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Bernard Deforge
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ISBN : 978-2-251-91771-9
INTRODUCTION
La culture de Zarubinets
Dès la fin du ier siècle apr. J.-C. et dans le courant du iie siècle, les Goths,
descendant de la Baltique, s’installent au nord de la mer Noire et de la
Crimée, créant un complexe nommé « culture de Tcherniakhov ». Cette
culture recycle des éléments d’origine germanique, les mêlant à d’autres
issus de la culture de Przeworsk et à quelques autres encore de la culture de
Zarubinets, dont elle occupe la partie sud23.
La partie nord de l’aire géographique de la culture de Zarubinets échappe
à l’emprise de la culture de Tcherniakhov. Certains sites biélorusses ont
ainsi été datés par 14C24 et les dates sont intéressantes : 190 apr. J.-C. pour
Obidnya ; 280 pour Adamenka ; 330 pour Radyševa Gora. La culture qu’on
nomme maintenant « post-Zarubinets » s’avère donc être
chronologiquement parlant la dernière culture de type La Tène. Ainsi, le
site emblématique de Koločin montre une quasi-continuité d’occupation de
180 apr. J.-C. jusqu’au viie-viiie siècle apr. J.-C., date de sa destruction
définitive25. Toutefois, même si cette partie de la culture échappe à
l’emprise gothique, elle a dû subir des troubles importants, car on a alors
noté l’apparition de plus en plus fréquente d’inhumations avec armes26.
Plus tard, ces deux cultures, celle de Zarubinets et celle de Tcherniakhov,
vont entrer en expansion. Ce sont pour finir trois cultures archéologiques
slaves qui apparaîtront au vie siècle : la culture de Prague-Kortchak, à
l’ouest, attribuable aux Sclavènes, la culture de Penkovka, au sud-ouest,
attribuable aux Antes, et la culture de Koločin-Tušemlija, au nord-est, qui
serait alors attribuable aux Vénètes. C’est sous ces trois noms que les
Slaves sont alors connus dans les sources byzantines et latines. L’expansion
slave atteint son maximum aux viiie-ixe siècles, si l’on ne tient pas compte
de la colonisation tardive, à partir du xvie siècle, par les Russes, de la
Sibérie et de l’Asie centrale.
Cette histoire, ici très brièvement résumée, est fort mal connue en
Occident. En français, nous disposons certes de livres de vulgarisation, mais
ils sont anciens et peu aisés à trouver. Un ouvrage de l’archéologue tchèque
Zdeněk Váňa donne ainsi une présentation générale grand public, très
illustrée27. Pourtant plus récent, celui de son homologue Bohuslav
Chropovský, quoique tout aussi illustré, est à éviter car son propos est plus
idéologique28. Des errances plus graves se retrouvent chez l’académicien
soviétique Boris Rybakov, qui voit des Slaves au Néolithique, ce qu’aucun
archéologue sérieux ne saurait affirmer. Pavel Dolukhanov se place dans la
continuité de Boris Rybakov et tâche de retrouver les ancêtres des Slaves
depuis le Paléolithique29. Une démarche pour le moins hasardeuse.
D’autres travaux sont autrement plus sérieux. Le petit essai de Frank
Kmietowicz est toujours utile mais vieilli30. En anglais, l’ouvrage récent de
Florin Curta, pour beaucoup basé sur les sources byzantines, concerne plus
directement les Balkans31. Côté russe, les travaux de l’académicien
V. V. Sedov sont incontournables32. En français, la synthèse de Michel
Kazanski, basée sur des travaux récents, est sans doute la meilleure
disponible33. S’appuyant sur les précédents, l’étude de Iaroslav Lebedynsky
se focalise sur les rapports entre les premiers Slaves et les diverses
populations iranophones (Scythes, Sarmates…) qui les ont côtoyés34. Une
place à part doit être accordée à l’important ouvrage du Polonais Karol
Modzelewski, qui délaisse l’histoire événementielle pour s’intéresser à la
structure sociale et politique des Slaves, comparée à celle des derniers
Germains païens35.
Mais elle est surtout active à partir du siècle suivant, et elle s’achèvera
officiellement au xiie siècle. Elle est le fait à la fois des Byzantins, qui
convertissent d’abord les peuples sous domination bulgare, puis l’ensemble
des Slaves de l’Est, et des Latins, notamment des Francs et des Bavarois,
qui toucheront une partie des Slaves du Sud et l’ensemble des Slaves de
l’Ouest.
C’est une conversion sans appel, sans maintien du moindre souvenir du
paganisme antique. Alors qu’en Irlande et en Scandinavie, autres régions
d’Europe christianisées tardivement, des pans entiers de la poésie ancienne
et de la mythologie sont conservés, chez les Slaves, rien de tout cela ne
subsiste. Il ne reste que des fragments : des dénonciations du paganisme par
des prêtres chrétiens, quelques rares idoles, et des réminiscences de mythes
dans des légendes plus récentes. De ce fait, la religion slave païenne s’avère
particulièrement difficile à appréhender. Et sur le plan historiographique, la
survenue de la révolution d’Octobre en Russie, puis la bipartition de
l’Europe en 1945, ont fait qu’en Occident, les questions de l’origine des
Slaves et de leur culture ancienne ont été singulièrement ignorées.
Le paganisme des anciens Slaves ne fait plus l’objet de publications
sérieuses en français depuis longtemps. Le seul et unique ouvrage de grande
ampleur est celui de Louis Leger, La Mythologie slave, publié en 1901.
Mais cet essai est plus une compilation d’articles plus anciens mis à jour
qu’un tout cohérent : il manque donc au sommaire des pans entiers du sujet.
Et évidemment c’est un ouvrage qui ne peut tenir compte de plus d’un
siècle de recherches nouvelles. Cet essai fondateur est suivi en 1948 par la
partie consacrée aux Slaves de Les Religions des Celtes, des Germains et
des anciens Slaves, rédigée par Boris Unbegaun. Ce dernier se livre alors à
un examen particulièrement critique des sources, qui ne laisse finalement
plus grand-chose à étudier. Un examen excessif, relevant quasiment de
l’hypercritique.
Depuis cette époque, il n’y a eu d’ouvrage en français consacré à la
mythologie slave que la traduction par Lise Gruel-Apert d’un livre
de l’académicien soviétique Boris Rybakov, Le Paganisme des anciens
Slaves. Mais le travail de Rybakov est particulièrement dogmatique, orienté
du point de vue idéologique : il a fait l’objet, en Russie, d’une sévère
critique après la Perestroïka36.
Par la suite, il n’y a eu que des ouvrages traitant du folklore moderne et
contemporain, essentiellement en Russie. Citons Vladimir Propp, Les Fêtes
agraires russes (1995) ; André Siniavski, Ivan le Simple. Paganisme, magie
et religion du peuple russe (1990) ; Francis Conte, L’Héritage païen de la
Russie, 1, Le paysan et son univers symbolique (199737) ; Nadia Stangé-
Zhirovova, Une autre Russie. Fêtes et rites traditionnels du peuple russe
(1998) ; Elizabeth Warner, Mythes russes (2005) ; Lise Gruel-Apert, Le
Monde mythologique russe (2016).
Tous, donc, ne traitent que du folklore russe, et tous souffrent de défauts
plus ou moins rédhibitoires. L’ouvrage de Nadia Stangé-Zhirovova
considère que l’idée de double foi en Russie (la persistance du paganisme
après la christianisation) implique une séparation réelle des païens et des
chrétiens, alors qu’il s’agit d’idées païennes qui continuent à être véhiculées
par des chrétiens. Celui d’Elizabeth Warner est si court (153 p. très aérées
au format poche) qu’au final il ne dit pas grand-chose. Celui de Lise Gruel-
Apert est une synthèse parfois très maladroite des travaux de Propp et de
Rybakov (qu’elle a traduits en français), des travaux qui ont vieilli et ont
donc été largement critiqués. L’autrice ne tient d’ailleurs pas compte des
autres thèses parallèles, comme celles de l’archéologue V. V. Sedov,
contemporain de Rybakov, ou des mythologues V. Ivanov et V. Toporov,
dont les apports ont pourtant été considérables.
Que reste-t-il pour finir ? Un numéro spécial de la revue Slavica
Gandensia (7/8, 1980/1981), qui publie les actes du Symposium
international et pluridisciplinaire sur le paganisme slave (Bruxelles, Gand,
21-24 mai 1980). Mais il ne s’agit pas d’une synthèse, juste d’un recueil de
travaux. Et ma thèse, Perun, dieu slave de l’orage, publiée en 2015.
Cependant, c’est une monographie consacrée à une seule divinité.
Il n’y a donc aucune synthèse en français concernant l’ensemble des
Slaves, et la slavistique francophone semble s’être totalement détournée de
ce sujet. Le domaine slave est le seul champ d’études mythologiques à être
ainsi aussi négligé.
Pourtant, la recherche n’a jamais cessé, que ce soit en Russie (ou avant en
URSS) ou dans les autres pays slaves. Elle connaît même un renouveau
important depuis les années 1990, avec certes nombre d’errements liés à
l’apparition de mouvement néopaïens, mais aussi avec l’apparition de
nouveaux chercheurs on ne peut plus sérieux dans l’ensemble des pays
slaves. Une synthèse de ces travaux restait à faire.
LES PRINCIPAUX PEUPLES SLAVES VERS LE Xe SIÈCLE
RELIGION
LES RITES
Les rites sont intimement mêlés au rythme de la vie des anciens Indo-
Européens, et donc des Slaves, avant comme après leur christianisation.
Mais si le christianisme a su récupérer nombre de ces rites, il les a le plus
souvent condamnés. Ainsi, dans la Rus’ ancienne, le Récit des temps
passés1, dont l’auteur est évidemment chrétien, condamne, à l’année 1068
de sa chronique, les anciens rites des païens, et notamment les rites festifs :
« Ainsi le diable se manifeste par de tels procédés et bien d’autres pour nous éloigner de Dieu
par toutes sortes de ruses, par des trompettes et des jongleurs, des harpes et des rusalia. Nous
voyons en effet ces lieux de plaisir encombrés par une foule nombreuse où l’on s’entasse l’un
sur l’autre pour voir ces spectacles inventés par les démons […]2. »
RITES PARTICULIERS
Naissance et enfance
Aucun rite réellement ancien associé à la naissance n’a été conservé par
les textes. On retrouve un peu partout dans le monde slave traditionnel les
mêmes gestes et les mêmes coutumes, mais cet ensemble de pratiques ne se
distingue que peu de tout ce qui se faisait dans le reste de l’Europe3. Après
sa naissance l’enfant était confié pendant quelques années à sa mère, puis,
s’il s’agissait d’un garçon, son père prenait le relais lors d’une cérémonie
particulière : la tonsure (en vieux russe postrigy, polonais postrzyżyny),
c’est-à-dire la coupe, par le père, un parent ou un hôte de marque, de
quelques mèches sur la tête du garçon4. Cette coutume n’est attestée qu’à
partir du xe siècle, auprès de populations déjà chrétiennes, mais un texte
polonais au moins la présente comme un rite relevant du paganisme5. La
date de la cérémonie est très variable : chez les Polabes, la tonsure avait lieu
lors de la septième année, chez les Tchèques, plus tard, et chez les Russes,
lors de la troisième ou de la quatrième année.
Mariage
Décès
Concepts généraux
Dans certains secteurs du monde slave, aucun cimetière n’a été clairement
identifié alors même que l’habitat peut y être abondant. Cela pourrait
montrer que d’autres pratiques que la crémation ou l’inhumation ont été en
usage21, par exemple l’abandon des corps en plein air, comme le faisaient
les anciens Iraniens et de nos jours les Zoroastriens22, ou encore les
Gaulois23.
La crémation
Le Récit des temps passés donne pour l’ancienne Rus’ une description des
rituels en usage à l’époque du paganisme :
« Et quand l’un d’eux [les Radimiči, les Vjatiči et les Severjane] mourait, ils célébraient pour lui
une fête [tryzna] et ensuite ils faisaient un grand bûcher, déposaient le cadavre sur le bûcher et
l’allumaient ; après ils rassemblaient les ossements, les déposaient dans un petit vase qu’ils
plaçaient sur une colonne le long de la route. Telles étaient aussi les coutumes des Kriviči et des
autres païens qui ne connaissaient pas la loi de Dieu et faisaient leurs propres lois pour eux-
mêmes24. »
Les éléments ici donnés se retrouvent chez presque l’ensemble des Slaves.
La crémation est largement répandue dans les temps les plus anciens. On
note cependant des disparités territoriales : la crémation est très fréquente
en Bohême et en Moravie, dans les Basses Carpates occidentales, le sud de
la Pologne ; elle est plus rare en Grande Pologne, en Mazovie et en
Silésie25. Diverses offrandes sont offertes au mort à cette occasion26 : elles
peuvent être brûlées avec le corps, ou simplement déposées dans la fosse
avec l’urne. On trouve aussi régulièrement des œufs ou des coquilles, mais
aussi des chiens sacrifiés, qui sont enterrés cependant dans des fosses
séparées de celles des humains27. Dans une nécropole à inhumations
fouillée près de Uherské Hradiště (Moravie) et datée du ixe siècle, on a
découvert cinq tombes (sur 92) contenant les restes d’hommes
accompagnés de cornes d’animaux, ce qui a été interprété comme un
vestige de totémisme28. Cette coutume, rare chez les Slaves, a pu être
empruntée aux Avars, alors installés sur le territoire de l’actuelle Hongrie29.
On note aussi en Slovaquie la présence régulière, non justifiée par des
aspects pratiques, d’objets d’époque laténienne ou romaine dans les tombes,
sans doute à titre superstitieux30. La coutume largement attestée en domaine
germanique d’enterrer les morts avec un seau, est connue aussi chez les
Slaves31. On notera toutefois qu’en Pologne, les offrandes sont rares dans
les tombes les plus anciennes32.
Certaines sépultures peuvent être monumentales, prenant la forme de
vastes tumuli, comme celui de Krakus près de Cracovie, construit
vraisemblablement entre le viiie et le xe siècle33. Le mont de Przemysław,
près de Przemysł, attribué au fondateur mythique de la ville, fait
actuellement 10 m de haut, pour une base ovale de 100 × 60 m. Il y avait
tout autour d’autres tumuli plus petits34. Ces tumuli apparaissent en Bohême
au viiie siècle35. Ils ne dépassent généralement pas 2 m de haut pour 4 à
12 m de diamètre : ils sont régulièrement regroupés en nécropoles. Diverses
structures (pierres ou poteaux) peuvent être implantées au sommet36.
Curieusement, en Pologne, on note l’apparition des tumuli aux vie-
vii siècles, puis ils disparaissent temporairement avant de réapparaître au
e
xe siècle37.Selon le Perse Ibn Rustah, qui écrivait au début du xe siècle et a
laissé une description détaillée des coutumes funéraires des Slaves, l’urne
cinéraire n’était pas placée sous le tumulus, mais au sommet de celui-ci38.
Un an après la crémation, la famille revenait sur les lieux et offrait un
banquet39. À la fin du xe siècle, Mas’ūdī donne des renseignements très
proches : le mort est incinéré avec ses animaux, ses armes et ses bijoux. Sa
femme se suicide pour l’accompagner (mais la réciproque n’est pas
vraie)40.
L’idée d’un banquet funéraire est connue chez l’ensemble des Slaves
païens. Son nom était sans doute tryzna ou strava41. Il est attesté dès le
vi siècle : on sait que le roi slave Musokios fut pris par les Byzantins alors
e
que lui et ses troupes étaient totalement ivres après avoir donné un banquet
funéraire en l’honneur du frère du roi42. Ce festin était accompagné de
divers jeux43. En 1092, un prince tchèque publie un décret interdisant les
rituels funéraires organisés près des carrefours selon l’usage païen, durant
lesquels on dansait le visage couvert d’un masque44. En 1207, le pape
Innocent II se plaint auprès de l’archevêque de Gniezno (Pologne) de
l’existence de jeux impies en l’honneur des morts, avec masques et
danses45. Deux masques en bois, de forme triangulaire, datés de la seconde
moitié du xie siècle et de la fin du xiie, ont d’ailleurs été découverts à
Ostrówek (Opole)46.
Le voyageur arabe Ibn Fadlân a décrit en détail l’enterrement d’un chef
rus’, durant lequel on organise un banquet, tandis que les proches du chef
couchent avec une esclave qui est ensuite sacrifiée, placée près du mort
dans un bateau auquel on met ensuite le feu. Cette cérémonie a longtemps
été considérée comme typiquement scandinave47. Elle trouve en effet ses
principaux parallèles dans le monde scandinave, tant au niveau des
découvertes archéologiques, que dans la littérature, avec notamment le récit
de l’enterrement du dieu Baldr. Le corps du dieu est placé dans son bateau,
que l’on lance en mer afin d’y allumer un bûcher. C’est lorsque son corps
est porté à bord que sa femme, voyant cela, meurt de chagrin48. Nous
disposons d’un autre exemple, lui aussi littéraire, et lui aussi dû à la plume
de Snorri Sturlusson. On le trouve dans le chapitre xxvii de l’Ynglinga Saga
et il concerne le roi Hake de Suède, qui a dû vivre au moins cinq siècles
avant Snorri49. Il n’est cependant ici pas question d’une femme sacrifiée ou
morte avec lui, mais des guerriers du roi, morts au combat en même temps
que lui. Reste enfin une citation de Saxo Grammaticus, concernant le roi
Frodo, qui indique que « le corps d’un centurion ou d’un gouverneur se doit
d’être incinéré sur un bûcher construit avec son propre navire50 ». Nous
avons là trois exemples littéraires, largement confirmés par l’archéologie51.
Une large partie de ce qu est décrit par Ibn Fadlan peut bien être d’origine
scandinave.
Mais en Russie ancienne52 comme en Poméranie53, les enterrements les
plus prestigieux pouvaient aussi se faire dans un bateau. Il pourrait s’agir là
encore d’une influence scandinave. Cependant, dès 1924, un article
d’Albany Major aurait dû attirer l’attention des scandinavistes. Avant
d’étudier ce type de cérémonie chez les Scandinaves, étude durant laquelle
il fait bien entendu appel au témoignage d’Ibn Fadlân, il rappelle que la
coutume n’est toutefois pas spécifique au monde germanique ancien. Les
exemples qu’il donne sont particulièrement intéressants.
Dans l’est de la Finlande, on a pu fouiller des tombes dans lesquelles le
défunt était inhumé dans un tronc évidé ayant la même forme qu’une
barque à fond plat. Au xixe siècle, en Carélie, les cercueils étaient aussi
taillés dans un tronc appelé runki (« barque à fond plat, pirogue »).
Les Lapons (Sami) et les Tchérémisses (Mari) ont aussi connu cette
coutume, et largement plus à l’est, les Ostiaks (Khanty) plaçaient leurs
morts dans de petits bateaux54. Il note aussi qu’en Carélie russe, il était
d’usage de couvrir la tombe avec un vieux bateau retourné. Nous sommes
dans le monde finno-ougrien. Les Caréliens, les Lapons et les Finnois ont
pu subir anciennement l’influence scandinave, mais cela est plus douteux
pour les Tchérémisses et les Ostiaks. Enfin, Ibn Fadlân note que ça n’est pas
seulement les chefs que l’on inhume ainsi, mais même les hommes pauvres,
que l’on place dans une embarcation fabriquée pour l’occasion, puis que
l’on brûle, alors qu’en Scandinavie, la sépulture avec bateau reste semble-t-
il un privilège.
