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La turbulence est très certainement le phénomène le plus complexe en

physique et est encore loin d’être parfaitement comprise par la communauté


scientifique. Une légende attribue à Werner Karl Heisenberg (un des pères
de la mécanique quantique, prix Nobel de physique en 1932) la phrase
suivante sur son lit de mort:
« A Dieu, je demanderai: pourquoi la relativité et pourquoi la turbulence ?
Je suis persuadé qu’il pourra répondre seulement à ma première question »

C’est une des raisons pour laquelle ce cours est intitulé « Une courte
introduction à la turbulence ». En regardant la manière dont ce cours est
construit, vous comprendrez, pourquoi il aurait pu également être sous-titré:
de Leonard de Vinci à Andrei Kolmogorov…

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Comment peindre le mouvement ? Léonard de Vinci a longtemps travaillé
pour répondre à cette exigence. Son approche était basée sur une observation
méticuleuse de la nature. Il a en particulier réalisé de nombreux croquis, sur
les mouvements de l’eau (jet d’eau se déversant dans une fontaine,
écoulement autour des piles d’un pont …), sur lesquels il met en évidence la
nature extrêmement tourbillonnaire et complexe des écoulements les plus
courants.
Il a été le premier à introduire le terme de turbulence (« turbolenza » en
italien) pour désigner les mouvements complexes de l’eau et de l’air.

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Osborne Reynolds (1883) à l’Université de Manchester a été l’un des
premiers savants à étudier la transition d’un écoulement dans une conduite
de section circulaire, du régime laminaire au régime turbulent. Cette
gravure représente l’expérience qu’il a réalisée en 1883, consistant à étudier
la trajectoire d’un filet coloré injecté à l’entrée d’un tube, aux extrémités
duquel on a établi un gradient de pression pour générer un écoulement. Une
vanne placée à l’extrémité du tube permet de faire varier le débit d’eau qui
circule dans le tube.

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Cette photo représente une vue rapprochée de l’expérience originale de
Reynolds qui reste toujours exposée au sein de l’Université de Manchester.

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Sur ces vues nous pouvons voir quelle est l’influence du débit dans le tube
sur la manière dont est transporté le colorant dans l’écoulement.
A faible débit, on note sur la photo en haut à gauche, que la trajectoire du
filet coloré reste rectiligne sans aucune diffusion perceptible dans la direction
transverse. Ceci indique que le transport du colorant est largement dominé
par la convection, que l’écoulement est caractérisé par un champ de vitesse
réduit à une seule composante axiale (comme celui prédit par la solution
analytique proposée par Poiseuille), que la diffusion moléculaire (dirigée
suivant le gradient de concentration en colorant) est imperceptible (donc
quasi nulle).
En augmentant le débit on note que la trajectoire du filet coloré est plus
instable, soumise à des oscillations dans l’espace et dans le temps, et donc
que l’écoulement devient tridimensionnel et instationnaire.
La dernière photo (en bas à droite) met en évidence un accroissement très
significatif du transport de colorant, qui a maintenant envahi tout le tube.
Les propriétés de diffusion (d’origine moléculaire) restant inchangées tout au
long de l’expérience, cette augmentation sensible du transport de colorant
dans le tube ne peut être attribuée qu’à l’écoulement. Cette expérience met
en évidence l’existence de deux régimes d’écoulement:
Laminaire (les deux photos en haut à gauche), qui peut être stationnaire ou
instationnaire
Turbulent (la photo du bas à droite)
Avec entre les deux régimes, un comportement de transition.

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La théorie de la similitude permet de démontrer que le comportement du
fluide dans le tube (supposé lisse) ne dépend que d’un seul paramètre, le
nombre de Reynolds Re. On note que si Re est strictement inférieur à 2300
l’écoulement garde un comportement laminaire, alors que si Re est très
supérieur à 2300 l’écoulement a de fortes chances d’être turbulent. Au delà
de cette valeur critique, toute perturbation introduite dans l’écoulement
aura tendance à être amplifiée et favoriser la transition vers un régime
d’écoulement turbulent.

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Voici deux exemples d’écoulement (un jet en haut et une zone de mélange en
bas), qui ont permis d’étudier certains mécanismes de transition vers la
turbulence. Dans les deux cas, le mécanisme à l’origine de la turbulence est
le développement d’une instabilité de cisaillement (Kelvin-Helmholtz). Ces
deux figures mettent bien en évidence la rapidité avec laquelle explose la
turbulence: le long de l’axe principal, l’écoulement évolue rapidement d’un
comportement stationnaire (laminaire), à un régime transitoire périodique
qui dégénère très rapidement. On note que, même dans la zone où la
turbulence est pleinement développée, l’écoulement conserve une certaine
organisation, entretenue par le maintient de structures cohérentes. Cette
caractéristique est souvent utilisée pour simuler les écoulements turbulents
par la méthode dite de « Simulation des Grosses Structures » plus
communément appelée LES dans la littérature (LES: « Large Eddy
Simulation »).

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Cette photo illustre la formation de grosses structures dans un écoulement
turbulent. Il s’agit d’ici du tourbillon qui se forme en bout d’aile d’un avion.

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Un autre exemple de grosse structure dans l’atmosphère: ici un cyclone au
large de la Floride…

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Photo de gauche: température de surface dans le « golfe stream »
Photo de droite: Allée tourbillonnaire de Karman en aval de l’île de la
Guadeloupe

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Cette animation représente le résultat d’une simulation numérique d’un jet
circulaire, calculée par la méthode LES. Cette configuration permet de
mettre en évidence le caractère extrêmement rapide de la transition entre un
écoulement laminaire (tel qu’il peut être observé à la sortie de la buse) et un
écoulement pleinement turbulent. Comme dans beaucoup de situations en
mécanique des fluides, la turbulence est produite par cisaillement entre
l’écoulement dans le jet et l’air ambiant au repos. Ces conditions favorisent
le développement d’une instabilité de Kelvin-Helmholtz, qui se manifeste par
la formation de structures tourbillonnaires de forme torique. Leur fréquence
d’émission f est fonction de deux paramètres: le diamètre D de la buse et la
vitesse moyenne U du jet en sortie de buse. Les observations expérimentales
(confirmées par les résultats de simulation numérique) montrent que le
rapport de fréquences formées à partir de ces données (appelé nombre de
Strouhal) est constant et égal à 0,73

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Dans le cas du jet rond, les observations expérimentales montrent que la
transition entre la zone laminaire et la zone turbulente est d’autant plus
proche de la buse que le nombre de Reynolds (Re) est grand. Pour des
valeurs de Re supérieures à 105, cette distance est égale à D/4. Tandis que
pour les valeurs inférieures (Re< 105), la zone de transition se trouve à une
distance qui peut être supérieure à D (comme c’est le cas sur cette
visualisation).

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Toujours pour le jet rond, l’écoulement moyen peut être caractérisé en deux
zones:
La zone de champ proche composée du cône potentiel (où le profil de vitesse
est quasi-uniforme) et de la zone périphérique de mélange avec le fluide
ambiant (l’ensemble se développe sur une distance de l’ordre de 4 à 5
diamètres)
La zone de champ lointain où l’écoulement est pleinement développé (située
à une distance de la buse égale à 15 fois le diamètre)

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Nous allons à présent mettre en évidence quelques propriétés
caractéristiques des écoulements turbulents. Cette figure représente un
signal typique de vitesse mesurée dans un écoulement turbulent (en rouge)
comparé à celui obtenu dans un écoulement laminaire (en bleu). La courbe
rouge illustre parfaitement le caractère aléatoire de l’évolution dans le temps
d’un signal de vitesse dans un écoulement turbulent. Une analyse de Fourier
(spectre en fréquence), permettrait de mettre en évidence, une distribution
continue (non nécessairement uniforme) d’énergie sur une plage de
fréquences limitée par les contributions des plus gros et des plus petits
tourbillons (structures) présents dans l’écoulement.

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La présence de tourbillons ne suffit pas à elle seule de qualifier un
écoulement de turbulent ! Ces photos représentent des visualisations de
l’écoulement autour d’un obstacle de forme cylindrique plongé dans un
écoulement uniforme. La théorie de la similitude permet de démontrer que le
comportement de l’écoulement dépend d’un seul paramètre adimensionné
(le nombre de Reynolds Re), pour des valeurs relativement modérées de Re
l’écoulement évolue d’un comportement stationnaire (caractérisé par un
sillage symétrique, formé par deux tourbillons attachés à l’arrière de
l’obstacle), vers un comportement instationnaire, périodique, résultant du
décrochage alterné des tourbillons dans l’écoulement (« vortex shedding »).
Dans ce cas, un capteur de vitesse placé dans la zone de sillage du cylindre ne
mettrait en évidence qu’un signal stationnaire ou au mieux périodique
(caractérisé par un spectre discret, constitué d’une fréquence fondamentale
+ éventuellement quelques harmoniques), qui résulterait du passage d’un
noyau tourbillonnaire au voisinage du capteur. On note au passage que pour
ce régime d’écoulement (que l’on peut continuer à qualifier de laminaire), le
colorant utilisé pour visualiser l’écoulement « diffuse » peu dans la zone de
sillage et reste concentré par « paquets » autour du cœur des tourbillons
formant l’allée de Karman.
La dernière photos (obtenue pour Re=1500), illustre parfaitement
l’augmentation des propriétés de transport observée dans un écoulement
turbulent: le colorant s’est « diffusé » partout dans le zone de sillage.

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Le nombre de Reynolds critique de transition entre un écoulement
stationnaire et instationnaire est Rec = 47
Le régime instationnaire est caractérisé par l’émission de tourbillons
alternés à une fréquence régulière f, le rapport f D / U forme un nombre sans
dimension appelé nombre de Strouhal, on relève expérimentalement que la
fréquence d’émission des tourbillons est proportionnelle à la vitesse de
l’écoulement incident uniforme et inversement proportionnelle au diamètre
du cylindre, de telle sorte que le nombre de Strouhal St soit de l’ordre de
l’unité. L’écoulement devient turbulent pour Re > 200

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La théorie simplifiée des instabilités hydrodynamiques (initialement
développée par Landau pour les systèmes proches d’une transition de phase),
définit deux paramètres:
Le paramètre d’ordre (décrit le degré d’évolution de la transition), le
paramètre de contrôle représentant la distance au seuil. Dans le cas de la
transition du sillage derrière un cylindre, le paramètre d’ordre pourrait être
l’amplitude A des oscillations de la composante transverse du vecteur vitesse,
le paramètre de contrôle serait alors l’écart relatif par rapport au seuil de
transition: E = (Re – Rec) / Rec

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On considère à présent un écoulement laminaire stable, auquel on ajoute un
ensemble de perturbations (instabilités) d’amplitude Aj(t), Sigma (j) définit
le taux de croissance complexe de l’instabilité. La partie imaginaire de
Sigma(j) représente la fréquence des oscillations observées au dessus de seuil
de stabilité, la partie réelle représente la taux de croissance ou de
décroissance exponentielle des modes. En dessous du seuil (Re<ReC) toutes
les perturbations décroissent de manière exponentielle. Au seuil même
(Re=ReC), tous les modes décroissent sauf un, appelé mode marginalement
stable, au dessus du seuil (Re>ReC) il existe un ensemble de modes k pour
lesquels Sigma(k) > 0.

