, son titre professionnel, le nom de l'ordre ou de l'organisme professionnel auprès
duquel elle est inscrite.»

Il ressort de cet article que le législateur accorde grande importance à l’identification du


e-fournisseur dans le commerce électronique, celle-ci s’avère déterminante pour la suite du
processus dans la mesure ou le défaut d’informations sur l’identité pourrait susciter une
certaine méfiance chez les consommateurs, constituant par-là même un frein au
développement du commerce électronique. Par ailleurs, l’identification du e-fournisseur
constitue une protection pour le consommateur car il lui permet de savoir avec qui il
contracte, et à qui il peut adresser une réclamation éventuelle 30, car nombreux sont les sites
qui ne peuvent être identifiés en raison de l’absence des coordonnées du professionnel. C’est
29
Article 5 de la loi n° 2013-546 du 30 juillet 2013 relative aux transactions électroniques
30
Virginie GESLAK, La protection du consommateur et le contrat en ligne, DEA, centre de droit de la
consommation et du marché, Université de Montpellier I 2011, p. 44.

16
également le cas du e-fournisseur qui, après paiement tentent de disparaître sans rendre
compte aux destinataires des biens ou services objet du contrat.

Paragraphe 2 : La nécessité de l’écrit électronique pour la communication d’infor-


mations relatives aux conditions contractuelles

Il devient impératif de souligner que l'identification seule ne saurait constituer une


démarche exhaustive dans le domaine des transactions en ligne. Au-delà de la simple
vérification d'identité, un aspect essentiel de l'expérience transactionnelle réside dans la
communication transparente des conditions contractuelles. Cette communication peut s'opérer
de diverses manières, que ce soit à travers les interfaces du site web (A) ou intégrée de
manière fluide au processus de commande en ligne (B).

A- La numérisation des conditions contractuelles sur le site web

Il est évident que le e-commerce apparaît comme une innovation par rapport à la
pratique traditionnelle des transactions commerciales. À ce titre, il faut bien croire que son
essor repose forcément sur des avantages comparatifs qu’il offre par rapport à cette pratique
traditionnelle. La littérature situe ces avantages dans les économies de coûts de transaction
qu’il permet de réaliser au niveau de certains des éléments d’une transaction commerciale. Le
commerce électronique se caractérise incontestablement par de faibles coûts d’information et
donc par une transparence élevée sur les conditions d’offre. Avec Internet, la recherche
d’informations sur les prix est rapide, l’acheteur ne supportant aucun coût de transport pour
acquérir cette information. Il faut noter que l’utilisation d’internet sans le recours à une
information précise peut amener l’internaute à des confusions. C’est la raison pour laquelle le
formalisme informatif renforcé dans le contrat électronique est un outil indispensable pour
éclairer le cyber contractant, attirer son attention, offrant ainsi au contrat électronique, une
clarté et une précision.

Selon une analyse classique, l’information porte sur des faits objectifs se rapportant au
contrat projeté, et est fournie à une partie avant la conclusion de celui-ci. Dans le but
d’éclairer le consentement du consommateur, des informations sur les conditions
contractuelles doivent être communiquer par le commerçant 31. Il s’agit des informations qui

31
Virginie GESLAK, La protection du consommateur et le contrat en ligne, Op cit, p. 50.

17
concernent les caractéristiques essentielles du produit ou du service, les informations sur les
prix et modalités de paiement, les informations sur la date et modalités de livraison, les
informations sur les conditions générales de vente. Les informations relatives aux conditions
contractuelles dans le cadre du contrat de commerce électronique comprennent toutes les
données essentielles concernant les termes, les obligations et les droits qui régissent la relation
commerciale entre le e-fournisseur et le consommateur. Cela englobe une description détaillée
des biens ou services, y compris leurs caractéristiques, spécifications techniques, et tout autre
détail pertinent pour une compréhension claire. Ces informations incluent également le prix
total des biens ou services, précisant toutes les taxes, frais de livraison et modalités de
paiement. En outre, les conditions de garantie et une référence à la politique de confidentialité
du e-fournisseur, font partie intégrante de ces informations. L'objectif est de fournir au
consommateur une compréhension claire de ses droits et obligations, de favoriser la
transparence, et de garantir la conformité aux normes légales du commerce électronique. La
plupart des sites web incluent une page dédiée aux conditions contractuelles. Sur cette page,
l'entreprise peut détailler les règles et les obligations qui régissent l'utilisation du site, les
achats en ligne, les retours, etc. Un lien vers cette page est généralement inclus pour que les
utilisateurs puissent y accéder facilement depuis n'importe quelle page du site. Aussi, Une
politique de confidentialité détaille la manière dont les données personnelles des utilisateurs
sont collectées, utilisées et protégées. Des messages d'avertissement clairs peuvent être
affichés à des endroits stratégiques du site, par exemple à côté du bouton de paiement lors de
la finalisation d'une commande. Ces messages rappellent le plus souvent aux utilisateurs
d'examiner les conditions avant de procéder à la validation. La facilité d'accès aux conditions
contractuelles via ces interfaces contribue à la fluidité des échanges. Toutefois, ces conditions
contractuelles peuvent intervenir un peu plus tard.

B- La constitution de l’écrit électronique lors du processus de commande sur le site


web

Les conditions contractuelles se manifestent de manière substantielle à divers stades du


processus de commande sur un site web, créant un cadre juridique structuré qui guide les
interactions entre les consommateurs et les fournisseurs. Lorsque les consommateurs
effectuent un achat en ligne, il est courant qu’ils soient invités à consulter et à accepter les
conditions contractuelles avant de finaliser leur commande. Au moment de la sélection des
produits ou services, les consommateurs sont invariablement confrontés aux conditions

18
spécifiques à la transaction. Ces conditions décrivent en détail les caractéristiques des biens
ou des services proposés, les modalités de paiement acceptées, les taxes applicables, ainsi que
les coûts de livraison. L'utilisateur doit généralement manifester son accord explicite avec ces
conditions avant de pouvoir passer à l'étape suivante du processus de commande.

Cette étape est cruciale pour établir les termes et conditions qui régiront la transaction
entre le client et le vendeur. Les pages de commande peuvent inclure des liens vers les
conditions générales de vente, la politique de confidentialité, les modalités de paiement et de
livraison, ainsi que toute autre information pertinente. En fournissant ces liens pendant le
processus de commande, les clients ont l’opportunité de prendre connaissance des obligations
et des droits associés à leur achat. De plus, cela permet au vendeur de s’assurer que le client
est pleinement informé des conditions contractuelles avant de finaliser la transaction 32.
L’obligation faite au e-fournisseur de communiquer au consommateur les conditions
contractuelles, transparait clairement à l’article 21 de la loi ivoirienne de 2013 relative aux
transactions électroniques qui dispose que : « Le fournisseur qui propose, à titre
professionnel, par voie électronique, la fourniture de biens ou la prestation de services, met à
la disposition du public les conditions contractuelles applicables d'une manière qui permette
leur conservation et leur reproduction ».

Ces conditions fonctionnent comme un guide juridique, informant les consommateurs


des droits et responsabilités associés à leur achat. Lors de la finalisation de la commande, la
phase cruciale du consentement contractuel s'opère. Les consommateurs sont généralement
invités à cocher une case confirmant qu'ils ont lu et accepté les conditions contractuelles. Ce
geste exprime leur consentement informé à la création d'un contrat légalement contraignant
entre eux et le fournisseur. Les conditions contractuelles, à ce stade, détaillent également les
procédures de confirmation de commande, et les politiques de retour et de remboursement.

Ainsi, le législateur exige que le e-fournisseur présente de manière visible, lisible et


compréhensible, les caractéristiques et le prix des biens ou services proposés en toutes taxes
comprises33, ou le mode de calcul du prix lorsque celui-ci ne peut être fixé à l’avance.

De même, les clauses relatives aux modalités de paiement, aux garanties et aux
limitations de responsabilité sont autant d'éléments cruciaux inclus dans les conditions
contractuelles pour définir les contours de la relation commerciale. En cas de litige ultérieur,
32
Bruno HENOCQUE, Appropriation des messageries électroniques dans les entreprises en réseau,
Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2002, p. 37.

33
Voir article 6 loi n° 2013-546 du 30 juillet 2013 relative aux transactions électroniques

19
ces termes deviennent une référence juridique permettant de résoudre les différends de
manière équitable. Dès lors, les conditions contractuelles ne sont pas simplement des
formalités légales, mais plutôt un mécanisme fondamental qui établit la confiance, clôture
l'accord commercial, et protège les droits des deux parties dans le cadre du processus de
commande en ligne.

De ce qui précède, il ressort que le e-fournisseur dispose de plusieurs moyens


stratégiques pour présenter et soumettre de manière efficace des conditions contractuelles aux
consommateurs au cours de leurs interactions en ligne. L'une des méthodes prédominantes
réside dans l'utilisation habile des interfaces de son site web, où les conditions générales
d'utilisation sont souvent mises à disposition de manière claire et accessible. À travers cette
approche, le e-fournisseur établit un cadre juridique dès le début de l'expérience en ligne,
informant les utilisateurs des règles générales qui régissent leur interaction avec la plateforme.
La communication des conditions contractuelles peut aussi intervenir pendant le processus de
commande en ligne. À ce stade crucial, les conditions contractuelles spécifiques à la
transaction sont présentées de manière détaillée, couvrant des aspects tels que la description
des produits ou services, les modalités de paiement, les frais annexes, et les politiques de
livraison et de retour. Le consommateur est généralement invité à manifester son
consentement explicite en cochant une case, symbolisant ainsi l'acceptation des termes du
contrat avant la finalisation de la commande. La diversité des moyens employés par le e-
fournisseur pour présenter ces conditions contractuelles souligne l'importance de la
transparence et de la communication ouverte dans les transactions en ligne. Cela permet non
seulement de créer un environnement de confiance entre les parties, mais également de
garantir que les consommateurs sont informés de manière complète avant de s'engager dans
une transaction.

En somme, la communication des conditions contractuelles un peu plus tard lors du


processus de commande sur le site web présente à la fois des avantages et des inconvénients.
D'un côté, cette approche peut offrir une expérience utilisateur plus fluide, en évitant de
submerger les clients potentiels avec une masse d'informations dès le départ. Elle permet de
maintenir l'attention sur le produit ou service, favorisant ainsi une décision d'achat plus
rapide. Cependant, cette stratégie comporte également des risques, car elle peut laisser les
utilisateurs moins informés des termes et conditions avant de s'engager, potentiellement
conduire à des désaccords ultérieurs. Une communication tardive des conditions
contractuelles peut être perçue comme une stratégie de vente agressive, et elle peut

20
compromettre la confiance du consommateur. Ainsi, trouver le juste équilibre entre une
présentation claire des conditions dès le début et une expérience utilisateur sans encombre
plus tard dans le processus reste un défi constant pour les plateformes de commerce
électronique, soulignant l'importance d'une conception réfléchie des interfaces pour garantir
une transparence adéquate.

Section 2 : L’intervention de l’écrit électronique au stade de l’échange des


consentements par voie électronique

Avec l’évolution de la technologie, la conclusion de contrat par voie électronique est dé-
sormais possible en tous lieux et à tout moment. Pratiquement tout le monde peut tout acheter
sans avoir à se déplacer au-delà du lieu où se situe son ordinateur connecté à internet. Grâce à
cette technologie de communication, les rapports humains connaissent de nouvelles formes
d’échange. Quoi qu’il en soit, le contrat formé par voie électronique suppose comme tout
contrat de droit commun que les parties expriment leur volonté. L’offre et l’acceptation en
ligne dont la rencontre forme le contrat doivent être strictement encadré et bien adapté dans
l’espace virtuel afin de garantir au co-contractant une sécurité juridique digne de ce nom. Ain-
si, la numérisation des formalités relatives à l’offre (Paragraphe 1) ainsi que celles relatives à
l’acceptation constituent l’essentiel de cette section (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La numérisation des formalités relatives à l’offre

Tout d'abord, nous nous pencherons sur les caractéristiques fondamentales de l'offre
dématérialisée (A). En parallèle, nous examinerons les divers moyens par lesquels cette offre
peut être exprimée dans le cadre d'une transaction en ligne(B).

A- Les caractéristiques de l’offre électronique

L’offre est selon le lexique des termes juridiques, une « manifestation de volonté par
laquelle l’offrant, ou pollicitant, propose à une personne déterminée ou indéterminée la
conclusion d’un contrat dont il énonce les éléments essentiels et exprime sa volonté d’être lié
en cas d’acceptation »34.

34
Lexique des termes juridiques, Dalloz, 2018-2019, p.745.

21
Dans le domaine du commerce international l'offre est définie conformément à l'article
14 de la Convention de Vienne comme étant : « Une proposition de conclure un contrat
adressé à une ou plusieurs personnes déterminées constitue une offre si elle est suffisamment
précise et si elle indique la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. Une
proposition est suffisamment précise lorsqu'elle désigne les marchandises et, expressément ou
implicitement, fixe la quantité et le prix ou donne des indications permettant de les
déterminer. ; Une proposition adressée à des personnes indéterminées est considérée
seulement comme une invitation à l'offre, à moins que la personne qui a fait la proposition
n'ait clairement indiqué le contraire ».

Jacques Ghestin en ce qui le concerne affirme que l'offre est « une manifestation de
volonté unilatérale par laquelle une personne fait connaître son intention de contracter et les
conditions essentielles du contrat. L'acceptation de ces conditions par le destinataire de
l'offre formera le contrat »35.

De ces définitions sus évoquées, nous pouvons dire que l’offre électronique fait
référence à la proposition de biens ou de services par le biais de plateformes en ligne ou
d’autres canaux électroniques. Cela se justifie puisque pour constituer une offre électronique
au sens juridique du terme, « le message affiché sur le site commercial ou envoyé par
courrier électronique doit contenir tous les éléments nécessaires à la conclusion d’un contrat,
c’est-à-dire par exemple la désignation précise du produit proposé ainsi que son prix »36.

L'offre électronique est souvent la première étape où les parties expriment leurs
intentions contractuelles. Dans le cadre du commerce électronique, cette offre peut prendre la
forme d'une page web, d'un courrier électronique, ou d'autres formes d'interactions en ligne.

En effet, lorsque l’offre est émise en ligne, elle doit préciser les étapes à suivre pour
conclure le contrat, les moyens d’identifier les éventuelles erreurs de saisie et de les corriger,
et doit fournir à l’acheteur le moyen de consulter les règles professionnelles et commerciales
concernant le vendeur. La langue française doit figurer parmi les langues proposées. L'écrit
électronique est donc essentiel pour assurer la clarté et la précision des termes du contrat. Les
détails tels que le prix, la description des produits ou services, les conditions de livraison, et
les modalités de paiement sont expressément énoncés dans l'offre électronique. Ces éléments

35
Jacques GHESTIN, « Traité de droit civil, t. II, Les obligations, le contrat », In : Revue internatio-
nale de droit comparé. Vol. 32 N°3, Juillet-septembre 1980. pp. 661-662.
36
Idem

22
créent une base solide pour la formation du contrat en établissant des attentes claires entre les
parties.

L’offre peut être expresse, ou tacite lorsqu’elle est déduite du comportement de son
auteur. Elle doit revêtir différents caractères comme la fermeté, c’est-à-dire qu’elle doit
pouvoir permettre qu’il y ait conclusion du contrat dès lors qu’il y a une acceptation. Elle doit
également être précise, c’est-à-dire qu’elle doit comporter comme nous l’avons déjà indiqué,
tous les éléments nécessaires à la conclusion du contrat futur.

Dans cette perspective, conformément à l’article 18 de l’Acte additionnel portant


transactions électroniques dans l’espace CEDEAO et l’article 21 de la loi ivoirienne sur les
transactions électroniques, le fournisseur électronique des biens ou services est tenu de
préciser dans son offre les éléments suivants : « les différentes étapes à suivre pour conclure
le contrat par voie électronique ; les moyens techniques permettant à l'utilisateur, avant la
conclusion du contrat, d'identifier les erreurs commises dans la saisie des données et de les
corriger ; les langues proposées pour la conclusion du contrat ; en cas d'archivage du
contrat, les modalités de cet archivage par l'auteur de l'offre et les conditions d'accès au
contrat archivé ; les moyens de consulter par voie électronique les règles professionnelles et
commerciales auxquelles l'auteur de l'offre entend, le Cas échéant, se soumettre. »

En vertu du principe du consensualisme, l’offre pas plus que l’acceptation n’obéit à


aucune exigence de forme particulière. C’est qui est essentiel est que le pollicitant, c’est-à-
dire celui qui prend l’initiative de contracter, extériorise sa volonté d’une manière telle qu’elle
puisse parvenir à la connaissance des tiers37.

Ce principe est soutenu par la loi type de la CNUDCI 38, tel que complété en 1998.
L’article 5 de cette loi prévoit que « L’effet juridique, la validité ou la force exécutoire d’une
information ne sont pas déniés au seul motif que cette information est sous forme de message
de données ».

Par ailleurs lorsque l’offre est émise, elle lie le pollicitant qui ne peut en principe se
rétracter. C’est en ce sens que l’alinéa 2 de l’article 21 de la loi ivoirienne de 2013 sur les
transactions électroniques précise que l’auteur de l’offre « reste engagé par elle tant qu'elle
est accessible par voie électronique de son fait ».

37
Pierre BREESÉ, Guide juridique de l'internet et du commerce électronique, Vuibert, 2000, p.122.
38
Loi type de la CNUDCI de 1996 sur le commerce électronique.

23
En outre, l’offre sur internet peut être adressée à un public via le web ou les forums de
discussion. Mais, il peut aussi arriver qu’elle concerne des personnes déterminées. C’est le cas
de l’offre adressée par le biais de courriers électroniques, les IRC 39 (Internet Relay Chat) ou
les ICQ40. En définitive, lorsque l'on considère les caractéristiques de l'offre, notamment la
précision et la fermeté, il devient évident que ces éléments revêtent une importance capitale
dans le processus commercial. La précision implique la clarté et l'exactitude des informations
fournies aux consommateurs, garantissant ainsi une compréhension précise des produits ou
services proposés. Cependant, il est crucial de souligner que la précision doit être
accompagnée de transparence pour éviter toute perception de partialité. La fermeté, quant à
elle, reflète la stabilité et la constance des conditions offertes, créant ainsi un environnement
de confiance pour les parties impliquées. Cependant, il est essentiel de reconnaître que des
politiques trop rigides peuvent parfois entraver la flexibilité nécessaire dans certaines
transactions. Trouver le juste équilibre entre précision et fermeté constitue donc un défi
constant pour les entreprises, soulignant l'importance de l'adaptabilité et de la communication
transparente pour assurer la satisfaction mutuelle des consommateurs et des fournisseurs.

B- Les moyens d’expression de l’offre électronique

Dans le contrat conclu via internet, l’expression de l’offre se fait le plus souvent par la
voie de la publicité ou de la prospection.

En ce qui concerne la publicité, les législateurs de la CEDEAO et des pays membres


notamment le Sénégal, le Burkina Faso et la Côte-d'Ivoire, ne la définisse pas. En effet, elle
est définie par le Centre national de ressources Textuelles et lexicales (CNRTL) comme le «
fait de promouvoir la vente d’un produit en exerçant sur le public une influence, une action
psychologique afin de créer en lui des besoins, des désirs ; ensembles de moyens employés
pour promouvoir un produit »41.

De ce fait, elle est considérée comme un message adressé par un professionnel au public
pour stimuler la demande de biens ou de services. Contrairement à la publicité traditionnelle,

39
L’IRC est un protocole permettant à plusieurs internautes de communiquer en direct dans des forums
privés.
40
L’ICQ qui est admise depuis 2008, est un logiciel de messagerie instantanée, VIP, et de visioconfé-
rence où les utilisateurs sont identifiés par des numéros UIN (Universal internet Numbers).
41
Définition consultée le 26 novembre 2023 à 23h02 sur https://www.cnrtl.fr/definition/dictionnaire.

24
la publicité sur internet revêt une plus grande importance qui s’explique par le fait qu’elle est
moins coûteuse et peut parvenir à un grand nombre de personnes assez rapidement.

Ainsi, l’Acte additionnel A/SA.2/01/10 portant transactions électroniques dans l’espace


de la CEDEAO indique à son article 8 que : « toute publicité, sous quelque forme que ce soit,
accessible par un service de communication en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée
comme telle. Elle doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le
compte de laquelle elle est réalisée ». Ce texte exige une publicité identifiable comme telle,
transparente et loyale tout en interdisant la publicité trompeuse.

S’agissant de la prospection directe, l’Acte additionnel A/SA.2/01/10 portant


transactions électroniques dans l’espace de la CEDEAO définit la prospection directe comme
« tout envoi de message destiné à promouvoir, directement ou indirectement, des biens, des
services ou l’image d’une personne vendant des biens ou fournissant des services ».

Cette définition est reprise par l’article premier de la loi n°2013-546 du 30 juillet 2013
relative aux transactions électroniques en Côte d’Ivoire qui assimile à de la prospection
directe « tout envoi de message quel qu’en soit le support ou la nature notamment
commerciale, politique ou caritative, destiné à promouvoir, directement ou indirectement, des
biens, des services ou l’image d’une personne vendant des biens ou fournissant des services
».

Pour une meilleure protection des utilisateurs des réseaux de télécommunications contre
les messages non sollicités, la prospection directe est réglementée dans la plupart des Etats
membres de la CEDEAO. En effet, elle n’est autorisée que lorsque la personne qui la reçoit a
préalablement donné son consentement pour l’utilisation de ses données, et se fait parfois par
le recours au « spamming » qui apparait comme « l’envoi massif et non sollicité de messages
à vocation commerciale ». Il consiste à envoyer un même message à un nombre important
d’internautes par des techniques diverses, sans que leur volonté de le recevoir ne soit
préalablement requise.

Du fait qu’il est devenu un moyen courant pour réaliser des programmes publicitaires à
grande échelle, le spamming est source de difficulté sur internet et cause des préjudices aux
utilisateurs des réseaux de télécommunications en provoquant l’encombrement des boites

25
mails et la lenteur des connexions. La réglementation du « spamming » est généralement
envisagée à travers « l’opt-in »42 et « l’opt-out »43.

Dans l’espace CEDEAO, la prospection directe est interdite lorsqu’elle utilise, sous
quelques formes que ce soit, les coordonnées d’une personne qui n’a pas donné son
consentement préalable à recevoir des prospections.

L’article 11 de l’Acte additionnel A/SA.2/01/10 portant transactions électroniques


dispose à cet effet, « Est interdite la prospection directe par envoi de message au moyen d’un
automate d’appel, d’un télécopieur, d’un courrier électronique ou tout autre moyen de
communication électronique utilisant, sous quelque forme que ce soit, les coordonnées d’une
personne physique qui n’a pas exprimé son consentement préalable à recevoir des
prospections directes par ce moyen ». Par voie de conséquence, quiconque viole cette
interdiction « Est puni d’une peine d’emprisonnement allant d’un an à cinq ans et d’une
amende 1.000.000 à 10.000.000 F CFA ou l’une de ces deux peines seulement » 44.

Par ailleurs, dans certains cas, la prospection directe par courrier électronique peut être
autorisée. En ce sens la loi ivoirienne de 2013 sur les transactions électroniques prévoit le
recours, sans nécessité de recueillir le consentement préalable de l’internet, à la prospection
directe dans deux situations. Premièrement, lorsque les coordonnées du destinataire ont été
recueillies directement auprès de lui, dans le respect des dispositions de la loi sur la protection
des données à caractère personnel. Deuxièmement, lorsque la prospection directe est adressée
aux abonnés ou clients d'une personne physique ou morale qui a recueilli leurs coordonnées,
en toute connaissance de cause pour des produits ou services analogues.

Au Sénégal et au Burkina Faso, le contrôle sur les prospections directes est effectué par
une Autorité spécifique chargée de la protection des données personnelles. En Côte-d’Ivoire,
il est assuré par l’Autorité de Régulation des Télécommunications de la Côte-d’Ivoire
(ARTCI). Lorsque l’offre réunit toutes les conditions requises, son acceptation par le
destinataire forme le contrat. En somme, l'exploration des moyens d'expression de l'offre, tels
que la publicité et la prospection, met en lumière à la fois leurs avantages et leurs
inconvénients dans le contexte commercial. La publicité, bien que constituant un outil
puissant pour atteindre un large public, suscite des préoccupations quant à la manipulation
42
Les prospecteurs sont tenus d’obtenir, préalablement à l’envoi de courrier électroniques, le consente -
ment des internautes à recevoir des sollicitations.
43
À la différence de l’opt-in, c’est à l’internaute de choisir de ne pas recevoir de mails.
44
Voir article 14 de la loi n°2013-546 du 30 juillet 2013 relative aux transactions électroniques en
Côte-d’Ivoire.

