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FORMES SÉMIOTIQUES
COLLECTION DIRIGÉE PAR
ANNE HÉNAULT
MICHEL ARRIVÉ
Le linguiste et l’inconscient
THÉORIE
Grammaire du français contemporain, Larousse, en collaboration avec trois autres auteurs, 1964.
La grammaire, lectures, Klincksieck, en collaboration avec Jean-Claude Chevalier, 1970.
Les langages de Jarry, essai de sémiotique littéraire, Klincksieck, 1972.
Lire Jarry, Bruxelles, Complexe et Paris, PUF, 1976.
La grammaire d’aujourd’hui, Flammarion, en collaboration avec Françoise Gadet et Michel Galmiche,
1986.
Linguistique et psychanalyse : Freud, Saussure, Hjelmslev, Lacan et les autres, Méridiens-Klincksieck, 1986.
Ouvrage traduit en anglais, en coréen, en espagnol et en portugais.
Réformer l’orthographe ?, PUF, 1993.
Langage et psychanalyse, linguistique et inconscient, PUF, 1994, puis Limoges, Lambert-Lucas, 2005.
Ouvrage traduit en espagnol, en italien et en portugais.
Verbes sages et verbes fous, Limoges, Lambert-Lucas, 2005.
À la recherche de Ferdinand de Saussure, PUF, 2007. Ouvrage traduit en arabe et en espagnol.
ÉDITION DE TEXTES
Peintures, dessins et gravures d’Alfred Jarry, Collège de ’Pataphysique et Cercle français du livre, 1968.
Œuvres complètes d’Alfred Jarry, 1er volume, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1972.
FICTION
Les remembrances du vieillard idiot, roman, Flammarion, 1977, Prix du Premier roman.
La réduction de peine, roman, Flammarion, 1978.
L’horloge sans balancier, roman, Flammarion, 1983.
L’éphémère ou la mort comme elle va, recueil de nouvelles, Méridiens-Klincksieck, 1989.
Une très vieille petite fille, roman, Champ Vallon, 2006.
La walkyrie et le professeur, roman, Champ Vallon, 2007.
26 bis rue Pougens, roman, Champ Vallon, 2009.
ISBN 978-2-13-056977-0
ISSN 0767-1970
Dépôt légal — 1re édition : 2008, octobre
© Presses Universitaires de France, 2008
6, avenue Reille, 75014 Paris
Ce livre est dédié à la mémoire
de Jacques Anis (1953-2005)
SOMMAIRE
Avant-propos 1
1. Qu’on n’aperçoive ici aucune intention polémique : mon « discours scientifique ou non » vise
seulement à m’épargner la peine, inutile dans le cadre de ce livre, de poser la question de la scien-
tificité de la psychanalyse.
Avant-propos 3
Visant le confort et, si possible, l’agrément du lecteur, j’ai choisi pour les indica-
tions bibliographiques les solutions suivantes :
1. Les ouvrages et articles allégués ou cités sont énumérés à la fin de chaque cha-
pitre. Au prix, modique, de quelques répétitions, cette solution évite des recherches
fastidieuses dans une trop abondante bibliographie générale.
2. Les textes cités sont, chaque fois que cela a semblé utile, référencés par la mention
complète du titre de l’item, accompagné de sa date. Je ne recours à la référence
par la seule date que dans le cas où il n’y a aucun risque d’ambiguïté. J’utilise
l’abréviation p. (éventuellement pp.) pour introduire le numéro de la (ou des)
pages. Cette solution évite les mentions parfois jugées énigmatiques du type
2006 : 72, à comprendre : item cité dans la bibliographie comme publié
en 2006, p. 72.
CHAPITRE PREMIER
1. Ce n’est qu’en 1909 que le mot français prendra, dans un article du Journal de psychologie normale
et pathologique, sa forme moderne psychanalyse.
10 Le linguiste et l’inconscient
[...] il devenait parfois difficile, même sous hypnose, de la faire parler. Elle avait
donné à ce procédé le nom bien approprié et sérieux de talking cure (cure par la
parole) et le nom humoristique de chimney sweeping (nettoyage de cheminée) (« His-
toires de malades », in Études sur l’hystérie, 1895-1981, pp. 21-22).
1. Sans doute Freud et Breuer s’arrangent-ils, dans les présentations successives et évolutives qu’ils
feront des événements – car ils y reviendront à plusieurs reprises – pour marquer leur priorité par
rapport à Pierre Janet dans l’élaboration d’une méthode cathartique elle-même aux origines de la
psych(o)analyse. Les anecdotes prolifèrent, rapportées par de nombreux chroniqueurs, et utilement
résumées par Roudinesco et Plon (1997), sv. Pappenheim. Elles n’affectent pas l’essentiel : l’insis-
tance des deux protagonistes sur la fonction centrale de la parole dans la cure est un trait constant
de leurs propos. Le fait même que Freud y revient inlassablement est une preuve de l’importance
capitale qu’il attache à ce point de doctrine.
Un linguiste lecteur de Freud 11
1. On aura remarqué le « en apparence » par lequel il modalise sa remarque sur le fait qu’Anna
« ne se rendait pas compte » qu’elle parlait anglais.
2. Je signale une fois pour toutes qu’à la différence de Lacan et, d’une façon générale, des ana-
lystes quand ils parlent du « monstre dicéphale », je cite systématiquement les noms des deux têtes
dudit monstre. Sauf, naturellement, cela arrive, quand Pichon est le seul auteur. Le cas se ren-
contre aussi pour Damourette, mais pour des travaux extérieurs aux sujets traités ici.
12 Le linguiste et l’inconscient
1. Je m’en tiens aux traductions devenues traditionnelles pour les titres de ces trois ouvrages. Elles
ne sont pas indiscutables. Pas plus que ne le sont certaines de celles qui leur été substituées dans
des éditions récentes.
Un linguiste lecteur de Freud 13
1. L’allemand Sprache, de la même façon que l’anglais language, n’opère pas la distinction effectuée
par le français et les autres langues romanes entre langage et langue. De cette différence résultent de
considérables difficultés de traduction et de conceptualisation.
2. Marcos Lopes fait le point de façon décisive dans « Abel et les sens opposés en égyptien clas-
sique », 2004.
14 Le linguiste et l’inconscient
second inverse, par le préfixe négatif un-, le signifié du premier, ils n’en
sont pas moins aptes à prendre le même sens :
Heimlich est donc un mot qui développe sa signification en direction d’une ambiva-
lence, jusqu’à finir par coïncider avec son opposé unheimlich. Unheimlich est en
quelque sorte une espèce de heimlich1 (« Das Unheimliche », 1919, « L’inquiétant »,
in Œuvres complètes, XV, p. 159).
Abel signale aussi – et Freud relève avec intérêt dans l’article qu’il
consacre, sous le même titre, au plus explicite des travaux d’Abel – les
phénomènes de « métathèse » qui, selon lui, s’observent dans l’écriture
hiéroglyphique : on peut inverser l’ordre des hiéroglyphes sans que ce
changement affecte le sens du mot. Freud transpose le phénomène en
allemand : gut ( « bon » ) serait sans dommage signifié par tug. Il va
même jusqu’à préciser que « le phénomène de la métathèse a peut-être
des relations plus étroites encore que le sens opposé (antithèse) avec
l’élaboration du rêve » (« Sens opposés des mots primitifs » [ « Über
den Gegensinn der Urworte » ], 1910-1971, p. 67).
Qu’est-ce donc que ce phénomène que Freud désigne à la suite
d’Abel par son nom traditionnel de métathèse ? Ce n’est rien d’autre que
la mise en cause de ce que Saussure dénomme dans le Cours de linguis-
tique générale « le caractère linéaire du signifiant » et dans la recherche
sur les anagrammes la « consécutivité ». Cette mise en cause de la
consécutivité s’observe à tout instant dans le rêve comme dans la pra-
tique saussurienne de l’anagramme ; je reviendrai en détail sur ces pro-
blèmes dans le chapitre III.
Sperber et, surtout, Abel sont constamment convoqués par Freud
dès qu’il les a découverts. Ils lui fournissent en effet l’autorité, jugée par
lui indiscutable, de la Sprachwissenschaft pour appuyer un point de doc-
trine sur lequel il revient constamment : l’origine commune du langage
et de l’inconscient, telle qu’elle est manifestée explicitement dans L’inter-
prétation des rêves.
La thèse de Sperber enracine le langage dans l’expression de la
sexualité. Celle d’Abel confirme deux éléments importants. Il s’agit
d’une part de la possibilité dans les langues de la coexistence des sens
opposés, constante dans le rêve. Et d’autre part de la malléabilité du
signifiant, apte de ce fait à se soumettre, comme il le fait dans le rêve, à
la Verdichtung (condensation). Freud fait appel à lui à tout instant
de 1910 – c’est à ce moment qu’il le découvre et lui consacre l’article
1. Je continue à m’étonner que Freud en ce point n’ait pas cru nécessaire de faire appel une fois
de plus à l’autorité d’Abel. Peut-être a-t-il pensé qu’il n’avait plus sur un problème de ce genre à
faire intervenir le linguiste ni sa Sprachwissenschaft.
Un linguiste lecteur de Freud 15
enthousiaste qui a été signalé plus haut – à 1938, date de son dernier
ouvrage, l’Abrégé de psychanalyse, même si, à ce moment, il amplifie glo-
rieusement son nom en le pluralisant sous la forme de « certains lin-
guistes » (1938-1975, p. 33). Mais les exemples – notamment les illus-
tres adjectifs latins altus et sacer – restent inchangés.
La référence de Freud à Abel aura des conséquences importantes
sur l’histoire des relations entre linguistique et psychanalyse. Particu-
lièrement intéressé par la permanence de l’intérêt de Freud pour
Abel, Lacan demandera à Benveniste, en 1956, de prendre position
sur le problème. Benveniste, dans une conférence, puis dans un article
publié dans le premier numéro de La Psychanalyse, livre d’abord des
réflexions générales très lucides sur la fonction du langage – sous les
espèces de la parole et du discours – dans l’analyse. Quand il en vient
à Abel, les choses se gâtent : Benveniste procède à une démolition
totale de ses positions. Totalement justifiée, cette démolition ? Le pro-
blème, d’une atroce complexité, n’a pas à être repris ici, après les
innombrables interventions auxquelles il a donné lieu1. Je n’en retiens
que les retombées historiques. Lacan, au début, semble s’accommoder
tant bien que mal de la position de Benveniste. Mais peu à peu le
mécontentement monte, puis la colère, enfin le mépris. Car c’est vrai-
ment le mépris qui éclate, près de quinze ans après l’événement, dans
« Radiophonie » :
Cette carence du linguiste, j’ai pu l’éprouver d’une contribution que je demandai
au plus grand qui fût parmi les Français pour en illustrer le départ d’une revue de
ma façon (« Radiophonie », Scilicet, 2-3, 1970, p. 62, in Autres écrits, 2001, p. 410).
1. Je m’autorise à noter que j’ai cru faire le point sur le problème en 1994 dans Langage et psychana-
lyse, linguistique et inconscient (Arrivé, 1994-2005). Les articles de Marcos Lopes (2004) et de Robin
Seguy (2006) donnent de très utiles compléments.
16 Le linguiste et l’inconscient
1. Les deux autres sont la sublimation, réservée par Freud à une étude future, et le refoulement, qui
donne lieu à un autre article de la Métapsychologie.
Un linguiste lecteur de Freud 17
L’analyse est ici décrite non seulement par ce qu’elle est, mais aussi
par ce qu’elle n’est pas. Pas d’ « instruments », plus de médicaments,
comme du temps de Breuer. « Rien d’autre », finalement, que le dis-
cours, sous les espèces du dialogue. Un dialogue qui obéit à des règles
assez rigides. Freud distingue plusieurs temps. Il y a d’abord l’interven-
tion initiale de l’analyste, qui invite le patient à parler : geste performa-
tif, généralement suivi d’effet. Le second temps est occupé par la parole
du patient. Elle se trouve ici décrite comme exclusive. Point d’interven-
tion prévue de l’analyste. Mais on sait, par différents témoignages, que
Freud ne s’interdisait pas d’intervenir dans les propos de ses patients.
Raymond de Saussure – oui, c’est bien le fils de Ferdinand –, long-
temps après la fin de son analyse, raconte, avec un reste d’acrimonie,
que « Freud parlait trop » (Arrivé, 1994-2005, p. 19). Vient enfin le
dernier temps de l’analyse : la prise de parole de l’analyste. Elle com-
porte, Freud y insiste, un nouveau geste performatif : l’invitation à
écouter.
18 Le linguiste et l’inconscient
les très étranges langues des humains. Mais justement ces très étranges
langues des humains ont des spécificités qui les distinguent – c’est en
tout cas ce que dit Lacan1 – des langages animaux :
Rien à faire donc avec ce qui s’imagine et se confirme en bien des points d’un lan-
gage animal.
Le réel là n’est pas à écarter d’une communication univoque dont aussi bien
les animaux, à nous donner le modèle, nous feraient leurs dauphins : une fonction
de code s’y exerce par où se fait la néguentropie de résultats d’observation. Bien
plus, des conduites vitales s’y organisent de symboles en tout semblables aux
nôtres [...], à ceci près que ces symboles ne sont jamais équivoques (« L’Étourdit »,
Scilicet, p. 47-48, in Autres écrits, p. 490-491).
1. Le problème des relations entre les langues humaines et les systèmes de communication des
sociétés animales – parfois dénommés « langages animaux » – est entre tous complexe et
embrouillé. Un exemple : le collaborateur d’un ouvrage récent consacré aux Origines des langues et
du langage qui a été chargé du chapitre sur la communication animale veut à toute force sinon assi-
miler les langues humaines et les systèmes de communication des sociétés animales, au moins
« relativiser l’exception communicative de l’humain » (p. 77). Il est seulement dommage qu’il soit
brouillé avec les notions les plus élémentaires de la linguistique. Ainsi, il pense que la « seconde
articulation », c’est celle de la syntaxe : « Contrairement à ce que croient souvent les linguistes, les
communications animales ne sont pas dépourvues d’une double articulation. On trouve ainsi des
syntaxes simples chez les tamarins, les ouistitis nains, les capucins et les macaques rhésus » (p. 79).
Les linguistes ne dénient pas qu’il y ait des syntaxes dans certaines sociétés animales. Mais la
faculté de produire des phrases par « des syntaxes simples » n’a rien à voir avec la seconde articu-
lation. De la présence de l’authentique double articulation dans certaines sociétés animales l’au-
teur ne dit rien. Son argumentation s’en trouve entièrement annulée. Il se trouve d’ailleurs qu’un
autre collaborateur du même ouvrage, dans un autre chapitre, pose, en contradiction absolue avec
son collègue, que les « sociétés de singes » n’accèdent pas « à cette merveille : un système à double
articulation » (p. 212). Il confirme ainsi, quoique selon un autre critère, la coupure effectuée par
Lacan entre langage humain et systèmes de communication animaux.
Un linguiste lecteur de Freud 21
Il n’y a d’inconscient que chez l’être parlant. Chez les autres, qui n’ont d’être qu’à
ce qu’ils soient nommés bien qu’ils s’imposent du réel, il y a de l’instinct, soit le
savoir qu’implique leur survie. Encore n’est-ce que pour notre pensée, peut-être là
inadéquate.
Restent les animaux en mal d’hommes, dits pour cela d’hommestiques, et que
pour cette raison parcourent des séismes, d’ailleurs fort courts, de l’inconscient
(Télévision, 1973, p. 15-16, in Autres écrits, p. 511).
On a aperçu plus haut que Freud pour expliquer le rôle des mots
dans la cure psychanalytique pense immédiatement à alléguer et à citer
un texte littéraire, sous les espèces, dans ce cas, du drame d’Hamlet, de
Shakespeare. C’est devenu une banalité de répéter que les références
littéraires sont légion, en tout point de la réflexion de Freud. Il y a sans
doute quelque imprudence, voire un soupçon d’indiscrétion, à essayer
d’ « expliquer » ce goût de Freud pour la littérature. Le mieux est de
s’en tenir à avancer qu’il y a quelque connexion entre le texte littéraire
et la psychanalyse. Discours l’un et l’autre, et discours enfoncés, que
dis-je ? englués dans le langage, sans cet effort de surplomb métalin-
guistique que s’impose, nécessairement, en chacun de ces segments, le
discours des linguistes. La maxime « il n’y a pas de métalangage », que
je tiens pour ma part, j’y reviendrai dans le chapitre IV, comme freu-
dienne autant que lacanienne, vaut aussi bien pour le discours littéraire
que pour le discours analytique. Qu’on m’entende bien : il est fréquent,
certes, que le texte littéraire fasse apparaître en son sein à des frag-
ments d’apparence métalinguistique ou métasémiotique : le texte parle
de lui, c’est monnaie courante, à toute époque. Mais ce n’est qu’au
niveau du discours : il ne fait pas appel pour cela à un métalangage
formellement distinct.
