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Prurit

H Sahel

Service de dermatologie CHU Bab El Oued.

Université d’Alger1. Faculté de Médecine

I. Définition

Le prurit est le principal signe fonctionnel en dermatologie. Il se définit comme « une


sensation qui provoque le besoin de se gratter la peau et certaines muqueuses ou semi-
muqueuses ». Il peut être localisé ou généralisé.

II. Physiopathologie

La physiopathologie du prurit est complexe. L’histamine est souvent impliquée mais pas
toujours. Cela explique pourquoi les antihistaminiques ne sont pas toujours efficaces. La
substance P, la sérotonine et les prostaglandines (surtout la prostaglandine E2) sont aussi des
médiateurs importants du prurit

III.Diagnostic positif

Le diagnostic de prurit repose sur l’interrogatoire. Il peut être conforté par l’existence de
lésions cutanées non spécifiques secondaires au grattage :

• Excoriations et stries linéaires, voire ulcérations

• Prurigo : papulo-vésicules, papules excoriées ou croûteuses, nodules

•Lichénification : peau épaissie, grisâtre, recouverte de fines squames dessinant un


quadrillage

• Surinfection : impétigo, pyodermite

IV. Diagnostic différentiel

Le prurit est à différencier des dysesthésies, paresthésies, et de la douleur.

V. Diagnostic étiologique

Il repose surtout sur :

1. l’interrogatoire, qui précise :

— le caractère localisé ou diffus du prurit

— sa sévérité : le prurit entraine une altération de la qualité de vie du patient ( insomnie,


troubles du comportement….etc).
— les circonstances déclenchantes, aggravantes ou apaisantes

— les horaires de survenue (diurne ou nocturne)

— l’évolution (aiguë ou chronique)

— l’existence de signes généraux

— le métier

— les prises médicamenteuses et les traitements locaux

— l’éventuel caractère familial du prurit

2. L’examen physique complet, qui recherche en particulier :

— des lésions cutanées évocatrices d’une dermatose spécifique responsable du prurit

— un dermographisme

— des adénopathies périphériques palpables, une hépatomégalie ou une splénomégalie

A. Diagnostic étiologique d’un prurit diffus

A1. Prurit diffus avec lésions dermatologiques spécifiques « prurits dermatologiques »

Un prurit peut être observé dans de nombreuses dermatoses dont les caractéristiques cliniques
et/ou histologiques des lésions élémentaires font le diagnostic (Tableau 1).

1-Urticaire et dermographisme

L’urticaire est caractérisée par des papules oedémateuses rosées, fugaces, migratrices et
récidivantes. Le dermographisme est une strie urticarienne induite par le grattage. Il est mis en
évidence par le frottement de la peau avec une pointe mousse.

2-Eczéma

Il se caractérise par des placards érythémato-vésiculeux d’extension progressive. Il peut être


secondaire à un contact avec un allergène ou être constitutionnel (dermatite atopique).

3-Ectoparasitoses

• Gale : caractérisée par un prurit généralisé, parfois familial, à recrudescence nocturne,


épargnant le visage avec mise en évidence de sillons scabieux et de lésions non spécifiques
(croûtes, excoriations, vésicules. . .) au niveau des espaces interdigitaux, des poignets, des
emmanchures antérieures, des mamelons ou des organes génitaux externes.

• Pédiculose corporelle des vagabonds.


4-Psoriasis

Il est classique de dire que le psoriasis n’induit pas de prurit. Cette notion est erronée : le
prurit est présent dans environ 80% des cas.

5-Lichen plan

Il est caractérisé par des papules de couleur brunâtre ou violine, recouvertes de petites stries
blanchâtres en réseau. Ces papules prédominent à la face antérieure des poignets, des avant-
bras, des coudes, des genoux, de la région lombaire, de façon symétrique. L’association à des
lésions muqueuses est possible, en particulier buccales (plaques réticulées endojugales).

6-Dermatoses bulleuses auto-immunes (pemphigoïde bulleuse, dermatite herpétiforme)

La pemphigoïde bulleuse du sujet âgé est caractérisée par un prurit fréquent, souvent sévère,
qui peut précéder les lésions cutanées pseudo-urticariennes et bulleuses.

7- Autres : Mastocytose, mycosis fongoide et syndrome de Sézary

A2.Prurit diffus sans lésions cutanées spécifiques « Prurit nu »

À l’examen clinique, il n’existe que des lésions cutanées provoquées par le grattage.