26
potentielle des consommateurs par des messages séduisants et parfois trompeurs. De plus, la
surabondance d'informations publicitaires peut entraîner une saturation chez les
consommateurs, compromettant ainsi l'efficacité du message. La prospection, bien que visant
à établir un contact direct avec les clients potentiels, peut être perçue comme intrusive, surtout
dans un paysage numérique où la protection de la vie privée est une préoccupation croissante.
En somme, tout en reconnaissant la nécessité de ces moyens d'expression dans le monde des
affaires, il est impératif de les utiliser avec responsabilité et transparence, afin de maintenir la
confiance des consommateurs et d'éviter toute forme de manipulation ou d'intrusion
indésirable.

Paragraphe 2 : La numérisation des formalités relatives à l’acceptation

Tout d'abord, nous examinerons les caractéristiques fondamentales de l'acceptation


dématérialisée (A). En parallèle, notre analyse se penchera sur les divers moyens par lesquels
cette acceptation peut être exprimée électroniquement (B).

A- Les caractéristiques de l’acceptation électronique

L’acceptation constitue la dernière étape de la formation du consentement. Elle peut être


définie comme une « manifestation de volonté par laquelle une personne donne son accord à
une offre de contrat qui lui est faite, dans les termes de cette offre. »45

Comme l’offre, l’acceptation comporte un élément volontaire (la volonté de l’acceptant


de s’engager dans la relation contractuelle lancée par l’offrant) et un élément matériel (le
contenu et la forme de l’acceptation).

Autrement dit, l’acceptation c’est l’approbation de l’offre, c’est donner son « oui ».
L’acceptation exprime le consentement du consommateur et sa volonté d’être lié à l’auteur de
l’offre par un contrat.

C’est donc, une manifestation de volonté par laquelle une personne donne son accord
aux éléments essentiels de l’offre qui lui est faite. Par conséquent, l’acceptation doit être une
réponse identique à l’offre au risque de devenir une contre-proposition. C’est dire qu’« une
réponse qui tend à être l’acceptation d’une offre, mais qui contient des additions, des

45
Lexique des termes juridiques, Dalloz, 2018-2019, p.7.

27
limitations ou autres modifications doit être considérée comme un rejet de l’offre, et constitue
une contre-proposition »46.

En matière du contrat conclu par voie électronique, il apparaît nécessaire de veiller à


l’existence du consentement véritable du cocontractant. Un simple clic involontaire ou une
erreur informatique peuvent donner naissance à un contrat électronique non désiré. Cela peut
résulter soit, de l’absence de maîtrise de la configuration du site sur lequel un internaute
souhaite contracter et en conséquence, une mauvaise maîtrise de la technologie employée
pour conclure le contrat, soit, parce que l’internaute a cliqué sans avoir conscience sur les
obligations découlant de ce clic, là encore en raison d’un défaut de compréhension.

L’acceptation, en plus d’être pure et simple, doit être libre, éclairée, et non viciée afin
que le contrat soit valablement formé. En d’autres termes, l’acceptation ne peut être considé-
rée comme valable lorsqu’elle a été émise par erreur, ou lorsque l’acceptant a subi des ma-
nœuvres frauduleuses ou une violence l’obligeant à contracter.

Pour régler ce problème, l’article 22 de l’Acte additionnel A/SA.2/01/10 portant tran-


sactions électroniques interdit l’usage de la contrainte dans le contrat électronique en dispo-
sant que « nul ne peut être contraint de poser un acte juridique par voie électronique ».

Cette interdiction est reprise par certains Etats membres dont le Sénégal 47, le Burkina
Faso48 et la Côte-d’Ivoire49.

Toutes ces dispositions tendent à soutenir l’idée que l’acceptation doit être libre, éclai-
rée, non viciée et émise sans réserve. Si les conditions de l’offre sont réunies, l’acceptation
peut être exprimée de diverses manières pour sa confirmation. En conclusion, l'analyse des
caractéristiques de l'acceptation électronique, devant être pure et simple, éclairée et non vi-
ciée, révèle des critères fondamentaux pour assurer la validité des transactions électroniques.
Cependant, il est crucial de reconnaître les défis inhérents à ces principes dans le contexte nu-
mérique. L'acceptation électronique pure et simple peut parfois être entravée par des clauses
contractuelles complexes ou des interfaces utilisateur peu intuitives, pouvant induire en erreur
les parties prenantes. De plus, l'éclairage complet des termes contractuels peut être compromis
par la tendance à présenter des informations de manière fragmentée ou à dissimuler des élé-

46
Article 245 de l’acte uniforme relatif au droit commercial général de l’OHADA.
47
Voir article 18 de la loi n° 2008 -08 du 25 janvier 2008 sur les transactions électroniques au Sénégal.
48
Voir article 7 de la loi n° 045-2009/AN du 10 novembre 2009 portant réglementation des services et
des transactions électroniques.
49
Voir Article 17 de la loi n°2013-546 du 30 juillet 2013 relative aux transactions électroniques.

28
ments clés. En outre, la garantie d'une acceptation non viciée peut être mise à l'épreuve par
des pratiques de conception trompeuses ou des incitations malhonnêtes. Ainsi, bien que l'ac-
ceptation électronique offre une efficacité et une rapidité indéniables, il est impératif de ré-
soudre ces enjeux pour assurer une transparence totale et garantir que les parties comprennent
pleinement les implications de leurs engagements dans le monde numérique.

B- Les moyens d’expression de l’acceptation électronique

Le destinataire, lorsqu’il adhère aux conditions de conclusion du contrat fixées dans


l’offre, peut manifester son acceptation. L’acceptation peut être exprimée par voie
électronique notamment par l’envoi d’un courrier électronique au destinataire et par le
procédé du « simple clic » ou du « double clic ».

Concernant l’expression de l’acceptation par l’envoi d’un courrier électronique, l’article


18 de la loi ivoirienne de 2013 relative aux transactions électronique susmentionnée précise
que « La voie électronique peut être utilisée pour mettre à disposition des conditions
contractuelles ou des informations sur des biens ou services objets de la transaction ».

S’agissant du simple clic, il a été considéré comme une atteinte au libre consentement
de l’acceptant dans la mesure où ce clic peut être effectué par erreur.

Ce geste contractuel est vu comme étant une pratique dangereuse pour l’acceptant du
fait qu’elle ne lui garantit pas une sécurité juridique satisfaisante.

Toutefois une partie de la doctrine estime que le simple clic est suffisant pour former le
contrat sur internet en affirmant que « les tribunaux pourraient prendre en compte l’usage qui
s’est développé sur Internet pour convenir du fait que le cliquage sur le bouton approuvé
constitue effectivement une acceptation50».

Pourtant, accepter le simple clic comme suffisant pour former le contrat sur internet
pourrait porter préjudice à l’acceptant dans la mesure où celui-ci peut cliquer par mégarde sur
le bouton « valider » ou sur l’icône « envoyer ».

Dans ce cas, il commet une erreur difficile à réparer du fait que le contrat se forme et
par là même, reste producteur d’obligation, en vertu du principe de la force obligatoire des
contrats. Les parties seront donc tenues de l’exécuter sous peine de sanction.

50
Pierre BREESÉ, Guide juridique de l'internet et du commerce électronique, op cit., p.40.

29
Afin d’éviter une telle situation mais aussi pour sécuriser la relation contractuelle sur
internet, le Tribunal de grande instance de Paris considère que le simple « cliquage » du client
est insuffisant pour sceller l’accord des parties au contrat51.

Au plan communautaire, la CEDEAO s’inscrivant dans la même logique que le juge


Français considère que l’acceptation doit être concordante, pure et simple, complète,
suffisamment explicite, consciente et doit porter sur les éléments essentiels de l’offre pour
aboutir à la formation du contrat sur internet.

Ainsi, l’article 19 titré « condition de validité du contrat par voie électronique » de


l’Acte additionnel A/SA.2/01/10 portant transactions électroniques dispose « pour que le
contrat soit valablement conclu, le destinataire de l’offre doit avoir eu la possibilité de
vérifier le détail de sa commande notamment du prix avant de confirmer celle-ci pour
exprimer son acceptation ». Ce principe a été repris par les Etats membres ayant transposé
l’acte additionnel notamment le Sénégal, la Côte-d’Ivoire et le Burkina Faso à travers,
respectivement, les articles 25, 22 et 60 de leurs lois sur les transactions électroniques.

Dès lors, le double clic est considéré comme plus avantageux pour l’acheteur sur
internet. Ainsi, le premier clic lui permet de vérifier les détails de la commande afin que
d’éventuelles erreurs soient corrigées. Lorsque des corrections sont apportées par l’offrant et
que toutes les conditions relatives à l’offre sont respectées, il pourra procéder au second clic
pour manifester son ultime consentement.

Cependant la confirmation de la commande va nécessiter un accusé de réception de la


part de l’auteur de l’offre. Cette idée se justifie par l’article 20 de l’Acte additionnel
A/SA.2/01/10 portant transactions électroniques qui impose à l’offrant d’accuser « réception
sans retard injustifié et par voie électronique de la commande qui lui a été ainsi adressée ».

L’accusé de réception va donc permettre à l’acceptant d’avoir la certitude de la


réception de sa commande par le fournisseur électronique.

Cette disposition a été également reprise par les Etats membres tels que le Sénégal, la
Côte-d’Ivoire et le Burkina Faso.

L’article 30 de la loi ivoirienne de 2013 précitée ajoute que « la remise d’un écrit sous
forme électronique est effective lorsque le destinataire, après en avoir pris connaissance, en a
accusé réception ».

51
TGI Paris, 3ème ch. 7 mai 2014, Actuate corporation/AXA REIM. www.doctrine.fr

30
Par ailleurs, le contrat sur internet est perçu comme étant un contrat à distance. Des
difficultés peuvent naitre quand il s’agit de déterminer le lieu et le moment de la formation
dudit contrat qui est effective dès lors que l’offre et l’acceptation se rencontrent. Pour la
doctrine, la détermination du lieu et du moment de la formation du contrat est essentielle dans
le contrat sur internet dans la mesure où elle entraîne des effets juridiques importants
relativement aux parties au contrat. En effet, la détermination du lieu de la formation du
contrat permet de définir les lois applicables au contrat et aux parties et le juge compétent
pour régler le litige lorsque les parties ne le prévoient pas dans le contrat tandis que celle du
moment permet de fixer les points de départ des délais de livraison, de rétractation et du
moment du transfert de propriété.

Nous n’analyserons pas les différentes théories doctrinales qui s’affrontent relativement
à la question de la détermination du moment et du lieu de formation contrat car le débat ne se
pose pas au niveau de l’espace de la CEDEAO. En effet, l’Acte additionnel A/SA.2/01/10
portant transactions électroniques de la CEDEAO semble consacrer la théorie de la réception
quand elle dispose respectivement en ses articles 19 et 20 que : « pour que le contrat soit
valablement conclu, le destinataire de l'offre doit avoir eu la possibilité de vérifier le détail de
sa commande et son prix total, et d’exiger la correction d'éventuelles erreurs, avant de
confirmer celle-ci pour exprimer son acceptation ». De même : « L'auteur de l'offre doit
accuser réception sans délai injustifié et par voie électronique de la commande qui lui a été
ainsi adressée. La commande, la confirmation de l'acceptation de l'offre et l'accusé de
réception sont considérés comme reçus lorsque les parties auxquelles ils sont adressés
peuvent y avoir accès ».

Ainsi, les Etats membres tels que le Sénégal, la Côte-d’Ivoire ont repris les articles 19 et
20 susmentionnés et consacrent implicitement la théorie de la réception. Toutefois, il faut
considérer le caractère immatériel et transfrontalier du support par lequel le contrat transite
afin de mettre en exergue l’instantanéité des communications électroniques. Un message est
transmis, en principe, aussitôt qu’il est émis. Pour cette raison, certains auteurs pensent qu’il
est inutile de déterminer le moment et le lieu de formation du contrat conclu via internet.

En conclusion, les moyens d'expression de l'acceptation électronique, bien que facilitant


les transactions en ligne, soulèvent des interrogations quant à la pertinence du double clic en
tant que manifestation suffisante du consentement. Si le double clic est souvent utilisé comme
mécanisme pour indiquer l'acceptation des termes et conditions, son efficacité réelle peut être
remise en question. Le simple fait de cliquer deux fois peut ne pas traduire de manière claire

31
et évidente l'intention éclairée de l'utilisateur. Des questions persistent quant à la
compréhension réelle des conséquences légales de ce geste, et le caractère souvent standardisé
des procédures de double clic peut minimiser la portée de l'engagement. De plus, l'utilisation
généralisée de cette méthode peut entraîner une acceptation mécanique sans véritable
réflexion sur les implications contractuelles. Ainsi, bien que le double clic puisse offrir une
commodité apparente, sa pertinence en tant que moyen unique et fiable de manifester le
consentement mérite d'être examinée de manière critique dans le cadre de garantir une
acceptation électronique véritablement éclairée et consciente. De plus, lorsque les formalités
relatives à la formation du contrat sur internet sont respectées par les parties, le contrat est
valablement conclu. Ainsi, en vertu du principe de la force obligatoire du contrat, les parties
doivent l’exécuter de bonne foi.

32
CHAPITRE 2 : UNE EXCLUSION DE L’ÉCRIT ÉLECTRONIQUE
POUR LA VALIDITÉ DES ACTES SOUS SEING PRIVÉS RELATIFS
AU DROIT DE LA FAMILLE ET AUX SURÉTÉS

L’article 23 de l’Acte additionnel A/SA.2/01/10 portant transactions électroniques de la


CEDEAO dispose que lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un acte, il peut être établi et
conservé sous forme électronique. Cependant, le même acte additionnel en son article 24
prévoit des exceptions à l’article précité. Celles-ci concernent spécifiquement les actes sous
seing privé liés au droit de la famille et des successions, ainsi que ceux liés à des sûretés
personnelles ou réelles de nature civile ou commerciale. En d'autres termes, dans ces
domaines particuliers, la forme électronique n'est pas acceptée comme moyen suffisant pour
satisfaire aux exigences légales d’écrit comme condition de validité. Ces domaines juridiques,
impliquant des aspects sensibles et émotionnels, maintiennent une préférence pour la forme
traditionnelle du papier. De plus, les suretés, en raison de leur formalisme strict et hyper
protecteur, restent également en dehors du périmètre de l'écrit électronique. Le caractère
rigide et la nécessité de garantir une sécurité juridique maximale dans ces transactions font de
la forme papier un choix privilégié. Ainsi, que l'écrit électronique permette la formalisation de
transactions en particulier dans le domaine du commerce électronique, il est crucial de
souligner que cette acceptation n'est pas absolue et que certaines catégories d'actes juridiques
demeurent exclues de son champ d'application. Dès lors, nous verrons qu’en dépit du fait que
l'écrit électronique ait révolutionné de nombreux aspects de notre vie, sa portée demeure
limitée par la nature spécifique de certains actes juridiques exigeant un formalisme particulier
(Section 1), incompatible avec l'univers numérique (Section 2).

Section 1 : Des actes soumis à un formalisme particulier

En premier lieu, nous scruterons de près le formalisme entourant les contrats de sûretés,
mettant en lumière l'impératif de l'écrit en tant que forme juridique prédominante
(Paragraphe 1). Cette dimension souligne l'importance cruciale de la documentation écrite
dans la sécurisation des transactions liées aux garanties financières. En parallèle, nous
aborderons un autre volet essentiel, à savoir le formalisme inhérent aux actes de droit de la
famille. Dans ce contexte, nous explorerons la nécessité de l'intervention du notaire dans les
successions, soulignant le rôle central de ce professionnel du droit dans la gestion et la
transmission des biens familiaux (Paragraphe 2).

33
Paragraphe 1 : la nécessité de l’écrit pour la constitution des sûretés

Seront successivement analysés l’exigence de l’écrit comme forme du contrat de sûretés


(A), et la compétence exclusive du notaire pour tout acte portant sur un immeuble (B).

A- L’exigence de l’écrit comme forme des contrats de sûretés

La notion de sûreté est intimement liée à celle de crédit. Généralement, la fourniture


d'une sûreté facilite l'octroi du crédit surtout pour ce qui est du crédit fourni par les banques et
instituions assimilées. Elle s'ajoute et renforce la créance que le créancier a en la personne du
débiteur. Elle peut d'abord être définie comme tout procédé ayant uniquement pour but de
prémunir le créancier de l'insolvabilité du débiteur. L’article 1 de l’acte uniforme relatif au
droit des sûretés les définie comme « l’affectation au bénéfice d’un créancier d’un bien, d’un
ensemble de biens ou d’un patrimoine afin de garantir l’exécution d’une obligation ou d’un
ensemble d’obligations, quelle que soit la nature juridique de celles-ci et notamment qu’elles
soient présentes ou futures, déterminées ou déterminables, conditionnelles ou
inconditionnelles, et que leur montant soit fixe ou fluctuant ».

Les sûretés sont variées et sont par conséquent susceptibles de plusieurs classifications.
On distingue par exemple entre les sûretés légales, les sûretés judiciaires et les sûretés
conventionnelles ou encore entre les sûretés réelles et les sûretés personnelles.

Protection d’origine conventionnelle, légale ou judiciaire, conférée pour garantir le


paiement de sa créance et échapper au concours des autres créanciers 52, la sureté est un
élément indispensable pour tout investisseur. Elle vise à préserver le créancier contre tout
risque futur de non-paiement ou d’insolvabilité. Cette utilité a été très vite perçue par le
législateur OHADA qui a consacré un acte uniforme aux sûretés 53. Ledit acte uniforme qui a
été révisé54 régit à la fois les suretés nées d’un contrat, d’un engagement, d’une décision de
justice ou d’une loi.

Considérés comme des actes créateurs de garantie pour la bonne exécution d’une
obligation, les contrats de sûretés font l’objet d’un formalisme rigoureux quant à leur

52
Cour d’Appel de Ouagadougou, Société ATLANTIQUE TELECOM c/ Société PLANOR AFRIQUE
et Société TELECEL FASO, Arrêt n°030 du 15/05/2009, Ohada J-10-213 www.ohada.com
53
Article 1 de l’Acte uniforme portant organisation des suretés adopté le 17/04/1997.
54
Article 2 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés adopté le 15/12/2010.

34
formation. En effet, les contrats de sûretés tels que le cautionnement 55, le gage56, le
nantissement conventionnel57 et l’hypothèque conventionnelle58 doivent être constatés dans un
acte sous seing privé soit dans un acte notarié, à peine de nullité. Disons que la forme écrite
s’impose aux sûretés personnelles dans la mesure où ces contrats doivent comporter des
mentions obligatoires destinées à qualifier et préciser l’engagement de la caution ou du garant
ou du contre garant, sous peine de nullité. Dans ce type de contrat, la forme écrite n’est pas
une option, elle est une exigence. Cela se justifie aisément par la fonction des contrats de
sûretés dans le monde des affaires. Ces contrats sont censés protéger le créancier
généralement l’investisseur contre l’insolvabilité de son débiteur ou de son partenaire
d’affaires.

L'exigence de formaliser les contrats de sûretés par écrit trouve sa justification dans une
convergence de principes juridiques visant à établir une sécurité juridique, à prévenir les
litiges et à favoriser la confiance entre les parties. En outre, l'écrit confère une permanence et
une objectivité à l'accord, facilitant l'interprétation des termes contractuels dans le temps. La
documentation écrite établit un cadre clair pour les droits et les responsabilités des parties,
réduisant ainsi les risques d'ambiguïté ou de divergence d'interprétation.

En clair, l'écrit comme forme du contrat de sûretés se présente comme un pilier


fondamental assurant la clarté, la stabilité et la sécurité juridique des relations contractuelles
tout en participant à l’instauration d’un climat de confiance.

En conclusion, l'exigence absolue de l'écrit comme forme du contrat de sûreté, excluant


l'écrit électronique, soulève des questionnements dans un contexte où la technologie
numérique est omniprésente. Bien que l'écrit traditionnel ait longtemps été considéré comme
une norme sécurisante, l'évolution rapide des moyens de communication et de documentation
invite à repenser cette exigence rigide. L'exclusion de l'écrit électronique peut entraîner des
lacunes dans la flexibilité et l'efficacité des transactions financières et de sûreté. Les
technologies modernes offrent des mécanismes de sécurité avancés, mais la résistance à les
reconnaître comme équivalents à l'écrit papier peut entraver l'innovation et la modernisation
du secteur juridique. Une approche plus nuancée, intégrant des garanties de sécurité robustes
pour l'écrit électronique, pourrait concilier les avantages de la technologie avec la nécessité de

55
Article 13 et 14 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés révisé.
56
Article 92 et 96 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés révisé.
57
Article 125, 127, 141, 147, 157 et 163 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés révisé.
58
Article 190 et 205 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés révisé.

35
préserver l'intégrité des contrats de sûreté. En somme, tout en reconnaissant les
préoccupations liées à la sécurité, il est impératif d'explorer des solutions plus souples qui
répondent aux exigences contemporaines sans compromettre l'intégrité des transactions
financières.

B- La compétence exclusive du notaire pour les transactions immobilières

Le notaire est un officier public ministériel. Il est à ce titre investi d'une délégation de
puissance publique, et a pour rôle de préparer, rédiger, attester, enregistrer et conserver des
documents, ou actes notariés, qui ont une valeur légale dans les contrats de droit civil, ainsi
que fournir des conseils juridiques. La loi fait du notaire la cheville ouvrière dans
les transactions immobilières de droit privé. D'ailleurs il est fait obligation à tout acquéreur de
bien immeuble de le faire, sous peine de nullité, par devant un notaire car, si ce même bien
était acheté même ultérieurement par un autre acquéreur, le droit du second prévaudrait 59.

Ainsi, il ne fait l’ombre d’aucun doute que le notaire jouit d’une compétence exclusive
en matière immobilière. La première raison est l’obligation faite par la loi de faire appel à un
notaire pour accomplir les actes relatifs aux transactions immobilières.

Ainsi, ni un avocat, un commissaire de justice, un greffier, encore moins un expert ne


peut constater par un quelconque acte, la vente d’un bien immobilier.

La seconde raison est la capacité du notaire à déceler les agissements des personnes mal
intentionnées. En effet, le notaire étant un expert du droit, il informe le futur acheteur des
problèmes susceptibles d’intervenir dans la transaction et pouvant entraîner la nullité d’une
vente notamment : un certificat de propriété portant le nom d’une personne sans que celle-ci
soit le véritable propriétaire.

En effet, il peut arriver que soit le certificat de propriété s’avère être un faux, ou alors
bien qu’il soit vrai, le propriétaire marié sous le régime de la communauté de biens n’a pas
obtenu le consentement de son épouse comme le prescrit la loi avant de procéder à la vente. Il
peut également s’agir d’un directeur de société qui sans procuration spéciale décide de vendre
un immeuble de la société et ceci à l’insu des associés, ou encore un héritier qui vend son
immeuble faisant partie d’un héritage sans le consentement des cohéritiers.

59
LE RÔLE DU NOTAIRE DANS L’IMMOBILIER EN COTE D’IVOIRE, article consulté le 10 dé-
cembre 2023 à 01H20 sur https://www.emoye.ci/blog/le-role-du-notaire-dans-l-immobilier-en-cote-d-
ivoire-1550.

36
La présence du notaire se justifie donc puisqu’il joue un rôle essentiel dans la
vérification de la légalité des opérations immobilières. Il effectue à cet effet des recherches
approfondies sur le titre de propriété, les hypothèques, les servitudes, et autres charges
éventuelles, afin de s'assurer que le vendeur dispose d'un titre de propriété clair et que
l'acquéreur achète un bien exempt de tout litige. Cette diligence raisonnable effectuée par le
notaire protège les parties contre les risques juridiques et financiers, contribuant ainsi à la
pérennité et à la stabilité de la transaction.

Par conséquent, un écrit signé de toutes les parties attestant de la vente d’un terrain bâti
ou non et authentifié par un notaire n’est pas valable. En effet, les actes sous seing privé c’est-
à-dire des actes écrits par des particuliers et comportant leur signature manuscrite en vue de
constater la vente d’un immeuble, sont nuls et ne peuvent faire l’objet d’authentification par le
dépôt au rang des minutes d’un notaire.

En somme, la présence du notaire dans les actes portant sur un immeuble s'avère
indispensable pour assurer la sécurité, la légalité, et la crédibilité de la transaction
immobilière. Par ailleurs, sa diligence dans la gestion des aspects fiscaux contribue également
à éviter des complications futures et à assurer la conformité aux obligations légales.

Paragraphe 2 : L’intervention obligatoire du notaire dans les successions

Cette intervention se situe à un double niveau, tout d’abord dans les successions ab
intestat (A) mais ensuite dans les successions testamentaires (B).