Par ailleurs, on sait grâce à une source du xive siècle que saint Gleb aurait
été enterré entre deux troncs évidés, « sous un nasad », c’est-à-dire une
embarcation monoxyle à bords surélevés55. Le Récit des temps passés, à
l’année 945, qui montre aussi comment la princesse Olga de Kiev venge
son mari Igor, en enterrant vivant des ambassadeurs du peuple slave des
Drevlianes dans des bateaux56. Mais le témoignage est délicat à interpréter :
Olga, qui est d’ascendance varègue, agit-elle selon un rituel scandinave, ou
slave, ou les deux ? L’archéologie, en revanche, ne livre pas d’attestation de
cette pratique pour cette époque. On note toutefois que durant le bas Moyen
Âge (xiie, principalement xive-xve siècle) dans la région de Novgorod, on a
découvert des sarcophages naviculaires monolithiques dont deux
renfermaient chacun un corps en position aberrante : sur le côté, les
membres repliés57. On a aussi découvert trois cercueils monoxyles
naviculaires datant du xvie siècle : leur forme s’inspire clairement de celle
d’une pirogue58. Eux non plus ne proviennent pas du cœur historique de la
Russie, mais de régions en contact prolongé avec des populations finno-
ougriennes. L’archéologue Tatiana Panova hésite quant à l’origine de ces
sarcophages et cercueils naviculaires, et pense que leur modèle est issu de
cercueils en bois plus anciens (et donc a priori non conservés). Leur
présence dans la région de Novgorod inciterait à penser à une importation
scandinave, mais le plus ancien n’étant que du xiie siècle, l’écart
chronologique avec les tombes en bateau ou en forme de bateau nordiques
est trop important et permet d’écarter tout lien avec le monde norois. L’idée
d’une importation finno-ougrienne (des Finnois ou des Estoniens ont bien
évidemment fréquenté Novgorod où ils ont même laissé des documents
dans leur langue, sur écorce de bouleau59) reste encore la meilleure
solution, même si d’autres origines, plus lointaines (européennes ou
byzantines), sont possibles.
L’épouse sacrifiée
Dans le récit d’Ibn Fadlân se trouve aussi une donnée qu’on peine donc à
retrouver dans le monde scandinave : une jeune esclave est sacrifiée après
que les principaux compagnons du chef ont couché avec elle. On la tue
après l’avoir allongée à côté de son maître, à coups de poignard et en
l’étranglant à l’aide d’une cordelette. Sa position, allongée à côté du maître,
et le fait que sa mort soit volontaire rend très claire sa fonction posthume :
elle fait office d’épouse au défunt. Certes, on a retrouvé à Birka, en Suède,
des tombes contenant des couples. Mais on a constaté bien souvent que les
corps n’avaient pas été enterrés en même temps, et quand bien même l’ont-
ils été, que le sacrifice de la femme n’a pas été mis en évidence. Cependant,
le sacrifice d’hommes a bien été remarqué dans certaines tombes du
Danemark60. Bien souvent, les sacrifiés sont décapités. Un cas, retrouvé sur
l’île de Man, pourrait se rapprocher de la description d’Ibn Fadlân : à
Ballateare, une jeune femme a été sacrifiée, sa tête a été quasiment détachée
du corps par un coup d’épée61. Cependant, tout comme dans les autres cas
de sacrifices humains à vocation funéraire découverts dans le monde
scandinave, le corps de la victime est placé en position secondaire, ici au
sommet du tumulus qui recouvrait la tombe62. Tandis que chez Ibn Fadlân,
la jeune femme est placée aux côtés de l’homme, comme son égale.
Là encore, on peut sans doute trouver des parallèles hors du monde
scandinave. Dans un article déjà ancien, N. B. Jopson fait le détail des
connaissances de l’époque (1927) sur les plus anciennes coutumes
funéraires des Slaves. Et quelques-uns de ses exemples sont éloquents. Ils
concernent le fait que le défunt ne parte pas seul dans l’autre monde.
Ainsi, saint Boniface, l’apôtre des Germains, dit des femmes des Wendes
(Slaves de l’Ouest) qu’
« elles refusent de continuer à vivre lorsque leur mari meurt. Et ces femmes sont par eux
considérées comme louables si elles se tuent de leur propre main, puis brûlées sur le bûcher de
leur mari63. »
L’empereur Léon le Sage reprend cette idée dans son traité d’art
militaire65. Cette information se retrouve encore, concernant les Bulgares
du Danube, donc des Slaves, dans un récit arabe romanesque du xe siècle :
« Notre coutume, ô Grec, est que deux époux ne sont jamais séparés, même si la mort atteint
l’un des deux. Si le mari meurt avant la femme, nous la plaçons sur son lit, nous mettons son
mari à côté d’elle, et nous les descendons tous les deux ensemble dans un puits66. »
L’essor de l’inhumation
Si les rites funéraires sont particulièrement bien documentés, les rites liés
à la maison ou au foyer le sont bien moins. Les habitats des premiers Slaves
sont d’ailleurs très simples : tout comme leurs voisins germaniques, ils
vivent dans de petites maisons en bois semi-enterrées, dont un angle est
occupé par un foyer ou un four. L’accomplissement de rites dans des
structures d’habitat aussi simples est particulièrement difficile à révéler du
point de vue archéologique.
Sur la partie du territoire ukrainien correspondant aux anciens Severianes,
on a pu mettre en évidence la coutume, entre les viie et ixe siècle, de placer
près ou dans le four de la maison, un vase miniature, sans doute pour se
rendre propice un esprit domestique78. On note aussi l’existence, sur des
sites slaves en République tchèque et en Moldavie, de figurines miniatures
en terre cuite représentant des animaux ou des ustensiles liés à ces animaux,
comme des selles79. En Ukraine, encore, la fouille d’une maison incendiée
datant du xiie ou du début du xiiie siècle, à Sofijvs’ka Borščagivka (région de
Kiev) a montré qu’on a placé dans un coin une offrande de céréales, comme
cela se pratique encore régulièrement dans les campagnes après la
moisson80.
Il s’agissait sans doute, dans tous les cas, de se rendre propices des dieux
domestiques, qui ont pu être représentés par des idoles miniatures telles
qu’on en a trouvé à Novgorod ou à Wolin81. Ces dieux domestiques sont
vraisemblablement les ancêtres directs du « génie de la maison » bien
connu du folklore slave moderne82.
RITES PUBLICS
Rites calendaires
Banquet
Chez les Slaves de l’Ouest, nombre des rites décrits ci-dessus se terminent
par un banquet : nous en verrons quelques exemples ci-dessous. Les sources
des Slaves de l’Est sont moins nombreuses à ce sujet, mais les banquets
sacrés y sont bien attestés. Un confesseur russe du Moyen Âge pouvait
demander : « N’as-tu pas vénéré les Vily, ou Rod et les Rožanicy, et Perun
et Xors et Mokoš, et n’as-tu pas bu et mangé en leur honneur96 ? »
Un nom slave du sacrifice est trěba97. Il apparaît vers 918 dans un texte
carolingien sous la forme trebo98. Ce sacrifice pouvait prendre la forme
d’une offrande, notamment alimentaire, mais il arrivait aussi qu’on tue des
victimes, animales ou humaines.
Les attestations textuelles de sacrifices humains sont nombreuses. Selon
Adam de Brême, l’évêque Jean de Mecklembourg a été sacrifié au dieu
Redigost à Rethra99. Le Récit des temps passés mentionne des sacrifices
humains accordés au sanctuaire récemment créé par Vladimir à Kiev100.
Selon un chroniqueur du Moyen Âge tardif, Jan Dąbrówka, Wanda, après la
mort de Krakus, son père, s’est volontairement sacrifiée aux dieux en se
jetant dans la Vistule. Un autre chroniqueur, du xvie siècle, la montre faire
cela en se jetant à cheval d’un pont101.
Selon le chroniqueur Helmold de Bosau, les Rani, sur l’île de Rügen,
sacrifiaient à Svantovit, une fois par an, un chrétien tiré au sort102. Le même
Helmold mentionne aussi des sacrifices de bétail et des sacrifices humains
chez les Obodrites :
« À savoir, d’après le sort, un prêtre annonce une célébration pour honorer les divinités, puis
hommes, femmes et enfants se rassemblent. Ils tuent des bœufs et des moutons en offrande à
leurs dieux, certains tuent même des chrétiens, prétendant que les dieux savourent le sang
chrétien. Après avoir tué l’animal sacrifié, le prêtre goûte son sang afin de devenir plus sensible
à l’inspiration oraculaire. Quand le sacrifice est accompli de la manière habituelle, les gens
commencent à manger et à danser103. »
Dans l’est de la Pologne, les plus anciens habitats fortifiés montrent que
l’occupation n’y était pas permanente : ces lieux apparaissent souvent vides
de mobilier usuel. En revanche on y a régulièrement découvert des
ossements humains épars. L’un de ces sites, Kowalowa Góra, possédait un
système de défense particulièrement faible, n’encadrant aucun habitat
réellement défini. En revanche, on y a découvert une série de fosses
contenant des ossements partiellement brûlés, des squelettes incomplets
voire partiellement détruits volontairement. Ces sites ont pu être à la fois
des centres de pouvoir et des sanctuaires dans lesquels on a pratiqué des
sacrifices humains108. Chez les Slaves de la Baltique, des animaux et
parfois des êtres humains ont été sacrifiés puis enterrés à l’emplacement de
la construction d’un nouveau bâtiment109. À Mikulčice, importante
agglomération médiévale de Moravie, une structure rectangulaire, formée
d’une palissade enfermant un espace divisé en trois bandes, a été fouillée :
la bande centrale était occupée par deux foyers, tandis que les deux bandes
encadrantes ont été des espaces d’inhumations. L’une de ces bandes
s’achevait par la tombe de trois chevaux, et un peu partout autour des
tombes ordinaires étaient enterrés des individus porteurs d’anomalies
physiques, telles des amputations110. Cet assemblage de sépultures
ordinaires et d’individus possiblement sacrifiés rappelle les sacrifices
funéraires montrés par Léon le Diacre.
Plusieurs sources médiévales indiquent que la décapitation a pu être un
mode de sacrifice ordinaire chez les Slaves de l’Ouest111. Une lettre de
Bruno de Querfurt adressée à l’empereur Henri II lui reproche d’avoir fait
alliance avec des païens pratiquant le sacrifice humain, et notamment
l’offrande de têtes de chrétiens à l’étendard de leur dieu112. De fait, Jean de
Mecklembourg a été décapité, et sa tête enfilée sur un fer de lance et offerte
à Radigost. Une lettre d’Adelgott de Magdebourg contre les Slaves païens
dit qu’« ils coupent la tête des chrétiens et les offrent en sacrifice113 ». De
même, on trouve régulièrement sur divers sites la tête d’animaux sacrifiés,
et notamment de chevaux114. Selon Helmold, les chrétiens sacrifiés étaient
tirés au sort : on retrouve l’idée de tirage au sort de chrétiens à sacrifier
dans l’ancienne Rus’115.
Divination sacrée
Le chroniqueur anglo-normand Guillaume de Malmesbury nous informe,
d’après une source allemande perdue123, que :
« les Vindelici vénèrent Fortuna, et plaçant son idole sur le lieu le plus élevé, ils mettent une
corne dans sa main droite, remplie d’un breuvage fait de miel et d’eau que les Grecs appellent
« hydromel ». […] Ensuite, le dernier jour de novembre, assis en cercle, ils y goûtent tous. Et
s’ils trouvent la corne pleine, ils applaudissent avec force clameurs, car dans l’année qui
s’ensuivra, beaucoup, avec sa corne débordante, verront leurs souhaits s’accomplir. Mais s’il en
est autrement, ils se lamentent124. »
Sur cette base, le prêtre indique aux gens s’ils peuvent consommer la
récolte à venir à volonté ou non. Ensuite le prêtre verse le reste de la coupe
au pied de la statue, et chante une incantation afin d’assurer la santé et la
victoire, à lui, à son pays et à son peuple. Puis il vide définitivement la
coupe et la remet dans la main de la statue après l’avoir remplie. Un énorme
gâteau au miel est ensuite préparé. Enfin le peuple célèbre une grande fête,
en mangeant la viande des animaux sacrifiés et considérant que l’ivresse est
un acte pieux128. Des rituels similaires prenaient place à Rethra (Riedigast).
On notera l’importance de la corne à boire ou de la coupe, et de l’action de
boire, dans ces rituels. Il subsiste un vestige de cette action dans un texte
tchèque du xe siècle montrant saint Venceslas porter un toast à saint
Michel129.
D’autres rituels de divination devaient exister. Un traité bulgare du
x siècle, indique : « Auparavant, les Slaves n’avaient pas d’écriture, mais
e
c’est avec des traits et des entailles qu’ils comptaient et faisaient des
sortilèges, étant païens130. » Ces entailles, sans doute réalisées sur des
baguettes, ressemblent fort aux oghams d’Irlande, dont l’utilité première
était la magie.
Hippomancie
On retrouve l’idée de chevaux qui n’ont pas d’autre usage que le culte
religieux, et dont les mouvements sont interprétés pour prévoir l’avenir.
Ordalie
Rites guerriers
Les armées des Liutici vont au combat précédées d’étendards (en slave
commun stanica) ornés d’une déesse143. Au xie siècle, ces étendards sont
déposés dans le temple de Radigost144. Un étendard similaire, honoré
comme une idole, fut placé par les Rani à la porte d’Arkona lorsque les
Danois vinrent assiéger le sanctuaire145. Selon une chronique polonaise du
xiiie siècle, à l’année 1209, une armée part au combat précédée d’une
SANCTUAIRES
Le nom de ces temples pouvait être xram10. Un autre terme est connu par
les sources latines médiévales : contina (cf. serbe kuća, bulgare kŭšča :
« maison »11) peut-être étymologiquement lié au polonais kąt : « angle »12.
Avant de désigner des sanctuaires (c’est-à-dire « maisons des dieux »13),
ces termes devaient désigner des bâtiments quadrangulaires. Les sources
latines parlent autrement de fanum, templum, delubrum : des termes que
l’on retrouve ordinairement dans les descriptions de l’ancien paganisme. En
russe, le terme kapišča est employé dans certaines sources anciennes.
Le sanctuaire d’Arkona sur l’île de Rügen est décrit par Saxo
Grammaticus comme étant de forme carrée, de 20 m de côté, construit en
bois et dont les parois sont ornées de figures sculptées et peintes. Le toit
était peint de couleur rouge. Il n’avait qu’une seule entrée. À l’intérieur se
trouvaient quatre poteaux éloignés de six mètres auxquels étaient suspendus
des rideaux. Derrière ces rideaux se trouvait l’idole de Svantovit, d’une
hauteur de 8 m environ. On a cru pouvoir confirmer cette description par
des fouilles effectuées au début des années 192014. Mais on sait maintenant
que la partie de la péninsule qui accueillait le temple est sans doute tombée
dans la mer.
Le sanctuaire conservait aussi le trésor des Rani, constitué du tribut versé
par les peuples soumis, par les offrandes des marchands, ainsi autorisés à
commercer sur l’île, et par l’or et l’argent ramené lors des raids de
piraterie15 : il fut pillé par le roi du Danemark Waldemar16. Le testament
d’Absalon, archevêque de Lund sous l’ordre de qui Arkona fut détruite,
mentionne deux coupes probablement prises dans ce trésor17. Ce trésor
semble avoir servi de réserve financière ‒ les Rani ne connaissaient pas
l’usage de la monnaie18.
À Stettin, le temple de Triglav (en fait deux ou quatre bâtiments construits
l’un à côté de l’autre et renfermant les statues des dieux), bâti sur une
colline au milieu de la ville, contenait lui aussi un trésor, alimenté par le
dixième des prises de guerre, et par les armes des ennemis vaincus19. Le
bâtiment principal renfermait l’idole et le trésor, tandis que les autres,
devant servir aux réunions de conseils, étaient meublés de tables et de
chaises20.
Le sanctuaire de Radigost (Rethra), construit au sein d’une fortification21,
était bâti en bois sur des fondations posées sur des cornes d’animaux. À
l’intérieur étaient placées des idoles ornées de casques et de cuirasses, et
dont le nom aurait été gravé dessus22. Le temple renfermait aussi des
étendards qui n’étaient sortis qu’en temps de guerre. On y trouvait aussi un
lit pourpre préparé pour le dieu principal23. Ce dieu est Zuarasici
(Svarožič), qui prendra dans les sources plus tardives le nom de Radigost.
Le temple de Radigost (Rethra) fut probablement détruit par une expédition
menée par l’évêque Burchardt d’Halberstadt en 1067 ou 106824.
D’autres temples, non attestés par les textes, ont été découverts à la suite
de fouilles archéologiques. À Wolin, un temple en bois, plusieurs fois
reconstruit, a été découvert au cœur de l’agglomération médiévale25.
À Gross-Raden, sur une péninsule en bordure du lac Binnen
(Mecklemburg), sur le territoire des Varni, une branche des Obodrites, un
village daté des ixe-xe siècles a été fouillé26. À l’écart des maisons se
trouvait un grand bâtiment quadrangulaire27. Ce bâtiment était entouré
d’une palissade de planches terminées de têtes humaines stylisées, formant
une sorte de déambulatoire. Une coupe en terre cuite, six crânes de chevaux
et un crâne de bœuf, deux fers de lance et une poignée de bouclier ont été
découverts dans le bâtiment. Le nom du lieu (Radim en 1256 ; Magna
Radem en 1271) a été rapproché de Radigost. Un bâtiment du même type,
mais moins bien conservé, a été découvert à Parchim, dans le même
secteur28. À Wrocław, en Pologne, un sanctuaire lui aussi partiellement
construit de planches terminées de têtes humaines, a été découvert et daté
par dendrochronologie de l’automne 1032 au printemps 1033. Un crâne de
cheval y a servi d’offrande de fondation. Ce sanctuaire a été rasé peu avant
105029.
Chez les Slaves de l’Ouest, ces sanctuaires peuvent être implantés au
cœur d’une ville, comme à Brandenburg30, à Rostock31, à Garz32 ou à
Stettin33. Il est possible que des sanctuaires du même genre aient existé
aussi chez les Slaves de l’Est. L’une des versions de la saga d’Olaf
Tryggvason mentionne la présence d’un temple à Kiev, près du palais, sous
le règne du prince Vladimir, qui était encore païen. Le terme employé est le
scandinave hof, qui désigne un sanctuaire fermé34. Si l’on doit accepter ce
témoignage tardif, cela montrerait qu’il a bien existé au moins un sanctuaire
de ce type chez les Slaves de l’Est35.
puis d’une demi-palissade. Il a été établi dans le cimetière lié à une église
du ixe siècle, vraisemblablement ruiné au siècle suivant57. Enfin, un
ensemble de structures circulaires associé à une agglomération, datant du
viii et du ix siècle a été fouillé et interprété comme un sanctuaire à
e e
Autres sanctuaires
IDOLES
L’un des traits les plus frappants des idoles slaves, du moins de celles
décrites dans les sources latines, est leur polycéphalie. La tricéphalie, à
laquelle répond le nom du dieu Triglav (« Trois Têtes »), est un modèle
iconographique fréquent en Gaule et en Thrace antique. Mais elle n’est pas
appliquée à n’importe quel dieu : en Gaule il s’agit de Mercure ou de
Cernunnos, le dieu aux bois de cerf, et en Thrace, du célèbre « Cavalier
thrace », dont le nom est variable d’un monument à l’autre95.
