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Hypnotiques intraveineux
Pascal Adnet †
Sommaire
Abréviations INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
AIVOC : anesthésie intraveineuse à objectif de PROPOFOL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
concentration THIOPENTAL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
AMM : autorisation de mise sur le marché
KÉTAMINE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
d’un médicament (délivrée par l’Agence
française du médicament) ÉTOMIDATE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
ASA : American Society of Anesthesiology GAMMA-HYDROXYBUTYRATE DE SODIUM (GAMMA-OH) . . . . . . . 11
EEG : électroencéphalogramme BENZODIAZÉPINES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
GABA : acide gamma-aminobutyrique CRITÈRES DE CHOIX DES ANESTHÉSIQUES INTRAVEINEUX . . . . . . . 16
Gamma-OH : gamma-hydroxybutyrate CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
de sodium
© Groupe Liaisons SA, février 2001. La photocopie non autorisée est un délit.
NMDA : N-méthyl-D-aspartate
PaCO2 : pression artérielle partielle en gaz
carbonique
PM : poids moléculaire (exprimé en daltons)
ppi : pour préparations injectables
SNC : système nerveux central
Vdss : volume de distribution à l’équilibre
Introduction
Les anesthésiques intraveineux ont tous plus de dix ans mais, depuis quelques années, une nouvelle modalité d’adminis-
tration est apparue : le concept d’Anesthésie Intra-Veineuse à Objectif de Concentration (AIVOC), qui s’est développé avec le
propofol essentiellement. Ailleurs, d’anciens produits ont connu un regain d’intérêt comme la kétamine, molécule qui
inhibe l’action du glutamate, acide aminé neuro-excitateur prédominant dans le cerveau, ce qui expliquerait ses effets pro-
tecteurs sur l’ischémie cérébrale. D’autres agents sont nettement en perte de vitesse comme le gamma-hydroxybutyrate de
sodium, à moins que de nouvelles propriétés ne soient découvertes. Le plan de ce chapitre sera le même pour chaque agent.
Après un rappel des principales propriétés pharmacocinétiques seront exposées les propriétés pharmacodynamiques avec,
dans chaque cas, une mise au point référencée des dernières découvertes en matière de pharmacologie.
Propofol PHARMACOCINÉTIQUE
Elle est résumée dans le tableau 1. Le propofol est liposoluble, ce
Le propofol (Figure 1) est un composé phénolique présenté en qui favorise sa fixation au niveau du système nerveux central où il
émulsion lipidique à 1 % contenant 10 % d’huile de soja, 1,2 % de exerce une action non spécifique sur les membranes lipidiques. Après
phosphatidide d’œuf et 2,25 % de glycérol. Il est commercialisé en injection unique, sa distribution dessine trois courbes exponentielles :
ampoules de 20 mL dosées à 200 mg (10 mg/mL), en seringues pré- une courbe initiale de distribution rapide, une phase de distribution
remplies de 50 mL et en flacons de 50 et 100 mL à la même concen- lente qui correspond à l’élimination et une troisième phase de relar-
tration. Le produit est stable pendant au moins 30 mois dans son gage lent du propofol à partir des territoires les moins vascularisés [2].
conditionnement d’origine à température comprise entre 4 et 22 °C.
La réfrigération n’est pas recommandée. Il faut agiter l’émulsion avant BIOTRANSFORMATION
emploi et ne pas la conserver plus de 6 heures après ouverture. Ses
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Siège du métabolisme : fraction enzymatique microsomiale du foie
principales caractéristiques pharmacologiques sont la rapidité et la
(cytochrome P450) [6].
courte durée d’action, l’absence d’effet analgésique et un réveil rapide.
Étapes : glucuro- et sulfoconjugaison.
Métabolites : glucuronide du propofol, dérivés sulfo- et glycuro-
PROPRIÉTÉS PHYSICOCHIMIQUES conjugués du di-isopropyl-1,4-quinol [7].
La solution de propofol est incolore, insoluble dans l’eau, et son Élimination : urinaire 98 % (0,3 % sous forme inchangée) ; 2 %
coefficient de partition octanol/eau est de 5 012/1 ; sa liaison aux fécale (négligeable).
protéines plasmatiques est de l’ordre de 98 % ; il passe facilement la
barrière fœtoplacentaire [1] ; son poids moléculaire est de 178 Da. ● Tableau 1 Pharmacocinétique du propofol
Élimina- Concentra-
Clairance Demi- tion sous tion plas-
Vdss
Terrain (mL/min/ vie forme matique
(L/kg)
kg) (h) inchangée effective
(%) (µg/L)
CH3 OH CH3
Adulte 4 55 1-2 0,3 1,5 à 7
Enfant (1 mois 6 48 1-4 0,3 ?
