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I

Phèdre 1677
Jean Racine1639-1699
Structure de la pièce
Tragédie en cinq actes écrite en alexandrins, forme poétique (en 1654 vers), qui obéit à la règle des 3 unités (temps, lieu,
action) et de la bienséance et de la vraisemblance (l’illusion théâtrale – illusion de vérité) c’est -à-dire que la
vraisemblance est liée à la nécessité : il faut que les actions des personnages entraînent nécessairement (de manière
logique et obligatoire) des conséquences. Il n'y a pas de place laissée au hasard, à l'aléatoire, tel que le prévaut le
classicisme. Ainsi : Si Phèdre avoue son mal à Oenone, alors il y aura nécessairement une sanction ; Si Oenone ment à
Thésée, alors ce dernier bannira nécessairement son fils ; Si Thésée bannit son fils, alors Hippolyte mourra
nécessairement.
Il s’agit aussi d’une pièce mythologique, un classique traité par les poètes grecs et romains. Les règles de la tragédie
classique tendent à réaliser la perfection de la création: cette perfection est fondée d'une part sur le principe de la mimésis
(imitation de la nature). La tragédie avait pour but dans l’Antiquité de provoquer chez le spectateur de vives réactions
telles que la terreur ou la pitié, le poussant ensuite à la catharsis dans la Cité (ville) qui est le processus de purgation des
passions. La catharsis (séparation des passions mauvaises et bonnes), permet une édification morale du spectateur : ce
dernier en ressort purifié de ses éventuelles mauvaises passions, devenant par conséquent un homme meilleur. Au
XVIIe siècle, les tragédies sont caractérisées par la mise en scène de hauts dignitaires, une intrigue haletante et sérieuse,
la présence d’une force transcendante qui cristallise la fatalité et une fin tragique par une mort réelle ou symbolique du
ou des héros.
Pièce de théâtre à contre-courant du jansénisme (héritage religieux de Racine) du XVIIème siècle, en effet ce courant
religieux catholique s’inspirant des écrits de Saint Augustin sur la grâce divine affirme que la grâce de Dieu, est
nécessaire au salut de l’âme humaine et est accordée ou refusée par avance, sans que les œuvres du croyant, toutes
entachées du péché originel, puissent changer le sort de son âme, on fait face à la prédestination. En parallèle de cette
pensée, la présence des dieux y est très présente comme dans toute tragédie grecque, ils interviennent dans la vie des
héros et les mettent à l’épreuve sur des sujets de vie complexes tels que la passion, les malédictions, les dilemmes.
Comme tous les héros, ils se débattent contre leur instincts et tentent d’être libres malgré la fatalité. Ils expérimentent
tous les états d’âme possibles : la jalousie, le remords, le dégoût de soi, le malheur, la fureur, la mort. Phèdre est un
personnage éponyme de la pièce de Racine ; femme de Thésée, roi de Trézène, absent au début de la pièce, est la victime
d’une malédiction qui touche toutes les femmes de sa famille, sa mère s’est accouplée avec un taureau, sa sœur a été
abandonnée par Thésée qui lui avait promis le mariage, avant d’épouser finalement sa sœur. Ainsi, Phèdre tombe ensuite
amoureuse de son beau-fils, Hippolyte, qui ne l’aime pas en retour et qui a repoussé ses avances, qui s’est montré horrifié
suite à l’aveu d’amour de Phèdre. Ce qu’il faut retenir de Phèdre c’est « qu’elle n’est ni tout à fait coupable ni tout à
fait innocente ».
Découpage
Action : Phèdre éprouve une passion interdite pour son beau-fils Hippolyte, celle-ci va la conduire à la mort. Ainsi, toutes les scènes,
tous les gestes et tous les propos échangés par les personnages servent à expliquer, à motiver ou à faire avancer une même et unique
action. Chaque détail se trouve alors subordonné à l'ensemble, aucun élément ne doit être gratuit ni dépourvu de conséquence
directe sur l'action. Le terme « action » n'est pas à entendre dans son sens moderne, les actions (les choses qui se passent) résultent
des paroles prononcées par les personnages. Dans la tragédie, on dit ce que l'on a fait, ce que l'on est en train de faire, et ce que l'on
compte faire. À retenir que, lorsque les personnages prennent la parole, ce n'est jamais inutile : tout ce qui est dit a une importance
pour faire avancer l'action de la pièce jusqu'à son terme. C'est ce qu'on appelle la fonction performative du langage : au théâtre,
parler = agir/faire une action. Ainsi Comme le dit Roland Barthes, un critique littéraire, « Dire ou ne pas dire ? Telle est la question.
[...] L'enjeu tragique est ici beaucoup moins [...] l'amour de Phèdre que son aveu. » (Sur Racine)
Lieu : Le Palais, Trézène,
Temps : l’action se déroule sur 24h