À St. Martin am Silberberg (Carinthie) on a découvert une idole en pierre
montrant une face aux traits épais, ornée d’un visage sur la pommette droite
(et peut-être d’un autre sur la pommette gauche). Deux yeux et un nez
apparaissent aussi dans le cou. Une croix a été gravée sur la nuque96.
À Fischerinsel (Allemagne), on a découvert une idole en bois faite d’un
poteau au sommet duquel deux têtes masculines moustachues sont
accolées97. En Ukraine, à Jarovka près de Tchernivtsi, on a découvert une
idole bifaciale, qui se présente comme un pilier de pierre de 1,7 m de haut.
Les deux faces sont dos à dos98. Près de l’église de Tesnovka, dans les
environs de Radomyšl (Ukraine), existait jusque vers 1850 une idole
appelée familièrement par les habitants Četyrebog (« Quatre-Dieu »)99. Une
autre existait sur une colline dans la vallée du Dniepr entre Režica et
Bobruisk100. La localité de Vieille-Riazan a livré une idole à quatre faces,
l’une d’entre elles, dont les seins sont marqués, étant féminine101.
L’idole dite du Zbruč est assurément la plus célèbre des idoles slaves. Il
faut dire qu’elle est particulièrement bien conservée, et qu’elle montre des
figures dotées d’attributs variés, dont on peut tenter l’interprétation.
Découverte au tout début du xixe siècle dans les eaux du Zbruč, en une
localité d’Ukraine nommée Husjatyn, elle est à présent exposée à Cracovie.
L’idole est régulièrement considérée comme un faux d’époque
romantique102, mais la plupart des chercheurs la tiennent pour authentique.
Elle se présente comme un pilier de pierre, à quatre faces. Les figures
s’organisent en trois niveaux. La partie basse ne montre qu’un seul
personnage, vu de face et de côté. Celui-ci est à genoux, et il porte, les bras
relevés, le reste du pilier. Son dos est orné d’une roue. Chaque vue de côté
montre son visage, ce qui pourrait laisser penser qu’il a trois têtes ou trois
visages.
Au-dessus de lui se trouvent quatre personnages, un par face. Tous se
tiennent de face, les bras écartés orientés vers le bas. Il s’agit là de deux
femmes et de deux hommes. L’une des femmes a au-dessus de l’épaule
gauche un petit personnage secondaire à peine esquissé (un enfant ?). Au-
dessus encore se trouvent quatre grands personnages, un par face, et encore
deux femmes et deux hommes. L’une des femmes tient une corne, l’autre un
anneau. L’un des deux hommes n’a pas d’ornement particulier. L’autre en
revanche est clairement un guerrier. Sous sa ceinture se trouve un cheval en
mouvement. Un sabre pend à cette ceinture, sabre du même type que le
« sabre de Charlemagne », un type d’arme commune en Europe orientale au
x siècle. Les quatre visages sont surmontés d’un unique bonnet, typique
e
des Slaves de l’Est médiévaux, d’une forme qui se retrouve sur les idoles en
granite de Novgorod et de Sebež, qui, elles n’ont qu’une seule face103.
L’idole du Zbruč montre qu’en fait plusieurs divinités étaient représentées
sur le fût. Le pilier peut très bien être, dans son ensemble, Perun, avec sur
ses flancs les représentations d’autres divinités. De même, si l’on suit
partiellement le travail de Boris Rybakov104, le dieu souteneur serait Veles,
identifiable à l’anguipède des colonnes gallo-romaines. Ce genre de
suggestion peut permettre de résoudre une certaine ambiguïté du Récit des
temps passé. En effet, si celui-ci nous dit que : « Vladimir commença à
régner seul dans Kiev ; puis il établit en dehors du palais du donjon, sur une
éminence, plusieurs idoles : Perun en bois, avec une tête d’argent et une
barbe d’or, et aussi Xors, Dažbog, Strybog, Simargl et Mokoš » ; il ajoute
plus loin que, lors de la christianisation, on fit détruire « les » idoles, tout en
n’en mentionnant réellement qu’une seule, celle de Perun105. On a pu donc
avoir, à Kiev, un pilier, une idole unique, représentant Perun, avec, sur ses
flancs, les images des autres divinités.
Très régulièrement, l’idole du Zbruč a été appelée « Svantovit ». Mais la
description que donne Saxo Grammaticus de l’idole de ce dieu à Arkona ne
correspond pas. Celle-ci était plus large qu’un homme. Elle possédait quatre
têtes regardant chacune dans une direction différente. Les têtes avaient la
barbe et la chevelure coiffées à la mode des Rani. Le corps tenait dans sa
main droite une corne faite de métaux variés, utilisée par le prêtre, corne qui
était amovible. Le bras gauche, placé sur le côté, formait un arc106. L’idole
de Triglav à Stettin devait être similaire : elle était aussi en bois mais
n’avait que trois têtes argentées107.
Une idole miniature fragmentaire en pierre, de 17 cm de haut dans son
état actuel, a été trouvée non loin d’une fontaine nommée U Libuše, sur
l’habitat fortifié de Kouřim (République tchèque). Datée du ixe ou du début
du xe siècle, elle se présente sous la forme d’un cylindre entouré de deux
rangs de visages. Le rang du dessus est fait de cinq grands visages, celui du
dessous, de six108.
À Wolin, c’est une idole miniature en bois, à quatre faces, datant du
x siècle, qui a été découverte dans une maison109. Des idoles miniatures
e
On sait par les sources latines que les sanctuaires des Slaves de l’Ouest
sont servis par des prêtres. On a longtemps cru que cette classe sacerdotale
s’était formée sous l’influence allemande et chrétienne1. Lubor Niederle
distingue d’ailleurs les prêtres des sorciers, aussi attestés par les textes2.
Cependant les Slaves de l’Est ont vraisemblablement eu aussi des prêtres,
même si les sources leur donnent des noms (volxvi) qui les rapprochent plus
des sorciers des époques ultérieures. Ainsi, au début du xe siècle, le prince
de Kiev Oleg consulte des sorciers et des magiciens, dont l’un lui prédit sa
mort, selon le Récit des temps passés3. Mais cette histoire concernant Oleg
n’est probablement qu’une légende. Toutefois, la même chronique nous
donne d’autres témoignages. Ainsi, à l’année 1024 :
« Cette même année, des sorciers apparurent à Souzdal, tuant un vieillard par des prophéties et
des moyens diaboliques, disant qu’ils empêcheraient les récoltes. Il y eut de grands troubles et
une grande famine dans toute cette région. Tout le peuple se rendit alors chez les Bolgars de la
Volga, en ramena du blé et ainsi il put vivre. Entendant parler de ces sorciers, Jaroslav se rendit à
Souzdal ; s’étant saisi de ces sorciers, il chassa les uns, et punit les autres […]4. »
À l’année 1044 :
« Il [Vseslav fils de Brjačeslav] était né de sa mère par des pratiques magiques. Quand sa mère
le mit au monde, il avait une marque à sa tête ; les sorciers dirent à sa mère : « Vois cette marque
sur sa tête ; et il la portera sa vie durant. » Vseslav porte encore cette marque sur lui aujourd’hui,
c’est pourquoi il n’aime pas l’effusion de sang5. »
Et à l’année 1071 :
« En ce même temps, apparut un sorcier inspiré par le diable. Il vint à Kiev et raconta au peuple
qu’au bout de cinq ans le Dniepr remonterait son cours et que les pays changeraient de place,
que la Grèce prendrait la place de la Rus’ et la Rus’ celle de la Grèce et que les autres pays
changeraient aussi. Les ignorants le crurent ; les croyants rirent et lui dirent : « Le démon se
moque de toi pour te perdre. » Et il en fut ainsi : au cours d’une seule nuit il disparut sans que
l’on sût ce qu’il était devenu6. »
L’ACCESSION À LA ROYAUTÉ
On l’a vu, les auteurs anciens parlant des Slaves de l’Ouest hésitent quant
aux termes à employer pour désigner les souverains. Beaucoup utilisent
« duc ». Plus tard, les termes « roi » et « prince » sont employés. Les deux
semblent avoir été primitivement élus par les hommes libres, mais seul le
roi obtenait la reconnaissance de l’empereur germanique ou du pape8.
Le prince tchèque, pour être légitime, faisait l’objet d’un rituel qui
l’obligeait à s’asseoir sur un trône de pierre situé au milieu du château de
Prague. Ce prince, qui était donc élu, était avant tout le garant de la paix9.
En Carinthie, le prince était indirectement élu par les paysans libres : ils
choisissaient l’un d’entre eux qui devenait alors juge et qui vérifierait si le
candidat était bon pour le pays. Celui-ci était alors revêtu d’une robe grise à
ceinture rouge, puis il lui était donné un sac rempli de provisions et il était
monté sur un cheval qui n’avait encore jamais travaillé, et mené jusqu’à un
trône de pierre dont la base est faite d’un chapiteau de colonne romaine. Un
chroniqueur du xive siècle indique que le premier à s’y être assis était un
paysan libre tenant par une main un bœuf, et par l’autre une jument. Le
nouveau prince devenait alors garant de la justice10.
Přemysl, le fondateur de la première dynastie tchèque, était lui-même un
paysan laboureur. La même légende se retrouve en Pologne, associée à
Piast, le fondateur de la première dynastie princière de Gniezno. L’idée d’un
roi laboureur se retrouve en Irlande, où c’est cependant le contraire des
légendes slaves qui arrive : Tairdelbach, roi du Thomond en Munster, et
père de saint Flannán, abandonna son trône et se fit laboureur11.
LA DRUŽINA
Le voyageur arabe Ibn Fadlân nous donne une description particulière de
l’organisation qui entourait le roi des Rus’ au xe siècle :
« Le roi des Rûs a pour coutume d’avoir dans son palais quatre cents hommes parmi ses
compagnons les plus braves et les hommes de confiance. Ils doivent mourir quand le roi
disparaît et sont exécutés après sa mort. […] Ce roi a un lieutenant qui commande les troupes,
livre combat aux ennemis et le remplace auprès de ses sujets12. »
Nous avons là, même si elle n’est pas nommée, très clairement la
description d’une družina, la troupe de guerriers qui, traditionnellement,
entoure les princes russes13. Le terme comme l’institution sont bien connus,
et on les retrouve encore dans les récits légendaires qui sont l’objet des
bylines, ces grands chants épiques collectés au xixe siècle. Il s’agit là d’une
forme particulière de Männerbund, institution guerrière indo-européenne14,
mais ici attachée à un roi. Le mot russe lui-même a un équivalent
scandinave, *drótt, cependant ce dernier est un terme déduit à partir de
noms composés, comme dróttinn, « seigneur, chef de guerre », dans
lesquels il survit comme archaïsme. En effet, sans doute dès l’an Mil, la
*drótt est remplacée par une autre institution, au sens plus large, la hirð,
laquelle a une fonction qui n’est plus totalement guerrière puisqu’elle inclut
des femmes, des fonctionnaires et des scaldes15. Ce parallèle étymologique
ne doit donc pas laisser à penser que l’un dérive de l’autre : le mot družina
est en effet panslave, avec anciennement le même sens partout16. De même,
tout comme le monde scandinave est passé d’une *drótt à une hirð plus
complexe et plus nombreuse, la družina s’est elle-aussi plus tard étendue et
complexifiée, voire divisée entre Malaja Družina, en quelque sorte la garde
d’élite, et la Grid’ Družina, laquelle incorpore d’autres soldats, de simples
suivants ou des serviteurs17. Cependant, alors que le changement s’est fait
vers l’an Mil en Scandinavie, il faut attendre le tournant du xie et du
xiie siècle pour qu’il se fasse en Russie18.
Là encore, on trouve donc dans la description faite par Ibn Fadlan des
éléments qui ne sont pas caractéristiques des Scandinaves, pas plus qu’ils
ne le sont des seuls Slaves : ils sont indo-européens en général.
Cette družina n’était pas nécessairement attachée au seul roi. À Arkona,
sur l’île de Rügen, trois cents cavaliers en armes formaient la garde du
sanctuaire de Svantovit. Toutes leurs prises de guerre étaient rapportées au
prêtre du temple21. En 1005, des Liutici païens ont secondé l’empereur
allemand lors d’une guerre contre la Pologne. Sur place, ils perdent dans
une rivière leur étendard à l’image d’une déesse et les cinquante guerriers
qui la gardaient22. Ces deux groupes de guerriers attachés à un temple ou à
une image divine pourraient être une forme de družina.
MYTHOLOGIE
DIVINITÉS
L’ordre des divinités serait alors Vampires et Beregyni puis Perun puis
Rod et les Rožanici. Cette succession de générations pourrait alors trouver
un parallèle, plus complexe cependant, en Irlande. Les textes médiévaux
irlandais nous disent en effet que l’île fut habitée d’abord par diverses
populations légendaires et primordiales, antédiluviennes (les « invasions »
de Partholon puis de Cessair), puis par trois générations divines dont les
Tuatha Dé Danann ‒ les dieux proprement dits ‒, et enfin par les fils de Míl,
c’est-à-dire les hommes. Et de tout temps, depuis l’origine, l’île est peuplée
de créatures démoniaques, les Fomoire19. Une pseudo-histoire en trois
étapes a vraisemblablement existé au Pays de Galles, où une triade (petit
texte mnémotechnique médiéval) nous dit que l’île de Bretagne portait le
nom de « Clos de Myrddin » avant d’être prise, puis d’« Île de Beli », une
fois prise pour la première fois, et enfin d’« Île de Prydain » quand elle fut
prise une seconde fois. Myrddin est Merlin, être protéiforme primordial
dont le nom est possiblement lié à la mer20, Beli est l’ancêtre des dieux
selon les généalogies galloises médiévales, quant à Prydain, il est l’ancêtre
des hommes et il a donné son nom à la Bretagne21.
On pourrait établir le tableau de correspondance suivant :
DIVINITÉS MINEURES
Le culte des pierres est attesté en Biélorussie depuis le xvie siècle, mais il
est assurément bien plus vieux puisque certaines des pierres consacrées
portent le nom d’anciennes divinités païennes26. Au xe siècle en Bohême, le
culte des pierres et des arbres est encore bien vivant27. Ce même culte des
arbres, en Russie, a sans doute des sources très anciennes28. Lorsque les
Rus’ descendaient le Dniepr en direction de la mer Noire, ils s’arrêtaient sur
une île pour rendre un culte à un arbre :
« Ayant dépassé ce lieu, ils [les Rôs] arrivent à une île portant le nom de Saint-Grégoire ; dans
cette île ils accomplissent leurs sacrifices, car un chêne énorme se dresse là ; ils sacrifient des
coqs vivants. Ils plantent des flèches tout autour [du chêne ?], d’autres [déposent] des morceaux
de pain et de viande, et une part de ce que chacun possède, comme le veut leur coutume. Ils
tirent aussi au sort à propos des coqs, soit pour les égorger, soit pour les manger, soit pour les
laisser en vie29. »
Sur l’île de Rügen, le roi danois Valdemar a détruit un bois sacré nommé
Böku37.
Des nymphes
PANTHÉON
Diverses divinités, dans les sources latines, ne sont désignées que sous un
nom classique, par interpretatio romana. Cela rend leur identification
particulièrement délicate. On a vu que Guillaume de Malmesbury
témoignait du culte rendu à Fortuna chez les Slaves de l’Ouest40. D’autres
cas peuvent être signalés. Cosmas de Prague montre le prince Vlastislav
jurer par Mars et Bellona41. Selon Widukind, dans son histoire des Saxons
écrite au xe siècle, le duc Hermann combattit les Waari (Wagri), les vainquit,
et prit chez eux une statue de bronze de Saturne qu’il fit fondre42. Les
Annales de Magdebourg signalent qu’il existait en ce lieu un temple et une
idole de Diane qui furent détruits par Charlemagne et remplacés par un
oratoire Saint-Étienne43. Une continuation anonyme de la chronique de
Richard de Poitiers, datant du xiie siècle, nous informe du culte rendu à
Mercure et Venus chez les Liutici, « non dans des temples, mais dans les
bois ou près de sources44 ».
Une fois seulement, des divinités slaves sont désignées sous des noms
germaniques. Le chroniqueur normand (d’origine anglo-saxonne) Orderic
Vital donne aux Liutici un panthéon qui est purement scandinave, et
vraisemblablement emprunté à Adam de Brême. Il mentionne « Guodenem
et Thurum Freamque »45, autrement dit les dieux d’Uppsala Odin, Thor et
Freyr46.
Bendil ou Hennil
Bereginy
Divinités féminines des berges ou des rives, mentionnées dans des textes
russes du Moyen Âge. Un sermon indique que comme les Vily, elles
seraient trois fois neuf sœurs50. L’étymologie proposée par Boris Rybakov,
sur la base du russe bereč : « protéger »51, est fantaisiste. Il n’y a pas lieu de
faire de ces divinités des « protectrices ». Il est en revanche possible que
Beregyni soit une déformation de Peregynija, nom du lieu d’échouage de la
statue de Perun à Kiev52.
Bojan
Dažbog
Div
Gerovit
Lada
Le nom de Lada est mentionné en 1607 dans le brouillon d’un sermon qui
devait être prononcé à Ljubljana, en compagnie de deux autres divinités :
Plejn et Poberin91. Ce sermon les donne comme des divinités de l’ancienne
Carniole (Slovénie). Si ces deux derniers noms sont totalement inconnus
par ailleurs, Lada apparaît en Pologne dans des listes de noms supposés
païens mentionnées dans le cadre de rituels liés à la Pentecôte92. Mais les
sources sont toutes tardives et il est difficile de savoir si, dans ces listes qui
ressemblent à des formules rituelles mal comprises, on n’aurait pas, non pas
une divinité, mais un personnage intervenant en contexte carnavalesque.
Mokoš
Mokoš (variante Mokaš) est la seule divinité féminine connue par les
textes anciens à Kiev93, mais elle apparaît dans divers toponymes
notamment balkaniques94. Elle est aussi connue en toponymie chez les
anciens Polabes, où un village actuellement nommé Muuks s’appelait
encore Mukus en 131095. Au nord-ouest de Dresde, un lieu actuellement
nommé Mobschatz s’appelait Mococize en 109196. Dans les environs
Pegnitz (nord-est de la Bavière), Moggast s’appelait encore Mochcus ou
Mokoš au xive siècle97. Elle est donc bien une divinité panslave.
Diverses tentatives ont été faites pour expliquer son nom, qui a par
exemple été rapproché de celui de la tribu mordve (donc finno-ougrienne)
des Mokša98. Cependant, les textes russes l’ont aussi rapproché son nom du
grec μαλακία : « langueur, langueur sexuelle, onanisme », ce qui fait qu’on
pensé à un étymon mok- : « humide »99, et qu’on a fait de Mokoš une sorte
d’Aphrodite ou d’Astarté slave100. Depuis on a quasiment toujours identifié
cette déesse à la Terre Mère Humide du folklore des Slaves de l’Est.
Cependant une étymologie plus satisfaisante, à la fois du point de vue
linguistique et du point de vue mythologique, a été proposée. Elle prend
pour base l’étymologie du nom de la déesse irlandaise Macha, déesse-mère
par excellence. Macha dérive en effet de *Makisia101, après spirantisation
du k102. Cela placerait alors le nom slave dans un ensemble bien concret de
déesses-mères : l’irlandaise Macha (<*Makisia) ; les gauloises Magiseniae
(divinités féminines plurielles attestées à Strasbourg)103 ; la latine
Maia/Maiia (mère de Mercure après assimilation à la Maia grecque) : ce
nom viendrait d’un primitif *Magia, et la variante Maiesta (= *Magiesta)
est attestée104. Les celtisants opteront pour le sens « Plaine », les latinistes
pour « Grande »105, les slavistes pour « Humide », mais tous se rapportent
sans doute primitivement à la Terre.