L’avouerai-je ? Relisant le texte, cité plus haut, de cette définition
de la psychanalyse publiée en 1923, je me suis longtemps arrêté sur le
22 Le linguiste et l’inconscient
1. Je rappelle, d’un mot, qu’Ubu roi est originellement un texte de folklore potachique élaboré par
des lycéens, et repris ensuite par Jarry, non sans quelques modifications, dont la plus importante
est le nom même d’Ubu.
Un linguiste lecteur de Freud 23
romans. Le plus frappant d’entre eux est L’amour absolu, très bref texte
– quarante pages dans l’édition de la Pléiade – écrit en 1898 et dans les
premières semaines de 1899.
Aucun autre texte à ma connaissance ne met en scène de façon
aussi forte et ce qu’on n’appelait pas encore le complexe d’Œdipe. Le
personnage central du roman n’est autre que Dieu, ou, à tout le moins,
« un homme dans le genre de Dieu » (Œuvres complètes, t. 1, p. 920).
Dieu est son nom, à tous les sens que peut prendre cette expression,
notamment le sens littéral :
C’est un homme dans le genre de Dieu.
Et c’est pour cette raison ou pour une autre, la meilleure est que c’est son vrai
nom, qu’il y a écrit sur la porte :
– EMMANUEL DIEU (Œuvres complètes, t. 1, p. 920).
Emmanuel Dieu est Dieu parce que Dieu est son nom. Ce n’est à
vrai dire pas la seule raison. Sa divinité – mieux : la certitude qu’il a de
sa divinité – a une autre origine. Il s’en explique ainsi :
Je suis le Fils, je suis ton fils, je suis l’Esprit, je suis ton mari de toute éternité, ton
mari et ton fils, très pure Jocaste.
Mais je suis le tout jeune époux dans le lit de ma bien-aimée ; c’est parce que
je m’aperçois que tu es vierge, ô ma mère, ma petite épouse, que je commence à
être sûr que c’est bien moi, Dieu (Œuvres complètes, t. 1, p. 924-925).
BIBLIOGRAPHIE
Lopes Marcos (2004), « Abel et les sens opposés en égyptien classique », in Marges lin-
guistiques, 7-8.
Roudinesco Élisabeth et Plon Michel (1997), Dictionnaire de la psychanalyse, Paris, Fayard.
Saussure Ferdinand de (1916-1986), Cours de linguistique générale, Lausanne, puis Paris et
Lausanne, Payot.
Seguy Robin (2006), « Du sens opposé des mots originaires comme problème de lin-
guistique générale », in Langage et inconscient, no 1, janvier, p. 97-117.
Shakespeare, Hamlet.
Sophocle, Œdipe roi.
Sperber Hans (1912), « Über den Einfluss sexueller Momente auf Entstehung und
Entwicklung der Sprache », in Imago, I, 5, p. 405-453.
Vilela Izabel (2006), « In principio erat verbum », in Langage et inconscient, no 1, janvier,
p. 118-142.
CHAPITRE II
1. Le problème du lapsus intéressait spécifiquement Raymond de Saussure, par le lien qu’il lui
semblait introduire entre la réflexion de son père et celle de Freud. Il s’en ouvre notamment dans
une lettre à Bally, dès 1916. Voir Arrivé, 1994-2005, p. 18-19.
2. La désinvolture de Green en ce point est d’autant plus étonnante et significative qu’elle
s’oppose totalement à la minutie avec laquelle, à l’ordinaire, il donne ses références. On s’en
assurera en lisant l’anecdote qu’il rapporte, à propos d’une erreur de date, dans son article
de 1977.
3. Green dans la publication, consacrée à Saussure, où apparaît cette note, est bien forcé de don-
ner un os à ronger aux linguistes qui l’ont invité à écrire. Cet os qu’il leur jette, c’est le projet
saussurien de linguistique de la parole. J’ai moi-même trop publié sur ce sujet (voir notamment
Arrivé, 1998, 1999 et 2007) pour contester l’existence de ce que j’ai, avant d’autres, contribué à
mettre en évidence. Il n’est cependant que trop évident que le projet saussurien de linguistique de
la parole, réel et assuré dans les intentions de l’auteur, n’a pas trouvé (faute de temps, peut-être ?)
Mots et choses chez Freud 31
la réalisation effective à laquelle Saussure songeait. Il est donc à tout le moins hasardeux et/ou liti-
gieux de donner cette « linguistique de la parole » programmée, mise en place, mais finalement
non aboutie comme le seul point de contact possible entre linguistique et psychanalyse. À moins
naturellement qu’on ne cherche par là à laisser entendre que, tout compte fait, il n’y a pas de rela-
tion possible entre linguistique et psychanalyse...
1. Motus est attesté chez Richelet, avec le sens de « silence ». Mais l’étymon avait une forme *mot-
tum, altération du bas-latin muttum, « son émis ».
32 Le linguiste et l’inconscient
que du langage il n’est que rarement question dans Freud, tandis que d’autres sou-
tiennent qu’il n’est question que de ça (Idées directrices pour une psychanalyse contempo-
raine, 2002, p. 270).
1. ... et non en 1881, comme le répète à longueur de pages Julia Kristeva, dans un chapitre – au
demeurant intéressant – de Sens et non-sens de la révolte (1996, p. 60-68).
Mots et choses chez Freud 35
sont les deux faces, intimement unies, d’une entité unique, qui deviendra
le signe. C’est ce que marque la ligne qui les unit1. Chez Freud, les mots
sont à distance des choses : c’est ce que marque le tracé en forme de che-
min qui conduit des uns aux autres. C’est que la sémantique du schéma
freudien est une sémantique référentielle, à l’opposé de la sémantique
non référentielle qui est programmée par Saussure. Ailleurs, Freud par-
lera de Darstellung, en utilisant le concurrent de Vorstellung pour désigner
la « représentation », qui est ici la représentation de la chose par le mot
(Traumdeutung, 1900-1961, édition allemande, p. 251). La notion de
« valeur négative », fondamentale chez Saussure, semble en ce point
tout à fait absente de la réflexion de Freud.
Paul-Laurent Assoun remarque justement l’opposition entre Freud
et Saussure. Hélas ! S’il lit Freud avec pertinence, il se trompe du tout
au tout dans son interprétation de Saussure :
Pour Saussure, la « chose » qui, chez Freud, a son registre représentatif propre, est,
comme corrélât (sic) de concept, la moitié du signe linguistique (1992, p. 274).
1. On sait, bien sûr, que Lacan lira cette ligne qui les unit comme une barre qui les sépare. Faut-
il dire que je me garderai ici de parler de contre-sens ? La pensée de Saussure, profondément dia-
lectique, peut, par certains de ses aspects, se prêter à cette interprétation...
2. Je ne reviens pas sur ce problème, bien connu depuis Pichon (1937), Benveniste (1939) et plus
récemment repris par Hagège (2003), puis Arrivé (2007). Il faut toutefois éviter une erreur souvent
faite : la chose est évacuée du signe, elle ne l’est pas de l’acte de parole telle qu’il est évoqué, hélas,
en de trop brèves et trop imprécises allusions des sources manuscrites.
Mots et choses chez Freud 37
ÉTAPE DE 1 90 0-19 05
type sont disséquées par Freud avec une patience infinie dans ces deux
ouvrages.
Dans la Traumdeutung, les mots sont apparemment beaucoup moins
bien servis. Ils donnent toutefois lieu à un segment de l’ouvrage, et
Freud prend bien soin de préciser qu’en dépit du « petit nombre
d’exemples présentés ici, ce procédé est très fréquent » (Traumdeutung,
p. 262). L’analyse de ces quelques exemples (précisément 6) se situe à
l’extrême fin de la partie consacrée à la « condensation » (Verdichtung)
dans le chapitre sur « Le travail du rêve » : en somme, ce sont les mots
qui donnent les exemples les plus spectaculaires de ce premier aspect
du travail du rêve. Les syllabes se trouvent sous l’effet de la Verdichtung
précipitées et écrasées les unes contre les autres. Les mots, selon une
formule très fréquemment répétée par Freud, « sont traités comme des
choses ». J’aurai l’occasion, un peu plus tard dans ce chapitre, de reve-
nir sur le célèbre Autodidasker, qui, je le rappelle, a attiré tout particuliè-
rement l’attention de Lacan (Séminaire III, p. 269). Et je parlerai plus
longuement du problème de la transformation du mot en chose dans le
chapitre III précisément sous-titré « Comment faire d’un mot une
chose ? ».
Il faut préciser que le mot n’intervient pas dans la Traumdeutung seu-
lement comme objet de l’analyse : ses composantes, les lettres, les sylla-
bes et leur disposition dans le texte, fonctionnent comme modèle de
l’organisation du rêve. Je cite ici un fragment de la Traumdeutung, qui, si
j’ai bien lu, est assez rarement allégué par les commentateurs de
Freud :
Chaque fois que le rêve rapproche deux éléments, il garantit qu’il y a par là même
un rapport particulièrement étroit entre ce qui leur correspond dans les pensées du
rêve. Il en est de cela comme de notre écriture, ab indique une seule syllabe, a et b
séparés par un espace nous laissent comprendre que a est la dernière lettre d’un
mot, b la première d’un autre (1900-1967, p. 271).
1. Freud fait avec une grande précision l’historique des connaissances sur cette affection, précé-
demment dénommée dementia præcox.
Mots et choses chez Freud 41
Et Freud de commenter :
Je mets en relief à partir de cet exemple que la relation à l’organe, à l’œil s’est
érigée (sich aufgeworfen hat) comme substitut de l’ensemble du contenu (ibid.).
1. Je corrige la traduction, ici défaillante, de L’unebévue qui, sans doute pour éviter une répétition,
traduit « er hat ihr die Augen verdreht » par « il lui a tourné la tête », effaçant ainsi le sens littéral
de l’expression.
Mots et choses chez Freud 43
1. Le fonctionnement des mots dans le rêve est, dans son mécanisme, comparable à celui des
mots de nos schizophrènes Ainsi, le célèbre Autodidasker de la Traumdeutung (1900-1965, p. 259)
condense, sous l’effet de différentes relations paronomastiques et anagrammatiques, toute une
chaîne de pensées, précisément « un sens comprimé ». La différence tient en ce que les mots du
rêve sont soumis au processus primaire après avoir été transformés en choses. C’est cette opération
qui leur confère leur aspect néologique si fortement insolite. Les mots des schizophrènes conser-
vent leur statut de mots : d’où leur persistance sous leur forme traditionnelle.
44 Le linguiste et l’inconscient
tuer entre les positions freudiennes qui viennent d’être mises en place et le
postulat fondamental de Lacan : « L’inconscient est structuré comme un
langage. » Comment les analystes se tirent-ils de cette difficulté ?
Réservons Lacan pour plus tard : c’est qu’il a, on s’en doute, son
mot à dire. Voyons les autres, non sans les répartir entre lacaniens et
non-lacaniens.
1 / Pour les premiers, enfin pour ceux qui lisent Freud, c’est bien
simple : il suffit de lire Freud de travers, ou de le lire de façon grave-
ment incomplète. C’est par exemple ce que fait Patrick Valas dans Les
di(t)mensions de la jouissance :
Freud dans son texte « L’inconscient » fait la distinction entre la représentation de
mot (Wortvorstellung) et la représentation de chose (Sachvorstellung) qui sont ensemble
dans l’inconscient (1998, p. 41-42).
sujet le je, celui qui dit je en pensant que c’est bien lui qui dit je. Ça peut
arriver, n’est-ce pas ? C’est à ce niveau qu’appartiennent évidemment
les « représentations de mots » : il faut bien que le je de l’énonciation
consciente les ait à sa disposition pour énoncer son discours.
2 / Mais les éléments qui appartiennent à l’inconscient n’ont rien à
voir avec les opérations conscientes du langage. Ces éléments relèvent
non pas du langage comme opération, mais d’un langage comme structure.
C’est entre ces éléments – qui n’ont rien à voir avec les représentations
de mots – que s’institue l’articulation signifiante. À ce titre, et à ce titre
seulement, c’est-à-dire en tant qu’ils sont structurés comme1 un langage,
ils ont droit au nom – saussurien, faut-il le rappeler ? – de signifiant.
Ici il faut prendre garde : que serait un langage qui ne serait que
structure ? dépourvu de toute opération, ou possibilité d’opération ?
Sans doute perdrait-il la qualité de langage. C’est donc qu’il faut envi-
sager, pour ces éléments aussi, une possibilité d’opérations. Et j’ose me
répéter : d’opérations énonciatives. Ainsi se profile une autre énonciation,
dont le sujet n’a naturellement rien à voir avec le je du discours courant
(on a remarqué que je ne dis pas du disque-ourcourant, comme fait Lacan,
1975, p. 35). C’est de ce sujet qu’il est question dans la longue enquête
que constitue le texte « Subversion du sujet et dialectique du désir »,
1966, p. 793-827. Le linguiste aurait-il à se tenir coi sur ce sujet-là ?
Que non pas. Mais ce sera dans un autre chapitre, le chapitre V, que
je remettrai l’ouvrage en chantier.
Revenons à la structure. Il reste à dire ce que sont ces éléments
– les signifiants, pour les appeler par leur nom – dont la structure cons-
titue l’inconscient. C’est évidemment la tâche la plus difficile qui soit. Il
faut procéder avec prudence. Et d’abord de façon négative. Ces élé-
ments, ce ne sont pas des mots. Ou, plus précisément, ils ne peuvent
prendre l’aspect de mots que de façon accidentelle. Quand cela leur
arrive, ils ne sont pas mots au sens où le sont les mots du langage cou-
rant. C’est précisément en ce point que se situe l’erreur – on voit que
je ne mâche pas mes mots – de Green et de Costes. Ils ont – volontai-
rement ou non, je ne poserai pas la question – lu dans le texte de
1. On sait l’insistance de Lacan sur ce comme, qui a pris la place d’un par originel (voir par
exemple Lacan, Le Séminaire, Livre V, 1998, p. 60). La substitution – explicitement soulignée par
Lacan dans Le Séminaire, Livre XX, 1981, p. 46-47 – a notamment pour fonction de bien marquer
que les éléments « structurés » ne sont pas ceux du langage (ni de la langue) qui donne lieu, par
exemple, à la communication quotidienne. Elle marque en même temps l’isomorphisme entre les
structures des deux langages : ils n’ont en commun que leur structure, non leurs unités. On retrou-
vera ce problème dans le chapitre V.
48 Le linguiste et l’inconscient
Freud le terme Wort, « mot », avec le sens de signifiant. Ils ont cru (ou
simplement dit ?) que les mots étaient les seules unités possibles pour un
langage ou pour une entité structurée comme un langage. Du fait que
les mots sont, pour Freud, éliminés de l’inconscient (si toutefois on
omet opportunément de lire dans sa totalité le texte de 1923...), ils font
de Freud le pourfendeur avant la lettre de la conception de l’incons-
cient structuré comme un langage. Ils se trompent, évidemment. Ce
n’est que sur les mots que porte l’argumentation de Freud. Pas sur les
signifiants. Et qu’on ne me dise pas que Freud ne parle nulle part des
signifiants. Littéralement, c’est évidemment exact : il ne pouvait pas, le
mot lui manquait. C’est tout simplement qu’il leur donne un autre
nom. On lira ce nom dans les dernières lignes de ce chapitre.
La question est réglée négativement : les signifiants ne sont pas des
mots, en tout cas pas au sens linguistique du terme. Mais elle appelle
toujours une réponse positive. Il va sans dire que je ne la donnerai pas.
Je m’autoriserai simplement une remarque, inspirée, dans son départ,
par l’erreur de lecture – l’erreur est parfois le chemin vers la vérité –
signalée plus haut, de Patrick Valas : ces signifiants, ne pourraient-ils
pas par exemple être des « représentants de choses » ? Il suffirait à ces
éléments d’entrer dans un système où ils seraient « structurés comme
un langage ». Qu’est-ce qui les en empêche ? Rien. C’est ce qu’a très
bien aperçu, dès 1960, au colloque de Bonneval, Jean Laplanche1 dans
le quatrième chapitre du très bel article à deux voix « L’inconscient.
Une étude psychanalytique » :
Freud est amené à poser une distinction capitale, celle des représentations de cho-
ses (Sachvorstellungen) et des représentations de mots (Wortvorstellungen). Notons immé-
diatement que les unes comme les autres doivent être prises en toute rigueur pour
ce qu’elles sont : des éléments du langage, des signifiants (1960, p. 116).
1. J’avoue que je me suis étonné de le voir, quarante-trois ans après, préfacer le livre d’Alain Cos-
tes. Il est vrai que cette préface n’en est à vrai dire pas une : Laplanche publie un « court texte
[sur la condensation et le déplacement ] qui était dans [s]es dossiers depuis un certain temps »
(2003, Préface, p. 11). Il est fort peu prolixe sur le texte de Costes.
