Vous êtes sur la page 1sur 19

445

Dans un certain état du temps

Le cube noir mat était posé sur le lit en face de moi, son poids s'enfonçant à
la surface de la couverture moelleuse. Il était lourd, terne et frustrant,
dépourvu de tout signe indiquant qu'il s'agissait d'un quelconque réceptacle
de grandes connaissances. Si je ne l'avais pas reçu du dernier vestige djinn, et
si je n'avais pas déjà parcouru le long et frustrant processus de déverrouillage
des deux premières clés de voûte, je l'aurais peut-être considéré comme une
quelconque relique brisée riche en éther et j'aurais simplement absorbé son
pouvoir.

Sylvie était assise au pied du lit, les genoux ramenés contre sa poitrine, le
regard lointain alors que ce dernier traversait le cube pour se concentrer sur
quelque chose de très distant. Elle s'est légèrement déplacée, une grimace
tirant sur les coins de ses lèvres. Elle était troublée depuis la diffusion du
message, bien qu'elle ait gardé ses sentiments pour elle.

Le voyage de retour jusqu'au deuxième niveau des Relictombs s'est déroulé


sans incident. Sylvie n'avait pas eu à subir une répétition de sa première
incursion dans les Relictombs, ce qui nous avait permis de voler à travers la
zone des arbres géants et de nous rendre directement au portail de sortie. Un
contingent de soldats Denoir nous attendait, ainsi que ma sœur. Ellie s'était
avérée être un casse-tête pour les Haut-sangs, car personne ne savait où elle
pouvait se situer dans leur strict système de castes, ce qui lui permettait de
faire ce qu'elle voulait—ce qui incluait apparemment d'importuner et de
donner des ordres à des escouades entières de groupes de combat Haut-
sang.

Nos retrouvailles ont cependant été de courte durée, car je me suis empressé
d'annoncer la nouvelle à Seris. Cette conversation avait également été brève,
car elle m'avait demandé du temps pour réfléchir à ce que cela signifiait pour
nos plans. Reconnaissant, je me suis retiré dans une chambre du Dread
Craven pour me reposer.

1
Après une heure de méditation tranquille et d'absorption de l'éther ambiant,
mon esprit était trop encombré pour me reposer et, comme je l'ai souvent
fait depuis que j'avais reçu la toute première clé de voûte, j'ai cherché à me
concentrer sur la relique djinn.

Maintenant que je la contemplais, je me demandais ce que j'avais espéré


accomplir.

Contrairement aux deux premières clés de voûte, je ne pouvais même pas


entrer complètement dans celle-ci. Lorsque mon éther imprégnait la clé, je
me sentais tiré vers l'intérieur, comme avant, mais au lieu de passer dans
l'espace éthéré—représenté auparavant par une sorte de mur d'énergie
violette—j'étais repoussé en arrière.

Les démangeaisons irritantes de mon noyau ne semblaient que rendre la


concentration plus difficile

Penser à la cicatrice n'a fait qu'aggraver la démangeaison, et je n'ai pas pu


m'empêcher de me concentrer dessus, mon esprit s'enfonçant dans cette
démangeaison comme dans des griffes.

L'éther ne s'attardait plus autour de la blessure. À part la cicatrice, mon


noyau semblait avoir complètement guéri, et je n'avais ressenti aucun effet
sur ma capacité à canaliser ou à stocker l'éther. Mais la démangeaison n'en
était pas moins irritante pour autant.

Libérant une petite quantité d'éther de mon noyau, j'ai gratté sa surface pour
soulager la démangeaison, mais cela n'a rien donné. La sensation n'avait pas
l'air d'être dans mon noyau, après tout, mais au fond de mon esprit. Le pire,
c'est que je n'arrivais pas à savoir s'il s'agissait d'une sensation physique
réelle ou d'une simple pensée qui ne voulait pas me lâcher.

J'ai fait circuler plus d'éther, le chassant et le réabsorbant, désespérant de


gratter la démangeaison qui enflait dans ma poitrine, mêlée à la frustration
que la blessure ait laissé derrière elle cette cicatrice, comme un mémorial de
mon échec. Malgré mes nombreuses blessures, dont certaines étaient encore
plus graves, je n'avais jamais ressenti de douleur ou d'inconfort persistants,
pas depuis mes découvertes sur l'éther.
2
« Peut-être que te concentrer dessus ne fait qu'empirer les choses ?» Suggéra
Sylvie.

J'ai eu des flashbacks jumeaux de souvenirs de mes deux enfances, lorsque


ma mère et la Directrice Wilbeck m'avaient patiemment expliqué que gratter
ma peau irritée ne ferait qu'aggraver les démangeaisons à long terme.

En soupirant, j'ai détourné mon esprit de la sensation. Je devais faire preuve


de volonté, de détermination dans ma façon de penser—ou de ne pas
penser—à ce sujet. J'ai donc forcé ma concentration à revenir à la clé de
voûte.

