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MANIFESTE HUMANISTE

1
« Vous ne faites aujourd’hui qu’un seul
tout, qu’une seule famille…Même sort vous est
réservé, mêmes intérêts doivent donc vous rendre
à jamais unis, indivisibles, inséparables.
Maintenez cette précieuse concorde, cette
heureuse harmonie parmi vous : c’est le gage de
votre bonheur, de votre salut, de vos succès, c’est
le secret d’être invincibles ».

Jean J. Dessalines

2
Sommaire
Sigles et abréviations………………………………..…6

Mots du président……………………………………...8

Avant-propos et remerciements....................................11

Angajman Sitwayen, ce qu’il est ?................................17

Introduction…………………………………………….21

A- Les impératifs de la conjuncture……………...30

1- Rétablir la sécurité publique…………..33

2- Opérationnaliser et Assainir…………..37
la justice.

3- Favoriser l’autosuffisance
alimentaire et la création d’emplois…..43

4- Réviser la Constitution…...……..……...48

5- Organiser les élections nationales……..51

B- Haïti, Pays-Soleil………………………………...60

1- Politique de Service……………………..63

1.1. Système de regulation intéractif…65

3
1.2. Réforme de l’État et……………..69
de son administration

1.3. Financer le développement…..……87


national

2- Économie durable………………………..97

2.1. Développer une mystique de……….…..98


production

2.2. Le profilage des sentiers de………..……114


l’espérance

2.3. Le décalogue de la stratégie de……….121


développement économique

3- Citoyenneté engage…………………..…149

3.1. Responsabilité citoyenne ……..……...149

3.2. Gestion du pluralisme


culturel……………………….……..….157

3.3. Participation citoyenne active…...........163

4- Famille solidaire………………………….170

4.1. Engagement familial…………………...171

4.2. Encadrement des familles……………..172


monoparentales

4
4.3. Conscientisation des familles sur
l’enregistrement des naissances des
nouveaux-nés sans exclusion…….176

Mémoire du jubilé des 300 ans de l’anse-à-Veau……...182


en2021

Conclusion ………………………………...…………...193s

5
Sigles et abréviations

AAVP : Association Anse-à-Veau Perspectives


AJAD : Association des Jeunes Ansavelais pour le
Développement

AyiPwo : Ayiti Pwosperite

BM : Banque Mondiale

CARICOM : Communauté des Caraïbes


CBTPA : Caribbean Basin Trade Partnership Act
CEP : Conseil Électoral Provisoire
CORA : Coalition pour le Relèvement de l’Anse-à-Veau
CSC / CA : Cour Supérieure des Comptes et du
Contentieux Administratif

DINEPA : Direction Nationale d’Eau Potable et


d’Assainissement

HCT : Haut Conseil de Transition


HSF : Haitian Sports Foundation
IHSI : Institut Haïtien de Statistiques et d’Informatique

6
JAC-21 : Jeunesse en Action pour les 300 ans de l’Anse-
à-Veau / Jeunesse en Action/ 21e Siècles

MCI : Ministère du Commerce et de l’Industrie


MCFDF : Ministère à la Condition Féminine et aux Droits
des Femmes

PIB : Produit Intérieur Brut


UCREF : Unité Centrale de Renseignements Financiers
UDERS : Unité Diocésaine d’Enseignement, de
Recherche et de Service

ULCC : Unité de Lutte Contre la Corruption


UNDH : Université Notre Dame D’Haïti
UNESCO : Organisation des Nations Unie pour
l’Éducation, la Science et la Culture

7
Mots du Président

1 Quand j’ai porté l’idée de création de la JAC-21 en


février 2014, j’ai tout simplement voulu assumer mes
responsabilités, en tant que jeune citoyen engagé, dans l’histoire
de ma communauté, voire de mon peuple en vue du bonheur de
tous.

2 Aujourd’hui, je me sens doublement heureux de présider


« Angajman Sitwayen », et aussi diriger l’œuvre majeure du
Partenariat, intitulé « Manifeste humaniste ».

3 J’éprouve l’immense plaisir de présenter ce livre qui se


veut une proposition de sortie de la crise complexe haïtienne. Il
saisit la crise multidimensionnelle tant dans son aspect
conjoncturel que structurel. Tout n’est pas dit et très bien dit dans
le présent ouvrage. Il s’agit d’une proposition qui peut être
améliorée.

4 En effet, réduits en esclavage, nos ancêtres ont été


considérés comme des accessoires de la terre durant trois (3)
siècles. Ils ont lutté jusqu’au sang pour accéder à l’indépendance
nationale, reconnue par son caractère universel comme « l’un des
faits les plus marquants des annales de l’histoire de l’humanité ».

8
5 Pendant deux (2) siècles environ, on a douloureusement
survécu dans une société traditionnelle, ayant été aux prises aux
difficultés de tous ordres.

6 Je souligne, en passant, que pendant une bonne partie du


XIXe siècles, Haïti a été très florissante. Cet essor économique a
été marqué par la production agricole, notamment le café, la
banane, le cacao et le sisal, destinés à l’exportation. Cette période
s’est aussi distinguée par la valorisation de notre culture de
peuple, particulièrement à travers le sérieux combat pour le
principe de la dignité égale de toutes les races, mené par Feu
Anténor Firmin.

7 Sans cela, on ne saurait comprendre la raison pour


laquelle l’un des plus grands génies littéraires du 19e siècles,
Victor Hugo, a pu écrire qu’Haïti est une lumière. Ce moment
fort de la vie nationale, perturbé par l’isolement sur la scène
internationale et la non-reconnaissance de l’indépendance
nationale, n’a pas fait long feu et le pays périclitait…

8 C’est maintenant le moment de nous unir et prendre en


mains de manière responsable nos destinée de peuple en vue du «
Renouveau Haïtien ».

9
9 Aussi, Angajman Sitwayen lance-t-il un appel à «
PARTENARIAT » aux associations, organisations, fondations,
institutions, groupes, leaders et personnalités intéressées par la
sortie de crise, et du coup, par le développement du peuple haïtien
pour une plus grande synergie dans l’action.

10 J’espère que les fruits dépasseront la promesse des


fleurs.

Jackson MORISSEAU
Président

10
Avant-Propos et Remerciements

11 Manifeste humaniste est le fruit d’un grand


mouvement social entrepris en 2014 par la Jeunesse en Action
pour les 300 ans de l’Anse-à-Veau en 2021 (JAC-21) en prélude
de la commémoration du tricentenaire de fondation de la
commune de l’Anse-à-Veau.

12 En effet, l’année 2021 a ramené le 300e anniversaire de


fondation de la ville dd l’Anse-à-Veau élevée la même année au
rang de commune. Durant les années précédentes, diverses
initiatives de tous horizons ont pris naissance en vue de
commémorer cet événement de si grande envergure. Dans la
foulée, la Mairie de l’Anse-à-Veau en partenariat avec l’Église
Catholique a procédé en juillet 2012 au lancement du jubilé des
300 ans de fondation de la communauté ansavelaise.

13 C’est dans ce contexte que, sous l’initiative des jeunes


citoyens engagés Jackson Morisseau et Jean Marie Dély, la JAC-
21 allait entrer en scène en février 2014 avec pour mission de
réaliser et promouvoir un ensemble de projets de développement
capables de rehausser l’eclat de l’événement majeur et contribuer,

11
par le fait même, à un renouveau culturel dans la communauté et,
du coup, son développement.

14 Dans cette dynamique, l’association a réalisé une série


d’actions communautaires les unes plus importantes que les
autres dans la poursuite de cette noble mission. Citons
notamment : conférences-débats, conscientisation sur la
commémoration du jubilé des 300 ans de fondation de l’Anse-à-
Veau et le développement local, intégration des jeunes, activités
socioculturelles, recherches, assistance humanitaire, kanpay
lanmou pou Ansavo et Agenda21.

15 Ce groupe de jeunes du terroir qui se sont transformés


en « acteurs de croissance » se sont mis au service du bonheur de
tous par l’élargissement de leurs horizons, le tissage des relations
solides, la prise de risques et l’acceptation de nouveaux défis
comme éléments du processus naturel de croissance personnelle
et communautaire. Du coup, l’association s’est réellement
transformée en entonnoir et a suscité, par le fait même, le
réseautage.

16 Un large réseau de relations interpersonnelles qui allait


avoir un impact très positif sur leurs personnalités et leurs

12
comportements. Feu le professeur Marius Nivose leur disait
toujours que « personne n’a jamais réussi tout seul, il y a toujours
la participation d’autrui ; Les relations interpersonnelles et les
réseaux de contact sont de puissants facteurs de réussites. » Et, il
les a beaucoup inspirés par ses refléxions sur l’entrée d’Haïti dans
la modernité, un défi à relever comme il l’a toujours prôné.

17 Outre cela, l’idée que les jeunes se sont fait de leur


pays, à savoir une « société traditionnelle en décomposition »
s’est confirmée dans le cadre de leurs recherches relativement au
cas de la commune de l’Anse-à-Veau.

18 Étant donné la JAC-21 a accompli sa mission, trois


sources ont coulé sous le leadership des jeunes engagés :

✓ Une organisation communautaire, dénommée « Ansavo


cheri »
✓ une association de jeunes, baptisée «Jeunesse en Action /21
siècles (JAC-21) »
✓ une fondation, intitulée « Ayiti Pwosperite (AyiPwo) »

19 Pour une plus grande synergie dans l’action, un


partenariat est établi entre principalement ces trois

13
structures organisées sous le label de « Angajman
Sitwayen ».

20 Ainsi, au terme d’un processus participatif et itératif


novateur, Angajman Sitwayen a élaboré un ouvrage, intitulé «
Manifeste Humaniste ».

21 Nous sommes heureux de présenter ce livre, le tout


premier de la « Collection Humaniste » que le Partenariat a
fraîchement créée.

22 Le présent ouvrage propose des pistes de solutions


pour répondre aux impératifs de la conjoncture et nous mesurer à
la crise actuelle en vue de placer notre chère Haïti sur la trajectoire
du développement humain intégral et solidaire.

23 On ne saurait terminer sans présenter un bouquet de


remerciements à toutes les personnes qui nous ont aidés de près
ou de loin, à produire ce Manifeste sur la crise complexe actuelle
et à tous les lecteurs qui vont l’améliorer.

24 Plus spécialement, on voudrait dans le cadre de ce


travail dire un grand MERCI :

• Au Grand Dieu de l’univers de nous avoir guidés

14
• À Monsieur Jacques Carmel Morisseau et Famille, Me
Wesner St Cyr, M. Kenel Regis et Me Guerson
Lespérance pour leurs judicieux conseils
• Aux membres de : JAC-21, Ansavo cheri et AyiPwo,
particulièrement :

Jackson Morisseau, Daphnée L. Morisseau, Jean Marie


Dély, Frantz Saintimé et Frantzy Orélien pour leur
support inestimable ; et

Stavena Henry, James P. Vincent, Djeff Calonges, Wilson


Olivier, Pierre-Jacques Hugues-Mackenzy, Jean W.
Laguerre, Sherline Bardoute, Pierre G. Camilien, Louis
Auguste, Marvings Bénod Obas, Alex Dyra, Hérold
Vincent, Carens Kenley Charles, Valden Mouchy
Malbranche, Presky Stuvens, Lisa Bienvenue, Wagner D.
Petit-Frère, Duckhens Lespérance, Robenson Georges et
Franck Ernso Ledain pour leur engagement sans faille.

25 Enfin, nous espérons que ce livre pourra contribuer,


malgré ses faiblesses et ses limites, à une Haïti humaniste,
moderne et prospère, un modèle de développement humain

15
intégral et solidaire, une « citadelle soleil » porteuse d’
Espérance.

16
Angajman Sitwayen, ce qu’il est ?

26 Angajman sitwayen est une initiative regroupant un


ensemble d’associations, d’organisations et de fondations de la
société civile. Sa mission est de contribuer au développement
humain intégral et solidaire par la réalisation et la promotion
d’un ensemble de grands projets prometteurs et innovants
capables de renouveler l’espoir sans cesse.

27 Elle tire son fondement de l’affirmation selon laquelle


les problèmes sociaux sont de nature collective et doivent faire
l’objet de solutions collectives. De ce fait, elle vise de par sa
mission à s’attaquer aux inégalités, à la concentration des
pouvoirs et aux pratiques sociales discriminatoires.

28 Elle s’intéresse aux collectivités :

1) Comme communautés géographiques, elle


regroupe leurs populations sur la base de leur
région, leur circonscription, leur commune, leur
ville, leur quartier ou leur localité, ceux-ci étant
des lieux significatifs d’appartenance sociale ;

17
2) Comme communauté d’intérêt, elle intervient
pour résoudre des problèmes de groupes données
ou pour satisfaire des besoins spécifiques ;

3) Comme communautés d’identité, elle s’engage à


mobiliser des catégories sociales spécifiques sur la
base de leur identité (en tant qu’haïtiens, jeunes,
femmes, etc.) pour une marche vers le progrès
humain.

29 L’initiative croit que le gage de vitalité d’une


communauté repose sur son degré d’organisation, sa capacité à
générer des institution qui lui sont propres, à prendre des
décisions, produire de nouvelles idées, entreprendre des actions
concrètes autour d’enjeux de développement.

30 Ainsi, elle entend :

a) agir dans et avec les communautés suivant une approche


« à la base» et chercher à établir des partenariats privés
ou mixtes pour une plus grande synergie dans l’action ;

18
b) procéder à l’identification des besoins et problèmes des
communautés dans une démarche interactive et miser sur
leurs potentialités et leurs forces, sur les talents, les
habiletés des citoyens et des leaders notamment des
jeunes plutôt que sur l’assistanat en vue de susciter leurs
développements avec, par et pour elles-mêmes.

31 Elle promeut actuellement une proposition de sortie de


crise durable, sensée, réaliste, dénommée “ Manifeste humaniste
“.

32 Angajman Sitwayen est une et plurielle. Ses membres


s’unissent, collaborent et cheminent ensemble dans une seule et
même direction vers une Haïti humaniste, moderne et prospère.

33 Pour triompher véritablement des embûches du destin et


parvenir au bonheur collectif, le peuple haïtien a besoin de
s’identifier, se reconnaître et communier dans des créations
d’ensemble qui permettront de retrouver un « génie » collectif
national.

34 Le souci d’engagement d’un processus de changement


social planifié nous amène à adopter une méthodologie en
quatre étapes synchronisées sur un cercle dont la logique

19
inhérente est la suivante : « Voir – Analyser - Agir -
Evaluer ». Et, on recommence.
35 En complément, pour réussir les interventions, on mise
sur un certain nombre de facteurs qui faciliteront ce modèle
de collaboration, de solidarité citoyennes qui confirmerait
bien que « l’union fait la force », à savoir : La gravité des
problèmes et le momentum de changement économique
et social, des bougies d’allumage, des véhicules d’actions
collectives, une carte routière, l’utilisation couplée de
ressorts internes et externes, l’information des
communautés et la formation continue de leaders et
d’organisations intermédiaires.

20
Introduction

36 Angajman Sitwayen a récemment créé la


« Collection Humaniste » en vue de favoriser le libre accès aux
connaissances sur le développement humain intégral et solidaire.
Modèle de développement qui tire son fondement dans la dignité
de la personne humaine, et promeut tout l’homme. L’homme dans
sa dimension personnelle et sociale, corporelle et spirituelle,
historique et transcendante ; et tout homme sans distinction de
race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion
politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale,
de fortune, de naissance ou de toute autre situation. Manifeste
Humaniste est le tout premier ouvrage de ladite collection.

37 En fait, nous vivons actuellement la crise la plus


complexe dans notre histoire de peuple. C’est un paysage
apocalyptique qui saute aux yeux… Cette société traditionnelle
en décomposition est marquée notamment par des institutions de
l’Etat en pleine déliquescence, une économie anémiée, la fragilité
du tissu social, l’explosion démographique et les vulnérabilités
environnementales aigues.

21
38 Sur le plan politique, on fait face aux faiblesses
institutionnelles marquées, d’une part, par un État sectaire, assorti
d’un pouvoir dominateur avec des dirigeants incompétents,
malhonnêtes et irresponsables qui dirigent le pays au nom des
intérêts de leurs chapelles respectives au détriment du bien
commun. Il s’agit de la concentration des pouvoirs, d’un appareil
politique rudimentaire et d’une bureaucratie de privilège et de
rang. Une situation qui crée une opposition déstabilisatrice,
extrêmement dénonciatrice, provocatrice de mobilisation
populaire à travers des manifestations de rues ou des pratiques de
« peyi lòk » tendant à une transition politique stérile avec les
mêmes visées de clivages sectoriels, de cloisons partisanes, de
partage de postes politiques et/ou techniques de l’appareil
étatique rachitique. Un interminable va-et-vient entre des prises
de pouvoir sous la base d’élections « bouyi vide » et des
transitions politiques axées sur des accords « de pacotille » qui
conduisent Haïti à l’instabilité politique.

39 Au niveau économique, Haïti est aujourd’hui « le pays


de la misère joyeuse » dans lequel sévit une mentalité de
résignation « pito nou lèd nou la ». En vrai, on est confronté à
une économie de subsistance, caractérisée par la faible division

22
du travail, les faibles moyens de production, l’utilisation accrue
de l’énergie humaine et animale et les inégalités. Des
observations concrètes montrent la persistance d’un niveau élevé
de pauvreté dans le pays et sa gravité accélérée. Près de 3 millions
d’Haïtiens sont dans une situation de pauvreté extrême vivant
avec moins de 100 gourdes par jour. Les gens en situation de
pauvreté vivant avec moins de 200 gourdes par jour représentent
60% de la population, soit environ 6.3 millions de personnes. En
outre, environ un million d’habitants se trouvent au seuil de la
pauvreté dans une situation de vulnérabilité et sont menacés
constamment de tomber en pauvreté (sources combinées : MCI,
BM, ONU).

40 Cette réalité réduit la grande majorité de la population


à une misère infernale et produit l’une des plus scandaleuses
inégalités sociales et de répartition de richesse nationale : 1% de
la population dispose de plus de 40% de la richesse nationale
(IHSI MCI, BM)

41 Du point de vue socioculturel, on est aux prises à une


désintégration du tissu social marquée par une crise de l’identité
culturelle alimentée notamment par des préjugés absurdes, des
attitudes discriminatoires, le problème de genre, la famille

23
étendue et démissionnaire, une faible proportion de la population
active, une croissance démographique non contrôlée, l’outillage
mental concret et engrangé dans la tradition orale, l’utilisation
d’outils primitifs, le niveau de connaissance rudimentaire de la
population et le réseau de communication et d’information peu
développé.

42 Nous vivons donc dans des conditions infrahumaines.


Nous pataugeons dans une situation léthargique bloquant toute
possibilité de participation dans les décisions, les actions nous
concernant en fait de prise d’initiative de développement. La
jeunesse est instrumentalisée notamment à des fins politiciennes
(gangs armés).

43 Le désastre écologique laisse moins de 2% de


couverture végétale pendant que nous continuons à abattre plus
de 40 millions d’arbres chaque année contre 20 millions qui se
reproduisent tous seuls et 5 millions plantés mais qui ne restent
pas tous.

44 La démission des élites provoque la massification


improvisée propulsant directement au devant de la scène les
masses populaires devenues disponibles comme agent

24
d’aggravation de la crise structurelle de dépérissement de la
société traditionnelle.

45 Cette massification, légitime dans son principe, pour


n’avoir pas été préparée aboutit aujourd’hui à un effondrement
des services d’éducation de qualité, de santé pour tous, d’eau
potable, d’électricité, d’environnement sain, de réseau routier,
pour en rester là.

46 Le pire s’est manifesté sous la pression des besoins


primaires non satisfaits et la prolifération anarchique de
bidonvilles qui, dans la conjoncture actuelle, sont réputées être
des « prêt-à-porter » de « bandits incontrôlables » menaçant
constamment la société pour la porter par la peur à la
collaboration opportuniste.

47 Les armes massivement distribuées dans les quartiers


populaires à des fanatiques et de jeunes « désœuvrés » achèvent
de transformer la zone métropolitaine sinon le pays tout entier en
une poudrière. Une perpétielle entrée/sortie entre une société
traditionnelle en décomposition et une société humaniste dont la
germination est à chaque fois contrariée, qui caractérise la
conjoncture.

25
48 Il est significatif que le désir d’émigrer soit aussi fort
et si répandu en Haïti. Les expressions « Peyi a pap chanje » et
« Lamizè pa dous » expriment le découragement paralysant qui
poussent à laisser le pays en quête de survie.

49 Au début c’était les « Braceros» qui quittaient le pays


(dans une démarche planifiée et forcée) pour « aller chercher la
vie à Cuba et en République Dominicaine dans les champs de
canne-à-sucre (canne-amère). Plus tard, quand
cette « opportunité » n’existera plus, ce sont les « Boat people »
qui ont pris la relève, cette fois à destination du pays de l’Oncle
Sam, malgré la vigilance dissuasive des patrouilles américaines.
Souvent leurs navires ont fait naufrage ou à la vérité beaucoup de
ces passagers clandestins ont été noyés avant d’atteindre les côtes
de la Floride. Jusqu’ici, c’était des gens mal aisés, la main-
d’œuvre non qualifiée, qui quittaient le pays. Un peu plus tard, ils
étaient identifiés « Éducateurs réformateurs » au Canada et en
Afrique ; et aujourd’hui, « Fly people » dans les Caraïbes en
Amérique centrale et du Sud.

50 Dans la conjoncture actuelle, dans presque tous les


esprits : le pays est foutu. Et conséquemment, aujourd’hui,
nombreux sont nos sœurs et frères haïtiens qui cherchent à

26
abandonner le navire en perdition. Hommes et femmes d’affaires,
cadres techniques et professionnels, étudiants, paysans, ouvriers,
chômeurs, fuient le pays à toute allure et dans toutes les
directions. On est à bout de souffle ; nos droits à la vie, à la liberté,
au bonheur sont bafoués. On est devenus des nomades
transhumants obligés mieux forcés.

51 Que va-t-on faire face à cette situation d’oppression ?


Restera-t-on dans la léthargie ? Pourrait-on enfin prendre
conscience de nos fautes et décider d’assurer librement notre
développement politique, économique et socioculturel au nom du
« droit à l’autodétermination » ? L’étranger continuera-t-il à
distribuer des rôles et des tâches pour ses propres intérêts ? Quel
Agenda prépare-t-il pour Haïti ? Compte-t-il assurer la prise en
charge des destinées du peuple haïtien au nom de la
« responsabilité de protéger » pour cause de violations massives
des droits de l’homme ? Peut-on nous soumettre sans notre
complicité ?