Macha est une déesse triple, et surtout trifonctionnelle106. Elle est
prophétesse ou voyante, elle est reine et guerrière, et surtout, elle est garante
de la prospérité. De la prophétesse et de la guerrière, nous n’avons qu’une
seule attestation, un seul texte garant à chaque fois107. Ce sont donc des
rôles qui ne sont sans doute pas primordiaux, bien que solidement établis.
En revanche, l’aspect de troisième fonction est attesté par les multiples
variantes d’un même récit et a donc dû être le plus populaire. Deux des
versions disent :
« Il y avait un riche paysan des Ulates sur le sommet des montagnes et dans le désert. Son nom
était Crunnchu, fils d’Agnoman. En tant qu’habitant du désert, il augmenta beaucoup sa
richesse. Il était entouré de nombreux fils. La femme qui était avec lui mourut, à savoir la mère
de ses enfants. Il fut longtemps sans femme. Un jour qu’il était sur sa couche, seul dans sa
maison, il vit une belle jeune femme dans la grande maison, venant vers lui avec une excellence
de forme, de vêtement et d’aspect. La femme s’assit sur une chaise près du foyer et elle attisa le
feu. Ils furent là jusqu’à la fin du jour sans se parler. Elle prit alors un plat de cuisine et un tamis
et elle prépara la nourriture dans la maison. Quand vint la fin du jour elle prit des vases et elle se
mit à traire les vaches sans demander la permission.
Après être entrée dans la maison, elle fit un tour vers la droite et elle entra dans la cuisine. Elle
donna des ordres aux gens, elle s’assit sur une chaise à côté de Crunnchu. Chacun alla alors à
son lit. Elle resta après tout le monde, elle couvrit [?] le feu et elle fit un tour à droite. Elle vint à
lui sous sa couverture et elle lui mit la main au côté. Ils furent ensemble jusqu’à ce qu’elle fut
enceinte de lui. Sa richesse augmenta par son union avec elle. Elle se plaisait à sa prospérité et à
son équipement108. »
« Crunniuc, fils d’Agnoman, des Ulates, était un aubergiste riche. Il était dans les déserts et dans
les montagnes et il avait des fils. Sa femme mourut alors. Un jour qu’il était seul dans sa maison,
il vit une femme entrer chez lui. La femme lui parut distinguée. La femme se mit tout de suite,
quand elle s’assit, à préparer la nourriture, comme si elle avait été auparavant dans la maison.
Quand la nuit vint, elle s’occupa des gens sans rien demander. Elle dormit avec Cruinniuc cette
nuit-là. Elle fut longtemps avec lui après cela et, par elle, il ne manquait ni fruit ni nourriture, ni
équipement ni vêtement109. »
Ainsi, Macha s’avère donc être une véritable fée du logis, et la suite de
l’histoire sera typiquement mélusinienne : incapable de résister à la
transgression d’un interdit, le « mari » de Macha voit celle-ci partir, avec la
fortune, et l’ensemble des hommes du peuple est condamné à souffrir
durant cinq jours et quatre nuits, et pendant neuf générations, des douleurs
de l’accouchement.
Chez les Slaves, il ne subsiste de traces de Mokoš, en dehors de la
toponymie, qu’en Russie, sous le nom de Mokoša ou Mokuša. Cette
dernière n’est jamais guerrière. Elle a pu être prophétesse. En tout cas, à
partir du xvie siècle, et sans doute avant, son nom sert à désigner
des sorcières, des guérisseuses : « Es-tu allée chez Mokuša ? » est une des
questions que doivent poser les confesseurs aux femmes dans un recueil de
règles religieuses de ce même siècle110.
Mokoša est elle aussi une véritable fée du logis. Pour les habitants de
Vologodčina, elle est une femme avec une grande tête et des longs bras. Elle
apparaît les nuits, dans les maisons, et file la filasse laissée sans
bénédiction. Des légendes de la région d’Oloneck donnent une image plus
détaillée de Mokoša :
« Quand le lainage tombe beaucoup on dit : « Oh, c’est Mokuša qui a tondu un mouton. » Quand
on entend la nuit le bruit de la quenouille on dit que Mokuša file, qu’elle va d’une maison à
l’autre et file la filasse pendant les nuits, et aussi tond des moutons ; si, en sortant d’une maison
elle frappe avec une quenouille contre la soupente, cela signifie qu’elle est mécontente et peut
même couper un peu de cheveux des maîtres de la maison111. »
Pereplut
Perun
Dieu de l’orage, principal dieu du panthéon des Slaves. Perun a été partie
prenante du débat entre normannistes et anti-normannistes, débat qui visait
à savoir qui était à la base de l’État kiévien : les Slaves, ou les Scandinaves.
De ce fait, on a parfois voulu faire de Perun un simple décalque de Thor
apporté par les Varègues115. Mais c’est plutôt l’inverse qui s’est passé : les
Varègues venus en Russie ont d’eux-mêmes reconnu en Perun leur Thor.
Pour Lubor Niederle le simple fait que le nom slave existât ainsi que sa
grande expansion parmi les peuples slaves constituaient des preuves
suffisantes de son antériorité à l’installation des Varègues116.
B. O. Unbegaun adopte une solution intermédiaire en expliquant que le
culte de Perun a été important en Russie (au point de n’être réellement
attesté que là par des sources anciennes), uniquement parce qu’il a été
ravivé par les élites scandinaves au pouvoir117. On note d’ailleurs que c’est
seulement après l’arrivée des Varègues en Russie et que les Slaves ont
commencé à porter des amulettes en forme de hachette, sur le modèle du
marteau de Thor. Cette pratique a duré du xe au xiiie siècle118. La hache est
en effet une possible alternative au marteau dans l’iconographie de
Perun119.
Chez les Slaves de l’Ouest et du Sud, le nom de Perun peut parfois être
singulièrement déformé. Il peut être ainsi Prove (var. Prone) chez les Slaves
de l’Ouest120. Le nom du premier prince chrétien des Croates, Porga ou
Porin, pourrait être un dérivé de Perun, le prince lui-même pouvant être
légendaire, version évhémérisée du dieu devenu ancêtre d’une lignée121.
On a parfois rapproché un nom balkanique de l’Iris germanica, perunika,
de celui du dieu de l’orage. Cela semble n’avoir pas de fondement
crédible122.
Lorsqu’au début du xe siècle, les Rus’ signent des traités avec Byzance, les
païens jurent « par leurs armes, par Perun leur dieu, et par Volos, dieu du
bétail ». Et en cas de violation du traité : « Que ceux qui ne sont pas
baptisés n’aient aucun secours de Dieu ni de Perun, et qu’ils ne puissent se
protéger avec leurs boucliers, et qu’ils soient massacrés avec leur propre
épée, avec leurs flèches ou toute autre de leurs armes, et qu’ils soient
esclaves dans tous les siècles123. » Ces traités montrent bien que Perun et
Volos sont les principaux dieux de Kiev. À peine huit ans avant le baptême
de Vladimir, celui-ci implante un nouveau sanctuaire dans la ville, et son
oncle fait de même à Novgorod :
« Et Vladimir commença à régner seul dans Kiev ; puis il établit en dehors du palais du terem,
sur une éminence, plusieurs idoles : Perun en bois, avec une tête d’argent et une barbe d’or, et
aussi Xors, Dažbog, Strybog, Simargl et Mokoš. On leur offrit des sacrifices. Le peuple offrit ses
fils, ses filles comme victimes aux démons : ils souillèrent la terre de leurs sacrifices, et la terre
russe et cette hauteur furent souillées de sang. Mais le Dieu très bon ne voulut pas la mort des
pécheurs. Sur cette éminence est aujourd’hui l’église de saint Basile dont nous parlerons plus
bas. Mais revenons à notre récit. Vladimir établit alors Dobrynja son oncle à Novgorod.
Dobrynja vint à Novgorod et il éleva une idole de Perun sur le fleuve Volxov. Et le peuple lui
offrit des sacrifices comme à Dieu124. »
Ailleurs en Biélorussie, on disait encore au xixe siècle que Piarun était une
très grande personne, avec une grande tête, les yeux noirs, et une barbe en
or. Il tenait un arc dans la main droite et un carquois dans la gauche. Il
voyageait sur un char dans le ciel et lançait des flèches ardentes128.
Dans un conte polonais recueilli en Galicie, il est dit :
« Un seigneur allait chasser tous les dimanches avant la messe. Un jour, il y alla, il marcha
jusqu’à ce qu’il ne puisse plus chasser : il était temps d’aller à la messe. Mais voilà qu’un nuage
noir arrive, et qu’il commence à tonner au loin. Le seigneur regarde et voit sur la rivière un
grand oiseau laid posé sur une pierre. Alors il pense en lui-même : « Je n’ai encore rien pris. » Il
se souvint que pendant sept ans il avait porté dans son sac une balle bénite. Et sans trop réfléchir,
il enleva les munitions de son fusil pour y placer la balle bénite, il fit feu et l’oiseau tomba de la
pierre sur le sol. Alors il se rapprocha de lui, le souleva et le regarda, car il n’avait jamais vu de
semblable oiseau, et il se dit : « Quel dommage d’avoir utilisé cette balle sur un oiseau si
moche. » Alors quelqu’un cria derrière lui : « Ne te tracasse pas, j’ai couru après cet oiseau
pendant sept ans sans pouvoir l’atteindre. Pendant que tu le visais, je te visais, toi. Si tu ne
l’avais pas tué, je t’aurais tué. » Alors, le seigneur fut effrayé, regarda autour de lui, et vit devant
lui un homme immense, comme un arbre, tenant un fusil gros comme une bûche. C’était Ṕeron
(Pieron), qui prit le seigneur par la main et parla longtemps avec lui. Ils ont examiné leurs fusils,
puis il (Ṕeron) lui dit de ne pas chasser le dimanche et il envola comme le vent129. »
Quelques proverbes et incantations sont aussi connues : pour faire face à
un vent tourbillonnant, les Biélorusses s’asseyaient par terre et criaient :
« Que Perun te frappe130 ! » En Ukraine, pour maudire quelqu’un, on
pouvait dire : « Que perun te tue ! » En Russie et en Slovénie, la même
imprécation existait sous la forme « Que perun t’emporte ! » ou « Que
l’éclair de perun te frappe ! »131. Chez les Tchèques, on connaît encore
« Puisse perun te foudroyer132 ». Le mot perun, ici, peut aussi bien
s’entendre comme le dieu, ou comme la foudre. Les mêmes formes existent
chez les Slovaques où l’on dit : « Que parom soit sur toi ! » ou « Que parom
te tue ! »133.
En Biélorussie, on dit que « quand la foudre [piarun] éclate, c’est que
Dieu bat le diable134 ». En Bulgarie, on répond à la devinette : « Perucan
sauta et sauta encore et choqua le monde entier » par « le tonnerre »135.
Parfois, en Russie, le mot se retrouve dans des expressions plus anodines :
« Quel perun cliquette là-bas ? » (c’est-à-dire : « quel est ce bruit ? ») ou
encore : « Il tourbillonne comme si perun le faisait avec lui136. » Dans
l’ouest de la Biélorussie, les potiers considèrent que si une de leurs
productions s’est fendue dans le four lors de la cuisson, c’est qu’elle a été
frappée par la foudre (piarun bijeć)137.
Perun fait partie des rares divinités slaves à avoir été empruntées par des
populations non-slaves. On le retrouve ainsi chez divers peuples finno-
ougriens138.
Il existe un nombre important de toponymes dérivés de Perun dans les
Balkans139. En Russie, Peryn est le lieu où se trouvait le sanctuaire de
Perun, au-dessus du Volxov, près de Novgorod140. Perunovo est un lieu-dit
du bassin de la Volga141. En Pologne, diverses localités portent le nom de
Peruny ou Piorunow. Il pourrait s’agir simplement d’endroits où la foudre
est tombée142. Marija Gimbutas signale une Perunowa gora :
« colline de Perun » (non localisée)143. En Bulgarie, Perin ou Piren planina
est une montagne du sud-est du pays, entre les fleuves Struma et Mesta144.
Perin ou Pirin est un lieu-dit au sud de Petstera (dans les Rhodopes),
identique à un Perunova Gora (« Montagne de Perun ») attesté par
ailleurs145. La ville de Pernik, au sud-ouest de Sofia, est sans doute un
ancien Perin-grad146. En Slovénie, Perunja ves est le village
« de Perun147 », et Perunji vrh, le pic « de Perun148 ». Une colline s’appelle
aussi Porun, non loin d’un endroit nommé Trebišče (« lieu de
sacrifice149 »). En Bosnie, près de la ville de Stolac, se trouve un lieu
nommé Peringrad150. En Croatie, le bois de Perun est un lieu situé près de
Poljica, sur le littoral151. En Serbie, il existe une Perun gora : « colline de
Perun » (non localisée)152, ainsi qu’un lieu nommé Perunovac153. En
Macédoine, au nord-est de la ville de Kriva-Palanka, se trouve un lieu-dit
Perin154. En Albanie, au sud du pays se trouve une localité nommée
Përrenjas155. Un lieu-dit au nom slave, Gora Perun : « colline de Perun » a
été recensé en Roumanie (non localisé)156. Enfin, en Allemagne, une colline
de Saxe, sur l’Elbe, porte le nom de Pirna, alors qu’un village s’appelle
Pronstorf dans le Holstein, région de Segeberg (Perone en 1199)157. Un
lieu-dit de la région de Stralsund (ancienne région de la Hanse), portait le
nom de Prohn (Perun en 1240)158. Ce relevé démontre bien que le nom de
Perun est attesté chez la plupart des Slaves.
Le nom de Perun signifie « le Frappeur ». Il est apparenté à l’anglo-saxon
Fercal (« éclair »)159, avec un changement de suffixe qui n’est pas résolu ;
au norois Fjörgynn (amant de Frigg), dont la mythologie semble totalement
perdue160 ; à l’irlandais Erc (héros, tueur de Cuchulainn)161 ; sans doute au
grec Keraunos (épithète de Zeus « tonnant »)162 ; au thrace Perkos (épithète
du Héros cavalier thrace)163 et au phrygien Perkos, anthroponyme fréquent
dans le monde hellénistique, attesté par l’épigraphie, mais
vraisemblablement originaire de Phrygie ; au lituanien Perkunas (dieu du
tonnerre, « tonnerre »)164 ; au letton Perkons (dieu du tonnerre,
« tonnerre »)165 ; au prussien Percunis (dieu du Tonnerre)166 ; au sanscrit
Parjanya (probable synonyme d’Indra, dieu du Tonnerre)167 ;
enfin à l’iranien ancien Piran (démon, chef de guerre d’Afrasiab)168. Perun
est donc indissociable du chêne, dont il est étymologiquement proche169.
Dans les diverses langues indo-européennes, le même étymon a servi de
base à des noms désignant la terre ou une colline boisée. Ils se retrouvent
dans les langues slaves avec le slavon Pregynja (« colline boisée ») ; le
russe ancien Peregynja (« colline boisée ») mais aussi Perynja (colline du
sanctuaire de Perun à Novgorod) ; et le polonais Przeginia
(« colline boisée »)170.
Dans les textes russes médiévaux, Perun est régulièrement assimilé au
grec Zeus171. Beaucoup d’idoles (ou du moins de figures anthropomorphes)
ont été identifiées à Perun. La seule pour laquelle cette identification soit
fiable se trouve sur une plaque-boucle découverte dans la nécropole morave
de Mikulčice (République tchèque), datant du ixe siècle172. Le personnage
d’orant qui s’y trouve figuré porte une corne, comme nombre d’idoles
slaves et baltes, et surtout dans la main droite un marteau, ce qui suffit à
l’identifier173. Il pourrait certes s’agir d’une représentation de saint Éloi
(dont l’un des attributs est aussi un marteau), mais ce saint n’est jamais
montré avec une corne.
Si l’on en croit quelques vestiges conservés dans le folklore moderne,
Perun a pu être aurige. Le biélorusse Piarun l’est, mais cela peut très bien
être un emprunt au lituanien Perkunas. Les Mordvins gardent l’idée que
leur Purgine-pas, emprunté aux Slaves, est un aurige. C’est un dieu armé de
la flèche (la foudre) et d’une massue ou d’un marteau (le tonnerre). En
Russie, au xviiie siècle encore, les pierres à foudre ‒ les haches polies
néolithiques ou bien les bélemnites (fossiles de céphalopodes de forme
allongée et pointue) ‒ étaient appelées perun ou « traits de perun », ou
encore « doigts du diable »174. En Pologne on appelait ces fossiles strzałka
piorunowa, « flèche du tonnerre » ou « flèche de Pieron », et en Ukraine
hromova strilka, « flèche tonnante »175. En Pologne encore, les pierres de
foudre sont aussi appelées piorunek ou « baguettes sacrées » en Mazovie176.
En slovaque, on connaît l’expression paromova strela : « flèche de Parom »
ou « flèche du tonnerre »177. En Biélorussie, ce sont les haches et couteaux
en silex que l’on nomme « flèches de Perun178 ».
Il subsiste, essentiellement dans le folklore balkanique, une fête
printanière liée à la fertilité et nommée (avec de multiples variantes selon
les régions) Perperuna ou Dodona. Ce nom pourrait être un vestige de celui
d’une éventuelle parèdre de Perun179. Il reste un souvenir très net de ce duo
« dieu tonnant/déesse terre » dans un conte biélorusse collecté par
Alexandre Afanassiev, où il est question d’un tsar Serpent (car Zmiulan)
qui craint, au point de se cacher sous un arbre, le tsar Feu et la tsarine
Foudre180. Cela n’est pas fortuit car une invocation notée au xixe siècle dans
la région d’Arkhangelsk mentionne le même couple :
« Comme le tsar Tonnerre et la tsarine Éclair nos ennemis, les démons, s’enfuient… tous nos
ennemis et démons doivent aussi s’enfuir… vers leurs propres lieux de résidence, ne jamais
réapparaître, ne jamais revenir, pour toujours et toujours, Amen181. »
Pizamar
Divinité honorée par les Rani, à Asund (aujourd’hui Jasmund) sur l’île de
Rügen. Pour Schmittlein, ce nom est germanique184. Louis Leger l’a
toutefois rapproché du slave bes : « diable »185.
Podaga
Divinité mentionnée par Helmold à Plön chez les Obodrites. Ce nom est
écrit Pogaga dans un manuscrit. Sa statue était conservée dans un temple186.
Ce n’est plus qu’un nom, lequel a été rapproché de Pogoda, soi-disant
déesse de la température dans le panthéon imaginaire du polonais Jan
Długosz187.
Porenut
Dieu honoré par les Rani, sur l’île de Rügen, dans leur ville de Carintia
(Garz). Il avait son propre sanctuaire. Son idole avait quatre visages, un
cinquième visage était tenu entre les mains du dieu au niveau de sa
poitrine188. Il pourrait être le « fils de Perun189 ».
Porevit
Dieu honoré par les Rani, sur l’île de Rügen, dans leur ville de Carintia
(Garz). Il est appelé Puruvit par la Knytlingasaga, Il avait son propre
sanctuaire. Son idole avait cinq visages, « mais ses mains étaient vides190 »,
précise Saxo Grammaticus. Il pourrait être le « Seigneur qui frappe »,
autrement dit une autre forme de Perun.