A- Dans les successions ab intestat

Les successions ab intestat désignent les successions qui s’ouvrent et se règlent en


l’absence d’un testament. Ainsi, en matière de successions ab intestat, la succession n’est pas
dévolue selon les dispositions prises par le défunt de son vivant. Elle s’effectue, faute de
dispositions testamentaires, selon les prescriptions de la loi. L’examen de la loi n°2019-573 du
26 juin 2019 relative aux successions nous amène à faire ce constat : le ministère obligatoire
du notaire n’y figure pas expressis verbis. Malgré cette absence de référence expresse à
l’intervention du notaire, plusieurs dispositions de la loi susvisée font implicitement du
notaire, un acteur incontournable du règlement des successions en Côte d’ivoire. Sans avoir la
prétention de relever de manière exhaustive toutes les dispositions de la loi n°2019-573 du 26

37
juin 2019 relative aux successions qui se rapportent au ministère obligatoire du notaire,
quelques illustrations nous permettrons d’étayer notre propos.

Il en est ainsi par exemple lorsqu’un héritier présomptif souhaite accepter une
succession sous bénéfice d’inventaire, il doit avoir recours au ministère d’un notaire. Il ne
peut en être autrement puisque la loi n°2019-573 du 26 juin 2019 relative aux successions
impose un inventaire exprès.

Faut-il le rappeler, l’inventaire est un dénombrement et une évaluation des biens d’une
personne qui s’impose en droit ivoirien, lorsque l’héritier présomptif souhaite se décider à
accepter ou non la succession après en avoir connu la consistance. En règle générale,
l’inventaire s’établit au moyen d’un acte authentique rédigé et délivré par un notaire.
L’intervention de cet officier ministériel est également obligatoire pour procéder aux scellés
de l’inventaire et des comptes.

Par ailleurs, l’opération de partage qui est la dernière étape et qui met fin à l’indivision
et à la liquidation de la succession ne peut s’opérer sans la présence d’un notaire.

En effet, tantôt c’est le juge qui impose l’intervention du notaire lors de l’opération de
partage judiciaire tantôt c’est un ministère obligatoire en cas de partage amiable.

Il ressort de tout ce qui précède que le ministère du notaire est obligatoire à toutes les
étapes du règlement de la succession. Sauf quand l’actif de la banque n’excède pas un million.
Le notaire s’avère donc être une figure de proue de la liquidation de la succession ab
intestat60.

Cependant, la présence d’un testament n’exclut pas l’implication du notaire dans la


liquidation de la succession. En somme, l'intervention obligatoire du notaire dans les
successions ab intestat, bien que visant à assurer une procédure formelle et sécurisée, soulève
des considérations pratiques et des questions d'accessibilité. L'exigence d'une intervention
notariale peut apporter une garantie de légalité et de respect des droits successoraux, mais elle
peut également entraîner des coûts financiers supplémentaires et des délais administratifs.
Dans un monde où la technologie offre des moyens efficaces de gestion documentaire, la
nécessité d'une présence physique du notaire dans toutes les étapes du processus peut sembler
contraignante. L'équilibre entre la protection des intérêts des parties impliquées et la
simplification des procédures mérite d'être examiné. Des réformes axées sur une utilisation

60
Fabien FERRAN, Le Notaire et le règlement de la succession, Paris, LexisNexis, 3ème édition, 2014,
p.165.

38
plus extensive des technologies de l'information pourraient offrir une alternative viable,
garantissant à la fois la sécurité juridique et une plus grande accessibilité pour les citoyens. En
résumé, repenser le rôle du notaire dans les successions ab intestat pourrait permettre
d'harmoniser les exigences formelles avec les besoins contemporains, alliant sécurité
juridique et efficacité procédurale.

B- Dans les successions testamentaires

Les successions testamentaires sont des successions qui s’ouvrent et se règlent selon les
dernières volontés du défunt, stipulées dans un acte juridique appelé testament. Le testament
est l’acte juridique unilatéral par lequel une personne, le testateur, exprime ses dernières
volontés et dispose de ses biens pour le temps qui suivra sa mort61.

En droit ivoirien, il existe trois types de testament : le testament authentique, le


testament olographe, et le testament mystique. Le règlement d’une succession suivant l’une de
ses formes de testament nécessite l’intervention du notaire même si celle-ci n’a pas la même
ampleur dans les trois cas.

Le testament authentique est la forme de testament rédigé par le notaire. Celui-ci


recueille les dernières volontés du défunt et s’efforce de les cristalliser dans un instrumentum.
Le testament authentique est celui qui pose le moins de difficultés au regard de l’analyse de sa
validité juridique. Le seul fait qu’il soit rédigé par le notaire suffit à lui conférer une sécurité
certaine quant au respect des prescriptions formelles édictées par la loi.

La rédaction d’un tel testament obéit à des règles bien précises. Il est dicté par le
testateur au notaire qui l’établir personnellement. Le testament doit être authentifié en
présence du notaire et du testateur par le président du tribunal ou le juge de la section du
tribunal de la résidence du notaire. Sur interpellation du président du tribunal, le notaire donne
lecture de l’intégralité du testament au testateur qui déclare et reconnait que le testament ainsi
lu est l’expression de sa volonté. Le testament authentique bénéficie de la force probante
attachée aux actes authentiques. Les constatations matérielles su notaire et les faits qu’il a
personnellement accomplis font foi jusqu’à inscription de faux62.

En ce qui concerne le testament olographe, il est entièrement écrit, daté et signé de la


main du testateur. La signature doit être apposé à la suite des dispositions de dernières
volontés à peine de nullité du testament. C’est la forme de testament la plus usitée en pratique,

61
Yves-Henri LELEU, La transmission de la succession en droit comparé, Bruylant, 1996, p.35.
62
Yves-Henri LELEU, La transmission de la succession en droit comparé, Op cit, p.46.

39
mais c’est également celle qui fait le plus souvent l’objet de contestation. C’est la raison pour
laquelle, l’intervention du notaire s’avère indispensable pour la vérification de la régularité
formelle de ce testament. En effet, le notaire doit se montrer très vigilant et vérifier l’existence
cumulative des trois caractères constitutifs d’un tel testament : l’écriture, la date, la signature
manuscrite. Le défaut de l’un de ces éléments entraine la nullité de l’acte. Le testament doit
être écrit de la main du testateur.

L’exigence d’une écriture manuscrite est impérative, le testament dactylographié n’étant


pas valable. L’identification de la date est nécessaire à deux égards.

Elle permet de déterminer si le testateur était capable au moment où il a rédigé le


testament et, pour le cas où le défunt avait fait plusieurs testaments, elle indique celui qui
recevra exécution : le dernier testament étant censé modifier les autres. La signature a deux
fonctions dans les actes juridiques. Elle permet d’identifier l’auteur de l’acte, et d’assurer
celui-ci a manifesté son approbation. La première fonction est accessoire en matière de
testament olographe, puisque même s’il n’est pas signé, on peut savoir si c’est le testateur qui
l’a écrit au moyen d’une expertise graphologique. La seconde fonction est fondamentale, elle
permet de distinguer le testament définitif d’un simple projet, brouillon ou testament
inachevé.

Étant un acte sous seing privé, le testament olographe ne fait foi que jusqu’à preuve
contraire. En conséquence, la sincérité de l’écriture et de la signature peut être contestée selon
les moyens de droit commun. Ainsi, le travail de vérification qu’effectue le notaire, fait de lui
un acteur indispensable dans le règlement de la succession sur la base d’un testament
olographe. Il en confirme la validité et en garantit autant que faire se peut, l’absence ou le
minimum de contestation possible.

Enfin parlant du testament mystique, il est celui où le testateur sachant lire, l’écrit ou le
fait écrire par un tiers, et le présente au notaire après l’avoir signé. Le notaire dressera l’acte
de suscription sur l’enveloppe. Le testament mystique est rarement rencontré en pratique à
cause de son formalisme complexe.

Un tel testament ne peut être fait que par une personne sachant lire. Il doit être écrit par
le testateur ou par un tiers de façon manuscrite et signé par celui-ci. En revanche la loi n’exige
pas de dater le testament, qui ne prend date qu’au jour de l’établissement de l’acte de
suscription. L’acte de suscription est établi après la présentation du testament au notaire.

40
Cette présentation au notaire a pour but de conférer la qualité de testament mystique à
un document qui, avant cette formalité n’est qu’un simple projet.

Le testament mystique a une nature mixte. Il comprend à la fois un acte sous seing
privé, l’acte testamentaire, et un acte authentique, l’acte de suscription.

De tout ce qui précède, il ressort que les constatations matérielles du notaire et ses
affirmations quant au respect des formalités prescrites par la loi font foi jusqu’à inscription de
faux. De ce qui précède, l'intervention obligatoire du notaire dans les successions
testamentaires constitue un élément crucial du processus successoral visant à assurer la
légalité, l'authenticité et la préservation des dernières volontés du défunt. L'expertise du
notaire apporte une sécurité juridique essentielle, garantissant la validité du testament et la
distribution équitable des biens conformément aux souhaits exprimés. Cependant, cette
exigence peut parfois être perçue comme une formalité complexe et coûteuse, notamment
pour les successions de moindre envergure. Il est important de trouver un équilibre entre la
protection des intérêts des héritiers et la simplification des procédures, peut-être en explorant
davantage l'utilisation de technologies sécurisées pour la rédaction et la conservation des
testaments. En résumé, bien que l'intervention notariale demeure cruciale pour la sécurité
juridique, une réflexion sur des mécanismes plus agiles pourrait contribuer à rendre le
processus successoral testamentaire à la fois efficace et accessible.

Section 2 : L’inadaptation dudit formalisme au contexte virtuel

Cette inadaptation se justifie tout d’abord par une accentuation du formalisme prévu
pour les actes se rapportant au droit de la famille et au sûretés (Paragraphe 1). Si nous tenons
compte de toutes les formalités y afférentes, nous pouvons dire qu’il est manifestement
difficile de les réaliser dans un environnement numérique (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Un formalisme accentué pour la protection des intérêts en présence

L’idée derrière ce formalisme accentué reste et demeure la protection des intérêts en


présences. Il peut s’agir de ceux des parties (A) ou même des tiers (B).

41
A- Pour la protection des intérêts privés

D'un point de vue général, la téléologie, qui consiste à dire que toute norme ou
institution doit être interprétée et appliquée en tenant compte de sa finalité, invite,
relativement à la forme des contrats, à se demander ce à quoi cela sert.

Trois réponses peuvent être apportées. En théorie, le formalisme sert à réduire le


contentieux, puisque le contenu du contrat sera clair. Ensuite, il sert à assurer la sécurité de la
circulation des biens et empêche ainsi les fraudes à l'égard des tiers, puisque pour l'acheteur et
pour l'acheteur de l'acheteur, la question de savoir quel est le bien transmis et dans quelles
conditions est claire. Mais la forme peut aussi avoir une fonction psychologique en ce sens
qu'elle oblige le contractant à prendre du recul et à réfléchir avant de contracter. Le fait de
cliquer sur la souris reliée à un ordinateur a-t-il la même force psychologique que le fait
d'apposer une signature au bas d'une page ? Il convient d'en douter.

Tout d’abord, la forme écrite a pour finalité de protéger les contractants 63. Elle est
envisagée comme un instrument légal destiné à renforcer le consentement en attirant leur
attention sur la gravité de certains contrats ayant une importance considérable. Cela
s’explique par le fait que l’exigence d’une forme solennelle soit couvre l’acte en son entier,
soit impose des mentions obligatoirement insérées dans le contrat en vue d’éclairer son
contenu. En effet, un engagement écrit s’avère plus précis qu’un engagement oral qui risque
d’être pris à la légère ou d’être frauduleusement capté. Ainsi l’exigence d’un écrit permet de
faire une rationalisation du vouloir, car toute la force du rite d’écriture est d’agir sur la
délibération du contractant en l’invitant à la vigilance. Or, à bien y réfléchir, il apparaît que ce
sont les modalités concrètes du rite formel qui lui permettent d’assurer cette fonction première
de prévention. Cette justification est plus nette encore lorsque la loi exige des mentions
insérées dans le contrat en vue de donner des informations complètes.

En dehors de la finalité de protéger les contractants, la forme solennelle vise encore à


protéger d’autres personnes, en particulier les tiers au contrat. Dès lors, la téléologie de la
forme des contrats oblige à réfléchir sur l'identité entre forme écrite et forme électronique
pour les contrats électroniques car en l'état actuel du droit des contrats, le formalisme requis
constitue un obstacle au développement du commerce électronique. En conclusion,
l'accentuation du formalisme aux fins de protection des intérêts privés est une pratique

63
Jacques ZILLER « Les instruments juridiques de la protection des intérêts diffus et des biens collec -
tifs : Le rôle des pouvoirs privés et la rentrée des pouvoirs publics », Revue internationale de droit
économique, vol. xvii, no. 3-4, 2003, pp. 495-510.

42
juridique qui vise à instaurer une rigueur dans les procédures et les transactions, garantissant
ainsi la sécurité et la préservation des droits individuels. Ce formalisme, souvent ancré dans
des normes légales et notariales, offre une certaine prévisibilité et un cadre juridique robuste
pour les parties impliquées. Cependant, il est important de reconnaître que cette approche
formelle peut parfois être perçue comme complexe et coûteuse, pouvant représenter un
obstacle à l'accès à la justice pour certains individus. Trouver un équilibre entre la protection
des intérêts privés et la simplification des procédures est un défi constant auquel les systèmes
juridiques sont confrontés. En résumé, bien que le formalisme soit un moyen crucial de
préserver les droits individuels, son application doit être nuancée pour assurer une justice
équitable, accessible, et adaptée aux réalités contemporaines.

B- Pour la protection de l’intérêt public

La forme écrite est aussi destinée à protéger l’intérêt public, plus exactement elle a pour
finalité de garantir à la fois l’intérêt public et l’intérêt privé, ces deux objectifs se recoupant. Il
est alors prouvé que la forme solennelle protège le consentement en incitant les parties à la
réflexion, évitant ainsi de s’engager à la légère. En ce sens, elle est destinée à assurer la
sécurité des relations économiques et sociales64. À titre d’exemple, citons l’exigence de la
rédaction d’un acte notarié pour le contrat de donation. Cette exigence a pour objectif, non
seulement de faire réfléchir les parties, mais encore de garantir la preuve et l’irrévocabilité de
celle-ci, voire sa publicité dans la mesure où les actes notariés doivent faire l’objet d’un
enregistrement.

De plus, la forme solennelle pour autant qu’elle ne soit pas poussée à l’extrême,
renforce généralement la sécurité des transactions contractuelles. Elle évite en effet toute
discussion ultérieure sur la formation du contrat et sur son interprétation. Du point de vue de
la résolution des différends en matière contractuelle, la forme solennelle facilite toujours la
tâche du juge lorsque des contestations s’élèvent au cours de litige.

Elle a pour finalité d’assurer l’ordre et la clarté des débats et permettre à chacun de
vérifier la bonne marche du procès. Effectivement, elle « répond à la fois à un but d’intérêt

64
Emmanuel HOUENOU, La contractualisation du droit des sociétés : l’ordre public à l’épreuve de
la liberté contractuelle dans les sociétés commerciales de l’OHADA. Droit. Université Panthéon Sor-
bonne - Paris I, Université d’Abomey-Calavi (Bénin), 2019, p.45.

43
public, à un principe fondamental du droit processuel qui veut que l’on ne puisse juger
quelqu’un sans s’être assuré qu’il a été appelé et mis à même d’être entendu »65.

D'un point de vue plus juridique, la notion classique du formalisme contractuel, c'est à
dire la formalité exigée par la loi pour la validité d'un contrat, se base sur une relation de
dépendance directe entre l'acte juridique et le fait matériel. D'après certains auteurs,
l'inobservation de la forme juridique prescrite pour la manifestation de la volonté trouve sa
sanction dans l'acte même. On constate alors deux caractéristiques importantes du
formalisme, qui sont d'une part, la nécessité, sous peine de voir la validité du contrat remise
en cause, et d'autre part l'exclusivité, qui seule puisse rendre la règle de formalisme
reconnaissable en tant que telle. En effet, la définition classique du formalisme basée sur ces
deux caractères parait stricte et rigoureux, et ne peut s'adapter facilement avec la vivacité du
domaine de commerce électronique. La nature dynamique et rapide de ce secteur nécessite
une adaptation du formalisme traditionnel pour répondre aux défis et aux opportunités
uniques associés au commerce électronique. En imposant des procédures rigoureuses et des
exigences formelles, les systèmes juridiques visent à garantir une administration de la justice
équitable et transparente, tout en assurant la protection des droits fondamentaux de la société.
Cependant, il semble essentiel de reconnaître que l'accentuation excessive du formalisme peut
parfois conduire à une complexité inutile et à des délais prolongés, posant ainsi des défis en
termes d'accessibilité et d'efficacité. Trouver un équilibre entre la protection de l'intérêt public
et la simplification des procédures reste donc un enjeu majeur pour les systèmes juridiques
modernes. En somme, bien que le formalisme soit un outil essentiel pour garantir la justice
publique, on application doit être guidée par la recherche constante d'une balance entre la
rigueur formelle et l'efficacité procédurale.

Paragraphe 2 : Un formalisme manifestement difficile à réaliser dans le contexte


virtuel

Cette difficulté tient à l’absence d’équipollent à une forme solennelle (A). Toutefois il
y’a lieu de prévoir un formalisme de substitution (B).

65
Fabien FERRAN, Le Notaire et le règlement de la succession, Paris, LexisNexis, 3ème édition, 2014,
p 45.

44
A- L’absence d’équivalent au formalisme traditionnel

Le développement de l’imprimerie et l’alphabétisation croissante de la société ont


progressivement conféré à l’écrit une aura particulière qui a déteint sur le droit. À telle
enseigne que l’écrit est progressivement apparu comme un moyen privilégié pour consigner
fidèlement la volonté des parties contractantes, voire les protéger. Même si le consensualisme
est demeuré la règle, un formalisme des actes juridiques s’est progressivement développé au
moyen de l’écrit et de ses dérivés, la signature, les mentions manuscrites, la lettre
recommandée… Ces exigences de forme pouvaient s’appuyer solidement sur le papier,
support tangible, durable et rassurant, unissant l’écriture et la volonté, revêtu d’une certaine
force symbolique, et jusqu’alors sans rival. Aussi, on imagine sans peine l’émoi suscité dans
le monde juridique par le développement de l’informatique et des télécommunications,
entraînant la « dématérialisation »66 des documents et la perte des repères séculaires véhiculés
par le papier. En effet, Le principe du consensualisme est censé dominer en des contrats. Par
consensualisme, « on n’entend pas l’absence de forme, mais la liberté de la forme, puisque
les parties sont libres de choisir le mode d’extériorisation de leur volonté »67. Par conséquent,
le consentement peut se manifester expressément ou tacitement, par n’importe quel procédé,
oral ou écrit, personnel ou impersonnel, signé ou non signé, manuscrit, imprimé ou
dactylographié, en original, par reproduction ou par transmission. « Il peut même résulter de
tous signes, actes ou attitudes qui font connaître le consentement d’une manière non
équivoque, ou le supposent nécessairement » 68. Pourtant le législateur se montre ferme en ce
qui concerne le formalisme des actes se rapportant au droit de la famille et aux sûretés. Même
si cette posture s’avère compréhensible dans une certaine mesure, elle reste toutefois
critiquable car mettant en relief certaines lacunes laissant planer un doute sur l’adaptation
totale du droit au NTIC. Les exemples de l’absence de forme équipollente sont nombreux en
droit ivoirien. Ainsi, la cour d’appel d’Abidjan n’a jamais admis la validité d’un acte de
cautionnement pour absence de mentions impératives du cautionnement. De même, le tribunal
de commerce d’Abidjan, refuse d’approuver une reconnaissance de dette au motif que celle-
ci, ne contient aucun montant.

66
Lucas ANDRÉ, Droit de l’informatique et de l’Internet, Paris, PUF, 2001, p. 13.
67
DEMOULIN Marie, Droit du commerce électronique et équivalents fonctionnels, Théorie critique,
Bruxelles, Larcier, 2014, p.18.
68
Idem.

45
De ce qui précède, nous pouvons affirmer qu’il n’existe pas d’équipollent à une forme
solennelle69. En somme, l'absence d'équivalent au formalisme prévu en matière de sûretés et
de successions soulève des préoccupations quant à la modernisation et à l'adaptation des
procédures juridiques aux réalités contemporaines. Bien que le formalisme traditionnel ait
longtemps assuré la sécurité et la légitimité des transactions, son inadaptabilité aux
innovations technologiques et aux évolutions sociales peut constituer un frein à l'efficacité et à
l'accessibilité des processus juridiques. Cette lacune expose les parties impliquées à des
procédures souvent complexes et coûteuses, entravant parfois l'accès à la justice. Il devient
impératif d'introduire un formalisme de substitution, plus flexible et en phase avec les
avancées technologiques, tout en garantissant la protection des intérêts des parties. Cette
transition nécessite une réflexion approfondie sur la manière de concilier la rigueur formelle
avec une approche plus moderne et efficiente. Les réformes juridiques devraient envisager des
mécanismes électroniques sécurisés, capables de remplir les mêmes objectifs de légitimité et
de protection des droits, tout en répondant aux besoins d'une société de plus en plus
numérisée. En somme, l'absence actuelle d'équivalent au formalisme traditionnel invite à
repenser et à moderniser les pratiques juridiques, introduisant ainsi un formalisme adapté aux
défis contemporains.

B- La nécessité d’un formalisme de substitution

Nous entendons par formalisme de substitution, l'utilisation de nouvelles technologies


ou de nouvelles approches pour remplacer ou compléter les formes traditionnelles de
formalisme juridique. Le formalisme de substitution peut impliquer l'adoption de méthodes
moins rigides ou formelles pour atteindre des objectifs spécifiques, tout en garantissant un
niveau de sécurité adéquat aux parties.

En effet, à côté du caractère irremplaçable de la forme solennelle, il arrive parfois que


plusieurs moyens permettent d’atteindre un même résultat ou un résultat équivalent. De toute
évidence, rien n’empêche les parties désirant parvenir à un résultat déterminé, de choisir un
procédé qui leur permet d’y arriver. Cela se justifie par le principe de la liberté contractuelle,
un postulat selon lequel les individus doivent être libres de définir eux-mêmes les termes de
leur contrat et avec qui ils passent, sans aucune interférence, avec autrui. C’est un principe
fondamental qui découle notamment du droit de se gouverner par sa propre
volonté, et rattaché à la théorie de l’autonomie de la volonté qui signifie que seule la volonté
constitue la source des obligations et plus précisément de tout engagement juridique. Ainsi, si
69
Lucas ANDRÉ, Droit de l’informatique et de l’Internet, op cit., p 34.

46
les parties se sont décidées à contracter, elles doivent être libres de déterminer la mesure de
leur engagement. En outre, c’est à elles de décider du contenu de leur contrat, et de la limite
de leur engagement. Elles peuvent aussi décider elles-mêmes des sanctions qui pourraient
résulter d’un manquement à leurs obligations réciproques et des conditions dans lesquelles la
réparation sera due.

Partant de ce principe nous pensons qu’il devrait être possible d’envisager un


formalisme de substitution, qui ne sera certes pas la règle mais plutôt l’exception. Le
législateur devrait en plus d’accorder une protection aux parties, faire prévaloir la liberté
contractuelle dont elles disposent et ce d’autant plus qu’il est possible d’atteindre la même
finalité par d’autres moyens.

Il importe donc de constater que cette explication est une déduction logique de la
doctrine moderne en reposant sur la théorie d’équivalence. En effet, il existe un formalisme de
substitution ou de remplacement. En clair l’intérêt que l’exigence d’un acte authentique tend
habituellement à sauvegarder, peut être protégé par un procédé différent, mais équivalent 70.

Dans le contexte des transactions passées par voie électronique, le formalisme doit
concilier la nécessité de protéger les intérêts des parties impliquées tout en permettant la
flexibilité et l'efficacité propres à ce domaine. Cela se traduit par une redéfinition des
processus formels pour intégrer des mécanismes qui facilitent les transactions électroniques
tout en maintenant des garanties de sécurité et d'intégrité. En réponse à l'absence d'équivalent
novateur aux formalismes traditionnels dans les domaines des sûretés et des successions, il
serait judicieux d'explorer une approche qui intègre des technologies émergentes, telles que la
blockchain et l'intelligence artificielle, pour créer des mécanismes de formalisme électronique
plus efficaces. La blockchain, en tant que registre décentralisé et sécurisé, offre la possibilité
de consigner de manière immuable et transparente les transactions, assurant ainsi la traçabilité
et la validité des actes. Parallèlement, l'intelligence artificielle pourrait être exploitée pour
analyser les clauses contractuelles, garantissant leur conformité légale et facilitant la
compréhension des parties impliquées. Des contrats auto-exécutant basés sur des algorithmes
intelligents pourraient automatiser certaines procédures tout en respectant les normes légales.
Cependant, ces propositions soulèvent également des défis tels que la protection des données
et la nécessité d'un cadre juridique adapté. La recherche d'une approche novatrice doit donc
s'accompagner d'une réflexion approfondie sur les implications éthiques, juridiques et sociales

70
Pierre CATALA, Le droit à l’épreuve du numérique, Jus ex machina, PUF, 1998, p.37.

47
de l'utilisation de ces technologies. En fin de compte, l'innovation dans le formalisme
électronique doit être guidée par la recherche d'un équilibre entre la modernisation des
pratiques juridiques et la protection des droits et intérêts des parties concernées.