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Parmi les modes instables on définit un mode dominant (correspondant à
l’amplitude maximale), soit Sigma^r son taux de croissance et A son
amplitude. Aux temps courts A croît de manière exponentielle, sur des temps
plus long un phénomène de saturation apparaît forcément (sinon A tendrait
vers l’infini)

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On en déduit immédiatement la solution stationnaire, obtenue à l’équilibre
entre le terme de croissance et le terme de saturation. En évaluant la
constante de temps caractérisant l’instabilité, on en déduit que pour
(Re<ReC), le temps d’amortissement exponentiel tend vers l’infini lorsque
que l’on se rapproche du seuil critique (Re  ReC).

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Même si c’est un phénomène extrêmement complexe, il ne faut pas
considérer la turbulence comme une « catastrophe ». Dans de nombreuses
situations, on peut tirer partie de certaines propriétés de la turbulence. Sans
la turbulence, l’atmosphère terrestre serait proprement irrespirable et la vie
n’aurait jamais pu se développer sur Terre.
Cette figure montre l’évolution du coefficient de traînée pour un cylindre
plongé dans un écoulement uniforme, en fonction du nombre de Reynolds.
Cette courbe met en évidence que si l’on arrive à forcer (en augmentant la
rugosité de surface du cylindre) la transition vers la turbulence au niveau de
l’écoulement de couche limite en contact avec la paroi du cylindre, on obtient
une réduction du coefficient de traînée. A vitesse donnée, ce résultat
conduira à réduire la force de traînée.

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Le même phénomène peut être observé autour d’une sphère. La raison est
simple, une couche limite turbulente est caractérisée par un taux de
cisaillement en paroi beaucoup plus important que celui qui peut être
mesuré en régime laminaire, rendant le décollement et donc la formation du
sillage beaucoup plus difficile. De manière anecdotique (il existe d’autres
exemples, « plus sérieux » dans le domaine aéronautique), c’est pour
exploiter cette propriété, que les balles de golf sont en relief au lieu d’être
lisses.

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Une autre propriété caractéristique de la turbulence, illustrée ici pour
l’écoulement dans une conduite de section circulaire. Le comportement de
l’écoulement dans le tube peut être caractérisé, à partir de trois paramètres:
le coefficient de perte de charge (lambda) (qui représente la chute de
pression entre deux points distants d’une longueur L, situés le long de l’axe),
le nombre de Reynolds (Re) et éventuellement (si la conduite n’est pas lisse)
le rapport entre la taille des rugosités et le diamètre du tube.

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L’évolution du coefficient de perte de charge linéaire (lambda) est reportée
sur cette figure (échelle logarithmique). Cette courbe met bien en évidence
un changement brusque de comportement du système pour une valeur du
nombre de Reynolds légèrement supérieure à 2000:
Pour Re<2000 Lambda=64/Re (valeur prédite par la solution analytique de
Poiseuille) (Régime laminaire)
Pour Re>2000 Lambda=0,316/Re^(1/4) (Régime turbulent lisse)
Si la paroi de la conduite présente des rugosités, à grand nombre de
Reynolds le coefficient de perte de charge devient indépendant de Re
(Régime turbulent rugueux)
Le seuil critique de transition entre les régimes turbulent lisse et turbulent
rugueux dépend du rapport entre la taille moyenne des rugosités (e) et le
diamètre du tube (D).

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On considère à présent un écoulement libre plan cisaillé de telle sorte que le
champ de vitesse moyen soit unidirectionnel (U2 = U3 =0) et U1 = U1(X2), on se
place loin de toute parois de telle sorte que l’on puisse supposer que les effets
visqueux sont négligeables et que le champ de pression est uniforme.

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A cet écoulement de base on ajoute une perturbation plane de composantes
u’1 et u’2 que l’on suppose petites O(Epsilon), on introduit la décomposition
moyenne+perturbation dans les équations du mouvement, en négligeant les
termes O(Epsilon2), on obtient un jeu d’équations linéarisées.

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Pour rechercher les solutions u’1 et u’2, on se place dans l’espace de Fourier,
ce qui implique l’introduction d’une vitesse de phase complexe c et d’un
nombre d’onde complexe k. A t=cte, la perturbation va s’amplifier le long de
l’axe X1 (direction principale de l’écoulement) si la partie imaginaire de k,
i.e. ki est négative.

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Cette figure représente la courbe de stabilité marginale (ki = 0) obtenue pour
un écoulement de couche limite au dessus d’une plaque plane. La courbe ki =
0 est représentée dans le plan kr delta , Re(delta) (delta: épaisseur de
déplacement). A l’extérieur de la courbe de stabilité marginale, l’écoulement
est stable. On note que pour Re < 500, quelque soit le nombre d’onde kr,
l’écoulement reste parfaitement stable, au dessus de cette valeur critique, il
existe des modes pour lesquels l’écoulement peut devenir instable.

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Les équations du mouvement linéarisées s’écrivent dans l’espace de Fourier
de la manière suivante…On élimine le terme de pression en dérivant
l’équation (1) par rapport à X2, on ajoute l’équation résultante à l’équation
(2), en tenant compte de l’équation de continuité (3)…

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On obtient alors une équation portant uniquement sur le terme relatif à la
perturbation suivant la direction transverse X2: équation d’Orr-Sommerfeld
(cas visqueux), équation de Rayleigh (limite non-visqueux).

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On introduit alors la fonction de courant Psi, et on obtient une équation
différentielle ordinaire.

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On introduit la fonction complexe conjuguée de la fonction complexe Phi,
qui vérifie également pratiquement la même EDO.

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On multiplie les deux EDO par Phi et Phi*, la soustraction des deux EDO
donne une nouvelle équation différentielle que l’on peut intégrer par rapport
à la variable x2 (entre + et – l’infini). En tenant compte du fait que Phi’ et
Phi*’ sont nulles aux bornes d’intégration, on obtient bien l’expression
intégrale recherchée.

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On multiplie les deux EDO par Phi et Phi*, la soustraction des deux EDO
donne une nouvelle équation différentielle que l’on peut intégrer par rapport
à la variable x2 (entre + et – l’infini). En tenant compte du fait que Phi’ et
Phi*’ sont nulles aux bornes d’intégration, on obtient bien l’expression
intégrale recherchée.

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Nous allons à présent mettre en évidence, une propriété des équations de
Navier Stokes (NS): la sensibilité des solutions aux conditions initiales (SCI),
qui contribue de manière très significative à l’apparition de la turbulence.
Pour cela nous allons construire une suite U(t), dont la relation de récurrence
reproduit les termes principaux présents dans NS: évolution temporelle,
transport non-linéaire (convection), transport linéaire (diffusion), terme
source. Nous avons pris le soin d’introduire un paramètre (a) qui représente
l’importance relative des termes de transport non linéaires devant les termes
linéaires. Une suite dont la relation de récurrence est non linéaire comme ici
est appelée suite logistique.

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Après simplification on obtient la relation: U(t+1)=1 – a U(t)^2
Voici les solutions que l’on obtient pour trois valeurs de a: 0.1, 1 et 2
Pour a=0.1 (courbe rouge), la solutions U(t) tend rapidement vers une valeur
constante (légèrement supérieure à 0.9)
Pour a=1 (courbe bleue), la solution U(t) adopte un comportement
périodique et oscille entre les valeurs 0 et 1
Pour a=2 (courbe verte), la solution U(t) devient chaotique, comprise entre -1
et 1
Cette petite expérience numérique, met en évidence l’influence des processus
non linéaires dans l’apparition de solutions chaotiques (même pour des
systèmes simples).

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Nous allons renouveler la même expérience en conservant la valeur a=2 et en démarrant les
calculs à partir de deux conditions initiales très voisines:
U(0)=0.1 (courbe rouge) et U(0)=0.10001 (courbe bleue)
De manière intuitive, on pourrait s’attendre à ce que les évolutions dans le temps des deux
solutions restent très voisines.
On constate exactement le contraire !
Jusqu’à t=10 les deux courbes se juxtaposent parfaitement (cette zone de la courbe définit
l’horizon de prédictibilité du système)
Au-delà les comportements des deux courbes divergent complètement, au même instant les
solutions peuvent même être opposées (U=1 pour une solution et U=-1 pour la deuxième).
Cette propriété qui caractérise la suite U(t) est appelée sensibilité aux conditions initiales
(SCI), elle caractérise également les équations de Navier Stokes. Compte tenu de
l’incertitude qui peut peser sur la détermination de l’état dans lequel se trouve un fluide en
écoulement à un instant initial t=0, cette expérience montre qu’il sera très difficile de
prédire avec certitude son évolution dans le temps, même si les équations qui gouvernent son
évolution sont parfaitement connues (conservation de la masse, quantité de mouvement,
énergie…). Dans la littérature ce phénomène est appelé: chao déterministe. Cette théorie
concerne l’étude des systèmes dynamiques parfaitement déterministes (régis par une
équation d’évolution parfaitement connue), caractérisés par une sensibilité aux conditions
initiales, qui rend leur évolution non prédictible à long terme.
Ce phénomène est observable dans l’atmosphère, dans ce qu’on a appelé « l’effet papillon ».
L’origine de cette expression est due au météorologue Edward Lorenz, qui a présenté une
conférence en 1972, intitulée: « Predictability: Does the Flap of a Butterfly's Wings in Brazil
Set off a Tornado in Texas? », qui se traduit en français par : « Prédictibilité : le battement
d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? ».
Cette propriété des équations de Navier-Stokes (SCI) est une parfaite illustration d’une
citation de l’écrivain Mark Twain (1835-1910):
« The art of prophecy is very difficult, especially with respect to future » que l’on pourrait
traduire:
« Prévoir est un art difficile surtout pour tout ce qui concerne le futur ».

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Revenons sur les deux solutions chaotiques trouvées pour la suite U(t), on
peut évaluer leur fonction densité de probabilité, et dans ce cas on trouve
qu’elles sont quasiment identiques. Par conséquent, tous les moments
statistiques (moyenne, écart type …) des deux solutions sont identiques.
L’évolution de ces systèmes pourra être appréhendée en utilisant les outils de
la physique statistique.

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Problème de Rayleigh (1916): On considère une couche fluide d’envergure
infinie, plongée dans un champ de gravitation g et soumise à un gradient
vertical de température tel que dT/dz < 0 où z désigne la verticale ascendante
(stratification instable). Si l’écart de température ne dépasse pas un certain
seuil, le fluide reste au repos et dans ce cas la distribution de température est
linéaire.