Pripegala
Redigast, Radigost
Rod
Rugievit
Simargl
Siwa
Déesse mentionnée par Helmold chez les Polabes. Son nom exact était
peut-être *Živa : « déesse de la vie212 ». Mais Vittore Pisani a proposé un
rapprochement avec le gotique heiwa : « famille213 ». Un manuscrit de
Copenhague précise qu’elle était honorée par les habitants de Ratzeburg214.
Une déesse nommée Żywie est mentionnée dans le panthéon fantaisiste de
Jan Długosz, chroniqueur polonais du xve siècle215. On notera toutefois
qu’un manuscrit d’Helmold porte la forme Synna : le nom même de Siwa
n’est donc pas assuré.
Stribog
Svantobog
Svantovit
Dieu principal des Rani sur l’île de Rügen. Il est brièvement mentionné
dans un Diplôme de l’empereur Frédéric (sous la forme Szuentevit)223, mais
il est surtout connu par Saxo Grammaticus. Si son principal sanctuaire était
à Arkona, Saxo précise bien qu’il avait d’autres temples.
Svantovit, combinant des aspects des première et deuxième fonctions
indo-européennes, pourrait être une forme locale de Perun224. Pour Roman
Zaroff, il serait similaire à Gerovit, et serait plus un dieu associé à la fertilité
agraire, qui n’aurait acquis des fonctions guerrières que lors de l’installation
des Slaves dans les régions baltiques225. Pour Lubor Niederle, c’est une
forme locale de Svarog : il aurait donc été un dieu solaire avant de devenir
dieu de la guerre226.
Svantovit apparaît sous la forme Svantobog (Suentebueck) dans un
fragment de la Passion des martyres d’Ebbekestorp (xive siècle), ce qui
pourrait montrer que vit (terme peut-être emprunté à l’iranien) doit être
considéré comme un synonyme de bog : « dieu227 ». Svanto-, du slave
commun *svętъ, est lui-même un reflet de l’avestique spǝnta : « saint ».
Svantovit serait donc le « Saint Seigneur ».
Svarog
Svarožič
Svarožič est présent dans un texte russe ancien, le Sermon d’un adorateur
du Christ, qui condamne ceux qui adorent le feu nommé Svarožič, et lui
vouent un culte sous le séchoir à blé242. Pour Boris Unbegaun, ce n’est
qu’un diminutif de Svarog243.
Selon Thietmar de Mersebourg, dans la ville de Riedegost, sur le territoire
du Mecklembourg, on honorait un dieu nommé Zuarasic244, équivalent du
russe Svarožič : « fils de Svarog », ou, selon Schmittlein, forme
hypocoristique de Svarog245. Un des manuscrits de la Knytlinga saga
remplace le nom de Svantovit par Svaraviz246, ce qui montre que le copiste
connaissait le nom de Svarožič. Le nom, sous la forme Zuarasiz, se retrouve
dans une lettre de l’archevêque Bruno de Querfurt adressée à son frère
Henri II, lui reprochant son alliance avec des Slaves païens247. Cinquante
ans plus tard, Adam de Brême appelle la ville Rethra, et nomme son dieu
principal non plus Zuarasic mais Redigast, précisant que son idole est faite
d’or248. Radegast est aussi mentionné dans une liste de divinités de la
région d’Ebstorf249. Radegast/Radigost apparaît tant en toponymie que dans
l’onomastique chez l’ensemble des Slaves250. Mais il existe aussi dans
l’anthroponymie germanique. Le remplacement de Zuarasic par ce nom
trahirait alors une germanisation des populations slaves de l’Ouest251.
François Cornillot a tenté un rapprochement de Radigost avec le nom d’un
prince slave attesté par des sources grecques : Ardagastos252. Si ce dernier
nom est bien d’origine iranienne, rien n’est moins sûr pour Radigost.
Radigost a laissé son nom au mont Radhošt’, à l’est de la République
tchèque, où les gens venaient très nombreux à la Saint-Jean. Une légende
collectée au tout début du xviiie siècle veut qu’une idole et un temple avec
un bois sacré y aient été édifiés253. Dans le Mecklembourg, diverses
légendes collectées au début du xxe siècle, avec pour personnage Schöne
Reda ou Reda, une idole d’or qui échappe à des envahisseurs germaniques
en étant transférée dans une autre ville ou plongée dans un lac254. On notera
que le lieu s’appelle successivement Riedigast, puis Rethra, et enfin Reda
dans les sources anciennes, que c’est la capitale des Redari/Ratari, c’est-à-
dire les « Guerriers », étymologiquement les « Conducteurs de char »255.
Radigost pourrait donc être l’« Hôte du Char ».
Radigost n’est clairement qu’une épithète locale de Svarožič256. Il a de
toute évidence été associé à une déesse guerrière257. Cependant, comme le
note Słupecki, jamais il n’est question d’un feu associé au temple de
Radigost.
La question d’un culte du feu est importante car on notera que pour le
voyageur perse Ibn Rustah, qui écrivait au début du xe siècle, « tous les
Slaves sont adorateurs du feu258 ». L’expression « adorateurs du feu » a pu
prendre par la suite le sens large de « païens »259, mais ici, l’auteur est
précoce, et perse : il sait ce qu’étaient les adorateurs du feu, autrement dits
les Zoroastriens, encore présents de son temps en Iran.
Trajan
Triglav ou Triglov
Ce nom est attesté chez Herbord sous la forme Triglaus, et chez Ebo sous
la forme Trigelawus. Dieu attesté à Stettin (Szczecin), à Wollin, et à
Brandebourg264. Son nom signifie simplement « tricéphale », et de fait sa
statue possédait trois têtes. Ce n’est qu’une épithète265.
Plusieurs toponymes dérivés de Triglav ou Troglav existent dans les
Balkans266. En Slovénie, près de Divače, un rituel automnal lié à la fertilité
avait lieu jusqu’à début du xixe siècle dans une grotte située au lieu-dit
Triglavca267. En Pologne, un village portait le nom de Trzygłów près de
Gryfice (Greifenberg, Poméranie)268.
La Vie d’Otton de Bamberg par Ebbo nous raconte comment, après que le
missionnaire eut détruit un temple, une idole de Triglav fut secrètement
préservée et confiée à une veuve. L’idole était en or ; elle était couverte
d’un manteau et cachée dans un tronc d’arbre creux. Les offrandes étaient
données au dieu par le trou dans l’arbre. Pour s’approcher de l’idole, un
disciple d’Otton prétendit vouloir remercier le dieu qui l’aurait sauvé d’une
tempête en mer. Il vit alors que le tronc était placé dans un sanctuaire, et
que la selle de Triglav y était fixée à un mur269. L’association d’une selle à
Triglav est due au fait que comme Svantovit à Arkona, Triglav avait son
cheval.
On note aussi la présence à Stettin près du sanctuaire de Triglav d’un
énorme chêne avec une source coulant à son pied. Cet arbre était considéré
par le peuple comme le siège du dieu270. À Wolin, c’est un pilier en bois,
dans lequel est plantée une lance, qui est honoré271.
La présence du dieu dans un tronc d’arbre le rapproche de fait de
nombreux personnages malfaisants (des dragons ou des diables) connus par
des légendes slaves et baltes, qui se cachent dans un arbre pour échapper
aux coups du héros ou du dieu de l’orage272. Ces dragons ont alors souvent
un lien avec la mer273. Ebbo nous indique qu’à Stettin, où se trouvait un
temple de Triglav, on donnait trois têtes au dieu parce qu’il régnait sur trois
royaumes : le ciel, la terre et les enfers Ses yeux et sa bouche étaient
couverts de bandes d’or pour qu’il ne puisse voir les péchés des hommes et
pour qu’il reste silencieux274. Adam de Brême signale à Wolin un dieu dont
il ne donne pas le nom slave, mais qu’il appelle « Neptune aux trois
natures », parce que l’île de Wolin serait entourée de trois variétés d’eau :
une verte, une blanchâtre, une furieuse et tempestaire275. De fait, Triglav
semble avoir eu un certain pouvoir sur la mer, puisque Herman, disciple
d’Otton de Bamberg, voulant s’approcher de l’idole, déclara vouloir rendre
grâce pour avoir reçu l’aide du dieu lors d’un voyage en mer276. Il est
possible aussi que Triglav ait été un dieu dispensateur de maladies : alors
que Stettin est en passe d’être convertie au christianisme, une épidémie
éclate, et les prêtres païens arguent que c’est l’effet de la colère de
Triglav277. Ces points de descriptions le rapprochent particulièrement de
Veles, auquel il s’identifie sans doute.
Turupit
Dieu mentionné par la Knytlingasaga à Garz sur l’île de Rügen : il s’agit
probablement d’un emprunt à des populations finno-ougriennes de Livonie :
des sources latines estoniennes attestent de l’existence sur l’île de Oesel
d’un dieu nommé Tarapita ou Tharapita278.
Vampires
Veles
Le Récit des temps passés, l’une des principales sources sur ce dieu, lui
donne le surnom de skotij bog, ce qui peut être interprété directement
comme « dieu du bétail » ou « dieu de la richesse, de l’abondance » (le
bétail étant considéré, dans diverses langues indo-européennes occidentales,
comme une monnaie, une richesse282. Dans les sources anciennes, le lien
entre Veles et Perun, dont on ne connaît pas directement la nature, est très
fréquent : les deux dieux sont souvent cités ensemble283. Le voyant et poète
Bojan est désigné comme « petit-fils (descendant) de Veles » dans le Dit de
la campagne d’Igor.
Pour P. Zlobin, il n’y aurait rien à tirer du Récit sur la fondation de
Jaroslav, dans lequel il est fait mention du culte de Veles. Ce récit serait est
une création du xviiie siècle basée uniquement sur la topographie locale,
laquelle connaissait un lieu nommé « vallon de Volos284 ».
Dans des sources tchèques du xve et xvie siècle, Veles apparaît comme un
démon285. En Russie, autour de la région de Kostroma, le mot dialectal els :
« diable », et elisna, elso’vka : « diablesse », pourraient être issus d’une
forme tabouée de Veles286. Un personnage nommé Volot’ Volotovič
apparaît dans diverses sources tardives russes. Il est mentionné dans une
incantation recueillie au xviie siècle : le dieu y est considéré comme un
géant mort et enterré. Ses os y sont considérés comme incassables287 :
« Je me lève, moi le serviteur de Dieu (nom de la personne), je fais mes bénédictions et je vais
en signant sur la vaste plaine sous le beau soleil, sous la jeune lune brillante, sous les
nombreuses étoiles, jusqu’au tombeau des os de Volot. […]288. »
Il a été proposé que Volos et Veles, les deux formes attestées du nom du
dieu, désignent deux dieux jumeaux bien différenciés295. Mais les
arguments présentés ne sont pas satisfaisants : jamais Volos et Veles ne sont
présentés comme deux dieux dans les sources anciennes296. En revanche
Volos est toujours apposé à bog : « dieu », tandis que la forme Veles
apparaît isolément297.
Veles semble avoir été remplacé par saint Blaise : certains auteurs anciens
ont même pensé que Veles dérivait directement de Blaise298.
Le nom de Veles semble directement connecté à celui de divinités baltes
telles que le lituanien moderne Vēlinas, Vélnias, Véls (« démon »), du
lituanien ancien Velionìs, Veliónis (« dieu des âmes »), dont la possible
parèdre est Veliuonà, et de leurs corrélats lettons299. Dans un des traités
russes avec Byzance, les parjures sont supposés être punis par Volos et
devenir « jaunes comme l’or ». Dans les traditions populaires lituaniennes,
les personnes punies par Veles deviennent jaunes. Roman Jakobson a
rapproché cela de divers noms slaves des scrofules300.
Pour Frans Vyncke, Veles est « celui qui statue, qui ordonne » (du verbe
velěti : « vouloir, établir, décider »)301. Roman Jakobson a remis au goût du
jour une vieille hypothèse de Ferdinand de Saussure rapprochant Velinas (et
par contrecoup Veles) du dieu indien Varuna302. Il opère aussi un
rapprochement avec les noms celtiques du poète : gaulois Veleda, irlandais
ancien fili, plur. filid303. En complément, M. A. Vasil’ev a proposé que les
relations entre Perun et Veles aient été du type Mithra-Varuna tel que défini
par Georges Dumézil304. Pour Vladimir Vodoff, les deux dieux se
complètent en ce sens qu’ils sont vénérés par les deux principales classes de
la société russe ancienne : Perun par les guerriers, et Veles par les
marchands305.
On remarquera qu’en russe ancien, les Pléiades, groupe d’étoiles de la
constellation du Taureau, s’appellent Volosyni (nom attesté jusqu’au
xvii siècle dans le dialecte de Pskov sous la forme Vollosini)306. On connaît
e
Vitelubbe
Xors
Zelu
1. Voir la critique argumentée de Zaroff, 1999 contre ces allégations finalement fantaisistes.
2. Pisani, 1950, p. 49-52.
3. Helmold, I, 52.
4. Unbegaun, 1948, p. 422.
5. Leger, 1901, p. 154 ; Nehring, 1903.
6. Słupecki, 1994, p. 127-128.
7. Toporov, 1995, p. 441 et suiv.
8. Leger, 1901, p. 35 ; Edel’man, 2002, p. 157 et suiv. ; Lebedynsky, 2009, p. 120-121.
9. Mladenov, 1924, p. 191-192 ; Benveniste, 1967. Cornillot, 1994, p. 97 pense malgré tout à un
emprunt compensant la démonisation de div.
10. Voir infra.
11. Vaillant, 1927.
12. Machek, 1947, p. 54-55.
13. Leger, 1901, p. 45.
14. Procope, De Bello gothico, III, 14 = Meyer, 1931, p. 5.
15. Helmold, I ? 83.
16. Grekov, 1947, p. 38 ; Vyncke, 1970, p. 704 ; et surtout Rybakov, 1994, p. 15-27.
17. Vodoff, 1988, p. 41.
18. Sermon de saint Grégoire racontant comment les païens adoraient les idoles et leur
sacrifiaient : Mansikka, 1922, p. 160-165. Trad. partielle dans Rybakov, 1994, p. 16, qui l’appelle
« Sermon sur les idoles ». Trad. italienne dans Simi, 2003, p. 70-71.
19. Sur ces traditions : Oudaer, 2017.
20. Koch, 2006, p. 1325-1326.
21. Sterckx, 2005, p. 115.
22. Meyer, 1931, p. 20-24 ; Vaux-Phalipau, 1935, p. 74.
23. Unbegaun, 1948, p. 425 ; Slovo sv. Otca našego Ioanna Zlatoustago, Arxiepiskopa Kostjanina
grada… (Mansikka, 1922, p. 174-175).
24. Arnold de Lübeck, Chronica Slavorum, II, 21 = Meyer, 1931, p. 59.
25. Saxo Grammaticus, Gesta Danorum, XIV.
26. Lyaukou, Karabanau, Dučyc, Zajkousky, Vinakurau, 2000. Pour un équivalent en Russie :
Zolotov, 1981.
27. Jean Canaparius, Vita sancti Adalberti episcopi Pragensis, I.
28. Ivakin, 1979.
29. Constantin VII Porphyrogénète, De Admnistrando imperio, IX, trad. Sorlin, 1965.
30. Dučyc, 2000.
31. Cosmas de Prague, Chronica Boemorum, III, 1 = Meyer, 1931, p. 20.
32. Leicht, 1925.
33. Herbord, II, 32-33.
34. Vie anonyme, III, 11 ; Ebbo, Vita Ottonis episcopi Bambergensis, III, 18.
35. Thietmar, Chronicon, VI, 37 = Meyer, 1931, p. 10.
36. Helmold, Chronica Slavorum, I, 52, 69 et 84 = Meyer, 1931, p. 44-46. Słupecki, 1994, p. 159-
161.
37. Knytlingasaga, 121 = Meyer, 1931, p. 83.
38. Procope, De Bello gothico, III, 14 = Meyer, 1931, p. 5 ; Homiliaire d’Opatovice, sermon 5 ;
Helmold, Chronica Slavorum, I, 47.
39. Cosmas, Chronica Boemorum, I, 3 ; Unbegaun, 1948, p. 427.
40. Guillaume de Malmesbury, Gesta regum anglorum, II, 12.
41. Cosmas, Chronica Boemorum, I, 10 = Meyer, 1931, p. 19.
42. Widukind, Res gestae Saxonicae, III, 68 = Meyer, 1931, p. 7.
43. Annales Magdeburgenses, s. a. 938 = Meyer, 1931, p. 57.
44. Meyer, 1931, p. 58.
45. Meyer, 1931, p. 24.
46. Adam de Brême, Gesta Hammaburgensis ecclesiae pontificum, IV, 26.
47. Thietmar, Chronicon, VII, 69 = Meyer, 1931, p. 11.
48. Álvarez-Pedrosa Núñez, 2012-2014.
49. Mikhailov, 2006.
50. Slovo sv. Otca našego Ioanna Zlatoustago, Arxiepiskopa Kostjanina grada… (Mansikka, 1922,
p. 174-175).
51. Rybakov, 1966, p. 70.
52. Jakobson, 1985b, p. 21.
53. Prince, 1917, p. 158.
54. Pisani, 1950, p. 55-56 ; Rudnyc’kyj, 1982, p. 4 ; Derksen, 2008, p. 95.
55. Blažek, 2006, p. 75-77.
56. Jagić, 1881. Le texte ajoute que Sir (Osiris) lui succéda.
57. Voir les tentatives dans ce sens de Zubov, 2012.
58. Jagić, 1881, p. 9.
59. Prince, 1917, p. 153.
60. Loma, 1998, p. 45-46.
61. Toporov, 1989, p. 40.
62. Jakobson, 1985b, p. 29.
63. Lyaukou, Karabanau, Dučyc, Zajkousky, Vinakurau, p. 49-50.
64. Jagić, 1881, p. 11-12 ; Jagić, 1881b.
65. Dragomanov et Dragomanova, 2015, p. 35-36 et 45. Déjà, la version slave d’un récit
apocryphe, La Vie d’Adam et Ève, Satan passe un pacte avec Adam : « Mienne et la terre et à Dieu
sont les cieux et le paradis » (Ivanov, 1976, p. 208).
66. On a parfois pensé à un emprunt direct aux langues iraniennes : Edel’man, 2002, p. 162 et suiv.
Il semble cependant que seul le concept de démonisation relève de l’emprunt : Menges, 1956, p. 88 ;
Lebedynsky, 2009, p. 121-122.
67. Sermon de saint Grégoire racontant comment les païens adoraient les idoles et leur
sacrifiaient : Mansikka, 1922, p. 162.
68. Jakobson, 1966, p. 228.
69. L’interprétation de Petrjašin, 2016, voulant que Dyj soit Zeus, est possible mais n’est pas
suffisamment étayée. Les noms attestés par les sources russes tardives sont souvent déformés.
70. Georgiev, 1967.
71. Valentsova, 2019, p. 102.
72. Rozwadowski, 1948, p. 56.
73. Niederle, 1926, p. 149-150.
74. Herbord, III, 4.
75. Ebbo, III, 8.
76. Ebbo, III, 8.
77. Herbord, III, 6.
78. Schmittlein, 1960, p. 190.
79. Unbegaun, 1948, p. 413 ; Reiter, 1976, p. 182 ; Ivanov et Toporov, 1974, p. 180-216 ;
Gieysztor, 1982, p. 108-115.
80. On trouvera une synthèse des opinions anciennes sur Jarilo dans D’jačenko, 2007, sv. Jarilo,
jar, jarun, jarovit.