Mots et choses chez Freud 49
qu’ils ont de commun avec les mots de la langue, c’est d’être structurés
comme eux :
Les « mots » qui le [l’inconscient, M. A.] composent sont des éléments empruntés
à l’imaginaire – notamment à l’imaginaire visuel mais élevés à la dignité de signi-
fiants (1960, p. 118).
Il nous restera, mais plus tard, à accomplir une dernière étape, plus
difficile encore sans doute. De Laplanche elle nous fera revenir à
Lacan, puis à Freud. Elle consistera à se poser la double question sui-
vante : qu’en est-il du signifiant chez Lacan ? Et quel est son étymon
freudien ? Car je ne parle plus de son étymon saussurien, bien connu
désormais1. Pour cette étape, il nous faudra remonter à la Métapsycho-
logie. Mais un peu en amont de « L’inconscient » : au texte qui le pré-
cède immédiatement dans la Métapsychologie, « Die Verdrängung », « Le
refoulement ». C’est en effet dans ce texte qu’apparaît l’énigmatique
concept de Vorstellungsrepräsentanz, qui donne bien du fil à retordre aux
commentateurs et aux traducteurs. Laissons-les à leurs débats. L’essen-
tiel est de constater que c’est bien la Vorstellungsrepräsentanz qui est sou-
mise au refoulement et qui, par là même, est constitutive de l’incons-
cient (voir 1915 d - 1988, p. 191 ; les traducteurs de 1988 utilisent
1. On pourra se reporter, entre de très nombreuses références, à Arrivé (1986 et 1994-2005) ainsi
qu’à Vilela, Izabel (2001). L’excellent article de Marjolaine Hatzfeld (2001) pose les problèmes qui
n’ont pu être abordés ici, et qui le seront plus tard.
50 Le linguiste et l’inconscient
BIBLIOGRAPHIE
Avertissement. — Pour éviter de fausser les perspectives historiques, on a, pour Freud, Lacan
et Saussure, successivement indiqué la date de publication (ou de manifestation orale) originelle des
items cités et la date de l’édition utilisée pour la rédaction de cet article. Pour les Séminaires, on a
rappelé l’année où ils furent énoncés. En dépit de quelques oublis mineurs (la mention de La Fontaine
dans le Séminaire VII n’est pas relevée), l’Index référentiel du Séminaire 1952-1980
d’Henry Krutzen (Anthropos, 2000) m’a été très utile pour retrouver les fragments non situés du texte.
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52 Le linguiste et l’inconscient
L ES M O T S DA NS L ’ I NC O NSC I ENT ,
OU
C O M M ENT F A I RE D’ UN M O T UNE C H O SE ?
RÊVE DU PARA-écrivian
PARA-écrivian, Dakar,
chologie et je suis effectivement persuadé que je sais à peu près ce que c’est qu’un
PARA-écrivain. Je ne lui pose la question que pour l’emmerder (oui, je prononce
le verbe).
Il ne dit pas un mot. Dans un geste vengeur, je déchire la carte du PARA-écri-
vian, en prenant soin que la déchirure passe au milieu du mot. J’en jette les mor-
ceaux épars, de telle façon qu’il soit impossible de reconstituer la carte.
et lequel. Attitude fréquente dans le rêve : les bizarreries les plus étran-
ges semblent absolument naturelles, et ne déterminent ni surprise, ni
tentative d’explication.
Quatrième et dernier fait : ce qui est plus énigmatique encore, c’est
la valeur référentielle du terme. En quoi ce vieux marchand d’armes-
brocanteur peut-il être qualifié d’écrivain, même si le mot est affecté par
une coquille vraisemblablement chargée de sens, même si le préfixe
PARA lui confère, peut-être, une nuance dépréciative ? Là encore le
rêveur ne marque aucune perplexité. C’est sans doute un indice pour
l’interprétation du mot.
Il convient de garder précisément en mémoire ce récit de rêve, et
plus spécifiquement le mot PARA-écrivian. Et j’entre maintenant dans le
vif de l’examen du problème du mot transformé en chose.
Pour rappeler d’abord ce qui me paraît une évidence : le problème
du statut du mot chez Freud est d’une extension intimidante. Pour une
raison simple : il est à proprement parler coextensif à la réflexion de
Freud. On a déjà aperçu, dans le chapitre précédent, l’essentiel des éta-
pes de cette longue réflexion. Je souhaite revenir ici en détail sur une
question qui a été implicitement posée dans le chapitre précédent, mais
qui n’y a pas trouvé de réponse.
Elle peut se formuler de la façon suivante : si, comme on l’a aperçu,
l’inconscient tel qu’il est conçu par Freud ne comporte pas de représen-
tations de mots, comment se fait-il qu’on rencontre des mots dans ces
formations de l’inconscient que sont par exemple le rêve, le Witz et le
lapsus ? J’entends naturellement non pas les mots qui servent à racon-
ter les rêves, mais les mots en tant que mots, tels qu’ils sont présentés
par exemple dans le rêve freudien de l’autodidasker ou dans le rêve ici
raconté du PARA-écrivian.
À cette question on peut d’abord entrevoir trois réponses. Les deux
premières sont très partielles et très insuffisantes. Il conviendra de leur
substituer une 3e réponse, qui aura l’avantage d’englober et d’éclairer
les deux premières.
1 / La première consiste à faire un sort au bémol, signalé dans le
chapitre précédent, qui s’observe dans le texte de 1923 (« Le Moi et le
Ça », voir p. 44). C’est un fait que ce texte semble bien laisser possible
la présence de représentations de mots comme éléments constitutifs de
l’inconscient. Cependant, ce texte, très rapide et très allusif, me semble
être l’un des seuls où cette position est adoptée. Nous apercevrons
cependant bien vite un autre texte, tout aussi rapide et allusif, qui
semble poser la même possibilité.
Les mots dans l’inconscient 57
1. À mon sens, le « il gîte comme refoulé » donné par l’édition doit être lu comme « ils gîtent
comme refoulés », où ils représente les mots. À l’oral du « Petit discours », aucune différence
entre le « il gîte comme refoulé » et le « ils gîtent comme refoulés », ce qui expliquerait l’er-
reur. Le singulier de « il gîte » ne pourrait représenter que « le préconscient ». Il paraît forte-
ment paradoxal de donner le préconscient comme refoulé. En revanche, le signifiant – qui
peut prendre l’aspect du mot – est précisément donné par Lacan comme l’objet du refoule-
ment. C’est ce qui est explicitement dit à propos de la Vorstellungsrepräsentanz, elle-même assi-
milée au signifiant. Voir sur ce point le texte des Écrits, 1966, p. 714 cité dans le chapitre
précédent, p. 50.
Les mots dans l’inconscient 59
qui est mis en place en 1891 dans l’Auffassung. Freud le reconnaît impli-
citement quand il remarque que le rêve est à tout instant « prêt à
échanger les mots entre eux ». Statut insolite pour des mots : le rêve
par exemple s’autorise à « échanger » « sexe féminin » et Categorie,
« uriner » et categorieren, ou d’ailleurs n’importe quoi d’autre (1900-
1967, p. 263). Non que ces substitutions soient dépourvues de toute
contrainte. Mais les contraintes qu’elles subissent sont celles du proces-
sus primaire, et non les contraintes linguistiques qui s’exercent sur les
mots dans leur usage conscient, et rendent difficile l’emploi de categorie-
ren pour « uriner ».
J’en viens maintenant à la difficulté. On l’aura remarqué en lisant
ce fragment du « Complément psychologique » : Freud semble bien
laisser dans le rêve une place, modeste, il est vrai, à des mots non sou-
mis aux processus primaires c’est-à-dire non transformés en choses. Ce
sont ceux qui sont « expression de pensées ». Il y a là un problème sur
lequel je continue à m’interroger : dans le « Complément », Freud ne
donne pas d’exemples de ces mots, et dans la Traumdeutung, à laquelle il
renvoie, je n’ai pas trouvé de cas de mots qui ne soient pas soumis aux
processus primaires.
Il nous resterait maintenant à étudier sur le vif la façon dont
les mots transformés en choses sont soumis aux processus primaires,
c’est-à-dire perdent leur statut de mots. Travail considérable : il devrait
être mené non seulement dans la Traumdeutung – où les exemples, on l’a
vu, sont peu nombreux – mais aussi dans la Psychopathologie et dans le
Witz, où ils sont innombrables. Car les procédés mis en œuvre, Freud
le répète à tout instant, sont identiques pour le mot de rêve, pour le
lapsus et pour le Witz.
Pour ne pas lasser mes lecteurs par des analyses littérales nécessaire-
ment très vétilleuses, je me contenterai de dire quelques mots d’autodi-
dasker, un peu moins fréquenté, peut-être, que Signorelli ou famillionnaire.
Voici comment s’engage l’analyse de ce mot de rêve dans la Traum-
deutung :
Un autre rêve se compose de deux fragments bien séparés. Le premier est le mot
AUTODIDASKER, que je me rappelle bien nettement ; le second reproduit un fan-
tasme sans grande importance qui m’est venu à l’esprit peu de jours avant. [...]
On peut aisément couper autodidasker en Autor (auteur), Autodidacte et Lasker
[nom propre d’un personnage mort de la syphilis] auquel se rattache le nom de
Lassalle [nom propre du socialiste allemand, mort en duel pour une femme]
(Freud, 1900-1967, p. 259 ; dans la suite, le « mot » (Wort) autodidasker est qualifié,
de façon très, si j’ose dire, métalinguistique, de néologisme (neugebildete).
Les mots dans l’inconscient 61
1. On vient d’apercevoir que les deux personnages sont présents dans le rêve à titre d’ « exemples
de l’influence fatale » de la femme sur l’homme : le premier, Eduard Lasker (1829-1884), a suc-
combé à la syphilis, maladie si bien désignée par l’adjectif dérivé du nom de Vénus ; le second, le
socialiste allemand Ferdinand Lassalle (1825-1864), « est mort dans un duel à cause d’une dame »
(p. 342-343 des Œuvres complètes, t. IV).
62 Le linguiste et l’inconscient
des noms propres parmi les mots produits par Autodidasker et les autres
mots oniriques : c’est que la relation entre le nom propre et son réfé-
rent exclut toute prise en compte d’un signifié.
Il est vain, on le voit, de chercher à utiliser les concepts saussuriens
pour décrire autodidasker comme ses homologues freudiens, et, sans
doute, comme le PARA-écrivian du rêveur de ce chapitre. La raison est
simple : ces formations ont cessé d’être des signes linguistiques.
Cependant, si le Saussure du Cours de linguistique générale se trouve ici
congédié, on ne peut s’empêcher de penser au Saussure des anagram-
mes, essentiellement à l’aide du beau livre de Starobinski, Les mots sous
les mots. Le fonctionnement du texte anagrammatique est, par certains
aspects, comparable à celui du mot du rêve. Pour fixer rapidement les
idées, je reprends l’exemple devenu illustre du vers extrait d’un « Vati-
cinium » (oracle) archaïque :
DONOM AMPLOM VICTOR AD MEA TEMPLA PORTATO
1. C’est là la mention explicite que je viens d’annoncer. On aura aussi remarqué, à la première
ligne du texte, l’emploi du mot élément avec le sens qu’il a dans le CLG.
2. C’est évidemment la recherche sur les anagrammes que Saussure désigne ainsi, faisant le
double geste de la rattacher explicitement à la linguistique et d’en faire un « domaine infiniment
spécial ».
3. Ici Saussure, comme il lui arrive fréquemment dans cette recherche menée presque clandesti-
nement, et sans intention immédiate de publication, s’est interrompu au milieu de sa phrase. On a
constaté qu’il procède souvent de la même façon dans ses méditations proprement linguistiques.
64 Le linguiste et l’inconscient
1. Ces bévues sont fâcheuses, d’un double point de vue. Négativement, elles ont pour effet d’oc-
culter non seulement le « sens » du rêve – notamment l’influence déplorable de la femme sur les
deux pauvres Lasker et Lassalle, malencontreusement remplacés par « l’Askel » et « la salle » –
mais aussi les procédures anagrammatiques de sa formation, notamment l’irruption du nom
d’Alex, anagramme approximatif de Lasker. Du coup, l’analyse « du signifiant » à laquelle Lacan
soumet le mot autodidasker en devient complètement incompréhensible. Positivement, la mention de
« l’Askel » est particulièrement gênante : elle oriente du côté du Triskel, symbole celtique effective-
ment urilisé par Lacan comme modèle topologique, mais en d’autres temps (dans le Sémi-
naire XXII) et avec des visées entièrement différentes. On constate, à ses erreurs, que Jacques-Alain
Miller, l’éditeur, n’a pas la familiarité absolue avec le texte de Freud qu’on attend d’un lecteur
attentif de Lacan. En somme, c’est son droit. Mais il aurait dû prendre la précaution d’aller véri-
fier ses « leçons » – au vieux sens de « lectures » – dans le texte de la Traumdeutung.
Les mots dans l’inconscient 65
d’être un signifiant au sens strict qui est donné à ce terme par Saus-
sure. L’homophonie, qui est ici identité, fait passer le signifiant dans le
registre de l’inconscient :
Ce qui s’exprime à l’intérieur de l’appareil et du jeu du signifiant, est quelque
chose qui sort du fond du sujet, qui peut s’appeler son désir. Dès lors que ce désir
est pris dans le signifiant, c’est un désir signifié. Et nous voilà tous fascinés par la
signification de ce désir. Et nous, nous oublions, malgré les rappels de Freud, l’ap-
pareil du signifiant (Le Séminaire, Livre III : Les psychoses, p. 269).
S’il fallait être complet à l’égard du mot comme chose dans l’in-
conscient, il faudrait aussi insister sur un aspect fortement mis en évi-
dence par Freud : les attaches corporelles du mot, qui se manifestent de
façon exemplaire dans l’hystérie. C’est notamment l’illustre Frau
Cecilie (Freud et Breuer, Études sur l’hystérie, 1895-1981, p. 143-144) qui
a rendu le procédé illustre : la jeune personne prend le mot au pied de
la lettre, en donnant corps à son sens littéral. Le regard « perçant » que
lui a jeté autrefois sa grand-mère continue à l’atteindre au front, de
façon plus térébrante encore que le coup d’œil désapprobateur de
l’aïeule. Sous des formes tout à fait différentes, la relation aux organes
du corps se manifeste aussi dans le cas des schizophrènes. C’est ici l’il-
lustre exemple, dans « L’inconscient », de l’Augenverdreher, le « retour-
neur d’yeux » qui donne un exemple de ce que Freud appelle un « lan-
gage d’organe » (Organsprache). J’ai déjà abordé ces problèmes dans le
chapitre précédent. Je n’y reviens ici que pour insister sur le fait sui-
vant : dans le cas de l’hystérique comme dans celui du schizophrène le
mot tient au corps, au sens si j’ose dire le plus littéral du mot tenir : l’in-
conscient est inapte à le détacher de son ancrage corporel. Cet objet
spécifique qui s’accroche au corps est-il encore un mot ?
Il est temps de revenir au récit de rêve qui a tenu lieu d’introduc-
tion à ce chapitre. Le mot de rêve PARA-écrivian se trouve-t-il éclairé
par les remarques qui viennent d’être faites sur le statut du mot dans
l’inconscient ?
D’une certaine façon, mes analyses n’auront pas été inutiles à
l’égard de ce mot. Elles ont d’abord rendu compte de sa présence :
non, la présence de mots dans le rêve n’a rien d’insolite, c’est même
selon Freud – et, sans doute, selon l’expérience de chacun – un fait très
fréquent. On est tenté ici de penser à la formule Pôor(d)j’e-li du Psycha-
nalyser de Serge Leclaire (1968, 112-113), même si, c’est vrai, cette
« jaculation » n’a pas exactement – en tout cas pas explicitement dans
les propos de Leclaire – le statut d’un mot rêvé.
66 Le linguiste et l’inconscient
Mes analyses ont eu une autre utilité : elles nous ont fait recon-
naître comme caractéristiques du mot onirique certains faits présentés
par notre formation. J’insiste sur deux points :
1 / L’absence d’un élément. Je pense au nom du marchand d’ar-
mes-brocanteur. Le rêveur dit explicitement que ce nom est écrit sur
la carte. Mais il ne le lit pas, ou ne le réécrit pas, ce qui revient au
même : il est finalement absent. Quel sens conférer à cette absence ?
Elle ne peut avoir qu’une fonction celle de déplacer – au sens freu-
dien du terme – le prédicat PARA-écrivian. Contrairement à ce qui est
posé par le contenu de surface du rêve, le PARA-écrivian n’est sans
doute pas le marchand d’armes, puisque son nom est effacé. Qui
peut-il être ? En l’absence de toute autre possibilité, c’est vraisembla-
blement le rêveur lui-même qui se trouve visé par la qualification de
PARA-écrivian.