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L’existence ou non d’un mouvement de convection au sein de la couche fluide
dépend d’un nombre sans dimension (le nombre de Rayleigh) lui-même égal
au produit du nombre de Grashof (rapport Forces de flottaison / Forces
visqueuses) et du nombre de Prandtl (rapport Diffusion de quantité de
mouvement / Diffusion de la chaleur). Pour qu’il y ait mouvement il faut que
le nombre de Rayleigh dépasse une certaine valeur critique.

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Si Ra > Rc alors le système est contrôlé par le jeu d’équations suivant …
(dans lesquelles Psi représente la fonction de courant et teta l’écart de
température par rapport à la solution linéaire).

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Après un certain nombre de manipulations algébriques (non détaillées ici),
on peut montrer que l’évolution du système dépend de trois variables X, Y et
Z (X lié au mouvement, Y lié à l’écart de température entre les mouvements
ascendants et descendants, Z distorsion du profil de température / solution
linéaire.
Rc désigne le nombre de Rayleigh critique au-delà de laquelle l’écoulement
devient instable (valeur mini est obtenu pour axa = 0.5)

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Edward Lorenz (météorologue au MIT) a mis en évidence l’existence de
solutions chaotiques (voir le portrait de phase), il a qualifié ce mécanisme
(sensibilité aux conditions initiales) d’effet papillon (pour certaines valeurs
des paramètres du problème, l’orbite du système dans l’espace des phases
ressemble aux ailes d’un papillon. Il a résumé la situation de la manière
suivante :’Does the flap of a butterfly’s wings in Brasil set off a tornado in
Texas ?’

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Examinons à présent le comportement d’une autre suite logistique,
introduite pour la première fois en 1976 par Robert May, pour étudier les
solutions discrètes de l’évolution dans le temps d’un problème de population.
Le modèle initialement proposé par Verhulst en 1838, décrit l’évolution dans
le temps d’une population x(t) à partir d’une équation différentielle, qui
comprend deux termes: le taux n de natalité et le taux m de mortalité. Si m et
n sont des fonctions affines respectivement croissantes et décroissantes par
rapport à x, le modèle se simplifie et dépend de deux réels a et b strictement
positifs. On peut également introduire le paramètre K=a/b (appelé capacité
d’accueil) qui représente la limite stationnaire, atteinte lorsque t tend vers
l’infini. X croit tend que X < K et X décroît lorsque X > K.

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Ce problème admet une solution analytique. On constate que X croit tant
que X < K et que X décroît lorsque X > K.

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A partir d’une situation d’équilibre (point fixe), le comportement du système
évolue vers un régime oscillatoire (cycle limite, bifurcation de Hopf), par
bifurcations successives le système tend progressivement vers un
comportement chaotique (attracteur étrange).
Le comportement du système est tel que Von Neumann (1940) a proposé
cette suite pour la génération de nombres aléatoires (en choisissant mu = 4)

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Nous allons à présent, mettre en évidence le rôle joué par les termes d’inertie
dans les équations de la dynamique des fluides. Nous allons travailler sur un
système simplifié formé par les équations d’Euler à deux dimensions, écrites
ici sans terme de gradient de pression. Nous allons chercher des solutions
pour les composantes u et v du vecteur vitesse, en séparant les variables x et
y, sous la forme de produits de fonctions trigonométriques. Dans ces
expressions kx ky kx’ et ky’ représentent des nombres d’onde. D’un point de
vue physique, ils pourraient caractériser des tailles de tourbillons présents
dans l’écoulement.

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Le terme d’évolution dans le temps est approché à l’aide d’un schéma
numérique d’ordre 1, on calcule les dérivées premières en x et y des
différents termes …

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Tout calcul fait on trouve que la solution à un instant t fait apparaître des
nouveaux modes: 2kx , 2ky, kx - ky , kx+ ky ... donc de nouvelles classes de
tourbillons dans l’écoulement. Ce résultat illustre le caractère instable de la
dynamique tourbillonnaire dans un écoulement. Les tourbillons présents
dans un écoulement vont transférer une partie de leur énergie (cinétique)
vers des tourbillons de plus petite taille (en bleu) ou (plus rarement) de plus
grande taille (en rouge).

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En résumé, voici les principales caractéristiques d’un écoulement turbulent:
Le comportement des variables présente un caractère aléatoire dans le temps
et l’espace
Sauf exception (écoulement atmosphérique à grande échelle), l’écoulement
est 3D, instationnaire et fortement rotationnel
On constate une forte augmentation des termes de transport (quantité de
mouvement, énergie, scalaire passif)
L’écoulement présente un comportement fortement non linéaire et dissipatif,
les tourbillons (structures) formés à une certaine échelle sont instables et
transfèrent leur énergie vers les échelles plus petites (cascade inertielle).

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Les variables caractéristiques de l’état dans lequel se trouve un fluide
(champ de vitesse, pression, température …) en écoulement ont un
comportement le plus souvent chaotique (la turbulence est un phénomène
extrêmement répandu dans la nature). Pour comprendre le comportement
d’un écoulement turbulent il n’est donc pas suffisant d’étudier une seule
réalisation, il faut être en mesure de reproduire (dans des conditions
identiques) plusieurs réalisations à partir desquelles il serait possible
d’extraire un comportement moyen. Cette démarche n’étant pas si simple
que cela à mettre en œuvre, on lui préfère le plus souvent la méthode basée
sur l’utilisation de moyennes temporelles (évaluées sur une seule réalisation
de l’écoulement), en admettant l’hypothèse d’ergodicité: l’équivalence des
moyennes statistiques et temporelles. Toute variable instantanée, transportée
par l’écoulement pourra alors être décomposée comme la somme d’une
valeur moyenne et de l’écart par rapport à cette moyenne (fluctuation)
(décomposition de Reynolds).

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En fonction de la durée T, utilisée pour évaluer ces moyennes temporelles, on
obtiendra une moyenne stationnaire (indépendante du temps) ou
instationnaire. En fonction de ce choix, l’approche utilisée pour moyenner les
équations de Navier Stokes sera qualifiée de:
Méthode RANS (« Reynolds Average Navier Stokes »)
Méthode TRANS (« Transient Reynolds Average Navier Stokes »)

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L’opérateur moyenne étant par définition une intégration, il hérite
naturellement des propriétés de cette opération …
La propriété associée au calcul du produit de deux variables aléatoires, est
particulièrement importante, on peut noter qu’elle nécessite l’introduction
d’un terme supplémentaire composé par la moyenne du produit des deux
fluctuations (corrélation). Nous reviendrons sur ce terme lorsque nous
établirons les équations de transport (continuité, quantité de mouvement …)
que vérifient les variables moyennées caractérisant l’état dans lequel se
trouve un fluide en écoulement turbulent.

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En appliquant la transformation de Reynolds aux composantes Ui du vecteur
vitesse, et en sommant (demi somme) les variances calculées suivant les trois
directions de l’espace, on définit une quantité K (appelée énergie cinétique
turbulente), homogène au carré d’une vitesse. D’un point de vue plus
physique, la racine carrée de cette quantité est donc représentative du niveau
de fluctuation de vitesse dans un écoulement turbulent.

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La moyenne des produits des fluctuations de vitesse obtenues en deux points
distincts définit le tenseur des corrélations doubles de Karman, à partir de la
transformée de Fourier de ce tenseur et en se plaçant dans le cas particulier
d’une turbulence homogène et isotrope, on peut définir le spectre d’énergie
cinétique turbulente E(k) (attention k désigne ici un nombre d’onde). E(k) et
K sont liés par une relation intégrale, E(k) dk représente donc la
contribution des structures turbulentes (tourbillons) dont le nombre d’onde
caractéristique est compris entre k et k+dk, au bilan global d’énergie
cinétique turbulente.

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La valeur moyenne prise par ce tenseur de Karman, normalisée par un
terme proportionnel à l’énergie cinétique turbulente, a la même dimension
qu’une échelle de longueur, elle définit ce qu’on appelle l’échelle de longueur
intégrale de la turbulence lt. D’un point de vue plus physique, elle représente
la taille caractéristique des tourbillons porteurs de la plus grande quantité
d’énergie cinétique. En procédant de manière similaire avec des corrélations
temporelles, on peut de la même manière définir une échelle de temps
intégrale de la turbulence. En THI ces échelles de temps et d’espace sont
bien entendues liées à l’échelle de vitesse de la turbulence (fluctuations de
vitesse) = racine (K). En conclusion, la THI peut être entièrement
caractérisée à partir des deux échelles suivantes: vitesse=Racine(K) et
longueur = lt

73
Un écoulement turbulent est caractérisé par une distribution continue de
tourbillons dont la taille caractéristique est limitée entre deux valeurs
(spectre continue). La production de turbulence s’effectue aux grandes
échelles, on observe un phénomène de dissipation aux petites échelles (c’est
ces deux phénomènes qui limitent l’étendue du spectre d’énergie cinétique
turbulente). Entre les deux extrémités du spectre, on observe un transfert
d’énergie appelé cascade inertielle. On doit à Kolmogorov en 1941 la
première théorie permettant de quantifier la taille des échelles dissipatives
dans un écoulement turbulent et par conséquent d’évaluer le rapport entre
les plus petites échelles et les plus grandes échelles présentes dans un
écoulement turbulent. Cette théorie est référencée dans la littérature sous le
nom de théorie K41 (Kolmogorov 1941).

74
Pour décrire de manière très schématique la manière dont l’énergie est
transférée des gros vers les petits tourbillons, on suppose que chaque classe
de tourbillons peut être caractérisée par une échelle de longueur l et une
vitesse u(l). Vers les plus petits nombres d’onde (gros tourbillons) l’échelle l
est limitée par les dimensions caractéristiques du système qui va produire de
la turbulence. Si on prend l’exemple d’un obstacle de forme cylindrique
plongé dans un écoulement uniforme, cette taille doit être inférieure au
diamètre du cylindre. Vers les grands nombres d’onde (petits tourbillons), la
taille est limitée par la viscosité du fluide, qui va in fine transformer
l’énergie cinétique turbulente en chaleur. Les grosses structures étant
instables par nature, une fois produite la turbulence va être transférée à des
échelles de plus en plus petites: c’est le phénomène de cascade inertielle.

75
A chaque échelle on peut construire un nombre de Reynolds Re(l), tout au
long de la cascade inertielle ce nombre de Reynolds diminue avec l (Re(l) est
une fonction croissante). A grande échelle, on constate que Re(l) >>1 et donc
que le comportement des grosses structures est peu affecté par les effets
visqueux. Lorsque Re(l) sera de l’ordre de l’unité, les forces de viscosité
seront du même ordre de grandeur que les forces d’inertie, ce qui aura pour
effet d’arrêter le phénomène de cascade.