48
DEUXIÈME PARTIE
UNE ADMISSION DIFFICILE DE L’ÉCRIT ÉLECTRONIQUE
EN MATIÈRE DE PREUVE D’UN ACTE JURIDIQUE EN
DROIT IVOIRIEN

49
L'épineuse question de l'acceptation de l'écrit électronique comme preuve transcende les
frontières de la simple reconnaissance formelle, plongeant au cœur d'une multitude de défis
complexes qui préexistent à son évaluation en tant que tel. Avant même d'aborder l'écrit élec-
tronique sous l’angle de la preuve, il est impératif d'explorer les fondations sur lesquelles re-
pose sa validité. Au sommet de cette hiérarchie de préoccupations se trouve l'identification
précise de l'auteur de l'écrit électronique, une tâche rendue ardue par la nature éthérée du
monde numérique, où les frontières de l'anonymat se diluent et où les traces laissées par les
acteurs se perdent dans un labyrinthe de connexions cryptées. Parallèlement, la garantie de
l'intégrité du document électronique s'érige en un autre pilier essentiel, exposant les fragilités
inhérentes aux systèmes d'archivage électronique. Les technologies de préservation, bien que
sophistiquées, peinent parfois à résister aux assauts du temps et des manipulations mal-
veillantes. De même la complexité des méthodes d'archivage électronique, souvent perçue
comme un rempart contre la falsification, s'avère paradoxalement être une source potentielle
d'instabilité et de contestation. Ainsi, tout cela fait naitre des incertitudes sur l’auteur et sur la
conservation de l’écrit électronique, avant même de parler de la preuve (CHAPITRE 1).

En dernière analyse, l'écrit électronique confronté à la dualité de l'identification de son


auteur et à la préservation de son intégrité, se trouve à la croisée des chemins, entre sa recon -
naissance pleine et entière en tant que preuve et la relativité de sa force probante. Le juge en
fin de compte, se voit investi d'une responsabilité délicate, celle de trancher, et d'apprécier la
crédibilité d'un écrit électronique dans un contexte où les frontières entre authenticité et mani-
pulation deviennent de plus en plus floues. Ainsi, la voie vers l'acceptation pleine et entière de
l'écrit électronique comme élément probant demeure un parcours sinueux, appelant à une ré-
flexion approfondie sur les ajustements nécessaires dans le paysage juridique pour s'adapter
aux défis de notre ère numérique en constante évolution (CHAPITRE 2).

50
CHAPITRE 1 : DES INCERTITUDES SUR L’AUTEUR ET SUR L’INTÉ-
GRITÉ DE L’ÉCRIT ÉLECTRONIQUE

La question de l’imputabilité de la responsabilité de l’écrit électronique et partant celle


de son intégrité constituent des éléments déterminant de sa valeur juridique. Cela est donc un
enjeu majeur pour qui souhaite s’assurer qu’il constituera une preuve au même titre que les
documents sur support papier. Nous verrons que cette exigence découle en principe de le
signature électronique, qui n’est cependant pas clairement définie par le règlement n°
15/2002/CM/UEMOA qui se limite à indiquer qu’elle « consiste en l’usage d’un procédé
fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. »71. Par ailleurs
relativement à l’intégrité de l’écrit électronique, elle est assurée par la technique de
l’archivage électronique qui permet de conserver le document électronique en bonne et due
forme. Cependant, les techniques d’archivage proposées s’avèrent complexes et le risque de
leur non maitrise n’est pas à écarter. Ainsi, nous verrons que dans l’univers dématérialisé il
reste tout de même difficile d’identifier l’auteur de l’écrit électronique (Section 1), et que
l’intégrité dudit écrit s’avère discutable (Section 2).

Section 1 : Une difficile identification de l’auteur de l’écrit électronique

Le développement du commerce électronique est subordonné à l'existence de garanties


sur la sécurité des transmissions de données grâce à un système de chiffrement appliqué au
message transmis, sans que ce dernier soit nécessairement lui-même chiffré. L’Internet et les
transactions électroniques ont suscités de nombreuses questions aussi bien techniques que ju-
ridiques. Ainsi ce réseau ouvert à tous, a besoin de toujours plus de sécurité. C’est ainsi que la
signature électronique est devenue indispensable dans la constitution de ce cadre juridique car
elle permet en principe d’identifier le signataire (Paragraphe1). Toutefois, il existe des im-
perfections inhérentes à la signature électronique (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Une identification assurée en principe par la signature électronique

Le législateur ne donne pas une définition précise de la signature électronique (A), mais
il indique les fonctions qu'elle doit remplir (B).

71
Art. 21 al. 1er dudit règlement.

51
A- L’absence d’une définition claire de la signature électronique

Le besoin n’a pas été éprouvé par le législateur de donner une définition de la signature
électronique. Ceci s’explique par le fait que la signature est une notion fort certaine, faisant
partie de l’inconscient collectif que la plupart des gens vivent plutôt que ne la pensent 72.

L’avènement de la signature manuscrite comme phénomène social et réalité juridique a


été la réponse aux besoins impérieux des rapports juridiques. Il existe dans les relations
juridiques une nécessité d’identifier les auteurs des actes, de même que de s’assurer de leur
attitude par rapport aux dits actes, bien que cette nécessité n’ait pas toujours été aussi
clairement définie. Parmi les moyens dont la communauté a fait usage pour atteindre ces
finalités, c’est la signature et plus précisément sous forme manuscrite qui s’est imposée au fil
du temps. Le choix collectif de la signature manuscrite a induit la création de l’institution de
signature en droit. C’est dans ce paysage juridique que le législateur a entendu intégrer de
nouvelles formes de signature tel que la signature électronique.

Sur le plan probatoire en droit civil, la signature se voit attribuer une signification
majeure, parce qu’elle est la seule exigence que le législateur impose à l’acte sous seing
privé73. En effet, en droit civil la portée du document signé, se traduit par la force probante qui
y est attachée.

Cela dit, c’est l’article 83 de l’AUDCG qui aborde pour la première fois la notion de
signature électronique même s’il aurait été bien que le législateur OHADA l’accompagne
d’une définition claire et précise. Mais, le constat étant qu’aucune définition n’a été donnée, il
faut donc se tourner vers d’autre corps de règles afin de mieux cerner cette notion importante
pour le monde des affaires. Déjà sur le continent africain, une définition existait déjà dans le
cadre du droit UEMOA. En effet, l’article 1 er du Règlement de l’UEMOA relatif aux systèmes
de paiement dans les états membres de l’UEMOA définissait la signature électronique, mais
de manière assez floue avec un renvoie à un autre article 74. Il a fallu attendre l’acte additionnel
de la CEDEAO portant transactions électroniques pour avoir une ébauche de définition à la
notion de signature électronique. Ainsi, l’article 1 er de l’Acte additionnel, reprise à l’article 34
dudit acte propose une définition mais qui reste toujours approximative. En effet, cet article

72
Ivan MOKANOV, La teneur du standard de fiabilité des moyens électroniques de signature, Centre
de recherche en droit public Faculté de droit, 2002, p.26.
73
Serge PARISIEN, Pierre TRUDEL, L’identification et la certification dans le commerce électro-
nique, Cowansville, Yvon Blais, 1996, p. 33.
74
Signature électronique : une donnée qui résulte de l’usage d’un procédé répondant aux conditions
définies à l’article 23 du présent Règlement.

52
définit la signature électronique comme « toute donnée qui résulte de l’usage d’un procédé
fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache ». C’est la même
définition qui transparait à l’article 23 du Règlement de l’UEMOA.

Alors que le droit français propose une définition un peu plus complète et fait une
distinction entre différents types de signature électronique en l’occurrence la signature
électronique simple, la signature électronique avancée et la signature électronique qualifiée,
nous pouvons malheureusement souligner que dans le cadre du droit ivoirien, cette distinction
n’est pas encore opérée. Il est clair qu’il existe un seul type de signature électronique en droit
ivoirien. À cet effet, nous pensons qu’il serait dans l’intérêt des états membres de préciser le
cadre des différentes spécifications de cet outil afin de lui garantir une meilleure expansion.

Néanmoins, si l’AUDCG ne définit pas la notion de signature électronique, elle donne


tout de même quelques caractéristiques. Dès lors, pour être admis au titre de signature
électronique, le dispositif mis en place doit être lié uniquement au signataire, permettre
d’identifier dûment le signataire, être crée par des moyens que le signataire peut garder sous
son contrôle exclusif, être liée au document auquel elle se rapporte de telle sorte que toute
modification ultérieure du document soit détectable 75. De plus, la signature électronique
qualifiée requiert la réunion de certains composants techniques. Elle comprend ainsi, un
logiciel de création de signature et un logiciel de vérification de signature et un certificat
électronique, authentifiant le signataire, produit par un prestataire de services de certification
électronique76. Cela nous permet d’aborder les fonctions de la signature électronique

B- Les fonctions de la signature électronique

La signature électronique, en tant qu'innovation majeure dans le domaine des


transactions numériques, remplit une multitude de fonctions essentielles. Sa fonction
principale réside dans l'identification robuste des parties impliquées dans une transaction
électronique. Grâce à des protocoles de cryptographie, la signature électronique assure une
vérification sécurisée de l'identité des signataires. L’identification permet d’établir
juridiquement un lien entre le contenu signé et la personne qui a réalisé le signe 77. En
remplissant sa fonction d’identification, la signature permet d’établir l’origine et la source
d’un acte et par-là, de l’attribuer au signataire prétendu ou présumé. L’identification est un
75
Voir article 83 AUDCG.
76
Voir article 83 AUDCG.
77
Dimitri MOUTON, Sécurité de la dématérialisation, Eyrolles, 2012, p.101.

53
impératif indispensable des rapports juridiques car c’est grâce à elle que l’on obtient
l’information sur l’auteur d’un acte précis pour ensuite utiliser cette information afin de
diriger les conséquences que le droit associe à la réalisation de l’acte. Selon le dictionnaire
Larousse, l’identification peut se définir comme un « processus par lequel le sujet constitue
son identité, sa personnalité depuis l'enfance jusqu'à l'âge adulte » 78. Rechercher l’identité,
selon la définition usuelle précédemment citée, c’est traquer la singularité.

Les auteurs sont unanimes sur le fait que la signature électronique doit être mise en
place selon des critères techniques particulier. Ainsi la signature électronique ne doit pas être
confondue avec certains procédés classiques comme la signature graphique ou la signature
biométrique. Il s’agit plutôt d’un « mécanisme qui repose sur la cryptographie asymétrique
ou cryptographie à clé publique, qui se matérialise par la création de « bi-clés, à savoir une
clé privée et une clé publique propres à chaque émetteur, les clés privées restant secrètes »79.
D’ailleurs, il a déjà été jugé qu’« une signature scannée ou imprimée ne vaut pas signature
électronique »80.

Tout ce mécanisme est requis en raison des fonctions importantes reconnues à la


signature électronique. Il s’agit de l’identification et de la manifestation de l‘adhésion au
contenu de l’acte. Tel que l’écrit un auteur, la signature implique « un graphisme personnel,
essentiellement propre au signataire »81. Comme signe personnel, la signature indique des
caractéristiques d’un individu faisant en sorte qu’on puisse le reconnaître. Cette qualité de la
signature a donné lieu à un débat doctrinal. Selon certains auteurs, l’élément personnel de la
signature signifierait : provenant d’une personne déterminée. Cette perception du caractère
personnel vient s’opposer à celle : « provenant d’une caractéristique unique et physique de la
personne ou correspondant à cette caractéristique ». Le caractère personnel de la signature
est assuré par la combinaison de son contenu traditionnel (le patronyme) et une caractéristique
biométrique de la personne, qu’est son écriture. Il existe la croyance empiriquement vérifiée,
mais sans fondement théorique, que l’écriture est un paramètre strictement personnel et que
deux individus ont nécessairement des écritures différentes 82. Cependant, notons encore ici,
que le caractère personnel de la signature n’est pas une donnée absolue et c’est pour cela que
nous adhérons à la vision moins sévère du caractère personnel de la signature.
78
Larousse en ligne, V° « Identification », sens n° 3.
79
Alain BENSOUSSAN, Informatique, télécoms, Internet, Editions Francis Lefebvre, 2001, p.23.
80
Cass. 2e civ. 30 avril. 2003, n° 00-46.467 : JurisData n° 2003-018798.
81
Arnaud FAUSSE, la signature électronique, transaction et confiance sur internet, Dunod, 2001,
p.87.
82
Idem, p.348.

54
Selon un autre auteur83, dans le cadre contractuel, la signature n’est pas l’élément
déterminant dans l’identification du cocontractant. Dans les rapports contractuels traditionnels
des parties, la signature est assistée dans le processus de l’établissement de l’identité du
signataire par un ensemble de facteurs dont nous ne saurions sous-estimer l’importance. Parmi
ces facteurs il serait pertinent de citer la connaissance physique que les parties ont l’une de
l’autre, composée du sexe, de la physionomie et des autres caractéristiques physiques de la
personne, y compris la voix, la renommée de la personne et son introduction par des
personnes ou sur la base de documents émis par des autorités fiables. La maîtrise préalable de
l’environnement est donc un facteur dont le droit a tenu compte lors de l’élaboration de son
attitude vis-à-vis de la signature manuscrite. Les éléments les plus efficaces, dans cette
entreprise d’identification, ne sont pas choisis par l’individu, et ne varient pas au cours de sa
vie. Cependant, « Le virtuel et le réel constituent désormais un seul et même espace dans
lequel les individus y construisent désormais leur propre identité. »84

Ainsi les communautés virtuelles tel que les forums en particulier, regroupent ainsi des
individus identifiés et représentés par une identité virtuelle, définie par des caractéristiques
propres qui souvent, loin de refléter la réalité, semblent être soigneusement choisies par elles.
Les internautes trouvent donc la possibilité de tester différentes représentations d’eux même
en ligne. Par voie de conséquence, à une identité réelle s’accolerait désormais une nouvelle
forme d’identité : « l’identité virtuelle ». Partant de là il semble tout à fait clair que
l’identification tant recherchée, et qui en principe est assurée par la signature électronique est
déjà fragilisée.

Par ailleurs, comme si cela ne suffisait pas, il peut arriver qu’un cybercriminel use
d’artifices dans le but de soustraire frauduleusement des éléments d’identification d’une
personne, sans que cette dernière ne s’en rende compte. C’est bien ce qui ressort des
conclusions de la COUR D’APPEL D’ABIDJAN pour qui : « Dès lors qu’il ressort des
éléments du dossier que le prévenu en usant d’artifices et autres stratagèmes, a réussi à faire
insérer par les victimes leurs codes secrets mobile money et que suite à cette opération, elles
ont vu leurs comptes être débités de diverses sommes d’argent ; il y a lieu de dire les faits de
détournement de fonds privés par l’utilisation frauduleuse des éléments d’identification d’une

Lucas ANDRÉ, Droit de l’informatique et de l’Internet, Paris, PUF, 2001, p. 13.


83

84
Armelle Dufour BAÏDOURI, L’identité numérique : un levier d’innovation pour les marques ?
Thèse de doctorat, Juin 2013, p.12.

55
personne physique ou morale au moyen d’un système informatique, établis à son égard et le
condamner à des peines d’emprisonnement ferme et d’amende. »85

En reconnaissant que le prévenu a réussi à utiliser des artifices pour obtenir les codes
secrets mobile money des victimes, la décision souligne l'ingéniosité dont font preuve les
criminels pour dissimuler leur véritable identité dans le monde numérique. Le recours à des
stratagèmes sophistiqués, probablement facilités par l'anonymat relatif qu'offre
l'environnement en ligne, complique la tâche des autorités et souligne les lacunes potentielles
dans les mécanismes d'identification. L'exploitation frauduleuse des éléments d'identification,
en l'occurrence les codes secrets mobile money, démontre la vulnérabilité des systèmes
électroniques face aux actes malveillants.

En somme, cette affaire souligne la complexité de l'identification dans le contexte des


transactions électroniques, mettant en évidence la nécessité d'approches innovantes et de
collaborations étroites entre les acteurs impliqués pour renforcer la sécurité et protéger les
utilisateurs contre les actes frauduleux.

Paragraphe 2 : Les imperfections de la signature électronique

Le législateur attribue une présomption de fiabilité au procédé de signature électronique


(A). Toutefois il s’agit d’une présomption simple susceptible d’être renversée (B).

A- Une présomption de fiabilité attachée à la signature électronique

L’institution juridique de signature recourt à un nouveau concept qu’est la fiabilité de la


signature électronique. Ce concept, dont le droit se désintéressait par rapport à la signature
manuscrite, intervient pour servir de correctif à l’intégration de la signature électronique dans
un environnement juridique qui lui est, on peut le dire, étranger 86. En effet, la notion de
fiabilité peut être définie comme étant : « l’aptitude d'un dispositif à accomplir une fonction
requise, dans des conditions données d'utilisation et de maintenance, pendant une durée
donnée »87.

85
COUR D’APPEL D’ABIDJAN, Jugement correctionnel par défaut n° 136/20 du 30 juillet 2020, in-
édit
86
Jacques LARRIEU, Droit de l’Internet, Paris, Ellipses, 2005, p. 89.
87
Définition consultée sur https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/fiabilite

56
À ce propos, pour le législateur ivoirien : « la fiabilité d’un procédé électronique est
présumée jusqu’à preuve contraire, lorsque ce procédé met en œuvre une signature
électronique sécurisée, établie grâce à un dispositif sécurisé de création de signature
électronique, et que la vérification de cette signature repose sur l’utilisation d’un certificat
qualifié »88.

Cet article établit ouvertement et clairement une présomption de fiabilité qui entraîne le
renversement de la charge de la preuve qui pesait sur celui qui souhaite remettre en cause le
procédé. De ce fait, il appartiendra à celui qui prétend ne pas être l’auteur de la signature
incriminée d’en apporter la preuve.

Avec l’avènement de ce nouveau paradigme, la référence à la notion de fiabilité,


représente le moyen de concilier le paysage juridique et la réalité virtuelle nouvelle. La
fiabilité traduit parfaitement les particularités de l’architecture et de l’activité propres à la
signature électronique. Le caractère personnel physique de la signature, comme nous l’avons
énoncé, n’est pas assimilable au caractère physique unique. Pour un auteur, il ne fait aucun
doute que la signature électronique suppose un acte physique émanant de la personne qui
l’effectue sans que ceci associe indubitablement l’auteur au signe 89. L’examen graphologique
dans le cas de la signature manuscrite peut attester de l’identité du signataire qui se cache
derrière la signature et il ne s’agit pas d’une probabilité. À l’inverse, tout en se voyant allouer
les mêmes effets par la suite des fonctions qu’elle remplit, la signature électronique doit se
conformer à des exigences supplémentaires. Pour servir à la perfection d’un acte, la signature
électronique doit être réalisée à l’aide d’une méthode garantissant une identification fiable du
signataire et un lien fiable entre la signature et l’acte auquel elle se rapporte. L’exigence de
fiabilité s’avère dès lors déterminante pour que les procédés électroniques obtiennent la force
probante.

Le législateur, conscient de l’impossibilité de la signature électronique d’atteindre un


niveau de sécurité absolue, s’est abstenu de lui accorder une valeur sacrée. Même en droit
civil, où la signature occupe une place probatoire très forte, le législateur a toujours considéré
la signature comme un moyen à la crédibilité relative.

88
Article 37 al 2 Loi n° 2013- 546 du 30 juillet 2013 relative aux transactions électroniques.
89
Armelle DUFOUR BAÏDOURI, op cit, p56.

57
B- Les limites à la présomption de fiabilité attachée à la signature électronique

La présomption de fiabilité attachée à la signature électronique, bien que constituant une


avancée significative dans la reconnaissance légale des transactions numériques, ne doit pas
être considérée comme une garantie infaillible. En effet, elle peut être remise en question en
raison du développement continu des technologies de l’information et de la communication.
Avec le développement croissant des technologies de l’information et de la communication, il
existe désormais divers procédés qui permettent de contourner les systèmes de sécurité liés
aux signatures électroniques. Les piratages informatiques et les vols de données sont
malheureusement de plus en plus fréquents, ce qui soulève des préoccupations quant à la
fiabilité des outils de sécurisation prévues à cet effet. En effet pendant longtemps, la place
qu’a occupée la signature traditionnelle en droit a été déterminée aussi bien par les capacités
du signe manuscrit que par les incertitudes qu’il crée. Il serait donc injustifié d’attribuer à la
signature électronique une fiabilité absolue90. Outre les cas de fraude du prestataire du service
de certification, de la péremption du certificat accompagnant la signature ou de sa révocation
par le signataire, il faut réserver le cas où les données de signature électronique ont été
subtilisées par un tiers91. Dans un tel cas, le signataire de l'acte n'est pas en réalité le véritable
titulaire de la signature. Cette particularité démontre la différence fondamentale qui sépare la
signature électronique de la signature manuscrite. En effet, lorsqu'elle est électronique, le
prestataire de service de certification n'atteste que le lien entre la signature et son titulaire, la
délivrance d'un certificat ne permet pas d'assurer que cette signature a bien été utilisée par son
titulaire, de sorte qu'elle identifie le titulaire et non le véritable signataire 92.

Tout cela témoigne du fait qu’il est crucial de reconnaître qu’aucun système de sécurité
n’est totalement infaillible. Même avec des mesures avancées en place, il subsiste toujours un
risque résiduel. Par conséquent, il est essentiel d’adopter une approche proactive en matière
de sécurité électronique et technique. Les avancées technologiques qui facilitent la vie
quotidienne peuvent également être exploitées de manière malveillante par des personnes de
mauvaise foi. Ainsi, la confiance aveugle dans la présomption de fiabilité de la signature
électronique peut entraîner des conséquences graves en cas d'atteinte à la sécurité des
données. Cette réalité peu reluisante met en relief, la nécessité d’une vigilance continue et
90
Armelle DUFOUR BAÏDOURI, L’identité numérique : un levier d’innovation pour les marques ?
Thèse de doctorat, Juin 2013, p.12.
91
Pacôme KOUADIO, La preuve sur internet : le cas de la vente en ligne, Université de Cocody-
Abidjan - D.E.A. 2006, p.47.
92
Florent SUXE, La preuve du contrat électronique, Université Jean Monnet Paris XI - Master 2 droit
des contrats 2012, p.32.

58
d’une adaptation constante aux nouveaux défis. Comme le soulignait si bien un auteur, alors
que le technicien considère comme fiable un système, dans la mesure où il a la faculté de
rester en bon état de fonctionnement sur une longue période, les praticiens du droit ne se
satisfont pas de ces deux seuls critères. En effet, pour ces derniers, « la fiabilité doit
nécessairement rimer avec la crédibilité or, la nécessité absolue d’une crédibilité parfaite des
actes générateurs de droit fait rapidement craindre, dans l’esprit des théoriciens du droit, les
spectres de la contestation et de la falsification »93.

Cette vulnérabilité des outils informatique est confirmée par à un arrêt de la COUR
D’APPEL D’ABIDJAN, qui affirme ceci : « Dès lors que le prévenu ne conteste pas qu’il
s’est infiltré frauduleusement dans les comptes électroniques du plaignant par modification
de ses codes d’accès et lui a soutiré des valeurs monétaires, il y a lieu de dire que les faits
d’obtention frauduleuse d’avantage par l’utilisation d’un système informatique sont établis à
son encontre conformément à la loi relative à la lutte contre la cybercriminalité. Il s’ensuit
que le premier juge a fait une saine appréciation des faits de la cause. Le jugement querellé
mérite par conséquent, confirmation. »94

En conclusion, cette décision met en évidence les vulnérabilités potentielles des


systèmes informatiques, remettant en question la fiabilité des procédés de sécurité existants.
La reconnaissance implicite de ces failles souligne la nécessité d'une vigilance continue et de
l'adoption de mesures de sécurité plus robustes pour faire face à l'évolution constante des
méthodes de cybercriminalité. La présomption de fiabilité des systèmes informatiques doit
être abordée avec prudence, et des efforts constants doivent être déployés pour renforcer la
sécurité et protéger efficacement les utilisateurs contre les intrusions frauduleuses.