2 / La pertinence de la lettre, indépendamment de la manifestation
orale. Elle est soulignée dès l’Auffassung de 1891, puis dans la Traumdeu-
tung. Cette autonomie de la lettre est présente à deux reprises dans
notre mot : d’une part dans la mise en majuscules du préfixe PARA,
d’autre part dans le fait que le rêveur, tout en remarquant l’inversion
graphique des deux lettres i et a, ne donne pas à ce fait d’écriture la
conséquence orale qu’il devrait comporter : il lit écrivi-a-n, avec i et a
inversés, mais il prononce écrivain. Comment interpréter ce phéno-
mène ? De la façon la plus évidente : le mot comporte simultanément
deux sens selon qu’on en prend en compte la manifestation orale ou la
manifestation écrite. Pour l’oral, aucune difficulté : l’écrivain, c’est bien
l’écrivain, même s’il convient de tenir compte de l’inflexion apportée
par le préfixe majuscule PARA. Mais la forme littérale écrivi-a-n, de
quel sens spécifique se charge-t-elle ? On ne pourrait en dire quelque
chose que si on disposait des associations du rêveur. C’est pourquoi je
n’en dirai rien.
POST-SCRIPTU M
BIBLIOGRAPHIE
F R E U D , L E M É T A L A N G A G E ET L ’ A U T O N Y M I E
1. La différence entre les deux désignations de la même notion ne tient qu’au point de vue qui est
adopté. La connotation autonymique envisage le phénomène du point de vue de la structure du signe,
la modalisation autonymique en prend en compte les aspects énonciatifs.
72 Le linguiste et l’inconscient
LA RELATION FREUD-LACAN
Sans compter que le rêve fait apparaître parfois des « mots », enfin
des choses qui ressemblent à des mots, qui ont bien l’air d’être
« cités » – on aura remarqué que je cite « cités » entre guillemets – et
donc de devenir d’authentiques autonymes. Pensez par exemple à l’il-
lustre rêve autodidasker, ou au moins illustre rêve du PARA-écrivian qui
ont été étudiés dans le chapitre précédent, mais sur lesquels je revien-
drai encore.
Ces mots – comme beaucoup d’autres du même type – ont bien
l’air d’être cités – c’est-à-dire d’être traités de façon autonymique – et
d’être décrits, expliqués et commentés, c’est-à-dire de donner lieu à des
gloses métalinguistiques. On a déjà aperçu, p. 60, qu’autodidasker est,
par Freud, qualifié, très métalinguistiquement, de neugebildete, « nouvel-
lement formé, néologisme ».
Ces distinctions de strates métalinguistiques ou métasémiotiques
dans le rêve sont si tentantes qu’elles sont effectivement assez commu-
nément pratiquées. Ainsi par exemple, L. Danon-Boileau pose comme
allant de soi que « le récit d’un rêve n’est pas le rêve » (Le sujet de
l’énonciation, p. 55). Et il est sans doute plus tentant encore de considé-
rer comme résultant d’une opération métalinguistique les commentai-
res qui sont faits périodiquement dans la Traumdeutung sur les mots du
rêve.
Il ne faut pas, à mon sens, se laisser aller à cette tentation-là. Freud
adopte un point de vue sémiotique quand il s’agit de saisir le statut lan-
gagier du rêve. Mais il s’écarte complètement de ce point de vue quand
il est question d’y distinguer et d’y séparer les strates hiérarchisées d’un
rêve-objet et de différentes strates superposées de gloses métalinguisti-
ques et métasémiotiques sur cet objet. Il est possible de le montrer.
Facile ? Dans un premier temps, oui. Les choses risquent de se
compliquer dans la suite.
Pour la distinction du rêve – le rêve tel qu’il est rêvé – et du récit
qui en est fait – le rêve tel qu’il est rapporté –, il est patent qu’elle n’est
jamais opérée par Freud. C’en est même étonnant : il ne se laisse
jamais aller – si du moins j’ai bien lu – à faire cette distinction pourtant
attirante par son apparente commodité. Une fois pourtant elle semble
tout près de faire surface : Freud remarque que « rien ne peut nous
garantir que nous connaissions [le rêve] tel qu’il a réellement eu lieu »
(L’interprétation des rêves, p. 436). Mais en fait la distinction n’intervient
que pour être prestement évacuée : le « rêve tel qu’il a eu lieu » n’aura
été fugitivement distingué du récit qui en est fait que pour marquer
l’impossibilité de leur séparation.
Freud, le métalangage et l’autonymie 77
Freud va plus loin : le doute lui-même qui, lors du récit, peut s’ins-
taller sur l’exactitude de celui-ci est formellement intégré au rêve, au
rêve tout court, sans clivage :
Quand à un élément déjà imprécis du rêve le doute vient encore s’ajouter, c’est
l’indice que cet élément est un rejeton direct des pensées du rêve que l’on voulait
bannir (p. 439).
et les lettres pour des éléments du langage-objet et les signes tels que +
et – pour les opérations métalinguistiques effectuées sur ces objets. La
spécificité du rêve comme écriture est qu’il prend les uns pour les
autres et les mélange indistinctement : il n’y a pas de métalangage.
Mais, qu’on y prenne garde, il n’y a pas non plus de langage-objet. Les
deux langages ne subsistent que par leur opposition réciproque : dénier
l’existence de l’un, c’est, inévitablement, dénier celle de l’autre.
Reste le problème des « mots » du rêve, et de leur traitement appa-
remment « autonymique ». C’est là, comme je l’ai annoncé un peu plus
haut, que le problème se complique : je le réserve pour plus tard.
On a sans doute compris où je voulais en venir. Il s’agissait d’avan-
cer que l’analyse de Freud présuppose qu’il n’y a pas à distinguer, dans
le rêve, de couches distinctes de signification. En somme, il n’y a pas
de métarêve. Or le rêve est langage : on se trouve par là amené à
l’aphorisme lacanien. Et l’on ne s’étonnera pas de constater que Lacan
fait implicitement, à propos de la relation entre le rêve et le récit qui en
est fait, la même analyse que moi. À plusieurs reprises : je n’en cite que
deux :
[...] il apparaît clairement que seule l’intéresse [le l’, c’est Freud, évidemment]
l’élaboration du rêve en tant qu’elle se poursuit dans le récit lui-même, c’est-à-dire
que le rêve ne vaut que comme vecteur de cette parole. Si bien que tous les phé-
nomènes qu’il donne d’oubli, voire de doute, qui viennent entraver le récit sont à
interpréter comme signifiants dans cette parole (Écrits, 1966, p. 378 ; le texte,
« Introduction au commentaire de Jean Hyppolite », date de 1954).
Qu’est-ce que c’est que ces rêves, si ce n’est des rêves racontés ? C’est dans le
procès de leur récit que se lit ce que Freud appelle leur sens (1985, p. 11 ; la confé-
rence de Genève sur le symptôme, dont ce texte est extrait, est de vingt et un ans
postérieure, 1975, au texte précédent).
Le rêve n’est pas donné comme un objet donné à une analyse qui
le surplombe, mais comme un « procès » qui se constitue au fur et à
mesure que s’en énonce le récit.
1. On se souvient que chez Ripotois, c’est la, et non le mort qui ne manque pas d’-r.
84 Le linguiste et l’inconscient
Dieu est son nom, ai-je dit ? Si j’étais d’humeur à plaisanter sur un
sujet sacré, j’irai jusqu’à avancer que la meilleure preuve de cette asser-
tion est la substitution euphémisante nom de nom : la mention de Dieu y
a été remplacée de façon équivalente par celle de son nom. L’outrage
– et du coup le blasphème – consiste à faire comme si le nom de Dieu
pouvait être cité sans évoquer le référent spécifique qu’il appelle – au
sens, si j’ose dire, littéral du verbe appeler.
Un cas spécifique est constitué par les jurements du type pardieu. Ils
sont incontestablement blasphématoires – comme suffirait à l’attester
leur prudente euphémisation en parbleu ou pardi. Pourtant ils ne sem-
blent pas autonymiques. Et ils n’ont rien d’apparemment outrageant
dans leur sens littéral. Ils sont d’ailleurs admis quand ils accompagnent
l’acte performatif du serment :
Dieu défend les faux serments, et les serments inutiles ; mais il veut que quand la
nécessité et l’importance de la matière demandent que l’on jure, on le fasse en son
nom (Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Lausanne et
Berne, 1780, s. Jurement, t. XIX, p. 227).
Cecilie. Des mots ? Pourquoi pas ? En tout cas Freud ne s’interdit pas
de les désigner comme tels. Mais des signes, évidemment pas. À l’égard
de ces objets on comprend que le traitement autonymique – qui pré-
suppose le statut de signe des objets qu’il affecte – soit absolument
impossible. De la même façon qu’il peut, dans certaines sociétés, être
interdit de nommer – c’est-à-dire d’appeler, à tous les sens du mot – un
mort par son nom. Au même titre que dans le texte biblique est rigou-
reusement interdite la profération autonymique du nom de Dieu.
BIBLIOGRAPHIE
L A C A N GR A M M A I R I E N
1
L’INCONSCIENT STRUCTURÉ
COMME UN LANGAGE
1. « Ce mot se légitime de l’Ernout et Meillet : lino, litura, liturarius. Il m’est venu, pourtant, de ce jeu
du mot dont il arrive qu’on fasse esprit : le contrepet revenant aux lèvres, le renversement à
l’oreille. » Litura, dérivé de lino, est le nom latin de la rature. Liturarius s’applique à un texte chargé
de ratures. Lacan trouve dans l’Ernout et Meillet « auspice d’être fondé d’un départ [...] de l’équi-
voque dont Joyce glisse d’a letter à a litter, d’une lettre (je traduis) à une ordure ».
2. C’est dans les « Remarques psychanalytiques sur un cas de paranoïa » (à propos du Président
Schreber, 1911-1993) que Freud pose le problème des relations entre les deux sens de selig :
« Cette sexualisation surprenante de la béatitude céleste nous donne l’impression que chez Schre-
ber le concept de béatitude pourrait être né de la condensation des deux significations principales
du mot allemand [selig] : défunt et heureux par les sens » (1911-1993, p. 252).
3. On comprendra ici nominatif non comme renvoyant au premier cas de la déclinaison, mais avec
le sens de « désignatif », « référentiel », en opposition avec le « niveau du concept ».
4. On se reportera également aux Écrits, p. 29 (sur purloined) et au Séminaire, Livre IV, p. 170 (sur
fétiche, fée, factice), p. 211 (sur tuer : il « vient du latin tutare qui veut dire conserver »), p. 306, sur « la
racine MR, qui est à la fois mère, mara et aussi la mer en français », Livre V, p. 94 (sur demander)
et 347 (sur la relation entre jallpV [phallus] et jl@y [veine]), Livre VII (p. 102, sur danger dans ses
relations étymologiques avec dame), 179-180 (toujours sur la dame, cette fois en relation avec « dom-
noyer, qui veut dire quelque chose comme caresser, batifoler »), p. 197-198 (sur les théories étymologi-
ques de Hans Sperber), p. 233 (sur l’étymologie de même) et p. 292 (sur émoi), Livre VIII, p. 244-
245 (sur les « ambiguïtés signifiantes » illustrées par l’histoire du mot réglisse), Livre XX, p. 85 (sur
3lPqeia), etc.
92 Le linguiste et l’inconscient
1. C’est « le problème de la différence qu’il y a entre je suis la femme qui ne vous abandonnerai pas et je
suis la femme qui ne vous abandonnera pas » (Le Séminaire, Livre III, p. 308).
2. Lacan s’intéresse spécifiquement à cette distinction, qui lui permet de contourner élégamment
le problème de l’absence du temps dans l’inconscient. Ainsi il conseille à une « mouche du coche »
perturbée par ce problème de « retourner à la classe de grammaire pour distinguer les “formes
d’aspect” qui envisagent de l’énonciation ce qu’y devient le sujet de celles qui situent l’énoncé sur
la ligne des événements. Elle ne confondra pas alors le sujet de l’accompli avec la présence du
passé » (Écrits, p. 664 ; voir aussi p. 629 et Séminaire, Livre III, p. 322).
3. Voir aussi Écrits, p. 255, 310, 314-315, 373, 503, 806 et Séminaire, Livre III, p. 337.
4. Ce texte provient de notes prises par un auditeur et réélaborées par l’éditeur du Séminaire.
5. Lacan se réfère ici à l’article de Benveniste sur la voix moyenne (Benveniste, 1950-1966).
Lacan grammairien 93
1. Sur le problème des relations entre lalangue et le langage, on se reportera également au texte cité
dans la note 1 de la page 100.
2. La double pagination renvoie à la traduction française (premier chiffre) et à l’édition originale
allemande (deuxième chiffre).
3. La note se situe après la mention de « l’inconscient », et est ainsi formulée : « Selon Schreber
dans sa version en langue fondamentale ».
94 Le linguiste et l’inconscient
mier – comme après, il le lit. Ainsi c’est à lui qu’il se réfère pour parler
de la troisième personne :
Ladite troisième personne n’existe pas. Je vous dis cela au passage pour commen-
cer d’ébranler quelques principes certainement très tenaces dans vos esprits par le
fait de l’enseignement primaire de la grammaire. Il n’y a pas de 3e personne,
M. Benveniste l’a parfaitement démontré (Le Séminaire, Livre III, p. 314, voir aussi
p. 322).
1. D’excellents linguistes – je ne cite pas de nom, pour ne vexer personne – ont toujours achoppé
sur cette notion, mise en place dans « Structure des relations de personne dans le verbe », 1946-
1966, p. 225-236.
2. D’autres grammairiens et linguistes entrent aussi dans l’inventaire des informateurs de Lacan,
par exemple le duo homophone de Ferdinand Brunot et Charles Bruneau : Lacan gausse assez
cruellement (Écrits, p. 663 et 800) les propos qu’ils tiennent dans le Précis de grammaire historique de la
langue française (1931-1966) sur le ne dit « explétif » ou « expressif » (voir plus bas).
3. Les lecteurs du Séminaire III auront reconnu la métaphore filée par laquelle Lacan présente la
fonction du signifiant (p. 321-331).
4. On verra plus bas la façon dont doit s’interpréter ce le plus souvent.
Lacan grammairien 95
1. Deux ans plus tôt, Lacan procédait à une description métaphorique des relations entre langage
et inconscient : « L’inconscient est, dans son fond, structuré, tramé, chaîné de langage » (Le Sémi-
naire, Livre III, p. 135).
Lacan grammairien 97
1. Je me pose ici la petite question futile de savoir si Lacan pensait clairement, au moment de
mettre en place cette métaphore alphabétique, aux propos tenus par Freud sur la syllabe gra-
phique dans L’interprétation des rêves : « [Dans notre écriture] ab indique une seule syllabe, a et b
séparés par un espace nous laissent comprendre que a est la dernière lettre d’un mot, b la pre-
mière d’un autre » (Freud, 1900-1967, p. 271). Futile, j’en conviens, ma question. Mais le rappro-
chement, qui s’impose, montre clairement l’intérêt égal donné par les deux auteurs au signifiant
dans sa manifestation la plus littérale : la lettre de l’alphabet.
2. On constate qu’en ce point Lacan utilise comme prévu, langage avec le sens de langue et – c’est
une nouveauté – discours concret avec, selon moi, le sens de parole. Toutefois, cette équivalence entre
discours et parole n’est, hélas, pas une constante de la réflexion lacanienne.
Lacan grammairien 99
1. Sauf erreur ou oubli, Lacan n’utilise pas, ou utilise fort peu, l’opposition du syntagme au para-
digme. C’est sans doute que le couple de la synchronie et de la diachronie pose d’emblée l’inscrip-
tion des phénomènes, à commencer par ceux de la parole, dans le temps. – Il convient également
de remarquer que Lacan utilise aussi l’opposition synchronie/diachronie dans son sens strictement
saussurien : c’est ce qu’on a observé, plus haut, dans ses remarques sur l’étymologie.
100 Le linguiste et l’inconscient
2
LA GRAMMAIRE FRANÇAISE MODÈLE
DE L’INCONSCIENT ?
C’est ainsi que les vœux qu’il [le discours du rêve] constitue n’ont pas de flexion
optative pour modifier l’indicatif de leur formule. En quoi l’on verrait à une réfé-
rence linguistique que ce qu’on appelle l’aspect du verbe est ici celui de l’accompli
(vrai sens de Wunscherfüllung)1 (ibid.).
1. On peut chicaner : Wunscherfüllung, c’est plutôt – comme suffit à l’indiquer le suffixe -ung – l’ac-
complissement que l’accompli.
104 Le linguiste et l’inconscient
Mais le parti qui en est tiré en conclusion paraît se noyer dans une
considération très – trop ? – générale sur le signifiant :
L’importance de ces distinctions est de montrer que le changement d’accent, la
plénitude que le tu confère à l’autre, et qui est aussi bien ce qu’il en reçoit, est
essentiellement lié au signifiant (Séminaire III, p. 318-319).
Lacan grammairien 105
Le futur antérieur
L’imparfait
1. On aperçoit ici une nouvelle trace de l’intérêt de Lacan pour la catégorie de l’aspect, dont une
des positions est ici envisagée sous le nom benvenistien de parfait, autre nom de l’accompli.
