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Une cage de lumière

Cecilia :

Mon impatience me piquait comme des orties sous la peau, mais observer le
déferlement des efforts des Instilleurs et de leurs protecteurs Wraiths était un
baume pour mes nerfs. Les deux dernières semaines s'étaient écoulées lente-
ment et avec une frustration croissante, mais le moment était enfin venu. Tout
était en place à l'intérieur de la Clairière des bêtes. Bien que compliqué par la
multiplication des patrouilles des dragons et la prise de contrôle du château
volant planant à l'est, nous étions prêts.

Sous un linceul de brume qui cachait nos signatures, engloutissait le bruit de


notre passage et nous dissimulait aux regards depuis le ciel, mes hommes se
sont mis en place.

Il y avait au moins cinquante instilleurs, les serviteurs les plus fiables et les plus
compétents d'Agrona, qui portaient tous une pléthore d'appareils de stockage
dimensionnel. Je volais au-dessus d'eux tandis qu'ils marchaient en lignes irré-
gulières comme autant de fourmis en contrebas. Dix groupes de combat
complets de Wraiths volaient autour de nous, se tenant à couvert dans le
nuage de brume épaisse qui dérivait, afin que leurs signatures ne soient pas
remarquées par les gardes-dragons.

Je ne voyais ni ne sentais aucun dragon—pas à proximité, en tout cas. Une


patrouille de gardes survolait les campements construits par les soldats Ala-
cryens vaincus au nord, et quelques-uns se fondaient à l'intérieur du château
volant, un peu plus loin à l'est.

Juste au-dessus de nous, suspendus dans le ciel à une centaine de mètres au-
dessus des arbres, une signature de mana très différente semblait frémir juste
sous la surface de ce qui était normalement détectable par nos sens. Il n'y avait
pas de distorsion visuelle, du moins pas à l'intérieur de notre nuage brumeux
et sous la canopée des arbres minces et à moitié morts.
C'était vraiment fascinant. Même si nous l'appelions « faille », c'était plutôt
comme le goulot d'une gourde, et à travers lui—à l'intérieur de la gourde—il y
avait tout Ephéotus. La magie nécessaire pour courber l'espace de cette façon,
en forçant un morceau de notre monde à s'enfoncer dans un autre royaume,
m'était incompréhensible. Mais le mécanisme par lequel elle restait cachée, je
le comprenais à présent.

La présence de la faille, ou plutôt la pression intense du mana qui s'y engouf-


frait et en ressortait, provoquait des distorsions qui s'étendaient sur une
centaine de kilomètres dans toutes les directions. Quand le mana qui s'écoulait
vers l'intérieur d'Ephéotus était équilibré par le mana qui en était projeté par
les asuras, cet équilibre dissimulait l'emplacement réel de la faille au milieu de
toutes les perturbations qui se produisaient ailleurs. Il avait suffi de quelques
efforts de la part des dragons pour infléchir la lumière de façon à ce qu'il n'y
ait pas de signe physique de la présence de la faille.

Mais une fois trouvé, il m'était désormais impossible de ne pas la voir. Ni Nico
ni aucun des Wraiths qui étaient déjà venus ici ne pouvaient la sentir, même si
j'étais très précise ou s'ils regardaient fixement, mais quand je regardais sous
la surface de ce qui était visible, je voyais le cyclone de mana en dessous, qui
était à la fois aspiré et expulsé.

J'ai indiqué exactement où se trouvait la faille, et les instilleurs se sont mis au


travail. Ils se sont dispersés et ont commencé à sortir rapidement l'équipement
de leurs artefacts dimensionnels, assemblant de grands appareils en cercle au-
tour de l'endroit où la faille planait en hauteur. La brume s'est répandue en
même temps qu'eux, rampant sur le sol dur et entre les arbres tordus et mou-
rants qui dominaient cette section de la Clairière des bêtes, veillant à ce qu'ils
restent occultés et indétectables.

En regardant les instilleurs se mettre au travail, j'ai pensé à Nico, espérant qu'il
serait en sécurité. Les défenseurs de Dicathen s'étaient affairés à rejoindre les
forteresses du continent. Comme Agrona l'avait prévu, Grey semblait s'être
volatilisé, terrer quelque part sur le continent, mais les informations de nos
espions étaient contradictoires. Même son propre peuple semblait convaincu
que Grey se trouvait à plusieurs endroits à la fois.
Mes lèvres se sont retroussées pour former un petit sourire en coin. Comme si
Agrona allait se laisser berner par une tentative de diversion aussi faible.

L'endroit le plus proche était le mur. Pendant que j'attendais, j'ai étendu mes
sens. Il me fallait du temps pour faire autant de distance. Les échos étaient
faibles—un faible amas de signatures lointaines. Je pouvais sentir Nico et Dra-
goth, ainsi qu'une étincelle de mana qui devait être une Lance. C'était subtil,
mais en dessous de tout le reste, il y avait une petite distorsion dans le mana,
comme si une force contraire s'y opposait.

Grey et sa partenaire dragon ? Me demandai-je, en essayant de comprendre


ce que je percevais. J'avais goûté au mana du dragon, et il y en avait un soup-
çon, mais j'avais l'impression qu'ils s'enveloppaient en quelque sorte. Ce ne
peut pas être aussi simple que ça...