En somme, bien que le législateur ait accordé une présomption de fiabilité à la signature
électronique, il demeure essentiel de rester conscient des obstacles qui peuvent entraver sa
pleine fonction d'identification. Les divers défis, tels que les risques liés à la sécurité
informatique, les piratages et les préoccupations liées à la confidentialité, soulignent la
nécessité de ne pas placer une confiance absolue dans cette présomption. Les limitations
inhérentes à la technologie et les évolutions constantes du paysage numérique imposent une
prudence continue dans l'utilisation de la signature électronique. Dans cet environnement
dynamique, il est impératif de maintenir une approche équilibrée, combinant les avantages de

93
Idem.
94
COUR D’APPEL D’ABIDJAN, Arrêt correctionnel par défaut n° 292/21 du 24 mars 2021, inédit.

59
l'efficacité opérationnelle offerte par la signature électronique avec une vigilance accrue pour
atténuer les risques potentiels.

Section 2 : Une intégrité de l’écrit électronique fortement discutable

Avant tout propos nous tenons à préciser que les termes « conservation » et « archivage
» ne sont pas synonymes. L’exigence d’intégrité suppose que l’écrit soit conservé sans altéra-
tion dans son contenu afin de garantir son authenticité. La conservation suppose que les règles
de droit permettant la préservation des documents contre les altérations, les suppressions, les
modifications ou les destructions soient effectivement respectés. En revanche, le terme archi-
vage renvoie plutôt à l’action technique du classement des documents peu importe leur sup-
port ou leur forme. La loi ivoirienne sur les transactions électroniques précise que l’écrit élec-
tronique doit être intègre pour pouvoir « être admis au même titre que l’écrit manuscrit » 95.
En effet, selon cette loi, l’écrit électronique doit être conservé dans des conditions qui garan-
tissent son intégrité96. La question est donc de savoir comment les moyens technologiques
peuvent assurer l’intégrité de l’écrit électronique. Une partie de la doctrine estime que l’inté-
grité suppose que l’écrit électronique ne puisse être modifiable ou que si des modifications
existent, celles-ci laissent des traces visibles97. Il semble donc logique que soient mis en
œuvre des moyens technologiques modernes pour garantir cette intégrité. Or, en assimilant
l’écrit électronique à l’écrit manuscrit, le législateur accorde aux preuves informatiques une
considération juridique alors que leur fiabilité varie selon que ce procédé est maîtrisé par
l’une des parties ou non. Il serait alors légitime de penser que l’intégrité de l’écrit électronique
nécessite la maîtrise des TIC. En d’autres termes, le progrès technique est la condition incon-
tournable de l’écrit électronique comme moyen de preuve 98. L’intégrité de l’écrit électronique
s’avère donc difficile à assurer si nous tenons compte de la complexité des techniques d’archi-
vage électronique (Paragraphe 1) et des conséquences de leur non maitrise (Paragraphe 2).

95
Art 23 Loi n° 2013- 546 du 30 juillet 2013 relative aux transactions électroniques.
96
Ibid.
97
Pacôme KOUADIO, La preuve sur internet : le cas de la vente en ligne, Université de Cocody-
Abidjan - D.E.A. 2006, p.47.
98
Idem.

60
Paragraphe 1 : Une complexité inhérente aux techniques d’archivage électronique

L’archivage électronique peut être défini comme l’ensemble des actions visant à
identifier, recueillir, classer et conserver des informations, en vue de consultation ultérieure,
sur un support adapté et sécurisé99, pour la durée nécessaire à la satisfaction des obligations
légales ou des besoins d’information. En réalité, seul un archivage électronique sécurisé
permettra au juge d’apprécier la valeur juridique du document présenté, la conservation
réalisée devant répondre aux exigences légales d’intégrité des documents électroniques 100.
L’exigence d’intégrité suppose que l’écrit soit conservé sans altération dans son contenu afin
de garantir son authenticité. Par conséquent, la valeur de l’écrit électronique dépend de
l’aptitude de la technologie à garantir l’intégrité de l’écrit. Il s’agit dans cette partie de mettre
l’accent sur les techniques d’archivage qui sont les plus utilisé dans le cadre de la
conservation des documents électroniques, en l’occurrence la technique micrographique (A)
et celle de la numérisation (B).

A- La technique micrographique

La micrographie peut être définie comme : « l’ensemble des opérations liées à la


production, au traitement et à l'exploitation des microformes »101.

Ce transfert de données a pour principale finalité de réduire les dimensions du contenu


du document sans pour autant modifier sa structure ou sa nature 102. La micrographie est
reconnue comme une méthode d’archivage pertinente et fiable permettant d’associer deux
atouts majeurs en matière d’archivage : un très faible encombrement et un coût final
relativement économique.

Cette technique a été historiquement utilisée dans le domaine juridique et d'autres


secteurs pour archiver et conserver des copies de documents de manière compacte.

Concrètement, les documents originaux, tels que des contrats, des actes notariés ou
d'autres pièces légales, sont réduits à une taille beaucoup plus petite à l'aide d'un processus
photographique, puis enregistrés sur des supports comme des microfilms ou des microfiches.
Ces supports peuvent ensuite être stockés de manière plus économique que les documents
originaux en papier, tout en préservant l'information.
99
Définition consultée sur https://www.arcalys.com/archivage/
100
Article 1er Loi n° 2013- 546 du 30 juillet 2013 relative aux transactions électroniques.
101
Définition consultée sur https://www.cnrtl.fr/definition/micrographie
102
Lucas ANDRÉ, Droit de l’informatique et de l’Internet, Paris, PUF, 2001, p. 44.

61
La technique micrographique dans le cadre de l'archivage électronique représente une
approche sophistiquée visant à garantir la conservation durable des documents numériques.
Confrontée à la complexité croissante des données et à la nécessité de préserver l'intégrité des
informations sur le long terme, cette méthode adopte une perspective innovante et exigeante.

La micrographie consiste à convertir des documents numériques en images microfilm


ou microfiche, offrant ainsi une alternative durable pour l'archivage électronique. Cette
technique se démarque par sa capacité à compresser de grandes quantités de données tout en
préservant la lisibilité et la qualité des documents originaux. L'utilisation de microfilms ou
microfiches comme supports physiques garantit une longévité supérieure aux supports
électroniques traditionnels, minimisant ainsi les risques liés à l'obsolescence technologique.

La complexité accrue de la technique micrographique réside dans la nécessité d'une


maîtrise avancée des outils informatiques. Le processus implique la conversion précise des
données électroniques en formats adaptés à la micrographie, requérant une expertise pointue
dans la manipulation des logiciels spécialisés. La transformation doit être réalisée avec une
rigueur extrême pour garantir la fidélité des informations originales, tout en prenant en
compte les normes de qualité propres à la micrographie.

De plus, la gestion de la métadonnée devient cruciale dans ce contexte, exigeant une


organisation rigoureuse des informations associées aux images micrographiques. Cela inclut
des métadonnées telles que la date de conversion, la résolution, et d'autres détails essentiels à
la préservation de l'authenticité des archives électroniques103.

La technique micrographique offre une solution robuste pour répondre aux défis
complexes de l'archivage électronique à long terme. Elle reflète une convergence habile entre
la technologie numérique et la pérennité des supports physiques, mais son implémentation
requiert un niveau élevé de compétences techniques et une vigilance constante pour s'adapter
aux évolutions technologiques. L'expertise dans la manipulation des outils informatiques, la
gestion de la qualité des images et la documentation méticuleuse des processus sont des
éléments essentiels pour assurer le succès de cette approche dans le contexte de l'archivage
électronique.

C’est un procédé qui fait appel à de nombreuses manipulations complexes qui ne seront
pas décrites dans la présente étude, toutefois, mentionnons simplement qu’à la suite d’un long

103
Lucas ANDRÉ, Droit de l’informatique et de l’Internet, Op cit, p.57.

62
traitement la micrographie documentaire permettra la reproduction à une échelle réduite des
documents sur une surface photosensible et l’exploitation des micro-images ainsi obtenues 104.

Bien que relativement ancienne, la technique micrographique offre un grand nombre de


qualités à différents niveaux. Outre l’avantage de compacité conférée par la micrographie,
cette technique permet d’assurer une réelle sécurité pour les archives. En effet, depuis déjà
plusieurs années, le microfilm s’est avéré comme une solution de sauvegarde permettant aux
entreprises et aux administrations de microfilmer la totalité de leurs documents, leur
garantissant ainsi, en cas de sinistre, de pouvoir reconstituer leur passé administratif.

En conclusion, la technique micrographique se révèle être un atout considérable.


Cependant, sa complexité inhérente ne peut être sous-estimée. Du choix des méthodes de
préparation des échantillons à la manipulation des instruments sophistiqués, chaque étape
demande une expertise approfondie. Les avancées constantes dans la technologie
micrographique permettent aujourd'hui d'explorer des structures à des niveaux nanométriques,
ouvrant ainsi la voie à des découvertes scientifiques majeures. Cependant, la compréhension
complète et la maîtrise de cette technique exigent un engagement continu dans la formation et
la recherche. En dépit de sa complexité, la micrographie demeure un outil inestimable pour
les scientifiques, ouvrant de nouvelles perspectives et contribuant ainsi de manière
significative à l'avancement de la connaissance scientifique.

B- La technique de numérisation

Par extension, « la numérisation est la conservation d'informations sous forme de


données numériques, formant des fichiers numériques, pouvant être traitées par un
ordinateur ou un appareil électronique »105.

La numérisation dans le cadre de l'archivage électronique est une technique qui


transforme des documents physiques en versions électroniques, les rendant ainsi accessibles et
stockables de manière informatique106. En effet, la numérisation peut sembler simple à
première vue, mais le processus est en réalité assez complexe et délicat. Tout d'abord, il faut
choisir un appareil permettant de prendre des photos. Ensuite, les photos prises doivent être
converties en fichiers numériques, souvent sous forme de fichiers PDF ou JPEG. C'est là que
les choses deviennent délicates car la qualité de l'image et la résolution jouent un rôle crucial.
Une mauvaise qualité d'image peut entraîner la perte d'informations importantes. Ensuite, il
104
Pierre CATALA, Le droit à l’épreuve du numérique, Jus ex machina, PUF, 1998, p.47.
105
Définition consultée sur https://www.toupie.org/index.html.
106
Myriam QUÉMÉNER, Le droit face à la disruption numérique, Paris, Lextenso, 2018, p.361.

63
faut s'assurer que les fichiers numériques sont organisés de manière logique. Cela peut
signifier l'ajout de mots-clés, de balises ou d'autres informations pour que l'ordinateur puisse
comprendre ce qui se trouve dans chaque fichier. Imaginez que vous rangez vos livres dans
une bibliothèque, mais au lieu de les classer par genre ou par auteur, vous devez donner des
instructions à votre ordinateur pour qu'il puisse trouver ce dont vous avez besoin rapidement.
Enfin, la sécurité est une préoccupation majeure dans le processus de numérisation. Les
documents numériques doivent être protégés contre les accès non autorisés, les modifications
indésirables et les éventuelles pertes de données. C'est comme avoir une armoire verrouillée
pour vos documents papier, mais avec des serrures et des alarmes numériques pour protéger
les fichiers électroniques.

L’information ainsi numérisée pourra faire l’objet d’une multitude d’opérations telles
que l’exploitation, le transfert, le classement, le tri ou encore le stockage. En effet, ce qui fait
l’intérêt de la numérisation est la possibilité d’usage d’un code binaire permettant de
sauvegarder et de transmettre l’information peu importe le système informatique utilisé.

La numérisation améliore considérablement la vitesse de traitement de l’information,


son utilisation et son accessibilité. Elle favorise également l’établissement de procédures de
contrôle automatisé et permet surtout de résoudre le problème du stockage physique des
documents en offrant par l’intermédiaire des systèmes de mémoires informatiques des
capacités de stocker l’information comme il n’a encore jamais été possible de le faire
auparavant.

De manière plus opérationnelle, La numérisation consiste à convertir une information


donnée sous forme de grandeur continue en une information discontinue codée. La forme
continue ou analogique des signaux est découpée en éléments discontinus, ces derniers étant
codés par des codes arithmétiques utilisant le langage binaire 107. Ainsi, la forme analogique va
être découpée en une succession d’éléments caractérisés par une valeur codée.

Dans l’hypothèse d’un document en noir et blanc, la valeur noir ou blanc de chacun des
points108 est déterminée en fonction d’un paramètre. En fonction de la densité du découpage
du signal analogique en points, la conversion permettra un degré de représentation plus ou
moins fidèle de la forme analogique. Une fréquence d’échantillonnage insuffisante peut avoir
pour conséquence d’endommager l’information voire même de rendre le document

107
Christian DUCHARME, Du CD-ROM à la numérisation : développer les documents numériques en
bibliothèque, 1997, Institut de formation des bibliothécaires, p.55.
108
En termes techniques, on parle habituellement de résolution ou de fréquence d’échantillonnage.

64
inintelligible. En fonction de la nature des informations et de la nature du support, les
procédés de numérisation seront susceptibles de varier. À titre d’exemple, la numérisation
d’un document consigné sur support papier peut être effectuée au moyen d’un scanner.

Ainsi, le scanner décompose la surface de la page en carrés microscopiques et effectue


un traitement sur la totalité de cette surface à l’instar d’une mosaïque composée de points.
Une fois la surface entièrement quadrillée, le numériseur réalise un balayage de celle-ci de
manière linéaire.

De même au niveau juridique, la numérisation a également eu un certain nombre de


répercussions notamment quant à la manière d’envisager la notion de la reproduction fidèle du
document ou encore de l’original. Traditionnellement, seule la signature permettait de
conférer la qualité d’original au document. La copie s’en distingue précisément par la
circonstance qu’elle constitue une transcription non signée 109. Or, l’avènement du numérique a
quelque peu remis en question cette distinction dans le sens où les procédés informatiques
favorisent la reproduction d’un écrit sous forme d’une copie ou d’un original.

Force est de constater que dans l’environnement papier traditionnel l’écrit original et
l’écrit originaire sont synonymes et que le tracé de la signature sur le support originel
constitue une condition essentielle voire primordiale quant à la reconnaissance de l’original. À
l’heure du numérique, cette conception se doit d’évoluer afin d’admettre définitivement que la
reproduction d’un écrit sur support électronique ne s’analyse pas forcément comme une
simple copie110. En effet, il est temps de reconnaître qu’un acte numérique, contenant une
signature lui étant étroitement liée et dont l’authenticité a été solidement vérifiée, constitue un
acte original au même titre que le document originaire.

Dans l’hypothèse contraire (c’est à dire dans l’hypothèse où ces deux conditions
cumulatives ne seraient pas remplies) l’acte ne constitue qu’une simple copie n’ayant qu’une
valeur de commencement de preuve par écrit.

La technique d’archivage est jugée de plus en plus comme une activité capitale pour le
développement de la société de l’information, cependant son utilisation n’est pas dépourvue
de conséquences.

109
Nicole VERHEYDEN-JEANMART, Droit de la preuve, Bruxelles, Éditions Larcier, 1991, n° 201,
p.201.
110
Ibid.

65
Paragraphe 2 : Les conséquences d’une mauvaise utilisation des techniques d’ar-
chivage électronique

Qu’on soit face à la technique de la micrographie ou encore des procédés liés à la numé-
risation, ces deux techniques d’archivage soulèvent un certain nombre de défis notamment en
matière de sécurité (A) et d’intégrité (B).

A- Des conséquences irréversibles sur la sécurité des documents électroniques

La mauvaise utilisation des techniques d’archivage électronique, dont la technique


micrographique et celle de la numérisation dans le domaine de la conservation documentaire
peut avoir des conséquences significatives sur la sécurité des documents électroniques. En
effet, ces deux méthodes, bien que puissantes, sont délicates et complexes, et une erreur dans
leur mise en œuvre peut compromettre la sécurité et la disponibilité des informations. En ce
qui concerne la technique micrographique, il convient d’indiquer qu’une mauvaise
manipulation des documents physiques avant le processus de microfilmage peut entraîner des
problèmes d'intelligibilité et de qualité d'image. Si les documents ne sont pas correctement
préparés, nettoyés ou si le processus de microfilmage n'est pas effectué avec une précision
maximale, cela peut conduire à la perte d'informations cruciales 111. De plus, lors de la
conversion des images micrographiques en formats numériques, des erreurs dans le processus
peuvent entraîner des altérations de l'image du document. En outre, une gestion inadéquate
des microfilms numériques peut également exposer les documents à des risques de perte ou de
manipulation non autorisée. Par ailleurs, s’agissant de la technique de la numérisation, une
mauvaise qualité d'image, une résolution insuffisante ou une organisation inadéquate des
fichiers numériques peuvent entraîner des lacunes dans la préservation des détails et
introduire des erreurs dans le document électronique. La délicatesse de la numérisation réside
dans la nécessité de maintenir une qualité d'image optimale tout en garantissant que les
fichiers soient correctement organisés et sécurisés. Par conséquent, des erreurs lors de ces
étapes peuvent entraîner une altération de l'information, des difficultés d'accès, voire une
vulnérabilité aux cybermenaces. Dans les deux cas, la sécurité des documents électroniques
dépend de la rigueur et de l'attention portée à chaque étape du processus.

Malgré des développements considérables ces dernières années de la technologie en


matière d’archivage électronique, il serait bien utopique de considérer qu’il y a une absence

111
Jacques LARRIEU, Droit de l’Internet, Paris, Ellipses, 2005, p. 141.

66
totale de risques dans ce domaine 112. En effet, il semble plus aisé de détruire physiquement
une microforme ou d’effacer le contenu d’un document numérique que de détruire des
documents consignés sur support papier. Ceci étant, ce point de vue mérite d’être nuancé dans
la mesure où ces mêmes documents numériques ou micrographiques peuvent être plus
facilement conservés dans un lieu sécuritaire du fait de leur quasi absence d’encombrement.
De plus, ces documents pouvant être plus facilement dupliqués, rien n’empêche à priori leur
utilisateur de les conserver dans multiples endroits sécuritaires afin de diminuer au maximum
les possibilités de destruction totale du document.

Un autre débat ayant fait couler beaucoup d’encre concerne l’utilisation de


l’informatique dans le processus d’archivage. Selon une première thèse, l’utilisation de
l’informatique afin d’archiver risque de multiplier les cas de fraudes, d’intrusions et
d’atteintes à la confidentialité de l’information détenue.

Selon une autre thèse, l’outil informatique facilite au contraire la mise en œuvre de
politiques de contrôles réguliers afin de contrer les fraudes difficilement décelables par le
biais d’un traitement manuel de l’information. La question de la sécurité en matière
d’archivage est relativement délicate et malgré les avancées considérables en la matière
depuis ces dix dernières années, il semblerait que le « risque 0 » reste toujours un objectif
difficile à atteindre pour les concepteurs d’infrastructures de sécurité. La sécurité des données
est l’ensemble de mesures prises pour empêcher la corruption des données. Elle inclut
l’utilisation de systèmes, processus et procédures qui bloquent l’accès des données aux
personnes qui pourraient en faire une utilisation néfaste ou détournée. Les failles de sécurité
des données peuvent être mineures et faciles à contenir, comme elles peuvent être majeures et
entraîner de sérieux dommages. Tous les systèmes informatiques doivent bénéficier d’une
sécurité convenable car les systèmes informatiques regorgent de plusieurs informations.

Ces dernières peuvent être relatives à la vie privée de ceux qui les utilisent ou encore
relatives au fonctionnement des entreprises puisque les cyberattaques sont aujourd’hui
devenues monnaie courante. En effet, À l’ère du big data, de l’intelligence artificielle et des
objets connectés, les données s’amassent et circulent, le risque est bel et bien devenu
omniprésent : fuite de données, piratage, faille informatique, etc.

Les usagers doivent apprendre à faire avec, assurer la sécurité des systèmes
d’information consiste à optimiser leur capacité à résister aux actions qui compromettent la

Stéphane CAÏDI, « La preuve et la conservation de l'écrit dans la société de l'information », 2004,


112

Lex Electronica, p.57. https://www.lex-electronica.org/s/1067.

67
disponibilité, l’authenticité, l’intégrité ou la confidentialité des données. La sécurité ne
s’arrête pas uniquement à l’information mais également au support de l’information. Les
supports de stockage permettent d’archiver de grands volumes de données mais cela ne se fait
pas sans danger. Leur petite taille les expose aux risques de perte, de vol, d’immersion
accidentelle, de choc violent ou encore d’écrasement. Tous ces faits viennent renforcer en
définitive la nécessité d’une politique de conservation des données. Parmi les autres objectifs
nécessaires à atteindre, il y a lieu de mentionner les politiques tendant à normaliser les
différentes techniques d’archivage.

B- Des conséquences irréversibles sur l’intégrité des documents électroniques

La mauvaise utilisation ou même la non-maitrise de la technique micrographique et de


la technique de numérisation peut avoir des conséquences graves sur l'intégrité des documents
électroniques, mettant en péril la préservation fidèle et non altérée de l'information. En effet,
La micrographie, en convertissant les documents physiques en microfilms ou microfiches,
demande une préparation minutieuse et une exécution précise. Si les documents ne sont pas
correctement manipulés ou si le processus de microfilmage est effectué de manière
inadéquate, des altérations peuvent se produire, compromettant l'intégrité des informations
capturées. De plus, lors de la transition des images micrographiques vers des formats
numériques, la délicatesse du processus de numérisation devient cruciale. Une résolution
insuffisante, une compression excessive ou des erreurs de conversion peuvent entraîner des
distorsions et altérer l'intégrité du document d'origine. En outre, et de manière similaire, la
numérisation directe de documents physiques comporte également comme nous l’avons dit,
des risques pour l'intégrité113. Les erreurs dans la capture des images, telles que des
distorsions, des déformations ou des détails manquants, peuvent survenir en cas de mauvaise
manipulation des scanners ou d'une configuration inappropriée. Par ailleurs, la conversion des
images numérisées en fichiers électroniques nécessite une attention particulière à la qualité,
car des altérations au niveau des couleurs, des contours ou des textes peuvent se produire. La
gestion des fichiers numériques est tout aussi critique pour préserver l'intégrité. Dès lors, la
moindre erreur dans l'organisation, le classement ou le stockage des fichiers peut conduire à
des pertes de données, des confusions ou des altérations involontaires, affectant la fiabilité du
document. La délicatesse de ces techniques réside dans la nécessité de maintenir une
cohérence parfaite entre le document original et sa représentation électronique. Il est donc
113
Michel VIVANT, Lamy droit de l’informatique et des réseaux, Paris, Lamy, 2006, p.110.

68
essentiel de comprendre que de mauvaises manipulations peuvent se multiplier à chaque
étape, entraînant ainsi des altérations cumulatives et menaçant l'intégrité du document final.

L’intégrité des documents électronique est l’un des problèmes les plus déterminant pour
l’appréciation de la valeur probante. Ainsi il ne faut pas oublier que les ordinateurs où le
document électronique est rédigé, de même que les techniques d’archivage utilisées ne
sont bien loin d’être infaillibles.

À ce propos, un auteur ajoute que : « Les preuves électroniques sont, aujourd’hui


encore trop unilatéralement établies et archivées, sans garantie de sécurité parfaite, ni même
de détection, contre les risques de fraude, émanant d’employés indélicats voire de tiers intrus
». Cela peut donc s’expliquer par le manque de fiabilité des machines qui peuvent être
manipulées par une seule partie contre l’autre. Par ailleurs, l’information contenue dans un
document sous forme électronique peut faire l’objet d’altérations portant ainsi atteinte à son
intégrité. Il peut s’agir d’une erreur technique, ou d’une faute humaine. Dans le cas de l’erreur
technique, il s’agit d’une défaillance du support ou d’un matériel. En effet, l’intégrité du
document électronique peut être altérée dans la mesure où le support de transmission du
document a été défaillant, compte tenu d’un mauvais entretien soit des lignes soit des
équipements technologiques comme l’ordinateur ou le programme informatique. Cela se
justifie dans la mesure où, le support de conservation du document électronique a une durée
de vie limitée. Par conséquent, un transfert sur un nouveau support de conservation est
nécessaire en temps utile, faute de quoi le contenu du document risque de faire l’objet d’une
altération significative. Enfin, s’agissant des problèmes liés aux incidents de matériels, il
semble également nécessaire de mettre en place un entretien préalable. S’agissant enfin des
erreurs de programmation, notons que les erreurs à ce niveau sont de plus en plus introuvables
pour ne pas dire inexistantes dans les meilleurs logiciels faisant régulièrement l’objet de
contrôles de qualité, d’où l’importance de conseiller aux utilisateurs d’avoir recours à un
système d’homologation leur permettant d’obtenir des garanties sur la fiabilité de certains
logiciels. Concernant la faute humaine, elle peut être une action frauduleuse ou une erreur
involontaire commises durant les opérations effectuées manuellement par un individu,
notamment pendant la saisie de données. Ce cas d’erreur peut également être détecté et
corrigé par des techniques classiques de l’ingénierie de qualité. L’ingénierie de qualité est
l’une de ces activités qui ne s’appliquaient pas avant aux nouvelles technologies de
l’information mais qui a été adaptée de façon à rechercher une qualité maximale au niveau de
l’administration informatique. Cependant, il y a lieu de souligner tout d’abord que les risques

69
d’erreurs humaines sont beaucoup moins probables lorsqu’on a une parfaite maitrise de l’outil
informatique, ainsi que des logiciels y afférents.