Lacan grammairien 107
je pense, à m’en apercevoir, j’y étais, mais exactement comme on dit – vous savez
que j’ai déjà usé de cet exemple, mais l’expérience m’apprend qu’il n’est pas vain
de se répéter – c’est au même sens où, selon l’exemple extrait des remarques du
linguiste Guillaume, au même sens que cet emploi très spécifique de l’imparfait en
français qui fait toute l’ambiguïté de l’expression « un instant plus tard la bombe
éclatait ». Ce qui veut dire que justement elle n’éclate pas (Séminaire XV, p. 79).
1. Guillaume revient à différentes reprises sur le problème. L’analyse la plus détaillée se rencontre
aux pages 189-195, puis 198-199 des Leçons de linguistique 1938-1939, qui, publiées en 1992, ont
nécessairement échappé à Lacan. Mais il peut avoir eu accès à la réédition, publiée en 1965, de
Temps et verbe, dont la première édition remonte à 1929. Le problème y est traité, dans le même
cadre théorique que dans les Leçons, quoique plus brièvement, p. 68-69.
108 Le linguiste et l’inconscient
1. On le verra plus clairement plus bas, lors de l’allusion au « sophisme » des trois prisonniers.
2. Inversement, M. Valdemar n’est maintenu en survie que par la profération périodique, dans le
sommeil hypnotique où il a été plongé in articulo mortis, de l’assertion je suis mort (Séminaire II,
p. 270) : s’il parle, c’est qu’il vit, en dépit de sa mort.
Lacan grammairien 109
Reste une question difficile : quel est au juste le sujet qui est affecté
par le statut temporel si spécifique du futur antérieur et de l’imparfait
tel que le conçoit Lacan ? Car on aura remarqué que l’ « être de non
étant » qui (s’) énonce sous ces formes temporelles n’est jamais désigné
que par je. Je, et non moi et encore moins le Moi, en allemand Ich, et
non das Ich1 : car dans l’aphorisme freudien Ich n’est pas nominalisé par
l’article das. Lacan par cette remarque – formulée quelques années
avant dans « La chose freudienne » – cherche à éliminer l’interpréta-
tion de Ich par « Le Moi ». Et, comme si l’absence de l’article das dans
la formule freudienne ne suffisait pas, il traduit Ich par je et, pour justi-
fier sa traduction, allègue fugitivement un problème de grammaire his-
torique du français : le remplacement d’un « ce suis-je » ancien par le
« c’est moi » moderne2 :
Ich, je, là dois-je (comme on annonçait : ce suis-je, avant qu’on dise : c’est moi),
werden, devenir, c’est-à-dire non pas survenir, ni même advenir, mais venir au
jour de ce lieu même en tant qu’il est lieu d’être (Écrits, p. 417).
C’est bien le sujet de l’inconscient qui est ici en cause, comme il est
dit presque explicitement dans la conclusion de l’analyse du rêve il ne
savait pas qu’il était mort :
(...) cet il ne savait pas, à l’imparfait, garde le champ radical de l’énonciation, c’est-à-
dire du rapport du sujet le plus foncier avec l’articulation signifiante. C’est dire
qu’il n’en est pas l’agent, mais le support, pour autant qu’il ne saurait même en
supporter les conséquences. C’est dans son rapport à l’articulation signifiante que
lui, comme sujet, surgit comme sa conséquence (Séminaire VII, p. 258-259).
Si j’ai bien lu, Lacan n’utilise pas le terme embrayeur, introduit par
Ruwet en 1968 dans sa traduction des Essais de linguistique générale de
Jakobson (1963), précisément de l’article « Les embrayeurs, les catégo-
ries verbales et le verbe russe », publié en anglais en 1957. Il recourt au
terme anglais originel shifter (venu à Jakobson de Jespersen, 1922). Il
utilise aussi, mais plus rarement, le terme indicateur (parfois cité inexac-
tement sous la forme indicatif) qui est le terme benvenistien (Benveniste,
1956-1966, p. 2531). Je m’autoriserai, plus bas, à émettre une conjec-
ture sur le silence observé par Lacan à l’égard du mot embrayeur, que,
de toute évidence, notamment chronologique, il connaît.
Il ne faut pas s’embrouiller avec les embrayeurs : outre la contrepè-
terie, on risque la confusion. C’est pourquoi je me laisse aller à une
brève mise au point notionnelle.
Je prends pour exemple l’embrayeur par excellence : je – ou, natu-
rellement, ses différentes réalisations flexionnelles : en français me et
moi. On vient en effet d’apercevoir, par le sort que leur fait Lacan dans
sa théorie du sujet, qu’elles sont au plus haut point signifiantes. Mais
elles ont exactement le même statut de shifter que je. La propriété com-
mune à ces formes – embrayeurs actantiels – est d’avoir simultanément
pour référents le sujet de l’énoncé et le sujet de l’énonciation. C’est
cette coalescence des deux sujets qui a pour effet immédiat de faire
changer (to shift)2 le référent dès que change le sujet d’énonciation. Elle
explique également certaines propriétés désormais bien connues des
énoncés comportant l’embrayeur je. Par exemple je peux dire je sais que
Francis est venu et je ne sais pas si Francis est venu, mais je ne peux pas dire,
au moins dans les conditions normales (1)*je ne sais pas que Francis est
1. Ce texte de Benveniste, « La nature des pronoms », a originellement été publié en 1956 dans le
recueil... For Roman Jakobson. Il est donc antérieur à l’article de Jakobson lui-même. Mais celui-ci à
son tour repose, pour la partie de mise en place conceptuelle, sur deux conférences prononcées
par Jakobson en 1950, et dont Benveniste peut avoir eu connaissance. Sur ces problèmes de chro-
nologie, voir Normand (1985) et Perret (1988).
2. On constate que le terme embrayeur introduit une métaphore mécanique, et, spécifiquement,
automobile qui n’était pas présente sous cette forme dans le terme shifter : le mot « embrayeur »,
comme le dit Ruwet dans sa « NDT », « nous a paru propre à désigner ces unités du code qui
“embrayent” le message sur la situation » (Jakobson, 1963, p. 178). Tout conducteur sait la diffé-
rence qui existe entre changer de vitesse (to shift [gears]) et embrayer (to let [in the clutch]). Il est à remar-
quer que le terme shifter n’aurait aucunement pu donner lieu au développement d’une théorie du
débrayage dans la suite de celle de l’embrayage.
Lacan grammairien 111
venu ni (2) *je sais si Francis est venu : c’est que le même sujet désigné par
je – en tant que sujet de l’énoncé – est nécessairement empêché – en
tant que sujet de l’énonciation – de marquer à la fois – ce qu’opère le
présent – son ignorance sur ce qu’il pose comme avéré (exemple 1) ou
son savoir sur ce qu’il met en doute (exemple 2)1.
Jusque-là, tout est clair : c’est qu’on ne vise que le référent de je. Dès
qu’on passe au problème du signifié, les choses changent : on a le choix
entre la cacophonie et le silence2. Et pourtant il est indispensable de sup-
poser un signifié au shifter comme à tout autre élément linguistique :
c’est précisément la condition qui lui permet de prendre en charge un
référent. Pour ne pas entrer ici dans des débats confus (et largement hors
de saison), je me contenterai d’une formule qui risque de paraître déce-
vante par son apparence tautologique : le signifié de je, c’est la propriété
qu’il a de conjoindre le sujet de l’énoncé et celui de l’énonciation3. Pro-
priété absolument spécifique, qu’il ne partage, avec des modalités qui ne
diffèrent pour chacun d’eux que par la composante retenue de l’instance
d’énonciation, qu’avec les autres embrayeurs : composante actantielle
pour je, tu et leurs dérivés, temporelle pour aujourd’hui, hier, demain et tutti
quanti, composante spatiale pour ici, là et leurs pareils.
Qu’en est-il maintenant de la position de Lacan à l’égard des shif-
ters ? Au départ, c’est très simple. Lacan tombe d’accord sur le fait que
le shifter désigne, dans l’énoncé, le sujet de l’énonciation.
La structure du langage une fois reconnue dans l’inconscient, quelle sorte du sujet
pouvons-nous lui concevoir ?
On peut ici tenter dans un souci de méthode de partir de la définition stricte-
ment linguistique du Je comme signifiant : où il n’est rien que le shifter ou indicatif
qui dans le sujet de l’énoncé désigne le sujet en tant qu’il parle actuellement (Écrits,
p. 800 ; voir aussi p. 663-664, avec une allusion au « présent de la chronologie »,
ce temps du verbe que, de façon très légitime – et très benvenistienne – il intègre à
la classe des « indicateurs »).
1. Successivement se sont intéressés à ce problème Borillo (1976), Milner (1978), Martin (1983-
1987 a) et Culioli (1990).
2. Le silence ? Très souvent. La cacophonie ? J’avoue que j’ai du mal à accorder un... sens à la
formule de Milner : « Le sens de je, c’est la profération du signifiant “je” » (1978, p. 78 ; tant qu’il
s’agissait du référent, l’analyse de Milner était pleinement acceptable : « Le référent de je, c’est
celui qui emploie je » (1975-1976, p. 70).
3. On aura en effet repéré que cette formule se distingue de la définition référentielle par l’intro-
duction de la notion de propriété, qui, dans sa spécificité, constitue le signifié de je.
112 Le linguiste et l’inconscient
1. Il est évidemment difficile en lisant ce texte de ne pas penser à l’article de Benveniste « Struc-
ture des relations de personne dans le verbe », où se trouvent notamment les formulations suivan-
tes : « Disant “je”, je ne peux pas ne pas parler de moi. À la 2e personne, “tu” est nécessairement
désigné par “je” et ne peut être pensé hors d’une situation posée à partir de “je” ; et en même
temps “je” énonce quelque chose comme prédicat de “tu” » (1946-1966, p. 229).
Lacan grammairien 113
On le voit par cet exemple : le problème des shifters est pour Lacan
étroitement lié à celui de la négation, du moins de la négation fran-
çaise, et de l’un des éléments qu’elle se donne : le ne, effectivement « dit
explétif » quand il se manifeste seul. Je suis donc amené à retarder
quelque peu l’examen de ce problème, qui apparaîtra de lui-même lors
de l’étude de la négation.
3 / À voir les choses sous l’aspect « formel, grammatical » – selon
l’exigence de Lacan – un fait apparaît clairement : si le je de l’énoncé
désigne sans le signifier le sujet d’énonciation, proprement signifié par
un autre élément – le ne prétendu explétif – c’est que la coalescence des
deux sujets est à proprement parler impossible. Serait-ce donc qu’il y a
entre l’énoncé et l’énonciation un clivage complet, une discordance
absolue ? Là encore la réponse de Lacan est totalement assurée : oui, il
y a bien « béance », « discordance », Spaltung – division, scission, cli-
vage – entre l’énoncé et l’énonciation. Les textes où s’affiche cette scis-
sion sont nombreux et concordants, tant dans les Séminaires, notam-
ment V, p. 15-19, VII, p. 353 (avec une analyse peut-être un peu trop
subtile du mP du grec ancien1) et XI, p. 127-128 que dans les Écrits
(notamment p. 664 et 800). En plusieurs de ces occurrences la discor-
dance des deux lignes est illustrée par le graphe dit de « l’ouvre-bou-
teille » (Écrits, p. 815), qui, sous sa forme primitive – la plus simple – se
présente ainsi2 :
1. L’excès de subtilité tient à mon sens à ce que Lacan veut à toute force faire du mP du grec
ancien l’équivalent du ne du français. Aucun helléniste ne peut accepter cette assimilation : le mP
du grec ancien constitue à lui seul une négation, au contraire du ne français. Sauf dans certains cas
absolument spécifiques, il ne se combine pas avec l’autre mot négatif du grec, o£. Mais les analyses
un peu spécieuses auxquelles Lacan s’est livré pour sa démonstration lui ont permis d’énoncer
avec une totale clarté deux propositions : « [le ne] n’a aucune raison d’être, si ce n’est que c’est le
sujet lui-même », et « le mP est là pour la Spaltung de l’énonciation et de l’énoncé » (p. 353).
2. C’est sous cette forme qu’elle a été présentée, sauf erreur la première fois, dans le Sémi-
naire V. Faut-il rappeler que la mise en place de ce graphe s’appuie sur l’analyse grammaticale de
l’illustre Witz du famillionnaire dans Le mot d’esprit et sa relation avec l’inconscient ?
114 Le linguiste et l’inconscient
LE PROBLÈME DE LA NÉGATION
1. Le graphe de l’ouvre-bouteille dans les formes successives, de plus en plus complexes, qui lui
sont données par la suite, pose de très difficiles problèmes. J’en ai abordé quelques-uns dans
Arrivé (1994-2005).
2. On a compris que c’est de cette façon que je tente d’expliquer l’obstination de Lacan à s’en
tenir au terme anglais shifter, bien qu’il connaisse très bien – il la cite dans une note des Écrits,
p. 495 – la traduction de Ruwet, qui date de 1963.
Lacan grammairien 115
La forclusion
Sur la forclusion je serai assez bref. Je commence par citer la déci-
sion définitive par laquelle Lacan, à l’extrême fin du Séminaire III, se
décide, après les neuf bons mois de réflexion qui se sont écoulés depuis
Mais qu’est que la Verwerfung ? Je n’entrerai pas ici dans tous les
détails du problème, complexe, et au plus haut point générateur de
débats et de conflits, de la Verwerfung, dans ses relations avec la
Verdrängung, c’est-à-dire le refoulement. Chez Freud, quoique sous des
dénominations diverses, la Verwerfung « est exactement ce qui s’oppose à
la Bejahung [affirmation, introduction dans le sujet, littéralement “l’ac-
tion de dire ja, oui ”] primaire et constitue comme tel ce qui expulsé »
(Écrits, p. 387). Mais « de ce qui n’est pas laissé être dans cette Bejahung,
qu’advient-il donc ? » (ibid.). Objet de la Verwerfung, « ce qui n’est pas
venu au jour du symbolique, apparaît dans le réel » (ibid.). Le Président
Schreber, dont les Mémoires donnent lieu à l’analyse, émaillée de lectu-
res de son texte, menée dans le Séminaire III, fournit un exemple para-
digmatique de ce phénomène.
Ainsi c’est un concept emprunté à des grammairiens qui donne son
nom lacanien, au terme de la réflexion du Séminaire III à l’une des opé-
rations fondamentales de l’inconscient. Et qu’on n’aille pas me dire,
surtout, que la forclusion qui traduit la Verwerfung vient directement du
lexique juridique, où elle trouve effectivement son origine ! Non que ce
dernier soit absent de la réflexion lacanienne. Mais comment se pour-
rait-il que Lacan ne pense pas à Damourette à Pichon au terme d’une
réflexion sur la négation ? Il connaît parfaitement cet aspect de leur
réflexion. Un peu plus tard, dans le Séminaire VI, en décembre 1958, il
affectera explicitement la forclusion – il est vrai prise dans le sens spécifi-
quement grammatical qu’elle prend dans l’Essai – à Pichon :
Pichon s’arrête à ceci de remarquable que chaque fois qu’en français nous avons
affaire à une forclusion pure et simple, il faut toujours que nous employions deux
termes : un « ne » et puis quelque chose qui ici est représenté par le « personne »,
qui pourrait l’être par le « pas » : je n’ai pas où loger, je n’ai rien à vous dire par
exemple (Séminaire VI, 10 décembre 1958, p. 152).
La discordance
1. Lacan se gausse assez cruellement des grammairiens – notamment Brunot et Bruneau (1931-
1966) – qui emploient l’un ou l’autre de ces adjectifs (Écrits, p. 663).
120 Le linguiste et l’inconscient
par cette « hâte » : on vient en effet de voir que c’est bien ce sujet
– indissolublement sujet du désir – qui est signifié par ne. Point question
donc du je du discours. Mais pour la « hâte » en elle-même, qu’en est-
il ? Il faut ici refeuilleter une fois de plus Écrits et Séminaires pour aperce-
voir un début de solution. La notion de « hâte en logique », sous sa
forme littérale ou sous des manifestations lexicales très voisines, appa-
raît en plusieurs autres points du texte de Lacan, par exemple dans
« Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée. Un nouveau
sophisme » (Écrits, p. 664, note), dans « Fonction et champ de la
parole et du langage en psychanalyse » (Écrits, pp. 241, 256-257
et 287), enfin dans le Séminaire II, p. 334. Dans tous ces passages – assez
voisins dans le temps quant à leur élaboration1 – il est invariablement
question du même problème : la procédure par laquelle le sujet, au
terme d’un cheminement intersubjectif scandé, s’identifie pour ce qu’il
« aura été » – on aura compris que c’est intentionnellement que
j’emploie le futur antérieur, temps propre à signifier le statut du sujet
de l’inconscient :
L’auteur de ces lignes a tenté de démontrer en la logique d’un sophisme les res-
sorts du temps par où l’action humaine, en tant qu’elle s’ordonne de l’action de
l’autre, trouve dans la scansion de ses hésitations l’avènement de sa certitude, et
dans la décision qui la conclut donne à l’action de l’autre qu’elle inclut désormais,
avec sa sanction quant au passé, son sens à venir.