à 3 ans)
H3C CH3
Cirrhose 3,1 27 - - -
Ins. rénale 23 13 - - -
Vdss : volume de distribution à l’équilibre ; (?) : absence de données connues ; (-
) : cinétique non modifiée (la cinétique du propofol est peu modifiée en cas de
● Figure 1 Formule chimique du propofol cirrhose du foie ou d’insuffisance rénale).
Le propofol provoque une diminution dose-dépendante de la avec les règles établies d’utilisation des émulsions lipidiques, la perfu-
pression artérielle systolodiastolique et une diminution modérée de sion de propofol ne devra pas excéder 12 heures. À la fin de toute
la fréquence cardiaque, sans modification de la sensibilité des baro- perfusion, ou au plus tard après 12 heures d’utilisation, le matériel de
récepteurs. La dépression myocardique directe reste modérée (blo- perfusion doit être jeté et remplacé chaque fois que nécessaire.
cage sélectif des canaux sodiques [12]). Globalement, on note une
baisse modérée du débit cardiaque, une diminution du débit sanguin
coronaire et de la consommation d’oxygène du myocarde. Les résis-
tances vasculaires périphériques diminuent de façon nette en cas ● Tableau 2 Indications du propofol
d’hypovolémie, de dysfonctionnement du ventricule gauche ou chez
Indication Posologie
le sujet âgé.
Induction anesthésique Adulte : 2-2,5 mg/kg en IV lente (environ
■ Système respiratoire 30 s) ou perfusion rapide en 2 min (mieux
Le propofol entraîne une dépression respiratoire et abaisse la fré- tolérée chez le sujet âgé, le sujet hypovolé-
quence et le volume courant. Une apnée transitoire est possible au mique ou l’insuffisant cardiaque)
pic plasmatique. Cette dépression respiratoire est plus prolongée Enfant : 2,5 à 4 mg/kg en IV directe
qu’avec une dose équivalente de thiopental. La relaxation marquée (environ 30 s)
des muscles laryngés facilite l’insertion d’un masque laryngé et l’intu- Entretien anesthésique Adulte : 6 à 15 mg/kg/h (variable selon ter-
bation trachéale en l’absence de tout myorelaxant. Le propofol n’est rain, chirurgie, médication concomitante)
pas bronchoconstricteur. Enfant : 10 à 20 mg/kg/h
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conjointe de médicaments et de la réponse clinique de chaque • À utiliser avec prudence chez l’insuffisant cardiaque ou respira-
patient. Après l’arrêt de la perfusion, le patient ouvre les yeux lorsque toire grave.
la concentration de propofol précalculée par l’ordinateur est
comprise entre 1 et 2 µg/mL.
Obésité*** - - - - -
BIOTRANSFORMATION
Siège du métabolisme : fraction enzymatique microsomiale du foie (-) : pas de modification de la cinétique ; (*) : l’augmentation de la fraction libre
(cytochrome P450). du thiopental augmente le volume total apparent de distribution ; (**) : une aug-
Étapes : métabolisme en acide thiobarbiturique par l’action des mentation du volume initial de distribution diminue la concentration plasma-
mono-oxygénases hépatiques et des désulfurases, puis tique initiale pour une dose unique, ce qui explique en partie les phénomènes
glucuroconjugaison ; une faible fraction (2 à 3 %) est métabolisée en de résistance au thiopental chez l’alcoolique ; (***) : après une dose unique, le
pentobarbital. délai et la durée d’action sont les mêmes chez le sujet obèse et le sujet maigre.