Mes yeux se sont ouverts brusquement et mes pensées ont été ramenées à
ma mission. L'anneau d'artefacts était à moitié en place. C'est l'heure.

Tout d'abord, j'ai tâté les bords de la lumière déformante pour qu'elle s'en-
roule autour de la faille. Bien que puissant, ce sort s'appuyait en grande partie
sur le déferlement de l'énergie magique pour dissimuler sa présence. Une fois
le sort en main, je l'ai tiré sur le côté comme un rideau sur une fenêtre. Contre
toute attente, le sort a résisté, comme si quelqu'un se tenait de l'autre côté et
le maintenait fermé.

J'ai tiré plus fort, et le sort s'est déchiré, se séparant dans une pluie visible de
mana pur. Une lumière blanche a jailli dans toutes les directions et s'est abat-
tue sur mon peuple, et une torsion écœurante du mana a semblé faire chavirer
l'air à l'intérieur de mes poumons.

Les étincelles blanches brûlaient plus fort, plus chaudement, en tombant, et


j'ai réalisé le danger presque trop tard.

« Boucliers !» Hurlai-je en agitant mes mains pour conjurer une barrière pro-
tectrice au-dessus des Wraiths et des Instilleurs. Partout où les étincelles
blanches se posaient, elles se consumaient contre les boucliers, le mana crépi-
tant et éclatant.

Après une seconde de surprise, les Wraiths ont commencé à conjurer leurs
propres barrières, renforçant la mienne contre l'intense puissance des étin-
celles qui tombaient.

Au-dessus, la faille était maintenant entièrement visible, une entaille dans le


ciel, l'air semblant se replier autour d'elle sur les bords, comme une plaie tail-
lée par une lame tranchante. Le ciel au-delà était d'un bleu légèrement
différent, juste assez exotique pour me donner la chair de poule le long des
bras et du cou. À l'intérieur de l'ondulation de l'espace, trois silhouettes défor-
mées flottaient.

Les Wraiths se sont mis en action, quatre groupes de combat restant au niveau
du sol et se concentrant uniquement sur la défense de nos Instilleurs, sans les-
quels tout échouerait, tandis que les six autres se sont séparés et se sont
envolés, manœuvrant bien à l'extérieur de la pluie d'étincelles et volant haut,
encerclant la faille.

J'ai flotté vers le ciel à leur suite, déplaçant la barrière de mana avec moi, la
déformant pour envelopper les restes de l'étrange sort d'étincelles brûlantes,
les forces opposées s'écrasant l'une contre l'autre comme deux plaques tecto-
niques. Lorsque les étincelles se sont éteintes, le bouclier s'est brisé et j'ai
absorbé le mana restant ; il était teinté d'un attribut draconique.

Les trois silhouettes se sont envolées hors de la faille, et l'atmosphère—le tissu


même de la réalité—a semblé trembler à leur présence. En moi, Tessia s'est
agitée en réaction. Elle avait peur.

Ils ont parlé comme un seul homme, trois voix se répercutant les unes sur les
autres. « Ce lieu saint est sous la protection du Seigneur Kezess Indrath. L'at-
taquer, l'affecter de quelque façon que ce soit, est un sacrilège de la plus haute
importance. La punition pour votre présence ici est la mort immédiate, réin-
carnée. »
Je leur ai souri, appréciant le côté théâtral de la chose. Ils étaient même habil-
lés comme s'ils étaient dans une sorte de pièce de théâtre et non sur un champ
de bataille, leurs robes blanches de cérémonie luisant de broderies dorées de
la même couleur que leurs cheveux. « La vaillance de vos paroles se trouve un
tantinet gâchée par le fait que vous étiez recroquevillée derrière un sortilège
pour vous dissimuler à mes yeux. Vous savez qui je suis, mais vous ne savez
peut-être pas ce que je peux faire. Si c'était le cas, vous auriez fait demi-tour
et vous seriez retourné d'où vous veniez. »

Le mana a ondulé de la même façon qu'autour d'Arthur et de son arme, et les


trois dragons ont disparu en un clin d'œil, réapparaissant à l'extérieur de l'an-
neau de Wraiths. Leurs yeux améthystes se sont illuminés de l'intérieur, et de
violents faisceaux de lumière violette ont jailli entre eux, créant un triangle
autour de nous tous, avec la faille en son centre.

La panique est montée du plus profond de mon être, soudaine, viscérale et si


certaine. « Attaquez !» Hurlai-je.

Le ciel s'est transformé sous l'effet de dizaines de sorts, tandis que six groupes
de combat wraiths libéraient toute leur puissance offensive sur les trois cibles.

Une cage de lumière s'est répandue à partir des faisceaux de ce qui ne pouvait
être que de l'éther, se déversant sur le sol et se refermant au-dessus de nos
têtes. Les sorts des Wraiths ont éclaté contre l'intérieur de la cage, envoyant
de douces vagues onduler à sa surface. Le bruit de l'acide sifflant, du tonnerre
qui s'écrase et du fer sanglant qui se brise contre l'éther me faisait bourdonner
les oreilles, et l'odeur de l'eau toxique et de l'ozone brûlé me brûlait les na-
rines.

