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Sémiologie cutanée夽
A. Kieny, D. Lipsker
Résumé : En dermatologie, tout comme dans les autres disciplines médicales, le diagnostic repose sur
l’interrogatoire, l’examen physique et parfois certains examens complémentaires. Cependant, du fait de
l’accessibilité directe de la peau à l’inspection et à la palpation, le nombre de maladies à expression
cutanée est très grand et, plus qu’ailleurs, l’examen physique joue un rôle considérable.
© 2023 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
EMC - Dermatologie 1
Volume 25 > n◦ 4 > novembre 2023
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0319(23)48531-7
98-070-A-05 Sémiologie cutanée
Tableau 2.
Distribution, arrangement et forme des lésions cutanées.
Distribution
Extension - Localisée - Généralisée
- Régionale - Universelle
Caractéristiques - Selon une structure anatomique ou embryologique
(vaisseau, lymphatique, métamère, ligne de Blaschko, etc.)
- Photodistribution (face, décolleté, dos des mains et des
avant-bras)
- Zones exposées (aux points de pression, aux frottements,
aux aéroallergènes, etc.)
- Distribution folliculaire
- Distribution aux régions séborrhéiques (sourcil, sillon
nasogénien, préthoracique, etc.)
- Distribution aux régions apocrines (régions axillaire,
pubienne et mammaire)
- Distribution « endogène » (symétrie, atteinte simultanée
de plusieurs plis)
- Zones « bastions » de certaines dermatoses (psoriasis,
lichen, gale, syphilis secondaire, atopie, dermatite
herpétiforme, etc.)
Arrangement des lésions entre elles
- Isolées - Groupées (amas,
- Confluentes en bouquet,
- Annulaires corymbique)
- Linéaires
Forme de la lésion
- Ronde, ovale
- En « cocarde » (plusieurs anneaux
concentriques dont un au moins est
palpable)
- Discoïde, nummulaire
- Annulaire, circinée
- Polycyclique, pétaloïde (réalisé par la
fusion de lésions arrondies vides ou
pleines respectivement)
- Stellaire
- Linéaire, digitée
- Serpigineuse
- Réticulée, cribriforme
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Sémiologie cutanée 98-070-A-05
Non Oui
Papule Vésicule
Plaque Bulle
Nodule Pustule
Nouure
Figure 2. Macule blanche ou achromique avec îlots de repigmentation Figure 3. Exanthème maculopapuleux au cours d’une toxidermie.
autour des follicules pileux au cours d’un vitiligo.
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Lésion palpable
Lorsque les lésions sont palpables, il faut déterminer leur
contenu (solide ou liquidien), leur taille et leur localisation
(derme, hypoderme). Certaines lésions deviennent palpables
exclusivement du fait d’une altération de la surface de la peau
(cf. infra).
Lésion de contenu solide
La papule est définie comme une lésion palpable de petite taille Figure 9. Plaque de lichénification réalisant un épaississement de la
(< 10 mm), de contenu non liquidien. Il s’agit en général de lésions peau avec exagération de ses sillons. À noter également la présence
surélevées dépassant le niveau de la peau adjacente (Fig. 6). Vue d’érosions linéaires liées au grattage.
d’en haut, une papule peut être ronde, ovale, ombiliquée (petite
dépression centrale) ou polygonale. Vue de profil, elle peut être
plane, en dôme, sessile, pédiculée ou acuminée. La surface peut lésion ronde ou hémisphérique (exemple : carcinome basocel-
être lisse, érosive, ulcérée ou nécrotique, recouverte de squames, lulaire nodulaire) (Fig. 10, 11). Certains auteurs appellent tout
de croûtes ou de squames-croûtes. Enfin, la distribution peut être nodule dépassant 20 mm une tumeur. Les tumeurs ne possèdent en
folliculaire ou non. Les papules par prolifération ou dépôts épider- général pas de caractère inflammatoire et ont tendance à croître.
miques (exemple : verrue plane) ont habituellement des limites Tout nodule de grande taille (souvent plus de 5 cm), à extension
nettes, alors que les papules dermiques (exemple : granulome hypodermique, est appelé nouure (Fig. 12). Les gommes sont des
annulaire) sont moins bien limitées (Fig. 7). productions hypodermiques qui se présentent à leur phase de cru-
Le terme de plaque est employé pour désigner des lésions en dité comme une nouure, mais passent ensuite par une phase de
relief, plus étendues en surface qu’en hauteur et mesurant plus de ramollissement débutant au centre de la gomme, pour aboutir à
1 cm (exemple : syndrome de Sweet) (Fig. 8). l’ulcération avec issue d’un liquide (gommeux) bien particulier
La lichénification est davantage un syndrome lésionnel nosologi- (exemple : gomme syphilitique).