52 Quant à nous autres de Angajman Sitwayen, nous


voulons croire que, malgré nos tribulations actuelles, avec toutes
nos ressources naturelles et notre patrimoine culturel, nous avons
le potentiel pour un démarrage assuré. Cela requiert une prise de

27
conscience collective pour que l’oppression, l’assistanat,
l’aliénation cèdent à la collaboration, au partenariat et à
l’épanouissement en vue de notre bonheur. Nous voulons en finir
avec la République de Port-au-Prince responsable du désert
haïtien avec au centre l’apoplexie de la zone métropolitaine et aux
extrémités la paralysie des régions. Nous voulons l’exploitation
innovatrice des ressources humaines et matérielles de notre pays
dans, par et pour les régions.

53 C’est maintenant le moment d’agir fort en faveur d’une


Haïti humaniste, moderne, magnifique et prospère ; un pays
dynamique notamment par ses activités agricoles,
agroindustrielles, commerciales, et attrayante grâce aux
potentialités de sa nature et son patrimoine culturel préservées.
Cela demande un sursaut d’impulsion endogène dans une
démarche transgénérationnelle réunissant sur un même front des
éléments de toutes classes sociales, passage obligé pour ouvrir les
avenues du futur maitrisable. La période actuelle de la vie
nationale appelle à un changement des mentalités.

54 À ce titre, nous invitons toutes les forces vives de la


nation haïtienne à s’unir, dans un esprit de service, pour répondre

28
aux impératifs de la conjoncture et nous mesurer à la crise
structurelle en vue de notre progrès.

55 Dans un premier temps, il s’avère nécessaire de poser


les jalons du profilage des sentiers de l’espérance pour établir un
ordre politico-juridique ferme en priorisant les cinq (5) impératifs
suivants :

❖ Rétablir la sécurité publique


❖ opérationnaliser et assainir la justice
❖ favoriser l’autosuffisance alimentaire et la
création d’emplois
❖ réviser la constitution
❖ organiser les élections nationales

56 Dans un second temps, il est essentiel de développer


nos modèles politique, économique et socioculturel pour notre
bonheur : Politique de service, Économie durable, Citoyenneté
engagée et famille solidaire.

29
A- LES IMPÉRATIFS DE LA CONJONCTURE
Approche conjoncturelle-proposition / Consensus

30
57 Notre pays est en détresse. Nous sommes confrontés
présentement à la phase la plus dramatique de la crise
multidimensionnelle de notre société. Aujourd’hui, Haïti est un
pays pourri jusqu’aux os, dépotoir pour les corrupteurs de tout
acabit réfugiés dans les rangs du Palais National, de la
Primature, de l’Administration Publique, du Parlement, de la
Justice, des Organisations Non Gouvernementales, des Agences
d’aide au développement et des Fondations.

58 Face à ce pénible constat, tout est devenu prioritaire.


Pour celles et ceux qui s’engagent tout en croyant dans le
sauvetage national, hors de la prise en charge d’un étranger déjà
sur place, on a besoin de répondre aux cinq (5) impératifs
suivants : Rétablir la sécurité publique, opérationnaliser et

31
assainir la justice, favoriser l’autosuffisance alimentaire et la
création d’emplois, réviser la constitution et organiser les
élections nationales en un temps record.

59 Dans la réalité catastrophiquement dégradée, un élan


de fraternité universelle, l’élément oublié de notre devise
trilogique « Liberté, Égalité, Fraternité », pourra renforcer la
mobilisation libératrice et susciter un franc débat national pour
trouver une voix féconde à suivre en vue de nous mettre d’accord
sur un projet de développement national. Comme l’a si bien dit
Martin Luther King : «Nous devons apprendre à vivre ensemble
comme des frères, sinon nous allons mourir tous comme des
idiots.»

32
1- RÉTABLIR LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

60 Le premier impératif de la conjoncture est le


rétablissement de la sécurité. L’insécurité est devenue le fléau de
notre temps et de notre pays aussi. La forme la plus redoutable
reste l’assassinat, paradoxalement gratuit bien des fois, d’où sa
gravité psychologique. C’est un fait de civilisation qui place les
sociétés dans une culture de violence comme conséquence des
atrocités des deux guerres mondiales et d’autres conflits entre des
états relayés par la télévision et les jeux électroniques, alimentés
par la prolifération des armes de mort dans la logique de leur
utilisation comme catalyseur de ce problème grave à intensité
variable suivant les moments.

61 En fonction de leurs sources, on peut distinguer trois types


d’insécurité en liaison interactive : le banditisme, la délinquance
sociale et la criminalité politique. Ils demandent un traitement
« général » dans l’ensemble du pays où la situation est détériorée
et un traitement « spécifique » pour les points invivables,
principalement dans les département de l’Ouest et de l’Artibonite,
transformés en « quartiers de non droit ».

62 Dans ces quartiers perdus, l’insécurité a atteint des


dimensions explosives et radicales avec une augmentation

33
constante de la violence armée par les gangs en quête de
nouveaux territoires. Une situation qui provoque la panique et la
fuite de citoyens de toutes classes et de toutes catégories.
Aujourd’hui, ces gangs exercent leur contrôle et leur influence sur
80 % de la zone métropolitaine de Port-au-Prince1. Par rapport à
cette pénible situation, certains pays mettent Haïti sur une liste
noire comme pays dangereux déconseillé à leurs ressortissants.

63 D’abord, le « banditisme » résulte de la


professionnalisation du « vagabondage » qui a acquis ses lettres
de noblesse avec les déportations en Haïti de criminels jugés et
condamnés aux États-Unis d’Amérique et dont certains sont liés
au trafic de la drogue et d’autres pratiques de style mafieux. Il est
animé et conforté par les gangs qui sont de plus en plus forts,
arrogants, riches, armés et autonomes. Durant ces trois dernières
années, ils ont diversifié davantage leurs sources de revenus,
notamment en multipliant les enlèvements. De plus, ils ont acquis
de nombreux fusils automatiques, rendant ainsi leurs arsenaux
plus sophistiqués et plus meurtriers se dotant d’une puissance de
feu supérieure à celle de la police.

1
NATIONS UNIES, Conseil de sécurité, Rapport final du Groupe d’experts
sur Haïti, présenté en application de la résolution 2653 (2022), 2023, p8

34
64 Les niveaux de violence et de cruauté auxquels les gangs
se sont apprêtés dans les violations des droits humains sont sans
précédent. Cette violence et cette insécurité ne compromettent pas
seulement la transition politique, elles anéantissent l’économie
nationale et menacent l’avenir du pays, car nombre d’enfants ne
vont pas à l’école comme nombre de personnes qualifiées quittent
le pays. L’insécurité, le vide institutionnel et la faiblesse des
contrôles aux frontières offrent aux criminels, notamment aux
réseaux de criminalité transnationale, une occasion en or de
développer leurs activités2.

65 Ensuite, la délinquance sociale est toute autre chose. C’est


un drame social qui a sa source dans la pauvreté sans alternative
et les inégalités trop criantes sources de ressentiment. Elle est
engendrée par la haine sociale et elle anime la peur sociale.

66 Enfin, venons à la criminalité politique, celle que les


acteurs politiques nationaux ainsi qu’ étrangers emploient pour
atteindre des fins politiques. Elle est considérée comme une sorte
de violence utilisée comme instrument de domination politique

2
NATIONS UNIES, Conseil de sécurité, ibid., p9

35
par le pouvoir à la recherche de l’efficacité de la soumission, ou
au contraire, comme moyen de lutte contre l’oppression et de
déstabilisation du pouvoir par les oppositions. A propos, la
criminalité est manifestée dans des mouvements de révoltes
flanqués d’une frange radicale violente associée à une majorité
non violente de mobilisation démocratique. Des mouvements qui
étaient suivis de périodes de « peyi lòk ».

67 L’insécurité est source d’instabilité. Elle représente une


gangrène capable de déstabiliser toute une société rendant
impossible son développement économique et social. Le
rétablissement de la sécurité requiert une stratégie en trois
volets : prévention, répression et stabilisation. Il convient en
termes de prophylaxie politico-sociale, d’associer la
professionnalisation du rétablissement de la sécurité avec une
politique systématique d’implication de la population en général
et des masses populaires démunies souvent disponibles. Ces
dernières seront amenées à se dissocier de la cause des bandits
dans la perspective d’une réponse collective au défi dangereux
de l’instabilité.

36
2- OPÉRATIONNALISER ET ASSAINIR LA
JUSTICE

68 Le deuxième impératif de la conjoncture est le


renforcement de la justice pour son bon fonctionnement. En effet,
le système judiciaire haïtien, délibérément saboté par les
gouvernements successifs, souffre depuis longtemps de la
politisation et de la corruption endémique. Par ailleurs, compte
tenu des très faibles taux de poursuites et de condamnations, les
conditions de vie sont désastreuses dans des prisons surpeuplées.
En août 2023, sur 11 816 personnes détenues, seules 1 892 avaient
été reconnues coupables d’une infraction3.

69 Les Commissaires du gouvernement sont nommés par le


pouvoir exécutif et peuvent être révoqués à tout moment, d’où
souvent un manque d’indépendance et la mainmise des acteurs
politiques et économiques sur le système. Des criminels présumés
sont régulièrement libérés sans procès ou des enquêtes sont
bloquées, du fait de pots-de-vin, de menaces ou d’intimidations

3
NATIONS UNIES, Conseil de sécurité, ibidem, p10

37
lancées ou de trafics d’influence, ce qui renforce encore
davantage le sentiment d’impunité4.

70 Les bâtiments et les acteurs du système judiciaire sont


régulièrement la cible d’acteurs puissants, dont l’objectif est de
saper l’état de droit. Avec l’aide des gangs et à la faveur des
manifestations, plusieurs bâtiments clés de la justice ont été pris
d’assaut, occupés, saccagés ou détruits, contrariant profondément
la procédure judiciaire et entraînant la destruction ou le vol de
dossiers et d’éléments de preuve essentiels5.

71 Le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince a été


saccagé en 2022 et se trouve actuellement sous le contrôle du
gang 5 Segond. De même, le Palais de Justice des Gonaïves a été
incendié en octobre 20226.

72 Depuis leur création au début des années 2000, deux unités


gouvernementales de lutte contre la corruption – l’Unité Centrale
de Renseignements Financiers et l’Unité de Lutte Contre la

4
NATIONS UNIES, Conseil de sécurité, op.cit., p10
5
NATIONS UNIES, Conseil de sécurité, Rapport final du Groupe d’experts
sur Haïti présenté en application de la résolution 2653 (2022), 2023, p10
6
NATIONS UNIES, Conseil de sécurité, ibid., p10

38
Corruption – ont renvoyé plus de 140 affaires devant les
tribunaux. À ce jour, une seule personne a été condamnée7.

73 S’agissant de la violence sexuelle et la discrimination


fondée sur le genre, en dépit du nombre élevé de victimes, aucune
poursuite n’a eu lieu, donc pas une condamnation prononcée ces
deux dernières années8.

74 L’insécurité et les menaces empêchent de nombreux juges


à travers tout le pays de travailler, en particulier ceux qui traitent
de grandes affaires concernant des acteurs politiques et
économiques puissants. L’environnement extrêmement risqué et
le manque de protection physique empêchent les acteurs du
système judiciaire d’accomplir en toute liberté leur travail 9.

75 Le pays est depuis trop longtemps dirigé par des politiciens


sans vergogne qui profitent de leurs positions à la tête de l’État et
dans l’administration publique pour leur enrichissement
personnel. Ces voleurs et ces dilapidateurs de ce qui reste des

7
NATIONS UNIES, Conseil de sécurité, ibidem, p10
8
NATIONS UNIES, Conseil de sécurité, op.cit.., p10
9
NATIONS UNIES, Conseil de sécurité, Rapport final du Groupe d’experts
sur Haïti présenté en application de la résolution 2653 (2022), 2023, p10

39
biens publics logent la médiocrité et l’incompétence à l’enseigne
de la prévarication, de la corruption et du vice institutionnalisé.

76 À cause de l’insécurité, des manifestations sans fin ainsi


que la corruption érigée en système, Haïti parait aujourd’hui non
viable pour tout investissement. Les rapports de Transparency
International classent Haïti parmi les pays les plus corrompus de
la terre. Cela nous met dans une position dangereuse, car la
corruption, quand elle bénéficie d’impunité comme chez nous,
constitue un obstacle majeur au progrès socio-économique et nuit
au développement humain.

77 Le coût de la corruption est généralement considérable.


Les masses populaires, particulièrement enlisées dans une
pauvreté sans perspective en paient un prix extrêmement élevé
sous forme d’emplois qui manquent gravement, d’infrastructures
qui n’ont jamais été construites, de services sociaux qui n’existent
pas. Ce qui entraîne la perte de confiance de la population dans le
pays et dans son gouvernement.

78 Un système judiciaire indépendant, opérationnel et assaini


est essentiel pour lutter contre la violence des gangs et rétablir
l’État de droit. Cela permettrait, notamment, de mettre un frein

40
aux activités criminelles des individus qui menacent la stabilité
d’Haïti par le financement des gangs, l’incitation aux troubles et
l’érection des barricades ou le détournement des fonds publics.

79 De plus, le moral d’autres acteurs du système haïtien de


justice et de sécurité, comme la police, est fortement affecté. De
nombreux agents professionnels et déjoués sont découragés par
l’absence de véritables poursuites.

80 Assainir la justice reviendrait à divorcer d’avec la pensée


que « Leta se chwal papa », littéralement « voler l’État n’est pas
voler ». Il devient primordial de sanctionner et les corrupteurs et
les corrompus dans la perspective d’éradication de cet État
délinquant qui viole la loi, qui viole les droits et les intérêts de la
population. Et aussi, dans une dynamique de contraindre les
couches aisées à renoncer à la recherche de rente et de monopole,
à la corruption et à l’utilisation de la force publique comme
instrument pour leur enrichissement personnel. les couches plus
faibles seraient aussi forcées d’abandonner la fraude, la
« raquette » et la prostitution.

81 L’objectif est de créer un environnement politico-juridique


ferme propice à l’émergence d’une société humaniste.

41
L’existence d’un État pour tous, d’une administration publique
saine et d’un système judiciaire opérationnel propre pour
pouvoir être performant, est une condition sine qua non à cela.

42
3- FAVORISER L’AUTOSUFFISANCE
ALIMENTAIRE ET LA CRÉATION
D’EMPLOIS

82 Le troisième impératif de la conjoncture est


l’autosuffisance alimentaire et la création d’emplois. Il revêt
important de bloquer la tendance à l’appauvrissement généralisé
et de casser la descente aux enfers des couches vulnérables. 60 %
de la population haïtienne vivote sous le seuil de la pauvreté,
victime d’un processus d’exclusion aboutissant à une pauvreté
structurelle qui met les gens dans une position de dépendance
psychologique négative menant au désarroi, au désespoir et à la
résignation ; des embûches au développement.

83 Au cours des 60 dernières années, les gouvernements


successifs avaient négligé le droit au travail de l’haïtien et à son
bien-être. Le dernier quart de siècle (1997 – 2017) a vu le
chômage atteindre le taux intenable dépassant les 70%.
Conséquemment, entre 2006 et 2016, 6.3 millions de personnes
sont poussées sous le seuil de la pauvreté, près de 3 millions
d’Haïtiens sont dans une situation de pauvreté extrême vivant
avec moins de 100 gourdes par jour et environ un million
d’habitants se trouvent en plein de la pauvreté dans une situation

43
de vulnérabilité grimaçante en instance de tomber dans la
misérabilité.

84 La performance économique générale d’Haïti a continué à


décliner en 2023, environ 60 % de la population vivant dans une
pauvreté abjecte avec un accès limité aux services de base en
raison des troubles divers. La production alimentaire nationale
diminue tandis que la quantité des importations n’a cessé
d’augmenter. Aujourd’hui, les importations représentent environ
70 % des biens vendus dans l’économie formelle. Pour la
quatrième année consécutive, le produit intérieur brut (PIB) s’est
à nouveau contracté en 2022, cette fois de 1,5 %, tandis que
l’inflation a atteint 38,7 %. En conséquence, les prix des denrées
alimentaires ont grimpé jusqu’à 44 % alors que les importations
de denrées alimentaires augmentent et que l’approvisionnement
en produits de base, comme le carburant, est perturbé, à cause de
la violence des gangs et de certains acteurs économiques10.

85 Des faiblesses institutionnelles relatives à la gérance des


finances publiques et au système judiciaire du pays, telles que la

10
NATIONS UNIES, Conseil de sécurité, ibid., p12

44
non-application du principe de responsabilité, ont encouragé des
réseaux criminels à détourner des fonds publics destinés à la
stabilité économique d’Haïti. Parmi les facteurs institutionnels,
on peut citer les suivants :

a) Les malversations et détournement de fonds


publics.
Le détournement de fonds publics destinés au
développement national, aux interventions d’urgence
et à la reconstruction après le tremblement de terre de
2010, plombe l’économie du pays et continue d’avoir
un impact négatif sur la paix du pays ;

b) La fraude fiscale.
Haïti est un importateur quasi net de la plupart des
produits de base. Le secteur des importations est
contrôlé par des conglomérats d’entreprises
familiales, qui influent sur les nominations et font
pression sur des responsables des douanes. Ils
contrôlent les ports maritimes, les frontières et autres.
Les terminaux à conteneurs sont détenus et exploités

45
par ces mêmes familles, qui échappent ou presque au
contrôle des autorités publiques.
La situation d’oligopole du secteur des entreprises
officialise la fraude fiscale : sous-déclaration,
mauvais étiquetage des marchandises et exonérations
fiscales frauduleuses, des pratiques malhonnêtes qui
contribuent à la perte de revenus pour l’État. Bien que
les douanes aient amélioré la perception des recettes
au cours du dernier exercice, la fraude fiscale reste un
problème ;

c) Les liens entre gangs, responsables politiques et


élites économiques.
En Haïti, certains acteurs économiques utilisent des
gangs pour assurer la sécurité de leurs entreprises ou
saboter leurs concurrents, tandis que l’élite politique
les finance pour mobiliser ou contrôler les électeurs.
Ces deux dernières années, les gangs ont trouvé le
moyen de financer leurs activités de manière
autonome : pillages, enlèvements, détournement de

46
camions contre rançon et racket des usagers de la
route11.

86 En 2021, compte tenu, notamment, de l’accablante gestion


financière, le Groupe d’Action Financière a placé le pays sous
une surveillance renforcée en raison de son incapacité à respecter
les normes de lutte contre le blanchiment d’argent.

87 En fin de compte, il importe d’accorder à la croissance du


secteur agricole une priorité stratégique en vue de
l’autosuffisance alimentaire et la création d’emplois.

88 L’objectif est d’assurer un minimum de bien-être social en


rendant accessible à chacun ce dont il a besoin en priorité : la
nourriture et l’emploi, assorti de revenu suffisant. De ce pas, faire
passer les couches les plus vulnérables de la pauvreté à une vie
digne, vraiment humaine dans une société prospère et plus just

11
NATIONS UNIES, Conseil de sécurité, ibidem, p13

47
4- RÉVISER LA CONSTITUTION

89 Le quatrième impératif de la conjoncture est la révision


constitutionnelle. La Constitution de 1987 a été adoptée au cours
de la période surchauffée de l’après dictature dans un climat
dominé par des aspirations collectives de démocratie et une forte
dose d’émotion patriotique. Elle a introduit des changements
majeurs dans l’organisation des pouvoirs publics et dans leurs
attributions. Elle a jeté les bases pour un État de Droit à travers
les dispositions relatives aux droits et libertés du citoyen.
Cependant, plus de trente (30) ans après sa promulgation, on
aboutit au constat évident de l’inadaptation de certaines de ses
dispositions en ce qui concerne l’organisation et le
fonctionnement de l’État, l’inapplication de certaines d’autres et
surtout le manque de volonté des autorités pour sa mise en
application.

90 Dans la psychologie sociale haïtienne, l’État est


évoqué en termes de « majesté » à travers des figures
emblématiques : le président de la République ou le chef de
section par exemple. Le président de la République est un
« chef », détenteur d’un pouvoir « légitime » qui lui confère
responsabilité. Donc, il ne peut et ne doit pas être un « mineur »

48
comme on l’interprète en se référant à la Constitution de 1987 ;
cependant il faut bien choisir les paramètres de la légitimité de
son pouvoir et les conditions de son application afin d’éviter toute
forme d’abus de pouvoir et de déni de services.

91 La nouvelle dynamique politico-juridique qui promeut


le « Pouvoir service » dénonce la centralisation des pouvoirs et
propose une hiérarchie de service entre les pouvoirs fondés sur
la distinction, l’indépendance, les relations les uns aux autres, les
compétences, l’honnêteté et le partage de responsabilité.

92 Une constitution est faite pour être appliquée dans toutes


ses dispositions sinon elle est violée ou en veilleuse. Nous ne
devrions pas exploiter les dispositions qui nous permettent de
réaliser nos objectifs en nous accommodant à ses manquements
pour la simple et bonne raison qu’une constitution doit être un
système tant dans ses aspects structuraux que dans ses aspects
fonctionnels. Les éléments structuraux et les éléments
fonctionnels doivent être en interaction dynamique et organisés
en fonction d’un but, de manière à pouvoir éviter toute possibilité
de blocage du système et trouver des réponses appropriées à toute
éventualité.

49
93 Le système est dépassé, il faut l’avouer. Et quand le
système est devenu inefficace, il faut l’ajuster ou le remplacer.
Cela dit, nous proposons formellement une « refonte » de la
Charte fondamentale. Le processus doit être mené dans la
transparence avec la participation de tous les secteurs vitaux de
la nation pour être crédible et cette révision en tout doit faire
l’objet d’un large consensus national.

50
5- ORGANISER LES ÉLECTIONS
NATIONALES

94 Le cinquième et dernier impératif de la conjoncture


retenu est l’organisation des élections nationales. En réalité,
l’assassinat du Président Moïse en juillet 2021 joint à sa mauvaise
gouvernance où son administration n’a pas pu organisé
d’élections dans le pays ont enfoncé Haïti dans une crise politique
et une crise de la sécurité, déjà très graves. De profondes divisions
politiques et d’âpres rivalités ont freiné la transition politique. Le
mandat de tous les élus du pays ayant expiré en janvier/février
2021 (excepté le mandat de quelques sénateurs), aucune élection
n’a été organisé : présidentielle, législatives ou municipales
depuis 201612.