Après avoir calmé mon esprit, j'ai activé Realmheart et j'ai commencé à
essayer de manipuler l'éther de la clé de voûte de différentes façons.
L'imprégnation directe de l'éther attirait mon esprit vers elle, mais j'étais
repoussé sans jamais pénétrer dans le royaume intérieur de la clé de voûte
elle-même. Toucher à l'éther et au mana inhérents à la relique faisait
trembler la structure interne d'une manière inconfortable, comme si je
risquais de la briser, mais ne faisait rien pour me l'ouvrir ou me révéler son
contenu.

« Je ne sais pas trop pourquoi je m'inquiète tant de la casser, c'est comme si


elle était déjà... cassée... » Je me suis interrompu, la réalisation effaçant ma
frustration et la remplaçant par une excitation soudaine et méfiante.

Sylvie a froncé les sourcils et s'est redressée, m'observant en silence.

La cicatrice sur mon noyau m'a de nouveau démangé lorsque je l'ai activée,
injectant de l'ether dans l'Aroa's Requiem. Des mottes éthérées se sont
répandues le long de mes bras et ont sauté vers la clé de voûte, bourdonnant
sur la surface mate avant d'être attirées par la relique. En fermant les yeux,
j'ai laissé mon esprit couler avec elles, et j'ai de nouveau été attiré vers
l'intérieur. L'obscurité s'étendait devant moi, parsemée de points lumineux
lointains.

Puis j'ai été repoussé sans ménagement dans mon propre corps.

3
« Tu as senti ça ?» Demandai-je, trop excité pour être déçu. « Quelque chose
était vraiment différent cette fois-ci. »

Sylvie a secoué la tête et s'est légèrement rapprochée. « Mais pourquoi ?»

« La godrune me permet en quelque sorte de... remonter le temps à travers


un objet, de faire revenir en arrière quelque chose qui est cassé. » J'ai pensé
au portail de sortie de la zone enneigée où j'avais rencontré Three Steps et les
autres Griffes de l'ombre. Puis je me suis souvenu des visions d'un avenir
potentiel que j'avais eues en essayant de comprendre cette première clé de
voûte. « Que ce soit à cause de mes propres échecs de compréhension ou
d'une limite naturelle due à mon affinité avec les arts de l'éther du spatium,
je n'ai pas pu la maîtriser, pas comme je l'ai fait avec Realmheart. Il y a des...
limites. »

Malgré tout, j'avais envie de continuer à essayer maintenant que j'avais fait
des progrès—ou du moins que je pensais en avoir fait.

Activant à nouveau le Requiem d'Aroa, j'ai laissé les mottes d'améthyste


graviter d'elles-mêmes vers la clé de voûte, sans les contrôler directement.
J'ai volontairement retenu mon esprit, ne voulant pas être attirée dans la clé
de voûte pour en être à nouveau chassée, ce qui m'empêcherait de suivre la
progression de la godrune.

Des particules éthérées bourdonnaient au-dessus de la clé de voûte,


certaines s'y enfonçaient, mais juste sous la surface. Je les sentais
suspendues, presque tremblantes d'une intention réprimée, car mon
intention l'emportait sur leur disposition naturelle.

J'étais certain que l'Aora's Requiem était la clé, mais certaines clés tournaient
différemment des autres.

Mon intention, réalisai-je. Tout comme je devais délibérément considérer la


cicatrice d'une certaine façon pour l'empêcher de s'enfoncer dans mon esprit,
je devais également canaliser la godrune avec une intention spécifique. Parce
qu'elle ne me permettait pas simplement de réparer un objet inerte, mais de
manipuler la façon dont le temps avait agi sur cet objet.

4
C'était la clé. La relique n'était pas cassée ou n'avait pas besoin d'être
réparée, mais il fallait peut-être l'aligner sur un certain état dans lequel elle
avait été à l'époque pour qu'elle s'ouvre.

« Ingénieux », murmurai-je, m'interrogeant sur l'esprit du djinn qui avait créé


un tel puzzle.

Sentant que je commençais à grimacer, j'ai ajusté la façon dont je tenais la


godrune dans mon esprit, et j'ai commencé à pousser l'éther canalisé à
travers la clé de voûte. J'ai imaginé que ce n'était pas comme si je réparais un
composant interne cassé, mais plutôt comme si j'inversais les aiguilles d'une
horloge, mettant ainsi en mouvement une série de rouages à l'intérieur.

Pendant que ces rouages métaphoriques tournaient, j'ai exercé une pression
sur la relique, en essayant d'entrer dans le royaume de la clé de voûte à
l'intérieur.

La pièce est redevenue sombre. Et lentement, très lentement, l'obscurité a


cédé la place au violet prune, puis au rose pâle, et enfin je me suis retrouvé
devant un mur d'énergie améthyste.

Cela avait fonctionné, mais je n'étais pas attirée par la barrière éthérique, et
je ne pouvais pas non plus m'y enfoncer.

Mais je savais maintenant ce qu'il fallait faire. Il y avait quatre clés de voûte.
Chacune était nécessaire pour faire progresser ma compréhension de l'aspect
du destin. Puisque l'Aroa's Requiem m'avait amené jusqu'ici...