Quant à la faute frauduleuse ou malveillante engendrant une attaque active d’un être
humain en cours d’opération. À la différence des attaques passives 114, les attaques actives
peuvent prendre de multiples formes telles que la destruction totale du document électronique,
la modification du document ou de l’identité de son émetteur ou de sa date en vue d’en tirer
un avantage particulier. À titre illustratif nous pouvons citer un arrêt de la SECTION DE
TRIBUNAL DE GUIGLO qui affirme : qu’« il convient de déclarer le prévenu coupable des
faits d’obtention frauduleuses d’avantages par utilisation de données informatiques,
d’utilisation frauduleuse de fausses données d’identification et d’escroquerie portant sur du
numéraire et de lui faire application de la loi pénale, dès lors que ces faits qui lui sont
reprochés sont établis »115.

Face à ce type d’attaques, il convient de mette en place de plus en plus des structures
chargées de mener des politiques de sensibilisation sur les aspects sécuritaires et sur les
risques des attaques actives contre le document électronique archivé, mettant ainsi en péril
son intégrité.

114
Nous entendons par « attaques passives » les cas où le fraudeur se limite à écouter ou à effectuer
une sorte de « cyber-voyeurisme », ce qui a pour effet direct de menacer la confidentialité, et parfois
même de constituer des atteintes à la vie privée.
115
SECTION DE TRIBUNAL DE GUIGLO, Jugement correctionnel n° 44/2022 du 09 février 2021,
inédit.

70
CHAPITRE 2 : UN ÉCRIT ÉLECTRONIQUE À FORCE PROBANTE
RELATIVE

L’écrit manuscrit et l'écrit électronique sont très différents l'un de l'autre. Tandis que le
premier est un objet statique et intangible dans lequel l'information et le support sont intime-
ment liés, le second se distingue en ce que l'information est dissociée du support. Cette disso-
ciation donne ainsi l'impression de rendre l'écrit électronique moins fiable que l'écrit manus-
crit d'un point de vue juridique et cela s’explique en raison de la dématérialisation du support.
Pourtant la loi ivoirienne de 2013 relative aux transactions électroniques détermine en son ar-
ticle 23 les conditions à remplir pour que l’écrit électronique ait une valeur probante.

À cet effet, il dispose que : « l'écrit sous forme électronique est admis comme mode de
preuve au même titre que l'écrit sur support papier et a la même force probante que celui-ci,
sous réserve de l'identification de la personne dont il émane et de sa conservation dans des
conditions de nature à en garantir l'intégrité »116.

Cet article nous fait comprendre que l'écrit sous forme électronique est légalement ac-
cepté comme un moyen de preuve équivalent à l'écrit manuscrit. Ainsi il accorde à l'écrit élec -
tronique la même force probante, c'est-à-dire la capacité de prouver la réalité des faits qu'il
énonce, à condition que deux conditions soient remplies. Cette posture du législateur trouve sa
rationalité dans le souci d’éviter que le caractère technologique du contrat rende difficile sa
mise en preuve. Ainsi les parties peuvent en ce sens, convenir que l’imprimé de leurs commu -
nications électroniques transmises par un processus sécuritaire prédéterminé a pour eux, la
qualité d’un écrit original sur support papier 117. Le législateur a choisi de faire entrer le numé-
rique dans le système probatoire général et de ne pas lui réserver un statut spécial 118. Il se pro-
nonce pour l’admissibilité de l’écrit électronique à titre de preuve, mais n’arrive pas à suppri-
mer la discrimination entre les preuves littérales (Section 1), eu égard à la fragilité de la
preuve électronique, laissant ainsi au juge, une liberté d’apprécier souverainement la force
probante de l’écrit électronique (Section 2).

116
Article 23 Loi n°2013-546 du 30 juillet 2013 relative aux transactions électroniques.
117
Jacque LARRIEU, Droit de l’Internet, Paris, Ellipses, 2005, p80.
118
Jacque LARRIEU, Droit de l’Internet, op cit, p.100.

71
Section 1 : La persistance d’une discrimination entre les preuves littérales

La définition de la preuve littérale assure en principe l’équivalence entre les écrits, quel
que soit le support utilisé119. Mais, dans la réalité en matière contractuelle, il est classique
d’opposer consensualisme et formalisme. Pourtant, lorsqu’un acte est soumis à des règles de
forme, il est parfois difficile de déterminer si l’exigence d’un écrit est prescrite ad
solemnitatem ou ad probationem. Il ne sera pas question ici, de reprendre une analyse
détaillée du régime de la preuve en droit commun. L’attention sera plus spécifiquement
focalisée sur les solutions que les parties peuvent envisager d’adopter pour la prise en compte
des risques liés à la sécurité juridique des enregistrements et des transmissions informatiques.
Prouver consiste à apporter la démonstration de la réalité d’un fait juridique ou de la véracité
d’une information contenue dans un acte, sa probabilité ou sa vraisemblance. Les législations
ouest-africaines, à l’instar de la cote d’ivoire, et d’autres systèmes juridiques, restent encore
basées sur la prééminence de l’écrit (Paragraphe 2), on perçoit parfaitement que
l’équivalence pourtant visée n’est qu’une apparence (Paragraphe 1).

Paragraphe 1 : Une équivalence probatoire apparente

Avant d’aborder la raison d’être du principe d’équivalence fonctionnelle (B), il y’a lieu
de voir la consécration dudit principe (A).

A- La consécration du principe d’équivalence fonctionnelle

La consécration du principe de l'équivalence fonctionnelle peut être expliqué de manière


simple en pensant à une règle essentielle : même si les choses sont différentes, tant qu'elles
font la même chose, elles sont considérées comme équivalentes. Cela signifie que, dans
certains contextes, deux choses qui peuvent sembler différentes à première vue sont traitées de
la même manière tant qu'elles remplissent la même fonction ou ont le même effet. Prenons un
exemple quotidien pour illustrer cela. Imaginons deux jouets : l'un est une voiture en
plastique, l'autre est une voiture en bois. Bien qu'ils soient faits de matériaux différents, ils
sont considérés comme équivalents parce qu'ils servent tous deux à être jouets de voiture. De

119
C’est d’ailleurs l’un des objectifs de la loi-type sur le commerce électronique de la CNUDCI, dont
l’article 5 dispose : « Reconnaissance juridique des messages de données » recommande « l’effet juri -
dique, la validité ou la force exécutoire d’une information ne soient pas déniés au seul motif que cette
information est sous forme de message de données. ».

72
même, dans le domaine des technologies, deux logiciels qui effectuent la même tâche peuvent
être considérés comme équivalents, même s'ils sont écrits dans des langages de
programmation différents. La consécration de ce principe signifie que les décisions, les règles
ou les normes sont établies en reconnaissant l'importance de ce qui est accompli plutôt que de
la manière dont cela est réalisé. C'est un peu comme dire que ce qui compte vraiment, c'est le
résultat final, peu importe le chemin emprunté pour y arriver. Ainsi, la consécration du
principe de l'équivalence fonctionnelle favorise la flexibilité et la diversité, car elle reconnaît
que différentes approches peuvent être considérées comme équivalentes si elles atteignent le
même objectif ou ont le même impact. En effet, la notion de neutralité technologique est
étroitement associée à celle d’équivalence fonctionnelle. On a pu dire à cet égard, qu’elle
constituait l’élément de « matérialisation de la neutralité technologique ». Le principe de
l’équivalence fonctionnelle est défini dans le guide de la Loi type de la CNUDCI sur le
commerce électronique. Il repose sur « une analyse des objectifs et des fonctions de
l’exigence traditionnelle de documents papier et vise à déterminer comment ces objectifs ou
fonctions pourraient être assurés au moyen des techniques du commerce électronique » 120. En
d’autres termes, l’approche fondée sur l’équivalent fonctionnel consiste à rechercher les
fonctions que remplissent traditionnellement sur support papier, l’écrit, la signature ou encore
l’original et à vérifier que ces outils juridiques peuvent être transposés sur d’autres supports,
notamment sur le support électronique, susceptibles de reproduire ces mêmes fonctions 121.
Cependant la notion d’équivalence fonctionnelle ne signifie pas que tout message informatisé
constitue par principe l’équivalent d’un message sur support papier. En effet, les messages
contenus sur des supports différents n’ont pas la même nature et ne remplissent pas
nécessairement les mêmes fonctions. Par conséquent la consécration de l’équivalence
fonctionnelle n’implique pas une mise à l’écart de la hiérarchie existante des conditions de
forme, qui prévoit des niveaux distincts de fiabilité, de matérialité et d’inaltérabilité des
documents écrits. De façon plus concrète, le principe de l’équivalence fonctionnelle ne
signifie pas que l’écrit électronique rempli par principe toutes les fonctions attribuées à l’écrit
manuscrit. Ainsi, lorsque la loi exige des conditions de formes spécifiques telles qu’un écrit
signé ou encore un original signé, ces formalités remplissent une fonction particulière du
point de vue probatoire ou encore du point de vue de la validité de l’acte. Dans ce cas, le
simple écrit électronique ne suffira pas à remplacer l’écrit manuscrit, il devra lui aussi
120
Loi type de la CNUDCI sur le commerce électronique 1996, disponible à
http://www.uncitral.org/pdf/french/texts/electcom/05-89451_Ebook.pdf.
121
Vincent GAUTRAIS, « Libres propos sur le droit des affaires électroniques », Lex electronica, Vol
10, n°3, Hiver/ Winter 2006, p.20.

73
répondre à certaines exigences lui permettant de remplir les fonctions de l’écrit manuscrit qui
fait l’objet d’un encadrement formaliste et qui lui permet de remplir une fonction déterminée.
À titre d’exemple, qu’une carte d’embarquement pour un vol en avion soit transmise par
courrier électronique sur le smartphone d’un passager, ou qu’elle soit accessible sur le site
Internet de la compagnie aérienne pour impression sur une feuille de papier, puisque
l’information communiquée est la même, mais qu’elle est portée par un support différent, ces
deux documents auront la même « valeur juridique », la même portée juridique, dès lors
qu’ils remplissent tous deux les mêmes fonctions que le document est censé avoir. En
pratique, dans cet exemple, ils peuvent en effet être utilisés pour la même finalité, soit accéder
à l’avion. Peu importe que le passager se présente à l’embarquement avec sa carte
d’embarquement imprimée sur une feuille de papier ou avec son téléphone affichant sa carte
d’embarquement, dans ces deux situations, ladite carte lui permettra d’accéder à l’avion. Par
ailleurs, l’équivalence fonctionnelle a été introduite pour une raison bien particulière et bien
que l’initiative ne fît pas l’unanimité au début elle tend à être implanter dans la plupart des
législations pour tout ce qui concerne le droit des technologies de l’information. En définitive,
la consécration du principe d'équivalence fonctionnelle apporte une perspective pragmatique
et flexible dans l'évaluation et la reconnaissance de différentes approches, outils ou solutions.
Elle souligne que ce qui importe avant tout, c'est la fonction ou l'effet accompli,
indépendamment des différences apparentes dans les méthodes ou les formes. Cette approche
favorise l'innovation, la diversité et la créativité en reconnaissant que différentes voies
peuvent mener à des résultats similaires. En embrassant ce principe, les normes, les règles et
les décisions peuvent s'adapter plus efficacement à l'évolution constante des contextes et des
technologies, permettant ainsi une plus grande agilité et un meilleur ajustement aux besoins
changeants de la société. La consécration de l'équivalence fonctionnelle reflète ainsi une
reconnaissance de la valeur intrinsèque des résultats, indépendamment des formes
spécifiques, encourageant ainsi une approche plus inclusive et adaptative dans divers
domaines de la pensée et de l'innovation.

B- Le bien-fondé du principe d’équivalence fonctionnelle

La raison d'être du principe de l'équivalence fonctionnelle réside dans la reconnaissance


fondamentale que, dans de nombreux contextes, ce qui compte avant tout, c'est la fonction ou
l'objectif accompli, plutôt que la manière spécifique dont cela est réalisé. Imaginez cela
comme une approche qui met l'accent sur les résultats plutôt que sur les détails du processus.

74
Ce principe vise à favoriser la flexibilité, la diversité et l'adaptabilité en acceptant que
différentes approches ou solutions puissent être considérées comme équivalentes si elles
atteignent le même résultat ou ont le même impact. C'est un principe qui met l'accent sur les
résultats concrets, permettant différentes manières d'atteindre un même but plutôt que de se
focaliser strictement sur les détails du processus. En adoptant cette perspective, on encourage
la créativité tout en s'adaptant aux changements et aux évolutions dans divers domaines.
Ainsi, la raison d'être de l'équivalence fonctionnelle réside dans la promotion de l'efficacité,
de la créativité et de l'innovation en permettant une plus grande souplesse dans la manière
dont les choses peuvent être réalisées.

La solution avancée par la CNUDCI reposait sur une approche nouvelle. Cette approche
implique « une analyse des objectifs et des fonctions de l’exigence traditionnelle de
documents papier et vise à déterminer comment ces objectifs ou fonctions pourraient être
assurés au moyen des techniques du commerce électronique » 122. L’approche fonctionnelle a
connu un immense succès auprès de nombreux législateurs à travers le monde. Bien des textes
se réclament ou s’inspirent du principe d’équivalence fonctionnelle afin de conférer aux
documents électroniques une véritable reconnaissance juridique. À cet égard, sa propagation
est indéniable. Il est vrai que sa simplicité et son caractère universel et abstrait transcendent
les différents droits nationaux et offrent une solution uniforme, potentiellement applicable à
toutes les formalités. Ainsi, pour mieux cerner les contours de l’étude, il faut rappeler que le
principe d’équivalence fonctionnelle a été développé afin de permettre aux législateurs
d’adapter le formalisme des actes juridiques au développement des TIC. Par conséquent, nous
l’envisageons avant tout comme un principe pour la régulation des TIC, à l’attention du
législateur, bien qu’il puisse également servir de technique d’interprétation pour la
jurisprudence. À cet effet, soulignons d’emblée que la jurisprudence est très rare en matière de
formalisme contractuel dans l’environnement électronique, et presqu’introuvable en droit
ivoirien.

L’idée derrière le principe est de résoudre le problème de la dématérialisation des


documents électroniques, en reconnaissant l’équivalence juridique entre les documents
électroniques et les documents papier, du moment qu’ils présentent les mêmes qualités
fonctionnelles. Partant, dans sa conception originelle, ce principe est surtout voué à
s’appliquer au formalisme documentaire qui s’est développé autour des notions d’écrit, de

Voir les sections 15 à 18 du Guide pour l’incorporation dans le droit interne de la Loi type de la
122

CNUDCI sur le commerce électronique (1996).

75
signature et d’original, et peut être étendu à d’autres formalités dérivées de l’écrit, telles que
l’exigence de mentions manuscrites, la fourniture d’une information écrite ou l’indication
d’une mention obligatoire, l’utilisation de certains types de documents, la constitution
d’exemplaires multiples d’un acte, la datation, l’envoi recommandé, ou encore l’archivage de
documents. La CNUDCI, en posant les premières bases de ce concept d’équivalence
fonctionnelle désormais reconnu comme universel, a considérablement facilité la tâche des
États souhaitant adapter leurs règles juridiques nationales afin d’admettre l’écrit sur un
support autre que le papier. Le législateur ivoirien a cependant tardé à transposer ce principe
d’équivalence fonctionnelle en droit interne.

À ce sujet, la démarche consacrée par ce dernier afin de surmonter les multiples


obstacles apportés par les transactions électroniques a été d’effectuer systématiquement un
parallèle avec les situations juridiques connues dans le monde de l’écrit papier dans le but de
les transposer voire de les reproduire dans un environnement dématérialisé. Ainsi, de manière
générale, les règles adoptées par la loi du 30 juillet 2013 sont fondées sur les fonctions que
peuvent notamment assurer l’écrit ou encore la signature dans les relations juridiques
traditionnelles. Cependant nous notons que l’intégration de l’équivalence fonctionnelle dans
la loi relative aux transactions électronique a été faite de manière implicite 123 contrairement au
législateur québécois par exemple qui a introduit le principe d’équivalence fonctionnelle de
manière explicite dans la loi concernant le cadre juridique des technologies de
l’information124. En effet, l’article premier de cette loi dispose que : « La présente loi a pour
objet d’assurer : [...] 3) l’équivalence fonctionnelle des documents et leur valeur juridique,
quels que soient les supports des documents, ainsi que l’interchangeabilité des supports et
des technologies qui les portent ». En conclusion, le principe de l'équivalence fonctionnelle,
bien qu'ayant pour objectif d'assurer la validité et la légitimité des processus électroniques,
n'est pas exempt de critiques. Certes, il reconnaît l'importance d'assurer des fonctions
équivalentes entre les supports papier et électronique, mais son application peut soulever des
préoccupations liées à la sécurité et à la confiance. Une des critiques majeures réside dans la
complexité inhérente à l'évaluation de l'équivalence fonctionnelle. Les technologies évoluent
rapidement, et la garantie que les fonctionnalités électroniques sont véritablement

123
Qui est contenu dans ce qui a été exprimé, non pas en termes formels, mais de telle sorte qu'il en dé -
coule.
124
Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information, L.Q., 2001, c. 32. Pour plus
d’informations sur la loi, un site Web est mis à la disposition du public par le Ministère de la Culture et
des Communications du Québec, disponible sur :
http://www.autoroute.gouv.qc.ca/loi_en_ligne/index.html.

76
équivalentes à leurs homologues sur support papier peut être difficile à établir de manière
uniforme. De plus, l'efficacité des dispositifs de sécurité électronique peut être remise en
question face à la sophistication croissante des cybermenaces.

Paragraphe 2 : Une prééminence de l’écrit manuscrit

La prééminence de l’écrit manuscrit se justifie à la fois par sa haute valeur sécuritaire


(A), mais également par son indépendance vis-à-vis de la machine (B).

A- Une prééminence fondée sur la haute valeur sécuritaire de l’écrit manuscrit

Depuis le début de l'humanité, l'écrit a occupé une place prépondérante au sein de notre
société, ancré dans le tissu même de nos interactions et de nos institutions. Cette primauté de
l'écrit trouve son origine dans la nécessité innée des êtres humains de consigner par écrit leurs
engagements, transactions et connaissances, créant ainsi un socle de stabilité et de
permanence au fil du temps. L'émergence de l'écriture a été une réponse ingénieuse à la
fragilité de la mémoire humaine et à la volonté de transcender l'éphémère des paroles. C'est
dans cet élan que la célèbre maxime "les paroles s'envolent, les écrits restent" trouve tout son
sens. Cette nécessité de consigner par écrit repose sur la compréhension profonde que les
engagements verbaux peuvent être sujets à l'oubli, à l'interprétation diverse, voire à la
contestation. Afin de prévenir les malentendus et d'assurer une trace durable de leurs accords,
les individus ont instinctivement développé le réflexe d'inscrire leurs promesses, contrats et
connaissances sur un support tangible. L'écrit devient ainsi le gardien fidèle de nos
engagements, la pierre angulaire sur laquelle repose la confiance et la stabilité de nos
interactions sociales125.

Cette pratique ancestrale trouve une justification intemporelle dans la certitude qu'offre
l'écrit face à la volatilité des paroles. Là où la mémoire peut fléchir et les détails s'estomper,
les écrits demeurent, solides et inaltérables. Cette permanence confère une valeur inestimable
aux documents écrits, qu'ils soient des contrats juridiques, des archives historiques ou de
simples notes personnelles. À travers les siècles, l'écrit a évolué en une sorte de pacte entre les
individus et le temps, un moyen de transcender l'éphémère pour construire une mémoire
collective et pérenne. Ainsi, depuis toujours, l'écrit s'est imposé comme un pilier essentiel de

125
Jérôme DENIS, Sécurité informatique et valeur des écrits au travail, Semen, 2010, P.3.

77
notre société, répondant à notre besoin intrinsèque de préserver, de transmettre et de
consolider nos engagements et nos connaissances. Dans un monde où les paroles peuvent
s'évanouir dans l'oubli, l'écrit demeure un témoignage tangible de notre histoire, de nos
promesses et de notre évolution en tant que société.

La prééminence de l'écrit manuscrit repose sur une longue tradition où les documents
physiques ont joué un rôle central dans la communication, la documentation légale et la
préservation des informations126. Historiquement, la confiance accordée aux supports papier
découle de leur tangibilité, de leur durabilité perçue et de la facilité avec laquelle ils peuvent
être archivés et consultés. Cette confiance repose également sur la perception que les
documents sur papier sont moins sujets à la falsification ou à la perte accidentelle que leurs
homologues électroniques. La haute valeur sécuritaire de l'écrit manuscrit trouve son ancrage
dans une longue histoire de confiance et de familiarité associée à cette forme traditionnelle de
documentation. L'avènement de l'écriture sur des supports physiques, remontant à des
millénaires, a marqué le début d'une pratique qui a évolué au fil du temps pour devenir la
pierre angulaire de la communication et de l'enregistrement d'informations.

Historiquement, les formes manuscrites ont été utilisées pour consigner des contrats, des
lois, des accords commerciaux, et d'autres informations cruciales. La confiance envers ces
écrits physiques s'est solidement établie en raison de leur tangibilité, de la permanence perçue
de l'encre sur le papier, et de la facilité avec laquelle ils peuvent être stockés et consultés.
L'idée que le papier offre une certaine résistance à la falsification, qu'il crée une trace
matérielle durable, et qu'il permet une lecture sans besoin de technologie complexe a renforcé
cette confiance. La haute valeur sécuritaire de l'écrit manuscrit découle également de l'aspect
immuable et de la pérennité associés aux documents physiques. Les écrits manuscrits peuvent
résister au temps et aux éléments environnementaux d'une manière qui n'est pas toujours
garantie avec les données électroniques. La possibilité de conserver des documents sur papier
pendant de longues périodes sans altération significative contribue à la confiance en leur
intégrité et à leur authenticité. En revanche, l’écrit électronique est souvent perçu comme
étant plus vulnérable à la falsification, à la manipulation et au piratage en raison de sa nature
virtuelle et de sa facilité de reproduction. Les préoccupations concernant la sécurité des
données électroniques, y compris les risques de piratage informatique et de vol d’identité, ont
conduit certains individus et organisations à préférer l’utilisation de documents sur support
papier pour les informations sensibles. Par ailleurs, les risques associés à la dépendance des

126
Jérôme DENIS, Sécurité informatique et valeur des écrits au travail, Op cit, p.40.

78
écrits électroniques à une infrastructure technologique peuvent parfois créer une préférence
pour le support papier dans des situations où la stabilité et la disponibilité immédiate des
informations sont cruciales.

B- Une prééminence fondée sur l’indépendance de l’écrit manuscrit vis-à-vis de la


machine

L'indépendance de l'écrit manuscrit vis-à-vis de la machine, notamment l'ordinateur,


repose sur le fait que les documents physiques sur papier existent de manière autonome, sans
dépendre des technologies numériques. Imaginez-le comme un livre ou une lettre que vous
pouvez tenir entre vos mains, le contenu est là, tangible et accessible, sans avoir besoin d'un
ordinateur pour le lire ou le comprendre. L'écrit manuscrit du fait de sa nature physique, offre
une indépendance intrinsèque par rapport aux machines. Vous pouvez écrire une lettre, ou un
contrat sur du papier, et cela existera indépendamment de l'état de l'électricité, des pannes
informatiques ou des problèmes de compatibilité de logiciels. C'est comme si l'information
était préservée dans une forme non volatile, ne nécessitant pas de dispositif électronique
spécifique pour être consultée.