95 Pendant la période considérée (octobre 2022 à août


2023), la transition politique n’a pas progressé, en dépit de la
signature, le 21 décembre 2022, du Consensus national pour une
transition inclusive et des élections transparentes, également
appelé « Accord du 21 décembre », par le Premier Ministre en
fonction et divers acteurs politiques ainsi que des représentants

12
NATIONS UNIES, Conseil de sécurité, op.cit., p7

51
de la société civile, de groupes religieux et du secteur privé.
L’accord comprend un certain nombre de mesures prévoyant
l’organisation, en 2023, d’élections nationales, la révision de la
Constitution et la formation, d’ici à février 2024, d’un nouveau
gouvernement13.

96 Dès lors, une sous-étape a été franchie. Un Haut


Conseil de la Transition a été créé, chargé de définir une
orientation stratégique pour la transition et de coordonner le
dialogue politique qui, outre le Forum sur la sécurité, demeure
inactif 14.

97 En juin 2023, la CARICOM a organisé des


consultations à Kingston, auxquelles ont participé le Premier
Ministre ainsi que des acteurs politiques et des membres de la
société civile haïtienne, y compris le Bureau de suivi de la
Commission pour la recherche d’une solution haïtienne à la crise
(connue sous le nom de Groupe Montana). Pendant les
consultations, le Premier Ministre a réitéré sa volonté de parvenir

13
NATIONS UNIES, Conseil de sécurité, Rapport final du
Groupe d’experts sur Haïti présenté en application de la
résolution 2653 (2022), 2023, p7
14
NATIONS UNIES, Conseil de sécurité, ibid., p8

52
à un consensus national plus large et d’avancer vers l’organisation
d’élections en élargissant le Conseil, en lançant une révision
constitutionnelle et en formant un gouvernement d’unité
nationale15. Tout cela ne reste que vœu pieux.

98 Alors que le dialogue est indispensable au


rétablissement de la sécurité et des institutions démocratiques
dans le pays, maints observateurs haïtiens et internationaux
déplorent que les principaux acteurs politiques du pays refusent
le compromis. De plus, tandis qu’on essaie d’établir la
composition du Conseil Electoral Provisoire, plusieurs secteurs
de la société civile refusent de s’engager dans le processus, au
motif qu’il n’est pas réaliste d’organiser des élections compte
tenu principalement de l’insécurité actuelle ; Il faut avouer qu’une
partie des acteurs politiques et de la société civile ont remis en
question la légitimité et la légalité du Premier Ministre et ont
refusé de se joindre à l’accord16.

99 À ce tournant de la conjoncture, notre Souveraineté


Nationale est réellement menacée. Il nous faudrait un

15
NATIONS UNIES, Conseil de sécurité, ibidem, p8
16
NATIONS UNIES, Conseil de sécurité, op.cit., p8

53
Gouvernement de Transition crédible capable de synchroniser les
diverses propositions de sortie de crise dans une démarche
consensuelle pour organiser des élections libres planifiées en vue
de renouveler le personnel politique dirigeant au profit d’une
Haïti humaniste responsable de son processus de croissance.

100 En résumé, il importe de nous atteler pour établir un


ordre politico-juridique ferme et faire émerger Haïti à l’horizon
2034. Nous ne pourrions pas nous permettre de continuer à
emprunter les sentiers battus qui nous ont conduits à la
déchéance actuelle. Il s’avère nécessaire de conjuguer nos efforts
pour le changement de la situation, donc pour notre mieux-être,
tout en posant les jalons du profilage des sentiers de l’espérance.

Mode opératoire

101 La logique de développement demande une vision,


assortie d’orientations, de planification opérationnelle,
d’évaluation régulière et d’un renouvellement du processus.

102 Il convient de nous retrousser les manches pour


dessiner ensemble l’Haïti que nous vous voulons pour nous-
mêmes et les générations futures. Une architecture qui pourrait
susciter le regard admiratif des autres peuples en étant un modèle

54
de réussite économique séduisant, un laboratoire de gouvernance
innovante, un creuset de cohésion sociale enviable. Chef-d’œuvre
qui serait cristallisé dans une constitution adaptable et applicable
par Haïti.

103 Dans ce cas, il faudrait l’appropriation collective de


la vision qui va générer la force motrice pour l’accomplir dans
une démarche participative et progressive. Il y a près d’un siècle,
le Dr Jean Price Mars, dans son livre « la vocation de l’élite »
interpellait les élites haïtiennes. Aujourd’hui, la démission des
élites est évidente ; le cri résonne encore par la voix de Son
Excellence Pierre André Dumas depuis l’Anse-à-Veau. Donc,
face à l’acuité des problèmes, nous avons réellement besoin d’un
groupe d’hommes et de femmes engagés pour indiquer la voie de
développement, emboîter le pas et encourager les autres, tous les
autres à cheminer ensemble, au coude à coude, en faveur du
progrès. Cela requiert des choix difficiles, des mesures
impopulaires, une méthodologie en quatre étapes synchronisées
sur un cercle dont la logique inhérente est la suivante: “Voir-
Analyser-Agir-Evaluer”.

104 En répondant aux impératifs de la conjoncture, il


importe d’assurer une prise en charge réelle de nos priorités sur

55
les décennies à venir. Car toute vision qui limite son ambition aux
frontières des intérêts de la présente génération ne peut être
qu’un leurre… Elle devra à terme : provoquer la culture du
résultat dans nos mœurs, contenir le ferment nécessaire à
l’engagement citoyen, à la promotion de l’intelligence créative, à
la culture de la richesse, avec la touche de modernité partout…et
toujours dans la perspective du long terme. Cette démarche
permettra de proposer, aux générations montantes, des exemples
de réussite, des modèles de grandeur, des références identitaires
à une cause noble et juste. Cela suscitera une dynamique
transgénérationnelle suivant un processus qui se renouvelle
continuellement au profit du bonheur collectif.

Renouveau haïtien

105 Une « Conférence nationale » parait être une


nécessité historique pour que le jour enfin se lève, pour le
Renouveau haïtien. Un large public représentant toutes les
forces vives de la Nation est invité à y prendre part. Et chaque
groupe, chaque secteur, chaque leader a son mot à dire pour
concevoir ensemble dans une chaleur de convivialité « l’Haïti
une et plurielle ».

56
106 Cette Conférence nationale est appelée à déboucher
sur une « entente nationale », matérialisée dans une nouvelle
constitution et opérationnalisée sous la forme d’un grand projet
de société orienté dans le sens de la Démocratie, l’État de droit ,
la Justice sociale, la politique de service, l’économie durable, la
citoyenneté engagée et la famille solidaire.

107 Cette conférence pourrait être facilitée par des


personnalités religieuses, de la société civile, de l’université
associées à des experts de haut niveau nationaux et/ou
internationaux ( à titre de consultants ) tout en tenant compte de
ses aspects politiques, économiques et socioculturels. Bien
évidemment en évitant les échanges démagogiques,
cacophoniques, déraisonnables et en assurant la liberté totale
d’expression et la protection des participants de toutes
interventions indues .

108 C’est maintenant le moment d’agir pour un meilleur


avenir. Des sacrifices seront nécessaires, des intérêts seront
bousculés, des habitudes remises en question, autant de facteurs
qui peuvent provoquer craintes, raidissements, refus de
collaborer. Pourtant, c’est le prix à payer si l’on veut que notre
chère Haïti devienne florissante et capable d’assurer les

57
reproductions essentielles et l’essor du développement
économique et social. Il ne faut pas que les péripéties de la lutte
pour le pouvoir puissent bloquer le processus du changement
social. Il importe de transcender. Un consensus général sur cette
affaire de haute importance parait être un besoin historique. Tous
les groupes, tous les secteurs, tous les leaders, quelque soit leur
appartenance, sont appellés à y contribuer.

109 L’enjeu est de taille mais la bataille peut et va être


gagnée. Nous pouvons et allons mener jusqu’au bout « le bon
combat » ensemble dans une démarche continue de génération en
génération, de sursaut endogène unitaire pour le renouvellement
de l’espoir sans cesse.

Recherche de partenariats

110 Dans le présent ouvrage, tout n’est pas dit et très bien
dit. Il s’agit d’une proposition qui peut être améliorée. Pour une
plus grande synergie dans l’action, Angajman sitwayen lance un
appel à « PARTENARIAT » aux associations, organisations,
fondations, institutions , groupes, leaders et personnalités

58
intéressées par la sortie de crise, et du coup, par le développement
du peuple haïtien.

111 De ce qui précède, nous croyons que le moment est


venu de prendre au sérieux la détresse du peuple haïtien pour
enfin passer, par étapes planifiées, de cette société traditionnelle
à l’Haïti Humaniste et Moderne. Il nous faudrait donc nous
ingénier en jetant un regard neuf sur nos ressources naturelles et
notre patrimoine culturel et nous mettre au travail, tous
ensemble, pour la plus grande satisfaction de nos besoins et
profondes aspirations.

112 Quant à nous autres de Angajman Sitwayen, nous


allons contribuer au renforcement de la dynamique citoyenne
pour créer comme peuple « notre convivialité avec la joie de vivre
».

113 Plus que jamais, nous devrions nous unir pour vivre
ensemble comme des frères et faire d’Haïti, un pays-soleil dans
lequel la tranquille vie coule en surabondance.

59
B- HAÏTI, PAYS-SOLEIL

Approche structurelle-proposition / État de droit

60
114 On est face à une crise de conscience haïtienne, une
conscience, altérée, affaiblie, diluée pour ainsi dire. Pour opérer
le changement des mentalités, le changement de cœur, on a
besoin d’intérioriser les grandes valeurs sociales : Vérité,
Justice, Amour et Liberté ; de miser conséquemment sur un
ensemble de principes de refléxions qui président à l’édification
d’une société humaniste : Dignité, Bien commun, Subsidiarité,
Solidarité ; et finalement de promouvoir des directives d’actions
(Mécanismes innovants et prometteurs) : Politique de service,
Économie durable, Citoyenneté engagée et Famille solidaire.

115 Il conviendrait de former et d’informer l’être haïtien


sur l’humanisme intégral et solidaire afin d’assurer le
changement de lui-même et de tous les haïtiens. Il importe tout
aussi bien de créer un environnement politico-économico-social
sain par le biais des modèles de structures organisées telles que
définies plus haut, qui seront développées dans la deuxième
partie du présent ouvrage.

61
116 Face à cette société traditionnelle en dépérissement,
une prise de conscience collective s’avère nécessaire pour l’Haïti
humaniste. Il faudrait concevoir, dire et faire la politique, le
business, les œuvres sociales et la famille autrement en misant
sur un système éducatif de qualité (au sens large) qui prend en
compte la culture locale en vue du Renouveau haïtien. C’est
Albert Einstein qui a dit : « La manière de penser qui a
engendré un problème ne pourra jamais le résoudre.»

62
1- POLITIQUE DE SERVICE
117 La politique de service est un modèle politique
cherchant principalement à réaliser le bien commun de manière
à servir pleinement chaque personne. Le bien commun est
l’ensemble des conditions sociales qui permettent aux groupes et
à chacun de leurs membres de satisfaire leurs besoins de façon
totale et aisée. Il comporte trois éléments essentiels : le respect
des droits humains, le bien-être social dans une dynamique
croissante, et la paix sociale.

118 Nos acteurs politiques devraient transcender en


s’ouvrant à l’universel pour sortir le peuple du carcan étouffant à
travers un environnement propice à son plein épanouissement. Ils
établiront l’encadrement nécessaire, la création de modèles
incitatifs capables de projeter notre chère Haïti vers des horizons
de progrès. Nos élites politiques doivent inspirer confiance en
prouvant que l’idéal pour elles est de travailler au profit de notre
société. Aussi, dans le cadre de ce travail, proposons-nous la
nécessité de l’instauration de l’Etat pour tous.

63
Instaurer l’Etat pour tous

119 Il s’avère nécessaire d’instaurer « l’Etat pour tous »,


axé sur le « pouvoir service ». Un Etat qui cherche à organiser
une harmonieuse unité entre toutes les forces sociales, inspiré du
bien commun. C’est le renversement du pouvoir dominateur par
un « Pouvoir Service ». Un pouvoir qui rendrait l’État disponible
sur l’ensemble du territoire, qui offrirait des services de proximité
à l’ensemble de la population et qui exigerait la soumission de la
population relativement aux décisions légales et légitimes.
120 La présence de l’État doit être manifeste à travers la
disponibilité et l’accessibilité de ses services de qualité dans une
démarche d’inclusion sociale. À propos, il serait bon de prendre
en compte des considérations de justice sociale où chaque
personne est pleinement servie dans ses besoins essentiels, sans
que l’État ne soit une providence duquel le citoyen attend tout.
121 Ce nouvel État, apte à assurer la souveraineté de la
nation, devrait miser sur les éléments suivants :

a) Système de régulation interactif


b) Réforme de l’État et de son administration
c) Financer le Développement National

64
1.1. SYSTÈME DE RÉGULATION
INTERACTIF

122 La pratique traditionnelle de laisser-faire,


d’imprévision, de commande capricieuse nous mène tantôt à
l’anarchie, tantôt au totalitarisme. Il s’avère donc important
d’impliquer la population de toutes catégories, toutes classes
sociales, tous horizons politiques à travers un franc et permanent
débat national visant la « participation efficace » relativement
aux visions de l’État.

123 C’est par la mise en œuvre de ce système de


régulation interactif que l’on pourra faire évoluer de manière
irréversible l’ordre politique haïtien vers la démocratie, l’État de
droit et la Justice sociale.

124 Le débat national pourrait être mené principalement


en trois volets, dont une Conférence Nationale, des États
Généraux Sectoriels de la Nation et la Rétroaction Sociale :

a) La Conférence Nationale a été déjà traitée à la


première partie du document dans le mode
opératoire. Rappelons qu’elle doit déboucher sur

65
une « entente nationale », matérialisée dans une
Nouvelle Constitution et déclinée en « plan
stratégique national de développement
économique et social et d’aménagement
territorial » avec pour principal objectif de faire
émerger Haïti à l’horizon 2034.

b) Les « États Généraux Sectoriels de la Nation »


donneront lieux à des « débats sectoriels » devant
conduire à l’élaboration des « Agendas » destinés
à opérationnaliser la planification stratégique.
c) La rétroaction sociale permettra l’implication et
la participation de l’ensemble de la population au
cœur du processus de développement par le biais
d’un système d’informations adéquat. En refusant
ainsi de la marginaliser, l’on aboutit à une plus
grande synergie dans l’action. La population doit
être maîtresse de son propre développement. Elle
doit s’impliquer activement dans tout ce qui se dit,
se décide, se fait pour Haïti.

66
125 La technologie des communications est aujourd’hui
bien maîtrisée et disponible. Elle est parvenue à un stade de
développement qui permet d’envisager la mise en œuvre de « l’e-
gouvernance » comme complément des autres grands services
publics d’énergie, de santé, de sécurité ou de transport. Il peut de
plus avoir un impact encore plus marquant sur l’organisation
sociale.

126 Une société « interactive » aura à booster ceux qui ont


tendance à rester passifs et à se désintéresser de l’organisation
sociale, ce qui traduit une des formes de « malaise social »
résultant d’un « sentiment de mise à l’écart de la gestion de la
Chose Publique », que pourrait ressentir tout citoyen privé de
moyens réels de participation.

127 Il importe d’ informer continuellement la population


dans une démarche transparente au sujet des politiques publiques
mises en œuvre. Et pour l’établissement d’une communication
véritable, il faut qu’il y ait le retour sur les informations, et donc
interaction avec la source.

128 Si la Conférence Nationale et les États Généraux de


la Nation, doivent déboucher sur des actions concrètes,

67
concertées et planifiées, la « rétroaction sociale » pourra faciliter
la parfaite réalisation et la pleine réussite des projets de
développement ainsi que leurs adaptations par rapport aux
situations changeantes.

68
1.2. RÉFORME DE L’ÉTAT ET DE SON
ADMINISTRATION

129 En vue de l’instauration du « Pouvoir Service », nous


proposons trois aspects de réforme de l’État et de son
administration :

• Restructuration des mécanismes


gouvernementaux ;
• Décentralisation des pouvoirs et déconcentration
des services publics ; et
• Instauration d’un Système de Budget par
Programme Décentralisé.

1.2.1 Restructurer les mécanismes gouvernementaux

130 L’expérience de pouvoir au cours des 30 dernières


années rend évidente la nécessité d’une réorganisation des
structures gouvernementales en vue de les rendre plus
opérationnelles. En fait, il est essentiel avant tout d’adopter
un régime présidentiel avec un président de la République qui
choisit et dirige son gouvernement. On recadrera les missions et
les tâches des différents Ministères. Dans certains cas, on

69
dissociera des responsabilités traditionnelles portées par une
seule et même entité.

131 Par exemple, le volet « Communication » doit être


détaché des « Travaux Publics », car l’essor des Technologies de
l’Information et des Communications (TIC) rend nécessaire un
traitement spécifique de ce secteur porteur. Tout aussi bien, le
volet « Économie » pourrait être détaché des « Finances », car
l’acuité des problèmes du chômage, de la sécurité alimentaire et
de la pauvreté en général commande la création d’un Ministère
de l’Économie et de l’Emploi pour s’en occuper.

132 Dans d’autres cas, il serait souhaitable de doter


certaines liaisons horizontales d’une dimension institutionnelle
par la constitution de « conseils interministériels » autour des
quatre grandes misions étatiques : la mission gouvernementale et
administrative, la mission économique, la mission sociale et la
mission culturelle.

Fonctionnement du Pouvoir-Service

133 Le « Pouvoir-Service » s’exercera dans un État de


Droit démocratique marqué par la distinction, l’indépendance entre

70
les pouvoirs et les relations les uns aux autres où ils se retrouveraient
dans un même plan horizontal, et appelée à prendre en compte d’autres
« pouvoirs satellites », de véritables compétences de régulation.

134 Ce sont notamment :

• Le Conseil Constitutionnel qui est chargé de veiller à ce


que les actes législatifs, juridiques, administratifs et
surtout les lois et les décisions de justice soient conformes
à la Constitution.

• La Haute Cours de Justice qui est chargée de juger les


membres de l’Exécutif, du Corps Législatif, du Judiciaire
et des Institutions Indépendantes pour des actes commis
dans l’exercice de leur fonction qui fragiliseraient
l’équilibre des pouvoirs, et mettraient en péril la
souveraineté nationale, les droits et libertés des citoyens,
pour des actes de corruption qui entacheraient l’intégrité
morale du Corps auquel ils appartiennent. Signalons que
la Haute Cours de Justice saisie, est appelée à prononcer
la destitution de ces Hauts Fonctionnaires de l’État.

71
• Le Conseil Électoral qui est chargé d’organiser des
élections en toute indépendance pour renouveler
régulièrement le personnel politique et combler des
vacances éventuelles à la tête de l’État.

• La Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux


Administratif qui est chargée du contrôle des comptes
publiques et d’entendre des conflits éventuels entre l’État
ou les Municipalités et les citoyens.

135 La mise en marche de ces « pouvoirs satellites »


procède d’une refonte de la Charte Fondamentale et il importe de
bien réfléchir sur :

• La composition de ces organes ;


• Les modalités de nomination de leurs membres ;
• Les mécanismes de fonctionnement de ces
compétences de régulation ;
• L’étendue et les effets de l’autorité que ces
membres seraient appelés à exercer.

72
De l’Administration Publique

136 En plus de ces réaménagements constitutionnels,


l’Administration Publique doit aussi être réformée pour que
l’objectif d’instaurer un « Pouvoir Service » puisse être atteint.
Le système de corruption qui la caractérise est si complexe qu’il
est désormais quasi impossible de la gérer efficacement.

137 Deux trains de mesures proposés plus bas pourraient


contribuer à faire face à une bureaucratie de privilège et de rang
et à promouvoir, en ce sens, la « responsabilisation » des
gestionnaires et des employés publics.

138 Ces propositions visent à assurer des mécanismes de


fonctionnement et de mesures susceptibles d’améliorer la qualité
des programmes et d’éliminer des activités et programmes qui ne
correspondent ni aux besoins de la population ni aux principes
d’une gestion saine et efficace.

139 Casser la technostructure. Des « spécialistes » de tous


domaines et des « consultants », pour la plupart des ressortissants
étrangers, occupent des fonctions de conseil au sein de
l’Administration publique et sont devenus les véritables
détenteurs du pouvoir. Or, le plus souvent, ils ne sont pas

73
concernés, ils n’ont aucun intérêt à ce que les programmes
donnent de bons résultats ; mais ce sont eux qui, en réalité,
prennent les décisions : ils ont pris le pouvoir par défaut. Cela est
dû au fait que les experts étrangers sont la plupart du temps
imposés par les bailleurs de fonds internationaux sous la base de
« qui finance commande » ; et le plus souvent aussi les
gestionnaires publics ne sont pas suffisamment qualifiés pour
occuper les postes auxquels ils accèdent par favoritisme et qui
leur confèrent davantage de prestige, des rémunérations élevées
et beaucoup de « pouvoir ».

140 La situation décrite ici n’est ni saine ni propice à une


gestion harmonieuse et efficace de la « chose publique ». Il
devient impératif que les nominations à des postes de cadres se
fassent dans des conditions telles que les impétrants aient le
minimum de qualifications requises et d’expériences dans le
domaine. Il en va de même pour les consultants. Tout cela doit
advenir à l’enseigne de la compétence, de l’honnêteté et de la
responsabilité.

141 Restructurer les ministères et les organismes publics. Les


Ministères aussi méritent d’être restructurés de manière à créer
des unités plus petites où les responsabilités seraient clairement

74
précisées et où des indicateurs de performance, dans la logique du
« Pouvoir-Service », judicieusement choisis permettraient de les
évaluer. Si l’on ne peut pas connaitre la taille optimale d’une
organisation qui prêterait à une gestion efficace et efficiente, mais
l’on sait de manière sûre que plus les systèmes sont complexes et
gros, plus ils sont difficiles à gérer.

142 On pourrait aussi revoir l’organigramme général de


l’Administration en vue de la recadrer sur les nouvelles priorités
nationales dans la démarche du « Pouvoir-Service ». On
réévaluera le bienfondé de la structure organisationnelle de l’État,
la raison d’être de ses différents organes ainsi que leurs modes
opératoires.

143 Cette réflexion sur les structures organisationnelles et


fonctionnelles de l’État rend impératives la révision et/ou la
création de lois organiques pour la Présidence, le Gouvernement,
les Organismes autonomes, les Entreprises publiques et les
Institutions indépendantes afin de pouvoir clarifier la mission de
chacune de ces entités et éviter les chevauchements, les
duplications, mais aussi la non-couverture de certains services qui
pourraient être nécessaires.