Élimination : urinaire (70 % sous forme métabolisée, 30 % sous
forme inchangée). ● Tableau 5 Pharmacologie clinique après une administration unique
de thiopental
PHARMACODYNAMIQUE
Voie Délai d’action Effet maximal Durée d’action
■ Mode d’action IV 20-40 s 60 s 7 à 15 min
Différents mécanismes ont été proposés pour expliquer les effets
du thiopental, comme une activation des récepteurs alpha-aminobu- Rectale 8-10 min 15 min 20-40 min
donc le débit sanguin coronaire (risque d’ischémie myocardique chez Relatives : insuffisance hépatique ou rénale, hypovolémie non
le coronarien). Par dépression myocardique directe et diminution du compensée, insuffisance cardiaque sévère, insuffisance surrénalienne
tonus sympathique (baroréflexe), le thiopental abaisse le débit cardia- (maladie d’Addison), anémie sévère, myasthénie.
que. Ces effets sont habituellement bien tolérés chez le sujet normo- Restriction d’AMM (AMM française) : aucune. Grossesse : caté-
volémique à cœur sain, mais très mal chez le sujet hypovolémique ou gorie C de risque de la FDA. Liste II en France.
souffrant de cardiopathie décompensée.
■ Pharmacologie clinique après une injection unique
■ Système respiratoire Les caractéristiques cliniques en utilisation unique sont résumées
Initialement, le thiopental provoque quelques mouvements dans le tableau 5.
d’hyperpnée puis, après une apnée transitoire, s’installe une dépres-
sion respiratoire avec diminution de la fréquence et du volume ■ Limites et précautions d’emploi
courant. Le thiopental n’est pas à proprement parler broncho- Le thiopental fait courir un risque d’ischémie myocardique chez le
constricteur, mais il peut parfois provoquer un bronchospasme par coronarien mal équilibré, et de collapsus cardiovasculaire en cas de
stimulation cholinergique [30]. cardiopathie décompensée. L’hypovolémie augmente l’effet initial, la
durée d’action et le risque de dépression cardiocirculatoire.
■ Autres systèmes En raison de son élimination lente, le thiopental risque de s’accu-
Le thiopental diminue le débit sanguin rénal de façon parallèle à la muler, ce qui le contre-indique pour l’entretien de l’anesthésie.
baisse du débit cardiaque. Il traverse la barrière placentaire, puis se Il est préférable d’utiliser la concentration à 2,5 % afin de limiter les
redistribue très rapidement chez la mère, ne provoquant donc pas de conséquences d’une injection extraveineuse accidentelle et d’obtenir
dépression fœtale à la dose de 3 mg/kg pour une césarienne. Enfin, il un retour veineux franc et rapide.
diminue la pression intra-oculaire.
■ Schémas pratiques d’utilisation du thiopental
UTILISATION CLINIQUE Le thiopental reste l’anesthésique de référence pour l’induction
Les modalités d’utilisation du thiopental sont résumées dans le chez le sujet non choqué à l’estomac plein.
tableau 6.
INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES
■ Indications Le thiopental peut interférer avec des traitements cardiotropes en
Le thiopental est un agent d’induction anesthésique. Toutes anes- cours (bêtabloquants, antiarythmiques et inhibiteurs calciques). Ses
thésies (sauf ambulatoire) chez le sujet ASA I et II sont ses indications principales interactions médicamenteuses sont rapportées dans le
privilégiées. En réanimation, l’agent est utilisé dans le traitement de tableau 7.
l’état de mal convulsif (après échec des autres thérapeutiques), et
EFFETS SECONDAIRES ET SURDOSAGE
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comme protecteur cérébral lors de poussées d’hypertension intracrâ-
nienne. Ils sont multiples : excitations et tremblements à l’induction ;
nécroses tissulaires en cas d’injection extraveineuse, ischémie du
■ Contre-indications membre en cas d’injection intra-artérielle (spasme artériel) ; histami-
Absolues : porphyrie aiguë intermittente, anesthésie ambulatoire, nolibération (rash cutané fréquent, choc anaphylactique plus rare) ;
état de mal asthmatique, allergie aux barbituriques, obstruction respi- thrombophlébite locale ; laryngo- et bronchospasme possibles ;
ratoire, défaillance cardiocirculatoire. nausées et vomissements postopératoires, toux, hoquet.