quement défini qu’une véritable lésion élémentaire. Elle consiste Les végétations sont des excroissances d’allure filiforme, digi-
en un épaississement de la peau avec exagération de ses sillons, tée ou lobulée, ramifiées en « chou-fleur », de consistance molle.
qui rend apparent son quadrillage normal. Dans les petits losanges La surface de la lésion est formée d’un épiderme aminci et rosé,
ainsi dessinés se développent des papules plus ou moins saillantes. ou est couverte d’érosions suintantes et d’ulcérations (exemple :
On note souvent une pigmentation brun jaunâtre ou violine, de végétation vénérienne, iodide) (Fig. 13). Elles saignent facilement
petites squames adhérentes et des excoriations. Elle résulte d’un après un léger traumatisme. Les verrucosités sont des végétations
prurit compliqué de grattages ou de frottements répétés (Fig. 9). dont la surface est recouverte d’un enduit corné, hyperkératosique
Le nodule est une masse palpable, non liquidienne, mesu- souvent grisâtre, plus ou moins épais (exemple : verrue vulgaire,
rant plus de 10 mm. Généralement, on entend par nodule une kératose séborrhéique) (Fig. 14).
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Sémiologie cutanée 98-070-A-05
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acquise). Une bulle qui s’étend alors que l’on exerce une pression
verticale sur son sommet est un équivalent de ce signe.
Une pression verticale permet aussi de rechercher la dépressi-
bilité d’un œdème (signe du « godet »), d’apprécier un temps de
recoloration capillaire (le temps qu’il faut pour obtenir une cou-
leur normale, rose, de la peau après blanchiment par la pression),
nacré. Les vaisseaux dermiques sont souvent visibles. L’atrophie de rechercher des altérations du derme dans certaines lésions,
de l’hypoderme (lipoatrophie) provoque une dépression visible sur comme dans les neurofibromes ou les anétodermies qui sont
la surface cutanée. dépressibles.
L’altération ou la disparition du tissu élastique entraîne une Le pincement de la peau permet, l’épiderme et le derme
perte de l’élasticité de la peau. La peau devient alors lâche et ne étant mobiles sur l’hypoderme, de localiser les lésions hypoder-
retrouve plus son aspect initial après un pincement, mais garde miques ou plus profondes au-dessus desquelles la peau se laisse
la marque qu’on lui a imprégnée. Il se forme des ridules, des rides, normalement plisser. Les nodules intradermiques, comme les
voire un authentique cutis laxa (relâchement de la peau qui pend dermatofibromes, peuvent également être localisés ainsi car le
et qui ne revient pas sur elle quand on l’étire). Toutes ces lésions plissement de la peau entraîne la formation de fossettes au-dessus
correspondent à des plis cutanés permanents dans une topogra- des lésions.
phie où la peau n’est habituellement pas constamment plissée. Le grattage, par l’ongle ou à l’aide d’une curette mousse (de
Parfois, c’est seulement au palper qu’on peut détecter l’atrophie. Brocq), de certaines lésions permet de faire apparaître la des-
Ainsi, la palpation de l’anétodermie donne au doigt la sensation de quamation caractéristique du psoriasis (signe de « la bougie » :
pénétrer dans une véritable dépression, alors qu’à l’inspection, la blanchiment initial, puis si l’on persiste, le signe de la « rosée
peau à cet endroit semble au contraire faire saillie. sanglante » : hémorragie punctiforme inframillimétrique des vais-
La sclérose est une augmentation de consistance des éléments seaux superficiels des papilles dermiques) ou de provoquer un
constitutifs du derme et parfois de l’hypoderme, rendant le glisse- purpura linéaire (exemple : amylose).