76
En se plaçant loin d’une paroi et en adoptant une hypothèse de turbulence
localement à l’équilibre (P = Epsilon) on voit que le taux de dissipation est
complètement conditionné par le taux de production de turbulence à grande
échelle (et non pas par les effets visqueux). C’est normal, puisque le
phénomène de transfert d’énergie démarre à des échelles qui ne peuvent pas
être affectées par les forces de viscosité.

77
Comme l’illustre ce résultat de calcul, un écoulement turbulent est
caractérisé par le développement d’une dynamique tourbillonnaire
extrêmement riche, qui s’étend de manière continue sur une gamme de
longueur d’onde k (dimension m-1), de dimensions finies. Chaque nombre
d’onde est représentatif d’une classe (taille) de tourbillons (structures)
présents dans l’écoulement. Pour un problème donné, il est évident que la
dimension du système qui est à l’origine de la turbulence (un obstacle par
exemple), fixe la taille limite supérieure des tourbillons (grosses structures)
présents dans le domaine. Nous verrons plus loin, qu’il existe également un
mécanisme limitant la taille minimale des tourbillons présents dans le même
écoulement (petite structures). Chaque classe de tourbillons (dont le nombre
d’onde est compris entre k et k+dk), va contribuer à l’énergie cinétique
turbulente K à hauteur d’une quantité E(k) dk. E(k) désigne le spectre
d’énergie cinétique turbulente.

78
Comme on peut le voir sur cette courbe, tous les nombres d’onde ne
contribuent pas à la même hauteur au bilan d’énergie cinétique turbulente.
Cette courbe peut être décomposée en trois zones:
Vers les petits nombres d’onde: la courbe est croissante puis atteint une
valeur maximum: c’est ce qu’on appelle la zone de production
Vers les grands nombres d’onde: la courbe décroît rapidement vers zéro:
c’est la zone de dissipation
La région du spectre située entre ces deux zones est appelée zone de
transfert.

79
En turbulence homogène et isotrope, l’évolution dans le temps du spectre
d’énergie cinétique turbulente est gouvernée par cette équation. Les deux
termes de droites représentent respectivement les mécanismes de transfert
inertiel (T) et de dissipation visqueuse. On voit que T est négatif aux petits
nombres d’onde et positif aux grands nombres d’onde (les grandes échelles
cèdent leur énergie aux petites échelles). Le terme de dissipation
(proportionnel à la viscosité) n’est significatif qu’aux grands nombres
d’onde.

80
Pour élaborer une théorie de la turbulence, il faut admettre qu’il existe une
séparation des échelles, c’est-à-dire que les échelles de production sont très
grandes devant les échelles de dissipation. Ce qui permet de supposer que les
structures situées à ces deux extrémités du spectre peuvent avoir des
comportements très différents. Même si les grandes échelles sont très
dépendantes de la manière dont la turbulence est générée dans l’écoulement
et ont de ce fait un comportement très anisotrope, on peut supposer qu’à
partir d’une certaine échelle, les structures turbulentes plus petites adoptent
un comportement isotrope. Ce qui revient à supposer qu’à partir d’une
certaine échelle la turbulence a oublié la manière dont elle a été produite
(perte de l’effet mémoire). A partir de ce moment là on peut supposer que la
turbulence adopte un comportement à caractère « universel », uniquement
piloté par deux variables le taux de transfert d’énergie (Epsilon) et la
viscosité cinématique mu.

81
La limite entre ces deux types de comportement isotrope/anisotrope peut être
évaluée autour de lt / 6 (où lt est l’échelle intégrale de la turbulence).

82
A partir de la première hypothèse de Kolmogorov (le comportement des
tourbillons à petite échelle ne peut dépendre que de deux variables Epsilon et
mu), par analyse dimensionnelle on peut donner une expression pour évaluer
la plus petite échelle présente dans un écoulement turbulent (micro-échelle
de Kolmogorov).

83
La deuxième hypothèse de Kolmogorov suppose qu’il existe une taille de
structures (dans la zone de cascade inertielle) qui ne peuvent plus être
influencées par les effets visqueux, de même par analyse dimensionnelle et en
éliminant la viscosité cinématique, on trouve que le spectre d’énergie dans la
cascade inertielle évolue en fonction du nombre d’onde en k-5/3.

84
Cette courbe représente le spectre d’énergie cinétique turbulente observé
pour différentes expériences, adimensionné à partir de la taille du plus petit
tourbillon que l’on peut trouver dans chaque écoulement (échelle de
Kolmogorov), du taux de dissipation d’énergie cinétique turbulente (Epsilon)
(c’est la vitesse avec laquelle la turbulence décroît dans un écoulement,
lorsqu’elle n’est plus entretenue), de la viscosité cinématique (Nu). Sur la
légende, on peut noter la grande diversité des échelles reproduites dans ces
expériences. Malgré cela, la courbe fait apparaître une zone de
comportement qui semble « universelle », située dans la zone de transfert et
de dissipation. Cette courbe montre qu’en dessous d’une certaine échelle, les
structures tourbillonnaires adoptent un comportement universelle, qui ne
peut être qu’isotrope. Dans la zone de transfert, le spectre d’énergie
cinétique turbulente E(k) varie en lois de puissance par rapport à k: E(K)
proportionnel à k-5/3.
La différence de comportement entre les petites structures (isotrope) et les
grandes structures (anisotrope) est d’autant plus marquée que le rapport
d’échelle entre les deux est important (séparation des échelles), condition qui
est rencontrée pour les écoulements caractérisés par un grand nombre de
Reynolds.

85
Pour mettre en évidence les limites de la théorie de Kolmogorov, on peut
introduire la notion de fonction de structure d’ordre p. Comme illustrée sur
cette Figure cette fonction définit la moyenne de l’écart de vitesse relevée
entre deux points distants d’une longueur r et projetée suivant une certaine
direction, élevé à la puissance p. Par analyse dimensionnelle, il est facile de
montrer que la fonction de structure d’ordre p est proportionnelle à la
distance séparant les deux points élevée à la puissance p/3.

86
En introduisant une forme plus générale de la fonction de structure d’ordre
p, on peut confronter la valeur théorique prédite par Kolmogorov à des
données expérimentales. On constate sur la Figure représentant l’exposant
en fonction de p, que jusqu’à la valeur p=3, il y a un bon accord
théorie/expérience et qu’au-delà on peut observer une certaine divergence.
Pour p>3, l’exposant devient inférieur à p/3 (à cause du caractère
intermittent de la turbulence).

87
Une des raisons qui peut expliquer cette divergence est que comme le montre
ce résultat de simulation numérique directe (DNS) les petites échelles ne
remplissent pas complètement tout l’espace disponible, il y a des ‘trous’ dans
la turbulence, ce phénomène est à l’origine de l’intermittence.

88
On considère une hiérarchie de structures (indice n), chaque structure est
caractérisée par une échelle de longueur ln , qui occupe une fraction pn de
l’espace. On suppose que le passage d’une échelle n à une échelle n+1, vérifie
les relations suivante: ln+1 = ln x r pn = beta x pn+1 . On suppose que p0 = 1
(0: grande échelle)

89
D représente la dimension fractale des structures turbulentes à petite échelle
(D<3).

90
Par définition, si D est la dimension d’un objet, la mesure M de cet objet
(longueur, surface, volume) est multipliée par nD lorsque la taille l de cet
objet est multipliée par un facteur n. Exemples (taille=diamètre): cercle D=1,
disque D=2, sphère D=3. Si D est de dimension non entière, on parle de
dimension fractale, les quelques données expérimentales et les résultats
issues de simulations directes (DNS) ont montré que la turbulence 2 < D < 3,
c’est-à-dire que la turbulence à petite échelle à une dimension fractale.

91
Les observations (expériences, calculs) montrent que d’un certain point de
vue la turbulence présente des caractéristiques proches de l’autosimilarité.

92
Une courbe est qualifiée d’autosimilaire si elle conserve sa forme quelque
soit l’échelle à laquelle on l’observe.

93
Quelques exemples d’objets dans la nature caractérisés par la propriété
d’autosimilarité: le choux de Romanesco, les flocons de neige

94
On considère une collection structures turbulentes de taille caractéristique l.
On se propose de déterminer la fraction pn de l’espace occupée par ces
structures, lorsque la longueur l tend vers zéro. Si ces structures tendent vers
des points (objets de dimension 0, D=0), dans ce cas pn est proportionnel au
volume des sphères (de rayon l) centrées sur ces points, pn ~ l3. Si ces
structures tendent vers une courbe (objets de dimension 1, D=1) dans ce cas
pn ~ l2 (volume d’une conduite centrée sur la courbe). Si ces structures
tendent vers une surface (objets de dimension 2, D=2) dans ce cas pn ~ l
(volume du sandwich centré sur la surface). Dans tous les cas: pn ~ l3-D

95
On évalue le flux d’énergie à travers la cascade inertielle (=constante
quelque soient les échelles car dissipation=production) …

96
D’autres lois ont été proposées pour corriger la théorie de Kolmogorov

97
D’autres lois ont été proposées pour corriger la loi en k ^(-5/3) de la théorie
de Kolmogorov. Dans ces différentes expressions lt désigne l’échelle intégrale
de la turbulence.

98
99
100
Résumé:
On considère un écoulement se développant dans un domaine de longueur
caractéristique L.
La production de turbulence dans un écoulement est réalisée à grande
échelle, elle atteint une valeur maximum à une échelle appelée « échelle
intégrale de longueur de la turbulence » lt (dont la taille est
approximativement égale à L/6). Ces grosses structures (par nature
instables) dont le comportement (anisotrope) est fortement influencé par la
manière dont elles ont été créées (effet mémoire), se cassent en structures
plus petites (cascade inertielle).
En dessous de lt / 6, les tourbillons adoptent un comportement universel, et
donc isotrope (cascade inertielle).
En dessous d’une certaine échelle, la viscosité commence à avoir un effet sur
la dynamique tourbillonnaire (début de la zone dissipative) et finit par
dissiper toute l’énergie disponible. Au-dessous d’une certaine échelle (échelle
de Kolmogorov), il ne peut plus avoir de tourbillons.

101
Le comportement des grandes échelles ne peut pas être affecté par la
viscosité, en introduisant une hypothèse d’équilibre local, on montre que (par
des considérations d’analyse dimensionnelle) l’échelle intégrale de la
turbulence, l’énergie cinétique turbulente et son taux de dissipation sont liés
par la relation ci-dessus.