Avec mon esprit empêtré dans la clé de voûte, canaliser l'éther dans
Realmheart a pris du temps. Ma connexion avec la godrune me semblait
distante et hésitante, mais j'étais certain de ma trajectoire et ne doutais donc
pas de ce que je tentais de faire.

Des dizaines de lignes blanches de mana pur sont apparues dans ma vision,
se déversant par d'étroites brèches dans la barrière, invisibles si l'on ne peut
pas voir les particules de mana.

5
Penché en avant, je me suis glissé dans l'une de ces brèches. Elle se faufilait
dans l'éther comme un labyrinthe, mais en suivant la traînée de mana, je
passais facilement à travers. Et je suis apparu dans ce que je ne pouvais
décrire que comme une tempête de foudre éthérique.

Des nuages violets d'éther éclataient en éclairs de mana blanc et brûlant dans
un bruit de verre brisé, les éclairs se succédant à une fréquence écœurante.
En quelques instants, j'ai senti mes tempes commencer à me faire mal et à
me brûler, ma conscience étant déjà attirée hors du royaume de la clé de
voûte et ramenée vers mon corps.

J'ai serré les dents et je me suis appuyé sur la sensation, me forçant à aller de
l'avant.

Un éclair de mana m'a frappé, et mon esprit s'est précipité vers un souvenir.

« C'est bon. Je vais bien, Art. »

La voix de Tessia. Douce. Ses mains, comme une douce caresse...

Je me suis effondré sur le sol froid et dur. Des sanglots s'échappant de ma


gorge. Ma tête reposant sur les genoux de Tessia.

Ses mains étaient chaudes, elles me maintenaient ancrée, sa voix était comme
la magie d'un guérisseur, elle apaisait la douleur...

Un deuxième éclair m'a frappé dans une autre direction, et soudain,


l'émotion a disparu, me laissant vide alors que je réfléchissais aux
ramifications de la collision entre la technologie et les progrès de la magie,
réfléchissant à ce à quoi Dicathen pourrait ressembler dans trois, quatre,
voire cinq cents ans.

Flash.

La bile est remontée au fond de ma gorge quand mon esprit a été ramené au
souvenir d'un cours sur la différenciation des bêtes de mana alors que j'étais
à l'académie de Xyrus.

6
Flash.

J'avais huit ans. Une servante se tenant dans l'embrasure de la porte d'un
noble domaine, me regardant curieusement.

« Bonjour. Je m'appelle Arthur Leywin. Je crois que ma famille réside


actuellement dans ce manoir. Puis-je leur parler ?»

Une voix familière en arrière-plan : « Eleanor Leywin ! Te voilà ! Il faut que tu


arrêtes de courir vers la porte d'entrée chaque fois que quelqu'un... »

Les yeux de ma mère, écarquillés, ses mots s'arrêtant au milieu de la phrase,


un bol dégringolant de ses mains.

Devant ma mère, une petite fille, des yeux bruns éblouissants qui me
regardaient avec une curiosité innocente, des nattes brunes cendrées de
chaque côté de la tête.

Eclair après éclair, je suis passée d'une pensée, d'un souvenir ou d'une
considération à l'autre jusqu'à ce que j'aie l'impression que mon crâne soit
sur le point de se fendre en deux.

J'ai lâché prise et le royaume de la clé de voûte m'a projeté à l'extérieur. Mes
yeux se sont ouverts en un clin d'œil, trempés de sueur.

Sylvie était juste à côté de moi, un chiffon à la main, essayant vainement de


m'essuyer le visage. « Tu es là. J'étais morte d'inquiétude. Tu es resté
silencieux pendant un moment, comme si ton esprit était totalement vide. »

Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine, et le mal derrière mes yeux
était encore bien présent. Désolé, pensai-je, la gorge trop sèche pour parler
confortablement. C'était... différent, cette fois. Douloureux.

« Qu'as-tu vu ?» Sylvie a sondé mon esprit, et je me suis ouvert à elle, faisant


remonter les événements à l'intérieur de la clé de voûte. « Oh. Je vois. »

C'est un verrou, je crois. Pour la franchir, j'ai besoin de la compréhension


qu'elle contient...
7
« La clé de voûte manquante », dit Sylvie à haute voix alors que j'y pensais.
Elle a secoué la tête. « Je suppose que tu vas donner la priorité à sa
recherche, alors ?»

J'ai soupiré et je me suis frotté les yeux. « On dirait bien. »

« Tu devrais peut-être aller te promener ?» Suggéra Sylvie en me passant la


serviette humide. « Je suis sûre que ta sœur aimerait te parler plus que
quelques minutes. »

« Tu pourrais aussi venir me rendre visite, tu sais », intervient la voix de Régis


depuis l'autre côté de la zone. « Ce n'est pas parce que je suis coincé dans une
tête au fond d'un bocal et que tu peux communiquer télépathiquement avec
moi depuis l'autre côté des Relictombs que le geste ne serait pas apprécié. En
plus, je crois que je suis en train de me transformer en cornichon. »

J'ai souri malgré moi et j'ai fait glisser mes doigts sur ma poitrine. Sous la
peau, mon pouls battait déjà plus lentement, mais cela ne faisait que
ramener l'attention sur mon noyau épuisé et sur la cicatrice qui le
démangeait à sa surface. La sensation qu'elle me procurait a effacé le sourire
de mon visage.

