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Retard
Arthur Leywin :
Je fixais les marques sur le mur. Chul avait tort. Il ne pouvait que se tromper.
Je n'arrivais pas à accepter que je sois parti si longtemps. J'avais l'impression
qu'il ne s'était écoulé que quelques heures.
Chul a haussé les épaules avec nonchalance, puis a levé un bras musclé au-
dessus de sa tête pour s'étirer. « Ça doit être le cas, parce que c'est ce qui
s'est passé. »
En grinçant des dents, j'ai suivi. Sylvie et Régis se sont mis au pas derrière
moi, chacun transmettant une intensité différente de confusion et d'incon-
fort.
« Est-ce qu'il est trop tôt pour essayer de deviner ce qui s'est passé dans
l'abîme ?» Me demanda Régis dans mon esprit.
« Je n'ai ressenti le passage du temps que comme une douleur croissante dans
mon sang et mes os à mesure que mon mana s'épuisait », pensa Syvie. « J'ai
envie de dire que ça n'a pas pu durer des mois—j'aurais dû mourir de déshy-
dratation en bien moins de temps que ça—mais... »
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« Tu étais plutôt dans les vapes quand nous t'avons examinée », lui a répondu
Regis. « Est-il possible que tu aies été en stase ou quelque chose comme ça ?»
« Mon esprit était... » Sylvie s'est interrompue, luttant pour trouver les mots.
« Je crois que j'étais encore en train de me régénérer après l'utilisation de
l'œuf—pierre ? —Ce truc. Mon cerveau de chair et de sang a eu du mal à se
mêler aux souvenirs paradoxaux de ce que j'ai vécu entre ma mort et mon
retour. Il est possible que le mana et l'éther infusés dans l'œuf pour me res-
susciter m'aient également permis de me maintenir en vie dans cet endroit,
mais en réalité, je n'en ai aucune idée. »
« Cool, cool, cool », pensa Regis. « C'est moi ou Chul essaie-t-il de cacher
quelque chose ?»
J'ai froncé les sourcils dans son dos, n'étant pas d'humeur à faire la conversa-
tion. Dans la hâte de sortir Sylvie du vide pour ensuite découvrir notre longue
absence, je n'avais même pas eu un instant pour tourner ma concentration
vers l'intérieur, vers mon noyau, encore une fois renforcé par la formation
d'une troisième couche d'éther autour des restes de mon noyau de mana
originel.
Chul semblait avoir compris mon silence. Il n'a pas posé d'autres questions et
le Foyer a défilé sans que je m'en aperçoive, jusqu'à ce que l'odeur riche des
plantes étrangères me fasse à nouveau prendre conscience de mes sens.
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Une douzaine d'asuras se trouvaient à l'intérieur du bosquet, s'affairant sous
les branches tendues des charmes. Notre arrivée a provoqué une certaine
agitation. D'après les expressions de choc, de consternation et même d'indi-
gnation qui étaient dirigées vers Sylvie, il était clair que ces asuras réfugiés de
la race des phoenix n'appréciaient pas la présence d'un dragon parmi eux.
Il me semblait étrange que leur réaction soit si forte. Ils vivaient dans le Foyer
depuis des centaines d'années, à l'abri des machinations de Kezess. Sylvie
n'était pas une menace pour eux.
Mais je n'ai eu que quelques secondes pour y réfléchir, car mon attention
s'est immédiatement portée sur Mordain. Le grand phoenix faisait lentement
les cent pas entre les troncs de deux charmes, les mains derrière le dos, sa
robe dorée effleurant à peine l'herbe.
J'ai contourné Chul en accélérant le pas. Certains des autres phoenix ont
commencé à partir. Ceux qui restaient étaient tendus et attentifs. Je ne dou-
tais pas que si je me montrais hostile à Mordain de quelque manière que ce
soit, ils prendraient sa défense sans hésiter.
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Mordain m'a regardé avec une assurance non affectée, presque désinvolte.
Puis, avec un petit sourire, il a de nouveau fait un signe de tête vers le banc et
s'est dirigé dans cette direction.