102
Le comportement des petites échelles ne peut dépendre que du taux de
transfert (vers les petites échelles) et de la viscosité. Par analyse
dimensionnelle, on en déduit que le rapport entre l’échelle intégrale et
l’échelle de Kolmogorov est proportionnelle à un nombre de Reynolds
(construit à partir des échelles de production de la turbulence) élevé à la
puissance 3/4

103
Si on souhaite réaliser une simulation numérique, reproduisant l’ensemble
des structures tourbillonnaires présentes dans un écoulement turbulent, le
nombre d’éléments (volumes élémentaires) nécessaires à la discrétisation du
domaine suivant une direction de l’espace, devrait être proportionnel à ce
rapport d’échelles. En généralisant ce résultat à une simulation
tridimensionnelle (3D), on trouve que le nombre total d’éléments doit être
proportionnel à Ret à la puissance 9/4.
Pour un écoulement d’eau (viscosité cinématique = 10-6 m2/s), dans une
conduite de diamètre 60 cm, une vitesse moyenne de 1 m/s, avec une
intensité de turbulence de l’ordre de 10%; on obtient un nombre de
Reynolds turbulent de l’ordre de 104. Le calcul par simulation directe de cet
écoulement nécessiterait plus de 109 (1 milliard !) éléments pour représenter
le domaine de calcul. Ce qui reste encore hors de portée, même en utilisant
les plus gros calculateurs disponibles au monde ! En pratique il faudra se
contenter de calculer les grandes échelles et de modéliser les effets produits
par les petites échelles, en introduisant dans les simulations un modèle dit
« de sous-maille » (SGS: « Sub Grid Scale »).

104
Le pas de temps Delta t doit être inférieur au temps caractéristique de la
micro-échelle de Kolmogorov, Nt désigne le nombre de pas de temps
nécessaire pour réaliser une DNS pour résoudre un problème sur une durée
de temps T. Il est facile de démontrer que temps de calcul (temps CPU) sera
alors proportionnel au nombre de Reynolds de la turbulence au cube ! Pour
un rapport L/lt = 100 et un nombre de Reynolds de 10 000, on obtient une
évaluation du temps CPU de plusieurs siècles sur une machine de 1 Tflops (1
Tflops = 1000 milliard d’opérations par seconde).

105
Sur cette figure est reproduite de manière schématique la manière dont
l’énergie cinétique turbulente E se répartit en fonction du nombre d’onde k,
et les trois grandes approches disponibles pour calculer un écoulement
turbulent:
•Si on est capable de calculer explicitement toutes les échelles présentes dans
l’écoulement, on fait une simulation directe (DNS: « Direct numerical
simulation »), dans ce cas on résout les équations de Navier-Stokes sans
aucune approximation
•Si la taille des mailles de calcul est légèrement supérieure à la plus petite
échelle (micro-échelle de Kolmogorov) présente dans l’écoulement, on fait
dans le meilleur des cas une simulation des grosses structures (LES: « Large
Eddie Simulation »), dans ce cas on résout les équations de Navier Stokes
filtrées, qui contiennent un terme supplémentaire représentant les effets des
structures dont la taille est inférieure à la taille caractéristique du maillage
(modèle de sous-maille)
•Si la taille des mailles est très supérieure aux plus petites structures, on
adopte une approche statistique qui consiste à résoudre les équations de
Navier-Stokes moyennées (RANS: « Reynolds Average Navier Stokes »), dans
ce cas on doit aussi introduire des termes supplémentaires qui jouent le
même rôle qu’un modèle de sous-maille.

106
Comme on peut le voir sur cet exemple de calcul pour une couche de
mélange, on ne peut bien évidemment accéder au même niveau de détails
avec les trois approches que sont la méthode DNS, LES et RANS. La
méthode DNS permet d’accéder à tous les détails de l’écoulement en terme
de structures (« tourbillons ») et de dynamique (effets instationnaires), avec à
la clef un coût calcul souvent exorbitant ! La méthode RANS ne permet la
plupart du temps que d’obtenir qu’une photographie moyenne (c’est souvent
suffisant en ingénierie) de l’écoulement, en gommant tous les aspects liés à la
dynamique tourbillonnaire. La méthode LES est un compromis entre les
deux approches. Avec l’augmentation des moyens de calculs, cette approche
tend à se démocratiser dans les bureaux d’étude. Mais attention une
approche LES mal maîtrisée, avec un maillage de qualité médiocre (pas
assez fin) donne souvent des résultats plus mauvais qu’une bonne méthode
RANS voire TRANS (pour récupérer certains aspects instationnaires), d’où
l’intérêt récent pour les méthodes hybrides LES/TRANS.

107
Si on considère maintenant l’enregistrement temporel d’un signal de vitesse
dans un écoulement turbulent, la courbe orange (obtenue par DNS)
correspond au signal instantané qui pourrait être calculé par simulation
directe (DNS), la courbe bleue correspond au signal moyenné qui pourrait
être obtenu après filtrage LES et la courbe verte la valeur moyenne de
l’ensemble, correspondant à la valeur qui pourrait être calculée par
simulation statistique de type RANS.

108
Ce diagramme simplifié représente la manière où se situent les trois
approches DNS, LES et RANS dans un diagramme Niveau de modélisation
et Temps calcul (échelle logarithmique). Comme indiqué plus haut, on voit
que c’est la méthode RANS qui nécessite le minimum d’effort en matière de
calcul, mais également le maximum d’effort en se qui concerne la
modélisation de la turbulence et donc de la connaissance des mécanismes
physiques de base qui gouvernent son apparition et son évolution. De
nouveau l’approche LES apparaît comme un compromis acceptable entre
DNS et RANS, à condition que la dimension du maillage se situe bien dans la
zone de cascade inertielle où le comportement des structures turbulentes
peut être considéré comme isotrope: i.e. Delta < lt / 10 (où lt désigne l’échelle
intégrale de la turbulence).
En 2002, la plus grosse simulation directe (DNS) a été réalisée sur le
calculateur « Earth Simulator » situé au Japon, avec un maillage 40963 (soit
à peu près 68 milliards de points).

109
L’effort de calcul (taille mémoire/vitesse de calcul) nécessaire pour le calcul
par simulation directe (DNS) d’1 cm3 d’écoulement turbulent.
FLOPS: FLoating Operations Per Second
1 GFlops = 1 milliard d’opérations par seconde
1 TFlops = 1000 milliards d’opérations par seconde
1 PFlops = 1 million de milliards d’opérations par seconde
1 ExFlops = 1 milliard de milliards d’opération par seconde

110
En 2012, la plus grosse machine installée dans le monde est le K’Computer
(installée au Japon), elle est composée de 705 024 processeurs SPARC64 et
développe une capacité de calcul de 10 PFlops (10 million de milliards
d’opérations par seconde) ! Son alimentation nécessite une puissance
électrique de 12.659 MW (en comparaison un TGV = 9 MW). L’étape
suivante ExaFlops = 1000 PFlops nécessitera de trouver des solutions pour
limiter la puissance électrique consommée.

111
En 2013, la plus grosse machine installée dans le monde est le TITAN
(installée aux Etats-Unis, Oak Ridge National Laboratory), elle est composée
de 560 640 coeurs et développe une capacité de calcul de 17,6 PFlops (10
millions de milliards d’opérations par seconde) ! Son alimentation nécessite
une puissance électrique de 8,3 MW (en comparaison un TGV = 9 MW).
L’étape suivante ExaFlops = 1000 PFlops nécessitera de trouver des solutions
pour limiter la puissance électrique consommée.

112
En 2019, la plus grosse machine installée dans le monde est le SUMMIT (IBM)
(installée au Oak Ridge National Laboratory, USA), elle est composée de 202
752 coeurs et développe une capacité de calcul de 148 PFlops (148 millions de
milliards d’opérations par seconde) !

113
En 2023, la plus grosse machine installée dans le monde est le FRONTIER
System (installée au Oak Ridge National Laboratory, USA), elle est composée de
8 699 904 coeurs et développe une capacité de calcul de 1.194 ExaFlops (plus de
1 milliard de milliards d’opérations par seconde) !

114
En 2002, la plus grosse simulation directe (DNS) a été réalisée sur le
calculateur « Earth Simulator » situé au Japon, avec un maillage 40963 (soit
à peu près 70 milliards de points).

115
En turbulence 2D les simulations numériques et les données expérimentales
mettent en évidence un phénomène d’appariement tourbillonnaire, i.e. la
formation de tourbillons de grandes tailles par fusion de tourbillons de plus
petites tailles. Pour étudier cette turbulence particulière il est nécessaire
d’introduire une nouvelle variable l’enstrophie Z qui est l’équivalent de
l’énergie cinétique turbulente en remplaçant la fluctuation de vitesse par le
rotationnel de la fluctuation de vitesse.

116
L’équation pour l’enstrophie (instantanée) se déduit de l’équation du
rotationnel. Après application de l’opérateur de moyenne (de Reynolds) on
obtient l’équation de transport de l’enstrophie, comprenant un terme de
production par extension des filets tourbillonnaires, un terme de diffusion
moléculaire et turbulente et un terme de dissipation.

117
Dans la zone inertielle, le spectre d’énergie cinétique turbulente E(k) dépend
du taux de dissipation d’enstrophie Beta et du nombre d’onde k. Par analyse
dimensionnelle, il est facile de démontrer que E(k) varie en k-3.

118
Sur cette figure est reproduite de manière schématique la manière dont
l’énergie cinétique turbulente E se répartit en fonction du nombre d’onde k,
pour une turbulence 2D. Li désigne l’échelle d’injection de la turbulence. On
note une rupture de pente de part et d’autre du nombre d’onde d’injection.
La partie gauche (vers les petits nombres d’onde) correspond à la zone de
cascade inverse résultant du phénomène d’appariement tourbillonnaire
(Epsilon désigne le taux de transfert des petites structures vers les grandes
structures). Dans cette partie du spectre, la lois en k -5/3 reste valable. La
partie droite (vers les grands nombres d’onde) correspond à la zone de
cascade d’enstrophie. Dans cette zone le spectre d’énergie cinétique
turbulente évolue en k-3.

119
Appliquons un opérateur de type moyenne de Reynolds stationnaire (RANS)
aux équations du mouvement, pour un écoulement incompressible et un
fluide newtonien. Les équations de quantité de mouvement moyen, font
apparaître un terme supplémentaire (tenseur de Reynolds) représentant la
contribution des fluctuations de vitesse sur le champ de vitesse moyen.

120
Dans le cas d’un problème purement hydrodynamique, en comptabilisant le
nombre d’inconnues (10) et le nombre d’équations (4), nous constatons que le
problème est ouvert (Nb d’inconnues > Nb d’équations). La fermeture de ce
problème va nécessiter l’élaboration de relations supplémentaires, liant les
composantes du tenseur de Reynolds (corrélations entre les différentes
composantes des fluctuations de vitesse) avec des variables connues. C’est le
domaine de la modélisation de la turbulence.