Acte 1 : l’exposition/prologue
Acte 2 : l’aveu (élément perturbateur)
Acte 3 : le retour de Thésée (recherche d’une solution)
Acte 4 : la jalousie de Phèdre (l’action se cristallise, le héros ne peut plus échapper à son destin)
Acte 5 : le dénouement (l’action se dénoue et entraîne généralement une issue fatale)
II
1. L'action tragique se déclenche à partir du moment où Phèdre avoue sa passion coupable à Œnone en I-3 ;
2. Celle-ci progresse lorsqu'elle l'avoue à Hippolyte en II-5 ;
3. Elle empire lorsqu' Œnone fait croire à Thésée que c'est Hippolyte qui ressent cette passion coupable, en IV-1 ;
4. Elle s'aggrave lorsqu'Hippolyte reste silencieux devant Thésée, et préfère lui avouer sa passion pure pour Aricie en IV-2 ;
5. Elle prend fin par l'aveu final de Phèdre à Thésée en V-7.

Personnages
o Thésée, roi d'Athènes, fils d'Egée
o Phèdre, femme de Thésée, fille de Minos et de Pasiphaé
o Hippolyte, fils de Thésée et d’Antiope
o Aricie, princesse du sang royal d'Athènes, sœur des Pallantides, nièce de Thésée
o Œnone, nourrice et confidente de Phèdre
o Théramène, gouverneur d'Hippolyte
o Ismène, confidente d'Aricie
o Panope, femme de la suite de Phèdre
o Gardes
Figures de style
o Périphrase : « La fille de Minos et de Pasiphaé » Acte 1 v.36
o Métaphore : « Noble et brillant auteur d'une triste famille … » sert à décrire le soleil Acte 1 v.169-172
o Oxymore : « Je sentis tout mon corps et transir et brûler » Acte 1 v.276
o Synecdoque : « J'ignore le destin d'une tête si chère » Hippolyte qui parle de son père, et de la valeur de celui-ci comme roi.
Acte 1 v.5-7

Léo Spitzer, philologue allemand : « il y a toujours une tension entre une tendance à l’exagération (l’hyperbolisation,
l’accumulation, la répétition, le lyrisme pathétique ou épique) et une tendance à l’atténuation (litotes, euphémismes,
lexique générique ou général, polysémie, métaphores) dans les vers de Racine ».

Malédiction de Phèdre

D’un point de vue mythologique, il est important de comprendre les origines de cette corruption des sentiments que Phèdre éprouve.
Cette corruption a pour origine une malédiction familiale. En effet, Phèdre est la fille de Minos et de Pasiphaé, elle descendant
d’une lignée de Dieux Grecs très puissants puisque le père de Minos est Zeus (dieu le puissant, il fait régner l’ordre et la justice) et
le père de Pasiphaé est Hélios (dieu du soleil).
Sauf que, Hélios surprend un jour, la liaison secrète entre Aphrodite/Vénus (la déesse de l’amour) et Arès (dieu de la guerre) et
Aphrodite décide de maudire Hélios en s’attaquant à toutes les femmes de sa lignée. Résultat, Pasiphaé (sa fille) tombera amoureuse
d’un taureau est mettra au monde le Minotaure et plus tard Phèdre (sa petite-fille) tombera amoureuse d’Hippolyte. En parallèle,
de cette malédiction Hippolyte est aussi dans le viseur d’Aphrodite mais Hippolyte ne rend hommage qu’Artémis, qu’il préfère, qui
est la déesse de la chasse, ce qui rend folle de jalousie Aphrodite.

Thématiques d’analyse de la pièce

➢ L’exacerbation des émotions telles que la passion, l’amour, l’orgueil, la jalousie – Ces fortes émotions ne sont pas
valorisées par les idéologies religieuses et humanistes (philosophiques) véhiculées au XVIIe siècle. En effet, la passion
dont l’origine étymologique grec est pathos signifie souffrance, douleur, celle-ci entraîne les pires exactions de l’âme
qui mènent au malheur voire à la mort. La malédiction que subit Phèdre montre le niveau d’infortune que représente la
perte de contrôle des émotions et surtout dans le cadre de l’expression de sentiments amoureux. Il est donc important
de distinguer comme le fait Racine, lui-même, la différence entre l’amour et la passion. L’amour est sentiment naturel
et noble mais lorsque celui-ci prend le contrôle de l’hôte qui le ressent est conduit à la haine, au malheur et à la mort, il
a subi une transformation, il est devenu une passion destructrice et violente (car la passion possède plusieurs niveaux
d’intensité). Dans la pièce, cette passion conduit à la mort de plusieurs personnages (Œnone, Hippolyte, Phèdre).
La fatalité de ce triste destin est une prédestination (réf. janséniste) qui est portée par deux thématiques centrales 1. La
décision divine 2. La conjoncture qui s’accélère vers la chute. On retrouve donc un tableau dans lequel la volonté des
dieux et l’enchevêtrement des relations complexes entre humains jouent un rôle prépondérant dans l’exercice de
l’exacerbation des émotions intenses que les humains ne pas gérer.
III