75
Recrutement des cadres

144 Il conviendra d’épurer l’Administration publique en


surfant sur les critères de compétences, de motivation, de mérite
et de transparence. Des incitations à l’efficacité et à l’efficience
pourront être accordées : primes, avantages sociaux, promotion.
Et tout ce qui pourrait contribuer à améliorer le prestige, le revenu
de l’individu et par conséquent son statut social. La productivité
pourrait être d’autant plus élevée que les gestionnaires, le cadre
ou l’employé trouveraient du plaisir et de la motivation à exécuter
ses travaux.

145 Le « Pouvoir Service », c’est l’efficacité des services


par rapport aux objectifs fixés, et l’efficience, le volume de
services par unité de temps et par unité de dépenses qu’ils
entraînent.

Service de collectes

146 L’appareil de collecte des recettes publiques doit être


réformé et remobilisé en s’appuyant sur les Technologies de
l’Information et de la Communication. On appliquera de manière
équitable les lois fiscales, de simplifier et d’unifier les procédures
douanières et fiscales, de revoir le pouvoir discrétionnaire et

76
d’interprétation des agents douaniers et fiscaux en aménageant les
possibilités de « traitement à la carte » des contribuables. Il
importe aussi d’introduire la transparence dans la gestion du
processus de collecte en vulgarisant les informations relatives aux
procédures et aux tarifs et en offrant la possibilité pour les
contribuables de pouvoir exécuter certaines transactions en ligne.
Ce qui épargne de la lourdeur administrative et participe au
rendement de l’administration en question.

1.2.2. Décentraliser les pouvoirs et déconcentrer les services

147 « On n’administre bien que de près » (Alain


Peyrefitte). Dans le cadre de la mise en œuvre du « Pouvoir
Service », l’effort de décentralisation doit s’appuyer sur des
structures adaptées et s’accompagner d’une véritable
responsabilité financière et technique.

148 Cependant, avant d’aller plus loin, il serait bon de


clarifier certaines notions qui, à force d’être galvaudées par les
politiciens, sont devenues ambigües. Tout d’abord s’impose une
distinction fondamentale entre deux formules classiques de

77
gestion des services publics : la décentralisation et la
déconcentration.

149 D’une part, la DÉCENTRALISATION suppose un partage


de pouvoir de représentation, de décision, de contrôle entre l’État
qui demeure unitaire et les Collectivités Territoriales. Il s’agit en
fait, dans le contexte d’édification du « Pouvoir Service », pour
l’État (central) de transférer une partie de ses pouvoirs et
compétences actuels aux Collectivités Territoriales et d’accorder
l’autonomie administrative et financière à certains organismes
spécialisés sous tutelles des Ministères. Il s’agit là de deux types
de décentralisation : la première TERRITORIALE qui se
réalise par le transfert de pouvoirs et de compétences aux
Collectivités Territoriales ; la deuxième TECHNIQUE qui
résulte dans le fait d’accorder l’autonomie administrative et
financière à des entités publiques spécialisées ; et

160 D’autre part, la DÉCONCENTRATION préserve le


caractère central de l’État, mais délègue la gestion de certains
services à des unités régionales ou locales. Ce système s’applique
à travers les divisions départementales et communales des
Ministères. Il s’agit généralement d’une simple déconcentration
des effectifs sans que les pouvoirs centraux en soient le

78
moindrement affectés. Même les décisions relativement simples
ne se prennent pas au niveau local, encadrées qu’elles sont par
une réglementation qui laisse peu de place à l’initiative locale.

161 En effet, le bienfondé du principe de la


décentralisation réside, dans le cadre du « Pouvoir Service », de
la nécessité de concilier l’exigence de responsabilisation et de
participation des populations et des communautés locales à la
gestion de la chose publique, d’avec l’exigence d’efficacité et
d’efficience des services à fournir au bénéfice des dites
populations et communautés locales.

162 Pour y arriver, nous proposons que la Constitution


oblige le Parlement le soin d’élaborer des lois de programmation
appropriées pour un transfert progressif de certaines
responsabilités étatiques aux Collectivités Territoriales, en vue
d’accorder l’autonomie administrative et financière à des
organismes publics spécialisés existants ou à venir. Tout ceci doit
s’exécuter selon un calendrier par étapes modulées et
programmatiques.

163 Afin de pouvoir donner aux citoyens une voie plus


directe dans l’Administration publique, il devient impératif que la

79
décentralisation soit poussée jusqu’au niveau politique,
accompagnée de pouvoirs fiscaux correspondants. Pour ce faire,
la Constitution doit consacrer deux types de « municipalités » :
les municipalités communales et les municipalités régionales.

164 Il est souhaitable de confier des responsabilités


globales aux municipalités régionales comme l’aménagement
territorial, et aux municipalités communales le devoir d’offrir les
services qui touchent plus directement les populations, comme
l’éducation, la santé, l’assainissement, l’état civil, etc.

165 La Constitution pourrait envisager de diviser le pays


en quatre Régions :

• La Région Métropolitaine qui comprendrait le


département de l’Ouest et le département du Sud-
est ;
• La Région Centrale regrouperait les
départements de l’Artibonite et du Centre ;
• La Région Septentrionale qui engloberait les
départements du Nord, du Nord-est et du Nord-
ouest ; et

80
• La Région Méridionale qui regrouperait les
départements du Sud, de la Grand-Anse et des
Nippes.

166 La « Région » comme Collectivité Territoriale à


finalité économique, administrée par une autorité de
développement, jouira de l’autonomie administrative et
financière. Cette autorité de développement pourrait être une
« Municipalité » dirigée par un « Maire de Région/Gouverneur »
élu au suffrage universel direct. Elle pourrait être dotée d’organe
de délibérations (l’Assemblée des « Maires de commune ») et de
choix doté de pouvoirs fiscaux. La Constitution introduirait trois
niveaux de taxes : les taxes de l’État, les taxes régionales et les
taxes communales. Il est souhaitable que le cadre juridique de
l’activité économique puisse varier d’une Région à l’autre pour
pouvoir prendre avantage des potentialités régionales en fonction
des objectifs socioéconomiques poursuivis.

167 Il est indispensable de repenser l’organisation


territoriale, administrative et politique du pays en termes globaux
et structuraux. C’est donc toute une nouvelle culture politique qui
devrait s’instaurer avec la possibilité de créer des remous plus ou
moins considérables, selon les volontés que pourraient démontrer

81
tous les acteurs dans notre société. Et pourtant, ce n’est qu’à ce
prix qu’on pourrait promouvoir le pouvoir service.

168 Entre l’archaïsme paralysant et la décentralisation ré-


valorisante, il nous faut choisir !

1.2.3. Instaurer un Système de Budget par Programme


Décentralisé

169 Le pouvoir d’État devenu « Pouvoir Service » et la


Décentralisation rendue effective rendraient impérative la mise
en place d’un nouveau mode de gestion budgétaire. Nous
proposons un « Système de Gestion par Programme
Décentralisé ». C’est un système de deux budgets par
programmes imbriqués : le Budget de l’État et le Budget des
Municipalités Régionales. Des budgets qui seront destinés à
appliquer l’élaboration des politiques gouvernementales des
ressources conformes à l’esprit du « Pouvoir Service »
décentralisé.

170 Trois objectifs sont visés par le développement de ces


mécanismes de gestion novateurs et prometteurs :

82
• Doter les gouvernements régionaux et le
gouvernement central d’un système d’information
plus conforme à l’ampleur des ressources à allouer
et à la complexité des productions à assurer ;

• Mettre en place un mode de gestion qui soit


d’avantage approprié à l’organisation moderne de
la production de services publics décentralisés ;

• Introduire des mécanismes propres à assurer une


évaluation permanente des interventions
gouvernementales.

171 Le Système de Budget par Programme Décentralisé


(SBPD) consisterait concrètement à regrouper toute l’information
financière des Ministères et des Municipalités Régionales par
fonction et par programme en plus de la regrouper par poste
(salaires, équipements) comme à l’ordinaire. Ce nouveau système
de Budget supposerait :

1. Un énoncé d’objectifs clairs ;


2. Un énoncé des résultats attendus des programmes en
fonctions des objectifs ;

83
3. Une compilation des coûts de chaque programme ;
4. Un examen des différents moyens d’offrir le même
service ou un substitut acceptable ;
5. La confrontation des programmes et des politiques
proposés par l’État et de ceux proposés par les
Municipalités régionales pour éviter la duplication de
programmes similaires ou la mise en œuvre de
politiques contradictoires et/ou incompatibles ;
6. L’intégration des décisions concernant les politiques
et les programmes au processus budgétaire.

172 L’actuel système est monté de toutes pièces pour


favoriser l’enrichissement des « dirigeants corrompus » au
détriment du pays et des citoyens. Disons-le, le système de
gestion budgétaire qui consiste à créer pour les Ministères et
d’autres organes de l’État des portefeuilles sans définir au
préalable comment et dans quoi les utiliser laissant aux
gestionnaires le pouvoir « discrétionnaire » d’en décider à leur
gré, constitue une source vivace de corruption programmée.

173 Ce nouveau « Système de Budget par Programme


Décentralisé » pourrait concourir à améliorer la productivité dans
la fonction publique en précisant au préalable « les programmes »

84
autorisés et les responsabilités des différents intervenants tant au
niveau de l’État que des Municipalités. Avec ce système, on
ajouterait une nouvelle dimension par le choix efficace de
production.

Etapes d’application du SBPD

174 L’application du « Système de Budget par


Programme Décentralisé » comprendrait quatre (4) grandes
étapes :

LA PLANIFICATION, c’est l’effort de définition des


objectifs gouvernementaux en vue du mieux-être de la
population.

LA PROGRAMMATION, c’est la détermination des


moyens (le choix des programmes) les plus aptes à réaliser les
objectifs fixés.

LA BUDGÉTISATION, c’est l’allocation annuelle des


ressources humaines, matérielles et financières nécessaires à la
mise en œuvre des programmes retenus.

LA DÉCENTRALISATION, au lieu d’un Budget


unique de la République, c’est la fabrication d’un système de

85
Budgets imbriqués qui tiennent compte des pouvoirs et
compétences de l’État et de ceux des Municipalités régionales et
locales.

175 Ce Système de Budget par Programme Décentralisé


reposerait sur un processus de planification et de programmation
quinquennal pouvant permettre d’aligner les dépenses publiques
année après année sur les grandes orientations préalablement
définies par l’État et les Municipalités. Il aurait l’avantage de
présenter, par étapes planifiées, les choix de politiques publiques
qui seront mises en œuvre et de permettre d’anticiper les résultats
susceptibles d’être obtenus année après année à partir des moyens
qui seraient mis en œuvre.

86
1.3. FINANCER LE DÉVELOPPEMENT
NATIONAL

176 Les finances publiques s’intéressent aux diverses


sources de financement des gouvernements ainsi qu’à l’usage des
fonds publics. Ce champ vise particulièrement à l’évaluation
économique des principaux modes de financement et de dépenses
de l’État et des Collectivités Territoriales considérés comme
agents économiques. L’évaluation doit s’effectuer en fonction des
objectifs économiques et sociaux retenus et qui sont la raison
d’être de l’État et des Collectivités Territoriale, à savoir :
l’efficacité dans l’allocation des ressources, l’équité dans la
distribution des revenus et la stabilisation économique. Aussi, est-
il primordial que les administrateurs publics puissent connaitre
les répercussions de leurs choix sur les principaux objectifs qui
constituent la raison d’être de l’État et de ses organes.

177 Dans le contexte de l’État pour tous, basé sur le


« Pouvoir-Service », les gouvernements ne peuvent exister que
pour permettre une plus grande efficacité dans l’allocation des
ressources, pour assurer une distribution plus équitable des
revenus et pour éviter les pertes de bien-être que peuvent

87
occasionner les cycles économiques et les catastrophes naturelles
et/ou provoquées.

178 Mais qu’on ne se méprenne pas, l’État même dans les


démocraties ne poursuit pas toujours d’objectifs aussi nobles. Il y
a toujours le risque que les gouvernements reflètent les intérêts de
groupes particuliers qui les auraient aidés à prendre le pouvoir, et
qu’ils cherchent à garder par l’attribution de faveurs économiques
et financières à des groupes de la population. Comme le
gouvernement est le seul agent économique qui détient le pouvoir
de coercition « légitime » sur le reste de la société, le processus
politique se présente alors comme la lutte que se livrent différents
groupes d’intérêts en vue d’obtenir ce pouvoir et les rentes
économiques qu’il confère. Ceci explique pourquoi l’accent est
souvent mis sur la distribution des revenus comme objectif
prépondérant des gouvernements. Mais il ne suffit pas de
distribuer les revenus pour atteindre une plus grande équité, mais
plutôt pour favoriser ceux dont les votes sont importants pour les
politiciens de tout acabit.

179 Dans le cadre de l’instauration du « Pouvoir


Service », l’accent sera d’avantage mis sur la distribution des
revenus, mais en vue d’assurer un minimum de bien-être à chaque

88
membre de la population. Cela demande une très grande efficacité
dans l’allocation des ressources et surtout que l’État finance le
développement du pays plutôt que de distribuer des faveurs à des
partisans.

180 Dans le contexte de l’établissement du « Pouvoir-


Service » dont l’un des objectifs est d’assurer une large
redistribution du revenu national, trois modes de financement de
l’action publique sont à privilégier : les recettes fiscales et
douanières, les emprunts et les profits sur la production de biens
et de services.

1.3.1. Fiscalité et Justice Sociale

181 La notion de pouvoir qui a toujours prévalu en Haïti


fait concevoir celui-ci comme un « pouvoir dominateur » dont la
fonction essentielle est de maintenir l’ordre public, d’assurer la
sécurité nationale. Ainsi, les moyens d’un tel pouvoir ne servent
qu’à assurer sa domination sur l’ensemble de la population. Le
triomphe du « Pouvoir Service » transformera le détenteur du
pouvoir en « serviteur », et les moyens du pouvoir doivent assurer
le bien commun.

89
182 Le pouvoir d’État devenu « Pouvoir Service » est
appelé à assurer une utilisation optimale et rationnelle des
ressources publiques au profit du développement national. Aussi,
la « fiscalité » doit-elle être considérée et employée comme un
instrument ayant une double fonction. C’est d’abord un moyen de
fonctionnement de l’appareil étatique et des Collectivités
Territoriales. Elle est aussi un outil de développement en ce sens
que l’État et les Collectivités Territoriales pourraient financer les
investissements publics à partir de recettes fiscales et ainsi assurer
de manière libre le financement du développement national. La
perception de taxes, en effet, exige une contre partie de services
publics qui les justifie et encourage les contribuables à s’acquitter
de leurs redevances envers l’État et les Collectivités Territoriales.

Les taxes et les prélèvements

183 En plus des taxes de vente, des impôts sur le revenu


des particuliers et des sociétés, des droits d’assises spéciaux, des
droits de douanes et des taxes sur les propriétés, le pouvoir d’État
devenu « Pouvoir Service », coulé dans l’engagement à la justice

90
sociale, pourra introduire une taxe sur les droits de succession
dans le but d’assurer une plus large redistribution du revenu
national.

184 C’est, en effet, Anténor Firmin qui disait :

« Dans les pays, dans toutes les races, le progrès ne s’effectue,


ne se réalise, ne devient tangible que lorsque les couches sociales
inférieures qui forment toujours la majorité, tendent à monter en
intelligence, en puissance, en dignité et bien-être. Là où la
politique, dite éclairée, ne consiste qu’à perpétuer l’infériorité de
ces couches formant l’assise même dans la nation, en exploitant
leur ignorance, il n’y a point de progrès possible. »

Taxes sur les droits de succession

185 La taxe sur les droits de succession peut être conçue


dans un premier temps, comme une contribution à un Fonds
d’Épanouissement d’Enfants défavorisés jusqu’à l’âge de la
majorité civile, date à partir de laquelle ces enfants devenus
majeurs peuvent recevoir « un fonds de démarrage » destiné à

91
leur permettre d’être responsables de leurs processus de
croissance avec un minimum d’opportunité de réussite. Dans un
second temps, cette démarche pourra être graduellement étendue
à l’ensemble des enfants et jeunes du pays.

186 Les enfants et les jeunes sont les générations de la


relève, l’État doit s’intéresser à eux d’une manière toute spéciale
sans fiction ni antagonisme. Ils sont de conditions économiques
et sociales très variées, mais au-delà de cette diversité de
condition, le pouvoir d’État devenu « Pouvoir Service » doit voir
une complémentarité féconde dans la dignité de chaque enfant et
de chaque jeune et inciter leur contribution à la construction
nationale.

187 Plus de 3.5 millions d’Haïtiens ont moins de 18 ans.


Leur ouvrir des horizons prometteurs sous la base d’égalité
d’opportunités, tel doit être le rôle du « Pouvoir Service ».

188 L’État doit promouvoir les droits humains afin que


chaque personne puisse vivre dans la dignité et réaliser sa
vocation personnelle et son développement intégral.

92
Contrôle des rentrées

189 Mais il est évident que le « Pouvoir Service »


concourt avec des mécanismes de contrôle transparents destinés
non seulement à éliminer les détournements de fonds publics,
mais aussi à :

• Lutter contre l’évasion fiscale et la contrebande


devenues des éléments de politique économique
grâce à la tolérance laxiste et à l’influence de gros
intérêts ; et
• Revoir les franchises douanières de faveurs.

190 Ces mesures permettront d’accroître


significativement les recettes fiscales. Avec un contrôle financier
strict, cette politique pourrait permettre de viser à l’équilibre
budgétaire de manière moins artificielle que d’habitude et plus
dynamique.

1.3.2. Des emprunts pour développer l’économie

191 En vue de promouvoir un vaste mouvement de


développement économique, l’État haïtien, en tenant compte des

93
recommandations de la Conférence Nationale et des Etats
Généraux Sectoriels, doit :

1. Recourir à des emprunts internationaux et/ou locaux


comme complément des recettes publiques et des
investissements privés nationaux et étrangers

2. Créer un Fonds d’investissement pour soutenir la


production nationale dans le cadre d’initiatives
privées

3. Utiliser les emprunts pour financer les infrastructures


de développement et les activités de production de
biens et de services dans le cadre d’interventions
publiques et/ou de partenariats publics-privés.

1.3.3. Les profits sur la production de biens et de services pour


le développement socioéconomique

192 Le « Pouvoir Service » doit mener une politique de


développement économique et social selon un « schéma
directeur » d’un État qui organise, oriente et dynamise l’initiative
privée, tout en développant lui-même des activités de production

94
et des actes d’accompagnement pour accélérer le processus de
création de richesse.

193 Outre le rôle traditionnel de régulateur, d’arbitre et de


contrôleur des secteurs de commandement stratégique de
l’économie, le « Pouvoir Service » est appelé à être le moteur du
développement national. À cet effet, l’État et les Collectivités
Territoriales doivent détenir un portefeuille d’entreprises
publiques ou mixtes et même être le leader de l’investissement
agricole, agroindustriel et écotouristique pour susciter rapidement
les projets-pilotes dans les filières considérées comme
stratégiques là où :

• Le secteur de production est important pour


l’économie nationale dans une stratégie de
développement
• Le capital privé est ou indifférent ou peu
intéressé ou inexistant ;

194 L’État doit aider le citoyen à adopter un


comportement responsable et productif, d’abandonner la
psychologie démobilisatrice de victimes, d’exploités de résignés
pour prendre enfin en mains réellement nos destinées de peuple

95
et d’abandonner l’attitude « d’adversaires ou d’ennemis » dans
les relations entre l’État, le patronat et les syndicats pour adopter
celle de « partenaires ». C’est dans ces conditions que l’on pourra
développer les « sentiers de l’espérance » nous conduisant à
l’économie durable.

96
2. ÉCONOMIE DURABLE
195 Pour faire passer et maintenir la masse des 6.3
millions d’Haïtiens au-dessus du seuil de la pauvreté à l’horizon
de 2034, le taux de croissance du PIB doit être d’environ 9%. Ces
chiffres montrent la nécessité pour Haïti de faire des choix
judicieux en vue d’ accélérer la croissance mais aussi d’assurer la
distribution de revenus aux couches les plus vulnérables et
éliminer sinon réduire considérablement la portion de la
population en situation de pauvreté extrême.

196 La prospérité d’une nation dépend de sa capacité à


maintenir le taux de chômage en dessous de 10%. Or, depuis plus
de 20 ans le taux de chômage dépasse les 50%. Certaines sources
ont présenté des taux atteignant jusqu’à 72% au cours de la
période 2000 – 2016, ce qui explique que plus de six millions
d’Haïtiens (plus de la moitié de la population) se retrouvent au
cours de cette même période en situation de pauvreté.

197 Tenant compte de nos ressources naturelles et de


notre patrimoine culturel, il est impératif d’assurer l’efficacité
économique et une meilleure distribution des revenus.

97
198 Il est venu le temps de promouvoir la création de
richesse, l’emploi et l’émergence de nouveaux riches par la mise
en œuvre d’un nouveau modèle économique axé sur la Croissance
dans l’engagement à la Justice sociale et respectueux de
l’environnement, intitulé « Économie durable ». Ainsi, il
conviendrait de développer une mystique de production, de
donner un meilleur profil aux sentiers de l’espérance et de bien
définir la stratégie de développement économique.

2.1. Développer une mystique de production

199 L’ État haïtien dans le contexte actuel est appelé à


s’engager à développer une « mystique de production » qui
consisterait à mettre tout le peuple haïtien au travail. Il faut pour
cela appliquer des politiques capables de développer de toute
urgence les forces productives du pays par la mobilisation de
toutes les ressources économiques disponibles, de
synchroniser les rythmes de progrès sectoriels et intégrer les
résultats en phases successives de développement.

200 Il est venu le temps de répondre, par étapes planifiées,


aux besoins du peuple haïtien par la massification de l’emploi à

98
travers l’économie durable. Ce nouveau modèle combine trois
approches complémentaires à savoir capitaliste, communautariste
et socialiste :
Approche capitaliste

201 Elle s’inscrit dans la logique du respect de la dignité de


la personne humaine, c’est-à-dire l’être actif et responsable de son
processus de croissance et par le fait même a droit de prendre des
initiatives à caractère économique, culturel, social, politique en
vue de son développement ; et vise à :

• Attirer des investissements directs étrangers et


stimuler des investissements nationaux et de la
Diaspora dans un esprit de libre entreprise et de
concurrence légale pour augmenter le stock du
capital, l’offre d’emplois, et bénéficier des
transferts de technologies ;

• Développer une Bourgeoisie nationale


conquérante pour soutenir l’effort de production
nationale par la création d’entreprises notamment
dans l’agriculture, l’agro-industrie, l'
écotourisme… ;

99
• Mobiliser et entrainer la main-d’œuvre nationale
de manière à la rendre qualitativement
compétitive.