121
Par analogie entre le mouvement brownien des molécules et l’agitation des
particules fluides due à la turbulence, la plupart des modèles de turbulence,
sont basés sur le concept de viscosité turbulente (Boussinesq). Le tenseur de
Reynolds est alors approché sous la forme de deux contributions: une partie
sphérique dépendant de l’énergie cinétique turbulente K (cette
approximation est exacte si l’écoulement est homogène et isotrope), plus un
terme proportionnel au tenseur des taux de déformation moyens, terme dans
lequel on a introduit un coefficient de viscosité (turbulente) (« eddy
viscosity »), qui est une propriété de l’écoulement. Cette viscosité turbulente
peut être reliée à l’échelle de longueur qui caractérise le mieux la turbulence:
l’échelle intégrale de longueur de la turbulence lt (appelée également
longueur de mélange). Le travail de modélisation qui reste à réaliser consiste
alors à trouver une méthode pour calculer K et lt : de manière plus ou moins
empirique (modèle de longueur de mélange de Prandtl) ou en résolvant une
équation de transport pour K et lt (ou K et Epsilon: en utilisant la relation
qui lie Epsilon et lt) .

122
Pour avoir une idée plus concrète de la relation qui relie les fluctuations de
vitesse au taux de cisaillement moyen, considérons un écoulement libre
cisaillé. Une particule fluide brusquement projetée d’un niveau à un autre,
en conservant un certain temps par inertie, sa quantité de mouvement, va
induire localement une variation locale du champ de vitesse, proportionnelle
à la distance l qui sépare deux couches fluides susceptibles de se mélanger
(d’où la notion de longueur de mélange) et au taux de cisaillement moyen de
l’écoulement.

123
La généralisation de cette notion à deux fluctuations de vitesse u’ et v’,
permet d’établir la relation qui lie la viscosité turbulente au taux de
cisaillement moyen via le carré de la longueur de mélange.

124
Pour résoudre définitivement le problème de fermeture, il ne reste plus qu’à
évaluer de manière empirique la longueur de mélange en fonction de la
géométrie de l’écoulement.

125
Comme cela est montré plus haut, les modèles de fermeture basés sur la
notion de viscosité turbulente, nécessitent d’introduire une nouvelle quantité
K, appelée énergie cinétique turbulente. Pour avoir une idée plus concrète
sur la signification physique de cette quantité, il suffit de relever que par
définition cette variable est homogène au carré des fluctuations de vitesse.
Pour calculer cette quantité, il est nécessaire d’établir préalablement
l’équation de transport qui gouverne l’évolution des fluctuations de vitesse
Ui’. Pour cela il suffit de retrancher l’équation de quantité de mouvement
moyennée à l’équation de quantité de mouvement instantanée. Notons au
passage que le second membre de cette équation fait apparaître (au signe
près) le même terme de corrélation de vitesse (tenseur de Reynolds). Ce qui
constitue une preuve supplémentaire du rôle joué par ce terme, de transfert
de quantité de mouvement entre la partie fluctuante de l’écoulement et la
partie moyennée.

126
En multipliant l’équation précédente par Ui’, en sommant sur les trois
directions de l’espace et en calculant la moyenne, on obtient in fine
l’équation de transport de l’énergie cinétique turbulente K. Notons au
passage que cette équation est exacte, pour l’établir nous n’avons eu recours
à aucune approximation.

127
Les corrélations triples de vitesse et les corrélations pression/vitesse sont
généralement regroupées dans un terme proportionnel au gradient moyen
d’énergie cinétique turbulente K (la constante de proportionnalité est égale à
la viscosité turbulente MuT divisée par une constante SigmaK).
L’établissement d’une équation de transport pour le taux de dissipation
Epsilon n’est pas impossible mais beaucoup plus délicat (cette difficulté
mathématique découle directement de la forme plus complexe de
l’expression à partir de laquelle est définie cette variable). Pour contourner
cette difficulté, on va s’appuyer sur les considérations physiques suivantes:
•Epsilon est une variable turbulente intimement liée à K, il est naturel
d’imaginer que l’équation de transport qui gouverne son comportement doit
être proche de celle de K
•A partir de l’hypothèse de turbulence à l’équilibre (Production =
Dissipation) on peut démontrer que dans ce cas les termes sources de
l’équation pour Epsilon se déduisent de ceux de K en les multipliant par un
facteur égal à Epsilon / K (on note au passage que cette quantité est
homogène à l’inverse d’un temps).

128
Une fois connus l’énergie cinétique K et le taux de dissipation qui lui est
associé, Epsilon. La viscosité turbulente se calcule de la manière suivante
(voir formule). Le terme de production d’énergie cinétique turbulente P
s’exprime à partir du produit du tenseur de Reynolds et du taux de
cisaillement de l’écoulement moyen. Les différentes constantes ad hoc
introduites dans le modèle, restent à déterminer. Les valeurs listées ici
correspondent à celles définies dans le modèle K-Epsilon dit « standard ».

129
Ces constantes introduites au cours de l’élaboration du modèle, pour pallier
aux incertitudes liées aux différentes hypothèses utilisées pour établir et
simplifier le modèle, sont déterminées de manière empirique en confrontant
les prédictions du modèle avec des résultats expérimentaux obtenus dans des
configurations simples d’écoulement turbulent (expériences pilotes), telles
que:
•La décroissance de la turbulence derrière une grille
•Un écoulement turbulent libre cisaillé
•La couche limite turbulente au dessus d’une plaque plane

130
On considère un écoulement de vitesse moyenne U qui traverse une grille
régulière. Dans ce dispositif la turbulence est générée par la formation des
micro sillages qui vont se former derrière chaque barreau formant la grille.
Pendant leur phase de transport le long de l’axe X ces sillages vont interagir
de telle sorte que loin de la grille on pourra supposer que la turbulence est
quasi-uniforme dans un plan YZ perpendiculaire à la direction de
l’écoulement moyen X. Privée de nouvelle source de cisaillement, la
turbulence va décroître le long le l’axe X. On recherche alors des solutions
pour K et Epsilon sous la forme de lois de puissance de X. En introduisant
ces formes de solution dans les deux équations de transport simplifiées que
vérifient K et Epsilon, on trouve que les exposants m et n vérifient deux
relations. Les données expérimentales sur le taux de décroissance de
l’énergie cinétique turbulente derrière une grille, permettent de déterminer
la valeur de n =1.1 et d’en déduire à partir des deux relations que vérifient m
et n le rapport m/n (et par conséquent la valeur de la constante C2epsilon).

131
132
133
134
L’initialisation des variables turbulentes est une opération qui peut être
délicate si on ne prend pas certaines précaution. Pour éviter les erreurs de
type « division par zéro », il est absolument interdit d’initialiser la valeur de
Epsilon à zéro, de même initialiser K à zéro (même si le fluide est à l’état de
repos) peut poser des problèmes, car dans ce cas le calcul ne bénéficie plus
du caractère dissipatif (et donc stabilisateur) induit par la viscosité
turbulente.
Beaucoup de logiciels de CFD se contentent d’initialiser K et Epsilon à un, ce
qui conduit à surestimer de manière très significative la viscosité turbulente.
Il est préférable de réaliser cette opération sur des bases plus physiques, en
évaluant l’intensité de turbulence qui est le rapport entre les fluctuations de
vitesse et la vitesse moyenne dans l’écoulement. Si on a une idée de l’échelle
intégrale de la turbulence (jet, couche limite …), à partir d’une hypothèse de
turbulence à l’équilibre on peut alors évaluer Epsilon. Si cela n’est pas
possible, on peut alors fixer la valeur initiale du rapport entre la viscosité
turbulente et la viscosité moléculaire et évaluer Epsilon.

135
Pour améliorer la qualité des résultats dans les zones où la turbulence est
faiblement développée (au voisinage des parois par exemple), certains
auteurs ont proposé d’introduire une fonction d’amortissement dans
l’expression de la viscosité turbulente, qui dépend de la valeur locale du
nombre de Reynolds de la turbulence ReT. L’équation sur le taux de
dissipation Epsilon est modifiée de telle sorte que l’échelle de temps de la
turbulence ne peut pas être plus petite que l’échelle de temps caractérisant la
micro-échelle de Kolmogorov.

136
Pour les écoulements à densité faiblement variable (écoulements dilatables),
si les écarts de densités restent réduits (<20%) on peut supposer que la
densité est presque partout constante sauf pour le terme de gravité (poussée
d’Archimède). Pour ce qui concerne l’équation de transport pour K et
Epsilon, les effets de gravité sont introduits au travers d’un terme source G,
proportionnel au produit scalaire entre le vecteur accélération g et le
gradient de température.

137
Une autre variante du modèle standard K-Epsilon (très utilisée) est le modèle
construit à partir de la Re-normalisation des équations de Navier-Stokes,
(RNG: Re-Normalisation Group). La théorie mathématique du Groupe de
re-normalisation a été développée en mécanique statistique, cette théorie
permet en particulier de calculer les exposants critiques d’une transition de
phase. D’un point de vue pratique son implémentation par rapport au
modèle standard, consiste simplement à ajouter un terme supplémentaire
dans l’équation de transport du taux de dissipation de l’énergie cinétique
turbulente (Epsilon).

138
Pour le calcul de la viscosité effective ou de la viscosité turbulente, il existe
deux versions de ce modèle (LES et TRANS).

139
Visualisation de la transition laminaire/turbulent d’une couche limite sur
plaque plane. Notons au passage l’épaississement spectaculaire de la couche
limite. Sur la partie externe (la plus éloignée de la paroi), un point matériel
sera soumis à des bouffées périodiques de turbulence, espacées par des
moments ou l’écoulement redevient laminaire: ce phénomène est référencé
dans la littérature sous le terme d’intermittence.

140
Le même écoulement de couche limite sur plaque plane, vue de dessus. Cette
visualisation met en évidence le développement d’une instabilité dans la
direction transverse à l’écoulement (instabilité de Tollmien-Schlichting).

141
Avant de comprendre comment se développe la turbulence, il faut
préalablement comprendre les mécanismes de base qui gouvernent
l’évolution du rotationnel dans un écoulement. L’équation de transport du
vecteur tourbillon (vorticité) se décompose en trois contributions:
Variation temporelle, transport convectif, transport diffusif et un terme de
production qui apparaît lorsque l’écoulement est 3D. Ce dernier terme
représente la production de vorticité par cisaillement et étirement des filets
tourbillonnaires (« vortex stretching »).

142
Plaçons nous dans un référentiel lié à une particule fluide en mouvement. En
exprimant le vecteur tourbillon (Omega) suivant deux directions parallèles et
perpendiculaires au vecteur vitesse, on met en évidence les deux mécanismes
de production de rotationel en 3D:
Par cisaillement (1)
Par étirement des filets tourbillonnaires (2)

143
Pour illustrer la production de vorticité par étirement des filets
tourbillonnaire, prenons le cas simple d’une déformation pure plane
(étirement dans la direction X1 et compression dans la direction X2)…

144
En négligeant les termes de viscosité, l’équation du rotationnel dans les deux
directions X1 et X2 s’exprime simplement. Sous l’action du champ de vitesse,
les composantes Omega1 et Omega2 subissent, respectivement, une
croissance et une décroissance exponentielle par rapport au temps. Le calcul
du module de Omega, montre que globalement le niveau de vorticité
augmente !