De l'autre côté de la barrière, les trois dragons semblaient en transe. Ils n'ont
ni cillé ni bronché lorsque tant de puissants sorts se sont écrasés sur leur bar-
rière conjurée. Ils n'incantaient pas et ne faisaient aucun geste particuliés. À
l'exception de la brise qui soufflait dans leurs cheveux dorés étincelants et
leurs robes blanches, et d'une pulsation subtile à l'intérieur de l'éclat de leurs
yeux violets, ils étaient immobiles.
Mon cœur martelait à l'intérieur de ma poitrine alors que quelque chose me
griffait les entrailles. Il y avait un malaise à l'intérieur de la cage, un sentiment
de ruine inévitable. Les Wraiths se battaient à travers elle, mais les Instilleurs
au sol avaient cessé leur travail, paralysés par la force oppressante du sortilège
éthérique.

Quelque chose grandissait à l'intérieur de la cage avec nous—un néant vide,


comme une faim qui ne pouvait être assouvie.

Brandissant des griffes désespérées de mana et de force pure, j'ai lacéré et


arraché l'intérieur des murs éthérés, souhaitant que le mana dissipe l'éther.
L'éther a ondulé avec force, mais il ne s'est pas brisé.

Les Wraiths continuaient de bombarder les murs, et je pouvais sentir mon


propre désespoir s'infiltrer en eux, alors qu'ils devenaient d'abord incertains,
puis paniqués, mais je luttais pour me maîtriser.

Abandonnant mes attaques, j'ai cherché le mana de l'autre côté de la barrière,


mais je n'ai pas pu l'atteindre.

Et pourtant, les trois dragons étaient froids et sans émotion. Aucune lueur de
victoire n'atteignait leurs yeux, aucune grimace d'effort ne faisait claquer leurs
dents. Ils étaient comme trois statues frustrantes émettant leur sortilège
éthéré. Cependant, alors même que je pensais cela, les trois paires d'yeux se
sont légèrement déplacées, s'assombrissant et se concentrant sur la faille.
Mon regard a été entraîné lentement derrière le leur.

Une lumière noire et violette a commencé à émaner de la faille, qui se trouvait


dans la cage avec nous. La chose qu'on appelait, que j'avais sentie dès l'instant
où la cage était apparue, passait à travers, se rapprochant de nous. J'ai senti la
faim me ronger, la froideur amère qui me tenaillait les os avec les dents de la
peur.

J'ai fixé le vide, conjuré à travers les murs entre les mondes pour nous avaler
tout entiers. Il se déversait de la brèche comme un nuage sombre, comme le
sang d'une coupure, comme l'haleine fétide d'une bouche en décomposition.
En tendant la main, j'ai saisi autant de mana que possible et je l'ai condensé
autour de la brèche, une tempête de glace, de vent et d'ombre. Le vide l'a con-
sumé, entraînant le mana en lui-même, où il a été étouffé. Et j'ai soudain
compris. Le vide se répandrait dans la cage, dévorant tout ce qui s'y trouve.
C'était un piège depuis le début.

Ma peur a fait place à la colère et à la frustration. J'ai projeté un mur de mana


dans le vide, essayant de le perturber ou de le repousser dans la faille, mais le
vide n'a fait qu'avaler mon mana, et mes efforts n'ont fait qu'accélérer sa crois-
sance.

J'avais besoin de le maîtriser, de le ralentir—n'importe quoi pour me donner


le temps de réfléchir. Comment arrêter le néant ?

J'ai vacillé rapidement entre l'envie de continuer à attaquer la cage pour tenter
de me libérer et celle de me concentrer sur les ténèbres noires et violettes qui
grandissaient.

« Vous, vous et vous, bombardez la barrière ! Concentrez-vous sur un seul


point—faites une brèche, une fissure, n'importe quoi !» Ordonnai-je en faisant
un geste vers trois groupes de combat. « Tous les autres, gardez vos posi-
tions !» Terminai-je, observant à bout de souffle le nuage de néant violet-noir
qui se déversait d'en haut.

Toutes les magnifiques particule bleus, verts, jaunes et rouges du mana atmos-
phérique se dissolvaient en un néant incolore à mesure que le nuage
descendait dans le ciel. Bientôt, il n'y aurait plus du tout de mana à l'intérieur
de la cage éthérique avec nous, et alors...

Sachant que j'aurais besoin de ce mana, je l'ai éloigné du vide, vidant l'air qui
l'entourait de son mana, le confrontant à un vide de ma création.

Sa progression a semblé ralentir, suintant de gauche à droite, se déversant vers


l'extérieur comme une flaque d'eau, et j'ai sursauté. Cela me rappelait rien de
moins qu'une bête sauvage reniflant à la recherche d'une proie.
« Wrastor, prends ton groupe de combat et tourne autour. Place-toi au-dessus
de l'émanation, au-dessus de la faille », ordonnai-je.

Le Wraith n'a pas hésité, il s'est mis en mouvement et lui et ses frères ont con-
tourné le bord de l'obscurité, disparaissant de la vue. Mais je pouvais sentir la
signature qu'ils émettaient, et apparemment le vide aussi, car sa progression
descendante s'est arrêtée net tandis qu'il commençait à remonter vers les
Wraiths, s'élargissant au fur et à mesure, remplissant tous les espaces qu'il tra-
versait.

Les cinq Wraiths ont conjuré des barrières de mana protectrices autour d'eux,
de façon à ce qu'ils soient enveloppés de flammes, d'ombre et de vent. J'ai
éloigné le mana entre eux et le nuage de vide, mais cette fois, il ne s'est pas
arrêté. Ils étaient trop près, peut-être, et leurs signatures étaient trop fortes.