J'ai fermé les yeux et j'ai inspiré profondément, laissant l'air m'envahir. Lors-
que j'ai relâché mon souffle, j'ai imaginé qu'il emportait avec lui une partie de
ma colère et de ma panique. Comme cela ne servait à rien, j'ai marché jus-
qu'au banc et je me suis assis avec raideur à côté de Mordain.
Tout mon corps s'est tendu. « Qu'est-ce que vous voulez dire ?»
Les doigts de Mordain ont tambouriné sur le dossier du banc. Il ne l'a fait
qu'une fois, puis le bruit et les mouvements se sont arrêtés, mais c'était suffi-
sant pour trahir son agitation. « Moins d'une semaine après que toi et Aldir
ayez franchi le portail, une faille s'est ouverte dans le ciel au-dessus de la
Clairière des bêtes. Pas très loin d'ici, en fait. Les dragons ont commencé à en
sortir en masse. »
Je me suis calmé. « Des dragons dans toutes les grandes villes. Vous pensez
qu'ils sont autant une menace qu'une protection. »
Le visage de Mordain est devenu sombre. « Kezess est vieux, et il a déjà joué
à ce jeu de nombreuses fois à Ephéotus, avec des enjeux bien plus importants
qu'aujourd'hui. Ou, du moins, c'est le cas en ce qui le concerne. »
« Écoute, ce n'est pas comme si la petite Ellie risquait d'être suspendue par les
orteils au-dessus de la caldeira d'un volcan en activité et que se précipiter tout
de suite à Vildorial serait la seule chose à faire pour la sauver, n'est-ce pas ?»
Demanda Régis avec tout son charme et son tact habituels. « Nous devrions
probablement, tu sais, comprendre d'abord ce qui se passe. »
« Même si je ne suis pas forcément d'accord avec la façon dont c'est présen-
té », ajouta Sylvie en lançant un regard exaspéré à Régis, « Régis a raison. Si
les dragons contrôlent Dicathen, cela rend la situation très dangereuse pour
nous tous. »
Saisissant le cristal blanc laiteux, je l'ai imprégné d'éther. Ma vue s'est altérée
et je me suis concentré sur la surface du cristal tandis que des vrilles d'éther
se heurtaient au mien. Comme je l'avais déjà fait à maintes reprises, j'ai pen-
sé à Ellie et mes sens ont été attirés par l'artefact et par les kilomètres qui
nous séparaient. Lorsque le mouvement s'est arrêté, j'étais en train de la
regarder d'en haut. Elle se prélassait sur une chaise en bois, la jambe repliée
sur l'accoudoir, et affichait une mine d'ennui intense.
J'ai regardé pendant une minute, mais rien n'a changé. Emily ou Gideon disait
quelque chose que je n'entendais pas, puis Ellie répondait en silence. Avec un
peu d'effort, j'aurais pu lire sur leurs lèvres, mais il me suffisait de savoir
qu'Ellie était en sécurité. La voir si détendue—ennuyée, même—m'a fait pen-
ser que ma mère allait bien elle aussi.
« Merci pour votre patience », dis-je à Mordain, qui avait laissé son regard
s'égarer pendant que je me concentrais sur la vision lointaine offerte par l'ar-
tefact.
« Où est Aldir ?»
J'ai levé les yeux pour me rendre compte que Wren Kain était apparu pendant
que je me concentrais sur le cristal.
« Il... » J'ai fait une pause, mon regard balayant tous les asuras qui écoutaient.
« Ne confonds pas nécessité avec pardon », répondis-je, les mots aussi durs
et froids que la lame d'un couteau.
Wren laissa échapper un grognement dérisoire, mais s'il avait quelque chose
d'autre à dire, il l'a gardé pour lui.
Sylvie a fait un pas en avant et a incliné la tête pour faire une révérence su-
perficielle. « Seigneur Mordain du Clan Asclépius. Je vous remercie de l'aide
que vous apportez à mon lien. »
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Sylvie a relevé le menton, et j'ai senti le feu intérieur de sa résolution enfler.