Élimina- Concentra-
Clairance tion sous tion plas-
NH Vdss Demi-vie
Terrain (mL/min/ forme matique
(L/kg) (h)
kg) inchangée effective
(%) (µM/L)
CH3 Adulte 3,5 10 2-3 5 (urines) 10
vements restent possibles. Les réflexes laryngés, pharyngés et de déglu- opératoire, déshydratation ou hémodynamique précaire (tamponade,
tition sont conservés mais ne mettent pas complètement à l’abri d’une cardiopathie cyanogène), anémies, hypovolémies. Elle a également été
inhalation (intubation trachéale et manœuvre de Sellick restent néces- proposée pour l’analgésie intraveineuse, à doses subanesthésiques,
saires). Elle augmente la pression intracrânienne, le débit sanguin céré- dans les syndromes douloureux chroniques. Enfin, elle a été utilisée
bral et la consommation cérébrale d’oxygène, mais une sédation par en analgésie épidurale et intrathécale lors de syndromes douloureux
l’association propofol-kétamine diminuerait la pression intracrânienne chroniques, d’algodystrophies ou en analgésie postopératoire.
chez le traumatisé crânien [35]. À l’EEG, il apparaît des ondes thêta fron-
tales puis généralisées. Au réveil, l’apparition de rêves, d’hallucinations ■ Contre-indications
voire d’expériences extracorporelles est dose-dépendante [36]. Absolues : elles sont nombreuses et comportent l’hypersensibilité à
la kétamine, la porphyrie, l’hypertension artérielle sévère, l’hyperten-
■ Système cardiovasculaire sion intracrânienne, le coronarien sévère non équilibré, l’infarctus de
La kétamine augmente la pression artérielle systolodiastolique, le moins de 6 mois, l’éclampsie et les états pré-éclamptiques, la thyréo-
débit cardiaque, la fréquence cardiaque, le débit sanguin coronaire et toxicose, les maladies psychiatriques.
la consommation myocardique d’oxygène, indirectement par le biais Relatives : chirurgie ophtalmologique, chirurgie du carrefour pha-
d’une stimulation sympathique. À forte concentration cependant, elle ryngolaryngé, toxicomanies, éthylisme sévère (état de prédélirium),
exerce un effet dépresseur myocardique direct [37]. Enfin, elle aug- épilepsie, risque d’hyperthermie maligne.
mente les pressions artérielles pulmonaires et possède une action
antiarythmique quinidine-like. ■ Restriction de prescription (AMM française)
Les indications analgésiques pures et l’administration épidurale ou
■ Système respiratoire intrathécale de kétamine n’ont pas d’AMM.
La kétamine est un faible dépresseur respiratoire. Elle induit une
bradypnée avec augmentation de l’amplitude respiratoire et diminue ■ Limites et précautions d’utilisation
la réponse ventilatoire à l’hypercapnie chez l’enfant. Elle diminue la Une prémédication par un vagolytique est recommandée avant
compliance thoracopulmonaire (hypertonie musculaire) et entraîne l’utilisation de kétamine. On peut atténuer les effets psychodyslep-
une bronchodilatation par diminution de la concentration de calcium tiques en administrant simultanément des benzodiazépines (mida-
intracellulaire [38, 39]. zolam plus efficace que diazépam) ; le réveil dans une ambiance
calme ne modifie en rien l’incidence des hallucinations mais un entre-
■ Autres systèmes tien préanesthésique expliquant ces phénomènes semble aussi effi-
En obstétrique, la kétamine ne provoque pas d’atonie utérine, et cace qu’une prévention pharmacologique.
pas de dépression respiratoire ou cardiocirculatoire chez le fœtus.
Elle augmente la pression intra-oculaire, provoque une hypertonie ■ Pharmacologie clinique après une injection unique
musculaire diffuse, sans chute de la langue, et une hyperglycémie. Les caractéristiques cliniques en utilisation unique sont résumées
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dans le tableau 9.
UTILISATION CLINIQUE
Les modalités d’utilisation de la kétamine sont données dans le ■ Schémas pratiques d’utilisation
tableau 9, et sa pharmacologie clinique dans le tableau 10. Par voie Les schémas pratiques d’utilisation de la kétamine sont résumés
épidurale, la durée d’action de la kétamine est de l’ordre de 4 heures. dans le tableau 10.