Des vrilles de ténèbres noir-violet les ont atteints, les forçant à voler vers le
haut, mais ils étaient déjà près du plafond. Ils étaient si près que le vide sem-
blait attirer le mana loin d'eux, leurs boucliers se déversant dans le vide, les
particules de mana s'envolant d'eux comme des graines de pissenlit avant de
s'évanouir.

Une vrille a frôlé le pied d'un Wraith, et l'appendice s'est dissous, conjurant un
cri de surprise.

La masse de vide affamée a filé vers les cinq Wraiths, se déversant dans le ciel
au-dessus du portail.

« Tout le monde, concentrez-vous sur les murs, là, là et là !» Criai-je de toute


urgence en désignant les endroits les plus proches des dragons.

Comme s'ils sortaient d'une transe, les autres groupes de combat ont rejoint
les deux premiers que j'avais désignés pour attaquer les murs, bombardant la
barrière éthérique avec tous les sorts à leur disposition tandis qu'ils libéraient
une colossale déferlante de mana destructeur. Les sorts aux attributs de fer
sanglant, de feu de l'âme, de vent du vide et d'eau acide ont frappé, martelé,
éclaboussé et tranché les murs qui nous contenaient, tous concentrés en ces
trois points précis.

Mais mes pensées se condensaient trop lentement. Il n'y avait qu'une quantité
limitée de mana dans cette petite parcelle de terre—une quantité limitée en
moi—et le nuage de vide le consommait rapidement.

Maudissant dans mon souffle, j'ai soudain souhaité que Nico soit là. C'était lui
le plus intelligent, celui qui avait des projets. Il aurait une idée intelligente, un
moyen de retourner le vide contre eux...

À l'extérieur, les trois dragons étaient toujours en transe, concentrant appa-


remment tous leurs efforts sur le maintien de leurs sorts.

Le nuage sombre s'est étendu au-dessus de nous, coupant la route aux cinq
wraiths. La femme blessée a tenté de le contourner et de nous rejoindre, mais
le vide s'est déplacé avec elle. Elle a tenté de faire marche arrière, mais trop
tard. Avec un cri tronqué, il l'a engloutie, ne laissant derrière elle que du vide.

Ce faisant, il a frôlé les murs extérieurs. Lorsque la première vrille du vide en


mouvement a touché l'éther de notre cage, l'énergie violette vibrante a scin-
tillé, tremblant vers l'extérieur sur toute la surface de la vaste structure
magique, et le vide a reculé, attiré vers les quatre Wraiths restants à la place.

À l'extérieur de notre cage, les dragons ont bougé pour la première fois, une
tension tremblante partagée entre les trois, comme si se concentrer sur leurs
sorts était devenu encore plus difficile.

C'était une confirmation suffisante.

Saisissant le mana autour des quatre Wraiths, je l'ai plongé comme une corde
dans le vide rongeant. Comme je m'y attendais, il a absorbé le mana avec avi-
dité, attiré naturellement vers le haut pour remplir l'espace au-dessus de la
brèche. L'un après l'autre, Wrastor et le reste de son équipe ont disparu à
l'intérieur. Le vide se dilatant soudain rapidement, il ne pouvait s'empêcher de
se plaquer contre les murs et le plafond, envoyant des vagues d'énergie
crépitantes onduler à l'extérieur de l'imposant pilier de lumière violette qui
nous emprisonnait.

L'un des dragons a poussé un cri de consternation.

« Préparez vos sorts !» Criai-je, ma voix craquant de peur et d'impatience.

Les Wraiths restants ont interrompu leur assaut, se concentrant plutôt sur les
dragons qui attendaient, bourdonnant de tension et de magie.

De la sueur perlait sur les sourcils des dragons et leur immobilité de statue a
laissé place à un frémissement.

Ce que j'avais appris sur les arts de l'éther des dragons m'est revenue à travers
le brouillard de la guerre. Ils ne contrôlaient pas l'éther de la même façon que
je contrôlais le mana, ils le guidaient seulement pour qu'il agisse selon leurs
désirs. Ce sort était incroyablement puissant, à tel point qu'ils devaient être
trois pour le conjurer. Et le vide... quels que soient les arts obscurs qu'ils ont
utilisés pour l'invoquer, leur contrôle sur lui était sûrement limité. Je pouvais
le voir dans leurs expressions tendues et craintives à travers les murs transpa-
rents de l'éther.

C'était un acte désespéré. Ils se poussaient, eux et leur magie, à la limite de


leur contrôle pour me détruire.

Alors même que je réalisais ce que je devais faire, les ténèbres ont commencé
à descendre une nouvelle fois, s'insinuant dans le vide que j'avais conjuré entre
nous et eux.

L'atmosphère au fond de notre cage était épaisse de tout le mana que j'avais
transposé pour créer cette barrière. Je me suis emparée de ce mana et je l'ai
rapproché de moi. Certains des instilleurs et des Wraiths ont crié en sentant le
mana disparaître, mais je n'ai pas eu le temps de m'expliquer.

Lorsque tout le mana condensé de la zone située directement autour de la


faille a été rassemblé comme une soupe blanche et brûlante dans l'air autour
de moi, j'ai pris une longue inspiration, qui m'a faite trembler. En jetant un
dernier coup d'œil à l'endroit où le vide crépitait et traînait sur les murs éthé-
riques, j'ai projeté le mana vers le haut, le forçant à aller aussi loin et aussi vite
que je le pouvais.