81. Abramtchik, 1999, p. 170. Cet auteur ne donne malheureusement pas de références.
82. Famincyn, 1884, p. 223. Pour une description très brève : Sokolov, 1945, p. 97. Le mannequin
est parfois remplacé par un arbre ou par une branche de bouleau. La biographie de saint Tixon de
Zadonsk montre celui-ci croiser, le 25 mai 1765, le cortège de Jarilo, joué par un homme orné de
rubans et de clochettes et portant une cape en papier blanc : Gorodetsky, 1976, p. 52-53.
83. Ce qui oblige à un rapprochement avec la très obscure cérémonie romaine des Nudipedalia
(« Pieds nus »), effectuée en l’honneur de Jupiter en cas de sécheresse : Evans, 1974, p. 102.
84. Afanas’ev, 1869, vol. I, p. 441-442. Trad. dans Dumézil, 1970, p. 39-40.
85. Ces notions de cheval blanc, de personnage primitivement guerrier, ont fait qu’on a
régulièrement tenu Svantovit pour un nom local de Perun.
86. Ce dernier nom, dérivé du mot désignant la mort, apparaît régulièrement et avec d’autres
variantes dans les rituels printaniers des Slaves de l’Ouest. Sur toutes ces figurines anthropomorphes
faisant l’objet d’un simulacre de sacrifice : Mikov, 1991.
87. Sur l’ensemble de ces rituels au niveau européen, on peut toujours se référer à Mannhardt,
1875, même s’il faut se méfier de ses interprétations. Ainsi pour cet auteur, Jarilo et ses équivalents
sont des « démons de la végétation ».
88. Pour une description ancienne de cette fête : Kefeli-Clay, 1990. Une description plus complète,
du xixe siècle, mais malheureusement non localisée se trouve dans Vend, 1896, p. 41-56. D’une
manière générale, on peut trouver des renseignements disparates sur les fêtes de ce type en Russie
dans Stangé-Zhirovova, 1998, p. 107-176. On trouvera quelques éléments aussi chez Conte, 1997,
p. 118-131.
89. Propp, 1995, p. 109.
90. Słupecki, 1994, p. 93, d’après Ebonis Vita S. Ottonis episcopi Babenbergensis, III, 3.
91. Visočnik, 2010.
92. Dynda, 2017, F7 à F13, textes du xve siècle.
93. Ivanov et Toporov, 1983.
94. Filipović, 1961 ; Boskovic, 2006, n. 12.
95. Witkowski, 1971, p. 182.
96. Eichler, 1980-1981, p. 205.
97. Eichler, 1980-1981, p. 205.
98. Schmittlein, 1960, p. 170.
99. Ivanov et Toporov, 1983, p. 194.
100. Niederle, 1926, p. 144 ; Unbegaun, 1948, p. 408.
101. Arthurs, 1952-1953, suivi par Le Roux et Guyonvarc’h, 1983, p. 135-143, a proposé
*Magosia.
102. Blažek, 2006.
103. AE 1980, 653a. Peut-être à mettre en relation avec les Matres Mageiae de Anduze (France) :
AE 1963, 116.
104. Ernout et Meillet, 1932, sv Maia.
105. Pokorny, 1958-59, sv. Meĝ(h).
106. Dumézil, 1954 ; suivi par Le Roux et Guyonvarc’h, 1983, p. 45-60.
107. Le manuscrit d’Édimbourg du Dindshenchas pour la prophétesse ; un recueil intitulé Incipit
de Fhlathiusaib Herend 7 dia hamseraib o ré Mac Miled co hamsir Tuathail Techtmair (Des
souverainetés d’Irlande depuis les temps des fils de Mile jusqu’au temps de Tuathal Techtmar) dans
le Livre de Leinster : Le Roux et Guyonvarc’h, 1983, p. 45-47.
108. Ces Ulad, trad. dans Le Roux et Guyonvarc’h, 1983, p. 48-49.
109. Livre de Leinster, fos 125b-126a ; trad. dans Le Roux et Guyonvarc’h, 1983, p. 50.
110. Gal’kovskij, 1916, t. I.
111. Barsov, 1894.
112. Le filage ou le tressage, notamment des cheveux ou des crinières de chevaux, reste une des
activités favorites des esprits du foyer comme le domovoj en Russie ou le gobelin en France.
113. Lajoye, 2012, p. 197-228.
114. Sermon de saint Grégoire racontant comment les païens adoraient les idoles et leur
sacrifiaient : Mansikka, 1922, p. 162 ; Slovo sv. Otca našego Ioanna Zlatoustago, Arxiepiskopa
Kostjanina grada… : Mansikka, 1922, p. 174-175.
115. Roźniecki, 1901, p. 468. Il est partiellement suivi par Vernadsky, 1948, p. 54, qui pense que
les deux (Perun et « Tur ») ont coexisté. Turov vient probablement de tur : « auroch, taureau, bœuf »,
et non de Thor : Menges, 1956, p. 94.
116. Niederle, 1926, p. 137-139. Il est suivi par Filipović, 1948, qui, voyant les toponymes dérivés
de Perun dans les Balkans, en déduit justement qu’il ne peut s’agir d’une importation normande.
117. Unbegaun, 1948, p. 401-402. Pierre Pascal (1956, p. 93) pensait lui aussi que le culte était
nouveau à Kiev. Voir aussi les doutes de Meriggi, 1952, p. 150. L’idée d’une réaction païenne à
l’époque de Vladimir est souvent évoquée dans les ouvrages historiques consacrés à la Russie
kiévienne. Voir par exemple dans Arrignon, 1991, p. 85-94.
118. Atanassov, 1994 ; Kucypera et Wadyl, 2011.
119. Kulakov, 2003. Ce qui n’a toutefois pas empêché certains chercheurs de comparer Perun à
Odin : Gieysztor, 1980, p. 16-17 ; Strumiński, 1996, p. 113-118.
120. Pisani, 1950, p. 53.
121. Constantin VII Porphyrogénète, De Admnistrando imperio, XXX-XXXI. Milošević, 2013 ;
Alimov, 2015.
122. Radenković, 2013.
123. Récit des temps passés, s. a. 912 et 945, éd. Lixačev, 1950. Traduction de Sorlin 1961.
Extraits du texte original dans Mansikka, 1922.
124. Récit des temps passés, s. a. 980.
125. 3e rédaction de la Chronique de Novgorod, Mansikka, 1922, p. 60-63.
126. Il s’agit d’une mère qui s’est permis de nettoyer son enfant avec un morceau de pain et qui a
profané ainsi le don le plus précieux de la divinité : Leger, 1901, p. 61, n. 1.
127. Ivanov et Toporov, 1974, p. 1193-1194. Ces deux auteurs notent un autre fragment de conte
de la même région où il est dit : « Alors Perun frappa le chêne, et avec une telle force qu’il fendit le
chêne de haut en bas. » Ailleurs ils notent que quand le bois s’enflamme, « de la main de Perun, on
ne peut l’éteindre qu’avec du lait, tandis qu’avec de l’eau, il ne fait que brûler de plus belle ».
128. Dal’, 1903-1909, sv. Perun.
129. Matusiak 1881, p. 641-642. La traduction de Leger, 1901, p. 64-65 est à abandonner.
130. Gimbutas, 1967, p. 749.
131. Dal’, 1903-1909, sv. Perun ; Gimbutas, 1967, p. 746.
132. Dans l’un des Slovenské Povesti de Bogéna Nemçova, publié en 1857 et traduit dans
Chodzko, 1864, p. 26. Il est possible qu’ici la forme perun soit abusive, remplaçant un primitif
parom.
133. Meriggi, 1952, p. 150.
134. Ivanov et Toporov, 1970, p. 1181.
135. Jakobson, 1985b, p. 17.
136. Dal’, 1903-1909, sv. Perun.
137. Raxno, 2011.
138. Lajoye, 2015, p. 40-41.
139. Duridanov, 1955 ; Boskovic, 2006, n. 6.
140. Leger, 1901, p. 56 ; Duridanov, 1955, p. 100-101.
141. Leger, 1901, p. 56.
142. Leger, 1901, p. 64.
143. Gimbutas, 1967, p. 742.
144. Leger, 1901, p. 60 ; Duridanov, 1955, p. 99, avec toutes les formes anciennes.
145. Duridanov, 1955, p. 100.
146. Duridanov, 1955, p. 100.
147. Leger, 1901, p. 60.
148. Leger, 1901, p. 60 ; Reiter, 1976, p. 191, qui le localise en Carinthie.
149. Gimbutas, 1967, p. 742.
150. Duridanov, 1955, p. 100.
151. Leger, 1901, p. 60.
152. Gimbutas, 1967, p. 742.
153. Reiter, 1976, p. 191.
154. Duridanov, 1955, p. 100.
155. Duridanov, 1955, p. 100.
156. Gimbutas, 1967, p. 742.
157. Reiter, 1976, p. 191 ; Eichler, 1980-1981, p. 204-205 ; Witkowski, 1971, p. 180.
158. Witkowski, 1971, p. 180.
159. Nagy, 1974, n. 33. Le mot se trouve dans le poème Heliand, v. 5773. Contra : Sehrt, 1925,
qui y voit le latin vericulum ; et Schwartz, 1947, p. 42, qui le rapproche de l’islandais ancien frakka,
« lance » et du slavon prag, « rayon ».
160. Krappe, 1932, p. 87. Strumiński, 1996, p. 117 a considéré que Fjörgynn n’est qu’un des noms
d’Odin, ce qui est impossible étant donné que sa fille, Frigg, est elle-même l’épouse d’Odin :
Skáldskaparmál, 19.
161. Lajoye et Oudaer, 2014.
162. Ce rapprochement n’est pas reconnu par les spécialistes de l’étymologie grecque, qui optent
généralement pour Κερα(F)ίζω : « dévaster, massacrer, écraser » (West, 2007, p. 244 ; Chantraine,
2000, sv. Κεραυνος). Vasmer, 1953, t. II, sv. Перунь, le rejette aussi. Bader, 1988, le mentionne mais
n’en fait pas la critique, ce qui peut être compris comme une acceptation tacite. Cependant, Roman
Jakobson pense à un primitif *Peraunós (Jakobson, 1985a et b) et Gregory Nagy admet un étymon
*per(kw)aunos, avec une métathèse due à un tabou, donnant *kwer(p)aunos (Nagy, 1974, p. 128 ;
Watkins, 1995, p. 343, n. 1). Pour West, 2007, p. 243-244, la similarité de structure entre Keraunos et
*Per(k)aunos est trop grande pour n’être qu’une seule coïncidence. Enfin, l’hypothèse semble être
admise par Jackson, 2002, p. 76, n. 25 ; Delamarre, 1984, p. 75 ; et Evans, 1974, p. 101-102, qui
opère d’ailleurs à un autre rapprochement avec le grec korunè : « bâton, massue ».
163. IG Bulg. I, 283 et 283bis, à Galata (Bulgarie) et Kajalâka (Bulgarie).
164. Krappe, 1932, p. 87 ; Nagy, 1974, p. 114.
165. Krappe, 1932, p. 87 ; Nagy, 1974, p. 114.
166. Krappe, 1932, p. 87 ; Nagy, 1974, p. 114.
167. Krappe, 1932, p. 87.
168. Lajoye, 2012.
169. Lajoye, 2015, p. 77-78.
170. Jakobson, 1985a, p. 6.
171. Lajoye, 2015, p. 62.
172. Gimbutas, 1971, pl. 69 ; Chropovský, 1989, p. 129. Pour Vladimír Denkstein, cependant,
cette figure montrerait des symboles d’origine byzantine : Denkstein, 1961. Cette nécropole a
fonctionné, semble-t-il, autour d’un sanctuaire païen en bois du ixe siècle, lequel était détruit au xe
(une église fut alors construite) : Słupecki, 1994, p. 114-116.
173. La position d’orant et la tête radiée se rencontrent régulièrement sur les figures
anthropomorphes d’époque mérovingienne et carolingienne dans le monde catholique. Ces deux
éléments ne peuvent donc pas être considérés comme étant caractéristiques du personnage figuré ici.
174. Yermoloff, 1907, p. 350-351 ; Mongaït, 1959, p. 12, en note ; Gimbutas, 1973, p. 475 ; Conte,
1997, p. 87. On plaçait ces bélemnites dans le grenier, afin de détourner de la maison les éclairs
« poursuiveurs de diables ».
175. Gieysztor, 1982, p. 65.
176. Leger, 1901, p. 64 ; Kostrzewski, 1949, p. 421. Notons que les Slovènes emploient encore
l’expression gromska strela pour dire « tonnerre de Dieu » ou « sacré nom de Dieu » !
177. Reiter, 1976, p. 190.
178. Yermoloff, 1907, p. 345 (pour le seul gouvernement de Minsk) ; Ivanov et Toporov, 1974,
p. 1195.
179. Lajoye, 2015, p. 107-114.
180. Af. 164/99 ; trad. dans Gruel-Apert, 2000, p. 242-246. Sur ce conte, voir Ivanov et Toporov,
1970. Les Moldaves connaissent une version de ce conte particulièrement proche. Pourtant, le motif
du tsar Tonnerre et de la tsarine Éclair est singulièrement absent : Botézatou, 1981, p. 96-109.
181. Maikov, 1869, p. 578.
182. Un semblable duo a pu exister chez les Celtes de l’Antiquité, mais il n’en reste que peu de
traces. On note toutefois une inscription dédiée à IOVI ET TER(r)AE MATRI à Nice : CIL XII,
3071.
183. Lajoye, 2015, p. 121-216 pour Élie, et p. 217-213 pour Georges.
184. Schmittlein, 1960, p. 192-193.
185. Leger, 1901, p. 156.
186. Helmold, Chronica Slavorum, I, 84.
187. Leger, 1901, p. 152.
188. Saxo Grammaticus, Gesta Danorum, XIV.
189. Jakobson, 1985a, p. 6 ; Słupecki, 1994, p. 49.
190. Saxo Grammaticus, Gesta Danorum, XIV.
191. Epistola Adelgoti archiepiscopi Magdeburgensis = Meyer, 1931, p. 15-16. Brückner, 1882.
192. Leger, 1901, p. 153.
193. Álvarez-Pedrosa Núñez (dir.), 2017, p. 96, n. 146.
194. Slovo Isaija proroka, istolkovano svjatym Ioanom Zlatoustom… (Mansikka, 1922, p. 142-
144).
195. Vyncke, 1970, p. 702 ; Cornillot, 1994b, p. 93.
196. Vyncke, 1970, p. 703 ; Jakobson, 1985b, p. 31.
197. Dynda, 2019, p. 10-11.
198. Vernadsky, 1959, p. 117.
199. Niederle, 1926, p. 135.
200. Pisani, 1950, p. 68.
201. Mansikka, 1922, p. 145 ; Unbegaun, 1948, p. 443.
202. Rybakov, 1966, p. 72.
203. Kutarev, 2019.
204. Pisani, 1950, p. 64 ; Słupecki, 1994, p. 49.
205. Saxo Grammaticus, Gesta Danorum, XIV ; Niederle, 1926, p. 149.
206. Schmittlein, 1960, p. 190-191.
207. Ivanenko, 2017.
208. Słupecki, 1994, p. 49.
209. Sermon d’un certain adorateur du Christ : Mansikka, 1922, p. 149-150.
210. Toporov, 1989, p. 27 ; Lebedynsky, 2009, p. 150.
211. Toporov, 1989, p. 28.
212. Máchal, 1907, p. 139. Un manuscrit de Stettin, maintenant perdu, donnait la forme Synna :
Meyer, 1931, p. 44.
213. Pisani, 1950, p. 65.
214. Słupecki, 1994, p. 67.
215. Słupecki, 1994, p. 67.
216. Niederle, 1926, p. 143.
217. Reiter, 1976, p. 194.
218. Jakobson, 1966, p. 291 ; Menges, 1956, p. 88-89 ; Jakobson, 1985b, p. 30.
219. Kregždys, 2010.
220. Gamkrelidze et Ivanov, 1995, vol. 1, p. 455, 667, n. 44.
221. Gamkrelidze et Ivanov, 1995, vol. 1, p. 692.
222. Ivanenko, 2019.
223. Diplôme daté de vers 1170 : Meyer, 1931, p. 47-48. On note les variantes Szuenterit,
Suenterit, Szunevit et Suantevit : Dynda, 2017, D5.
224. Słupecki, 1994, p. 40-41.
225. Zaroff, 2002.
226. Niederle, 1926, p. 148.
227. Fragmentum ex Martyrum in Ebbekestorp quiescentium Passione, tiré d’un manuscrit du
e
xiv siècle = Meyer, 1931, p. 65. Cornillot, 1994, p. 238-239.
228. Jakobson, 1985b, p. 26.
229. Mijatev et Angelov, 1974, p. 11.
230. Jakobson, 1985b, p. 26. Pour d’autres toponymes polonais : Kostrzewski, 1949, p. 432.
231. Agathias, Histoires, IV, 18.
232. Jakobson, 1985b, p. 26-27. Il semble cependant que ce nom doive être rapproché de l’iranien
*vāragna- : « (Dieu) tueur de dragon » (Gołąb, 1992, p. 323), terme qui désigne Vǝrǝθraγna.
233. Moszyński, 1957, p. 87-88.
234. Jagić, 1880.
235. Čausidis, 1998 et 1999.
236. Jakobson, 1985b, p. 27.
237. Machek, 1947, p. 60.
238. Vernadsky, 1959, p. 111 ; Lebedynsky, 2009, p. 150 ; Borissoff, 2014, p. 14.
239. Cornillot, 1994, p. 199 et suiv.
240. Gołąb, 1992, p. 323.
241. Gołąb, 1992, p. 323.
242. Jakobson, 1985b, p. 26.
243. Unbegaun, 1948, p. 403.
244. Thietmar, Chronicon, VI, 17-23 = Meyer, 1931, p. 9-10.
245. Schmittlein, 1960, p. 173.
246. Jómsvíkíngasaga ok Knylínga, 1828, p. 384.
247. Epistula St. Brunonis ad imperatorem Henricum II = Meyer, 1931, p. 8.
248. Adam de Brême, Gesta Hammaburgensis ecclesiae pontificum, II, 21 = Meyer, 1931, p. 13.
Rethra est resté longtemps un lieu non localisé avec précision : Schmidt, 1999.
249. Fragmentum ex Martyrum in Ebbekestorp quiescentium Passione, tiré d’un manuscrit du
e
xiv siècle = Meyer, 1931, p. 65.
250. Słupecki, 1994, p. 60 ; Cornillot, 1994b, p. 46 ; Cornillot, 1998, p. 117-119.
251. Schmittlein, 1960, p. 177-178.
252. Cornillot, 1994b, p. 46-54.
253. Leger, 1901, p. 150-151 ; Pédarriosse, 1998.
254. Słupecki, 1994, p. 57-58.
255. Lajoye, 2016b.
256. Niederle, 1926, p. 147.
257. Słupecki, 1994, p. 64.
258. Meyer, 1931, p. 92-93. Cette expression se retrouve chez un géographe perse anonyme, auteur
du traité Hudud al-’Alam.
259. Niederle, 1926, p. 134, s’oppose à ce qu’on utilise cette expression pour rapprocher la religion
slave de l’ancienne religion iranienne.
260. Niederle, 1926, p. 146 ; Schmittlein, 1960, p. 170. Un sermon russe du Moyen Âge final le dit
bien : « Trojan était tsar de Rome » (Slovo i otkrovenie svjatyx apostol : Mansikka, 1922, p. 201).