Approche communautariste

202 Elle s’inspire de la conception de la solidarité pour la


réhabilitation des masses défavorisées et vise à :

• Apporter des réponses collectives à des problèmes


touchant les communautés de base par la création et le
développement d’Entreprises Communautaires et des
Entreprises Mixtes à large actionnariat dans des
secteurs stratégiques dans un esprit de service ;

• Élargir la classe des entrepreneurs en apportant un


appui technique, managérial et de l’encadrement à la
création et au développement de petites et moyennes
entreprises dans une démarche de gestion rentable ;

Approche socialiste

203 Elle découle de l’action de l’Etat, et vise à :

100
• Créer des situations favorables au libre exercice de
l'activité économique ; établir des limites à
l'autonomie des parties tout en assurant la défense des
plus faibles et tout en protégeant leurs intérêts.

204 Dans la perspective de faire émerger Haïti à l’horizon


de 2034, rappelons que le taux de croissance de l’économie doit
être en moyenne de 9% l’an, et dans la logique de la patience du
« graduel planifié » il doit être prévu trois phases de croissance.

• D’abord, une phase pilote à réaliser par


l’exploitation de nouveaux champs de culture
mettant en valeur environ un demi million de
carreaux de terre, l’ouverture de nouvelles usines ,
la création et le développement de nouvelles
entreprises ; mais aussi par la dotation de facteurs
de production tels la construction de nouvelles
routes, de nouveaux ports et aéroports, de voies
ferrées, de nouvelles centrales électriques, de
nouveaux barrages, de parcs industriels dans les
dix départements, de chaines d’hôtels ; la création
de zones franches et de cités touristiques, etc.,

101
pour créer massivement de la richesse et des
emplois.

• Dans une deuxième phase, la phase intensive, on


s’occupera d’accélérer la production
essentiellement par l’amélioration de la
productivité et la redistribution des gains.

• Enfin, dans une troisième phase, la phase


extensive, le choix de techniques de production
modernes permettra d’améliorer d’avantage la
productivité en amenant la croissance à son point
de maturité et en la faisant reposer sur une main-
d’œuvre qualifiée, compétitive et bien rémunérée.

205 L’action de développement économique sera centrée


sur « les acteurs économiques » et visera à renforcer
continuellement leurs capacités comme condition préalable à
l’avènement d’une société humaniste, ouverte, inclusive,
équitable, moderne, prospère au moyen d’actions directes de
production de biens et de services.

102
206 Notre éducation nous a habitués à l’idée que les
ressources sont limitées. Ceci constitue une erreur fatale. C’est
comme si la vie était un gâteau avec un nombre limité de tranches.
Lorsqu’on obtient une tranche, on en prive quelqu’un d’autre. Il
n’y en a pas assez pour tout le monde. Une réflexion totalement
absurde et handicapante !

207 Nous voulons ici vendre l’idée que les ressources


sont partout sur la route de l’homme et doivent être transformée
en richesse. Elle ne réside pas dans la quantité de biens
disponibles. Ce ne sont là que des symboles. Les principaux
facteurs de toute prospérité est une idée pratique(la créativité) et
l’innovation.

208 L’individu, l’entreprise ou le pays qui peut générer le


plus grand nombre de nouvelles idées et qui peut innover est
celui-là qui prospèrera.

Exploitation de la capacité de créativité

209 Il est essentiel de permettre à la créativité légendaire


du peuple haïtien de s’exprimer et de matérialiser ses idées de
manière à rendre possible le bonheur collectif dans et par le
bonheur individuel de ces membres.

103
210 L’impulsion partira de l’intérieur et culminera en
progrès socioéconomique moyennant :

1) Une classe d’affaires élargie et dynamique et des


entreprises créatrices de richesse et d’ emplois ;
2) Des investissements importants à réaliser par étapes
planifiées dans des secteurs porteurs et à haute
intensité de main-d’œuvre ;
3) Une main-d’œuvre locale motivée et engagée sur les
sentiers de l’espérance.

Les opportunités

211 Nous voulons attirer l’attention sur les opportunités


d’affaires qui existent en Haïti dans la perspective de voir
massivement des entreprises s’ établir, se développer, et la classe
des entrepreneurs s’élargir. Dans presque tous les cas de
croissance économique rapide et durable de l’histoire moderne,
l’investissement privé a joué et joue un rôle essentiel.

212 Des entreprises créées progressent dans une économie


en croissance, tirent toujours des profits intéressants permettant
d’agrandir les marchés existants et d’en conquérir de nouveaux.

104
La croissance économique durable passe toujours par l’existence
d’un secteur privé productif et dynamique.

213 Haïti est un pays vierge où il existe des opportunités


très intéressantes dans divers secteurs. Elles concernent des
secteurs et activités tels que : l’agriculture, l’agroindustrie,
l’écotourisme, les énergies renouvelables, la fabrication de
produits électroniques, la construction, les matériaux de
construction, le logement et les services, l’artisanat, le recyclage
et la culture en général.

Secteurs prioritaires et leurs avantages

214 En effet, la priorité pourrait être accordée aux secteurs


suivants :

• L’agriculture et l’agro-industrie ;
• Le textile et le vestimentaire;
• Le tourisme et les secteurs rattachés.

105
215 L’agriculture et l’agro-industrie présentent les
avantages suivants :

• La demande locale de produits agricoles est très bonne


du fait de l’augmentation continue de la population et
de la nécessité de remplacer les importations de la
République Dominicaine et des USA ; elle le sera
encore d’avantage dans la perspective d’un
développement touristique accru ;

• La demande internationale de produits agricoles


biologiques est essentielle. Elle constituera un atout
majeur pour dynamiser le tourisme et l’hôtellerie en
Haïti ;

• Haïti se situe au cœur des trois Amériques dans le


bassin des Caraïbes sur la route maritime reliant
l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud, et
bénéficie d’avantages découlant d’accords
commerciaux internationaux ;

106
• De grands espaces libres (plus d’un demi-million de
carreaux de terre), pour la plupart appartenant à l’État
(dans le grand Nord) sont disponibles. Ils peuvent être
exploités à travers de petites, moyennes et grandes
fermes agricoles.

216 La relance et l’expansion d’investissements agricoles


sont fondamentales pour résorber le chômage et provoquer le
développement local notamment rural, ouvrant ainsi de nouvelles
possibilités commerciales aussi bien pour la production et la
transformation à destination des marchés intérieurs et étrangers.

217 Outre les produits qu’on exporte actuellement : les


bananes, le cacao, le café, la mangue et le sisal, l’huile essentielle
de vétiver, les filières prioritaires pour des investissements privés
comprennent :

• Les céréales (riz, maïs, sorgho) ;


• La canne à sucre et les produits dérivés ;
• Les produits maraichers tels : pois, tomates,
piments ;
• Les racines et tubercules : pommes de terre, carottes,
manioc ;
• Les fruits et les produits dérivés ;
• Le vetiver et ses dérivés ;

107
• L’élevage caprin, bovin et leurs dérives ;
• L’apiculture, le miel et les produits dérivés ;
• Les poulets et les œufs ;
• L’aquaculture et la pêche.

218 L’agriculture et l’agroalimentaire sont des secteurs à


haute intensité de main-d’œuvre offrant des possibilités
d’investissement d’actifs (terrains et autres actifs) pouvant
appartenir à des paysans (pauvres pour nombre d’entre eux) et à
des éléments de la classe moyenne. Elles représentent un canal
idéal pour la création massive de richesse et une excellente voie
d’accès à la propriété de moyen de production.

219 La dynamisation de ces secteurs peut contribuer à la


croissance économique et conduire à une augmentation des
emplois et du pouvoir d’achat urbain. Conséquemment, la
demande de produits alimentaires et de produits agricoles de
meilleure qualité et en plus grandes quantité est appelée à se
développer.

220 L’industrie de l’habillement et le secteur textile


(Industrie de la Sous-Traitance) présentent les avantages
suivants :

108
• L’existence de vastes programmes de préférences
américaines (HOPE II, HELP, CBTPA) fournissant
des entrées en franchise de droits sur le marché
américain de certains produits textiles fabriqués en
Haïti ;

• La proximité géographique d’Haït avec les États-


Unis et les pays de la Caraïbe, qui se traduit par des
possibilités de transport rapide avec des temps de
transit ne dépassant pas trois jours de n’importe quel
port haïtien à la Floride et aux pays de la
CARICOM ;

• L’existence d’un bassin de main-d’œuvre


talentueuse, disponible et importante ;

• La disponibilité d’infrastructures modernes et


d’incitatives pour l’implantation d’entreprises
industrielles dans les parcs industriels et les zones
franches ;

109
• L’existence de débouchées pour des produits
textiles et vestimentaires haïtiens à cause de
relations de longue date avec des importateurs, des
marques et des détaillants américains, et de la forte
demande de produits de la mode haïtienne pour
touristes ;

• La demande intérieure de produits vestimentaires de


qualité est en pleine expansion et le sera encore
davantage lorsque la croissance sera au rendez-vous
et lorsque le pouvoir d’achat de la population aura
été amélioré.

221 L’industrie vestimentaire et le textile sont des secteurs


à haute intensité de main-d’œuvre pouvant mobiliser
potentiellement environ un million de travailleurs. Ils
représentent un marché potentiel de près d’une dizaine de
milliards de dollars US. Autant dire qu’il existe des marges
importantes de croissance supplémentaire. Des possibilités
intéressantes pour les accès préférentiels de produits textiles au
grand marché américain dans le cadre des lois HOPE II ET HELP
restent inexplorées et inexploitées. Le quota disponible pour des

110
exportations dans le cadre de ces lois est loin d’être atteint. De
plus, les préférences pour l’exportation de certains produits
textiles vers les USA ne sont pas contingentées, et, de ce fait,
représentent un avantage précieux pour des entreprises textiles
haïtiennes intéressées à exporter vers les États-Unis.

222 Haïti possède des atouts touristiques


considérables :

• Un important patrimoine naturel, culturel et historique


comprenant 1700 km de côte avec de superbes plages
et de récifs de corail de haute mer, des montagnes
luxuriantes, des grottes envoutantes et des trésors
historiques dont la Citadelle Henry Christophe, classée
patrimoine mondial de l’UNESCO ;

• Reconnue dans le monde entier pour sa créativité, son


design innovateur et la qualité supérieure de son
artisanat, de sa peinture, Haïti est de surcroit, grâce à
sa situation géographique, facilement accessible de
Miami, Fort Lauderdale, New York, Atlanta, Boston,
Paris, Panama, Santo Domingo, Pointe-à-Pitre, Fort-

111
de-France, St Martin, Santiago de Cuba, Kingston,
Montréal et Providenciales ;

• Une main-d’œuvre compétitive et dévouée comprenant


un bassin de personnes parlant français, anglais et
espagnol, et des travailleurs disponibles et désireux
d’apprendre de nouvelles compétences dans le but
d’affronter la compétitivité aggressive dans le
domaine.

Ce qu’il faut faire

223 La dynamisation de ce secteur passera par la


construction de nouveaux hôtels et l’agrandissement d’hôtels
existants, la multiplication de restaurants et de bars ; le
développement du « tourisme résidentiel » ; la mise en œuvre de
systèmes de transport moderne, confortable, et disponible ; la
sécurité discrète ; la formation des guides ; la construction de
cités de loisirs et de villages touristiques ; des investissements
dans le secteur artisanal, la mode et la peinture ; l’organisation
d’événements socioculturels et la mise en place d’un

112
« écotourisme local » qui doit tenir compte des potentialités des
différentes régions du pays.

224 Le développement touristique marche avec la création


et le développement de grappes d’entreprises de production de
biens et de services, et la possibilité de réaliser des exportations
importantes de l’intérieur, hors de droits de douane.

113
2.2. Le profilage des sentiers de l’espérance

225 Nous sommes une société à majorité de paysans


évoluant, comme le soulignait Daniel Thomer, dans un « modèle
socio-économique global où la vie rurale est dominante par
rapport aux autres activités qui l’accompagnent nécessairement
et qui d’ailleurs, peu à peu vont grandir et se développer à ses
dépens ». Nous sommes riches en matière grise mobilisable pour
le développement malgré l’émigration incontrôlée et forcée
constatée ces derniers jours. En outre, l’Haïtien a développé face
aux conditions adverses une créativité qui va de la débrouillardise
à l’invention technique. Son adaptabilité au progrès technique
moderne est étonnante. Si bien que l’homme haïtien, le paysan en
particulier, représente aujourd’hui notre capital réserve
extrêmement important.

226 Mais ce « capital réserve » mérite d’être protégé,


développé, réinvesti pour pouvoir produire le progrès social. Cela
signifie qu’on doit lui assurer « l’accès à la terre fertilisée par des
intrants ; l’accès à l’eau, à l’électricité et au crédit ; l’accès à la
nourriture quotidienne et au travail, le travail productif et
rémunérateur ; l’accès au savoir et savoir-faire moderne ; l’accès

114
au soin de santé, au logement et au loisir ; l’accès au vêtement, à
la sécurité et à la qualité de vie ».

227 Le pays a besoin d’une orientation précise, une


direction pour retrouver les « sentiers de l’espérance ». Il n’est
pas question de changer pour changer, mais de préférence
« changer pour vivre mieux » , raison pour laquelle il
conviendrait de baliser la voie du sauvetage collectif, tout en
posant les jalons de la modernisation et de la reconstruction
nationale.

228 La meilleure option pour la relance et la


modernisation de l’économie reste agroindustrielle, et le secteur
touristique en pivot. Cette option charrie une double proposition
d’agenda : d’un côté, pour l’agriculture une stratégie
différentielle introduisant le « zonage culturale » et combinant
petite, moyenne et grande exploitations ; et de l’autre, pour
l’industrie des axes variées de production formant la trame de
l’industrie touristique.

229 Mais surtout, il reviendrait à porter l’attention sur la


complémentarité obligée de l’agriculture et de l’industrie de
conservation et de transformation à des fins de consommation

115
interne et d’exportation. Il parait nécessaire en fait de marcher sur
deux pieds et d’ajouter des ailes pour pouvoir décolle

Création d’emplois

230 Dans le contexte actuel, l’ un des plus grands mérites


d’une stratégie de développement en Haïti doit être de pouvoir
créer des emplois, le travail étant un impératif dans un pays où le
chômage touche plus de la moitié de la population.

231 Cette logique amène une double observation


liminaire. D’une part, les secteurs économiques à développer
doivent être à plus haute intensité de main-d’œuvre que de capital.
D’autre part, ce qui importe autant que le travail lui-même c’est
la finalité du travail, c’est-à-dire le pouvoir d’achat et de bien-être
qu’il peut générer.

Les objectifs de production

232 L’ intensification de la production dans les secteurs


économiques choisis devrait être orientée vers deux catégories
d’objectifs :

233 Premièrement, des objectifs sociaux :

116
• Lutte contre la pauvreté par la création d’emplois et
de richesse et la distribution de revenus ;
• Amélioration du cadre de vie de la population en
assurant un minimum de bien-être à chaque
personne.

234 Deuxièmement, des objectifs économiques :

• Autosuffisance alimentaire et substitution à


l’importation de certains produits ;
• Exportation en vue de renverser la balance
commerciale.

235 L’analyse de ces objectifs montre qu’il faut accorder


à la croissance du secteur agricole une « priorité stratégique ».

236 Il conviendra de mettre l’accent :

• Sur des produits de haut revenu porteurs de


substitution à l’importation (caprins, fruits de mer,
racines et tubercules…) ;
• Sur des produits traditionnels mais de rendement
amélioré (maïs, haricots, bananes, riz…) ;

117
• Sur des produits d’exportation en grande demande en
Amérique du nord, dans les Caraïbes et en Europe
(café, cacao, huile essentielle de vétiver,
mangues…) ;
• Sur des produits pouvant servir de matières premières
à l’industrie locale (produits maraichers, fruits,
canne-à-sucre, plantes thérapeutiques…)

237 À cet effort de production décrypté bien avant,


s’ajouterait la modernisation de la pêche, la pisciculture
intéressant l’Étang de Miragoane, l’Étang Saumâtre et le fleuve
Artibonite entres autres, et l’aquaculture moderne, autant de
secteurs de production qui doivent assurer l’alimentation
régulière de la population en complément de l’élevage
traditionnel, à moderniser, notamment la production massive de
cabris, poulets de chairs et d’œufs, de bœufs, etc.

238 L’ agriculture sera considérée comme seul moteur du


développement national. Un dicton anglais du 19ème renseigne
que : « qui récolte le coton gagne 1, qui le file gagne 2 et qui le
tisse gagne 3 ». L’industrie doit être utilisée en complément à
l’agriculture pour ajouter de la valeur aux produits. L’exemple
taïwanais dont on connait les résultats montre l’avantage d’un

118
développement industriel associé à un développement agricole
important. Au fond, comme l’a dit Félix Boigny de la Côte-
d’Ivoire, « une économie agricole, aussi diversifiée soit-elle, n’a
jamais caractérisée un pays développé ». En ce qui nous
concerne, il faut un grand équilibre agriculture-industrie pour
dynamiser la croissance économique et assurer notre entrée en
modernité.

239 Le tourisme occupera le rôle de point focal du


développement national. Haïti dispose d’avantages comparatifs
reconnus que nous devons convertir en avantages compétitifs. La
mise en œuvre de politiques publiques visant à développer les
ressources humaines, historiques, culturelles et naturelles du pays
permettra à l’État de profiter de l’effet induit du développement
touristique des voisins pour faire son entrée dans la modernité.
Dans la diversité des emplois, l’industrie touristique apparait
comme un canal idéal pour irriguer l’économie et stimuler la
croissance.

240 De ce qui précède, le développement du secteur


tourisme pourra permettre de prendre en compte, d’une part, les
aspirations de justice socio spatiale et de protection de
l’environnement à travers un processus durable de

119
développement régional intégré, et d’autre part, le droit au loisir
et au bien-être du peuple haïtien à travers particulièrement un éco-
tourisme local et un tourisme résidentiel.

120
2.3. Le Décalogue de la stratégie de développement
économique

241 Un projet de développement pour être viable repose


sur une base de données plus ou moins fiable et une bonne
planification.

242 La base de données fournit des informations sur


l’existant et sert de repère pour fixer les objectifs et mesurer les
résultats.

243 La planification est un processus par lequel on


cherche à déterminer à l’avance ce qui doit être fait et comment.
Il s’agit d’expliciter les orientations, les missions, les domaines
pour lesquels des résultats spécifiques sont recherchés ou des
objectifs sont poursuivis, ainsi que les politiques, les programmes
et les procédures d’action. La planification se présente donc
comme un cadre de réflexion et d’action pour intégrer des
données afin d’estimer le mieux possible les conséquences des
décisions actuelles et futures.

244 La raison d’être de la base de données et de la


planification est de s’adapter en temps opportun aux changements
et de mieux maîtriser l’incertitude qui caractérise

121
l’environnement sur lequel on intervient. Elles constituent des
moyens pour encadrer l’émotivité, l’agressivité, l’ignorance,
l’inertie afin de tirer le meilleur parti possible des circonstances
par des actions raisonnées prenant appui sur une analyse critique
des conséquences probables d’options et de solutions
envisageables. Donc, elles permettent d’exercer son
raisonnement, son initiative, sa créativité et son sens de
responsabilité par la formulation et l’analyse d’options.
Autrement dit, elles empêchent de fonctionner uniquement à
partir d’impression, d’intuition et de sentiment.

245 La planification n’est pas une fin en soi : elle explicite


la stratégie à suivre pour atteindre les objectifs fixés et obtenir les
résultats recherchés ; elle identifie les axes d’action pouvant
permettre de réaliser son but. Nous résumons ici une stratégie en
dix principes pour promouvoir l’économie durable.

122
Dix principes pour une économie durable

1. Un principe d’orientation stratégique préférentielle

246 Le principe d’orientation stratégique


préférentielle consiste à identifier, à titre indicatif, les secteurs et
produits qui présentent un intérêt stratégique pour la société et par
lesquels le pays possède un avantage comparatif .

247 Actuellement, l’agriculture est le secteur le plus


capable d’aider à bloquer la tendance à l’appauvrissement
généralisé et à casser la dynamique de descente aux enfers des
couches les plus vulnérables. D’abord, parce que plus de 80% des
individus les plus pauvres du pays habitent les campagnes et
survivent de l’agriculture. Ce secteur représente un potentiel de
plus de trois millions d’emplois directs et d’emplois indirects
dans les services et les industries apparentées.

248 La terre, l’eau, les techniques et les technologies


existent et sont disponibles. Ce sont des atouts intéressants qui
font de l’agriculture une « priorité stratégique » dans l’ordre
concret. Il reste à assurer la dotation d’infrastructures et
d’équipements dans le cadre d’un plan d’aménagement rural dont
le volet physique doit concourir à la satisfaction des besoins des

123
paysans et des travailleurs ruraux, et à la restauration de
l’équilibre villes-campagnes sans lequel il ne peut y avoir ni
justice sociale ni développement économique et social viable.

249 D’un autre côté, Haïti dispose d’avantages


comparatifs pour des produits agricoles bio et dans les secteurs
industriel et touristique, que nous devons, dans le cadre d’une
stratégie de développement économique intelligente, transformer
en avantages compétitifs.

2. Un principe de rupture avec l’archaïsme

260 On a beau jeté les responsabilités de notre retard sur


l’archaïsme technique, mais le problème est plus profond. Si l’on
en convient que le progrès technique a un effet multiplicateur de
l’effort humain et que son absence est synonyme de stagnation,
on doit cependant se demander pourquoi et peut-être comment
avait-on raté le train des révolutions scientifique et technique du
19ème siècle. C’est que l’organisation sociale ségrégationniste
postcoloniale jumelée à une mentalité routinière a bloqué
l’initiation au progrès technique jusqu’à rendre celui-ci non
désirable. Aujourd’hui on doit vaincre non seulement la force

124
d’inertie mais aussi les résistances intéressées pour pouvoir entrer
dans la modernité.

261 Haïti est un pays habité par l’absence de pensée


critique et de pensée scientifique. C’est cela qu’il faut changer :
il nous faut rompre avec la mentalité coloniale de l’arbitraire,
avec le système dépassé, suranné, de clivages sociaux devenu
chez nous l’ordre normal des choses mais aussi avec le mode de
pensée étroit et mainteneur de préjugés absurdes et d’attitudes
socialement discriminatoires contraires à nos intérêts. Il est pour
nous une obligation de leur substituer un esprit progressiste, axé
sur l’éducation au sens large.