Les ténèbres vivantes du vide l'ont avalé avec avidité, absorbant et décompo-
sant tout le mana que je pouvais lui donner. Le vide enflait et fulminait,
grandissant rapidement, déferlant vers nous et se heurtant aux barrières qui
le retenaient, des vrilles sombres s'enfonçant dans les murs éthérés. Comme
de la glace figeant les fissures entre les pavés, le vide s'est étendu.

Il n'y a pas eu d'explosion, aucun éclat lumineux, pas même un bruit. La cage
nous entourait et, l'instant d'après, elle s'est dissoute en brume violette, puis
en rien du tout, et le vide a disparu, comme un nuage rapidement emporté par
le vent.

Le dragon à ma gauche s'est effondré subissant le contrecoup du sort raté et


n'a rien pu faire pour se défendre alors que les sortilèges des Wraiths conver-
geaient vers lui. Aussi ancien et puissant qu'il puisse être, il n'en était pas moins
de chair et d'os, et sous la pluie de magie destructrice, sa peau s'est déchirée,
ses os ont éclaté et se sont transformés en poussière, et il ne restait plus grand-
chose de lui avant qu'il ne dégringole comme un oiseau sans ailes dans la Clai-
rière des bêtes, en contrebas.

Malgré une fatigue soudaine qui m'a donnée l'impression que mes bras étaient
en plomb et que mon crâne battait à chaque battement désespéré de mon
cœur, je me suis empressée de saisir le mana qui entourait le dragon à ma
droite et je l'ai arraché, créant ainsi une poche de vide autour de lui. Ses yeux
se sont révulsés dans son crâne tandis qu'il luttait pour conserver la maîtrise
de son propre mana, se débattant face à mon contrôle et lançant des sortilèges
sauvages.

Une goutte de feu argenté a embrasé l'air entre nous, et je l'ai interceptée avec
un bouclier étincelant, mon corps endolori par l'effort. Des fouets brûlants cré-
pitaient sur les bords du bouclier, émanant des flammes argentées, et je les ai
tranchés à l'aide de lames conjurées. Les flammes se sont consumées et se
sont séparées en plusieurs petites boules de feu qui sont tombées comme des
pierres de catapulte vers les instilleurs qui luttaient encore pour mettre en
place l'équipement en bas.

Mais les flammes ont faibli et se sont évanouies tandis que je me débattais
pour annuler le sort, libérant le mana dans l'atmosphère.

Du coin de l'œil, j'ai vu des sorts voler vers l'autre dragon survivant, mais des
dizaines de plaques d'énergie violette brillante imbriquées les unes dans les
autres sont apparues autour d'elle, se déplaçant doucement les unes à côté
des autres comme les rouages d'une montre complexe pour intercepter les
attaques des Wraiths et les diffuser, sans jamais prendre de plein fouet autant
de sorts sur une seule et même plaque.

Le dragon dont j'avais arraché le mana luttait pour rester debout, mais mes
bras tremblaient encore tandis que je déviais ses sorts. Nous sommes restés
un moment immobiles, le visage rouge et en sueur, son mana pur scintillant
entre nous à chaque attaque. J'ai attendu mon heure, juste un instant, en es-
sayant de reprendre mon souffle et de calmer mes muscles tremblants.

Chaque attaque était plus faible et plus lente, jusqu'à ce que je parvienne à
étendre la main et à étouffer un éclair de mana pur sur le bout des doigts du
dragon. Avec un gémissement méfiant et désespéré, j'ai serré le poing et, au-
tour de lui, le mana que j'avais écarté est revenu brusquement, écrasant son
corps sans protection comme un insecte entre mes doigts, puis son cadavre a
lui aussi plongé depuis le ciel.

Le mana a bougé derrière moi—il ne s'est pas condensé en un sort, mais il s'est
écarté du chemin d'un sort—et j'ai esquivé juste au moment où une courte
lame d'éther se dirigeait vers la base de mon cou. Le coup, rapide comme un
coup de vipère, a entaillé le haut de mon épaule, traçant une ligne brûlante de
douleur et de sang.

Ailleurs, des dizaines d'autres lances sont apparues de nulle part au même mo-
ment, et plusieurs de mes Wraiths ont crié simultanément lorsque l'éther a
transpercé leur noyau.
Maudissant, j'ai esquivé de justesse une autre attaque, puis une troisième, in-
capable de riposter ou d'aider les autres alors que les lances se formaient et
frappaient les unes après les autres, chacune venant d'une direction diffé-
rente, interrompant ma trajectoire ou tentant même de s'enfoncer dans la
direction où je serais forcé d'esquiver.

Me souvenant de mon combat contre Arthur, j'ai enveloppé mes mains de


mana et j'ai feinté une esquive hors trajectoire, à l'écart d'une lance. Lorsque
j'ai senti le déplacement de l'air et du mana qui indiquait la formation d'une
nouvelle lance, je l'ai saisie à deux mains avant même qu'elle ne puisse s'élan-
cer vers ma gorge. Le mana a gonflé dans mes bras, mes épaules et ma poitrine,
ma force musculaire déferlant, et j'ai filé dans les airs.