« Envers Arthur, comme elle l'a toujours été. Dicathen est mon foyer, son
peuple est mon peuple. Ses ennemis » —elle maintenait le regard de l'ancien
phoenix, chaque syllabe affinée à la perfection— » mes ennemis. »
Mordain fredonna d'un air pensif. « Et pourtant, vous serez toujours tirés
dans non pas deux mais trois directions différentes. Les deux factions asuras
essaieront de vous utiliser et de vous manipuler pour leur propre profit. Ar-
thur marche déjà sur le fil du rasoir dans ses rapports avec votre grand-père.
Votre retour va encore compliquer les choses. »
Je me suis déplacé pour me tenir à côté de mon lien, posant une main sur son
épaule. Regis s'est avancé, se plaçant de l'autre côté. « Vos avertissements
ressemblent de plus en plus à des menaces. »
Mon comportement est devenu glacial tandis que je lui renvoyais son regard.
« J'ai subi des échecs et j'ai grandi, mais, contrairement à ceux qui ont préféré
garder la tête enfouie dans le sol, je continue à me battre. »
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« Bien !» La voix de Chul a retenti comme un canon, faisant tressaillir plu-
sieurs phoenix qui se trouvaient à proximité. « C'est l'heure d'y aller alors ?»
« On y a déjà pensé, n'est-ce pas ?» Dit Wren, ses mots tranchants. « J'ai mis
au point un artefact qui dissimulera la signature de mana unique de Chul, de
sorte qu'il passe pour un simple humain dépourvu de jugeote. »
« Si rapidement ?» Demandai-je.
Chul a croisé les bras et jeté un regard à tout et à tous. « Mes yeux ne sont
pas cassés. »
Il s'est levé et l'a prise, la serrant fermement. « Vous n'irez pas loin sans atti-
rer l'attention des nouveaux gardiens de Dicathen. Il y a une sortie secondaire
qui vous mènera assez loin du Foyer avant de remonter à la surface. Je vais
vous montrer le chemin. Pendant que nous marchons, je pourrai vous dire le
peu que je sais sur la présence des dragons sur votre continent. »
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« Se séparer ?» Demanda-t-il en me regardant avec incrédulité. « Je viens
avec toi. Je n'ai pas suivi Aldir juste pour me cacher. » Son regard s'est porté
sur Mordain. « Sans vouloir te vexer. »
Mordain lui a fait un doux sourire. « Viens, c'est par là. Il y a quelques heures
de marche à travers des tunnels rarement utilisés. »
***
« Se faufiler, c'est pour les faibles et pour ceux qui ont des choses à cacher »,
dit Chul, sa voix si grave qu'elle fit trembler la poussière entre les racines qui
s'étalaient au-dessus de nous.
« C'est toi que nous devons cacher, petit malin », dit Régis avec un grogne-
ment.
Wren roula des yeux et Chul se gratta l'arrière de la tête en fronçant les sour-
cils d'un air gêné.
« La façon dont vous procéderez dépend de vous, bien sûr », reconnut Mor-
dain en hochant la tête. Il a saisi la main de Chul et l'a serrée contre son cœur.
« Ne laisse pas ta fougue t'emporter. Si tu souhaites vraiment rendre justice à
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ta mère, il te faudra du temps et de la patience. Laisse tes nouveaux compa-
gnons te guider pour y parvenir. »
« Qu'ils me protègent de mes pires impulsions, tu veux dire ?» dit Chul avec
sérieux. « Je comprends. »
« Alors, adieu. J'espère que tu reviendras parmi nous lorsque tout cela sera
terminé. » À moi, il ajouta : « Je vous confie la surveillance de l'un des miens,
Arthur Leywin. Ce n'est pas un devoir—ni une mission—que je vous confie à
la légère. »
« Au revoir, Mordain », dis-je, puis j'ai sauté à travers la souche calcinée pour
atterrir sur le sol de la forêt, au-dessus. Les autres ont volé derrière moi.