« Oui, je ferais mieux de prendre des nouvelles de tout le monde », admis-je


en m'étirant. « Tu viens ?»

Sylvie a secoué la tête avant de s'effondrer sur l'espace que j'avais libéré. « Je
suis désolée, Arthur. Ce que j'ai appris quand nous sommes entrés dans les
Relictombs—et notre combat depuis—j'ai l'impression que j'ai besoin d'un
peu de temps pour l'assimiler. Ces pouvoirs ne sont pas encore tout à fait les
miens. J'ai juste besoin d'un peu de temps pour réfléchir à tout ça. »

« Je peux t'aider si tu veux », dis-je, n'ayant pas vraiment envie de quitter la


pièce moi-même.

Elle a secoué la tête. « J'avais l'intention de demander à Regis de m'aider.


Comme une sorte de conseiller, j'imagine. »

« Super, quelque chose à faire », pensa-t-il pour nous deux.


8
Comprenant ce qu'elle voulait dire, j'ai ébouriffé les cheveux de mon lien—ce
à quoi elle a répondu en repoussant ma main d'un air enjoué—et j'ai quitté la
petite pièce.

L'un des serviteurs se tenait en haut de l'escalier et, lorsqu'il m'a vu


apparaître, il s'est précipité, s'est incliné et a dit : « Dame Seris est sortie,
mais elle voulait que je vous informe qu'elle a pris une décision et qu'elle
apprécierait de pouvoir s'entretenir avec vous dès que possible. Elle m'a
demandé de ne pas vous déranger, mais d'attendre que... »

J'ai levé la main pour lui couper la parole. « Merci, je vous en suis
reconnaissant. Message reçu. »

Il s'est incliné et s'est empressé de partir, disparaissant dans les escaliers.

Je l'ai suivi plus lentement, inspectant les chambres autour de la mienne à la


recherche d'Ellie, de Caera ou de Chul, mais ils n'étaient pas là. La salle de bar
en contrebas était également vide, à l'exception de quelques gardes. Deux
autres se tenaient devant la porte, mais ils n'ont rien dit quand je suis passé.
J'ai envisagé de poser des questions sur les autres, mais j'ai réalisé presque
immédiatement que je n'avais pas besoin de le faire.

Un fracas a retenti dans la ville, et j'ai pu sentir le mana de Chul à l'autre bout
de la zone.

En suivant le bruit des explosions répétées, j'ai dépassé la limite du quartier


des ascendeurs et me suis retrouvé dans un parc ouvert, l'herbe verte brillant
sous le ciel faussement dégagé. Des arbres fruitiers parsemaient le parc,
offrant de l'ombre aux tables et aux chaises où une poignée de Haut-sangs,
dont la position était évidente rien qu'à leurs vêtements, étaient assis et
jouaient à la Querelle des Souverains.

Une explosion de mana a secoué les feuilles des arbres non loin de là, attirant
les regards courroucés des Haut-sangs qui se concentraient.

En suivant la rue qui longeait ce parc, je me suis rapidement retrouvé devant


une petite arène en plein air. Des gradins en demi-lune entouraient une arène
de combat creusée, entourée d'un champ de mana protecteur. Quelques
9
dizaines de spectateurs s'étaient rassemblés, remplissant les gradins par
petits groupes pour regarder Cylrit et Chul s'affronter dans l'arène en
contrebas.

Les deux hommes se tenaient légèrement à l'écart, Cylrit parlant de façon


déterminée tout en répétant un mouvement avec son bras, montrant
quelque chose à Chul. Je n'étais pas surpris que Chul ait demandé à Cylrit de
l'entraîner et de se mesurer à lui. En termes de puissance, Chul—un demi-
phoenix—surpassait de loin le serviteur au sang Vritra, mais Cylrit était
probablement le combattant le plus puissant des troupes de Seris, et il
menait activement une guerre alors que Chul avait vécu une vie pacifique,
caché sous la Clairière des bêtes.

Je suis resté en retrait, à moitié caché à l'une des extrémités des tribunes, ne
voulant pas interrompre les deux guerriers mais curieux de les voir s'affronter.

En insufflant de l'éther dans mes oreilles, j'ai entendu Cylrit poursuivre :


« Pour ce qui est de... 't'épuiser comme une bougie', je vois ce que tu veux
dire. Ton corps est puissant, et comme tu sais que tu peux rapidement
dépenser ton mana, tu t'appuies là-dessus, te poussant à fond dès le début
d'un combat. Pourtant, cela ne fait que te mener à t'épuiser encore plus
rapidement. »

« Ton instinct de combattant est pourtant très développé, ne doute pas de toi
à cet égard. Cependant, tu t'appuies beaucoup trop sur eux. Pour un ennemi
suffisamment puissant pour résister à la force brute de ton premier assaut,
cela te rendra prévisible. Tu as besoin de te perfectionner pour accroître tes
instincts afin d'être en mesure de varier tes tactiques, d'autant plus que tu
cherches aussi à devenir plus efficace. »

« C'est ce que je fais », dit Chul en haussant ses larges épaules.