3. Un principe de dotation ciblée en facteurs

262 La nécessité de moderniser l’économie l’est par le


constat qu’Haïti est le seul pays moins avancé du continent
américain et un pays très inégal. L’heure est venue d’adopter une
nouvelle approche du développement national.

263 Toute une panoplie de mesures d’intervention et


d’incitation pour « moderniser » la production doit être
développée.

125
264 Les travaux d’infrastructures pour le développement
agricole et l’expansion industrielle et touristique doivent être
orientés vers :

a) l’établissement et l’entretien de moyen de transport


moderne (routier, maritime, aérien, ferroviaire) et de
communication (internet haut débit, numérique) pour
connecter les régions entre elles et avec le reste du monde

b) l’établissement de réseaux de distribution d’eau potable

c) la construction de lacs collinaires, de barrages et de


canaux d’irrigation assortis de système de gestion
rationnel susceptible de permettre aux producteurs
agricoles d’accéder à la maitrise de l’eau

d) l’électricité à tarif préférentiel disponible en priorité dans


des « unités spatiales stratégiques » de développement, à
fournir à partir de sources d’énergies renouvelables et
d’énergies fossiles combinées

126
e) l’aménagement de sites industriels dans des « zones
incorporées » regroupant fermes agricoles, facilités de
transport et de communication, institutions
administratives et financières

f) l’aménagement de sites touristiques protégés, des « Cités


de loisir », regroupant plus ou moins : hôtels, bars-
restaurants, spa, casinos, plages, ports pour Paquebots de
croisière, musée, galeries d’arts, salles de conférences,
salles et terrains de jeux, supermarchés, magasins de
cadeaux, facilités de transport, institutions administratives
et financières

g) la restauration de « résidences touristiques » dans un


contexte de promotion et de développement du concept de
« Touriste résidentiel »

265 Les infrastructures sont les principaux vecteurs de la


modernité. Distribuées en réseaux, elles donnent forme aux
territoires, conditionnent la localisation des activités et, donc,
créent des opportunités sur une base régionale en prenant en

127
considération ce que les régions ont en commun sous des formes
variées incluant leur localisation, les ressources naturelles et
historiques disponibles, leurs aires culturales, l’effectif de leur
population, leur potentiel productif. L’aménagement ordonné et
rationnel du territoire est l’enjeu majeur de la régionalisation et
de la modernisation économique du pays.

266 Les infrastructures administratives sont destinées à


assurer le bon fonctionnement des secteurs d’activités et à
renforcer la cohésion sociale par la répartition des charges sur les
usagers et la redistribution des rendements. Les mesures
suivantes sont à envisager :

a) Établir à travers le pays, dans les « unités stratégiques de


développement » notamment, des « Complexes
administratifs consolidés » regroupant la plupart des
services publics susceptibles de rendre plus attrayant
l’environnement des affaires : immigration et sécurité
publique, institutions fiscales et douanières, institutions
de sécurités sociales, institutions de régulation et de
facilitation des investissements, institutions financières,
institutions de promotion, de défense de l’environnement
et de sauvegarde du patrimoine ;

128
b) Moderniser le « Code d’investissement » avec des règles
claires et précises pour pouvoir attirer et maintenir des
investissements privés nationaux et étrangers ;

c) Réduire considérablement le temps de réponse des


services publics notamment en ce qui concerne la création
et l’enregistrement des sociétés commerciales dont le
délai pourrait passer de six mois actuellement à cinq jours
ouvrables ;

d) Réorganiser le régime d’incitation fiscale en l’alignant sur


une stratégie à trois vitesses :

• Réduire la durée d’exemption fiscale de 10 à 17


ans actuellement à 5 ans et 5 autres années au
cours desquelles on pourra appliquer un taux de
taxation faible (10%) ;

• Accorder des réductions d’impôts significatives à


des entreprises en échange d’avances fiscales pour
le financement d’infrastructures

129
socioéconomiques : routes, électricité, système
d’irrigation, parcs industriels, hôpitaux, logements
notamment ; et

• Accorder les franchises douanières sur les biens


d’équipement pour lesquels la justification
s’impose d’elle-même, laissant, pour le reste, une
certaine flexibilité pour permettre une marge de
choix selon les besoins de l’économie et les
exigences de l’intérêt national tout en supprimant
et réprimant le favoritisme et les pots de vin.

e) Enfin, promouvoir l’intérêt national, à l’intérieur sur les


intérêts de groupes, et à l’extérieur pour vendre le pays
comme “ terre d’opportunités (land of opportunities) ”
prête à s’intégrer sérieusement dans un système
mondialisé et à composer avec nos sept milliards de
voisins, sept milliards de partenaires potentiels.

130
4. Un principe d’option préférentielle pour le local de qualité

267 Il est temps d’ajouter une dimension psychologique


à la modernisation de l’économie. L’engagement préférentiel
pour le local de qualité se veut un principe moteur de la
modernisation de l’économie. La mise en valeur ce qui est bon
chez nous devient stratégique : notre riz Sheila, notre banane
franc, notre artisanat notre peinture, nos bières et nos rhums, notre
culture et notre littérature, quitte à les aider à se bonifier le cas
échéant.

5. Un principe de subvention stratégique

268 Dans le même ordre d’idée, il importe de protéger le


marché intérieur de la contrebande de certains produits
notamment alimentaires, mais en modulant lorsque nécessaire sur
une certaine quantité d’importation en attendant de parvenir à
l’autosuffisance. On pourra accorder une subvention stratégique
aux producteurs agricoles conditionnée à un niveau de rendement
et de qualité donné pour baisser les prix et être plus compétitifs.

131
6. Un principe de leaderchip public

269 Le secteur public, outre son rôle de stratège du


développement national, est appelé à être le promoteur des
investissements productifs. Dans un esprit de partenariat, de
complémentarité et non de concurrence avec le secteur privé, il
est le détenteur d’un portefeuille d’entreprises et même le leader
de l’investissement agricole, industriel et touristique.

270 L’ opportunité d’une révolution pacifique bénéfique


pour l’ensemble de la population est encore à saisir. C’est
maintenant le moment ! Mais pour que cela puisse se
concrétiser, il faut des gouvernements et des gouvernants
capables et animés de la volonté de rassembler et mobiliser les
énergies nationales et régionales pour un grand effort de
production de richesse pour Haïti et pour son peuple sans
exclusive.

271 Le secteur public est appelé, dans ce contexte, à montrer


la voie et à créer de la confiance pour mieux attirer des
investissements privés, construire une base pour des partenariats
et pour l’investissement direct étranger.

132
272 D’autre part, nous devons nous tourner aussi vers la
création d’entreprises mixtes. Les choix doivent porter sur la
création de complexes agricoles, industriels et touristiques gérés
par une société mère et la production organisée à travers de petites
unités : des plantations, des ateliers ou des services disséminés au
sein de la société et dans les familles. L’existence d’une large
base entrepreneuriale et d’une grande mobilité sociale sont des
facteurs importants de la stabilité et du progrès
socioéconomiques.

273 L’objectif de création d’entreprises mixtes et


d’entreprises à large participation résulte de la nécessité d’élargir
la classe des entrepreneurs en offrant à chacun l’opportunité de
créer et développer ses propres affaires. Des entreprises dans
lesquelles beaucoup de personnes de catégories sociales
différentes pourront investir ensemble.

274 Parmi les secteurs sociaux ciblés figure la Diaspora


haïtienne. Il sera créé la dynamique d’investissement-relais
visant à faciliter et à encourager les membres de la Diaspora à
épargner en Haïti et à investir dans des projets d’affaires capables
de contribuer à l’augmentation de la production nationale, à la

133
création d’emplois, à l’amélioration du potentiel économique des
régions et finalement à l’élévation du niveau de vie de la
population.

275 Un autre secteur visé est celui des Municipalités


régionales et communales. Jouissant de l’autonomie
administrative et financière, elles sont juridiquement capables
d’investir dans des projets d’affaires seules ou en partenariat avec
des entrepreneurs privés pour créer de la richesse et des emplois,
et renforcer le potentiel économique des communes. Ces
investissements seront encouragés dans l’agriculture et
l’agroalimentaire, le tourisme (hôtellerie, restauration, logement,
village touristique, système de transport moderne, etc.) et
l’industrie.

7. Une stratégie d’investissement triangulaire

276 L’État, tout en assurant ses fonctions stratégiques de


concepteur, facilitateur, régulateur, et celle de producteur
solidaire et de sociétaire dans le cadre des partenariats, facilitera
l’investissement privé en complément des investissements
publics. Ainsi, nous proposons une stratégie à trois axes :

134
a) L’axe d’investissement direct national qui consisterait à
accroitre l’épargne nationale et la transformer en
investissements productifs. Il s’agit d’encourager
l’investissement provenant de l’épargne privé et
d’accumulation du capital privé national de souche
agricole, commerciale et/ou industrielle. Une
réorganisation (réorientation) du système financier haïtien
s’avère nécessaire pour donner aux institutions de crédit
industriel et aux banques privées ordinaires le rôle de
financer la production par des crédits à faible taux
d’intérêt relatif, à plus ou moins long terme, d’octroi facile
et de montant important.

L’État, pour sa part, en faisant fonctionner un Fonds de


garantie et d’investissement, à travers une Banque
(publique ou mixte) de Développement pourvoyeuse de
« capital risque », doit organiser des facilités de crédit et
même adopter le système des « prêts participatifs ».

b) L’axe d’épargne et d’investissement relais qui viserait


à faciliter et encourager la diaspora haïtienne à épargner
en Haïti, à transformer leurs transferts en investissement

135
productifs, et enfin, faciliter des investissements directs
de la Diaspora en Haïti. À ce niveau, le rapatriement des
avoirs accumulés par la Diaspora est un point sensible
mais indispensable, avec toutefois des incitations à
l’investissement.

c) L’axe d’attraction d’investissements directs étrangers


pour augmenter le stock du capital, l’offre d’emplois, et
bénéficier des transferts de technologies qui généralement
les accompagnent. Là aussi, le rapatriement des bénéfices
est un point sensible mais indispensable pour être
internationalement compétitif.

8. Un engagement à la justice sociale

277 S’il importe de créer de la richesse et des emplois,


pour combattre la pauvreté et résorber le chômage, ces objectifs
doivent être poursuivis dans l’engagement à la justice sociale. Il
convient d’assurer un minimum de bien-être à chaque membre de
la société. Cette quête légitime du bonheur collectif peut être
accessible à condition de reconnaitre d’un côté comme de l’autre
la complémentarité qui doit exister entre le facteur « capital » et

136
le facteur « travail ». il convient de généraliser la conception que
les « salariés », les travailleurs, ne doivent pas être considérés
comme un « stock » de main-d’œuvre à côté des matières
premières, et donc, comme une rubrique comptable, mais comme
de véritables partenaires dans le processus de production de sorte
que les fruits du développement doivent se redistribuent avec
équité entre le facteur capital et le facteur travail, entre le patronat
et les salariés.

278 L’agriculture est la plus grande créatrice d’emplois


ruraux tandis que l’industrie est la plus grande pourvoyeuse
d’emplois urbains. Un effort de production dans ces secteurs à
très forte intensité de main-d’œuvre, permettra de résorber le
chômage.

279 Par-dessus tout, l’existence d’organisations de


travailleurs responsables, informés et vigilantes dans la défense
et la promotion des droits des travailleurs, reconnues et acceptées
par le patronat, doit ériger les travailleurs en interlocuteurs
valables pour l’économie durable.

137
9. Un décalogue d’axes de développement économique

280 L’économie durable se veut une représentation


formalisée et épurée d’un système de relations entre individus et
aussi entre régions géographiques. Elle devra combiner :

• Un effort soutenu de production de biens et de


services ;
• Une réallocation équitable des ressources dans
l’engagement à la justice socio spatiale ;
• Un choix judicieux des branches de production
guidé par des intérêts stratégiques nationaux
allumés par des avantages comparatifs
convertissables en avantages compétitifs.

281 Nous identifions dix axes de développement


économique appelés à devenir la trame du réseau des « sentiers
de l’espérance ».

a) L’AXE AGRO-ALIMENTAIRE. Il importe d’intensifier


dans les régions la production agricole et d’utiliser, dans
la mesure du possible, la main-d’œuvre excédentaire
inactive locale dans la transformation. Il convient de
développer une politique industrielle, tout d’abord,

138
complémentaire de celle agricole, pour satisfaire les
besoins premiers des producteurs, pour approvisionner les
centres urbains en premier lieu et pour, en second lieu,
dégager des surplus pour l’exportation. Les véritables
« sentiers de l’espérance » sont en majeure partie celles
des industries tributaires de la croissance agricole à
promouvoir à travers la création de « zones agricoles
stratégiques » et de centres de transformation intégrés
dans les zones même de la production.

b) L’AXE INTRANTS AGRICOLES. Il serait souhaitable


de produire des intrants indispensables aux réussites des
programmes de développement agricole. Il englobe la
production de plantules et de semences à rendement élevé,
mais aussi d’engrais, d’insecticides, de fongicides,
d’herbicides, etc., de fabrication locale et dans la mesure
du possible organiques.

c) L’AXE TEXTILE. Il conviendra de relancer et de


moderniser l’industrie textile en fonction des possibilités
de production de matières premières locales. C’est aussi
une industrie tributaire de la croissance agricole à

139
promouvoir à travers de vastes plantations de coton, de
sisal, etc., et une suite de transformation successives qui,
à chaque étape, ajoute de la valeur au produit initial. Cet
axe, pour une bonne part agro-industrielle (il n’est pas
exclu l’utilisation de fibre synthétique), inclut dans la
chaine de transformation : filatures, tissage, finition,
confection, bonneterie, etc.

d) L’AXE INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE. Le pays


regorge de plantes thérapeutiques qui, jusqu’ici, poussent
toutes seules. « Des plantes qui guérissent », on en parle
seulement pour mettre en avant leur vertu, c’est-à-dire
leur « pouvoir guérisseur », mais leur utilisation se réalise
par le biais du savoir traditionnel des « médecins-
feuilles » et des « grandettes » sans pouvoir en faire une
exploitation économique. Il y a là la nécessité de
récupération par la recherche scientifique du savoir
traditionnel relatif aux vertus des plantes médicinales et la
mise en branle d’une véritable industrie pharmaceutique
locale, une industrie qui peut s’ouvrir sur l’élargissement
et l’accélération de notre capacité de guérir nos malades
et sur les « sentiers de l’espérance ».

140
e) L’AXE AGRO FORESTERIE ET BOIS ÉNERGIE.
Dans le cadre de la « stratégie différentielle », nous
préconisons de consacrer par priorité, les zones de plaines,
de plateaux et de faibles pentes aux cultures vivrières et
agro-industrielles. Les zones de montagnes (coteaux et
mornes), les zones mouvementées formées de collines et
les zones sèches où le problème de l’eau pour l’irrigation
n’a pas de solution évidente, pourront être dédiées à la
production de forêts, de bois service et de bois énergie.
Ces cultures permettront d’associer les travaux de
conservation de sols et de protection des bassins versants.

L’effort doit porter sur une arboriculture centrée sur des


arbres à croissance rapide et qui repoussent facilement et
leur transformation en bois de coffrage, planche, bois
énergie et charbon. L’objectif est de développer une
industrie de « bois service » et de « bois énergie » qui ne
représenterait pas une menace pour l’équilibre
environnemental et modulée sur l’amélioration graduelle
de l’accès de la population à d’autres sources d’énergie et

141
de moyens plus modernes pour la cuisson, l’industrie et la
construction.

f) L’AXE INDUSTRIE MÉCANIQUE. L’essor agricole,


industriel et commercial rime avec l’existence d’un
important parc de matériels et d’équipements dont la
manipulation et la maintenance imposera l’existence
d’une vaste industrie mécanique. Elle englobe les métiers
du fer : forgerie, ferronnerie et la mécanique au sens
large : dressage, ajustage, machine tour, réparation, etc.

g) L’AXE DE L’INDUSTRIE D’ASSEMBLAGE.


L’implantation de l’industrie de la sous-traitance est déjà
chose acquise. Cette industrie englobe l’électronique et
les vêtements, elle pourra être étendue à l’assemblage de
véhicules et autres équipements. On en connait les limites
et la fragilité, mais il faut l’encourager et la maintenir pour
pouvoir bénéficier des emplois et des transferts de
technologies.

142
h) L’AXE DE L’INDUSTRIE DE LA
CONSTRUCTION. Il concerne d’abord les matériaux de
construction : l’argile, les sables, le granit, les blocs, la
céramique, le marbre. Il englobe les métiers du fer et du
bois, les cimenteries, l’électricité, la plomberie,
l’hydraulique. Dans ce domaine, la recherche apparait
comme un impératif pour ouvrir de nouveaux sentiers
pouvant conduire à l’espérance. À cet égard, la direction
à explorer est celle indiquée par « l’adoquin », bloc de
fabrication locale à partir de matériaux locaux, et par la
« brique », les deux évitant l’usage de l’asphalte et
réduisant l’emploi du ciment dans le pavage des routes ou
dans les constructions privées. Dans la même veine, il
serait intéressant d’explorer la possibilité de fabriquer du
béton armé avec des tiges de bambou plutôt que de fer, et
de la cendre provenant de la calcination de la paille de riz
ou de la bagasse au lieu de ciment.

i) L’AXE DE L’INDUSTRIE ARTISANALE ET


ARTISTIQUE. Il englobe la mode et les vêtements
typiques, les chaussures et le travail du cuir, les meubles
et les arts décoratifs, les vanneries et les beaux-arts dont il

143
faut promouvoir et illustrer le caractère national en
application du principe « d’option préférentielle pour le
produit local de qualité ».

j) L’AXE DE L’INDUSTRIE TOURISTIQUE. Nous ne


cesserons jamais de le répéter, les fins dernières de
l’économie haïtienne sont plus que jamais touristiques
comme pivot autour duquel doivent graviter l’agriculture,
l’industrie et le secteur des services. Les atouts sont
connus en termes de position géographique, de climat, de
culture et d’histoire, mais aussi en termes d’hospitalité, de
gentillesse et de spontanéité de la population.

À côté de chaines d’hôtels, de cités touristiques, de cités


de millionnaires, de ports d’escale pour paquebot de
croisière, le développement des stations de séjour
balnéaire, de micros cités de loisirs, d’hôtels relais de
circuits, de résidences touristiques et des compagnies de
transport moderne se révèle d’une importance capitale.

Le circuit du tourisme comme pivot pourra permettre le


développement d’autres industries apparentées mettant en

144
valeur les richesses de notre folklore, notre cuisine, notre
agriculture, notre peinture, notre artisanat, notre musique,
tous les jours à travers un ensemble d’événements
socioculturels : le carnaval national, les festivals du Nord
et de Gellée, la fête de la mer, le carnaval de Jacmel, le
festival « rara » de Léogane, le Congrès charismatique
catholique, les Congrès Vodou, les Conventions
protestantes, les pèlerinages dans les Hauts Lieux, les
champêtres, des tours organisés montrant non seulement
la « route de l’esclavage », mais aussi « celle de la
liberté ». Autant d’événements au cours desquels nous
pourrions raconter, conter notre histoire et montrer avec
beaucoup de fierté notre créativité et notre richesse
culturelle.

10. La régionalisation comme cadre de développement


économique

282 Le développement sera au rendez-vous, nous l’avions


déjà dit, lorsqu’on aura adopté une politique de gestion de
proximité dans laquelle le cadre du développement économique
et social peut ne pas être identique partout. L’option régionale

145
doit conduire à l’établissement de plans de développement et
d’aménagement régionaux consacrant des zones homogènes du
point de vue économique et démo-écologiques. Il s’agit de
préciser mais aussi de respecter les contours de spécialisation et
d’excellence des régions et de planifier leur aménagement en
fonction de choix de développement économique qui tiendraient
compte de leurs potentialités.

283 Un aspect important de la régionalisation doit être le


rééquilibrage entre Port-au-Prince et les villes de province qui
seront promues « métropoles régionales », mais aussi
l’interrelation villes-campagnes et leur complémentarité
indispensables à la rationalisation et à la cohérence du
développement des régions. Les principes directeurs d’une
politique de développement régional peuvent s’énoncer comme
suit :

• L’espace régional est divisé en des « unités


stratégiques apparentées » de développement, et
l’évolution des espaces tant urbains que ruraux est
en relation avec celle du territoire des régions ;

146
• L’efficacité des actions immédiates autant que
celles structurantes à long terme, se mesure à leur
capacité de freiner d’abord le processus de
déstructuration des espaces (délabrement des
villes, désertification des campagnes), d’inverser
les tendances pour enfin assurer leur
développement sur une base harmonieuse et
durable ;

• La détermination de phases et de paliers successifs


dans les activités de développement des régions
est un des éléments fondamentaux d’une
gouvernance crédible à exercer à la lumière d’un
réalisme justifié par des contraintes prévisibles ;

• Les plans et programmes de développement


régional doivent s’appuient sur une base de
données, démographie et statistique, fiables ou
fiabilisées et continuellement mises à jour.

284 L’application de ces principes contribuera, d’une part,


à restituer aux centres urbains les attributs physiques,

147
économiques et sociaux d’une gouvernance efficace, et, d’autre
part, à établir les conditions favorables à un développement
économique et social équilibré et à l’amélioration constante de la
qualité de vie de toutes les couches (urbaines et rurales) de la
population.

285 L’État soutient l’économie durable en vue de l’efficacité


économique, c’est-à-dire la création de richesse non seulement en
termes quantitatif, mais aussi qualitatif dans l’engagement à la
justice sociale et le respect de l’environnement en vue de
cheminer ensemble sur la voie de la prospérité et promouvoir, du
coup, la citoyenneté engagée.

148
3. CITOYENNETÉ ENGAGÉE

286 La citoyenneté engagée est un modèle citoyen qui tire


son fondement premier de l’affirmation selon laquelle les
problèmes sociaux sont de nature collective et doivent faire
l’objet de solutions collectives. Elle est une promesse, une
décision en faveur de l’harmonie dans les rapports sociaux. Elle
part du principe de la dignité de la personne humaine, c’est-à-
dire l’être actif et responsable de son processus de croissance, et
implique par le fait même responsabilité, pluralisme culturel et
participation.

3.1. Responsabilité citoyenne

287 Par le passé, et pendant près de trois siècles, on a été


considérés comme des accessoires de la terre, des véritables
zombis obéissant à toute commande, étant en marge de la colonie
de Saint Domingue. Haïti est la première à inaugurer l’ère de la
décolonisation des peuples de couleur. Si la révolution haïtienne
avait fait tout voler en éclats, la société haïtienne après
l’Indépendance allait rester « segmentée » alors que l’accession à
l’indépendance a été possible grâce à l’union des noirs et des
mulâtres qui ne s’était pas totalement concrétisée. L’ancien

149
régime avait survécu après 1804 tant culturellement que socio
économiquement par le biais du système d’ élitisme de la société
traditionnelle. Celle-ci s’étoffe et se nourrit tout naturellement de
conservatisme postrévolutionnaire réactionnaire.