Nous étions entourés d'immenses arbres feuillus, comme des tours de garde
qui masquaient le ciel du milieu de la matinée. J'ai gardé Realmheart actif,
détectant les signatures de mana des dangereuses bêtes de mana qui habi-
taient les parties les plus profondes de la Clairière des bêtes. Aucune bête de
mana des deux continents ne représentait une menace pour notre groupe,
mais je ne voulais pas être retardé ou distrait par le fait d'avoir à disperser le
genre de bêtes de mana que nous étions susceptibles de rencontrer.
« À ce rythme, la guerre sera terminée avant que nous n'arrivions à quoi que
ce soit », grommela Chul au bout d'une vingtaine de minutes. « Tu vas mar-
cher toute la journée ?»
Comme les autres, j'avais retenu l'aura éthérique qui rayonnait toujours de
moi, me masquant efficacement aux yeux des dragons sensibles à l'éther. J'ai
desserré le poing, et ma signature d'éther a rayonné vers le ciel comme une
balise. J'ai insisté, pour être sûr d'être perçu.
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Wren et Chul ne pouvaient pas sentir l'éther, mais ils pouvaient sentir la pres-
sion. « Qu'est-ce que tu mijotes ?» Demanda Wren en me regardant d'un air
incertain.
Chul a souri et s'est avancé d'un pas assuré devant les autres. Une arme co-
lossale est apparue dans son poing, un peu plus qu'une sphère de fer de
forme grossière au bout d'un long manche. Des fissures dans la sphère lais-
saient échapper une lumière orange, comme si le noyau était en fusion. La
tête elle-même était aussi large que mes épaules. Elle devait peser une
tonne, mais il la brandissait sans effort.
Une horreur bipède imposante est entrée dans mon champ de vision, sa mâ-
choire massive et allongée était large, trois yeux globuleux de chaque côté de
son crâne plat étaient dilatés par l'excitation de la chasse. Elle me faisait pen-
ser à un alligator terrestre dressé sur ses pattes arrière, sauf que ses
membres étaient épais de muscles filiformes et se terminaient par des griffes
acérées comme des rasoirs, et qu'elle mesurait plus de six mètres de haut.
Avec un cri de guerre enjoué, Chul s'est lancé sur elle, abattant l'arme sur sa
tête.
Chul atterrit avec une grâce surprenante pour quelqu'un d'aussi grand. Le
cadavre de la bête de mana frappa le sol avec beaucoup plus de force, en-
voyant une onde de choc à travers la forêt. Une poignée de signatures de
mana de puissance similaire qui avaient convergé vers notre position s'est
arrêtée, puis s'est lentement dispersée.
« Ils arrivent », dit Sylvie, les yeux rivés sur l'unique parcelle de ciel nu que
nous pouvions apercevoir à travers les branches d'arbres et le feuillage dense.
« Rencontrons-les sur un terrain plus plat », dit Wren, en passant ses doigts
maculés de terre dans ses cheveux emmêlés.
« Qu'est-ce qu'un 'pirate' ?» Demanda Chul, ses traits épais pincés par la con-
fusion.
Posant mes mains sur la rambarde, j'ai regardé vers l'ouest, en direction des
lointaines Grandes Montagnes. Le vaste désert de Darv s'étendait de l'autre
côté, et sous lui se cachaient ma famille et tous ceux qui comptaient sur moi.
Déjà, cependant, je pouvais sentir les vagues lointaines mais oppressantes de
la Force du Roi qui irradiaient de multiples dragons.
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« Nous devrions avoir une sorte de signal si tu souhaites que nous atta-
quions », dit sérieusement Chul en fixant la direction de la signature de mana
la plus proche. « Peut-être en criant : 'Attaque.' »
Sylvie s'est approchée de moi. Il y avait une certaine rigidité dans sa posture à
laquelle je n'étais pas habitué. Tu vas bien ? lui demandai-je dans son esprit.
« Je pense juste à ce que Mordain a dit. Ces dragons sauront de visu ce que je
suis, même s'ils ne savent pas qui je suis. Je ne peux même pas commencer à
prévoir tous les... » Sylvie a grimacé, ses yeux se sont fermés. Elle a détourné
le visage et la connexion mentale entre nous s'est coupée alors qu'elle se
protégeait.