Cette indépendance est particulièrement visible dans des situations où l'accès à la


technologie peut être limité ou dans des contextes où la simplicité et la praticité du support
papier restent préférables127. Les documents physiques sont souvent perçus comme fiables et
accessibles, car ils échappent aux contraintes technologiques qui peuvent parfois entraver
l'utilisation de l'écrit électronique. La prééminence fondée sur l'indépendance de l'écrit
manuscrit vis-à-vis de la machine, notamment l'ordinateur dans le cas de l'écrit électronique,
repose sur plusieurs aspects cruciaux qui définissent la perception de sécurité, de stabilité et
de fiabilité associée aux documents physiques. Tout d'abord, l'écrit manuscrit offre une
autonomie intrinsèque par rapport à la technologie. Contrairement aux écrits électroniques qui
nécessitent des dispositifs, des logiciels spécifiques et une alimentation électrique, le papier et
l'encre sont des médiums simples, ne dépendant pas de l'évolution rapide des technologies 128.
Cette indépendance offre une stabilité perçue, les documents papier demeurant lisibles sans
l'obligation d'une relation quelconque avec des équipements informatiques, contrairement à

127
Moktar ADAMOU, « La valeur de l'écrit électronique dans l'espace UEMOA », Penant, 2011, In re-
vue de droit des pays d'Afrique, p.12.
128
Stéphane CAIDI, « La preuve et la conservation de l'écrit dans la société de l'information », 2004,
Lex Electronica, p.77. https://www.lex-electronica.org/s/1067.

79
l'écrit électronique qui repose largement sur la machine, principalement l'ordinateur pour son
existence, sa création, sa manipulation et son accès. Cette dépendance fondamentale découle
du fait que l'écrit électronique est constitué de données numériques, nécessitant des dispositifs
informatiques pour être généré, stocké, édité et interprété. Dans un premier temps, la création
de documents électroniques dépend étroitement de la machine. L'utilisation d'un clavier, d'un
écran et d'un dispositif de pointage, tous des composants matériels d'un ordinateur, est
essentielle pour transformer nos idées en texte numérique. La saisie des mots, la mise en page
et la correction nécessitent l'interaction directe avec ces outils électroniques, soulignant ainsi
la première étape de la dépendance de l'écrit électronique.

Ensuite, le stockage des documents électroniques dépend des capacités des dispositifs
de stockage numérique, tels que les disques durs ou les serveurs cloud. Ces dispositifs
électroniques sont indispensables pour conserver les fichiers de manière à ce qu'ils soient
accessibles ultérieurement. La dépendance à l'égard de ces supports numériques souligne le
besoin constant d'une infrastructure technologique pour préserver la matérialisation de nos
écrits. De même l'édition et la manipulation des documents électroniques sont également
intrinsèquement liées à la machine. Des logiciels spécifiques, exécutés sur des ordinateurs,
permettent d'apporter des modifications, de formater le texte et d'ajouter des éléments
multimédias. La dépendance à l'égard de ces applications souligne comment la technologie
dicte la manière dont nous interagissons avec nos écrits, ajoutant des couches de complexité et
de dépendance. Que ce soit sur un ordinateur, une tablette, ou même un téléphone intelligent,
la machine devient le portail d'entrée nécessaire pour explorer et interagir avec nos documents
numériques. Cette dépendance à l'égard des technologies d'accès souligne la nécessité
constante d'une infrastructure technologique pour tirer pleinement parti des avantages de
l'écrit électronique. Ainsi, la dépendance de l'écrit électronique à l'égard de la machine est
profonde et omniprésente à chaque étape de son existence. Cela souligne le contraste marqué
avec l'écrit sur support papier, dont l’autonomie est avérée. En cas de coupure d'électricité, de
panne d'ordinateur, ou de défaillance logicielle, l'accès à l'information sur papier reste inaltéré.
Cette fiabilité dans des situations de crise ou d'urgence renforce la confiance envers les
documents physiques. Par ailleurs, la prééminence de l'écrit manuscrit est également liée à la
perception de sécurité en matière de confidentialité 129. En effet, les écrits électroniques
souvent stockés sur des serveurs ou dans le cloud, sont susceptibles d'être exposés à des

129
François GENY, Science et technique en droit privé positif : nouvelle contribution à la critique de
la méthode juridique, n° 203, p.99.

80
risques de piratage ou d'interception. En revanche, les documents papier, physiquement
stockés et manipulés, offrent une forme de contrôle direct sur l'accès aux informations,
renforçant ainsi la confiance dans la préservation de la vie privée. L'indépendance de l'écrit
manuscrit par rapport à la machine englobe également une dimension culturelle et historique.
Les documents sur papier sont ancrés dans une tradition séculaire, et la continuité de cette
forme d'écriture au fil des siècles crée une stabilité perçue qui transcende les avancées
technologiques. Cela contribue à la préférence pour les documents physiques dans des
domaines où la pérennité des informations est cruciale, comme les archives, les contrats
juridiques, ou les documents historiques. En définitive, l'indépendance de l'écrit manuscrit
vis-à-vis de la machine demeure une caractéristique remarquable qui distingue ce moyen
traditionnel de communication de son homologue électronique. Alors que l'écrit électronique
trouve sa subsistance dans la complexité des dispositifs informatiques, l'écrit manuscrit
conserve une autonomie singulière. La matérialité tangible du support papier confère à nos
écrits une existence indépendante, préservée de la nécessité constante de dispositifs
électroniques. La simplicité, la portabilité et la pérennité de l'écrit manuscrit rappellent que,
même à l'ère numérique, il demeure une ressource inaltérable, capable de transcender les
contraintes technologiques. Cette indépendance offre un havre de stabilité, une constance dans
un monde en perpétuelle évolution technologique. Ainsi, alors que les machines continuent
d'être des compagnons indispensables, l'écrit manuscrit demeure une affirmation durable de la
puissance de la simplicité et de l'indépendance face à la complexité numérique.

Section 2 : Une faculté d’appréciation laissée au juge

La faculté d'appréciation laissée au juge se réfère à la liberté et à la responsabilité qu'a le


magistrat dans l'évaluation des éléments de preuve présentés lors d'un procès. Cette
prérogative permet au juge de peser la crédibilité, la pertinence et la fiabilité des éléments de
preuve afin de parvenir à une décision éclairée et équitable. En d'autres termes, le juge a le
pouvoir discrétionnaire d'analyser les faits, les témoignages et les documents présentés devant
le tribunal, en tenant compte du contexte spécifique de chaque affaire. La faculté
d'appréciation permet au juge de prendre en considération les circonstances particulières et de
rendre une décision. En tant que substitut souvent sollicité en l'absence d'écrit manuscrit,
l'écrit électronique intervient en complément, notamment dans des situations où la forme
papier n'est pas envisageable (Paragraphe 1). Cependant, cette forme d'expression virtuelle

81
est sujette à des vulnérabilités liées à sa nature numérique, telles que la possibilité de
falsifications et les défis inhérents à sa préservation (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le rôle subsidiaire de l’écrit électronique

Le rôle subsidiaire de l'écrit électronique s'explique de manière plurielle, combinant son


caractère supplétif (A) et son statut de simple commencement de preuve en l'absence d'écrit
traditionnel (B).

A- Le caractère supplétif de l’écrit électronique

Le caractère supplétif de l'écrit électronique renvoie à son rôle complémentaire et subsi-


diaire par rapport à l'écrit manuscrit. Cette notion souligne le fait que l'écrit électronique ne
vise pas à remplacer intégralement l'écrit manuscrit, mais plutôt à s'ajouter à celui-ci en of-
frant des avantages spécifiques dans certains contextes. En d'autres termes, plutôt que de
constituer une substitution totale, l'écrit électronique vient en renfort, apportant des fonction-
nalités et des possibilités nouvelles sans effacer le caractère fondamental et irremplaçable de
l'écrit manuscrit130. Cette complémentarité entre les deux formes d'écriture souligne la coexis-
tence harmonieuse de ces deux modalités, chacune trouvant sa place en fonction des besoins,
des exigences et des opportunités qui se présentent dans divers domaines de la vie quotidienne
et professionnelle. En effet, lorsqu’on parle de la fonction de suppléance, on évoque la capaci-
té de l'écrit électronique à remplacer, en tout ou en partie, l'écrit manuscrit. Par exemple, au
lieu d'avoir des documents physiques imprimés, l'écrit électronique peut être utilisé pour
transmettre et partager des informations de manière virtuelle. Cela signifie que l'écrit électro-
nique peut jouer un rôle similaire à celui des écrits manuscrits.

En effet, partir du postulat selon lequel un écrit consiste en une ou plusieurs informa-
tions fixées sur un support (papier ou numérique) à l’aide d’un médium (encre ou impulsion
magnétique), conduirait à admettre que l’information peut être fixée sur des supports autres
que papier. Si la doctrine confirme cette analyse, à ce jour, aucune décision de justice n’a en -
core assimilé écrit électronique et écrit manuscrit. En fait, au regard du système probatoire,
deux fonctions inhérentes au papier, fidélité et durabilité, doivent être préservées, or avec l’in-
formatique, le contenu et la forme des documents dématérialisés peuvent être modifiés. Par

130
Moktar ADAMOU, « La valeur de l'écrit électronique dans l'espace UEMOA », Penant, 2011, In
revue de droit des pays d'Afrique, p.16.

82
ailleurs, l’apparition du support électronique n’a d’ailleurs pas manqué de susciter de nom-
breuses interrogations.

D’abord, la dématérialisation semble poser un autre problème de fond : celui de sa dé -


pendance envers les supports, les produits et les services. Si l’on prend l’exemple du support
papier, l’on s’aperçoit facilement qu’il se suffit à lui-même. Par contre, le document numérisé
ne pourra être consultable que dans la mesure où, il apparaîtra sur un support magnétique,
d’où la nécessité d’avoir un ordinateur qui ne peut fonctionner que par des systèmes d’exploi-
tation qui imposent autant de dépendances en termes de produits et de services.

Si l’électronique permet le miracle technologique de la dématérialisation, il créé des dé-


pendances qui n’avaient pas lieu d’être du temps du simple support papier.

Etant donné l’apparente absence de hiérarchie entre la preuve littérale électronique et


traditionnelle, il était nécessaire d’envisager les éventuels conflits entre une preuve littérale
sous forme électronique et une preuve littérale sur support papier. À cet effet, le législateur
ivoirien retient que : « lorsque la loi n’a pas fixé d’autres principes, et à défaut de convention
valable entre les parties, le juge règle les conflits de preuve littérale en déterminant par tous
moyens le titre le plus vraisemblable quel qu’en soit le support » 131. Une disposition analogue
n’a pas été reproduite dans le Règlement n° 15/2002/CM/UEMOA qui, de ce fait, reste muet
sur la solution des conflits de preuve littérale. Toutefois il importe de retenir qu’en fonction du
cas d’espèce qui lui est soumis, le juge apprécie souverainement sur la base du critère de vrai-
semblance, la preuve littérale qui doit être retenue. Cette tâche confiée au juge ne sera pas
toujours aisée à assumer.

En définitive, loin de diluer l'importance de l'écrit manuscrit, l'écrit électronique


s'impose comme un complément. Ainsi, le caractère supplétif de l'écrit électronique incarne
une synergie entre tradition et modernité, offrant une perspective prometteuse où les deux
formes d'écriture peuvent coexister. Toutefois, la réalité est que l’écrit électronique intervient
comme simple commencement de preuve en l’absence d’écrit manuscrit.

B- Un simple commencement de preuve en l’absence d’écrit manuscrit

Le terme "commencement de preuve en l'absence d'écrit" fait référence à une notion ju-
ridique selon laquelle dans certaines circonstances, des éléments de preuve oraux ou d'autres
types de preuves non écrites peuvent être admis pour étayer une allégation, même en l'absence
131
Article 24 Loi n°2013-546 du 30 juillet 2013 relative aux transactions électroniques

83
d'un document écrit formel. Cela intervient souvent dans des situations où un contrat ou un
accord n'a pas été consigné par écrit, et où une partie cherche à prouver l'existence de cet ac-
cord devant un tribunal132. En d'autres termes, le commencement de preuve en l'absence d'écrit
suppose qu'il peut y avoir des preuves initiales, autres que des documents écrits, qui sou-
tiennent une réclamation. Cela peut inclure des témoignages oraux, des correspondances élec-
troniques, des enregistrements audios, des relevés bancaires, ou d'autres moyens susceptibles
de démontrer qu'il y a eu un accord ou une transaction, même si elle n'a pas été formellement
consignée par écrit. Cependant, il est important de noter que la règle du commencement de
preuve en l'absence d'écrit peut varier selon les juridictions et les types d'affaires. Certains tri-
bunaux ou systèmes juridiques peuvent avoir des exigences spécifiques quant à la nature et à
la crédibilité des preuves admises dans de telles situations. En général, l'idée est de permettre
aux parties de prouver l'existence d'un accord, même si elles n'ont pas de document écrit for-
mel, en fournissant d'autres formes de preuves qui peuvent être considérées comme fiables et
pertinentes, car dans de nombreuses transactions quotidiennes, surtout dans des contextes in-
formels, la formalisation par écrit peut ne pas être systématique. Ainsi le commencement de
preuve reconnaît cette réalité pratique et évite que des parties ne soient injustement désavanta-
gées en raison de l'absence de documentation formelle. En outre l'absence de preuve écrite ne
devrait pas priver une partie de la possibilité de faire valoir ses droits en justice. Par consé -
quent le commencement de preuve permet de protéger les droits légitimes des parties en auto-
risant d'autres formes de preuves qui peuvent confirmer l'existence d'un accord. En effet, l'ac-
ceptation du commencement de preuve permet d'apporter des éléments probants plus diversi-
fiés, favorisant une approche souple et équitable dans le processus juridique, où la vérité sub-
stantielle des faits peut primer sur des formalités strictes.

Par ailleurs, l’on pourrait penser et ce serait une erreur, que la signature électronique est
à l’écrit électronique ce que la signature manuscrite est à l’écrit manuscrit. On en déduirait de
ce fait, que l’acte sous seing privé électronique est pleinement accompli, dès lors qu’un docu-
ment électronique est immédiatement suivi d’une signature elle-même électronique. Ce serait
nier toute l’importance du support papier dans le mécanisme de l’écrit classique 133. Celui-ci
confère l’assurance que la signature qui s’y trouve apposée, manifeste l’adhésion de son au-
teur au contenu de l’acte, car la signature et le contenu du document se trouvent sur le même

132
Définition consultée sur https://www.droit.fr/definition/521-commencement-de-preuve-par-ecrit/ le
13 décembre 2023.
133
Moktar ADAMOU, « La valeur de l'écrit électronique dans l'espace UEMOA », Penant, 2011, In re-
vue de droit des pays d'Afrique, p.20.

84
support. Rien de tel ne se produit avec l’écrit électronique car : « le document informatique
transmis ou reproduit ne possède jamais le caractère original, son unicité et sa signature fai-
sant défaut. En matière électronique, le système d’information ne transmet aucun original (ce
dernier reste en mémoire chez celui qui crée l’enregistrement), mais une simple copie dont la
reproduction et la diffusion peuvent être infinies »134.

Or, l’une des conditions de validité du commencement de preuve par écrit dicte que
l’écrit invoqué doit être « l’œuvre personnelle de la partie à qui on l’oppose soit qu’elle
émane d’elle-même », soit que cette partie se le soit « rendu propre par une acceptation ex-
presse ou tacite »135. L’administration de ces éléments de preuve informatique implique en
outre, que le juge soit convaincu de l’utilisation d’un système fiable.

Par ailleurs, force est de constater qu’avec l’exception du commencement de preuve par
écrit, le gros problème de la preuve reste son administration 136. De même, à partir du moment
où la contestation porte sur un document dématérialisé, le recours à l’expertise devient inévi-
table. Second paradoxe, alors que l’expert est précisément commis par le juge pour l’aider à
prendre sa décision, le juge restera toujours souverain en dernier ressort, même s’il n’a aucune
connaissance technique en la matière. Ce constat peut paraître choquant pour le néophyte, tou-
tefois cela est justifié dans la mesure où, la justice échappe ainsi à l’hégémonie de la science,
qui est trop souvent regardée comme infaillible. En clair, l’aide de l’expert n’ôte jamais le
doute qui peut assaillir le juge. Le magistrat se trouve ainsi dans la plus grande des solitudes
pour trancher le litige.

En définitive, le commencement de preuve par écrit émerge comme une doctrine juri-
dique essentielle, offrant une flexibilité nécessaire dans le système juridique face à des situa-
tions où la formalisation écrite peut être absente. Cette doctrine reconnaît la réalité pratique
selon laquelle tous les accords ou transactions ne sont pas systématiquement consignés par
écrit. En autorisant des éléments de preuve initiaux, tels que des témoignages oraux ou des
documents moins formels, le commencement de preuve par écrit comble les lacunes éven-
tuelles dans la documentation tout en préservant l'équité et la justice. Il garantit que les parties
ne soient pas injustement pénalisées du fait de contraintes strictes liées à la forme, tout en per -
mettant au processus juridique de se concentrer sur la substance des faits plutôt que sur des
formalités rigides.

134
Jacques LARRIEU, Droit de l’Internet, Paris, Ellipses, 2005, p. 130.
135
Cass. civ., 29 février 1972, Bull. civ., III, n° 142.
136
Jacques LARRIEU, idem.

85
Paragraphe 2 : Une fragilité inhérente à l’écrit électronique

La fragilité de l'écrit électronique découle, d'une part, de sa forte dépendance vis-à-vis


de la machine (A) et, d'autre part du risque accru de falsification dans le domaine
électronique (B).

A- Une fragilité tenant à la forte dépendance de l’écrit électronique à la machine

La fragilité inhérente à la forte dépendance de l'écrit électronique à la machine constitue


un aspect critique dans l'évaluation des risques et des défis associés à cette forme de
communication et de documentation. La nature même de l'écrit électronique implique une
interconnexion étroite avec des dispositifs informatiques, que ce soient des ordinateurs
personnels, des serveurs, ou d'autres appareils technologiques. Cette dépendance accrue
soulève plusieurs préoccupations majeures, allant de la vulnérabilité aux pannes matérielles à
la complexité croissante des infrastructures technologiques 137. Tout d'abord, la fragilité
résultant de cette dépendance à la machine se manifeste dans la susceptibilité aux défaillances
matérielles. En effet, les pannes de disques durs, les défaillances de mémoire, ou d'autres
problèmes matériels peuvent entraîner la perte irrémédiable de données électroniques. Cette
réalité expose les utilisateurs à un risque significatif de perdre des informations cruciales en
cas de défaillance matérielle, soulignant l'importance d'une gestion proactive des sauvegardes
et de la redondance des données. Par ailleurs, la fragilité de la preuve électronique se renforce
avec la complexité croissante des infrastructures technologiques 138. Les mises à jour
logicielles, les évolutions matérielles rapides et les compatibilités variables entre les systèmes
peuvent engendrer des incompatibilités, conduisant à des difficultés d'accès et de lecture des
documents électroniques à long terme. La durabilité de l'information dépend ainsi des
écosystèmes technologiques en constante évolution, ajoutant une couche de fragilité à l'écrit
électronique. De plus, la tout cela englobe également des préoccupations de sécurité. De nos
jours, les menaces telles que les logiciels malveillants, les ransomwares et les attaques par
phishing mettent en péril la confidentialité et l'intégrité des données électroniques. Les
machines servant de support à l'écrit électronique deviennent des cibles potentielles,
nécessitant des mesures de sécurité robustes pour contrer les risques de violation de la vie
137
Emma GHARIANI, « L’indice de fragilité numérique : les données comme levier pour comprendre
les exclus du numérique », In : Informations sociales, vol. 205, no. 1, 2022, pp. 74-81.
138
Muriel LEVANNIER, « Chapitre 1. Généralités sur la fragilité », Vuibert, 2021, pp. 163-166.

86
privée et de perturbation des opérations. En outre, la dépendance à la machine soulève des
questions fondamentales quant à la pérennité des formats de fichiers. Les progrès
technologiques peuvent rendre obsolètes certains formats, posant des défis lors de la lecture
d'anciens documents numériques. Cette fragilité temporelle souligne la nécessité de normes de
préservation numérique pour garantir l'accessibilité à long terme des écrits électroniques.
Dans un contexte plus large, la fragilité résultant de la dépendance à la machine souligne
l'importance cruciale d'une gestion informatique stratégique. Les organisations et les individus
doivent élaborer des politiques de sauvegarde, des plans de continuité, et des pratiques de
sécurité informatique pour atténuer les risques associés à cette interconnexion étroite. La prise
de conscience de ces défis permet d'adopter une approche proactive visant à renforcer la
résilience de l'écrit électronique face aux multiples facettes de sa dépendance à la machine,
contribuant ainsi à sa durabilité et à sa fiabilité à long terme. En définitive, la fragilité
résultant de la forte dépendance de l'écrit électronique à la machine soulève des
préoccupations majeures quant à la sécurité, la pérennité et l'accessibilité à long terme de
l'information numérique. Toutefois, il existe des solutions pertinentes pour anticiper ces
problèmes et renforcer la résilience de l'écrit électronique. Premièrement, la mise en place de
politiques de sauvegarde régulières et la création de copies de sécurité sur des supports
diversifiés permettent de minimiser le risque de perte de données en cas de défaillance
matérielle. Deuxièmement, la normalisation des formats de fichiers et l'adoption de normes de
préservation numérique garantissent une meilleure compatibilité et accessibilité des
documents électroniques sur le long terme. Troisièmement, la sensibilisation et la formation
des utilisateurs aux bonnes pratiques de sécurité informatique contribuent à réduire les risques
liés aux cyberattaques. Enfin, l'investissement dans des infrastructures technologiques
robustes, régulièrement mises à jour et entretenues, constitue une mesure proactive pour
garantir la stabilité des systèmes supportant l'écrit électronique. En adoptant ces stratégies, les
organisations et les individus peuvent atténuer la fragilité inhérente à la dépendance à la
machine, assurant ainsi la durabilité et la fiabilité de l'écrit électronique dans un
environnement numérique en constante évolution.

B- Une fragilité tenant au risque de falsification accru en matière électronique

La fragilité liée au risque de falsification accrue en matière électronique reflète les défis
et les vulnérabilités spécifiques associés à la manipulation ou à la modification malveillante
de documents numériques. Contrairement à l'écrit sur support papier, l'écrit électronique est

87
plus exposé aux risques de falsification en raison de la facilité avec laquelle les données
numériques peuvent être altérées, copiées ou reproduites sans laisser de traces évidentes.

L'un des aspects préoccupants de cette fragilité réside dans la facilité avec laquelle les
documents électroniques peuvent être modifiés sans détection immédiate. Des outils
informatiques sophistiqués permettent de falsifier des signatures, de modifier le contenu des
contrats, ou de créer des versions falsifiées de documents authentiques. Cette vulnérabilité est
exacerbée par la rapidité avec laquelle les informations peuvent être diffusées en ligne,
permettant une propagation rapide de documents falsifiés avant qu'une falsification ne soit
détectée. Un autre facteur contribuant à cette fragilité est la complexité des systèmes
informatiques et des réseaux en ligne. Les cybercriminels peuvent exploiter des failles de
sécurité, utiliser des techniques d'ingénierie sociale, ou mettre en œuvre des attaques de
phishing pour accéder à des documents électroniques et les manipuler. Cette sophistication
croissante des attaques électroniques accentue le risque de falsification et nécessite des
mesures de sécurité renforcées. Par ailleurs, la fragilité liée au risque de falsification en
matière électronique souligne également les défis liés à la confiance numérique 139. Alors que
la signature manuscrite sur un document papier est souvent associée à une certaine
authenticité, les signatures électroniques, bien que juridiquement reconnues dans de
nombreuses juridictions, sont également sujettes à des risques de contrefaçon. La confiance
dans l'authenticité des documents numériques dépend de mécanismes de sécurité tels que la
cryptographie, et des protocoles de vérification robustes doivent être mis en place pour
garantir l'intégrité des signatures électroniques 140. La complexité des systèmes informatiques
modernes et la connectivité omniprésente amplifient davantage cette fragilité. Les attaques de
piratage visant à infiltrer des systèmes pour accéder, altérer ou supprimer des documents
électroniques sont devenues monnaie courante.

Pour atténuer le risque croissant de falsification en matière électronique, plusieurs


solutions peuvent être mises en place, combinant des approches technologiques,
organisationnelles et juridiques. Tout d'abord, l'adoption de la technologie blockchain émerge
comme une solution robuste. Cette technologie crée un registre distribué et immuable,
instaurant ainsi une chaîne de confiance inaltérable. Elle se révèle particulièrement efficace

139
Boris BARRAUD, « La preuve de l’acte juridique électronique-Une nouvelle illustration de l’in-
conséquence du droit devant la modernité technologique » Revue de la Recherche Juridique - Droit
prospectif, 2012, p.1791 et s.
140
Étienne VERGÈS, La Preuve Numérique, Entre Continuité Et Changement De Paradigme, Justice
actualités n°21, Juin 2019, p.40.