288 Ainsi, la société traditionnelle haïtienne a été


instaurée en même temps que l’État d’Haïti et a eu son premier
sursaut avec le système économique et social mis en place après
l’Indépendance. Le régime des Pétion-Boyer avait établi
l’hégémonie sociale d’une minorité oligarchique de couleur
calquée sur le modèle social aristocratico-bourgeois français au
début du 19e siècle : minorité instruite, riche et raffinée associée
à la classe des notables aisés, par rapport aux paysans
analphabètes en proie au venin de la pauvreté et enfermés sur
leurs lopins de micropropriétés dans le « pays en dehors ».

289 Société cloisonnée reposant sur un système


ségrégationniste s’inscrivant dans le prolongement de la société
coloniale mais aussi dans le prolongement de la crise de société
qui avait emporté le système coloniale jugé inacceptable contre
lequel le nègre haïtien avait combattu victorieusement.

150
290 Dans ces contextes, les premières tentatives de
gestion du pays ont renforcé la société traditionnelle. Le
Concordat de 1860 entre l’État haïtien et le Vatican représente
le premier effort de modernité d’Haïti dans une démarche
humaniste. Le gouvernement de Geffrard a rendu la diplomatie
haïtienne plus compétente, plus stratégique et plus dynamique,
mieux armée pour défendre les intérêts vitaux de la nation
haïtienne. Il a aussi renforcé le système éducatif haïtien.

291 Autre temps de la tentative d’entrée d’Haïti dans la


modernité à sensibilité humaniste fit l’expérience de relance
économique et financière entamée par le gouvernement de
Salomon vers les années 1879 – 1888. À l’époque, une banque
nationale fut créée ; mais elle fut française par son statut. Des
missions scolaires et militaires avaient été demandées et avaient
été obtenues de la France.

292 Vers la fin du 19e siècle, Haïti allait péricliter. La


société haïtienne est restée bloquée sous son aspect traditionnel à
cause principalement d’un manque de prise en compte de la
culture locale par le système éducatif et d’un essor économique
auto- centré. Mais à partir du début du 20e siècle Haïti allait
basculer de la prépondérance française à l’hégémonie américaine

151
à la faveur de la mise en œuvre de la « Doctrine de Monroe » :
« l’Amérique aux Américains ». Ce mouvement de bascule en
faveur de l’américanisme proposait voire imposait le nouveau
modèle du pragmatisme anglo-saxon, de la technologie, de
l’esprit d’entreprise et d’initiative privée pour et dans une
économie de marché.

293 La mise en œuvre de la doctrine de Monroe s’opérait


au sein d’un vaste mouvement interventionniste américain
emportant notamment Cuba, Porto-Rico, Saint Domingue et aussi
Haïti. La pénétration américaine en Haïti a été facilitée par le
gouvernement d’Antoine Simon qui avait signé des contrats
scandaleux avec des entreprises américaines pour la création de
la Compagnie Nationale de Chemin de Fer, du Wharf de Port-au-
Prince, de la Compagnie de Tramways et d’Électricité et
l’acquisition de 20% du capital de la Banque Nationale de la
République d’Haïti par la National City Bank of New York.

294 L’occupation militaire américaine de 1915 allait être


un autre temps fort de la croisade pour moderniser Haïti. La
Commission Forbes avait rapporté ce qui suit :

152
295 « Le but de l’occupation américaine avait été d’élargir
la base du prolétariat articulé et contribuer ainsi à une plus solide
démocratie et finalement pourvoir à un gouvernement plus
représentatif en Haïti. D’où son travail en Éducation, en Hygiène,
en moyen de communications tels que routes, téléphones, lignes
télégraphiques et services postaux réguliers.

296 « Ces choses naturellement sont considérées comme


d’importance secondaire par l’élite qui voit dans l’élévation d’une
classe moyenne une menace à la continuation de son propre
privilège de direction. » (La Commission Forbes)

297 L’occupation américaine allait être confrontée à un


vaste mouvement de résistance populaire surtout paysanne
entrainant la répression sauvage des secteurs sociaux et politiques
engagés dans le mouvement nationaliste en faveur d’un
changement structurel en Haïti. Peu importe les déclarations de
bonne volonté et les moyens mis en œuvre par les américains, ils
auraient échoué.

298 Cet échec s’expliquerait par le fait que toute


occupation ne peut aboutir qu’à briser l’âme du peuple occupé et
le réduire à la dépendance, à l’indignité. Or, le peuple haïtien dès

153
le tout début (1er janvier 1804) se réclamait « indigène », c’est-à-
dire libre et souverain, « digne », ce qui veut dire actif et
responsable de son processus de croissance. Il lui était très
difficile d’accepter l’occupation perçue comme une gifle.

299 Un autre facteur (non négligeable) de l’échec de


l’occupation est le racisme américain à l’endroit d’Haïti et des
Haïtiens. Pour la production sucrière, par exemple, des
investissements américains importants avaient été effectués à
Cuba et en République Dominicaine mais il a été prévu dans la
répartition des tâches et des rôles, qu’Haïti fournît la main-
d’œuvre.

300 Après plus de cinq siècles d’esclavage (physique et


mental) , d’essais, de tâtonnements et d’hésitations dans la gestion
de la Chose Publique, l’heure du réveil citoyen et de la prise en
main de notre destin de peuple est enfin venue, comme l’a si bien
souhaité l’Évêque d’Anse-à-Veau / Miragoâne, Son Excellence
Mgr Pierre-André Dumas, dans une note publique sur la crise
actuelle, depuis son siège à l’Anse-à-Veau, ayant indiqué que « le
peuple haïtien interpelle aujourd’hui de façon dramatique ses
leaders » et l’Église tressaille devant ce cri d’angoisse et appelle
chacun à répondre avec amour à l’appel de son frère…

154
301 Pendant plus de deux cents ans ponctués de crises
politiques et sociales et de rendez-vous manqués , la société
haïtienne traditionnelle n’a plus de société que les apparences :
donc une société totalement dépassée. Elle dépérit, décompose
avec les affres de la pauvreté extrême de la majorité de sa
population, l’archaïsme des moyens de production,
l’analphabétisme des masses populaires… Haïti est restée
fondamentalement « une société traditionnelle en mal
d’enfantement de sa société moderne » comme l’avait si bien
souligné feu le professeur Leslie MANIGAT.

302 Aujourd’hui , nous sommes tout à fait conscients que


l’être haïtien est un sujet actif et responsable de son processus de
croissance, avec la communauté dont il fait partie ; Il est un être
doué d’intelligence et de volonté libre. Il est un sujet de droits et
de devoirs. Il est permis à chaque haïtien de réaliser sa vocation
personnelle en vue de son développement ; Il lui est permis de
chercher la vérité et de professer ses idées religieuses, culturelles
et politiques ; d'exprimer ses opinions ; de décider de son état de
vie et, dans la mesure du possible, de son travail ; de prendre des
initiatives à caractère économique, social et politique. L’haïtien
doit aussi accomplir ses devoirs. Tout ceci advient au sein d'un «

155
contexte juridique ferme », dans les limites du bien commun et de
l'ordre public et, en tous les cas, à l'enseigne de la responsabilité
; Et c’est normal. Donc, l’Haïti humaniste et moderne sera née
dans une profonde douleur mais fera la joie de ceux qui l’auront
accueillie.

156
3.2. Gestion du pluralisme culturel

303 « Haïti est un pays en détresse certes, mais aussi en


attente » comme le répétait souvent l’Ex-Président Leslie
François MANIGAT. Et il n’y aura œuvre qui vaille que celle qui
pourra la transformer en un espace vert où la vie pourra sourire à
tous sans exclusion.

304 Pour y parvenir, un renouveau dans la manière dont


nous nous voyons nous-mêmes, dans nos rapports avec nos
concitoyens et nos semblables, avec notre environnement
physique, dans notre vision et notre philosophie du monde, est de
toute importance.

305 Ce renouveau passe par une trajectoire collective


d’hier qui fut la genèse tracée par nos ancêtres mais aussi
d’aujourd’hui qui est un aboutissement où nous retrouvons le
souffle de nos ancêtres. Nous nous enrichissons de leurs
expériences, nous nous ressourçons pour mieux répondre à nos
besoins et aspirations, et surtout de demain qui va déployer notre
idéal où les générations futures pourront répondre aussi aux
leurs.

157
306 On entend donc construire une identité nationale
comme fondement de notre appartenance à la Nation Haïtienne
pour que nos racines puisent la sève vivifiante qui fera grandir
l’arbre du « vouloir vivre ensemble ».

307 Haïti juxtapose principalement deux civilisations :


une civilisation occidentale et une civilisation africaine.
Conséquemment y coexistent deux sociétés. On est davantage
latin et occidental au niveau des élites et des classes moyennes
instruites, et davantage africain dans les masses populaires et
paysannes pauvres et analphabètes.

308 Cette double appartenance conduit à un « tissu social


fragilisé » provoquant malheureusement : haine sociale,
frustrations, rejet, préjugés, discriminations, peur sociale,
abandon, humiliations, injustices, inégalités… Ce dilemme
débouche finalement sur une crise identitaire chez le peuple
haïtien qui rend difficile l’assimilation de l’humanisme intégral
et solidaire ouvert sur la modernité.

309 Les deux sociétés haïtiennes se sont construites en


même temps dans le prolongement de la société coloniale et ont
eu leur premier sursaut après l’indépendance avec le système

158
économique et social mis en place au cours de la période
fondatrice avec des sens, des non-sens et des antagonismes, d’un
côté l’anti-esclavagisme et de l’autre côté le néo-colonialisme.

310 Après l’assassinat de Dessalines, le Père de la Patrie,


on vient de voir dans le point précédent que le régime des Pétion-
Boyer avait établi en toute « clarté » l’hégémonie sociale d’une
minorité oligarchique délibérément néo-colonialiste relative à
une société aristocratique et bourgeoise comme modèle social. Le
« Code Rural » de Jean Pierre BOYER, copie fidèle du « Code
Noir » napoléonien, trace la ligne de partage des eaux entre la
société oligarchique avec des valeurs de l’Occident,
manifestement ploutocratique néo-colonialiste, d’un côté, et la
société des « exclus » anti-esclavagiste, de l’autre côté, avec des
valeurs africaines, formée de paysans pauvres analphabètes
refoulés, selon la formule consacrée, dans le « pays en dehors ».

311 Aujourd’hui il faut se rendre à l’évidence que si


l’haïtianité fut née d’une alliance des noirs et des mulâtres,
l’union qui en est résultée n’est pas allée vers l’enrichissement
culturel parce que la virulence de l’ethno-nationalisme haïtien l’a
empêché. L’haïtianité, mal à l’aise entre deux chaises, détient un
cachet dichotomique.

159
312 Aussi, « la crise haïtienne contemporaine » est-elle
une crise « structurelle » qu’on pourrait définir comme la
confrontation entre deux civilisations, deux sociétés qui se
juxtaposent et qui sont restées « cloisonnées », « segmentées »,
incapables d’assembler ce qui est épars dans une perspective
d’enrichissement culturel. Pour être plus précis, nous sommes à
un carrefour où la société oligarchique occidentale dépérit sans
pouvoir s’en aller ni être dépassée où la société paysanne et
populaire frappe à la porte sans pouvoir décisivement s’affirmer.

313 Il faudra, pour assurer son humanisme et son entrée


en modernité, que le peuple haïtien dépasse cette
« confrontation » qui a sa source dans le dilemme de la double
appartenance culturelle et qui devient source d’ambiguïté et de
contradiction.

314 Ainsi, il faudrait une nouvelle « haïtianité » : la


formation d’une « civilisation haïtienne propre » qui pourrait
être issue d’une prédisposition à la con-pénétration entre
l’occidentalité et l’africanité haïtiennes et qui engendrait le
nouvel « homme haïtien » avec une mentalité de production et un
esprit ouvert et pratique. Il faudrait « changer le paradigme » en
s’accommodant à un mariage entre l’africanisme dans ce qu’il a

160
de positif comme le respect à l’environnement, le respect des
droits humains dans l’ordre pratique et l’occidentalisme dans ce
qu’il a de progressiste comme la créativité et la coopération.
L’ouverture sur les autres cultures complétera et enrichira la
nôtre, et assurera l’égalité des opportunités de façon rationnelle
et réaliste c’est-à-dire en prenant en compte les considérations
notamment de politique de service, d’économie durable, de
citoyenneté engagée et de famille solidaire.

315 Que l’on veuille bien mettre fin à la corruption en


faveur de l’honnêteté, à l’ignorance de l’art politique en faveur
de la compétence dans la gestion de la chose publique, à
l’irresponsabilité et à l’incivisme des gouvernants et des
gouvernés en faveur du sens du bien commun. L’haïtianité
humaniste pourrait y contribuer en y mettant une dose de
modernité capable de faire valoir et prévaloir des grandes
valeurs sociales d’inspiration universaliste, autrement dit une
haïtianité dépouillée de son cachet égocentrique pour s’ouvrir,
de par sa vraie vocation pluraliste et intégrationniste, à
l’universel.

316 Chaque citoyen, chaque leader, chaque groupe,


chaque secteur a son mot à dire. Il peut avoir ses propres idées,

161
son propre agenda, et c’est normal. Oui, chacun a sa contribution
à apporter, et tous, nous marcherons dans une seule et même
direction en vue du développement national.

162
3.3. Participation citoyenne active

317 Pour triompher véritablement des embûches du destin


et parvenir au bonheur collectif, le peuple haïtien a besoin de
s’identifier, se reconnaître et communier dans des créations
communes qui permettront de retrouver un « génie » collectif
national.

318 Les citoyens engagés s’organisent et cherchent à leurs


manières, c’est-à-dire par une intervention planifiée de
changement social dans les communautés, à s’attaquer aux
inégalités, à la concentration de pouvoirs et aux pratiques sociales
discriminatoires.

319 Partant du principe que le gage de vitalité d’une


collectivité repose sur son degré d’organisation, sa capacité à
générer des institutions qui lui sont propres, à prendre des
décisions, produire de nouvelles idées, entreprendre des actions
autour d’enjeux de développement local, les
organisations/associations/fondations doivent :

c) agir dans et avec les communautés suivant une approche


« à la base» et chercher à établir des partenariats privés
ou mixtes pour une plus grande synergie dans l’action ;

163
d) procéder à l’identification des besoins et problèmes des
communautés dans une démarche interactive et miser sur
leurs potentialités et leurs forces, sur les talents et les
habiletés des citoyens et des leaders notamment des
jeunes plutôt que sur l’assistanat en vue de susciter leurs
développements avec, par et pour elles-mêmes ;

320 Ainsi, le souci d’engagement d’un processus de


changement social planifié doit amener ces
organisations/associations/fondations à adopter une
méthodologie en quatre étapes synchronisées sur un cercle dont
la logique inhérente est la suivante : « Voir- Analyser- Agir-
Evaluer ». Et, on recommence. On retiendra en complément qu’il
faut miser sur un certain nombre de facteurs qui faciliteront ce
modèle de collaboration, de solidarité citoyennes qui confirmerait
bien que « l’union fait la force » pour réussir les interventions.

321 Il est retenu ici (7) sept facteurs pouvant en favoriser


l’efficacité :

164
1. La gravité des problèmes et le
momentum de changement économique
et social.

Le peuple haïtien est en détresse, mais aussi


en attente. En attente de quelque chose
pouvant lui apporter « l’espérance ». La
société haïtienne est en crise, certes. Mais le
terme « crise » intègre à la fois « problèmes
et opportunités ». Ce qu’il faut, c’est
d’identifier les opportunités et de les placer
sur un plateau d’espérance et de prospérité.

2. Des bougies d’allumage.

L’individualisme sera le premier obstacle au


succès des actions et des solutions proposées. Il
faut un groupe de leaders et des orateurs pour
susciter la prise de conscience nécessaire et
favoriser l’organisation, la mobilisation et la
gestion des activités et des solutions décidées.

165
3. Des véhicules d’actions collectives.

Les problèmes communautaires et sociaux sont


de nature collective et doivent faire l’objet de
solutions et d’actions collectives. Il faut une
masse critique, vectrice de changement,
associée à une portion significative de la
population, de jeunes notamment pour soutenir
les actions et les solutions décidées.

4. Une carte routière.

Des objectifs précis assortis de moyens et


d’échéances réalistes même quand audacieuses
seront nécessaires (plan d’actions).

5. L’utilisation couplée de ressorts internes et


externes.

Il faut mettre à profit la créativité, l’esprit


d’initiative, l’audace de leaders influents des

166
communautés de même que leurs sentiments
d’appartenance à ceux-ci, et en même temps
tabler sur des programmes, services et
ressources d’institutions publiques et privées, et
de bailleurs de fonds.

6. L’information des communautés.

Il importe de développer des mécanismes de


motivation et de conscientisation des personnes
et organisations cibles.

7. La formation continue de leaders et


d’organisations intermédiaires.

Il convient de créer un pôle de compétences


pluridisciplinaires pour la pleine réussite des
grands projets de développement.

167
322 La citoyenneté engagée ne se résume pas à une affaire
de droits et devoirs, mais doit être perçue comme un ensemble de
relations (réseautage) axé sur des grandes valeurs sociales
(critères de jugement, convictions) dont découlent des grands
principes qui président à l’édification d’une société humaniste et
moderne (principes de réflexions, points de référence) suivis d’un
ensemble de pratiques permettant à chaque citoyen engagé de
participer activement au développement des communautés
(directives d’actions, actions concrètes).

323 Devenus créatifs, bon stratèges et actifs, les citoyens


engagés créent une société civile libre, forte et dynamique
emportant un souci d’utilité, d’efficience et d’efficacité sociales
et donc, capable d’harmoniser les rapports sociaux notamment
par :

a) La protection des droits et devoirs des citoyens ;


b) Le Contrôle de l’État ;
c) La conscientisation à la participation ;
d) L’allègement de l’État ;
e) L’incitation à l’établissement des liens ;
f) La promotion de la politique de service, l’économie
durable, l’engagement citoyen et la famille solidaire ; et

168
g) La gestion des conflits sociaux.

324 L’heure est venue de nous unir « Nou tout fè youn »,


vivre ensemble, travailler ensemble en vue de promouvoir
l’éducation conviviale, la santé pour tous, l’entrepreneuriat, la
recherche scientifique, les techniques, l’innovation, la créativité
artistique, les sports, les loisirs sains, l’environnement sain,
l’habitat écologique, les œuvres philantropiques et
l’encadrement des catégories sociales spécifiques notamment les
jeunes, les femmes et les paysans pour une marche vers une
civilisation de lumières basée entres autres sur l’excellence, la
coopération, la responsabilité citoyenne, la gestion du pluralisme
culturel, la participation, le progrès humain et la convivialité.

325 Notre société civile a besoin de relever le défi des


débats en son sein, avec la communauté politique, la vie
économique, les familles et la communauté internationale pour
créer des mécanismes pouvant favoriser l’addition des
potentialités, des forces, des talents et des habiletés dans une
démarche d’engagement citoyen en vue de réaliser et promouvoir
un ensemble de projets de développement capables de projeter les
communautés vers des horizons nouveaux et prometteurs ; Le
cadre légal y relatif doit être renforcé

169
4. Famille solidaire

326 Première société naturelle, titulaire de droits


propres et originels, la famille est par le fait même la base de
la vie sociale. Fondée sur le mariage entre un homme et une
femme, elle représente le « lieu premier d’humanisation ».

327 En naissant de l'amour et en grandissant dans


l'amour, la solidarité appartient à la famille comme donnée
constitutive et structurelle. Cette solidarité peut prendre le
visage du service et de l'attention à l'égard de ceux qui vivent
dans la pauvreté et dans l'indigence, des orphelins, des
handicapés, des malades, des personnes âgées, de ceux qui
sont en deuil, dans le doute, dans la solitude ou dans
l'abandon; une solidarité qui s'ouvre à l'accueil, à la garde
ou à l'adoption, qui sait se faire l'interprète de toute situation
de malaise auprès des institutions, afin qu'elles interviennent
selon leurs finalités spécifiques.17

17
WWW.Cairn.info /Doctrine sociale chrétienne

170
328 Ce modèle de famille solidaire qui est ordonné au
bonheur collectif pourrait promouvoir dans le contexte actuel
:

❖ l’engagement familial
❖ l’encadrement des familles monoparentales
❖ la conscientisation des familles sur
l’enregistrement des naissances de leurs
nouveaux-nés sans exclusion.

4.1. Engagement familial

329 Loin d'être seulement objet de l'action politique,


les familles peuvent et doivent devenir sujet de cette
activité, en œuvrant pour « faire en sorte que les lois et les
institutions de l'État non seulement s'abstiennent de blesser
les droits et les devoirs de la famille, mais encore les
soutiennent et les protègent positivement. Il faut à cet égard
que les familles aient une conscience toujours plus vive d'être
les “protagonistes” de ce qu'on appelle “la politique
familiale” et qu'elles assument la responsabilité de

171
transformer la société ». À cette fin, l' engagement familial
devient primordial : « Les familles ont le droit de créer des
associations avec d'autres familles et institutions, afin de
remplir le rôle propre de la famille de façon appropriée et
efficiente dans le but de protéger les droits, promouvoir le
bien et représenter les intérêts de la famille.

330 Au plan économique, social, juridique et culturel,


le rôle légitime des familles et des associations familiales doit
être reconnu dans l'élaboration et le développement des
programmes qui ont une répercussion sur la vie familiale ».18

4.2. Encadrement des familles monoparentales

331 En Haïti, 60 % environ des familles sont


« monoparentales » et 54 % d’entre elles sont pauvres
(MCFDF). Il s’agit d’un phénomène à évolution croissante
qui résulte de la dislocation familiale (abandon, divorce,
prostitution et délinquance).

18
WWW.Cairn.info /Doctrine sociale chrétienne

172
332 L’éducation d’un enfant est une affaire de haute
importance. Aussi, faut-il tout un village pour éduquer un
enfant (Proverbe africain). Plus précisément, se manman ak
papa ki leve pitit, dit-on. D’où, en tant que lieu premier des
relations interpersonnelles, la famille constitue le fondement
de la vie des personnes, comme prototype de tout ordre
social. C'est dans la famille que sont inculquées, dès les
premières années de vie, les valeurs morales, que se
transmettent le patrimoine spirituel de la communauté
religieuse et le patrimoine culturel de la nation. C'est en elle
que l'on fait l'apprentissage des responsabilités sociales et de
la solidarité.19

333 En effet, les femmes sont, en majeure partie,


seules à élever les enfants. Ainsi, à cause de l’absence de la
figure paternelle ou d’un proche parent, les jeunes issus des
familles monoparentales matrifocales sont plus livrés à eux-
mêmes, et par le fait même, plus enclins à la domesticité et la
délinquance juvénile, phénomènes très répandus en Haïti.