261. Prince, 1917, p. 153 ; Vaillant, 1948.
262. Trkanjec, 2013, p. 17-18.
263. Leger, 1901, p. 126-133.
264. Pour cette dernière localisation : Fragmentum genealogiae ducum Brunsvicensium et
Luneburgensium, s. a. 1157 = Meyer, 1931, p. 61-62 ; Chronicae principum saxoniae, s. a. 940 ;
Henri d’Anvers, Tractatus de captione urbis Brandenburg, s. a. 1150 ; Chronicae episcopatus
brandenburgensis fragmenta. Voir aussi la chronique de Přibík Pulkava, à l’année 1156 : Dynda,
2017, C5.
265. Unbegaun, 1948, p. 412 ; Schmittlein, 1960, p. 179.
266. Boskovic, 2006, n. 7.
267. Placer, 2010. Ce culte s’adressait à un personnage nommé Deva, dont on a trop vite fait une
déesse quand il peut simplement s’agir de la Vierge.
268. Erben, 1857, p. 270.
269. Ebbo, Vita Ottonis episcopi Bambergensis, II, 13.
270. Herbord, II, 32.
271. Ebbo, III, 1.
272. Trkanjev, 2013, p. 11-14.
273. Trkanjev, 2013, p. 14.
274. Ebbo, Vita Ottonis episcopi Bambergensis, III, 1.
275. Adam de Brême, Gesta Hammaburgensis ecclesiae pontificum, II, 22 = Meyer, 1931, p. 13-
14. Ce passage est plus tard repris par Helmold.
276. Ebbo, Vita Ottonis episcopi Bambergensis, II, 13.
277. Vie anonyme, III, 5.
278. Schmittlein, 1960, p. 184-185.
279. Gardeła, 2015, p. 101-102.
280. Gardeła, 2015.
281. Sermon de saint Grégoire racontant comment les païens adoraient les idoles et leur
sacrifiaient : Mansikka, 1922, p. 162-164.
282. Unbegaun, 1948, p. 402 ; Vodoff, 1988, p. 44.
283. Jakobson, 1985c, p. 34.
284. Zlobin, 2014.
285. Jakobson, 1985c, p. 36.
286. Zlobin, 2013, qui pense cependant à un emprunt à une langue balte.
287. Plas et Yudin, 2009, p. 7.
288. Majkov, 1869, p. 56, n° 130.
289. Gorlin, 1938.
290. Rybakov, 1953, p. 68.
291. Zlobin, 2014.
292. Lyaukou, Karabanau, Dučyc, Zajkousky, Vinakurau, 2000, p. 50.
293. Boskovic, 2006, n. 8.
294. Reiter, 1976, p. 202, d’après Alexandre Brückner.
295. Shapiro, 1982.
296. Jakobson, 1985c, p. 33.
297. Jakobson, 1985c, p. 34.
298. Krek, 1876.
299. Jakobson, 1985c, p. 37-39.
300. Jakobson, 1985c, p. 38.
301. Vyncke, 1970, p. 709.
302. Jakobson, 1985c, p. 39-40.
303. Jakobson, 1985c, p. 40.
304. Vasil’ev, 1999.
305. Vodoff, 1988, p. 44.
306. D’jačenko, 2007, sv. Volosyni ; Ivanov et Toporov, 1973, p. 25.
307. Sreznevskij, 1958, t. 1, col. 270.
308. Copeland, 1931, p. 438 ; Arrignon, 1991, p. 57 ; Božić et Ninković, 2003, p. 277 ; Božić,
2006, p. 252 ; Avilin, 2009.
309. Vasmer, 1953, p. 221. Il s’agit vraisemblablement d’une erreur de cet auteur.
310. Božić, 2006, p. 277.
311. Avilin, 2009.
312. Ivanov et Toporov, 1973, p. 27.
313. Antonijević-Pajić, 1984, p. 122-123.
314. Mansikka, 1922, p. 149-150.
315. Leger, 1901, p. 166-175.
316. Niederle, 1926, p. 133-134.
317. Fragmentum ex Martyrum in Ebbekestorp quiescentium Passione, tiré d’un manuscrit du
e
xiv siècle = Meyer, 1931, p. 65.
318. Jakobson, 1985b, p. 29. Cette identification est aussi postulée par Boris Rybakov (1966,
p. 79), qui pensent à une provenance géographique différente des deux dieux, Xors étant supposé
venir des tribus du sud. Ils sont suivis par d’autres : Lebedynsky, 2009, p. 150. Selon une hypothèse
récente, Xors ne serait pas un dieu soleil, mais un héros solaire et dionysiaque, lié à la fertilité :
Borissoff, 2014, p. 16 et suiv.
319. Jakobson, 1966, p. 291.
320. Borissoff, 2014, p. 10.
321. Gnoli, 1999.
322. Asbóth, 1900, p. 481
323. Dialogue des trois saints : Leger, 1901, p. 58-59.
324. Slovo i otkrovenie svjatyx apostol : Mansikka, 1922, p. 201.
325. Mais le second de ces textes dit que Perun était honoré par les Grecs !
326. Neplach, Summula Chronicae tam Romanae quam Bohemicae = Meyer, 1931, p. 62.
MYTHOLOGIE
COSMOGONIE
Il est très probable qu’il faille identifier ces textes avec un ouvrage
considéré comme « hérétique » au xiiie siècle et mentionné dans la
Vie de saint Abraham de Smolensk, le Livre des Profondeurs (Glubinnyja
Kniga), dont le texte est malheureusement perdu8.
On notera une curieuse légende étiologique collectée récemment en
Biélorussie :
« Autrefois il y avait une statue, bon, comme Staline chez nous, dans le temps. On a dressé une
statue, de plâtre, et on l’a cassée. […] Enfoncée dans un canon : elle a explosé. Et aux endroits
où on a trouvé quelque chose, on a fait des villages, un à chaque endroit. C’était il y a très, très
longtemps. Et donc il y a Rukovičy où on a trouvé un bras [ruka], Grudkovičy : la poitrine
[grudki], il y a eu un Puzovo [puzo : « ventre »], Cyckovičy [cyc’ka : « téton »]. C’était selon ce
qu’ils ont trouvé. Čerepy : on a trouvé un crâne [čerap], Golovači, une tête [golova], il y a aussi
Zubki [zub : « dent »], c’est nos voisins d’à côté9… »
« Et Dieu dit : que soient sur la terre la mer de Tibériade et l’eau salée. Et le Seigneur descendit
dans les airs jusqu’à la mer de Tibériade et il vit un plongeon qui flottait là ; s’arrêtant devant lui,
il lui dit : Plongeon, qui es-tu ? Et celui-ci répondit : Je suis Satan. Et le Seigneur dit à Satan :
Plonge dans la mer et ramène de la terre et une pierre. Et le Seigneur partageant en deux
morceaux la pierre donna de sa main gauche une moitié à Satan et frappa l’autre de son sceptre.
Des étincelles de feu jaillissant sur la pierre, le Seigneur créa les archanges Michel et Gabriel et
les anges s’envolèrent. Satan fit avec la pierre l’incommensurable force démoniaque des dieux.
Et le Seigneur dit : Que sur la mer de Tibériade soient trente-trois baleines et que sur ces
baleines soit la terre16. »
Le fait que le plongeur, bien qu’appelé Satan, soit ici toujours un oiseau,
montre que ce récit, bien que porté par des manuscrits récents, remonte à
des sources anciennes.
Division du monde
Dans ce récit apocryphe, le monde est posé sur des baleines. C’est un
motif qui est encore bien attesté dans les Balkans. En Slovénie par exemple,
le monde peut être posé sur un poisson, sur un dragon ou sur un taureau17.
Ce monde dans les croyances slaves, semble, comme chez les Celtes18,
formé de trois étages : un monde supérieur, divin, un monde central, le
nôtre, et un monde inférieur, assimilé après la christianisation aux enfers.
Cette division apparaît bien, par exemple, dans une ballade populaire
slovène :
« La première énigme dit ceci :
‒ Où se trouve le monde le plus élevé [narviši svet] ?
‒ Le monde le plus élevé se trouve
Là où Christ est crucifié.
La deuxième énigme dit ceci :
‒ Où se trouve le monde le plus large [narširi svet] ?
‒ Le monde le plus large se trouve
Là où le soleil se lève le matin
Et se couche après la gloire de Dieu le soir.
La troisième énigme dit ceci :
‒ À quelle distance le paradis se trouve de l’enfer ?
‒ La femme du pope le sait bien,
Elle a été en enfer,
Comme Dieu l’a jetée du ciel,
Au fond de l’enfer, elle a dû voler19. »
Façonnage du monde
Le sanglier ou la laie avec ses petits est considéré dans diverses légendes
polonaises comme l’animal qui façonne le monde en créant lacs et rivières.
On trouve sans doute un écho de cela dans un passage de Thietmar
concernant les Obodrites, qui signale que lorsque ceux-ci vont s’engager
dans une guerre civile, un énorme sanglier sort d’un lac et vient secouer la
terre avec ses défenses24.
Dans le folklore moderne, on dispose de plusieurs versions d’un même
récit dans lequel Dieu, se sachant comment faire les montagnes, en obtient
le secret, souvent grâce à une abeille, auprès du hérisson, cet animal étant
lui-même symboliquement un équivalent du sanglier25. Ce type de récit
possède des parallèles chez les Celtes, en Irlande et au Pays de Galles, mais
aussi en Inde : Viṣṇu, identifié à Brahma, y prend l’apparence d’un sanglier,
Varāha, pour aller chercher la terre au fond de l’eau primordiale. Il y
parvient (parfois après un combat contre un démon) et la fixe sur l’eau et la
dote de montagnes. Puis il s’accouple avec elle, et il obtient d’elle trois fils
démoniaques. Ensemble, ils menacent l’équilibre de l’univers. Les dieux
s’en plaignent mais ne savent que faire. Śiva prend l’apparence d’un
Śarabha (un monstre ailé à huit membres), et poursuit les quatre sangliers.
Cette poursuite est violente et menace de détruire le monde. Alors Viṣṇu
accepte de dire ce qu’il faut faire pour que lui-même abandonne son
apparence de sanglier : il faut le sacrifier lui et ses trois fils. Ils sont tués par
Śiva et leurs dépouilles tombent dans la mer26.
CRÉATION DE L’HOMME
Dans l’état actuel de nos connaissances aucun mythe directement lié aux
divinités slaves n’a été conservé dans les textes anciens. Nous n’en avons
plus que des bribes, ainsi que des récits folkloriques, qu’il est parfois
possible de considérer comme des vestiges de mythes en raison le plus
souvent de la nature de leurs personnages : on peut par exemple penser
qu’une bonne part des récits mettant en œuvre saint Élie ou saint Georges
peuvent avoir un rapport avec Perun s’ils ne sont pas présents dans les
textes chrétiens originels. Deux tentatives de reconstitutions des anciens
mythes du dieu de l’orage ont toutefois été faites. La première, due à
Viačeslav Ivanov et Vladimir Toporov, a durablement marqué les études sur
la mythologie slave.
MYTHES DE FONDATION
Ce type de récit, dont on verra qu’il n’est pas spécifiquement slave, est
surtout connu par l’histoire de la fondation de Kiev contenu dans le Récit
des temps passés :
« En ces temps-là les Polianes vivaient séparément et chacun dirigeait sa famille. Et jusqu’alors
chacun vivait avec sa famille, dans sa résidence, chacun dirigeait sa famille. Et il y avait trois
frères : l’un s’appelait Kii, l’autre Šček et le troisième Xoriv, et une sœur qui s’appelait Lybed.
Kii s’installa sur la colline où maintenant se trouve Boritchev ; Šček s’établit sur une colline qui
s’appelle maintenant Ščekovica et Xoriv sur la troisième colline à laquelle il donna le nom de
Xorivica. Et ils bâtirent une ville au nom de leur frère aîné ; et ils lui donnèrent le nom de Kiev.
Et autour de la ville il y avait une forêt et un grand bois ; et là ils chassaient les bêtes sauvages ;
et c’étaient des hommes sages et intelligents ; et ils s’appelaient Polianes ; et c’est d’eux que
descendent les Polianes qui sont jusqu’à maintenant à Kiev. Quelques-uns, ne sachant pas cela,
disent que Kii était un passeur ; car en face de Kiev, il y avait alors un bac de l’autre côté du
Dniepr. De là on disait « le bac de Kii ». Mais si Kii n’avait été qu’un passeur, il ne serait pas
allé à Tsargrad. Mais Kii régnait sur sa tribu et, dit-on, s’étant rendu près de l’empereur, il reçut
de grands honneurs de cet empereur près duquel il s’était rendu. Alors qu’il revenait et se
trouvait sur le Danube, il aima l’endroit et y bâtit une petite ville et voulut s’y établir avec sa
famille. Mais ceux qui vivaient alentour ne le lui permirent pas. Encore aujourd’hui les habitants
de cette région du Danube appellent cette petite ville Kievets. Kii retourna donc dans sa ville de
Kiev et il y acheva sa vie. Ses frères, Šček et Xoriv ainsi que sa sœur, Lybed, y moururent57. »
« Les Croates qui vivent actuellement dans la région de Dalmatie descendent des Croates païens,
également appelés « Blancs », qui vivent au-delà de la Turquie et à côté de la Francie ; ils ont
pour voisins slaves les Serbes païens. « Croates » en langue slave veut dire « ceux qui occupent
un vaste territoire ». Ces mêmes Croates vinrent réclamer la protection de l’empereur des
Romains Héraclius avant que les Serbes ne fassent de même, à l’époque où les Avars avaient
combattu et expulsé les colonies de Romani que l’empereur Dioclétien avait transféré de Rome ;
ils furent appelés Romani pour être venus de Rome dans ces régions, je veux dire celles appelées
de nos jours Croatie et Serbie. Les Avars avaient expulsé ces Romani à l’époque d’Héraclius,
empereur des Romains, et ces contrées étaient alors ruinées. Aussi l’empereur Héraclius ordonna
aux mêmes Croates de vaincre et d’expulser les Avars de ces régions, et par mandat impérial ils
s’installèrent dans le même pays que les Avars avant eux. Ces mêmes Croates avaient pour
prince à cette époque le père de Porga60. »
On notera dans la liste la présence d’un certain Coras, dont le nom semble
bien proche de celui de Xoriv, de Khrovatos et de Horian, ce qui laisse
soupçonner l’existence d’un prototype grec (et avant cela scythique ?) de
cette légende, prototype hélas semble-t-il perdu. Mais il ne faut pas en
conclure que toutes les légendes de fondation de ville par trois (ou cinq)
frères dérivent de ce prototype puisque, selon Strabon, la ville de Nysa en
Ionie fut aussi fondée par trois frères, mais selon un protocole un peu
différent :
« L’histoire parle de trois frères, Athymbros, Athymbrados et Hydrelos, qui, venus de
Lacédémone, auraient fondé aux environs trois villes, auxquelles ils auraient donné
respectivement leurs noms ; mais, la population de ces villes ayant peu à peu diminué, les trois
se seraient fondues en une seule et auraient ainsi formé Nysa. Il est de fait qu’aujourd’hui encore
les Nyséens proclament Athymbros comme leur archégète ou premier fondateur69. »
Fidènes70 et Troie71, encore, sont fondées suivant des récits assez proches.
Mais en définitive, l’équivalent le plus exact du texte bulgare se trouve bien
plus à l’ouest, en Irlande, dans le Livre des conquêtes, dont la mise à l’écrit
remonte aussi au xiie siècle72. Il s’agit ici de la cinquième conquête, celle
qui a trait à l’installation des humains, les fils de Mil, dans l’île, et au retrait
des dieux.
Mettons les deux récits en parallèle :
Il doit mener un tiers des Koumans vers une Il voit une terre d’abondance, qu’il décide
terre d’abondance d’explorer avec quelques hommes
Contre les Romains et les Hellènes Contre les dieux (Tuatha de Danann)
Ils se choisissent un roi : Slav Après de multiples luttes, ils n’ont plus qu’un
seul roi : Eremon
Ce roi fait construire cent tertres Dès leur débarquement, les fils de Mil enterrent
leurs morts sous des tertres.
Les dieux se réfugient dans l’Autre Monde,
c’est-à-dire dans les sidh, des tertres.
Le récit irlandais est ici très simplifié, réduit à sa trame : le texte est en
effet beaucoup plus circonstancié73. Mais il n’empêche que les structures
sont similaires. Cela permet même d’expliquer un détail qui est autrement
incompréhensible dans le texte bulgare : la construction de cent tertres. Le
terme employé est bien ici mogil, c’est-à-dire « tertre funéraire ». Dans
certaines langues slaves, son sens a pu se réduire à celui de colline.
De même, le texte bulgare éclaire, quant à lui, un élément de l’irlandais :
le roi finalement choisi (à force de combats) pour les Goidels est Eremon.
Eremon est le seul des fils de Mil à pouvoir régner sur l’île. Certes, au
départ ils sont huit : Eber Donn (l’aîné), Erech Febria, Eber Finn, Amorgen,
Ir, Colptha, Eremon et enfin le cadet Erennan. Amorgen est en effet poète
et, appartenant à la classe sacerdotale, il ne peut prétendre à la royauté. Ir et
Erennan, sans doute des doublets assonants d’Eremon, disparaissent en
cours de route, et cette disparition entraîne la disqualification d’Eber Donn.
Erech Febria et Colptha ne jouent aucun rôle et semblent être des ajouts
tardifs (Erech Ferbia n’apparaît pas dans certaines versions, et Colptha
donne juste son nom à l’embouchure de la Boyne). Il reste alors deux
candidats : Eber Finn, qui règne d’abord sur la partie méridionale et est
finalement battu et éliminé par son frère cadet (sans doute le véritable cadet
de la fratrie) Eremon. Eremon, on le sait depuis longtemps, est le strict
équivalent linguistique de l’indien Aryaman (iranien Airyaman). Or
Aryaman a été défini par Georges Dumézil comme le troisième dieu
souverain, aux côtés du sombre Varuna et du clair Mitra74. Ces éléments
incitent à mettre en doute la position de Clémence Ramnoux, suivie par
Bernard Sergent, pour laquelle le couple Eber Finn-Eremon correspondrait
au couple Varuna-Mitra, ce dernier remplacé par Aryaman75. En effet dans
les deux cas, nous fonctionnons bien par trois, avec Eremon/Aryaman ; sans
doute Eber Finn (Eber le Clair)/Mitra et Eber Donn (Eber le
Sombre)/Varuna.
Cette succession de luttes dans le cadre d’une émigration trouve sans
aucun doute un écho dans la première des légendes croates rapportées par
Constantin VII Porphyrogénète, qui montre bien une fratrie, dont l’un des
membres est éponyme du peuple, combattre d’abord contre les Avars, puis
contre les Francs, avant d’obtenir la souveraineté sur le territoire convoité,
le tout sans doute sous l’égide du dieu Perun (si celui-ci se manifeste bien
dans Porga/Porin).
Ce dossier trouve un appui dans le domaine germanique avec l’équation
*ermina et Aryaman76. L’étymon *ermina possède une riche famille de
dérivés dans toutes les langues germaniques et ayant tous des sens plus ou
moins religieux, liés au monde et à sa structure (par exemple avec Irminsul,
l’axis mundi des Saxons). Mais un cas précis, pourtant détaillé mais
singulièrement ignoré de tous, s’avère ici intéressant. Lorsque Tacite, dans
sa Germanie, nous donne la légende d’origine des Germains, il le fait selon
une structure remarquable. La Terre aurait enfanté un dénommé Tuisto (le
« Jumeau ») lequel a son tour a eu pour fils Mannus (l’« Homme »), et ce
Mannus a eu trois fils qui ont chacun donné leur nom à trois tribus
primordiales, les Inguaeones, les Istaevones et les Erminones (var.