Cylrit a acquiescé. « Bien sûr. Maintenant, échangeons encore quelques


coups. Je veux te voir mettre en pratique le coup que je t'ai montré. »

Chul a reculé de quelques pas et Cylrit s'est mis en position défensive, les
mains en l'air, le regard concentré. Chul a bondi en avant, ses poings ont
claqué dans une série de coups écrasants. Cylrit a utilisé une force minimale
10
pour dévier les coups, laissant la force de Chul faciliter le changement subtil
de l'équilibre de Cylrit.

Ils ont fait une pause, et Cylrit a corrigé la trajectoire de Chul, puis ils ont
répété l'exercice. Laissant mon ouïe améliorée s'affaiblir au fur et à mesure
que le bruit de leur combat augmentait, je ne pouvais pas distinguer les
conversations et les instructions qui passaient entre eux, mais je voyais à
quelle vitesse Chul s'adaptait et s'améliorait. Il y avait dans son entraînement
une concentration intentionnelle que je n'avais jamais vue chez lui
auparavant.

Son échec face aux Faux semblait avoir été la preuve dont il avait besoin pour
comprendre que sa lignée ne suffisait pas à lui apporter la victoire. Bien qu'il
ait plus de deux fois mon âge, même en tenant compte de mes deux vies,
Chul n'était à bien des égards qu'un garçon. Sa mère avait été capturée,
emprisonnée et tuée par Agrona, tandis que la race entière de son père avait
été exterminée par Kezess. Il se voyait comme un juste vengeur. Je le voyais
très bien s'élancer du foyer pour vaincre à lui seul Kezess et Agrona, et rendre
justice à son peuple.

Je n'avais pas besoin d'imaginer ce qu'il avait ressenti lorsqu'il s'était rendu
compte que cela n'arriverait pas.

Ils ont modifié leur entraînement, Cylrit mettant Chul sur la défensive et lui
faisant bloquer une série de coups de plus en plus puissants. Au bout de
quelques minutes, Cylrit a même sorti son épée, obligeant Chul à se défendre
à mains nues, les décharges de mana de chaque échange sonnant comme des
coups de tonnerre qui grondaient dans toute la zone.

Pour une raison ou une autre, le fait de voir Chul si concentré m'a aidé à me
détendre. Même si j'étais trop égocentrique pour le reconnaître, je
m'inquiétais de ce que les conséquences de notre défaite pouvaient lui faire
subir mentalement. Le fait qu'il fasse preuve d'une telle force intérieure me
semblait être le meilleur scénario possible, ce qui signifiait que j'avais une
chose de moins à craindre. J'ai quitté l'arène en souriant, mon esprit se
tournant vers Caera et ma sœur.

11
Il m'a fallu plus de temps pour trouver Ellie. Elle n'était pas au portail
d'ascension, et aucun des gardes qui y étaient postés ne l'avait vue. Lauden
de Haut-sang Denoir a proposé d'envoyer une équipe à sa recherche, mais je
lui ai assuré qu'il ne s'agissait pas d'une urgence et j'ai continué mes
recherches.

Le mana pur d'Ellie était unique, mais il n'était pas aussi apparent que le
spectacle offert par Chul et Cylrit, et je ne pouvais pas le sentir d'aussi loin. En
fin de compte, c'est tout autre chose qui m'a conduit à elle.

Alors que je me dirigeais vers le boulevard des Souverains, en utilisant


Realmheart pour examiner le mana, j'ai failli tomber nez à nez avec Mayla,
qui portait un panier rempli de nourriture parfumée.

« Professeur !» Dit-elle en faisant un petit saut d'excitation. « J'espérais vous


croiser dès que j'ai appris que vous étiez de retour. Je... » Elle a hésité lorsque
mon regard s'est éloigné d'elle pour balayer la rue du regard. Elle s'est
retournée pour regarder par-dessus son épaule, fronçant les sourcils.
« Quelque chose ne va pas ?»

Je me suis frotté la nuque, forçant un sourire. « Non, je cherche juste ma


sœur. J... »

« Oh !» Mayla s'est mise à sautiller sur ses orteils. « Désolée, naturellement.


En fait, elle est là où je vais maintenant. Faux Seris a suggéré que nous nous
entraînions ensemble, Seth, Eleanor et moi, et c'est ce que nous avons fait
pendant votre absence. Elle est pleine d'ardeur, votre sœur. Elle s'arrête
quasiment jamais de s'entraîner, mais ensuite... » Elle m'a lancé un regard
incertain. « Je suppose que c'est logique, vu la situation. »

J'ai tendu la main, proposant de prendre le panier, et Mayla me l'a tendu. « Tu


peux m'accompagner ?»