On y démontre que c’est la certitude anticipée par le sujet dans le temps pour
comprendre qui, par la hâte précipitant le moment de conclure, détermine chez
l’autre la décision qui fait du propre mouvement du sujet erreur ou vérité (Écrits,
p. 287).
1. Le premier, qui remonte à 1945, est cependant assez nettement antérieur aux deux autres, qui
datent respectivement de 1953 et 1955. Mais Lacan reviendra sur le problème beaucoup plus
tard, par exemple, en 1964, dans le Séminaire XI, p. 39, 56 et 107, où il est question de « hâte
identificatoire ».
Lacan grammairien 121
car chacun des trois a toutes les données pour faire en même temps le
même raisonnement sophistique.
Quelle est la fonction démonstrative de cet apologue répétitif et de
sa mise en relation avec le problème du ne ? Elle est nécessairement
double. Par l’apologue lui-même, Lacan cherche à faire saisir la fonc-
tion du temps d’abord dans le processus d’identification du sujet dans
ses relations aux autres sujets, puis dans l’acte de parole qui conclut ce
processus (Écrits, p. 213 et 287). Mais en mettant en relation l’apologue
et le problème du ne discordantiel, il va plus loin : il identifie un objet
de la langue porteur, à titre de signifié, d’une propriété de la parole. Il
constitue comme objets homologues la langue comme système « syn-
chronique » de signifiants, et la parole comme acte « diachronique » du
sujet. Il marque donc que c’est selon les deux niveaux de la langue et
de la parole que « l’inconscient est structuré comme un langage ».
BIBLIOGRAPHIE
Le lecteur l’aura repéré de lui-même : les références bibliographiques sont, dans le texte du cha-
pitre, données de façon variable selon les auteurs. Ce n’est pas par fantaisie, ni goût de l’insolite : c’est
simplement pour tenir compte des conditions différentes de la manifestation des divers textes cités :
1 / Pour Lacan, j’ai pris le parti de citer les items par leur titre. On sait en effet que les Écrits
rassemblent un grand nombre de textes de dates très variées (de 1936 à 1965...) et que les livres suc-
cessifs du Séminaire ont été publiés tardivement, dans un ordre qui n’a rien à voir avec celui dans
lequel Lacan les a énoncés. Les Autres écrits recueillent des textes parus de 1938 à 1976. Citer ces
textes selon leur date de publication aurait induit des idées fausses sur leur chronologie relative. On
trouvera ci-dessous les indications nécessaires de date et de lieu d’édition.
2 / Pour Freud et Schreber, le problème qui se pose est celui de la divergence entre la première
date de publication en allemand et la date de la traduction utilisée. J’ai pris le parti de donner ces deux
dates :
Pour Freud :
1900-1967, L’interprétation des rêves, Paris, PUF.
1905-1988, Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, Paris, Gallimard.
1910-1993, « Remarques psychanalytiques sur un cas de paranoïa » (Le président
Schreber), in Œuvres complètes, vol. X, PUF, p. 231-304.
1920-1951, « Au-delà du principe de plaisir », in Essais de psychanalyse, Paris, Payot,
p. 7-81.
1925-1992, « La négation » [ « Die Verneinung » ], in Œuvres complètes, vol. XVII, PUF,
p. 167-171.
Pour Schreber :
1903-1975, Mémoires d’un névropathe, Paris, Le Seuil.
3 / Le Cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure n’a été cité, sous l’abrévia-
tion traditionnelle CLG, que par l’édition standard, la seule que Lacan, selon toute apparence, ait
consultée.
4 / Enfin, les quelques autres textes cités l’ont été de façon traditionnelle :
Arrivé M. (1986), Linguistique et psychanalyse, Freud, Saussure, Hjelmslev, Lacan et les autres,
Paris, Méridiens-Klincksieck.
Arrivé M. (1994-2005), Langage et psychanalyse, linguistique et inconscient, Freud, Saussure,
Pichon, Lacan, Paris, PUF, puis Limoges, Lambert-Lucas.
Arrivé M. (1995), « Diachronie et linéarité », in Saussure aujourd’hui, Nanterre, LINX,
p. 139-145.
Arrivé M. (2007), À la recherche de Ferdinand de Saussure, Paris, PUF.
Benveniste Émile (1946-1966), « Structure des relations de personne dans le verbe », in
Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, p. 225-236.
Benveniste É. (1950-1966), « Actif et moyen dans le verbe », in Problèmes de linguistique
générale, Paris, Gallimard, p. 168-175.
Benveniste É. (1956-1966), « Remarques sur la fonction du langage dans la découverte
freudienne », in Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, p. 75-87.
Borillo Andrée (1976) « Remarques sur l’interrogation indirecte en français », in Métho-
des en grammaire française, Paris, Klincksieck.
Brunot Ferdinand (1905), Histoire de la langue française des origines à 1900, t. I : De l’époque
latine à la Renaissance, Paris, Armand Colin.
Brunot Ferdinand et Bruneau Charles (1931-1966), Précis de grammaire historique de la
langue française, Paris, Masson.
Culioli Antoine (1990), Pour une linguistique de l’énonciation. Opérations et représentations, t. I,
Gap et Paris, Ophrys.
Lacan grammairien 123
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Roudinesco Élisabeth (1982), La bataille de la psychanalyse en France, vol. I, 1885-1939,
Paris, Ramsay.
Roudinesco É. (1986), La bataille de la psychanalyse en France, vol. II, 1955-1985, Paris, Le
Seuil.
CHAPITRE VI
1. Pour l’anecdote, je précise que le responsable de la question était Cyril Veken, en vue d’une
mienne intervention qui se fit effectivement en février 2007, à l’Atelier de Linguisterie.
126 Le linguiste et l’inconscient
tification qu’on peut donner pour légitimer cette question est simple :
un appareil théorique, quel qu’il soit, peut rencontrer certaines posi-
tions d’un autre appareil théorique sans que l’auteur soit informé de
l’existence de cet appareil. C’est nécessairement ce qui se passe quand
le second appareil théorique a été mis en place longtemps après le pre-
mier. Une situation analogue, en littérature, est connue sous le nom de
« plagiat par anticipation ». C’est ainsi qu’on peut dire par exemple
que La vie mode d’emploi de Perec est victime d’un plagiat par anticipa-
tion de Zola, dans Pot-Bouille, lui-même victime du même forfait de la
part de Lesage, dans Le diable boiteux. En somme, Lesage et Zola sont,
d’une certaine façon, perecquiens, dans le sens où Saussure est, peut-
être, lacanien.
La tâche que j’ai entreprise est donc assez clairement définie. Il
s’agit de me demander si dans la réflexion de Saussure se rencontrent
des éléments qui, de quelque façon, se rapprochent de la réflexion de
Lacan. C’est donc de celle-ci qu’il convient de partir. Et non pas de
celle de Saussure, comme on a jusqu’à présent presque toujours fait,
comme j’ai fait moi-même dans mes deux livres de 1986 (Linguistique et
psychanalyse) et de 1994-2005 (cité plus haut). Naturellement cette inver-
sion du point de départ aura des effets sur la description.
Attaquons donc le problème. Pour aborder progressivement les
innombrables difficultés qu’il comporte, je crois qu’on peut, dans une pre-
mière approche, commencer par réfléchir sur l’une des assertions les plus
fortes et les plus répétitives du texte de Lacan : « L’inconscient est struc-
turé comme un langage. » Je n’entre pas tout de suite dans les problèmes
internes de l’évolution de la réflexion de Lacan : ils nous feraient poser des
questions pour l’instant peu utiles, telles que l’origine de la formule, sa
rapide mutation, puis les différentes inflexions qu’elle a pu prendre selon
les époques. Je serai sans doute forcé d’entrer dans certains de ces problè-
mes un peu plus tard. Pour l’instant, je me contente de remarquer une
évidence. La formulation même de l’assertion comporte quelques présup-
posés. Aucun d’entre eux n’est pleinement évident, et certains sont fran-
chement litigieux : nous allons notamment rencontrer, en même temps
que Lacan lui-même, des difficultés avec les articles qui déterminent et,
notamment, quantifient les objets mis en scène.
Premier présupposé : « Il y a l’Inconscient. » On remarque que
j’utilise, conformément à la forme de l’énoncé de Lacan, l’article défini,
ne me contentant pas de l’article partitif – « Il y a de l’inconscient » –
qui poserait l’inconscient d’une façon toute différente, comme il va
apparaître dans le second présupposé.
Saussure était-il lacanien ? 127
Ainsi, l’opinion des linguistes n’est pas recevable, en tout cas n’est
pas reçue par Lacan. Le principal argument pour récuser l’article indé-
fini dans la formulation du présupposé est que Lacan lui-même n’est
pas très ferme dans le choix de ce mode de détermination. On le voit
en effet, dans des conditions à vrai dire assez difficiles, passer, diachro-
niquement et synchroniquement, de l’article indéfini un à l’article
« défini défini », comme il dit (« L’Étourdit », 1973 a, p. 45 ; 2001,
p. 489) : l’article le. On remarque au passage que Lacan, notamment
par cette formule ludique « défini défini » – à comprendre « défini
comme défini » – est, en ce point comme en beaucoup d’autres, extrê-
mement attentif à ces problèmes de détermination par l’article, dans les
formes que leur donne la langue française.
L’alternance entre l’article défini et l’article indéfini a d’une part un
aspect diachronique : il faut ici le rappeler, le célèbre prédicat a com-
mencé par prendre une forme différente. En 1956, Lacan procédait à une
description métaphorique des relations entre langage et inconscient :
L’inconscient est, dans son fond, structuré, tramé, chaîné de langage (Le Séminaire,
Livre III : Les psychoses, 1981, p. 135).
Quels sont-ils, ces langages au pluriel – ils sont explicitement dits plu-
sieurs – qui « ouvrent l’usage de l’un entre autres » ? Mon hypothèse est
que ce sont les langues. À condition que chacune d’entre elles soit
reconstruite sur le modèle de lalangue. C’est ce qui me paraît être dit
dans le passage suivant, toujours de « L’Étourdit » :
Ce dire [le dire de l’analyste] ne procède que du fait que l’inconscient, d’ « être
structuré comme un langage », c’est-à-dire lalangue qu’il habite, est assujetti à l’équi-
voque dont chacune se distingue. Une langue entre autres n’est rien de plus que
l’intégrale des équivoques que son histoire y a laissé persister (« L’Étourdit »,
1973 a, p. 47 ; 2001, p. 490).
1. Par inattention, Lacan, dans le texte cité, désigne par la même notion de « déclinaison » deux
phénomènes morphologiques distincts : l’opposition de deux fonctions (je ou tu sujets, opposés à me,
te et moi, toi compléments : c’est effectivement une déclinaison) et l’opposition des formes « ténues »
aux formes « étoffées » : dans je le veux et je veux lui, le et lui ont la même fonction, et ne se distin-
guent que par le caractère ténu de le, étoffé de lui. En d’autres points (voir par exemple les Écrits,
1966, p. 809), il évite cette erreur terminologique, non toutefois sans en commettre une autre, plus
vénielle : celle de baptiser subtiles les formes ténues.
2. Le texte de Lituraterre reprend littéralement certains passages d’une conférence, apparemment
restée inédite, prononcée à Tokyo le 21 avril 1971.
132 Le linguiste et l’inconscient
1. Je m’autorise ici de Lacan, qui, faisant l’inventaire de ces « choses qui arrivent au sujet dans sa
vie quotidienne », y trouve « les lapsus, troubles de la mémoire, rêves, plus le phénomène du mot
d’esprit, qui a une valeur essentielle dans la découverte freudienne parce qu’il permet de toucher
du doigt la cohérence parfaite qu’avait dans l’œuvre de Freud la relation du phénomène analy-
tique au langage » (Le Séminaire, Livre III : Les psychoses, p. 185).
Saussure était-il lacanien ? 133
1. Il en va autrement pour ceux des saussuriens qui se sont intéressés à la recherche sur les ana-
grammes. Ici Starobinski (1971) et Wunderli (1972) ont été des précurseurs.
136 Le linguiste et l’inconscient
1. Lacan est persuadé – ou veut se persuader ? – de l’antériorité de Freud sur Saussure. C’est qu’il
ne connaît pas – mais comment le lui reprocher ? – les travaux de Saussure qu’Engler révélera
en 1974 (Engler, 1974-1990), notamment le projet d’article sur Whitney.
Saussure était-il lacanien ? 139
1. Je me hasarde, sur le modèle des éditeurs de 1916, à rétablir ici un parce qui, apparemment
omis par Saussure (ou, sait-on jamais, oublié par Rudolf Engler ?) donne à son propos non seule-
ment sa pleine cohérence, mais encore la complétude de sa phrase.
Saussure était-il lacanien ? 141
ment n’aperçoit que la différence a/b, que chacun de ces termes reste exposé (ou
devient libre) en ce qui le concerne de se modifier selon d’autres lois que celles qui
résulteraient d’une pénétration constante de l’esprit (Engler, 1968-1989 p. 266 ;
Écrits de linguistique générale : 219 ; le texte d’où provient ce segment est l’illustre pro-
jet, en date de 1894, d’article pour Whitney, laissé inachevé par Saussure. Cité en
ce point pour son utilisation dans le CLG de 1916, il ne sera révélé in extenso que
dans Engler, 1974-1990, qui toutefois ne reproduira pas ce segment, déjà utilisé
dans 1968-1989).
Pour rester dans celle qui nous intéresse, il convient d’insister sur
un point important. Les langues sont affectées par les deux auteurs des
mêmes caractères. Ce sont, dans la formulation saussurienne, « le
caractère linéaire du signifiant » (CLG, 103) et « l’arbitraire du signe »
(CLG, 100-102). Je donne les références nécessaires :
Pour le « caractère linéaire », Lacan marque, avec des nuances, son
accord avec Saussure en plusieurs points. Le plus explicite est ce seg-
ment du Séminaire III (1955-1956), sur lequel j’insiste lourdement :
Quand il parle, le sujet a à sa disposition l’ensemble du matériel de la langue, et
c’est à partir de là que se forme le discours concret. Il y a d’abord un ensemble
synchronique, qui est la langue en tant que système simultané de groupes d’opposi-
tions structurées, il y a ensuite ce qui se passe diachroniquement dans le temps, et
qui est le discours. On ne peut pas ne pas mettre le discours dans un certain sens
du temps, dans un sens qui est défini d’une façon linéaire, nous dit M. de Saussure
(1981, p. 66).
1. Lacan était un lecteur assidu de Maurice Merleau-Ponty. Il lui rendra hommage dans le
numéro spécial des Temps modernes en 1961 (2001, p. 175-184). Si j’ai bien lu, Saussure n’est pas
cité dans ce texte émouvant. Le signifiant y est allégué comme « syntaxe d’avant le sujet pour l’avè-
nement de ce sujet » (p. 182).
144 Le linguiste et l’inconscient
donner à ce qui se lit dans ce de Saussure – qu’un auteur sans doute hypercompé-
tent déclare que je trahis à plaisir1 – à savoir que, sans cet arbitraire, le langage
n’aurait, à proprement parler, aucun effet (2006 : 137).
Resterait à préciser quels sont, chez Lacan, les objets affectés par la
linéarité et la contingence. Il s’agit, indissolublement, de la langue et du
langage sur le modèle de quoi est structuré l’inconscient. En poussant
plus loin l’analyse, on rencontrerait le problème du sujet, et de la défi-
nition du signifiant comme « ce qui représente un sujet pour un autre
signifiant ». Car c’est précisément cette chaîne du signifiant qui est à la
fois caractérisée comme touchée par la contingence et la linéarité.
Faut-il dire qu’en ces points Saussure cesse d’être lacanien, précisément
dans la mesure où ce qui est appelé signifiant par Lacan a cessé d’être
ce qu’est le signifiant saussurien, tout en en conservant les propriétés ?
Nous arrivons au terme de notre tâche, puisque nous abordons le
quatrième et dernier présupposé, que je me suis hasardé à formuler
comme suit : « C’est comme lalangue que l’inconscient est structuré. »
Ici on peut être bref. L’inconscient saussurien, s’il est structuré, ne
l’est que par des lois qui interviennent dans la diachronie. Ce n’est
donc pas dans la langue, même reconceptualisée sous la forme de
lalangue, qu’il peut trouver le modèle de sa structure.
Il devient possible d’apporter à la question « Saussure est-il laca-
nien ? » – on voit que je la reformule au présent – un début de
réponse. Le résultat est variable selon les points envisagés. Saussure – je
ne parle ici que du Saussure linguiste – est lacanien en deux occasions :
d’une part quand il pose l’inconscient, d’autre part quand il analyse le
1. Lacan vise ici Georges Mounin, qui venait de faire paraître, dans La Nouvelle Revue française du
1er janvier 1969, son article « Quelques traits du style de Lacan », où il émet en effet le regret que
« Lacan ait lu Saussure en diagonale » (Mounin, 1970 : 188).