La kétamine a été utilisée pour réaliser une anesthésie locorégionale
intraveineuse (suivie d’une anesthésie générale à la levée du garrot). ● Tableau 10 Modalités d’utilisation : posologies et modes d’administration
de la kétamine
■ Indications
La kétamine est utilisée pour l’induction et l’entretien de l’anesthésie Voie Adulte Enfant
dans certaines circonstances : pansements de brûlés, enfant, sujet âgé Induction (IVD) 1-2 mg/kg 2-3 mg/kg
(action bêtastimulante), asthmatique, exploration douloureuse, obsté-
Entretien 15-45 µg/kg/min 15-45 µg/kg/min
trique [40], sédation de complément, transport, choc, médecine de (Perfusion)
catastrophe [41], anesthésie en situation de pénurie, analgésie post-
IVD dose après 15-20 min dose après 15-20 min
● Tableau 9 Pharmacologie clinique de la kétamine après une dose unique IM 5-10 mg/kg 5-15 mg/kg
Rectale - 8-10 mg/kg (résorption
Délai Effet Durée Durée peu prévisible)
Voie
d’action maximal d’action du réveil
Orale - 3 à 6 mg/kg
IV < 1 min 2 min 5-12 min 60 min
Épidurale 0,2-0,4 mg/kg 0,2-0,5 mg/kg
IM-rectale 3-5 min 12-15 min 15-30 min 3-4 h
(-) : non utilisé ; la kétamine peut être utilisée à faibles doses IV (0,2 à
Orale 20 min 30 min 45 min 120 min 0,5 mg/kg) pour obtenir une analgésie.
● Tableau 12 Caractéristiques pharmacocinétiques de l’étomidate fréquence respiratoire. Il ne comporte pas de risque de laryngo-
spasme ni de bronchospasme (non histaminolibérateur). Hoquet et
Concentra- toux sont possibles.
Élimina-
Clairance tion plas-
Vdss Demi-vie tion
Terrain (mL/min/ matique
(L/kg)
kg)
(h) inchangée
effective ■ Autres systèmes
(%)
(µg/L) L’étomidate inhibe la sécrétion corticosurrénalienne par inhibition
Adulte 4,5 11 4-5 15 2 de la synthèse des stéroïdes au niveau de l’enzyme 11β-hydroxylase,
dépendante du cytochrome P450 . La sécrétion du cortisol est dimi-
Enfant 2,5 22 3-5 nuée et son précurseur, le 11-désoxycortisol, s’accumule. La sécrétion
d’aldostérone est diminuée et celle d’ACTH augmente (rétrocontrôle).
Cirrhose ➚ ➘➘ ➚
L’inhibition dure de 4 à 6 h après une dose d’induction. En cas de
déficit en cholinestérase, l’étomidate augmente la durée d’action de la
PHARMACODYNAMIQUE succinylcholine. Enfin, l’étomidate diminue la pression intra-oculaire.
■ Mode d’action
L’étomidate potentialise les effets inhibiteurs de l’acide gamma- UTILISATION CLINIQUE
aminobutyrique en augmentant son affinité pour le récepteur GABA-A
du système nerveux central [42]. Il augmente ainsi la perméabilité du ■ Indications
canal chlore, provoque une hyperpolarisation membranaire et diminue L’étomidate est un agent d’induction anesthésique recommandé
l’excitabilité du SNC. quand l’hémodynamique est instable, chez le patient déshydraté,
anémique, hypovolémique ou en état de choc, et chez le sujet atopi-
■ Système nerveux central que. On peut l’utiliser pour les séquences d’intubation rapide, l’anes-
thésie ambulatoire, l’anesthésie en obstétrique et en administration
L’effet hypnotique dépend de la dose injectée et de la vitesse
continue pour tous types de chirurgie. L’étomidate est un excellent
d’injection. L’étomidate n’a aucun effet analgésique. Les réflexes pho-
hypnotique pour l’anesthésie ambulatoire, en particulier chez le sujet
tomoteurs et cornéens, les réflexes pharyngolaryngés et les réflexes
âgé ou fragile, et pour les gestes peu douloureux (ne requérant pas
de déglutition sont conservés. Les pupilles restent en myosis. L’étomi-
l’administration de fortes doses de morphiniques). Il ne s’accumule
date induit une vasoconstriction cérébrale avec diminution propor-
pas de façon significative tant que l’entretien de l’anesthésie par per-
tionnelle du débit sanguin cérébral (- 34 %, sauf au niveau des zones
fusion continue n’excède pas 2 heures.
tumorales où le débit n’est pas modifié), une diminution de la con-
sommation d’O2 sans modification de la pression artérielle moyenne
(conservation de la pression de perfusion cérébrale) et une diminu- ■ Contre-indications
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tion de la pression intracrânienne. À l’EEG, on note un rythme alpha Absolues : l’insuffisance surrénalienne et l’épilepsie sont des
suivi d’une activité lente delta et thêta. Une activation de foyers épi- contre-indications formelles de l’étomidate.
leptogènes préexistants est possible. Enfin, l’étomidate provoque fré- Relatives : l’insuffisance hépatique, la grossesse (en dehors de
quemment des myoclonies par désinhibition de l’activité motrice l’obstétrique), la porphyrie, le déficit en pseudocholinestérase sont
extrapyramidale à l’induction et récupération plus rapide du système des contre-indications relatives à son emploi. Les ampoules à
extrapyramidal au réveil. 125 mg/mL doivent toujours être diluées au préalable dans une solu-
tion saline ou glucosée.