Le visage de Mayla s'est illuminé comme un artefact lumineux. « Bien sûr ! Je


crois qu'on est presque devenues ce qu'on pourrait appeler des 'amies' en
s'entraînant ensemble. Même Seth s'est un peu détendu à propos de toute
cette histoire de Dicathéen, mais... » Elle a hésité, soudain peu sûre d'elle.
« Je me suis dit que ça rendrait cet endroit un peu plus... amusant, vous
12
voyez ? Et Ellie avait l'air plutôt ouverte à l'idée de traîner avec des Alacryens,
même si traîner n'a jamais été que s'entraîner en réalité... »

J'ai froncé les sourcils et ses yeux se sont agrandis.

« J'espère qu'on n'a pas exagéré ! Peut-être que vous ne vouliez pas qu'elle se
fasse des amis parmi les Alacryens... »

« Non, je suis content d'apprendre qu'elle a rencontré des gens ici. » Je n'ai
pas exprimé le fait que je m'étais senti coupable de les quitter, elle et Caera,
même si je comprenais que c'était la meilleure décision à prendre. « Elle a
toujours été sous les regards de beaucoup de gens. Beaucoup de pression à
cause de... moi qui suis ce que je suis. »

« Je ne peux même pas imaginer... » Mayla s'est perdue, son regard s'est
baissé, puis s'est brusquement ramenée au moment présent. « C'est vrai,
Ellie. Elle est par là !»

Pendant que nous marchions, Mayla ne cessait de faire la conversation,


expliquant les recherches auxquelles Seth et elle avaient participé, du moins
du mieux qu'elle le comprenait. Elle éludait maladroitement le fait que ma
présence dans leur vie soit la raison de leurs effusions inhabituellement
puissantes.

« Pour être honnête, je suis en fait plutôt prête à, vous savez, rentrer à la
maison... » Elle m'a jeté un rapide coup d'œil, jaugeant ma réaction. « Je n'ai
pas envie d'aller faire la guerre à Dicathen. Et je n'ai vraiment pas envie de
combattre des dragons. » Elle a frissonné et s'est entourée de ses bras.

J'ai repensé au message d'Agrona. Ces gens seraient-ils vraiment épargnés


par sa colère s'ils acceptaient simplement de déposer leurs armes et de
rentrer chez eux, mettant tout ce soulèvement derrière eux et abandonnant
ce qu'ils avaient espéré gagner ? C'était difficile à imaginer. Mais même
Agrona ne châtierait sûrement pas des enfants comme Mayla et Seth pour
s'être laissés entraîner dans cette histoire sans même comprendre ce qui se
passait.

Mes pensées se sont heurtées à un obstacle.


13
Même s'ils n'étaient pas châtiés, ils finiraient quand même par entrer en
guerre avec Ephéotus. Mayla était une Sentinelle, et une Sentinelle
potentiellement puissante. Combien de temps faudrait-il pour qu'elle se
retrouve là où la sœur de Seth s'est retrouvée...

Agrona ne la punirait peut-être pas, mais il la brûlerait comme du petit bois


dans son conflit avec Kezess, et il ne saurait même pas qu'il l'a fait.

« J'espère que nous n'en arriverons pas là », dis-je après une trop longue
pause.

Une courte marche plus tard, nous avons atteint une enceinte gardée. Le
mage à la porte semblait connaître Mayla de vue et l'a laissée passer sans
poser de questions. Il m'a considéré pendant plusieurs secondes avant de se
décider et de me faire signe de passer dans la cour extérieure.

J'ai entendu le gémissement de Boo et le bruit sourd des flèches de mana


avant de voir Ellie. Son bras était enveloppé d'une enveloppe de mana
incandescente, son arc tendu, une flèche de mana conjurée contre la corde.
Un stand de tir occupait le côté droit de la cour, tandis que de grandes portes
s'ouvraient sur le reste de l'enceinte. Un puissant bourdonnement de mana
provenait de l'intérieur, et de nombreuses signatures de mana se
promenaient dans le bâtiment.

Boo a levé les yeux et a grogné. Ellie m'a jeté un coup d'œil par-dessus son
épaule, les sourcils froncés, puis elle s'est retournée vers sa cible et a décoché
la flèche. Celle-ci s'est divisée en plusieurs flèches en plein vol, qui ont
chacune atteint une cible distincte avant d'exploser dans des rafales de mana
contrôlées qui ont envoyé un nuage de débris.

Seth, qui était assis contre le mur voisin les yeux fermés, a tressailli et a failli
basculer de son banc. Il a souri d'embarras en ouvrant les yeux ; en me voyant
debout à côté de Mayla, son sourire s'est évanoui.

J'ai levé la main en guise de salut, me souvenant de la dernière fois que je


l'avais vu. Je ne lui en voulais pas d'être fâché contre moi. Après tout, j'avais
été son professeur—son mentor même—et l'instant d'après, il m'avait

14
regardé combattre deux Faux avant de disparaître de sa vie sans un mot. Et
c'était avant qu'il ne sache que j'étais un ennemi d'Alacrya.