146 Le linguiste et l’inconscient
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CHAPITRE VII
1. Il convient d’insister sur cette notion de genre indifférencié, et de ne pas la confondre avec le
genre neutre : le genre indifférencié, qui en français comme dans beaucoup d’autres langues, a la
forme du masculin, recouvre et le masculin et le féminin. Le genre neutre, quand il existe, a des
formes spécifiques, et, comme son nom l’indique, n’est ni masculin, ni féminin.
152 Le linguiste et l’inconscient
1. Je me laisse aller à donner une information anecdotique, mais néanmoins significative : lors
d’un colloque interdisciplinaire tenu en février 2008, j’avais effectivement donné à mon interven-
tion le titre « Genre et sexe : quel(s) rapport(s) ? » Mais j’ai constaté que les autres communica-
tions, sans exception, donnaient à genre le sens de « sexe social » : « De la différence des sexes aux
différences de sexe : les enjeux du genre », « La différence du sexe et du genre », etc. Pour éviter
la mauvaise interprétation de mon titre, j’ai ajouté à genre l’adjectif grammatical.
Le sexe et la mort dans le langage 153
sur une très vieille racine indo-européenne de forme gen-, qui donne
notamment au grec le verbe qui signifie « naître » et au latin celui qui
signifie « engendrer ». Cette racine gen- est complétée par l’une des
marques de la classe du nom, -oV en grec, -us en latin. Sous sa forme
grecque, le nom a fourni et fournit encore au français au fur et à
mesure des besoins, des mots aussi importants, à des titres divers, que
génétique, gène, génome, génocide, etc.
Pour le genre, c’est le mot sous sa forme latine genus qui a été utilisé en
français. Quoique pendant exact, du point de vue morphologique, du
g@noV grec, le genus latin n’a pas exactement le même inventaire de sens.
Il s’est notamment spécialisé dans deux sens spécifiques : le premier,
c’est le sexe au sens de « collectivité spécifiée par le sexe ». Le latin peut
ainsi parler de hominum genus virile ou muliebre, « le sexe masculin ou fémi-
nin de la population humaine ». Le second sens de genus, c’est le genre
grammatical, qui en latin comporte trois termes : le masculin, le féminin
et le neutre (étymologiquement : ne-uter, ni l’un ni l’autre). C’est cette
sexuation explicite de l’opposition mise en forme par la catégorie qui
explique le passage du sens « mondain » de « sexe » au sens linguistique
de « genre comme catégorie morphologique ».
En français, le mot genre a conservé une bonne part des sens de son
étymon latin genus, notamment le sens grammatical. Il en a ajouté pas
mal d’autres, par exemple celui qu’il prend dans la taxinomie botanique
ou zoologique. Il présente toutefois une originalité forte par rapport à
son étymon latin : jusqu’à une date très récente il n’a pas été utilisé
comme désignation de la notion de sexe. Il est vrai qu’on note, à date
très ancienne (aux alentours de 1200), quelques emplois de genre avec le
sens de « sexe ». Mais il s’agit de textes scientifiques directement traduits
du latin, où le nom genre ne fait que calquer le latin genus. Entre 1200 et
la fin du XXe siècle, genre n’a jamais été utilisé avec le sens de « sexe ».
Comment s’est installée la situation contemporaine, qui, en rupture
complète avec le passé du nom genre, permet de l’utiliser pour désigner
le « sexe social » ? Naturellement c’est l’effet d’un emprunt fait par le
français à l’anglais. La citation d’Irène Théry donnée plus haut le rap-
pelle. Les gender studies développées aux États-Unis à partir de la fin des
années 1950 ont eu pour effet, quand elles ont été connues en France,
de faire employer en français le nom genre avec le sens qu’elles don-
naient à gender. Je m’attarde encore un peu sur ces problèmes d’histoire
de la langue, et, ici, des langues, pour préciser quelques points.
Le nom anglais a la forme gender. D’où lui vient son -d- ? Pas du
latin, où il n’y a jamais eu de -d- dans le mot genus, generis. Il lui vient
154 Le linguiste et l’inconscient
ques éléments. C’est dès 1968, aux États-Unis, qu’était publié l’illustre
ouvrage Sex and gender, de Robert J. Stoller. Cet ouvrage a été traduit
en français en 1978, mais sous le titre Recherches sur l’identité sexuelle.
Encore en 1989, le second livre du même Stoller, intitulé Presentations of
gender, est publié en français sous le titre Masculin ou féminin. Comme si
l’emploi du genre avec son sens anglais faisait encore difficulté au point
d’être écarté pour le titre d’un livre. L’ouvrage collectif dirigé par Luce
Irigaray Sexes et genres à travers les langues date de 1990. Le sens qu’il
donne à genre est exclusivement le sens linguistique. Il semble bien que
le premier ouvrage en français qui fasse apparaître dans son titre le
nom genre avec le sens de « sexe social » soit celui de Marie-Claude
Hurtig et Michèle Kail Sexe et genre, de la hiérarchie entre les sexes, paru
en 1991 aux Éditions du CNRS1. Mais cet ouvrage reprenait les com-
munications d’un colloque tenu en 1989. Il est donc vraisemblable que
l’emploi du mot genre avec le sens de « sexe social » était déjà commun
à ce moment chez les personnes spécialistes de ces problèmes. Quant
au premier emploi du mot avec ce sens, il est vraisemblablement
apparu dès 1978 dans l’ouvrage Recherches sur l’identité sexuelle. Il est peu
étonnant que le TLF publié en 1981, mais élaboré longtemps avant,
n’en ait pas tenu compte. À vrai dire, le Dictionnaire de l’Académie fran-
çaise, dans sa neuvième édition, dont le 2e tome est paru en 2000, ne
connaît toujours pas cette valeur sexuelle de genre.
On le voit : indispensable pour éclairer le sens du mot genre en fran-
çais, cette parenthèse sur l’histoire récente de ce détail lexical aura eu
l’avantage supplémentaire d’illustrer la façon dont le lexique s’est enri-
chi, de façon à la fois rapide et complexe, d’un terme nouveau pour
désigner le sexe. Ce n’est pas seulement l’inventaire des termes qui s’est
enrichi, c’est la structure du lexique, qui a fait apparaître, de façon
extrêmement rapide, une opposition jusque-là non formalisée, celle du
sexe comme catégorie biologique (sexe) et du sexe comme catégorie
sociale (genre), non sans quelque dommage pour l’ancien sens de genre,
qui subsiste, certes, comme nom de la catégorie morphologique, mais
non sans risque d’ambiguïté. Ainsi fonctionne la diachronie : sous l’effet
de processus inconscients, qui agissent sans souci des fonctions de com-
munication affectées aux langues. C’est du moins ainsi que je com-
prends ce qu’en dit Saussure (Saussure, CLG et Arrivé, À la recherche de
Ferdinand de Saussure).
1. L’ouvrage de Thomas Laqueur, La fabrique du sexe. Essai sur le corps et le genre en Occident, est paru
en 1992.
156 Le linguiste et l’inconscient
1. Je saisis cette occasion pour prendre mes distances avec le gros livre de Greville Corbett, Gender,
publié en 1991. J’apprécie la documentation, la plupart du temps de première main, sur quelque
200 langues, mais je suis en désaccord la plupart du temps avec les positions de l’auteur, notam-
ment sur le problème du genre en anglais et sur la morphologie du genre en français.
158 Le linguiste et l’inconscient
1. Une telle distinction n’a rien de constant : le malais confère le même signifiant, sudara, indiffé-
remment au « frère » et à la « sœur ». Dans ce cas, c’est le lexique même qui néglige la différence
sexuelle.
Le sexe et la mort dans le langage 159
mène apparent d’accord. Qui vous dira si le je qui a écrit je suis pauvre et
triste est un homme ou une femme ?
Les adjectifs pauvre et triste, « épicènes », masquent le phénomène de
l’accord. Il serait marqué à l’écrit dans je suis gaie ou affligée, à l’oral et à
l’écrit dans je suis furieuse. Toutefois, l’accord en genre des adjectifs avec
je et tu présente une particularité. Comme je et tu ne comportent pas la
catégorie du genre, l’accord se fait non pas sous l’effet d’une contrainte
grammaticale, comme c’est le cas quand c’est un nom qui impose l’ac-
cord, mais par référence directe au sexe de la personne qui parle ou à
laquelle il s’adresse.
2 / Il semble cependant que l’absence de taxinomie morphologique
de l’inventaire des noms soit représentée dans un moins grand nombre
de langues que le phénomène inverse : leur répartition entre un certain
nombre de catégories. Ici, il est indispensable d’ouvrir une seconde
dichotomie, et de faire allusion – rapidement – à une distinction
importante, quoique toujours très problématique : celle des langues à
classes1 et celle des langues à genres. Le problème a donné lieu à des
débats complexes et forcenés, qui ont pu faire dire à certains que le
français est une langue à classes ! Ou à annuler la différence entre genre
et classe. Je me contenterai, très sommairement, des approximations
suivantes :
1 / Les classes, dans les langues qui comportent ce type de caté-
gorie, sont généralement nombreuses : 7 en kisie (langue des confins de
la Guinée, de la Sierra Leone et du Libéria, voir Milimouno, « Genre
et classes dans les langues à classes d’Afrique », 1989), 17 en kirundi
(langue bantoue, voir Mel’cuk et Bakiza, « Le problème des classes en
kirundi », 1987), 25 en poular du Fouta-Djalon (en Guinée), et jus-
qu’à 40, selon Claude Hagège (La structure des langues, 1982), en nasioi
(langue des îles Salomon). Hagège cependant signale que le taos (au
Mexique) ne comporte que 3 classes. En revanche, les genres sont peu
nombreux : jamais moins de deux, par définition – sinon on retombe
dans le cas des langues sans classification des noms – et jamais plus de
trois, du moins dans la terminologie la plus courante.
2 / Les classes comportent des marques explicites et régulières, sous
la forme, généralement, de préfixes ou de suffixes. Un exemple simple
est fourni, en kirundi, langue du Burundi, précisément par l’opposition
1. On se gardera de confondre cet emploi du mot classe pour désigner une catégorie nominale de
celui qui a été employé au début du chapitre quand il s’agissait de distinguer la classe des noms de
celle des verbes.
160 Le linguiste et l’inconscient
Le cas des animés est rendu litigieux par la présence dans le lexique
de noms qui inversent le genre par rapport au sexe du référent.
Je laisse de côté le cas, pourtant fréquent, des animaux pourvus d’un
genre unique en dépit de leur différenciation sexuelle : on parle d’un
cachalot et d’une baleine sans tenir compte du fait qu’il y a des cachalots
femelles et des baleines mâles. L’existence pour une même espèce de deux
mots distinguant par le genre le mâle et la femelle est, selon Jean Dubois
(« Le genre dans les noms d’animaux », 1989), un fait exceptionnel : il n’y
a guère qu’une quarantaine d’espèces animales à bénéficier d’une telle
distinction, sur deux modèles : l’opposition morphologique du type
chien/chienne et l’opposition lexicale du type cerf/biche. Sur ces problèmes
de genre des espèces animales, Damourette et Pichon font des suggestions
intéressantes, notamment sur les oppositions qui s’observent entre des
espèces voisines, du type souris/rat, hibou/chouette ou grenouille/crapaud. Dans
la taxinomie zoologique naïve induite, notamment chez les enfants, par la
structure de la langue, les oppositions de ce type sont souvent interprétées
comme distinguant le mâle de la femelle. En général, le nom masculin
s’applique à l’espèce de grande dimension par rapport à l’autre espèce.
Le cas des discordances entre sexe et genre pour les humains est
également troublant pour l’étude des relations entre les deux notions.
Le phénomène le plus intéressant est évidemment celui des fonc-
tions traditionnellement réservées aux hommes au moment où elles
viennent à être occupées par des femmes. Se pose alors le problème de
la féminisation des noms désignant ces fonctions, par exemple celle de
Premier ministre. Le problème a donné lieu, depuis une bonne vingtaine
d’années, à de nombreux travaux et à des débats parfois passionnés.
Sur ce problème je me contente de cinq observations très générales.
Pour éviter tout malentendu, j’indique à l’avance que des observations
de ce type sont parfois utilisées comme arguments pour ou contre les
projets de féminisation. Pour ma part, je les livre à l’état brut, sans me
soucier de l’utilisation qui peut en être faite.
1 / Le projet de donner une forme féminine à tous les noms de
métiers et de fonctions repose sur le postulat implicite qu’il doit y avoir
un isomorphisme absolu entre la réalité « mondaine » du sexe et la
catégorie linguistique du genre : aucune fonction ne doit être assurée
par une femme sans bénéficier d’un nom féminin. Ce postulat n’est pas
totalement appuyé sur les données de la langue, qui, on l’a vu plus
haut, inverse dans certains cas le genre par rapport au sexe (cas de la
sentinelle ou du mannequin) ou donne un nom masculin ou féminin à des
êtres de l’un ou l’autre sexe (cas de l’individu ou de la personne).
168 Le linguiste et l’inconscient
français n’a jusqu’à présent été contourné que par la généralisation des
formules vocatives du type Français, Françaises ou travailleuses, travailleurs,
qui se sont substituées, dans le discours politique aux précédents Fran-
çais et travailleurs. Cependant, la propriété du masculin, ici masquée au
niveau du discours, subsiste dans les phénomènes d’accord, et ne pour-
rait y être annulée que par la manifestation redondante des éléments
accordés : ce jeune homme et cette jeune fille sont travailleur et travailleuse.
Avant d’en venir au problème de la mort et de son statut dans le
langage, je souhaite attirer tout particulièrement l’attention sur deux
points qui, quoique présents, sont sans doute restés pour une part
implicites dans ce chapitre.
Le premier a une portée très générale. Certains linguistes, à diffé-
rents moments de la réflexion sur le langage, ont émis l’opinion que la
catégorisation morphologique de l’opposition sexuelle n’est pas d’une
extrême utilité pour les fonctions de communication généralement
affectées aux langues. C’est un fait que la catégorie du genre semble
nettement moins utile à la communication que la catégorie du
nombre1. Les langues qui en sont privées ne semblent pas en éprouver
de graves inconvénients. On entend même souvent chanter les louan-
ges de l’anglais, qui a su éliminer le genre que lui avaient conféré ses
origines indo-européennes. Cependant, en dépit de cette fonctionnalité
contestée, la différence sexuelle donne lieu à une catégorisation mor-
phologique sous la forme du genre grammatical dans un nombre tout
compte fait important de langues. Elle y prend souvent une importance
considérable, au point d’influer, par sa terminologie, sur le lexique rela-
tif au sexe, comme on l’a observé à propos du latin, du français et de
l’anglais : c’est aujourd’hui le nom d’une catégorie grammaticale qu’on
donne au sexe ! On aperçoit la question à laquelle pourrait donner lieu
ce premier constat : comment s’explique cette propension d’un grand
nombre de langues à donner un statut linguistique si important à la
différence sexuelle ?
On retrouve ici le problème de l’éventuelle origine sexuelle du lan-
gage qui a longuement intéressé Freud, notamment dans la suite de
Hans Sperber, déjà évoqué dans le chapitre I. Cependant Sperber,
1. La catégorie du nombre, qui marque, à tout instant du discours, la quantité des objets désignés,
fonctionne d’une tout autre façon que le genre : un nom est, dans les conditions normales, pourvu
de façon constante d’un genre, mais est apte, selon les circonstances, à prendre la forme des deux
(ou plus de deux) nombres présents dans la structure morphologique de la langue. La catégorie du
nombre n’est, certes, pas universelle. Elle semble cependant plus rarement absente dans les lan-
gues que ne l’est celle du genre.
170 Le linguiste et l’inconscient
d’une façon qui continue à m’étonner, ne fait pas intervenir dans son
argumentation le problème grammatical du genre. Il se contente du
lexique, dans des conditions qui sont évoquées avec lucidité par Lacan :
Que des mots dont la signification était primitivement sexuelle aient fait tache
d’huile jusqu’à recouvrir des significations très éloignées ne veut pas dire pour
autant que tout le champ de la signification soit recouvert (Le Séminaire, Livre VII :
L’Éthique de la psychanalyse, p. 197).
C’est en effet ce que pose Sperber : le lexique des langues était ori-
ginellement limité à la désignation de ce qui était en relation avec le
sexe. Dans un déluge – pittoresque, érudit et, il faut l’avouer, souvent
presque convaincant – de références empruntées à de nombreuses lan-
gues, l’auteur décrit l’extension progressive des métaphores qui ont fait
« tache d’huile » en dehors du domaine sexuel pour générer l’entier du
lexique des langues. Et il énumère avec délectation les restes, non négli-
geables, qu’il repère, essentiellement dans les langues germaniques, de
cette signification originellement sexuelle des mots. Je laisse aux lec-
teurs francophones (et éventuellement autres...) le soin de trouver des
exemples du phénomène dans leur langue : ils ne manquent dans
aucune d’elles.