88
pour les documents nécessitant une traçabilité incontestable. En parallèle, l'établissement et
l'adoption de normes de sécurité spécifiques aux documents électroniques sont cruciaux. Des
protocoles de chiffrement avancés et des standards de préservation numérique peuvent
instaurer des pratiques communes, renforçant ainsi la sécurité des données. Pour renforcer les
mécanismes de vérification des signatures électroniques, l'utilisation de la cryptographie à clé
publique, associée à une gestion rigoureuse des clés de chiffrement, s'avère nécessaire. Cela
garantit l'authenticité des signatures et permet de détecter toute tentative de falsification. La
sensibilisation continue des utilisateurs aux risques de falsification, couplée à une formation
sur les meilleures pratiques en matière de sécurité informatique et de gestion documentaire,
accroît la vigilance des utilisateurs. Parallèlement, l'implémentation de systèmes de contrôle
des accès et de gestion des versions restreint l'accès aux documents sensibles tout en traçant
toutes les modifications, facilitant ainsi la détection des altérations non autorisées. Il est
également crucial de développer et d'adopter des solutions technologiques spécifiquement
conçues pour détecter les falsifications, telles que des logiciels d'analyse d'image avancés.
Renforcer la législation en matière de protection des documents électroniques, avec des
dispositions spécifiques contre la falsification, dissuade les individus de s'engager dans des
activités illégales. Une application stricte de la loi renforce également la confiance dans la
validité des documents numériques. Enfin, mettre en place des stratégies de gestion de
l'obsolescence des formats de fichiers numériques, comprenant la migration planifiée des
données vers des formats durables, assure la pérennité des documents électroniques. En
combinant ces solutions, les organisations peuvent créer un environnement plus sécurisé pour
les documents électroniques, minimisant ainsi les risques de falsification tout en favorisant la
confiance dans l'intégrité de l'information numérique. Cette approche holistique répond aux
défis croissants posés par la falsification en matière électronique dans un contexte numérique
en constante évolution. Enfin l'intelligence artificielle peut être utilisée pour renforcer la
sécurité des documents électroniques. En effet, les systèmes d'IA peuvent vérifier la
cohérence des motifs de signature, détecter des anomalies dans les modèles de signature
électronique et identifier des tentatives de contrefaçon. Les systèmes d'IA peuvent surveiller
en temps réel le comportement des utilisateurs et du réseau. En analysant les modèles
d'activité, l'IA peut détecter des anomalies qui pourraient indiquer une tentative de
compromission. Par exemple, si un utilisateur accède soudainement à des fichiers sensibles
auxquels il n'a pas normalement accès, l'IA peut déclencher une alerte. Par ailleurs, les
algorithmes d'apprentissage automatique peuvent être formés à identifier des schémas
associés à des menaces connues et inconnues. Cela inclut la détection de logiciels

89
malveillants, d'attaques par phishing, et d'autres formes d'intrusions. L'IA peut bloquer ou
mettre en quarantaine automatiquement des documents ou des utilisateurs suspectés d'être à
l'origine de menaces.

90
CONCLUSION

Au demeurant, notre étude sur la valeur juridique de l'écrit électronique en droit ivoirien
révèle une position du législateur qui oscille entre reconnaissance 141 et exclusion142, suscitant
ainsi des questionnements sur la réelle valeur de l'écrit électronique dans un tel contexte.
Alors qu’il l’admet dans certains domaines en tant que condition de validité dans des
domaines spécifiques, d'autres s’avère excluent, créant ainsi un paysage juridique fragmenté
et complexe. Dans la même veine, il subsiste de réelles difficultés ne permettant pas une
admission totale de l’écrit électronique comme preuve. Au terme de cette analyse, des
interrogations persistent, soulignant la nécessité d'une réflexion continue sur les implications
juridiques de l'écrit électronique. D’un autre côté, nous comprenons la prudence du
législateur, particulièrement dans des domaines nécessitant un niveau de sécurité absolue
comme les suretés ou encore les successions. Nous regrettons toutefois l'absence d'un
mécanisme spécialisé à cet effet. Certes la signature électronique existe, mais elle présente des
défis en termes de véracité et d'authenticité, avec une vulnérabilité potentielle face à des
remises en cause et falsifications.

Le domaine des TIC étant en constante évolution, nous invitons les chercheurs à
approfondir la compréhension de cette dynamique complexe et explorer d'autres aspects qui
n'auraient pas été pleinement pris en compte dans cette étude. La valeur juridique de l'écrit
électronique en droit ivoirien demeure un sujet complexe, exigeant une approche équilibrée
entre l'adaptation aux avancées technologiques et la préservation de l'intégrité et de la
confiance dans le système juridique. Des développements futurs devront envisager des
mécanismes plus robustes pour sécuriser l'utilisation de l'écrit électronique, tout en répondant
aux besoins de différents secteurs juridiques. Alors que les progrès technologiques ouvrent de
nouvelles perspectives pour la modernisation des transactions et des processus juridiques, la
question de la confiance, de la sécurité et de l’admission totale de l’écrit électronique reste
encore en débat.

Par ailleurs l'acceptation même mitigée de l'écrit électronique, montre une réelle volonté
d'adapter le cadre juridique aux réalités numériques. Cependant la fragilité de l'écrit
électronique, due à sa dépendance aux technologies et aux risques de falsification, souligne la
nécessité de mesures de sécurité renforcées et d'une vigilance constante. De même, la
141
Article 23 et 24 Loi n°2013-546 du 30 juillet 2013 relative aux transactions électroniques.
142
Article 24 Acte additionnel A/SA.2/01/10 portant transactions électroniques de la CEDEAO.

91
présomption de fiabilité attachée à la signature électronique, bien qu'encourageante, ne peut
être considérée comme infaillible, surtout à l'ère des cybermenaces constantes 143. Tout cela
démontre que le chemin vers une reconnaissance pleine et entière de la valeur juridique de
l'écrit électronique implique une collaboration continue entre les acteurs juridiques, les
experts technologiques et la société. L'encouragement à la recherche et à l'innovation dans le
domaine de la cybersécurité et de l'authentification numérique constitue un pilier essentiel de
cette transition. Des incitations financières et une collaboration accrue entre le gouvernement,
le secteur privé et les institutions académiques peuvent stimuler la création de technologies
plus avancées et sécurisées. Dans le même ordre d'idées, la sensibilisation du public et des
acteurs juridiques est une étape fondamentale. Une compréhension approfondie des
implications légales de l'écrit électronique, de ses avantages et de ses limites, est cruciale pour
une adoption réussie et responsable. Tout en saluant les progrès déjà accomplis, il est
impératif d'aborder ces défis avec détermination et anticipation. Les recommandations émises
visent à établir un équilibre entre l'adaptation aux avancées technologiques 144 et la
préservation des principes fondamentaux de fiabilité et de confiance dans le système juridique
ivoirien. L'avenir de l'écrit électronique en droit repose sur une approche proactive, des
ajustements ciblés et une collaboration continue entre les différents acteurs impliqués. Dans le
prolongement des recommandations précédentes, plusieurs solutions innovantes peuvent être
envisagées pour consolider la valeur juridique de l'écrit électronique au sein du droit ivoirien.
Tout d'abord, la promotion de la normalisation et de l'adoption de standards internationaux en
matière de sécurité des documents électroniques constituerait une pierre angulaire, favorisant
ainsi l'interopérabilité et renforçant la confiance des parties prenantes dans les transactions
numériques.

Parallèlement, une intégration plus approfondie de l'écrit électronique dans les


programmes de formation juridique serait cruciale. Des modules dédiés permettraient aux
professionnels du droit d'acquérir une compréhension plus pointue des implications légales et
technologiques inhérentes à l'utilisation de documents électroniques.

La mise en place de laboratoires d'innovation juridique représente une initiative


visionnaire, rassemblant des experts en droit et en technologie pour stimuler la recherche et le
développement de solutions novatrices adaptées aux spécificités locales. De même,
encourager l'adoption de services de certification numérique tiers permettrait d'attester de

Comme l’atteste les décisions de justice que nous avons cité.


143

Djibril SOW « Retour sur l’adaptation du droit au numérique », Revue CAMES/SJP, n°001/2016, p.
144

77-100.

92
manière indépendante l'authenticité des documents électroniques, renforçant ainsi leur
crédibilité.

Par ailleurs, la promotion de systèmes d'archivage électronique conformes aux normes


internationales assurerait l'intégrité, la pérennité et l'accessibilité des documents électroniques
sur le long terme. Dans un souci d'efficacité et d'équité, le développement de plateformes de
médiation en ligne pourrait offrir une alternative agile aux procédures judiciaires
traditionnelles, résolvant ainsi les litiges liés à l'écrit électronique de manière rapide et
équitable.

Pour dissuader d'éventuelles malversations, l'établissement de sanctions spécifiques en


cas de falsification ou de contrefaçon d'écrits électroniques serait une mesure dissuasive et
protectrice. Enfin, des campagnes de sensibilisation continue, englobant le grand public et les
professionnels, contribueraient à éduquer sur les meilleures pratiques d'utilisation de l'écrit
électronique, dissipant ainsi les réserves et favorisant son adoption généralisée.

En adoptant cette approche intégrée et proactive, le cadre juridique de l'écrit


électronique en Côte d'Ivoire pourrait non seulement être renforcé mais également devenir un
modèle d'adaptation réussie aux défis contemporains. Les efforts visant à établir un équilibre
entre les avancées technologiques et les exigences juridiques doivent être perpétuels, avec une
attention particulière accordée à la sécurisation des transactions électroniques et à la
préservation de la confiance des acteurs impliqués. Dans la même veine, ces initiatives
combinées de manière synergique, peuvent non seulement surmonter les défis actuels, mais
également établir un fondement solide permettant à l'écrit électronique de jouer un rôle central
dans les transactions et les engagements juridiques, tout en préservant les principes
fondamentaux de fiabilité et de confiance au sein du système juridique ivoirien.

93
BIBLIOGRAPHIE

I- OUVRAGES
- ANDRÉ Lucas, Droit de l’informatique et de l’Internet, Paris, PUF, 2001, 748 p.
- BASQUIAT Jean-Paul, Les administrations et les autoroutes de l’information. Vers la cy-
beradministration : stratégies et pratiques, Les éditions d’organisation, 1996, 205 p.
- BENSOUSSAN Alain, Informatique, télécoms, Internet, Editions Francis Lefebvre, 2001,
925 p.
- BREESÉ Pierre, Guide juridique de l'internet et du commerce électronique, Vuibert, 2000,
460 p.
- CATALA Pierre, Le droit à l’épreuve du numérique, Jus ex machina, PUF, 1998, 130 p.
- LE TOURNEAU Philippe, Contrats informatiques et électroniques, 3ème éd. Dalloz,
2002, 360 p.
- COUDOL Thierry Piette, Échanges électroniques-certification et sécurité, Paris, Litec,
2000, 237 p.
- DEMOULIN Marie, Droit du commerce électronique et équivalents fonctionnels, Théorie
critique, Bruxelles, Larcier, 2014, 644 p.
- DENIS Jérôme, Sécurité informatique et valeur des écrits au travail, Semen, 2010, 100 p.
- DUCHARME Christian, Du CD-ROM à la numérisation : développer les documents nu-
mériques en bibliothèque, 1997, Institut de formation des bibliothécaires, 172 p.
- DUFOUR Arnaud, GHERNAOUTI Solange, Internet, 9eme édition, Presse Universitaires
de France, 2002, 128 p.
- FAUSSE Arnaud, la signature électronique, transaction et confiance sur internet, Dunod,
2001, 400 p.
- FERRAN Fabien, Le Notaire et le règlement de la succession, Paris, LexisNexis, 3ème édi-
tion, 2014, 228 p.
- GENY François, Science et technique en droit privé positif : nouvelle contribution à la
critique de la méthode juridique, n° 203, 232 p.
- HENOCQUE Bruno, Appropriation des messageries électroniques dans les entreprises en
réseau, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2002, 192 p.
- HOLLANDE Alain et BELLEFONDS Xavier Linant, Pratique du droit de l’informatique
et de l’Internet, 6ème édition, Paris, Delmas, 2008, 480 p.
- LARRIEU Jacques, Droit de l'Internet, 2ème édition, 2010, 218 p.
- LELEU Yves-Henri, La transmission de la succession en droit comparé, Bruylant, 1996,
644 p.
- MOUTON Dimitri, Sécurité de la dématérialisation, Eyrolles, 2012, 310 p.
- MOKANOV Ivan, La teneur du standard de fiabilité des moyens électroniques de signa-
ture, Centre de recherche en droit public Faculté de droit, 2002, 177 p.
- PARISIEN Serge et TRUDEL Pierre, L’identification et la certification dans le commerce
électronique, Cowansville, Yvon Blais, 1996, 270 p.

94
- QUÉMÉNER Myriam, Le droit face à la disruption numérique, Paris, Lextenso, 2018,
360 p.
- VERHEYDEN-JEANMART Nicole, Droit de la preuve, Bruxelles, Éditions Larcier,
1991, n° 201, 187 p.
- RAPP Lucien, Le courrier électronique (E-mail), Que sais-je ? 1998, 128 p.
- VERGÈS Étienne, La Preuve Numérique, Entre Continuité Et Changement De Para-
digme, Justice actualités n°21, Juin 2019, 110 p.
- VIVANT Michel, Lamy droit de l’informatique et des réseaux, Paris, Lamy, 2006, 3034 p.
- Lexique des termes juridiques, Dalloz, 2018-2019, p.745.

II- ARTICLES DE DOCTRINE


- ADAMOU Moktar, « La valeur de l'écrit électronique dans l'espace UEMOA », Penant,
2011, In revue de droit des pays d'Afrique, p.12.
- BARRAUD Boris, « La preuve de l’acte juridique électronique-Une nouvelle illustration
de l’inconséquence du droit devant la modernité technologique » Revue de la Recherche
Juridique - Droit prospectif, 2012, p.1791 et s.
- CAÏDI Stéphane, « La preuve et la conservation de l'écrit dans la société de l'informa-
tion », 2004, Lex Electronica, p.57. https://www.lex-electronica.org/s/1067.
- GAUTRAIS Vincent, « Libres propos sur le droit des affaires électroniques » Lex electro-
nica, Vol 10, n°3, Hiver/ Winter 2006, p.20.
- GHARIANI Emma, « L’indice de fragilité numérique : les données comme levier pour
comprendre les exclus du numérique », In : Informations sociales, vol. 205, no. 1, 2022,
pp. 74-81.
- GHESTIN Jacques, « Traité de droit civil, t. II, Les obligations, le contrat », In : Revue
internationale de droit comparé. Vol. 32 N°3, Juillet-septembre 1980. pp. 661-662.
- HANOTTE Christophe, « Les messageries électroniques », Paris, Presses universitaires de
France, 1998, In : Revue d'histoire et de philosophie religieuses, 81e année n°1, Janvier-
mars 2001. p.33.
- LEVANNIER Muriel, « Chapitre 1. Généralités sur la fragilité », Vuibert, 2021, pp. 163-
166.
- SOW Djibril « Retour sur l’adaptation du droit au numérique », Revue CAMES/SJP,
n°001/2016, p. 77-100.
- ZILLER Jacques, « Les instruments juridiques de la protection des intérêts diffus et des
biens collectifs : Le rôle des pouvoirs privés et la rentrée des pouvoirs publics », Revue in-
ternationale de droit économique, vol. xvii, no. 3-4, 2003, pp. 495-510.

III- THÈSE ET MÉMOIRES


A-Thèse
- BAÏDOURI Armelle Dufour, L’identité numérique : un levier d’innovation pour les
marques ? Thèse de doctorat, Université Panthéon-Assas, Juin 2013.

95
B-Mémoires
- GESLAK Virginie, La protection du consommateur et le contrat en ligne, DEA, centre de
droit de la consommation et du marché, Université de Montpellier I 2011.
- HOUENOU Emmanuel, La contractualisation du droit des sociétés : l’ordre public à
l’épreuve de la liberté contractuelle dans les sociétés commerciales de l’OHADA. Droit.
Université Panthéon Sorbonne - Paris I, Université d’Abomey-Calavi (Bénin), 2019.
- KOUADIO Pacôme, La preuve sur internet : le cas de la vente en ligne, Université de Co-
cody-Abidjan - D.E.A. 2006.
- SUXE Florent, La preuve du contrat électronique, Université Jean Monnet Paris XI -
Master 2 droit des contrats 2012.

IV- LEGISLATION
A-Texte international
- Loi type de la CNUDCI sur le commerce électronique Guide pour son incorporation et
1996, consulté sur https://uncitral.un.org/sites/uncitral.un.org/files/media-documents/
uncitral/fr/05-89451_ebook.pdf

B- Textes communautaires
- Acte additionnel A/SA.2/01/10 portant transactions électroniques de la CEDEAO, sur
https://www.droit-afrique.com/upload/doc/uemoa/CEDEAO-Acte-2010-02-transactions-
electroniques.pdf
- Acte Uniforme portant Droit commercial Général du 15 Décembre 2010, Journal Officiel
OHADA n°23 du 15 février 2011, p.1 et s.
- Loi n° 2008 -08 du 25 janvier 2008 sur les transactions électroniques au Sénégal consul-
table sur https://www.centif.sn/modules/lois_reglements/loi_sur_la_cybercriminalite.pdf
- Loi n° 045-2009/AN du 10 novembre 2009 portant réglementation des services et des
transactions électroniques, sur https://www.servicepublic.gov.bf/storage/documents-
officiels
- Règlement n° 15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les Etats
membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, consultée sur
http://www.loidici.com/banquescentral/banques.php

C- Textes internes
- Loi n°2013-451 du 19 juin 2013 relative à la lutte contre la cybercriminalité, JO du 12
août 2013
- Loi n°2013-450 du 19 juin 2013 relative à la lutte à la protection des données à caractère
personnel, JO du 8 août 2013
- Loi n°2013-546 du 30 juillet 2013 relative aux transactions électroniques, JO du 12 sep-
tembre 2013
- Loi n°2013-702 du 10 octobre 2013 portant Code des Postes, JO du 14 novembre 2013

96
- Loi n°2016-555 relative au droit d’auteur et aux droits voisins, JO du 20 octobre 2016
- Loi n°2016‐412 relative à la consommation, JO du 15 juin 2016

V- JURISPRUDENCE
A-Décision communautaire
- Cour d’Appel de Ouagadougou, Société ATLANTIQUE TELECOM c/ Société PLANOR
AFRIQUE et Société TELECEL FASO, Arrêt n°030 du 15/05/2009, Ohada J-10-213
www.ohada.com

B- Décisions internes
- COUR D’APPEL D’ABIDJAN, Jugement correctionnel par défaut n° 136/20 du 30 juillet
2020, inédit.
- COUR D’APPEL D’ABIDJAN, Arrêt correctionnel par défaut n° 292/21 du 24 mars
2021, inédit.
- SECTION DE TRIBUNAL DE GUIGLO, Jugement correctionnel n° 44/2022 du 09 fé-
vrier 2021, inédit.

97
TABLE DES MATIÈRES

DÉDICACES............................................................................................................................II
REMERCIEMENTS..............................................................................................................III
SIGLES ET ABREVIATIONS..............................................................................................IV
SOMMAIRE.............................................................................................................................V
INTRODUCTION.....................................................................................................................1
PREMIÈRE PARTIE.............................................................................................................10
UNE ADMISSION MITIGÉE DE L’ÉCRIT ÉLECTRONIQUE EN MATIÈRE DE
VALIDITÉ D’UN ACTE JURIDIQUE EN DROIT IVOIRIEN........................................10
CHAPITRE 1 : UNE ADMISSION DE L’ÉCRIT ÉLECTRONIQUE COMME
CONDITION DE VALIDITÉ DU CONTRAT DE COMMERCE ÉLECTRONIQUE.......12
Section 1 : L’intervention de l’écrit électronique au stade
de l’obligation d’information précontractuelle.................................................................12
Paragraphe 1 : La nécessité de l’écrit électronique pour la communication
d’informations sur l’identité du e-fournisseur...............................................................13
A- Un écrit électronique constitué par échange de courriers électroniques..............13
B- Un écrit électronique constitué par le biais de plateformes en ligne....................15
Paragraphe 2 : La nécessité de l’écrit électronique pour la communication
d’informations relatives aux conditions contractuelles..................................................17
A- La numérisation des conditions contractuelles sur le site web.............................17
B- La constitution de l’écrit électronique lors du processus de commande sur le site
web.............................................................................................................................19
Section 2 : L’intervention de l’écrit électronique au stade
de l’échange des consentements par voie électronique.....................................................21
Paragraphe 1 : La numérisation des formalités relatives à l’offre.................................21
A- Les caractéristiques de l’offre électronique..........................................................22
B- Les moyens d’expression de l’offre électronique...................................................24
Paragraphe 2 : La numérisation des formalités relatives à l’acceptation.......................27
A- Les caractéristiques de l’acceptation électronique...............................................27
B- Les moyens d’expression de l’acceptation électronique........................................29
CHAPITRE 2 : UNE EXCLUSION DE L’ÉCRIT ÉLECTRONIQUE
POUR LA VALIDITÉ DES ACTES SOUS SEING PRIVÉS RELATIFS
AU DROIT DE LA FAMILLE ET AUX SURÉTÉS............................................................33
Section 1 : Des actes soumis à un formalisme particulier................................................33
Paragraphe 1 : la nécessité de l’écrit pour la constitution des sûretés...........................34
A- L’exigence de l’écrit comme forme des contrats de sûretés..................................34
B- La compétence exclusive du notaire pour les transactions immobilières.............36
Paragraphe 2 : L’intervention obligatoire du notaire dans les successions....................37
A- Dans les successions ab intestat............................................................................37
B- Dans les successions testamentaires.....................................................................39
Section 2 : L’inadaptation dudit formalisme au contexte virtuel.....................................41
Paragraphe 1 : Un formalisme accentué pour la protection des intérêts en présence....41
A- Pour la protection des intérêts privés....................................................................42
B- Pour la protection de l’intérêt public....................................................................43

98
Paragraphe 2 : Un formalisme manifestement difficile à réaliser dans le contexte virtuel
........................................................................................................................................44
A- L’absence d’équivalent au formalisme traditionnel..............................................45
B- La nécessité d’un formalisme de substitution........................................................46
DEUXIÈME PARTIE : UNE ADMISSION DIFFICILE DE L’ÉCRIT
ÉLECTRONIQUE EN MATIÈRE DE PREUVE D’UN ACTE JURIDIQUE EN DROIT
IVOIRIEN................................................................................................................................49
CHAPITRE 1 : DES INCERTITUDES SUR L’AUTEUR ET SUR L’INTÉGRITÉ DE
L’ÉCRIT ÉLECTRONIQUE.................................................................................................51
Section 1 : Une difficile identification de l’auteur de l’écrit électronique.......................51
Paragraphe 1 : Une identification assurée en principe par la signature électronique....51
A- L’absence d’une définition claire de la signature électronique............................52
B- Les fonctions de la signature électronique............................................................53
Paragraphe 2 : Les imperfections de la signature électronique......................................56
A- Une présomption de fiabilité attachée à la signature électronique.......................56
B- Les limites à la présomption de fiabilité attachée à la signature électronique.....57
Section 2 : Une intégrité de l’écrit électronique fortement discutable.............................60
Paragraphe 1 : Une complexité inhérente aux techniques d’archivage électronique.....60
A- La technique micrographique................................................................................61
B- La technique de numérisation...............................................................................63
Paragraphe 2 : Les conséquences d’une mauvaise utilisation
des techniques d’archivage électronique.......................................................................66
A- Des conséquences irréversibles sur la sécurité des documents électroniques......66
B- Des conséquences irréversibles sur l’intégrité des documents électroniques.......68
CHAPITRE 2 : UN ÉCRIT ÉLECTRONIQUE À FORCE PROBANTE RELATIVE.......71
Section 1 : la persistance d’une discrimination entre les preuves littérales.....................72
Paragraphe 1 : Une équivalence probatoire apparente...................................................72
A- La consécration du principe d’équivalence fonctionnelle.....................................72
B- Le bien-fondé du principe d’équivalence fonctionnelle........................................74
Paragraphe 2 : Une prééminence de l’écrit manuscrit...................................................77
A- Une prééminence fondée sur la haute valeur sécuritaire
de l’écrit manuscrit....................................................................................................77
B- Une prééminence fondée sur l’indépendance
de l’écrit manuscrit vis-à-vis de la machine..............................................................79
Section 2 : Une faculté d’appréciation laissée au juge....................................................81
Paragraphe 1 : Le rôle subsidiaire de l’écrit électronique..............................................82
A- Le caractère supplétif de l’écrit électronique........................................................82
B- Un simple commencement de preuve en l’absence d’écrit manuscrit...................84
Paragraphe 2 : Une fragilité inhérente à l’écrit électronique.........................................86
A- Une fragilité tenant à la forte dépendance de l’écrit électronique à la machine..86
B- Une fragilité tenant au risque de falsification accru en matière électronique......88
CONCLUSION.......................................................................................................................91
BIBLIOGRAPHIE..................................................................................................................94
TABLE DES MATIERES......................................................................................................98

99

Vous aimerez peut-être aussi