Elle a secoué la tête et ses yeux se sont rouverts. « Rien. Juste une sorte de
contrecoup de la résurrection. » Elle a regardé droit devant elle, dans la direc-
tion d'où émanaient deux signatures de mana.
Ne sachant pas comment la réconforter, j'ai gardé mon regard droit devant
moi. L'une des signatures, venant du nord, est devenue un minuscule point à
l'horizon. La deuxième était légèrement plus éloignée, volant depuis les mon-
tagnes au nord-ouest. La troisième s'approchait de la côte au sud-ouest.
Le premier à arriver était un grand dragon aux écailles émeraude, deux fois
plus petit que notre vaisseau. Lorsqu'il fut à une trentaine de mètres, il se
retourna pour voler à nos côtés, ses yeux jaune vif balayant le pont. Ils se sont
arrêtés sur Sylvie, plissant d'abord les yeux comme s'il n'était pas sûr de pou-
voir se fier à ses propres yeux, puis les écarquillant.
Le deuxième, un peu plus grand que le premier, avec des écailles d'un blanc
nacré qui scintillaient au soleil, a tourné autour de nous en volant au-dessus
et derrière nous, son énorme masse éclipsant le soleil et plongeant le pont
dans l'ombre.
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Le troisième était une créature élancée aux écailles cramoisies foncées qui
semblait boire la lumière du soleil, ne luisant ni ne brillant, même lorsque ses
ailes battaient. Son visage, aux mâchoires assez grandes pour avaler même
Chul tout entier, était couvert de cicatrices de combat, et son aile droite était
en lambeaux. Il s'est incliné brusquement à bâbord, de sorte que les deux
dragons nous encadrent.
Le dragon vert prit la parole, le mana rayonnant à travers les mots pour les
porter facilement à travers le bruit et la distance. « Arthur Leywin. Nous ne
nous sommes jamais rencontrés, mais je vous reconnais à votre description.
Le Seigneur Indrath sera heureux de vous savoir en vie. On s'est inquiété de
votre longue absence. »
« Ce n'est guère l'accueil que mon grand-père aurait attendu pour moi à mon
retour. » Sylvie inclina la tête, réussissant à prendre un air à la fois irrité et
apathique en regardant le dragon rouge de haut. Contrairement à son assu-
rance extérieure, j'ai senti un malaise s'infiltrer dans notre connexion
lorsqu'elle a évoqué Kezess pour nous défendre. « Vous devriez faire atten-
tion à qui vous marquez avec ce regard malveillant. »
Les yeux du dragon rouge se sont écarquillés et il s'est reculé. « Dame Silvie
Indrath ?»
Les trois dragons ont échangé des regards incrédules. C'est la blanche qui a
pris la parole, la voix serrée par l'émotion. « Madame, vous devez me suivre
immédiatement. Je vais vous conduire jusqu'à la faille qui relie ce monde à
Ephéotus. Le Seigneur Indrath... »
« Stop », dit Sylvie, dont la voix résonnait comme un ordre. « Mes obligations
sont ici, à Dicathen, pour le moment. Si vous souhaitez informer le Seigneur
Indrath, libre à vous, mais je ne vous accompagnerai pas. »
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Le dragon grimaça à ses paroles, blessé et craintif. « Madame, le Seigneur
Indrath souhaiterait... »
Sylvie libéra une vague tangible de mana pour projeter son mécontentement,
coupant court aux paroles du dragon blanc une fois de plus.
Ce n'est qu'à ce moment-là que j'ai perçu le mouvement subtil du mana pro-
venant de cette direction, comme si une légère brise le soufflait vers l'ouest
au-dessus de la Clairière des bêtes. « Qu'est-ce que c'est ?» Demandai-je à
Wren, qui avait jusqu'à présent regardé en silence et ne s'était pas adressée
directement aux dragons.
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« Un bouclier... ou une prison », répondit Régis avec un sourire en coin.
« Voyons lequel c'est. »
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