Le deuxième point à observer est au contraire limité, puisqu’il n’a
été allégué ici que sur un problème français et francophone. On
observe sur le problème de la féminisation des noms de métiers et de
fonctions le déchaînement de passions fortes. Les exemples foisonnent
dès que l’actualité met le problème à l’ordre du jour. On voit la ques-
tion que peut amener à poser ce constat : d’où vient la violence de ces
passions ?
BIBLIOGRAPHIE
AVERTISSEMENT
On n’a relevé que les noms cités dans le texte et les notes de l’ouvrage, et non
ceux qui apparaissent dans les indications bibliographiques. Les noms composés en
caractères romains sont ceux des auteurs. On a composé en italiques les noms de
lieux et les noms de personnages.
AVERTISSEMENT
Communication, 19, 20, 79, 155, 169. Équivoque, 13, 20-21, 95, 100, 101, 108, 130.
Concentration, 163, 164. Erzefilisch, 81.
Concept (chez Saussure, voir aussi signifié), Espagnol, 154, 156, 160.
35-36. Esprit (mot d’—), voir aussi Witz, 132.
Condensation (voir aussi Verdichtung), 14, 39, Essaim, 144.
48, 59, 61, 63, 91. Étoffées (formes —), 131.
Conditionnel, 30. Être, 68, 86.
Conscience, 37, 43, 138-142. Étymologie, 90-91, 99, 103.
Consécutivité, 14, 63. Euphémisme, 83-85, 93, 173.
Contenu, 151, 162-163, 165. Exclamation, 92.
Contingence, 145. Expansion, 163, 164.
Contraires (sens —), 11, 13-16, 32, 174. Explétif (ne —), 8, 94, 112-113, 119, 131.
Contrepet, 91, 110. Expressif (ne —), 94, 119.
Coquille, 54, 55. Expression, 71, 72, 150.
Cure, 9-11, 17, 18, 21, 41, 97.
Famillionnaire, 38, 39, 60, 64, 80, 113.
Da ( « ici » ), 90. Fantasme, 23-24, 60.
Danois, 74. Feinte, 20-21, 133.
Darstellbarkeit (voir aussi figurabilité), 59. Féminin (genre et sexe —), 7, 23, 43, 60, 71,
Déclinaison, 131. 73, 150, 151, 153-157, 160-161, 163-164,
Défini (art. —), 15, 95, 96, 126, 129, 130. 166-169, 172.
Défini (passé —), 106. Féminisation (des noms), 163, 167, 168,
Défunt, 172. 170.
Déplacement, 48, 59, 61, 66. Feu, 171-172.
Déponents (verbes —), 103. Figurabilité (voir aussi Darstellbarkeit), 59.
Descriptif (inconscient —), 37, 134, 140, Finnois, 158, 161, 162.
142. Finno-ougriennes (langues —), 158.
Désir, 65, 67, 106, 114, 119, 120. Forclusif, 115, 117.
Déterminant (du nom), 154, 156, 157. Forclusion (voir aussi Verwerfung), 93, 115-
Déterminant (dans l’écriture hyéroglyphique), 117.
13. Forme, 150-151.
Devinette, 37. Fort ( « là-bas » ), 90.
Diachronie, 20, 91, 99, 121, 142, 143, 145, Français, 8, 11, 16, 55, 89, 91-93, 102-121,
155, 161. 131, 151-154, 156, 160-169, 171-174.
Dictionnaire, 81, 152, 154.
Différence, 104, 141, 142, 146, 150-152, 156, Gender, 151-154, 157.
157, 163-164, 169, 176. Genre, 71, 73, 150-170.
Diminutifs (noms —), 163. Genus, 152-153.
Diminutive (valeur —), 163. Glose, 76, 82, 86.
Discordance, 93, 113-115, 117-121. Glossématique, 74.
Discordantiel, 115, 121, 131. Grammaire, 2, 3, 6, 8, 16-17, 89-121, 131.
Discours, 15, 17, 19, 75, 81-82, 97-99, 101- Graphe, 106, 113, 114.
103, 133, 162, 169, 176. Grec, 2, 92, 93, 113, 118, 152, 153, 156.
Discours courant, 47, 101. Grundsprache, 11, 93.
Disque ourcourant, 47, 101. Guillemets, 48, 71-73.
Doute (dans le rêve), 77.
Dravidiennes (langues —), 161. Hapax, 55.
Hasard, 20.
Écriture, 13, 77, 92, 98, 132, 133. Hâte en logique, 120-121.
Embrayeur, 103, 110-114. Hiéroglyphes, 13-14.
Enchantement, 18. Homonymes (noms —), 79, 82, 160.
Énoncé, 92, 110-111, 113, 114, 117-119. Homophonie, 25, 38, 65, 84, 91, 100, 101,
Énonciation, 18, 46-47, 92, 105, 109-114, 160, 166.
117-120, 131, 165. Hongrois, 158, 161, 162.
Épicène (adjectif —), 159, 168. Hypnose, 10.
Épithète (adjectif —), 154. Hystérie, 43, 65, 86.
Index des notions 185
Ich, 109. Littéral (sens —), 4, 23, 43, 55, 61, 65, 85,
Immortalité, 172. 114.
Imparfait, 94, 106-109. Littérature, 3, 6, 7, 18, 21-25, 91, 100, 126.
Imperfectifs (verbes —), 172. Locuteur, 72, 74, 165.
Impossibilité, 71, 82, 83, 85, 87. Locutif, 165.
Inconscience, 135, 139, 141.
Inconscient, 1-2, 4-6, 8-25, 29-50, 53-68, 69- Magie, 18-19, 35.
87, 89-121, 125-146, 149-176. Maistollmütz, 55, 81.
Indéfini (art. —), 5, 95, 98, 127-130, 140. Majuscule (lettre —), 36, 54, 55, 66.
Indicateur, 103, 110, 111. Malais, 158.
Indicatif, 103, 110, 111. Masculin (genre et sexe —), 71, 150-151,
Indifférencié (genre —), 150, 168. 153-157, 160, 161, 163, 164, 166-169, 172.
Indo-européen, 152, 161. Masculinisation (des noms), 168.
Indo-européennes (langues —), 157, 161, 169. Masochisme, 16-17, 23.
Interdiction, 82-84, 87, 174. Maternelle (langue —), 10, 93, 100.
Interrogation, 92. Mémoire, 37, 132.
Intersubjectivité, 101. Mensonge, 24-25, 133.
Italiques (caractères), 71. Mention, 73.
Italien, 38, 156. Merdre, 4.
Métadiscours, 80.
Metajezyk, 74.
Japonais, 129, 131-133.
Métalangage, 5-7, 21, 35, 64, 69-87, 94.
Je, 47, 102, 105-107, 109-112, 114-115, 119-
Métalangue, 80.
120, 158-159.
Métaphore, 16, 17, 48, 92, 94, 96, 98, 110,
Jurement, 85. 165, 170.
Métarêve, 78.
Khasi, 158. Métasémiotique, 21, 75, 76.
Kirundi, 159-161. Metasprog, 74.
Kisie, 159, 161. Métathèse, 14.
Koasati, 158. Mimique, 72.
Kun-yomi, 132. Minuscule (lettre —), 54, 55.
Mischwort, 38.
Lalangue, 70, 93, 95, 100, 130-131, 134, 145. Mnésique (image, reste, trace —), 34, 37, 44.
Lallation, 100. Mode (du verbe), 102, 150.
Langage, 4-25, 29-50, 69-87, 89-121, 125- Moi, 56, 109.
146, 149-176. Mondain (sens —), 71, 84, 153, 154.
Langage-objet, 78, 80. Morphème, 117.
Langue, 10-11, 13, 89, 92-93, 97-100, 118, Morphologie, 8, 89, 109, 149-152, 156-170,
121, 130, 132, 136, 143, 145, 150, 153, 171-172.
166, 171, 176. Mort, 8, 18, 23-25, 82-84, 87, 108, 149, 166,
Langue fondamentale (voir aussi 169, 170-176.
Grundsprache), 93. Mortphologie, 149.
Lapsus, 29-30, 39-40, 56, 117, 132. Mot, mots, 18-19, 29-50, 53-68, 69-87.
Latente (conscience —), 139. Mot (dans l’inconscient), 7, 44, 48, 53-68, 81.
Latin, 2, 90-92, 118, 152-154, 156, 168, 169. Mot-valise, 38.
Lettre, 6, 24, 39, 43, 54, 55, 62, 66-68, 77, Motus, 31.
78, 98, 100, 103, 133, 143. Moyenne (voix —), 16-17, 92, 103.
Lexique, 8, 70, 71, 149, 151, 152, 155, 158,
161, 168, 170, 171, 173-174. Nasioi, 159.
Linéaire (caractère — du signifiant), 14, 61, Négation, 25, 31-32, 73, 85, 92-94, 103, 114-
63, 86, 99, 143-144. 121, 174-176.
Linguiste, 1-2, 5, 8, 15, 30-31, 63, 69-71, 79- Négation (symbole de la —), 115, 118, 175.
82, 89, 97-101, 115, 117, 125, 129, 137, Negationssymbol, 115, 175.
139, 149-150, 164, 169, 175. Négative (valeur —), 36.
Linguistique, 3, 6, 13-15, 30-31, 46, 49, 63, Négativité, 175, 176.
71, 73-74, 95, 102, 129, 131, 136-137. Néologisme, 9, 55, 60, 64, 76, 81, 149.
186 Le linguiste et l’inconscient
Neutre (genre —), 150, 153, 154, 156, 160, Préconscient, 37, 41, 43-44, 46, 57-58.
161, 166, 168. Préfixe, 14, 32, 55, 56, 66, 127, 159-160.
Névrose, 9. Préposition, 96.
Nom, 18, 22, 23, 54, 62, 64, 66, 68, 70, 80, Présent, 105, 108, 109, 111.
82, 84-87, 91, 149-174. Prétérit, 109.
Nombre, 71, 150, 163, 169. Primaire (processus —), 43, 59, 60, 63, 64.
Nom propre, 38, 60-62, 64, 66, 83, 112. Prisonniers (les trois —), 108, 120-121.
Nominalisme, 24. Procès, 78, 105.
Nominatif, 62, 91, 152. Profane (analyse —), 6, 17-19.
Non animés (noms —), 161, 164, 165. Psychanalyse, 1, 3, 6-7, 9-10, 12-19, 21, 30-
Non-personne, 94. 31, 73, 102, 121-122, 130-131, 133, 135-
Norekdal, 55, 57, 81. 137, 174.
Psychoanalyse, 9, 11.
On-yomi, 132. Psychologie, 135.
Opposition, 90, 99, 131, 142, 143, 153, 161, Psychonévrose, 40.
163, 167, 171. Psychose, 116.
Optatif, 103. Pulsions, 16, 115, 175.
Organe (langage d’—), 42, 65. Punition, 83-86.
Orthographe, 62, 168.
Oubli, 38. R, 4, 32, 83.
Ouvre-bouteille, 113, 114. Rapport sexuel, 69, 94.
Récit de rêve, 4, 7, 53-68, 76, 78.
Par (voir aussi comme), 96, 130. Réel (le —), 116.
Paradigme, 99. Référence, 36, 61, 85.
PARA-écrivian, 7, 53-68, 81, 82, 86.
Référent, 35, 36, 38, 56, 61, 62, 83-86, 97,
Parfait, 106.
100, 110, 111, 167.
Parole, 10, 15, 18-19, 29-31, 36, 78, 97-99,
Refoulement, 16, 49, 50, 58, 116, 140.
101, 102, 121, 132, 143, 165.
Représentation de chose, 34, 44-46, 48, 58.
Partitif (art. —), 126.
Passé, 105. Représentation de mot, 33-34, 44-46, 48, 58.
Passif (non-animé —), 161. Rêve, 4, 7, 13, 25, 39, 43, 53-68, 75-78, 86,
Passive (voix —), 16-17, 24. 103, 114, 115, 132, 166.
Pastout, 130. Rêve-objet, 75-77.
’Pataphysique, 3. Romanes (langues —), 160, 161.
Perfectifs (verbes —), 172. Russe, 110, 154, 156.
Performatif (énoncé —), 17, 85, 101-102.
Performativité, 102. Sachvorstellung (voir aussi représentation de chose),
Personne (grammaticale), 53, 92, 94, 112. 45, 46, 48.
Personnels (pronoms —), 7-8, 131, 154, 157- Sadisme, 16, 23.
158, 162. Sado-masochisme, 23.
Personnification, 166. Schizophrénie, 40-43, 59, 86.
Phonème, 61, 90. Sémantique, 5, 36, 90.
Phonologie, 90, 103, 139. Sémitiques (langues —), 158.
Phrase, 57, 92. Sémiotique, 3, 5, 61, 84.
Pire, pis, 168. Sémiotique (objet —), 75, 77.
Plagiat, 126. Sens, 40, 55, 56, 61, 151-155.
Pleine (parole —), 101-102. Serment, 85.
Pluriel, 71, 129. Sex, 154.
Poésie, 24, 143. Sexe, 8, 43, 60, 149-170.
Polonais, 74. Sexualisation, 91, 166.
Polyphonie, 143. Sexuisemblance, 165-166.
Ponctuation, 92. Shifter, 103, 110-114.
Pôor(d)j’e-li, 65. Signe, 4, 5, 35-36, 63, 70, 86, 87, 90, 103,
Portugais, 156. 138, 176.
Possessifs (déterminants —), 156-157. Signifiant, 13, 14, 24, 25, 32, 35-36, 45, 47,
Poular, 159. 48, 50, 58, 61, 64, 65, 67, 70, 78, 86, 91,
Index des notions 187
94, 99, 101, 104, 121, 142, 145, 150, 151, Taxième, 117, 119.
172, 176. Temps, 7, 92, 103, 105-109, 150, 163.
Signification, 35-36, 61, 176. Ténues (formes —), 131.
Signifié, 13, 32, 35-36, 86, 111, 121, 142, Terminologie, 140, 150, 151, 163, 164, 169.
151, 162, 172, 176. Thaï, 158.
Signorelli, 38, 39, 60, 64. Topique (inconscient —), 140-142.
Silence, 6, 8, 32, 70, 110, 111, 135, 141, 142. Transfert, 41.
Singulier, 71, 128, 129. Triskel, 64.
Sonore (image —), 34, 36. Tu, 104, 111, 112, 158, 159.
Sophisme, 108, 120-121. Tutelrein, 55.
Spaltung, 113.
Sprachapparat ( « appareil de langage » ), 12. Univoque (communication —), 20.
Sprache ( « langue » et « langage » ), 13. Usage, 73.
Sprachwissenschaft, 13-14.
Structuralisme, 135. Verbe, 7, 24, 35, 92, 97, 105-109, 118, 150,
Structure, 41, 46, 47, 49, 89, 94-98, 100, 157, 172.
101, 118, 128, 133, 142, 146. Verbum, 97.
Stylistique, 3, 5. Verdichtung (voir aussi condensation), 14, 39, 63.
Subconscient, 134, 139. Verdrängung (voir aussi refoulement), 116.
Sublimation, 16. Véridique (parole —), 101.
Substantif, 23, 35, 37. Vérité, 101, 120, 133, 166.
Subtiles (formes —), 131. Verneinung (voir aussi négation), 41, 115, 175.
Suffixe, 67, 159, 160, 163. Verwerfung (voir aussi forclusion), 92, 116-117,
Sujet, 65, 92, 105-107, 109, 110-114, 119- 119.
121, 131, 136, 138, 143, 145, 166. Vide (parole —), 101, 102.
Suppositio materialis, 74. Vie, 151, 171.
Syllabe, 38, 39, 61, 73, 84, 98. Voix (active, passive, moyenne), 16-17, 150.
Symbole, 20, 42, 115, 166, 175. Voix (de l’être parlant), 19.
Symbolique (le —), 116. Vorstellungsrepräsentanz, 49-50, 58.
Symbolique (fonction —), 90.
Synchronie, 91, 99, 121, 142, 143. Witz, 39-40, 56, 90, 113, 132.
Synonyme, 71, 79, 173. Wort (voir aussi mot, mots), 18-19, 33, 48, 81.
Syntagmatique (axe, rapport —), 139. Wortvorstellung (voir aussi représentation de mot),
Syntagme, 99, 150-151. 34, 45, 46, 48.
Syntaxe, 20, 89, 92, 143, 162.
Système, 99, 100, 121, 136, 143, 146, 170. X, 23, 24.
Systémique (inconscient —), 140.
Yiddisch, 133.
Tabou, 18, 82-86, 174.
Talking cure, 10-11. Zauberei (voir aussi enchantement et magie), 18,
Taos, 159. 19.
Taxièmatique, 8. Zoologisme, 136.
FORMES SÉMIOTIQUES
COLLECTION DIRIGÉE PAR
ANNE HÉNAULT