■ Système cardiovasculaire
L’étomidate diminue modérément la pression artérielle et ne modi- ■ Restriction d’AMM
fie pas la fréquence cardiaque, le débit cardiaque ni les pressions de Enfant de moins de 2 ans ; grossesse, catégorie C de risque de la
remplissage. L’augmentation de la dose ne s’accompagne pas d’une FDA. Liste 1 en France.
modification parallèle des variables hémodynamiques. Le myocarde
pathologique n’est pas plus sensible aux effets de l’étomidate que le
■ Précautions d’emploi
myocarde sain ; le débit coronaire augmente légèrement (+ 19 %) et
Il faut diminuer les doses d’étomidate en cas d’insuffisance hépati-
les résistances coronaires diminuent (- 19 %) ; la perfusion coronaire
que, chez le patient âgé et quand l’hémodynamique est instable. Lors
et la consommation d’O2 du myocarde sont conservées. L’étomidate
des administrations prolongées, il faut y associer des corticoïdes
n’altère pas la fonction des barorécepteurs (absence d’effet sur le sys-
(dexaméthasone : 4 mg/j) pour prévenir une insuffisance surréna-
tème nerveux végétatif) ce qui explique, en partie, son excellente tolé-
lienne.
rance hémodynamique.
respiratoire pharmacodynamique
(effet additif) 4-hydroxybutyrique sous forme de sel de sodium (2,42 g par
ampoule) (excipient : eau ppi).
Médicaments à faible Augmentation Inhibition
coefficient des effets de du métabolisme
d’extraction ces médicaments hépatique de PROPRIÉTÉS PHYSICOCHIMIQUES
hépatique (diazépam) ces médicaments Le gamma-hydroxybutyrate de sodium a un poids moléculaire de
Protoxyde d’azote Retard de réveil Baisse du débit 126,1 Da. C’est un métabolite naturel de l’acide gamma-hydroxybuty-
sanguin hépatique rique (GABA) qui a des fonctions physiologiques de neurotransmet-
teur et de neurorégulateur.
■ Schémas pratiques d’utilisation
Les posologies et modalités pratiques d’utilisation clinique de l’éto-
PHARMACOCINÉTIQUE
midate sont détaillées dans le tableau 14. La cinétique du gamma-hydroxybutyrate de sodium n’est pas
Une prise orale d’étomidate a été expérimentée avec succès (séda- complètement élucidée. Il ne se lie pas aux protéines plasmatiques et
tion) aux doses de 25, 50 et 100 mg [31]. traverse la barrière placentaire.
INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES
Les interactions médicamenteuses de l’étomidate sont rappelées CH3 O
dans le tableau 15.
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fois, il augmente l’excitabilité myocardique. 15-30 mg/kg/h.
Gamma-hydroxybutyrate de sodium
• Agent d’induction pour anesthésie de longue durée (> 1 h 30)
N
chez un patient fragile.
• Peut être associé à un analgésique ou un neuroleptique dans le
cadre d’une anesthésie balancée ou d’une neuroleptanalgésie.
Cl
F
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Benzodiazépines
Les benzodiazépines habituellement utilisées se différencient plus
par leurs propriétés pharmacocinétiques que par leurs effets clini- ● Figure 7 Formule chimique du flunitrazépam
ques. Toutes ont des effets anxiolytiques, anticonvulsivants, sédatifs,
hypnotiques, amnésiants et myorelaxants centraux.
Le diazépam (Valium) (Figure 6) est un composé basique condi- H 3C O
tionné en ampoule, en comprimés et en sirop ; ampoules de 2 mL
dosées à 10 mg (5 mg/mL) ; additifs et excipients : propylène glycol, N
alcool éthylique, benzoate de sodium, acide benzoïque, alcool benzy-
lique, hydroxyde de sodium, eau ppi ; comprimés à 2, 5 et 10 mg ;
sirop (1 cuiller à café = 2 mg) ; gouttes à 1 % (3 gouttes = 1 mg).