« Hé, regardez qui j'ai trouvé !» dit Mayla, son ton enjoué semblant
légèrement forcé alors qu'elle prenait son panier et se précipitait vers les
autres. « Et, hum, j'ai aussi apporté de quoi manger. »

Seth m'a fait un signe de tête rigide en prenant deux petits pains remplis de
viande et de fromage. Il en a immédiatement enfourné un dans sa bouche,
fixant l'autre tout en mâchant.

Boo a regardé Ellie et a grogné quelque chose.

« Je n'ai pas faim pour l'instant », dit-elle en décochant une flèche qui s'est
transformée en une spirale de plusieurs faisceaux de lumière qui scintillaient
rapidement, ce qui les rendait difficiles à regarder.

Boo a grogné à nouveau, plus bas cette fois.

« Non. Je dois continuer de progresser. Mon bras va bien », répliqua-t-elle,


une pointe de colère s'insinuant dans son ton.

Mayla a jeté un coup d'œil d'Ellie à Seth, puis m'a adressé un sourire gêné.
« Hum, en tout cas, Ellie nous a raconté plein de choses sur votre continent.
C'est assez... intéressant... » Elle s'est interrompue alors que je m'approchais
de ma sœur.

Posant doucement une main sur le bras d'Ellie, je lui dis : « El, si même Boo
te le dit, c'est qu'il est probablement temps de faire une pause. Tu vas te faire
du mal... »

« Je peux le supporter », grogna-t-elle en lâchant sa flèche. Celle-ci a grésillé


et a manqué sa cible, éclatant sans dommage contre un mur de pierre.
Grimaçant, elle a tiré sur la flèche et l'a relancée rapidement, la faisant se
plier et se tordre dans l'air pour qu'elle atteigne une autre cible.

Je l'observais tranquillement, me concentrant sur son bras cassé et sur la


tension qu'elle exerçait sur lui à chaque fois qu'elle tirait sur son arc. Pendant
15
qu'elle tirait, je me suis rendu compte qu'elle activait également sa rune pour
faire circuler du mana dans tout son corps, dans un exercice visant à renforcer
son contrôle sur celui-ci, chose qui, selon Lyra, serait essentielle pour utiliser
pleinement les sorts qu'elle lui conférait.

C'est malin, pensai-je, la fierté se mêlant à l'inquiétude.

Regarder ma sœur se donner tant de mal me rappelait les nombreuses façons


dont j'avais échoué. Mon objectif le plus important dans cette vie a toujours
été d'assurer la sécurité de ma famille. Il était difficile d'affirmer que j'y étais
parvenue en regardant ma sœur blessée s'entraîner à tuer nos ennemis.

J'ai jeté un coup d'œil à Seth et Mayla, qui étaient assis sur le banc et
mangeaient en silence. Mayla a détourné le regard trop tard, essayant de
faire comme si elle n'avait pas écouté attentivement.

Me rapprochant d'un pas de ma sœur, j'ai tourné mon regard vers les cibles
au loin.

« Je n'ai pas réussi », dis-je à voix basse, effrayé de voir son expression. « Je
n'ai pas pu la sauver. »

Il y a eu une pause avant qu'Ellie ne tire une autre flèche. « Oui, je m'en
doutais. »

Elle en a tiré une autre, puis une autre. Les impulsions de mana de sa rune
ont gonflé considérablement, puis... un tremblement l'a parcourue. Une
flèche a disparu de la corde de l'arc, et même son plâtre a semblé vaciller, le
mana s'estompant autour de son bras cassé. Elle a haleté de douleur et l'arc a
glissé de sa prise pour s'écraser sur le sol avant qu'elle ne s'écroule à genoux.

Boo a gémi et s'est précipité vers elle pour la protéger, enfonçant son nez
dans ses cheveux et reniflant. Une lumière dorée a jailli de lui et a enveloppé
Ellie.

Mayla et Seth étaient tous les deux debout. Mayla avait une main sur sa
bouche, tandis que l'autre tenait celle de Seth fermement. Seth se mordillait
l'intérieur de la lèvre et semblait nerveux.
16
J'ai attrapé Ellie, mais elle a repoussé ma main avec la sienne. « Je peux le
faire moi-même !» Cria-t-elle en serrant son bras cassé contre son estomac.
Lentement, le mana a suinté pour prendre forme autour d'elle, recréant le
plâtre. À la sueur sur son front et à la façon dont ses épaules tremblaient, je
savais qu'elle souffrait incroyablement.

« El, laisse-moi... »

« J'ai dit que je pouvais le faire !» Hurla-t-elle en se dégageant et en me


regardant dans les yeux. « A quoi bon, de toute façon !»

Elle s'est laissée tomber sur le sol et a recroquevillé son buste autour de son
bras, des larmes perlant de ses yeux remplis de colère. « Nous avons dû
sacrifier tellement de choses—endurer tellement de choses—tu as dû nous
laisser moi et maman tout le temps, et nous ne pouvons toujours pas sauver
les gens que nous aimons !» Sa voix est devenue plus forte et plus rauque à
chaque mot, jusqu'à ce qu'elle crie. « Je veux que papa revienne ! Je veux que
Tess revienne. Je veux que mon grand frère revienne !»