➢ La vicissitude de la vie des humains résultant des choix aléatoires des divinités – En effet, le grand malheur des
hommes sous la réflexion Antique est qu’ils sont soumis aux lois et tempéraments de l’univers des dieux. Certes, ils ont
une rôle de protecteur mais ils leur arrivent de punir les humains. Les décisions qu’ils prennent sont plus péjoratives que
mélioratives pour le sort des humains. Ils sont omniprésents et interviennent dans les conflits qui opposent les hommes.
Ces réflexions polythéistes dénotent du besoin psychologique humain de transposer ces problèmes, caprices,
changements d’humeur a une idée rationnelle qui permettrait de comprendre l’essence de cette inconstance émotionnelle
et intellectuelle.

➢ La jalousie comme vecteur entre l’amour et la haine – La jalousie est l’émotion qui permet de passer de l’un à l’autre.
Pour Racine, la jalousie participe à définir l’amour, en effet, il s’agit d’un instinct de possession propre à la nature
humaine. Lorsque la jalousie entre en scène c’est l’orgueil qui est blessé et qui demande réparation en tombant dans
l’immoralité et/ou le crime.

➢ Les conflits – Plusieurs conflits sont présents dans la pièce servant à nourrir la terreur et la pitié chez les spectateurs,
on parle de violences au cœur des alliances familiales.

I. Conflit entre le père (Thésée) et le fils (Hippolyte) : Hippolyte aime Aricie, mais cette dernière est soumise à la sanction que
Thésée a donnée à sa famille. Aricie est une captive de Thésée, qui veut exterminer la race des Pallantides pour éviter tout
nouveau conflit de pouvoir.
II. Conflit entre l'oncle (Thésée) et la nièce (Aricie)
III. Conflit entre la belle-mère (Phèdre) et le fils (Hippolyte) : Phèdre aime Hippolyte qui ne l'aime pas. Après l'annonce de la mort
de Thésée, Phèdre veut épouser Hippolyte pour éviter qu'Aricie n'exerce ses prétentions au trône, mais Hippolyte refuse.
IV. Conflit entre la belle-mère (Phèdre) et le père (Thésée) : Après le retour de Thésée, Phèdre est partagée entre avouer son amour
coupable (et sa faute) à son mari, et mentir en accusant Hippolyte. Le choix qu'elle fait entraîne la mort d'Hippolyte.

➢ Le dénouement empreint d’espoir – Même si l’action se termine par trois décès, la fin de l’œuvre ne se ferme pas sur
le malheur. En effet, les dernières paroles de Thésée sont porteuses d’espoir car elles portent sur sa réconciliation avec
sa nièce Aricie, elles sont une promesse de justice dans un apaisement retrouvé. On observe la victoire du Bien sur le
Mal en tous les cas celle du normal sur le monstrueux (incestueux).

Phèdre

➢ Phèdre personnage éponyme de la pièce, traditionnellement, le titre de la tragédie est le nom du héros de la pièce.
➢ Le personnage principal dans une tragédie est celui qui commet une faute contre l'ordre établi, et qui paie les
conséquences de cette faute durant la pièce.
➢ Le héros est également celui qui suscite théoriquement l'identification du spectateur. Cette identification doit
permettre, comme on l'a vu, de déclencher les émotions tragiques (terreur et pitié).
➢ Or, pour ce faire, le héros de tragédie doit être un personnage « médiocre », c'est-à-dire ni tout à fait bon, ni tout à
fait mauvais.
➢ Elle est engagée par sa destinée, et par la colère des Dieux, dans une passion illégitime dont elle a horreur la première.
Elle fait tous ses efforts pour la surmonter. Elle aime mieux se laisser mourir que de la déclarer à personne. Et lorsqu'elle
est forcée de la découvrir, elle en parle avec une confusion qui fait bien voir que son crime est plutôt une punition des
Dieux qu'un mouvement de sa volonté.
➢Racine pose ici le problème fondamental de la pièce : Phèdre est-elle coupable de son mal ? Elle est à la fois soumise
à son ascendance mythologique (« Mon mal vient de plus loin... » I-3), à la fureur de Vénus (« C'est Vénus tout entière à
sa proie attachée » I-3), mais elle fait le choix d'avouer sa passion à Oenone (I-3), à Hippolyte (II-5), à Thésée (V-7), et
elle fait également le choix de manipuler Hippolyte (III-1), de mentir à Thésée (IV-4) et de perdre Aricie (IV-6).
➢ La Phèdre de Racine est une allégorie de la condition humaine : les contradictions internes au personnage sont aussi
celles propres aux désirs des hommes.

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