Irminones, Herminones). Nous ne savons pas l’ordre de naissance de ces
trois fils, mais gageons que ce Ermino77, d’où viennent les Erminones, était
le troisième, le cadet.
Ainsi, dans toutes ces histoires de fondation de peuples, lorsque le roi
correspondant ne porte pas le nom de son peuple, il porte un nom dérivé
d’un terme correspondant à arya-. Ce fait est bien avéré dans le monde
indo-iranien, mais aussi finalement en Germanie et en Irlande (bien que
dans ce dernier cas Eremon ne donne pas son nom ‒ qui est apparenté à
celui de l’île ‒ à un peuple). Le fait de passer du correspondant d’arya- à un
autre terme (Slav, Scythès, etc.) ne peut être que secondaire78.
Le roi laboureur
campagne, est reconnu par son père qui a fait fabriquer une charrue d’or
avant d’ordonner qu’on la promène partout jusqu’à ce que quelqu’un en
devine le prix88.
Bien qu’attesté dans toute l’Europe avec de nombreuses variantes89, le
mythe du roi laboureur est donc solidement ancré en terre slave : il pourrait
donc avoir fait partie de la mythologie slave la plus ancienne.
Cracovie
1. Lajoye, 2017.
2. Šašel Kos, 2001.
3. Kazakevič, 2016.
4. Lajoye, 2010.
5. Lajoye, 2013.
6. Kabakova, 2005, p. 24.
7. Bessonov, 1861, p. 285-292. 58 versions de ce chant ont été recensées par Dudko, 2008.
8. Schayer, 1935, p. 319 ; Mouchard, 2013, p. 254-256.
9. Volodina, 2013, p. 186, enregistré à Cyckoviči, dans la région de Minsk. On notera qu’il est très
curieux qu’une statue ait eu un crâne et des dents : il devait s’agir primitivement d’un géant.
10. Trdina, 1881, p. 165 ; Kropej, 2012, p. 18.
11. Trdina, 1858, p. 61-62 ; Kropej, 2012, p. 25.
12. Par exemple en Slovénie : Trdina, 1958, p. 60 ; Kropej, 2012, p. 16.
13. En Slovénie, le dualisme s’est atténué, et c’est Dieu lui-même qui plonge : Trdina, 1958, p. 60-
61 ; Kropej, 2012, p. 16.
14. Voir déjà Dragomanov, 1961.
15. Szuchiewicz, 1902-1908, IV, p. 1 ; Onatsky, 1932, p. 436-437 ; Koenig, 1936, p. 370-371.
16. Ivanov, 1976, p. 255-256.
17. Kropej, 2012, p. 19-21.
18. Delamarre, 1999.
19. Šmitek, 1999, p. 161-162.
20. Ebbo, Vita Ottonis episcopi Bambergensis, III, 1.
21. Adam de Brême, II, 22.
22. Dynda, 2014, p. 63.
23. Dynda, 2014, p. 62.
24. Thietmar, Chronicon, VI, 24. Kajkowski, 2012.
25. Lajoye, 2013b.
26. Viṣṇu purāṇa, I, 4, 3-49 ; Kalika purāṇa, 30, 7, 42 ; 31, 1-3 ; 18-71, 82-93, 134-53 ; trad.
anglaise dans Doniger, 1975, p. 184-197 ; références d’autres variantes p. 330.
27. En Slovénie, le premier homme est bien apparu d’une goutte de sueur tombé des sourcils de
Dieu alors que celui-ci venait de parcourir le monde récemment créé : Trdina, 1858, p. 60 ; Kropej,
2012, p. 17. Voir l’analyse de Dynda, 2019, p. 13-14.
28. Trad. Arrignon, 2008, p. 196-197.
29. Berezkin, 2012.
30. Fine, 1980. Contra : Le Guillou, 1994, p. 266.
31. Aničkov, 1928.
32. Koenig, 1936, p. 371 ; Kaindl, 1894, p. 95-96.
33. Kropej, 2012, p. 126-127.
34. Ortenzio, 2008, p. 29-31.
35. Belova, 2004, p. 29-34.
36. Ivanov et Toporov, 1970.
37. Greimas, 1985, p. 55.
38. Jonval, 1929, n° 438 et 462. Voir aussi les n° 444, 445 et 452.
39. Jakobson, 1985, p. 37-38 ; Gimbutas, 1974, p. 90-91.
40. Voir leur résumé succinct dans Ivanov et Toporov, 2002.
41. Voir en premier lieu Katičić, 1987, 1988, 1989, 1990 et 1992. Il a été largement suivi, par
exemple par Kropej, 1998, pour la Slovénie, ou par Matasović, 1996, qui introduit des comparaisons
avec la Grèce, ce qui fait que la théorie d’Ivanov et Toporov, même très largement modifiée par
l’introduction d’un « frère » ou d’un « fils » de Perun (pourtant réellement attesté nulle part, même si
certains ont pensé qu’il pouvait s’agir de Jarilo et de son « successeur » saint Georges) est tenue
comme un fait acquis, que chacun peut retrouver dans ses croyances locales. Voir les exemples de
Vinšćak, 2005, ou Kropej, 2000, qui montrent bien les limites de ces « applications forcées » d’un
schéma mythique sur des données folkloriques qui n’en demandait pas forcément autant. La Bulgare
Ivanichka Georgieva, 1985, est, quant à elle, restée dans la droite ligne des idées d’Ivanov et
Toporov. En Croatie, il faut compter sur les travaux de Marjanić, 2010.
42. Uspenskij, 1982. Le travail monographique de ce chercheur sur le culte de saint Nicolas en
Russie est néanmoins incontournable. Il a été suivi par Martynov, 1993, qui, arguant que Nicolas est
devenu dans les bylines Mikula, en profite pour identifier Svjatogor à Perun, du fait là aussi de leur
relative opposition. Cela n’est guère convaincant.
43. Warner, 2002, p. 251. Il faut dire que cet auteur ne semble pas admettre les travaux des
sémanticiens tels que Lévi-Strauss ou Greimas, dont s’inspirent Ivanov et Toporov.
44. Lajoye, 2015.
45. Il est possible que le chêne, chez les Russes, soit le refuge habituel des démons. On trouve ainsi
dans un des contes d’Afanassiev, la mention de démons qui se réunissent sous un chêne, la nuit : Af
115/66a, région de Tchistopol (ancienne province de Kazan) ; Gruel-Apert, 2000, p. 119. On note
dans le gouvernement de Viatka (Russie) le fait que si, durant un orage, une personne se met à l’abri
sous un arbre sans faire le signe de croix, un démon fuyant la flèche de l’éclair se réfugiera en elle et
la flèche tuera cette personne : Magnitskij, 1883, p. 133. Ici, l’arbre est vraisemblablement un chêne.
46. Lajoye, 2018.
47. Matusiak, 1881, p. 641-642.
48. Sadovnikov, 1884, n° 93, p. 282. D’autres versions, plus récentes dans leur fonds car mettant
en œuvre un héros hutsul du xviiie siècle, Oleksa Dovbuš, ont aussi été collectées en Ukraine et dans
les Carpathes : Czerny, 2018, par exemple p. 188-189.
49. Davainis-Silvestraitis, 1894, t. II, p. 62-63 ; Balys, 1938, p. 53 ; Slančiauskas, 1975, p. 160 ;
Vėlius, 2010, p. 59-61.
50. Diodore de Sicile, Bibliothèque, II, 4, 11 ; Apollodore, Bibliothèque, IV, 14, 3.
51. Euripide, Oreste, 268-271.
52. Dumézil, 1965, p. 71-73.
53. Chanson de Roland, CLXXIII.
54. Lang, 2002, p. 54-57.
55. Allen, 2010 ; Lajoye, 2016, p. 51.
56. I, 214-225.
57. Trad. Arrignon, 2008, p. 40-41.
58. Boba, 1967, p. 47-55.
59. Constantin VII Porphyrogénète, De Admnistrando imperio, XXX.
60. Ibid., XXXI.
61. Ivanov, 1976, p. 250-251. Trad. française : Viktoriya Lajoye.
62. Pirart, 2003. Pour le dossier des fils de Feridun, l’étude la plus complète reste celle de
Dumézil, 1995, p. 614-616, d’après les travaux de Molé, 1952. Notons dès maintenant que la forme
avestique d’Iraǰ semble être Aryu : Pirart, 2003, p. 191, n. 52. Autre cas légendaire mais dans lequel
l’éponymie est absente, celui de la fondation du royaume de Macédoine, par trois frères, Gavanès,
Aéropos et Perdiccas. Devant fuir le roi de Lébaia qui les poursuit en raison d’un miracle favorisant
Perdiccas, ils s’installent en Macédoine ou le cadet, Perdiccas donc, devient l’ancêtre de la lignée
royale : Hérodote, VIII, 137 et suiv. ; Desnier, 1995, p. 36-40. C’est là de toute façon, comme l’avait
déjà remarqué Georges Dumézil, un motif extrêmement fréquent dans les contes populaires
européens, pour lesquels, des trois frères, seul le cadet peut devenir souverain. On peut d’ailleurs dire
que Geoffroy de Monmouth, dans son Histoire des rois de Bretagne, 31, ne fait que suivre ce
modèle : il fait de la cadette des trois filles du roi Leir l’unique héritière du royaume, la seule digne
de ce rang.
63. La présence régulière d’un personnage ornithomorphe dans les légendes de fondation ou
d’ethnogenèse a été notée : Ščavelev, 2010.
64. Ce nom est vraisemblablement un emprunt à l’iranien, et notamment à l’alain *xwar- (ossète
xur) : « soleil » : Lebedynsky, 2002, p. 190. Il serait alors un équivalent du vieux russe Xors.
65. Langlois, 1867, p. 350.
66. Ščavelev, 2014, p. 240.
67. Virgile, Énéide, VII, 660-661.
68. Solin, Polyhistor, II.
69. Strabon, Géographie, XIV, 1, 46.
70. Denys d’Halicarnasse, II, liii, 4.
71. Le récit le plus circonstancié à ce sujet est celui d’Apollodore, Bibliothèque, III, 2-3. Voir aussi
Dumézil, 2003, p. 138-149 et 555-562. Dans le même ordre d’idées, dans les chants serbes, lorsque
trois frères fondent la ville de Scutari (Albanie), seul l’aîné, qualifié de roi, est appelé à y régner :
Dozon, 1888, p. 136-141. Une légende qui fut sans doute très proche, mais recueillie de façon très
lacunaire au xixe siècle concerne la ville de Crest (Drôme, France) : celle-ci aurait été fondée par
trois frères ; l’aîné aurait construit la tour (le donjon, siège du pouvoir), le second le grand escalier
(qui mène au donjon), et le troisième le pont : Perrossier, 1870, p. 216.
72. Pour une présentation générale : Oudaer, 2017.
73. Lebor Gabála Érenn, éd. Macalister, 1932-1942.
74. Dumézil, 1949.
75. Ramnoux, 1954, p. 209-211 ; Sergent, 1995, p. 443.
76. De Vries, 1952 ; suivi en dernier lieu par West, 2007, p. 142-143. Jan de Vries avoue de lui-
même que du point de vue strictement linguistique, cette équation ne fonctionne pas, mais : « les lois
phonétiques sont certainement des directives utiles pour la comparaison de faits linguistiques, mais
elles ne donnent que les grandes lignes de l’évolution d’une langue, ce qui n’exclut nullement
beaucoup d’exceptions, qu’on ne peut pas expliquer par une logique rigoureuse. Les faits réfractaires
abondent notamment dans le domaine religieux ». Il ne s’agit pas là d’un avis de faiblesse de l’auteur
quand on connaît le travail considérable qu’il a accompli dans le domaine de l’étymologie des
langues germaniques.
77. Le nom même du personnage, absent de Tacite, est donné par un tableau des peuples d’Europe
occidentale rédigé vers le vie siècle, repris plus tard par Nennius, 17. Le tableau mérovingien parle
d’Istio, Erminus et Inguo ; Nennius lui, de Hessitio, Armenon et Neguo : Lot, 1934, p. 50-52.
78. On notera qu’à partir du xiiie siècle, des textes slaves d’Europe centrale (Kronika wielkopolska,
mais aussi les chroniques de Dalimil, de Václav Hájek, de Přibík Pulkava) font mention d’une triple
ethnogenèse, dans laquelle trois frères, Lech, Čech et Rus sont les fondateurs respectivement des
peuples polonais, tchèque et russe.
79. Récit des temps passés, à l’année 862.
80. Nikolayev, 2012.
81. Frédégaire, IV, 48.
82. Geary, 2008, p. 246.
83. « De duce Samouithay qui dicitur Semouith » : Gallus Anonymys, Gesta principum polonum, I,
3.
84. Macdonell et Keith, 1912, p. 432.
85. Gallus Anonymys, Gesta principum polonum, I, 1-3.
86. Cosmas, Chronica bohemorum, I, 6.
87. Golema, 2007.
88. Dragomanov et Dragomanova, 2015, p. 106-118.
89. Krappe, 1919, 1922, 1923 ; Oexle, 1968 ; Delpech, 2015.
90. Słupecki, 1999, p. 78-79.
CONCLUSION
Le livre que vous venez de lire est issu du travail d’un historien des
religions spécialisé dans le domaine de la mythologie comparée. Il ne s’agit
donc pas de l’œuvre d’un slaviste. Comme cela a été rappelé en
introduction, plus aucun slaviste francophone, et même anglo-saxon, ne
s’intéresse à l’étude du paganisme depuis des décennies. Tout au plus a-t-on
vu paraître des essais sur la christianisation.
Durant longtemps, la mythologie celtique a été mon seul centre d’intérêt.
Mais, inspiré par les travaux de comparatistes tels que Georges Dumézil ou
plus récemment Bernard Sergent, j’ai toujours eu à cœur de comparer ce
que j’observais chez les Celtes avec ce qui existait dans d’autres cultures.
Or il ne m’a pas fallu longtemps pour constater que si je voulais utiliser des
matériaux slaves, je devais me contenter de travaux très anciens,
notamment ceux de Louis Leger. Un pan entier du monde indo-européen
était donc quasi totalement absent des études de mythologie comparée, qui
se focalisent principalement sur l’Inde, la Grèce, Rome, la Scandinavie, et,
dans une moindre proportion, les Celtes et le domaine iranien.
J’ai voulu par ce livre apporter de nouveaux matériaux, de nouvelles
théories et donc accomplir un travail d’autant plus nécessaire que dans les
pays slaves eux-mêmes, un nouvel élan est donné à la recherche. Mais,
comme je l’ai dit, je ne suis pas slaviste : je ne lis pas toutes les langues
slaves, de même que je n’ai pas eu accès à toutes les bibliothèques
nécessaires. Je ne peux donc au terme de cette aventure qu’appeler de mes
vœux l’apparition de jeunes chercheurs qui sauront mieux que moi
s’emparer de ces questions, qui oseront mêler l’étude des textes ‒ et il n’y a
rien d’improbable à ce que l’on en découvre de nouveaux ‒ à l’archéologie,
qui régulièrement met au jour de nouvelles idoles, de nouveaux sanctuaires.
BIBLIOGRAPHIE
SOURCES ANCIENNES
Corpus
Autres
Nicolas Balzamo,
Les Deux Cathédrales. Mythe et histoire à Chartres.
Louis Bardollet,
Les mythes, les dieux et l’homme. Essai sur la poésie homérique.
Lucian Boia,
Pour une histoire de l’imaginaire.
Régis Boyer,
En lisant Saxo Grammaticus. Le passé légendaire du Danemark.
La Mort chez les anciens Scandinaves.
Les Valkyries
David Brunat,
Titanic. Mythe moderne et parabole pour notre temps
David Brunat, Antoine Dubuquoy,
Steve Jobs. Figure mythique.
Walter Burkert,
Les Cultes à mystères dans l’Antiquité.
Homo Necans. Rites sacrificiels et mythes de la Grèce ancienne.
Sauvages origines. Mythes et rites sacrificiels en Grèce ancienne.
Claude Calame,
Mythe et histoire dans l’Antiquité grecque. La création symbolique d’une colonie.
Jacquy Chemouni,
Savoir ou révélation. La mythologie entre Freud et Jung.
Bernard Deforge,
Le Commencement est un dieu. Le Proche-Orient, Hésiode et les mythes.
Eschyle poète cosmique.
Le Festival des cadavres. Morts et mises à mort dans la tragédie grecque.
Une vie avec Eschyle.
George Devereux,
Les rêves dans la tragédie grecque.
Salvatore D’Onofrio,
Le Sauvage et son double.
Les Fluides d’Aristote. Lait, sang et sperme dans l’Italie du Sud.
Jacqueline Duchemin,
Mythes grecs et sources orientales.
Prométhée. Histoire du mythe, de ses origines orientales à ses incarnations modernes.
Christine Dumas-Reungoat,
La Fin du monde. Enquête sur l’origine du mythe.
Bernard Fricker,
Mythologie, philosophie, poésie.
Monique Halm-Tisserant,
Cannibalisme et immortalité. L’enfant dans le chaudron en Grèce ancienne.
François Jouan, Bernard Deforge,
Peuples et pays mythiques.
Peter Kingsley,
Empédocle et la tradition pythagoricienne. Philosophie ancienne, mystère et magie.
Pierre Lévêque,
Colère, sexe, rire. Le Japon des mythes anciens.
Alain Marez,
Petites sagas islandaises.
Alain Moreau,
La Fabrique des mythes.
Le Mythe de Jason et Médée. Le va-nu-pied et la sorcière.
Mythes grecs I & II (sous coffret).
Jean-Claude Mühlethaler,
Énée le mal-aimé. Du roman médiéval à la bande dessinée.
Jean-Pierre Otte,
Les Mythes de la création.
Pierre et André Sauzeau,
La Quatrième Fonction. Altérité et marginalité dans l’idéologie des Indo-Européens.
Bernard Sergent,
Athéna et la grande déesse indienne.
Le Dieu fou. Essai sur les origines de Śiva et de Dionysos.
Pierre Sineux,
Amphiaraos. Guerrier, devin et guérisseur.
Reynal Sorel,
Chaos et éternité. Mythologie et philosophie grecques de l’Origine.
Dictionnaire du paganisme grec. Notions et débats autour de l’époque classique.
Lucie Thévenet,
Le Personnage : du mythe au théâtre. La question de l’identité dans la tragédie grecque.
Phèdre à Hippolyte. Scènes d’aveux antiques et contemporaines
Pascal Thiercy,
Aristophane. Fiction et dramaturgie.
Joël Thomas,
Mythanalyse de la Rome antique.
Robert Triomphe,
Le Lion, la vierge et le miel.
SOURCES
Le Papyrus de Derveni, traduit et présenté par Fabienne Jourdan.
Régis Boyer,
Deux sagas islandaises légendaires.
Les sagas légendaires.
Les sagas miniatures.
Luc Brisson,
Le Sexe incertain. Androgynie et hermaphrodisme dans l’Antiquité gréco-romaine.
Peter Kingsley,
Dans les Antres de la sagesse. Études parménidiennes.
Alain Marez,
Petites sagas islandaises.
Giovanni Pugliese Carratelli,
Les Lamelles d’or orphiques.
Instructions pour le voyage d’outre-tombe des initiés grecs.
Cette édition électronique du livre
Mythologie et Religion des Slaves païens
de Patrice Lajoye
a été réalisée le 3 juin 2022
par Flexedo.
Elle repose sur l’édition papier du même ouvrage
(ISBN 978-2-251-45312-5).