145
En généralisant l’exemple précédent, on note qu’un étirement des filets
tourbillonnaires dans la direction X3 va induire une augmentation de la
vorticité dans la même direction, avec pour conséquence une augmentation
du cisaillement des composantes du champ de vitesse suivant les axes
perpendiculaires à la direction d’étirement: X1 et X2. Cette augmentation du
cisaillement dans les direction X1 et X2 va avoir pour conséquence d’étirer les
filets tourbillonnaires suivant les même directions … Conclusion: un
étirement des filets tourbillonnaires dans une direction, engendre
mécaniquement un étirement suivant deux directions qui lui sont
perpendiculaires.

146
En poursuivant ce processus itératif, Bradshaw (1971) a montré que par effet
3D, un état initialement anisotrope, caractérisé par un étirement suivant une
direction privilégiée, induisait un étirement dans les deux directions
perpendiculaires, qui elles même induisaient un étirement …. In fine la
structure de l’écoulement tend de plus en plus à se rapprocher d’un état
quasi isotrope. Ce mécanisme permet de comprendre la tendance naturelle
de retour à l’isotropie d’un écoulement initialement anisotrope.

147
C’est ce mécanisme qui est observé en particulier lors de l’interaction entre
la couche limite atmosphérique au dessus d’un couvert végétal.

148
La formation des tourbillons en fer à cheval, observée dans une couche limite
turbulente est une autre conséquence de ce mécanisme d’interaction
tourbillonnaire décrit précédemment. La photo du bas illustre le caractère
extrêmement soudain (ici sous la forme d’un spot) de l’apparition de la
turbulence dans un écoulement.

149
Exemple d’écoulement turbulent: couche limite sur plaque plane, qui met en
évidence la réalité de l’hypothèse de séparation des échelles…

150
L’écoulement de couche limite au dessus d’une plaque plane sert souvent de
référence pour décrire le comportement d’un fluide au voisinage d’une
paroi. En partant des équations locales de la couche limite, en leur
appliquant une moyenne de Reynolds (RANS), on obtient le jeu d’équations
ci-dessus. En supposant que l’écoulement est développé suivant une direction
parallèle à la paroi (X), on montre qu’une certaine quantité Tau se conserve
le long d’une direction perpendiculaire à la paroi (Y).

151
Pour intégrer cette équation (Tau=constante), nous allons délimiter deux
zones:
La première zone (sous couche visqueuse) est située au voisinage immédiat
de la paroi, dans cette région le comportement de l’écoulement est dominé
par les effets visqueux, le profil de vitesse moyen en un point varie
linéairement avec la distance qui sépare ce point de la paroi.
Dans la deuxième zone, plus éloignée de la paroi, le comportement de
l’écoulement est dominé par les effets d’inertie. Après introduction d’une
longueur de mélange, on trouve que le profil de vitesse moyen évolue suivant
une lois logarithmique (zone inertielle ou logarithmique).

152
Cette courbe représente le profil vertical (perpendiculaire à la paroi) de
vitesse moyenne adimensionnée à partir de la vitesse de frottement Uw. Cette
adimensionnement des échelles permet de mettre en évidence l’existence
d’une courbe universelle (valable quelque soit le niveau de vitesse à
l’extérieur). On trouve expérimentalement que la sous couche visqueuse
s’étend jusqu’à une valeur de Y+ égale à 5 et que la zone logarithmique
démarre à partir de Y+ égale à 30.

153
On vient de voir que le profil de vitesse pour un écoulement turbulent
évoluait de manière très rapide au voisinage d’une paroi. C’est également le
cas pour le profil d’énergie cinétique turbulente. En conséquence si on
cherche à calculer un écoulement turbulent avec un maillage trop grossier au
voisinage d’une paroi, il est fort possible que l’on sous-estime le taux de
cisaillement à la paroi (et donc globalement la production de turbulence) et
par conséquent l’énergie cinétique turbulente. Pour un calcul 3D, il est très
difficile (pour des raisons de taille mémoire et de temps calcul) d’imposer un
maillage assez fin pour capturer de manière « propre » les caractéristiques
principales de la couche limite à la paroi, une alternative consiste à supposer
que l’écoulement au voisinage de la paroi se comporte de manière identique
à la solution analytique calculée en couche limite sur paroi plane. Cette
approche consiste à mettre en place une lois de paroi.

154
Pour être en mesure de mettre en place une lois de paroi, il est nécessaire que
le premier point du maillage du domaine fluide soit situé à une distance
adimensionnée par rapport la vitesse de frottement Y+ comprise entre 20 et
100, pour être sûre d’être dans la zone dite logarithmique (voir Figure page
suivante). Dans ce cas, on n’impose pas que la vitesse moyenne à la paroi soit
nulle (conditions d’adhérence) mais que la vitesse au premier point de maille
situé dans le domaine vérifie le profil logarithmique. On calcule ensuite le
niveau maximal d’énergie cinétique turbulente en imposant une condition
limite de type Neumann (flux nul) à la paroi. A partir de cette donnée, on
peut calculer la valeur de la vitesse de frottement, le taux de dissipation de K
(en faisant l’hypothèse de turbulence localement à l’équilibre).

155
156
Intéressons nous à présent au transport d’un scalaire passif. En appliquant
l’opérateur moyenne à l’équation de transport instantanée, de manière
identique à ce que l’on a déjà observé pour l’équation du mouvement, on
note l’apparition d’un terme supplémentaire de corrélation vitesse/quantité
scalaire, qui représente l’effet de la turbulence sur le transport moyen d’un
scalaire passif. Ce terme est le plus souvent modélisé par une approche de
type diffusion turbulente. Le coefficient de diffusion turbulente est déduit du
terme de viscosité turbulente en introduisant un nombre de Prandtl
turbulent (valeur typique: SigmaT = 0.5 – 1.0)

157
D’un point de vue numérique, en DNS et en LES, il existe des solutions
techniques qui permettent d’améliorer globalement la représentativité d’une
simulation par rapport à la réalité physique. Une solution consiste à raffiner
le maillage dans les zones plus fortement affectées par la turbulence (les
zones à fort gradient). Cette technique peut même évoluer au cours du
calcul: c’est ce qu’on appelle la méthode de raffinement dynamique du
maillage (« AMR: Adaptive Mesh Refinement »). Pour illustrer cette
méthode, ces figures représentent le résultat d’un calcul 2D (réalisé avec un
maillage comprenant un peut plus de 67 millions de points), obtenu pour le
développement d’une instabilité de Rayleigh-Taylor, résultant d’une
distribution instable de densité. Pour ce calcul, le rapport de densité entre le
fluide en partie haute et celui en partie basse était égal à deux. Par des
raffinements successifs du maillage (visibles sur la page suivante), on voit
que le calcul a été capable de reproduire correctement une grande partie des
structures présentes dans cet écoulement.

158
159
L’exemple du jet au voisinage d’une paroi, met en défaut la notion de
viscosité turbulente. L’une des conséquences des modèles basés sur cette
notion est que la composante u’v’ du tenseur des contraintes doit s’annuler
au point où la vitesse axiale est maximum. Dans le cas d’un jet pariétal
(caractérisé par un profil de vitesse dissymétrique), ce n’est pas le cas, il
existe un petit décalage entre le point où u’v’ s’annule et le point où la vitesse
atteint sa valeur maximale.
Par conséquent, les modèles basés sur la notion de viscosité turbulente ne
peuvent prétendre être complètement universelle, c’est une des raisons qui a
justifié le développement d’une deuxième classe de modèles de turbulence,
basés sur le calcul des composantes du tenseur de Reynolds (RSM: Reynolds
Stress Model).

160
L’alternative aux modèles de turbulence basés sur la notion de viscosité
turbulente, est de calculer directement les six composantes Rij du tenseur de
Reynolds. Pour établir les équations de transport qui gouvernent les
variations des composantes Rij il faut multiplier de manière croisée les
équations de transport des fluctuations de vitesse ui’ et uj’ par uj’ et ui’
(respectivement), de sommer les deux équations résultantes et de prendre la
moyenne de l’ensemble.

161
Avant d’évaluer les différents termes de l’équation de transport des Rij , on
peut en donner une interprétation physique:
•Le premier terme dans la partie droite représente un terme de production
du au cisaillement de l’écoulement moyen
• Le deuxième terme est aussi un terme de production du aux fluctuations de
pression
• Le troisième terme est un terme de diffusion turbulente

162
• Le quatrième terme est un terme de redistribution des fluctuations de
vitesse du aux fluctuations de pression
• Le cinquième terme est un terme de dissipation (cascade inertielle)
• Le dernier terme est un terme de diffusion moléculaire

163
Comme pour les modèles du 1er ordre basés sur la notion de viscosité
turbulente, les équations qui gouvernent l’évolutions des tensions de
Reynolds font apparaître de nouvelles inconnues (corrélation triple de
vitesse, corrélation vitesse-pression …), pour fermer le système ces termes
doivent être modélisés. Différents auteurs ont proposé des expressions plus
ou moins variées pour fermer ces équations. Nous nous limiterons ici à la
présentation d’un des modèles les plus utilisé, proposé par Launder, Reece et
Rodi (LRR) en 1975. Le terme de dissipation est approché, en supposant que
la dissipation visqueuse se produit à petite échelle, dans une zone où le
comportement des structures turbulentes peut être supposé isotrope. Le
terme de corrélation triple est approché à partir d’une expression construite
à partir des tensions de Reynolds (et de ses gradients) multipliés par le
rapport K/Epsilon (échelle de temps intégrale de le turbulence) . Le terme de
redistribution du aux fluctuations du champ de pression est souvent négligé.

164
Le terme de production résultant des fluctuations du champ de pression est
le plus complexe à modéliser…

165
166
Notons au passage que l’équation de transport de l’énergie cinétique
turbulente K, peut se déduire directement de l’équation des Rij, en tenant
compte du fait que K représente la moitié de la trace du tenseur de Reynolds.

167
Pour les écoulements à masse volumique variable (convection naturelle,
combustion …), la densité Rho est elle-même une variable aléatoire. Pour
simplifier le problème, il suffit d’introduire une moyenne pondérée par la
masse (appelée moyenne de Favre). Dans ce cas les équations moyennes sont
quasi-identiques aux équations que l’on peut obtenir à masse volumique
constante (en régime incompressible).

168
En développant la corrélation triple densité/vitesse, on obtient une
expression quasi-identique à celle déjà calculée pour un écoulement
turbulent à densité constante (c’est tout l’intérêt de cette méthode de calcul
de la moyenne par pondération par la masse).