1-Affections générales

Les prurits dus à des affections générales sont plus rares que les prurits dermatologiques.
Lorsque le prurit est nu (sans lésion dermatologique étiologique), il est nécessaire de
rechercher une affection générale pouvant être causale (tableau 2). En l’absence de cause
évidente, des examens complémentaires d’orientation seront demandés (Tableau 3).

Cholestase

Prurit possible dans les cholestases intrahépatiques ou extra-hépatiques, avec ou sans ictère.
Les causes de prurit cholestatique les plus fréquemment rencontrées sont l’hépatite C, les
hépatites médicamenteuses et la grossesse.

Insuffisance rénale chronique

Prurit rarement révélateur, mais très fréquent chez les malades hémodialysés (l’insuffisance
rénale aiguë ne provoque pas de prurit). Il disparaît après la transplantation rénale et,
occasionnellement, après la dialyse.

Maladies hématologiques

• Lymphomes: tout prurit nu et chronique chez un adulte jeune doit faire évoquer une maladie
de Hodgkin; le prurit y est fréquent, de pronostic défavorable et parallèle à l’évolution de la
maladie.

• Polyglobulie de Vaquez: prurit après un contact avec de l’eau surtout en bain chaud.
• Causes plus rares: leucémie lymphoïde chronique, anémie ferriprive.

Maladies endocriniennes et métaboliques

• Hyperthyroïdie (surtout maladie de Basedow).

• Hypothyroïdie (prurit probablement dû à la sécheresse cutanée).

Le diabète, la goutte et l’hyperuricémie ne sont pas des causes de prurit diffus. Le diabète est
en revanche volontiers à l’origine de paresthésies.

Médicaments

Face à un prurit isolé, le premier réflexe doit être de rechercher une cause médicamenteuse.
Les mécanismes physiopathologiques sont assez mal connus : cholestase, activation des
mastocytes ou des fibres nerveuses.

Infections

Les parasitoses internes avec migration tissulaire et hyperéosinophilie (hydatidose,


,ascaridiose, toxocarose) peuvent être responsables de prurit. Un prurit isolé, ou seulement
associé à une hyperéosinophilie doit faire rechercher une parasitose.

Au cours de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), le prurit est un


signe fréquent, isolé ou associé à des signes cutanés variés. Un prurit isolé doit faire
rechercher systématiquement une infection par le VIH

Autres affections générales

Le prurit est très exceptionnellement d’origine paranéoplasique. Cette cause est trop rare pour
justifier la recherche systématique d’un cancer profond s’il n’y a pas de signes cliniques
d’orientation.

2-Prurit aquagénique

Il survient immédiatement après un contact avec de l’eau quelle que soit sa température, sans
aucune autre manifestation cutanée que le prurit.

3-Autres causes

Plusieurs maladies du système nerveux central (lésions cérébrales ou médullaires) peuvent


donner un prurit. Au cours de ces prurits neuropathiques, le prurit est souvent associé à des
paresthésies, voire à des sensations douloureuses.

B-Diagnostic étiologique d’un prurit localisé

De nombreuses dermatoses peuvent être responsables d’un prurit localisé, au moins au début
de leur évolution.
 Mycoses : Les candidoses ou les dermatophytoses sont habituellement responsables d’un
prurit qui est associé aux lésions spécifiques.

 Ectoparasitoses :

o Gale

o Pédiculose du cuir chevelu : Le prurit de la nuque ou du cuir chevelu doit faire


rechercher des poux, en particulier chez l’enfant.

• Piqûres d’insectes (moustiques, puces, punaises, aoûtats. . .) et par végétaux (orties. . .) :


Elles sont une cause fréquente et banale de prurit saisonnier et associé à des lésions
urticariennes, parfois centrées par un point purpurique ou nécrotique.

Prurit du cuir chevelu

Il doit faire systématiquement rechercher une pédiculose

Les autres causes sont:

• l’intolérance aux produits cosmétiques et aux produits capillaires

• l’état pelliculaire simple

• le psoriasis et la dermatite séborrhéique

• la « névrodermite » : lichénification de la nuque.

C-Prurit psychogène

C’est un diagnostic d’élimination. Il faut rechercher une pathologie psychiatrique associée au


prurit ou des événements stressants déclenchants. Sa prise en charge nécessite une
psychothérapie et un traitement psychiatrique.