19
WWW.Cairn.info /Doctrine sociale chrétienne

173
Etienne Vintze semble avoir raison en précisant que « si la
famille joue pleinement son rôle, l’enfant acquiert plus
facilement et plus sûrement un mode de comportement
socialement acceptable ; sa socialisation semble assurée.
L’echec de la famille dans cette tâche aboutit presque
certainement à la délinquance juvénile. »

334 La famille, communauté naturelle au sein de


laquelle s'expérimente la socialité humaine, contribue d'une
manière unique et irremplaçable au bien de la société. Une
société à la mesure de la famille est la meilleure garantie
contre toute dérive de type individualiste ou collectiviste, car
en elle la personne est toujours au centre de l'attention en tant
que fin et jamais comme moyen. Il est tout à fait évident que
le bien des personnes et le bon fonctionnement de la société
sont étroitement liés « à la prospérité de la communauté
conjugale et familiale ». Par conséquent, sans familles fortes
dans la communion et stables dans l'engagement, les peuples
s'affaiblissent20.

20
WWW.Cairn.info /Doctrine sociale chrétienne

174
335 La protection sociale de la famille et surtout des
familles monoparentales devient une obligation voire une
urgence. Il s’avère nécessaire d’encadrer les familles,
surtout celles monoparentales. L’État devrait, en ce sens,
créer des emplois, attribuer des allocations spécifiques, offrir
des services d’appui psychologiques surtout aux familles
monoparentales.

175
4.3. Conscientisation des familles sur l’enregistrement des
naissances de leurs nouveaux-nés sans exclusion

336 L’acte de naissance constitue la preuve de l’existence

d’une personne et est considéré comme l’élément incontournable

de toute vie sociale ; on ne saurait reconnaitre une personne en

dehors de son acte de naissance.21 Dans cette optique, l’acte de

naissance revêt une importance capitale dans la mesure où il sert

de base aux autres actes de l’Etat civil et à plusieurs autres

documents d’identification.

337 La déclaration de naissance est donc

fondamentalement une obligation civile et constitue la première

étape que doit franchir tout être humain pour être reconnu en tant

que personne, l’être humain comme sujet de droit.22 L’acte de

21
JULIEN, René, Droit civil et procédure expliqués aux citoyens, Port-
au-Prince, Haïti, Imprimerie Media-Texte, 2014, p93
22
JULIEN, René, ibid., p94

176
naissance qui en découle sert de preuve au lien existant entre

l’enfant et l’Etat dont il se réclame et qui lui reconnait des droits

et lui impose des devoirs.23 A ce titre, l’Etat haïtien garantit un

ensemble de droits et libertés fondamentaux aux personnes et leur

obligent un ensemble de devoirs. Ainsi, l’acte de naissance

constitue non seulement la preuve officielle de la naissance d’un

enfant, mais il permet aussi de déterminer la filiation d’une

personne, son âge, le lieu de sa naissance, sa nationalité.24

338 Paradoxalement, le non enregistrement des

naissances des enfants est l’un des principaux problèmes d’Haïti.

Selon l’IHSI, il y a un 1, 500, 000 d’ haïtiens qui sont

actuellement dépourvus de leur acte de naissance.25 Plus de 300,

000 enfants naissent chaque année en Haïti ; 20 % des enfants de

23
JULIEN, René, ibidem, p95
24
JULIEN, René, op.cit., p82
25
www.alterpresse.org

177
moins de cinq (5) ans ne sont pas déclarés à la naissance selon

l’Unicef.26

339 L’ une des principales causes de ce problème est la

négligence dont la grande majorité des familles haïtiennes a fait

montre, par rapport à la déclaration de naissance de leurs enfants,

à l’Office de l’Etat civil. Ce phénomène trouve son explication

dans la méconnaissance de l’importance de l’acte de naissance.

340 L’inexistence de centre de santé où la fréquentation

de l’enfant en quête des soins médicaux pourrait exiger une

connaissance de son âge avant de lui administrer une quelconque

médication, l’insuffisance significative de centres préscolaires à

travers la République où les parents pourraient faire face à

l’obligation de produire l’acte de naissance de leurs enfants avant

leur admission auxdits centres, sont autant de facteurs ayant

26
www.alterpresse.org

178
suscité la négligence des haïtiens défavorisés d’accomplir un tel

acte qui pour eux n’a aucune utilité sociale. Et le coût que

représente le fait de déclarer une naissance, lequel argent que les

familles monoparentales ou biparentales n’ont pas, et

l’éloignement du bureau par rapport aux gens vivant en milieu

rural sont également considérés comme des éléments

démobilisant ces gens-là en ce qui concerne la déclaration de

naissance de leurs progénitures.

341 En effet, la Direction de l’Etat civil pourrait mener,

surtout dans les sections communales, une vaste campagne de

sensibilisation sur l’enregistrement de naissance de tous les

nouveau-nés haïtiens. À la faveur de certaines manifestations

d’envergures nationale et internationales comme les journées de

l’enfant, de la femme et autres, les autorités administratives et

politiques au plus haut niveau pourraient disposer d’une tribune

179
appropriée pour faire la promotion de l’Etat civil et encourager

les populations à fréquenter les services de l’Etat civil.

342 Les leaders communautaires peuvent contribuer à

promouvoir des initiatives de conscientisation sur

l’enregistrement des actes de naissances à tous les niveaux.

343 Les leaders religieux peuvent sensibiliser leurs

congrégations et leurs adeptes à adopter des attitudes à la

déclaration des naissances à tous les niveaux en incluant ces

thèmes dans leurs prédications. Ces acteurs, traditionnellement à

forte audience auprès des populations, peuvent susciter un impact

positif s’ils sont engagés dans le processus de conscientisation.

344 Les médias, sous toutes leurs formes jouent un rôle

irremplaçable dans la conscientisation du grand public. Ils

peuvent participer activement à la promotion de l’Etat civil.

345 En tous cas, l’effort pour imposer le respect des droits

humains doit obligatoirement passer par l’organisation

180
rationnelle de l’Etat civil. Il ne peut exister une administration

politique viable en Haïti tant qu’on ne se hasarde pas de se

colleter vaillamment avec ce problème crucial.

346 Pour juger du niveau d’organisation d’un Etat, on est

obligé de se référer à l’Etat civil de ses concitoyens. Pour

bénéficier les bienfaits d’un Etat de droit, l’acte de naissance est

une référence incontournable. Et un Etat dans lequel l’Etat civil

n’est pas organisé cherchera en vain à fonctionner dans l’Etat de

Droit.

181
Mémoire du jubilé des 300 ans de fondation de l’Anse à-Veau

cas pratique d’engagement citoyen

347 Fondée en 1721, Anse-à-Veau


d’antan fut prospère et magnifique. Elle
était la commune administrative par
excellence dans la colonie de Saint-
Domingue27. De même, il est rapporté qu’à l’instar de la ville
d’Aquin, le port de la ville de l’Anse-à-Veau accueillait des
bateaux qui transportaient du coton, de la figue banane, du sisal,
du bois de campêche et d’autres bois précieux. Jusqu’au début de
la seconde moitié du XXe siècles, Anse-à-Veau était très
florissante. Mais frappée coup sur coup par des cataclysmes
naturels (tremblements de terre, cyclones, tornade…) et des
troubles politiques, la population ansavelaise faisait face aux
difficultés de tous ordres et la communauté périclitait…

348 En effet, l’année 2021 a ramené le jubilé des 300 ans


de l’Anse-à-Veau. Une dynamique globale s’est développée entre
les forces vitales de la communauté pour la commémoration de

27
Archives de la Martinique et de la Guadeloupe

182
son 300e anniversaire et son développement économique et
social.

349 Malgré les turbulences politiques, la pandémie


« COVID 19 » et les cataclysmes naturels qui ont créé - et
continuent de créer- une panique généralisée durant la période, la
communauté a réalisé une commémoration sobre, substantielle,
digne, inclusive et mémorable et en a profité, du coup, pour jeter
les bases du développement humain intégral et solidaire.

350 Chaque citoyen, chaque leader, chaque groupe,


chaque secteur a conçu son propre agenda et a œuvré pour sa
réalisation. Chacun, à sa manière, a apporté sa contribution et tous
les fils, filles et amis.es de l’Anse-à-Veau ont marché dans une
seule et même direction en vue de cette commémoration et de la
mise en branle de la planification locale.

351 À juste titre, la communauté ansavelaise a saisi le


« momentum » pour honorer la mémoire de ses ancêtres, héros
et héroïnes, mais encore a réussi à se situer sur la trajectoire de
développement humain intégral et solidaire.

352 Plus précisément, un éventail d’activités


religieuses, intellectuelles, socioculturelles et sportives par

183
lesquelles s’est exprimé le goût de vivre des Ansavelais.ses a été
réalisé. Et, un ensemble de projets de développement, basés sur
leurs besoins réels et aspirations profondes ont été concrétisés et
promus et ont amélioré leur cadre de vie. À titre d’exemples, on
peut citer notamment :

✓ L’Eglise catholique de l’Anse-à-Veau, dédiée à Sainte


Anne, a été élevée au rang de Cathédrale ;

✓ Les rues sont bétonnées ;

✓ sur la Grande Rivière de Nippes qui constituait un


bouchon sur la route du voyageur, un pont est jeté. Il en
va de même pour la Rivière-Froide ;

✓ La route départementale Miragoâne-Barradères est en


construction : Le tronçon Miragoâne-Petite-Rivière de
Nippes est achevé ;

✓ Une Unité Diocésaine d’Enseignement, de Recherches et


de Services (UDERS d’Anse-à-Veau / Miragoâne –

184
Université Notre Dame d’Haïti (UNDH)) a vu le jour dans
la ville et rayonne dans les communes avoisinantes ;

✓ Des écoles de qualité ;

✓ Une Ecole d’Arts Martiaux et d’Informatique a pris


naissance dans la ville (HSF) ;

✓ Des mouvements intéressants se font remarquer dans les


constructions (logements) ;

✓ Construction de la place de la Cathédrale Sainte Anne


(AAVP) ;

✓ Des restaurants et hôtels de bonne facture ont vu le jour à


l’Anse-à-Veau ;

✓ Une succursale de la Banque Nationale de Crédit y est


installée ;

✓ Reconstruction du Mausolée d’Etienne E. Gerrin (AAVP)


;

185
✓ Des activités socioculturelles suscitant un renouveau
culturel dans la commune ( JAC-21, Sky Bar Restaurant,
AJAD) ;

✓ Publication en dur et sur internet de l’Agenda21, conçu


comme guide qui invite à l’action concertée et planifiée
en vue du bonheur collectif (JAC-21) ;

✓ Conscientisation sur la planification locale (JAC-21) ;

✓ Formation des jeunes sur le développement


communautaire et le tourisme (CORA-
RENESANSAVO) ;

✓ Kanpay lanmou Ansavo par les jeunes autour du thème :


“ Ansavo cheri, ou sou kèm “ (JAC-21) ;

✓ Publication des essais historiques et prospectifs sur Anse-


à-Veau, les Nippes et le reste du pays sur internet
(Professeur Kenel Regis) ;

186
✓ Organisation de congrès charismatique et d’autres
mouvements religieux à l’Anse-à-Veau et rayonnant dans
tout le Diocèse d’Anse-à-Veau/Miragoâne sous le
leaderchip des prêtres charismatiques ( Rév. P. Louis
Merosne, Rév. P. Hervé Granjean…) ;

✓ Réhabilitation du systême d’approvisionnement en eau


potable (DINEPA) ; et

✓ Réhabilitation du Lycée National Boisrond Tonnerre (État


haïtien en partenariat à ROTARY CLUB)

353 En clair, un vent nouveau souffle dans la communauté


ansavelaise et dans un élan de communion citoyenne, les
Ansavelais (ses) ont conjugué leurs efforts aux réussites des
actions prévues en vue du Renouveau ansavelais. Les jeunes, les
femmes, les acteurs de la société civile, les ansavelais.ses de la
Diaspora, les leaders religieux y ont joué un rôle prépondérant en
s’y étant engagés bénévolement et gracieusement tout ayant
travaillé avec zèle pour accomplir ce devoir civique.

187
354 C’est une première phase, une phase de mobilisation,
de préparation, bref, une phase pilote au cours de laquelle le pari
de participation citoyenne responsable a été gagné. Il est
essentiel maintenant de procéder, après évaluation exhaustive de
la première phase, au renforcement de la dynamique citoyenne
enclenchée en vue de se mettre d’accord sur un projet collectif de
communauté, comme l’a si bien souligné le Révérend Père Louis
Merosne, l’ansavelais dans l’âme, lors d’une intervention à ce
sujet.

355 En fait, la commune de l’Anse-à-Veau a une double


vocation agricole et écotouristique. Il existe une main-d’œuvre
agricole qualifiée et suffisante, un bassin d’agriculteurs motivés
et des sols aptes à divers types de culture : Les marécages
d’Orouck, la plaine de Baconnois, les vallées de Sault du Baril et
de Ladumette, etc. On y retrouve les plus importants témoignages
historiques du département des Nippes. Les principaux sites
touristiques existant dans la commune sont :

✓ La Cathédrale Sainte Anne


✓ Les ruines de maison de Sudre Dartiguenave
✓ Le vestige de la résidence de Fabre N. Geffrard

188
✓ Le buste de Geffrard
✓ Le Mausolée d’Etienne E. Gerrin
✓ La grotte Jean J. Acaau
✓ Le fort Sainte Anne
✓ Le fort Saint Laurent
✓ Plages ( Centre-Ville et Sections Communales)
✓ Les chutes de Sault-du-Baril
✓ Les fontaines publiques
✓ Les places publiques

356 La communauté ansavelaise devrait profiter des


potentiels de son territoire pour un développement humain
intégral et solidaire.

Prospection

357 On a donc besoin de continuer à se retrousser les


manches pour entamer la deuxième phase, la phase intensive, en
vue de planifier l’aménagement du territoire communal, en
améliorant les infrastructures de base tout en dynamisant les
conditions d’entrepreneuriat.

189
358 Pour y parvenir, on a besoin de renforcer nos
institutions et organisations afin qu’elles aient davantage de
ressources pour une meilleure gestion de la commune dans la
transparence et la participation.

359 Que l’on intègre le schéma de l’aménagement dans


une démarche globale à l’échelle régionale. Cela permettra ainsi
d’optimiser le développement de la commune, de réduire les
déséquilibres et d’éviter une situation anarchique nous éloignant
du développement vrai.

360 Il faudrait toujours mesurer l’impact de nos actions


sur l’environnement, notamment : sur nos arbres, rivières et
sources, sols, plages, poissons et ressources maritimes…Pour
mieux contrôler l’impact de ces activités, un travail de
règlementation doit être réalisé.

361 Cette phase intensive pourrait comprendre les grands


projets suivants :

❖ Aménagement du territoire communal ;


❖ Amélioration de l’accès à l’eau potable ;

190
❖ Amélioration du réseau routier
❖ Amélioration de l’accès à l’électricité ;
❖ Assainissement de la Ville ;
❖ Protection de l’environnement ;
❖ Mise en place d’un système de prévention des
risques et désastres ;
❖ Appui à l’entrepreneuriat

362 Que l’on continue à travailler ensemble, à cheminer


ensemble, au coude à coude, avec l’esprit endurant, une mentalité
conquérante et une méthode éprouvée en faveur du progrès
humain. La jeunesse ansavelaise en action doit continuer d’oser
comme l’ont toujours encouragé le professeur Kenel REGIS et
feu le professeur Marius NIVOSE .

363 Cet élan d’engagement citoyen continuera à impacter


le département des Nippes et le reste du pays. Telle est la vocation
de cette grande communauté ansavelaise.

364 Aussi, au tout début de l’avant-propos de ce


manifeste, avons-nous précisé qu’un tel ouvrage est le fruit d’un

191
déclic, d’une prise de conscience de la population ansavelaise,
en particulier les jeunes, sur le développement local dans le
contexte de la commémoration du 300e anniversaire de fondation
de l’Anse-à-Veau.

365 Enfin, cette prise de conscience collective représente


un bon pas vers une décentralisation réelle et effective dans le
cadre d’un développement national vrai qui tient compte des
considérations de justice socio-spatiale et de fraternité
universelle.

192
Conclusion

366 À la lumière de toutes ces considérations, nous


voulons passer, d’une société traditionnelle en dépérissement, à
une société humaniste ouverte sur la modernité et le progrès.
Nous sommes tous appelés à travailler pour y arriver. Un travail
sans relâche qui requiert d’avancer pas à pas, par étapes
planifiées.

367 La première étape consiste à jeter les bases de ce


développement humain intégral et solidaire où l’on promeut tout
l’homme et tout homme. De fait, il convient de répondre aux
impératifs de la conjoncture, notamment : Le rétablissement de la
sécurité, l’opérationnalisation et l’assainissement de la justice,
l’autosuffisance alimentaire et la création d’emplois, la révision
constitutionnelle et l’organisation des élections nationales pour
l’établissement d’un ordre politico-juridique ferme, gage de paix
sociale.

368 La deuxième étape vise l’émergence d’Haïti à


l’horizon 2034 en misant entres autres sur la politique de service,

193
l’économie durable, la citoyenneté engagée et la famille
solidaire.

369 Ainsi, la renaissance d’Haïti s’opérerait dans le cadre


d’une haïtianité à sensibilité humaniste dans le sens moderne
capable d’ennoblir la dignité du peuple haïtien. Destin heureux
d’une haïtianité humaniste et moderne où la vie coule douce et en
surabondance.

370 Traités comme des accessoires de la terre pendant


trois siècles, et ayant trébuché durant deux siècles dans le souci
de camper notre État-Nation, nous devrions plus que jamais nous
unir pour vivre en femmes et en hommes libres dans l’égalité et
la fraternité, comme l’a prédit notre Grand Prophète Toussaint
Louverture, le Précurseur de l’indépendance. Cette union
nationale qui fait notre force. En vérité, nous vous le disons
« Moman an rive pou nou pran pi bon wout la ».

371 Le cri unitaire de Dessalines, le Fondateur de la


Patrie, résonne en pertinence : « Vous ne faites aujourd’hui qu’un
seul tout, qu’une seule famille…Même sort vous est réservé,
mêmes intérêts doivent donc vous rendre à jamais unis,
indivisibles, inséparables. Maintenez cette précieuse concorde,

194
cette heureuse harmonie parmi vous : c’est le gage de votre
bonheur, de votre salut, de vos succès, c’est le secret d’être
invincibles ».

372 Que chacun de nous se le rappelle à tout moment pour


enfin « retrouver le souffle de nos grands ancêtres » en vue de
construire la nouvelle citadelle où chacun apportera sa pierre, la
citadelle de l’ âme du peuple haïtien vivifiée « Citadelle Soleil
», qui resplendira comme le soleil dans le Royaume du Grand
Dieu de Liberté, d’Égalité et de Fraternité, de Vérité et d’Amour,
jusqu’à chanter à l’unisson, Haïti, Terre de liberté ; Haïti, Pays-
Soleil ; Haïti, lumière des Nations, comme l’a prédit la regrettée
Sœur Claire GAGNÉ, l’haïtienne dans l’âme ; Que l’on espère
contre toute espérance comme elle l’a vivement demandé.

373 Tout ceci semble témoigner de la Volonté du Créateur


à ce que le pays dans lequel nous vivons soit un endroit où il fait
bon vivre, un verger, un coin de terre attrayant et prospère. Il
convient de nous soumettre à la Volonté de l’Être Suprême pour
une vie d’abondance voire de surabondance.

374 Le Grand Maitre Jésus disait : « À qui on aura


donné beaucoup, il sera beaucoup demandé, et à qui on aura

195
confié beaucoup, on réclamera davantage. » Par ailleurs, Il
précisait : « À tout homme qui a, l’on donnera et il aura de
surplus ; mais à celui qui n’a pas, on enlèvera ce qu’il a. »

Vive Haïti !

Puisse Dieu nous bénir !

196
Kenel REGIS a dit…

197
Manifeste humaniste… Un document ambitieux produit
par un groupe de jeunes inconnus de la scène politique haïtienne
mais de citoyens matures, bien imbus des problèmes récurrents
qui détruisent leur pays, et auxquels ils décident d’apporter des
refléxions pour des solutions.

Les auteurs de ce bréviaire du moment pour le futur ont


suivi, vécu et subi les retombées des maladresses, des à-propos,
des coups bas, des coups fourrés et des malversations qui ont
largué Haïti dans cette incertitude déconcertante que beaucoup
croient irréversible.

Cependant, loin de se fidéliser à cet état de résignés et sans


crainte de s’exposer aux rigueurs des ténors traditionnels, les
vieux briscards de la politique politicienne, ces jeunes se sont
attelés à l’analyse de la conjoncture et ont fini par offrir une œuvre
intellectuelle, technique à partir des idées haïtiennes pour des
solutions haïtiennes durables à la crise haïtienne.

Ils se sont démarqués des débats livresques, médiatiques


où les références classiques passe-partout, dogmatiques ne
concernent aucunément le cas typique haïtien. Des propositions
qui ne cernent pas les problèmes dans leur structure, dans le fin

198
fond du système, mais aggravent toujours malheureusement le
mal.

Ces Dames et Messieurs de la Cité de Solon Menos ont


diagnostiqué le malade en profondeur et en largeur dans tous les
domaines : public, privé, social, politique, économique, étatique,
régional… Ils ont détecté les virus et les microbes, décortiqué leur
façon d’agir et alors ils ont prescrit, avec leur conviction bien
fondée, des doses réparatrices jugées efficaces au rétablissement
de chaque organe infecté selon leur aggravation.

Manifeste Humaniste ne rivalise avec ni la Bible, ni le


Coran, ni la Thora. Cependant, il peut être considéré, en toute
modestie, comme un cadre particulier, un ensemble d’outils
réadaptés suivant une vision moderniste, factuelle, technique,
d’approches scientifiques à appliquer et pratiquer pour une
résolution définitive de cette crise qui a trop longtemps duré et
causé trop de désastres dans le pays.

Le document potable à lire, amusant à apprécier est à


utiliser si l’on tient au nouveau départ dans une Haïti humaniste,
moderne et innovante.

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