Tout ce que je pouvais faire, c'était rester là, à laisser les émotions d'Ellie
m'envahir. « Je suis juste... tellement mal. Et je me sens tellement
impuissante. Je ne peux rien faire moi-même, je ne peux rien changer ! Peu
importe à quel point je deviens forte, je ne le serai jamais assez pour faire la
différence dans une guerre où même toi, tu peux perdre un combat. Et ça me
fait peur, Arthur—ça me terrifie. »

« Parfois, j'aimerais tellement pouvoir retourner vivre à Xyrus—ou même à


Ashber—pour devenir une enfant de la campagne comme n'importe quelle
autre fille de mon âge. Je pourrais simplement regarder cette extraordinaire
personne nommée Arthur Leywin et savoir au fond de moi qu'il me
protégerait, moi et tous ceux que j'aime, qu'il résoudrait tous nos problèmes,
et que je pourrais laisser les grandes questions importantes à des personnes
puissantes comme lui. Mais je ne peux pas. »

Elle m'a fixé dans les yeux, sa mâchoire se contractant au fur et à mesure
qu'elle serrait les dents. « Parce que cette même personne est mon frère, et
je vois comment même les gens puissants autour de moi se débattent, et je
sais que ça pourrait ne pas suffire—ils pourraient ne pas suffire—tu pourrais
17
ne pas suffire—et donc je dois faire quelque chose, mais je ne serai jamais
assez forte pour que ça ait de l'importance... »

Les mots se sont déversés jusqu'à ce qu'elle n'ait plus de souffle, puis elle
s'est dégonflée, luttant pour respirer, essayant et échouant à se maîtriser.

Lorsque j'ai tendu la main vers elle, Seth est apparu à côté de moi avant de
s'installer devant Ellie. Mayla s'est assise à côté d'elle, l'a entourée d'un bras
et a posé sa tête sur l'épaule d'Ellie, sans se soucier de l'énorme bête de
mana ressemblant à un ours qui les surplombait.

« Je... comprends ce que tu traverses, Eleanor », dit Seth d'une voix hésitante.
« Et tu as raison. À propos de tout ça. Vritra, ma sœur me manque. Et j'avais
l'habitude de penser la même chose d'elle, tu sais ? Je... » Il a marqué une
pause, serrant la mâchoire pour retenir ses émotions avant de reprendre la
parole. « Je crois que je ne me suis jamais senti aussi impuissant que
lorsqu'on m'a annoncé sa mort. Je vous ai détestés, vous les Dicathéens, pour
ça, et j'ai détesté les Haut-sangs et le clan Vritra pour l'avoir envoyée. Mais...
je crois que je me détestais encore plus. Elle était tellement déterminée à me
guérir—j'ai toujours été malade, chétif—et je me suis dit qu'elle ne se serait
peut-être pas portée volontaire pour des missions aussi dangereuses si ce
n'était pas... eh bien, tu m'as compris. »

Ellie était devenue silencieuse. Que ce soit parce qu'ils étaient ses camarades
ou tout simplement parce qu'ils n'étaient pas son frère, elle semblait plus
disposée à accepter le réconfort qu'ils lui apportaient en cet instant.

« Professeur Grey... » Seth s'est raclé la gorge. « Euh, Arthur... ton frère... c'est
la première personne qui m'a fait sentir qu'on me voyait, que je valais
quelque chose, depuis la mort de Circé. Comme si quelqu'un se souciait
vraiment de moi. » Il a secoué la tête, un sourire étonné sur le visage. « Et
puis j'ai appris qu'il n'était même pas de ce continent. Ça m'a vraiment mis
dans tous mes états, tu sais ?»

Il est resté silencieux un moment, puis a semblé se souvenir qu'il était en


train de parler. « Quoi qu'il en soit, ce que je veux dire, c'est que tu ne sais
jamais qui aura du pouvoir dans ta vie, ou sur la vie de qui tu auras un impact.
Peut-être que tu n'es pas aussi forte qu'une Faux ou qu'un Souverain. Ce n'est
18
pas forcément comme ça que tu changeras le monde. Peut-être... peut-être
en étant simplement gentil avec quelqu'un. » Une rougeur a soudain grimpé
le long de son cou jusqu'à ses joues. « Je ne sais pas, je voulais juste... eh
bien, je voulais juste te dire que tu n'es pas seule. »

Il a tendu sa main et a tapoté la sienne maladroitement avant de se lever et


de faire un pas en arrière. Timidement, il m'a regardé du coin de l'œil. J'ai
souri de manière appréciative, et il a regardé à nouveau le sol.

J'ai commencé à parler, je voulais ajouter quelque chose—n'importe quoi—


mais j'ai croisé le regard de Boo. L'ours gardien m'a fait un signe de tête
empathique et j'ai compris ce qu'il voulait dire. Elle allait s'en remettre. Ce
qui devait être dit l'avait déjà été, et Ellie était entre de bonnes mains.

Je lui ai rendu son hochement de tête et j'ai tourné les talons.

19

Vous aimerez peut-être aussi