Avant qu'une nouvelle lance ne puisse se manifester, j'ai lancé celle que j'avais
entre les mains, en l'entourant de mon propre mana. Elle a volé comme la balle
d'une vieille arme à feu terrienne, presque trop vite pour être vue. Lorsqu'elle
a heurté les plaques magiques en rotation, la lance d'éther a brisé un petit
bouclier avant de s'écraser sur le ventre de la femme. Le corps de cette der-
nière a reculé, se heurtant à son propre sort, qui l'a frappée à plusieurs reprises
avant que la lance et les boucliers ne s'estompent.

Elle est tombée au ralenti, encore assez consciente pour canaliser sa magie,
mais n'ayant ni la force ni les moyens de se maintenir en l'air ou de préparer
de nouvelles défenses.

C'est du moins ce que je pensais.

Dans le moment d'hésitation qui suivit, les Wraiths se tournant tous vers moi
pour me demander des ordres, la femme s'est jetée vers la brèche, devenant
à peine plus qu'une traînée de blanc et d'or alors que son corps grandissait
rapidement, des ailes poussant dans son dos, des écailles se développant sur
sa chair, son cou s'allongeant en avant.

Poussant sur le mana comme s'il s'agissait d'un mur, je me suis jetée sur son
chemin.
Le cou de l'énorme dragon s'est tordu, ses yeux améthyste rougeoyants s'illu-
minant de peur et de fureur. Elle a dévoilé des dents aussi longues que des
épées et m'a attaqué d'un coup vif.

La gravité a augmenté si rapidement et avec une pression si énorme que sa


mâchoire reptilienne s'est refermée, ses dents se brisant et s'enfonçant dans
la chair de sa gueule. Ses ailes se sont courbées maladroitement, les mem-
branes se déchirant et les os fins craquant comme des brindilles. Tout son élan
a été absorbé par la gravité, et elle est retombée comme elle était venue. Pas
tout droit, ce qui aurait endommagé le matériel, mais avec un léger angle. Lors-
qu'elle a touché le sol, plusieurs Instilleurs sont tombés à leur tour, l'onde de
choc de son impact creusant une tranchée de trente mètres de long dans le sol
dur et la dissimulant dans un nuage de poussière.

Les Wraiths survivants, chacun avec un sort brûlant dans les mains, se sont
placés autour du nuage de poussière, prêts à éviscérer le dragon au moindre
signe de mouvement.

Mais je pouvais sentir ses mouvements, voir le faible effort de son mana pour
repousser le puits de gravité. Sous le couvert de la poussière, j'ai vu sa sil-
houette de mana rétrécir, reprenant sa forme humanoïde. Sans me presser,
j'ai dérivé dans la poussière. Une brise a soufflé autour de moi, repoussant la
poussière pour révéler, allongé au fond d'un énorme cratère, la dernière asura
encore en vie.

Je me suis demandée, très brièvement, qui étaient ces trois-là. Combien de


temps ils avaient passé à apprendre les arts de l'éther qu'ils avaient utilisés
aujourd'hui ? Je ne pouvais qu'imaginer la hauteur de leur arrogance préten-
tieuse alors qu'ils acceptaient la tâche que leur Seigneur leur avait confiée... et
la profondeur de leur regret et de leur désespoir lorsqu'ils ont réalisé qu'ils
avaient échoué.

La femme a craché du sang, son corps a été secoué de douleurs, puis elle s'est
calmée, s'est étendue sur le sol et m'a regardée fixement. Le poids des millé-
naires s'est posé sur moi sous son regard. Toute cette vie... et je l'avais
anéantie. Cette pensée m'a inspirée de la fierté et de la confiance, mais aussi...
quelque chose de plus profond et de plus difficile à identifier.

Je m'en suis débarrassée et me suis agenouillée à côté du dragon. Elle avait du


mal à avaler et sa gorge était serrée. Je pensais qu'elle allait peut-être dire
quelque chose, me supplier de vivre ou me réprimander de servir Agrona, mais
elle est restée silencieuse.

J'ai tendu la main, j'ai attrapé son mana et j'ai commencé à le siphonner, l'ab-
sorbant entièrement. La compagne d'Arthur ne m'avait donnée qu'un avant-
goût, mais cela n'avait pas suffi à me donner une idée de la magie et des capa-
cités des dragons. J'avais besoin de cet aperçu pour mieux contrer leurs arts
du mana.

Elle s'est opposée à moi—elle ne pouvait guère faire autre chose, j'imagine.
C'était de l'instinct, comme si elle griffait des mains enroulées autour de sa
gorge. Mais elle était trop affaiblie, et ses efforts étaient vains.

Je me suis préparée à tout ce qui pourrait arriver avec ce mana, effrayée mais
aussi attirée par l'opportunité de voir ses souvenirs. Cependant, il semblait que
cette partie du processus était quelque chose d'unique aux Phoenix—ou, réa-
lisai-je quelque peu mal à l'aise, peut-être même un acte délibéré d'Aurore au
moment de sa mort—parce que tout ce que je ressentais, c'était le pouvoir lui-
même.

L'aspect particulier du mana des dragons—le mana pur—s'est déployé dans


mon esprit. Aucun noyau inferieur ne pouvait clarifier le mana de façon aussi
éclatante, même le mien. Il brillait comme des flocons de neige par un matin
d'hiver froid et lumineux. D'une certaine manière, c'était l'opposé du mana des
basilics, qui était sombre et déformé, ce qui se traduisait par des arts du mana
de type décomposition—ou peut-être grâce à cela. Je l'aspirai, me délectant
de l'énergie et de la puissance qui m'envahissaient.