Le flunitrazépam (Narcozep) (Figure 7) est un composé basique qui N
se présente en ampoules de 1 mL dosées à 1 mg (1 mg/mL) ; additifs
et excipients : éthanol, alcool benzylique, propylène glycol, eau ppi.
Le midazolam (Hypnovel) (Figure 8) est une solution tamponnée O2N
F
au pH acide de 3,5 conditionnée en ampoules de 1 mL dosées à
5 mg (5 mg/mL), en ampoules de 5 mL dosées à 5 mg (1 mg/mL)
et en ampoules de 10 mL dosées à 50 mg (5 mg/mL) ; additifs
et excipients : chlorure de sodium, solution à 10 % d’acide chlorhy-
drique concentré, solution d’hydroxyde de sodium, eau ppi.
Les benzodiazépines se conservent à température ambiante. ● Figure 8 Formule chimique du midazolam
■ Mode d’action
Les benzodiazépines sont des agonistes sélectifs de deux types de
récepteurs centraux spécifiques : type I au niveau du cervelet et type II ● Tableau 19 Caractéristiques pharmacocinétiques des benzodiazépines
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au niveau du cortex cérébral, de la moelle épinière et de l’hippo-
campe. L’anxiolyse serait rattachée aux récepteurs de type I ; les Doses Volume de Clairance Demi-vie
benzodiazépines potentialisent les effets du GABA (acide gamma- Agent équipoten- distribu- (mL/kg/ d’élimina-
tes (mg/kg) tion (L/kg) min) tion (h)
aminobutyrique) au niveau d’un canal chlore qui, activé, hyperpola-
rise la cellule nerveuse et inhibe donc la transmission. Diazépam 0,3-0,5 1-1,15 0,2-0,5 21-35
Midazolam 0,15-0,3 1-1,15 6-8 1-4
■ Système nerveux central
Les benzodiazépines sont hypnotiques (effet dose-dépendant), Lorazépam 0,05 0,8-1,3 0,7-1 10-20
anxiolytiques, amnésiantes [42] (amnésie antérograde) et anticonvul-
sivantes. Elles n’ont pas d’action analgésique. Elles diminuent modé-
rément la pression de perfusion cérébrale et la consommation
cérébrale d’oxygène. Elles diminuent la pression intracrânienne. À ● Tableau 20 Principaux métabolites des benzodiazépines
l’EEG, elles font disparaître le rythme alpha et apparaître un rythme Diazépam Flunitrazépam Midazolam
bêta.
Métabolites desméthyl-
actifs diazépam
■ Système cardiovasculaire oxazépam
Les benzodiazépines abaissent modérément la pression artérielle
par réduction des résistances artérielles périphériques. La fréquence Métabolites dérivés N-déméthylés αOH-midazolam
peu ou non 7-amino-flunitrazépam 4 OH-midazolam
cardiaque est peu ou non augmentée, le débit cardiaque est main-
actifs
tenu, et la dépression myocardique reste modérée. Elles sont sans
effet sur la vasoréactivité coronaire et diminuent la consommation Forme
myocardique d’oxygène ; en cas d’hypovolémie sévère, l’inhibition de inchangée 8% 2% 0,02 %
la vasomotricité périphérique peut aggraver l’état circulatoire. urinaire
observés des phénomènes de désinhibition avec comportements Induction IVD 0,015 - 0,030 0,01 - 0,02 -
paradoxaux et propos incohérents.
IVD 1/3 dose 1/3 dose -
INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES Entretien toutes les toutes les
90 min 90 min
Les interactions médicamenteuses des benzodiazépines sont résu-
mées dans le tableau 22. Sédation IVD 0,010 - 0,030 0,03 - 0,05 -
MIDAZOLAM (HYPNOVEL)
EFFETS SECONDAIRES ET SURDOSAGE
Tous les effets secondaires des benzodiazépines sont réversibles Sub- 0,1 - 0,2 0,1 - 0,2 45
linguale
par un antidote spécifique, le flumazénil.