D-Situations particulières

Grossesse

• Cholestase intrahépatique de la grossesse:

— prurit généralisé, sévère, nu

— confirmé par une augmentation des transaminases et/ou des sels biliaires sanguins.

• Dermatoses bulleuses auto-immunes spécifiques de la grossesse (pemphigoïde de la


grossesse, éruption polymorphe de la grossesse. . .).
Sujet âgé

Le prurit « sénile » est fréquent. Ce diagnostic est posé chez un sujet de plus de 70 ans, après
avoir éliminé toutes les autres causes. Il est dû aux modifications physiologiques liées au
vieillissement de la peau et des terminaisons nerveuses. Ce prurit est particulier par son
intensité et son caractère parfois insomniant qui contrastent classiquement avec la discrétion
des lésions cutanées. Il peut être à l’origine d’un retentissement psychique important.

VI. Traitement

A- Traitement étiologique

Le traitement doit être avant tout étiologique

‒ Traiter la dermatose spécifique révélée par le prurit.

‒ Traiter la cause interne (traitement de la polyglobulie, de la maladie de Hodgkin. . .).

‒ Arrêter les médicaments fortement suspects d’induire un prurit

B- Mesures générales

• Conseils hygiéno-diététiques: limiter les facteurs irritants, les savons parfumés ou acides, le
contact avec la laine (préférer le coton), ne pas porter de vêtements trop serrés; couper les
ongles courts pour réduire les lésions de grattage. Maintenir une bonne hygrométrie ambiante.

C- Traitements locaux

• Les dermocorticoïdes seront utiles pour les lésions provoquées par le grattage mais ne sont
pas recommandés en cas de prurit isolé.

• Les émollients et les savons surgras ou les syndets seront les plus efficaces pour traiter la
xérose (sècheresse) cutanée.

D- Traitements généraux

• L’histamine étant un des principaux médiateurs du prurit, les antihistaminiques sont les
médicaments les plus utilisés. Néanmoins, ils sont partiellement ou totalement inefficaces sur
certains prurits.

Les anti-H1 de première génération sont sédatifs, alors que ceux de deuxième génération ne
le sont pas. Ainsi, ceux de première génération sont particulièrement indiqués en cas de
composante psychogène.

L’hydroxyzine et la doxépine, prescrites le soir, associent une action antihistaminique et


psychotrope (anxiolytique et hypnotique) permettant de réduire le retentissement du prurit sur
le sommeil.

• La cholestyramine (Questran®) ou la rifampicine peuvent être utiles dans les cholestases.


• D’autres moyens seront discutés dans les cas résistants : photothérapie, crénothérapie (cure
thermale), techniques de relaxation. . .

Conclusion Le prurit est le principal signe fonctionnel en dermatologie. Il peut être diffus ou
localisé, dermatologique ou nu. Sa prise en charge doit commencer par la recherche d’une
étiologie, le bilan paraclinique devant être orienté par la clinique. Ensuite, le traitement doit
être étiologique si possible, et sinon symptomatique.

Tableau1. Principales dermatoses prurigineuses avec lésions élémentaires caractéristiques

‒ Urticaire et dermographisme

‒ Dermatites de contact (caustiques, irritatives ou allergiques)

‒ Dermatite atopique

‒ Ectoparasitoses et piqures d’insectes

‒ Psoriasis

‒ Lichen plan

‒ Pemphigoide bulleuse

‒ Dermatophytoses

‒ Autres: Mastocytose, mycosis fongoide et syndrome de Sézary

Tableau 2. Principales causes systémiques de prurit

1. Médicaments

2. Cholestase

3. Insuffisance rénale chronique/hémodialyse

4. Hémopathie malignes

5. Dysthyroïdies

6. SIDA

7. Carences:

o Martiales

o Vitamines

8. Parasitoses
9. Prurit aquagénique

10. Autres causes

Tableau 3. Examens complémentaires nécessaires en 1ére intention devant un prurit sans cause
évidente

1. NFS, plaquettes

2. Ɣ-GT, phosphatases alcalines

3. Créatininémie

4. TSH

5. Sérologies VIH, VHB,VHC

6. Radiographie du thorax

7. Échographie abdominale

8. La biopsie cutanée n’est pas indiquée

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