La femme asurane a frissonné, sa chair se contractant au fur et à mesure que


les tissus imprégnés de mana se vidaient de leur énergie. Ses yeux sont
devenus d'une pâle couleur lavande, sa peau a blanchi et ses cheveux se sont
clairsemés. Sa beauté, comme sa force, l'a quittée. Et puis... elle était morte.

J'ai pris une profonde inspiration, l'infusion de mana draconique crépitant


dans mes muscles et derrière mes yeux, annulant une partie de ma fatigue.

Puis mes yeux se sont ouverts brusquement lorsque j'ai senti le mouvement
lointain de signatures de mana similaires. Similaires, mais plus faibles, notai-
je. Aucun des dragons que je pouvais sentir n'avait la force de ces trois-là, mais
huit—non, dix—signatures de mana de dragons approchaient rapidement du
nord et de l'est.

« Vite, terminez les réseaux !» Criai-je en m'élançant dans les airs.

En dessous de moi, les instilleurs poursuivaient en toute hâte la mise en place


des équipements. J'ai scruté l'horizon, mais les dragons étaient encore trop
loin pour que je puisse les voir. Est-ce que les Wraiths restants et moi pourrons
tenir tête à autant de dragons ? Me demandai-je, mais je connaissais la ré-
ponse. Il n'avait jamais été prévu que je combatte tous les dragons de Dicathen
en même temps.

Tandis que je regardais les instilleurs terminer leur travail, mon esprit s'est
tourné vers l'intérieur. La frustration est montée en flèche lorsque l'adrénaline
de la bataille s'est dissipée et que j'ai pu réfléchir au combat qui s'était déroulé.
Que les dragons protègent le portail était évident, mais ce sort, ou cette com-
binaison de sorts, ou quoi que ce soit d'autre que les dragons aient fait...

Mes poings se sont serrés et le mana qui m'entourait s'est déformé autour de
moi. Je savais que je n'aurais pas pu m'échapper de ce piège toute seule. Sans
les Wraiths, sans le sacrifice de l'équipe de Wrastor, j'aurais été dissoute dans
ce vide, tout ce qui faisait de moi une personne ayant disparu.

La bile est remontée au fond de ma gorge, et j'ai essayé de repousser la frus-


tration—la rage froide et écœurante—au plus profond. J'étais l'Héritage. Je ne
pouvais pas juste... perdre... juste mourir. Et je ne devrais avoir besoin de per-
sonne pour me sauver, pensai-je désespérément.
Ayant besoin d'autre chose—n'importe quoi d'autre—pour me concentrer, j'ai
tourné ma colère brûlante vers Tessia, qui était restée silencieuse pendant
toute la bataille, mais que j'avais sentie se tordre de dégoût lorsque j'avais vidé
le dragon de son énergie.

Pas de réprimande, princesse ? Demandai-je avec amertume. Tu ne vas pas me


dire à quel point je suis une personne horrible ? Que je suis mauvaise et irrécu-
pérable ? À quel point je suis aveugle ?

« Il semble qu'il ne me reste rien à dire que tu ne saches déjà », répondit-elle,


la voix faible, distante et vide d'émotion.

J'ai ricané, mais je n'ai pas trouvé de réponse. J'avais envie de me disputer avec
elle, de me battre. J'avais besoin de me justifier, de faire comprendre à quel-
qu'un.

Serrant la mâchoire, j'ai essayé de me débarrasser de cette impulsion enfan-


tine. Il n'y avait rien à justifier. Je faisais mon travail... ce que j'avais à faire.
C'est tout.

En dessous de moi, le dernier des appareils était assemblé, et les émetteurs de


puissance—des antennes qui collectaient et stockaient le mana atmosphé-
rique—étaient en train d'être placés et connectés.

Je me suis efforcée de rester dans l'instant présent et j'ai fait mes calculs. Les
instilleurs travaillaient trop lentement.

À l'horizon, je pouvais maintenant distinguer cinq points qui grossissaient ra-


pidement depuis l'est.

En jurant, je me suis laissée tomber. Le réseau était bien connecté, il lui man-
quait juste la puissance nécessaire. Pour me calmer, j'ai appuyé mes deux
mains sur le premier des cristaux de mana. J'ai imaginé que le mana voyageait
à travers moi, puis à travers tous les fils et les câbles, remplissant chaque ap-
pareil et lui permettant de remplir son rôle.
Ma pensée est devenue réalité, et l'immense cercle d'artefacts s'est mis à
bourdonner d'énergie, chacun n'émettant d'abord qu'une douce lueur. Cette
lumière rayonnait vers l'extérieur, d'abord lentement mais avec une vitesse et
une intensité croissantes jusqu'à ce que, avec une soudaine poussée de mana,
un dôme de force protectrice s'incurve au-dessus de nous pour entourer la
brèche, la coupant—et nous coupant—du monde extérieur.

Quelques instants plus tard, un missile de mana pur s'est écrasé sur le côté du
dôme, qui a tremblé sous la force. J'ai poussé plus de mana, et encore plus,
heureusement renforcé par la force du dragon. Un autre sort, puis un autre, se
sont rapidement heurtés à la barrière. Des fissures couraient sur sa surface, et
les émetteurs du bouclier commençaient à grincer.