Cardiovasculaires : bradycardie, hypotension. Prémédication IM 0,10 -0,15 0,15 - 0,2 30
Neurologiques : ébriété, ataxie, confusion, dépression, agitation
Intrarectale - 0,3 - 0,4 15
paradoxale, somnolence résiduelle chez le sujet âgé ; risque de
dépendance et d’accoutumance ; amnésie antérograde normale (effet Intranasale - 0,2 8
souvent recherché en anesthésie) ; parfois, phénomène de désinhibi-
tion avec comportements paradoxaux et propos incohérents. Anesthésie
Respiratoires : dépression respiratoire, arrêt respiratoire. Induction IVD 0,2 - 0,3 0,2 - 0,3 2
Autres : rétention urinaire, rash cutané, nausées, vomissements. Le
risque allergique est négligeable. Entretien IVD 0,10 - 0,15 0,10 - 0,15 2
Surdosage : dépression respiratoire nécessitant une ventilation Sédation IVD 0,12 - 0,15 0,10 - 0,15 2
assistée et l’administration d’un antidote : le flumazénil à la dose ini-
tiale de 0,1 à 0,2 mg répétée après 1 à 2 min suivie d’une perfusion Sédation IVD 5 - 10 mg/h 5 - 10 mg/h
prolongée
continue (0,5 mg/h chez l’adulte), en raison de la vie courte du pro-
● Tableau 22 Interactions médicamenteuses des benzodiazépines ● Tableau 23 Comparaison entre les différents anesthésiques intraveineux
(utilité classée de +/- à +++)
Effets
Médicaments Mécanismes
pharmacologiques Propo- Thio- Kéta- Étomi- Gamma- Benzo-
fol pental mine date OH diazé-
Lithium, Majoration des effets Interaction
pine
cimétidine, sédatifs pharmacocinétique
érythromycine, Inhibition du Sujet ASA 1 +++ +++ ++ ++ ++ ++
intoxication éthylique cytochrome P450
aiguë Ambulatoire +++ - +/- + - ++
Morphiniques Majoration de la Interactions Estomac ++ +++ ++ ++ - +
dépression pharmacodynamiques plein
respiratoire
Choc hypo- +/- +/- ++ ++ + +
Phénobarbital, Diminution Activation du volémique
rifampicine, de l’activité cytochrome P450 ,
alcoolisme chronique induction Insuffisance +/- +/- ++ ++ + +/-
enzymatique cardiaque
Benzodiazépines Asthme ++ + ++ ++ + +
• Les benzodiazépines sont utilisées pour la prémédication, à Insuffisance ++ - + - + +/-
l’induction et pour l’entretien de l’anesthésie ainsi qu’en anesthé- hépatique
sie ambulatoire. Insuffisance ++ - + + + +
• Elles sont également utilisées comme sédation de complément rénale
d’anesthésie locale ou locorégionale, en exploration endosco-
pique et pour la sédation en réanimation. Hyperther- +++ +++ +/- + + +
mie maligne
Porphyrie +++ - - - + +
aiguë inter-
Critères de choix des anesthésiques
© Groupe Liaisons SA, février 2001. La photocopie non autorisée est un délit.
mittente
intraveineux
Conclusion
Le tableau synoptique ci-contre (Tableau 23) compare les diffé-
rents anesthésiques intraveineux. Si le propofol est particulière- La plupart des anesthésies sont effectuées sur des sujets en relati-
ment utile en anesthésie ambulatoire, chez l’insuffisant hépatique vement bonne condition physique, classés dans la catégorie 1 ou 2
et rénal et dans certaines maladies rares (hyperthermie maligne, de l’American Society of Anesthesiology (ASA). Elles sont le plus sou-
porphyrie), il est en revanche peu indiqué quand l’hémodynamique vent programmées et les patients sont heureusement opérés à jeun.
est précaire, circonstance dans laquelle la kétamine et l’étomidate C’est pourquoi, on peut parfois estimer qu’il est inutile de connaître
ont une place de choix. La kétamine est théoriquement contre- d’autres agents d’induction que le thiopental ou le propofol. Mais il
indiquée dans l’insuffisance coronarienne sévère, du fait de l’éléva- existera toujours des situations cliniques, en particulier les urgences,
tion de la pression artérielle qu’elle induit. Enfin, le thiopental reste qui nécessitent le choix judicieux d’un agent intraveineux pour
l’agent d’induction de choix chez le patient non choqué à l’estomac l’induction de l’anesthésie. On ne peut décider d’un tel choix sans une
plein. bonne connaissance de la pharmacologie de ces agents.