169
Modèle K-Epsilon (standard) pour un écoulement turbulent à densité
variable (forme très simplifiée, sans effet de gravité)

170
Que faire lorsque le fluide résulte d’un mélange, prenons l’exemple d’un
mélange gazeux. Pour établir les équations qui gouvernent un tel système
fluide, considérons un mélange gazeux composé de n espèces chimiques
différentes (réactives ou non), chaque espèce peut être caractérisée par un
ensemble de propriétés (masse volumique, viscosité, conductivité, chaleur
spécifique, diffusivité). Dans le cas d’un mélange de gaz, l’hypothèse la plus
couramment retenue est que chaque composant du mélange vérifie
l’équation d’état des gaz parfaits et qu’il peut être assimilé à un fluide
newtonien.

171
En introduisant la fraction volumique g et la fraction massique Y occupée
par chaque composant du mélange, on obtient l’équation d’état d’un
mélange de gaz parfait, qui relie la pression et la densité moyenne avec la
température (en supposant que le mélange est localement à l’équilibre
thermodynamique). Dans cette équation M désigne la masse molaire de
chaque composant et R la constante universelle des gaz parfaits.

172
Pour établir l’équation de transport qui gouverne l’évolution de la fraction
massique de chaque espèce chimique, on part de la conservation de la masse,
dans laquelle le terme de droite représente les termes de
production/destruction éventuels résultant d’une réaction chimique. En
introduisant une vitesse moyenne pondérée par la masse et en modélisant le
terme de déviation entre la vitesse de déplacement propre à l’espèce
chimique Alpha et la vitesse moyenne sous la forme d’un terme de diffusion
(loi de Fick), on aboutit à une équation de transport de type
convection/diffusion.

173
En appliquant le principe de Lavoisier (« Dans une réaction chimique, rien
ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme …»), l’équation de
conservation de la masse pour le mélange prend exactement la même forme
que si on avait affaire à un milieu homogène (c’est un des avantages d’avoir
introduit une vitesse pondérée par la masse).

174
En procédant de même pour la conservation de la quantité de mouvement
(en rappelant que chaque composant est un fluide newtonien).

175
176
La forme la plus simple pour évaluer le taux de réaction instantanée, peut
être obtenue à partir d’un produit de lois de puissance impliquant les
fractions volumiques des espèces chimiques contribuant à la réaction (loi
d’Arrhenius). Cette expression permet d’avoir un taux de réaction nul,
lorsque l’un des éléments nécessaires à la réaction est manquant (fraction
volumique)

177
Expérimentalement, on trouve que les coefficients kf varient en fonction de la
température. La relation exponentielle qui lient kf et T a pour conséquence
que le taux est infiniment petit si T < Tcritique et augmente très rapidement dès
que T > Tcritique. Le paramètre E est appelé énergie d’activation de la réaction
(E/R est homogène à une température)

178
Exemple de calcul sur une réaction (simplifiée) d’oxydation du méthane (gaz
naturel).

179
En comparant les échelles caractéristiques de la turbulence et de la
combustion, on note que dans de nombreuses situations, l’épaisseur de
flamme et donc le temps de réaction chimique peuvent être négligés devant
les échelles de longueur et de temps caractérisant la turbulence. Dans ce cas
on peut assimiler une flamme à une surface infiniment mince, ce qui revient
à supposer que la réaction chimique est quasi-instantanée. Dans ce cas la
turbulence (qui est alors le phénomène le plus lent) va être le facteur
physique le plus limitant, c’est lui qui va contrôler le taux de réaction moyen.
Le rapport entre le temps caractéristique de la turbulence et le temps
caractéristique de la chimie, définit le nombre de Damköhler turbulent.

180
Dans cette partie nous allons présenter une théorie simplifiée de flamme,
appelé modèle de flamme mince. Pour établir cette théorie, nous allons nous
placer dans la situation simplifiée suivante: la réaction de combustion est
réduite à une seule réaction chimique globale, que l’on supposera
irréversible et complète (au cours de la réaction la totalité du combustible ou
de l’oxygène sera consommée), on suppose que l’ensemble des coefficients de
diffusion sont tous égaux à la diffusion thermique (ce qui revient à supposé
que le nombre de Lewis est égal à un).

181
Le mélange gazeux étant ici limité à 3 constituants (Combustible, Oxygène,
Produits), l’évolution du mélange est complètement déterminé à partir de
deux fractions massiques YFuel et YOxy gouvernées par les deux équations de
transport ci-dessus. Par définition la variable S désigne le rapport
stoechiométrique, c’est-à-dire la quantité d’oxygène nécessaire pour brûler
1kg de combustible. Par combinaison linéaire de ces deux variables (YFuel et
YOxy ), on introduit la notion de richesse qui est positive si le mélange est
riche (la quantité de combustible est supérieure aux conditions
stoechiométriques) et négative si le mélange est pauvre (la quantité de
combustible est inférieure aux conditions stoechiométriques). En
normalisant la richesse par rapport aux conditions dans la zone d’injection
de combustible (brûleur) avec les conditions régnant à l’infini, on définit la
fraction de mélange.

182
En tenant compte que les taux de consommation de combustible et d’oxygène
sont liés par le rapport stoechiométrique, on montre ainsi que la fraction de
mélange est gouvernée par une équation de transport dans laquelle
n’apparaît aucun terme source. Comparé au problème initial, le gros
avantage de cette approche, réside justement dans le fait que l’on n’a plus de
termes source (production/destruction) à modéliser.

183
En tenant compte des hypothèses de départ, en particulier du fait que la
combustion est supposée complète, on peut démontrer que les fractions
massiques Ya vérifient des relations linéaires par morceaux avec la fraction
de mélange f (voir détail des calculs sur la page suivante).

184
185
Intéressons nous à ce qui se passe dans une flamme turbulente. Cette photo
représente une visualisation d’une flamme turbulente. Le trait plein
représente la position de la flamme à un instant donné, le halo bleu
représente la trace laissée par la flamme sur une période de temps
relativement longue. Sur cette photo, on note une très grande différence
entre la position instantanée de la flamme et sa position moyenne, ce
phénomène traduit le fait que la trajectoire du contour de flamme est
extrêmement fluctuante, et que par conséquent le champ de température
dans une flamme est caractérisé par un rapport fluctuation de température /
température moyenne très élevé.

186
D’après l’image précédente, on peut déjà conclure qu’une flamme
turbulente est caractérisée par un niveau important de fluctuation de
température, on sait déjà que le taux de réaction (loi d’Arrhenius) (qui est
une loi de type exponentiel) est fortement non linéaire. La question qui se
pose est, comment évaluer le taux de réaction moyen, compte tenu des fortes
variations du champ de température, est il possible de calculer ce taux
moyen en se limitant à remplacer dans l’expression d’Arrhenius la
température instantanée par la température moyenne ?

187
Supposons que dans la zone de flamme, la température locale varie de
manière égale entre 500 K et 2000 K, i.e. que 50% du temps T=500 K et 50
% du temps restant T=2000 K. Dans ce cas la fonction densité de probabilité
(Probability distribution function pdf) caractérisant le champ de
température est définie comme la somme de deux distributions de Dirac
centrée sur les températures 500 K et 2000 K. A partir de la donnée de la pdf,
il est possible de calculer la température moyenne et la contribution
exponentielle du taux de réaction moyen. En comparant le taux de réaction
moyen approché à partir de la température moyenne et calculé de manière
exacte à partir de la pdf, on montre que le calcul approché sous-estime de
manière dramatique le taux de réaction moyen dans une flamme turbulente.
Il faut donc procéder de manière différente, et construire une approche
basée sur la physique des flammes pour construire un modèle de combustion
turbulente.

188
Dans ce cours d’introduction, nous allons nous limiter au cas d’une flamme
dont on pourra supposer que le taux de réaction est limité par la vitesse avec
laquelle le combustible et l’oxygène vont être mélangés. Ce processus de
transport est bien évidemment entièrement piloter par la turbulence. Pour
simplifier supposons dans une première approche qu’à chaque étape de
temps (delta t) tout le combustible ou l’oxygène localement disponible peut
être brûlé au cours de la combustion. On aboutit au modèle très simplifié
« mixed is burnt » littéralement mélanger = brûler. L’introduction de la
fonction min, permet d’intégrer dans une même expression (ici le taux de
combustible consommé au cours de la réaction chimique) les deux cas
limites: mélange riche et mélange pauvre.

189
En réalité tout le combustible ou l’oxygène disponible ne brûle pas forcément
entre deux étapes de temps, on peut remplacer dans le modèle précédent le
pas de temps par une échelle de temps caractéristique du mécanisme qui
contrôle le processus de combustion (ici la turbulence). Dans cette expression
le temps Tau t désigne naturellement l’échelle de temps intégrale de la
turbulence. Le modèle de combustion turbulente qui vient d’être construit ici
est référencé dans la littérature est le modèle EDC (Eddy Dissipation
Concept). C’est un modèle qui est très utilisé pour la modélisation des
incendies.

190
Détails du calcul du taux de réaction moyen dans le modèle EDC …

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De manière très schématique, l’approche LES (« Large Eddy Simulation »)
consiste à calculer un écoulement turbulent en filtrant les équations de
Navier-Stokes, la dimension caractéristique du maillage représentant la taille
caractéristique du filtre. La méthode LES sépare les structures en deux
classes:
•Les structures explicitement résolues par le calcul (« Resolved structures »)
•Les structures de sous-maille (« Subgrid scale structures »)

205
En appliquant l’opérateur moyenne aux équations du mouvement (en se
plaçant ici dans le cas particulier d’un écoulement incompressible), on
aboutit au système suivant. Le membre de droite des équations de quantité
de mouvement filtrées fait apparaître la divergence de la somme de 3
tenseurs (Leonard, Croisé et Reynolds).

206
Le modèle de sous-maille le plus répendu est le modèle proposé par
Smagorinsky en 1963, plus tard Germano (1986) et Lilly (1992) proposèrent
une version dynamique pour l’évaluation de la « constante » de
Smagorinsky.

207
Un autre modèle proposé initialement par Shaw et Schumann en 1992 pour
le calcul des écoulements atmosphériques, avec l’introduction d’une énergie
cinétique de sous-maille K. Le terme de dissipation dans le membre de droite
de l’équation de transport de l’énergie cinétique de sous maille est construit
à partir d’une hypothèse d’équilibre local de la turbulence (Production =
Dissipation).

208
A titre d’illustration, ces Figures représentent un résultat de simulation
réalisée pour l’étude de l’interaction entre deux fronts d’incendie. Ce calcul
a été réalisé à l’aide du code de simulation FDS, librement téléchargeable à
partir du site internet suivant: http://fire.nist.gov/fds/

209
Quelques références sur la turbulence…

210

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