« Mettez le reste de cette batterie de mana en marche », dis-je d'une voix


basse et tendue. Il y eut un moment de silence pendant lequel personne n'a
réagi. Lorsque mon regard les a balayés une seconde plus tard, les instilleurs
ont sursauté et se sont empressés d'obtempérer alors que d'autres sorts im-
pactaient le flanc du dôme.

J'avais besoin de plus d'énergie—de plus de mana—pour que les émetteurs


atteignent rapidement leur pleine capacité. Si seulement nous avions eu cinq
minutes de plus !

Mon regard scrutateur s'est posé sur la faille au-dessus de moi. Peu de mana y
était aspiré à présent, mais une quantité importante s'en échappait encore.
Me liant au cristal avec du mana, je me suis élancée et ai volé au milieu de la
distorsion, ne pénétrant pas tout à fait dans la brèche mais flottant dans le
même espace intermédiaire que celui que les dragons occupaient avant l'at-
taque. Là, j'ai puisé abondamment dans la source de ce mana, mais je ne l'ai
pas gardé à l'intérieur de moi pour le purifier. Au lieu de cela, je l'ai poussé vers
le bas à travers le filin et dans le réseau, qui a pulsé d'énergie tandis que le
bouclier projeté se renforçait et s'épaississait, des ondulations visibles de lu-
mière pulsant le long de sa surface pour se heurter à son sommet.

Les dragons sont arrivés, leurs sorts, leur souffle et leurs griffes se sont abattus
sur la barrière.
J'ai souri, le soulagement faisant disparaître la peur en moi. Le bouclier tenait
bon.

Nico Sever :

Je me suis agité en regardant le spectacle de lumière qui se produisait à l'est.


C'était trop loin pour que je sache si cela fonctionnait ou non. Même si la tech-
nologie du bouclier avait été conçue par le Souverain Orlaeth pour bloquer
même le Haut Souverain Agrona, et que je l'avais vu empêcher Cecilia de le
franchir, il me semblait que c'était beaucoup demander que de tenir sous les
attaques constantes d'un nombre indéterminé de dragons.

Et puis il y avait la technologie de perturbation que nous avions mise au point


à partir des prototypes que Seris avait laissés dans les Relictombs. Grâce à elle,
nous pouvions interrompre la capacité de voyager à travers la faille, afin que
le Seigneur Indrath ne puisse pas envoyer de dragons de ce côté. Comme Seris
l'avait fait au deuxième niveau des Relictombs, nous couperions les deux
mondes l'un de l'autre.

« On y va ou quoi ?» Demanda Dragoth, renfrogné alors qu'il me surplombait.

C'est à Cecilia qu'incombait la tâche de colmater la faille. J'avais la mienne.

« Les autres équipes ont confirmé que tout est en place ?» Demandai-je, plus
pour me remettre les idées en place que parce que je craignais qu'elles ne
l'aient pas fait.

L'un des instilleurs qui nous accompagnaient a répondu d'un ton nerveux :
« Oui, monsieur. »

J'ai vérifié mon artefact de chronométrage, qui avait été synchronisé avec plu-
sieurs autres équipes wraiths maintenant réparties à travers Dicathen.
« Activez le cadre de téléportation. »
Les instilleurs ont commencé à activer le cadre de téléportation de cinq mètres
de large. Je les observais avec un mélange de nervosité et de fierté : il s'agissait
d'un artefact de ma propre conception.

Pendant que Cecilia cherchait la faille, j'écumais les donjons des parties les plus
profondes de la Clairière des bêtes à la recherche d'une relique de téléporta-
tion djinn complète. Les portails longue distance qu'ils avaient mis au point
tenaient encore debout et étaient utilisés dans tout Dicathen et, dans une
moindre mesure, en Alacrya. Ils pouvaient même aller d'un continent à l'autre,
comme ils l'avaient fait pendant la guerre.

Mais les instilleurs d'Agrona n'avaient jamais appris à les reproduire. De mon
côté, j'ai trouvé la solution.

Le cadre a émis un faible bourdonnement, puis un rideau d'énergie s'est dé-


versé à l'intérieur du grand rectangle ouvert. J'ai vérifié à nouveau l'artefact de
chronométrage. « Terminez la liaison. »

L'instilleur principal a programmé les directions vers un cadre portail en Ala-


crya. Le mana s'est déplacé, gagnant en clarté. Un instant plus tard, il s'est mis
à onduler et une rangée de soldats l'a traversé. Derrière eux, une autre rangée
est passée, puis une autre. Je savais que nos forces se déversaient par des por-
tails identiques dans tout Dicathen, mis en place par des équipes de Wraiths
qui se déplaçaient de façon presque invisible.

L'appréhension m'a envahie.

Malgré les efforts déployés à cet instant, rien que pour permettre à ces soldats
de fouler le sol dicathéen, je savais que c'était la partie la plus facile. Tandis
que les rangs d'hommes défilaient les uns après les autres, je me préparais à
ce qui allait suivre.

Aucune pierre ne doit être oubliée, aucun village doit être épargné... c'est ce
que voulait Agrona.
En me raclant la gorge, je me suis tourné vers le mur, à moins d'un demi-kilo-
mètre de distance. C'est ainsi qu'a commencé la deuxième invasion de
Dicathen...

« Dragoth, tu sais ce qu'il te reste à faire. »

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