ment des téguments plus difficile. Le tégument est induré et perd
sa souplesse normale. L’atrophie s’associe souvent à une sclérose
cutanée pour donner lieu à un état scléroatrophique. Une cica- Signe fonctionnel : prurit
trice peut ainsi être atrophique, scléroatrophique ou au contraire
hypertrophique. Le prurit est le seul signe fonctionnel spécifique de la peau. C’est
une sensation qui provoque le besoin de se gratter. Il peut être
localisé (exemple : cuir chevelu), régional (exemple : un membre)
Lésions intriquées ou diffus. Sa chronologie et ses circonstances d’apparition doivent
Toutes les lésions précédentes peuvent s’associer et réaliser de être précisées : diurne, nocturne, à l’effort, à l’eau, etc. Son inten-
vrais syndromes. Ainsi, les macules, les papules et les plaques sité rend compte de la gêne entraînée et on peut distinguer trois
rouges sont souvent squameuses et réalisent le groupe des affec- niveaux :
tions érythématosquameuses. Les papules peuvent réaliser de • intermittent, tolérable ;
nombreuses associations lésionnelles dont la reconnaissance est • permanent, durable mais résistible, surtout diurne ;
essentielle : papulovésicule, papulopustule, papule kératosique, • incoercible, irrésistible, insomniant.
papule nécrotique, etc. La sclérose et l’atrophie sont souvent asso- Un prurit peut être lésionnel, entraînant alors des signes sur
ciées (scléroatrophie). Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue la peau comme par exemple des nodules fermes, très durs à
qu’une même maladie peut se manifester par différentes lésions la palpation dans le cadre du prurigo nodulaire (de Hyde). Des
élémentaires. Ainsi, une dermatose aussi commune que le psoria- lésions de grattage non spécifiques sont fréquentes : érosions
sis peut être classée, selon les malades, tantôt parmi les lésions linéaires, papules excoriées, lichénification, pigmentation, etc. Il
papuleuses ou papulosquameuses, tantôt parmi les pustules, tan- peut aussi s’intégrer dans une dermatose prurigineuse et accom-
tôt parmi les érythrodermies. De plus, chez le même malade, pagner des lésions dermatologiques plus spécifiques, qu’il faut
plusieurs types de lésions peuvent coexister. toujours rechercher. Parfois, elles sont évidentes comme dans
l’urticaire, mais parfois elles peuvent être discrètes comme les
Autres signes sillons scabieux. Le prurit est dit « sine materia » en l’absence
de toute lésion dermatologique élémentaire.
La palpation linéaire ferme à l’aide d’une pointe mousse permet Les autres signes fonctionnels en rapport avec des affections
de rechercher un dermographisme. La friction de certaines lésions cutanées (douleur, dysesthésie, troubles de la transpiration, into-
provoque une réaction urticarienne, appelée signe de Darier, carac- lérance à la chaleur, etc.) ne sont pas abordés ici.
téristique des mastocytoses.
Une traction de la peau normale et/ou péribulleuse permet
parfois de provoquer un décollement cutané : ce signe de Nikolsky Conclusion
se produit dans les maladies bulleuses intraépidermiques, dans la
nécrolyse épidermique toxique (syndrome de Lyell) et dans cer- En dermatologie, plus que dans n’importe quelle autre dis-
taines maladies bulleuses jonctionnelles (épidermolyse bulleuse cipline médicale, l’examen physique est l’élément déterminant
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de la démarche diagnostique. Une connaissance parfaite de la [4] Committee on Nomenclature, International League of Dermatological
sémiologie dermatologique est donc indispensable. Il est donc Societies. Glossary of basic dermatologic lesions. Acta Derm Venereol
essentiel de connaître – et de savoir reconnaître – les différentes 1987;130(Suppl.):1–16.
lésions décrites dans ce chapitre. L’examen dermatologique doit [5] Arndt KA, Robinson JK, Leboit PE, Wintroub BU. Cutaneous medi-
permettre d’identifier la ou les lésions élémentaires, de reconnaître cine and surgery. An integrated program in dermatology. Philadelphia:
une éventuelle configuration et/ou arrangement remarquable et W.B. Saunders; 1996.
d’apprécier la distribution des lésions. Cette démarche permet de [6] Champion RH, Burton JL, Burns DA, Breathnach SM. Textbook of
diagnostiquer de nombreuses maladies, sans recours aux examens dermatology. Oxford: Blackwell Scientific Publication; 1998.
complémentaires, un privilège rare à notre époque. [7] Goldsmith LA, Lazarus GS, Tharp MD. Adult and pediatric dermato-
logy: a color guide to diagnosis and treatment. Philadelphia: FA Davis;
1997.
[8] Lawrence CM, Cox NH. Physical signs in dermatology. Color atlas
Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
and text. London: Wolfe publishing; 1993.
d’intérêts en relation avec cet article.
[9] Sams WM, Lynch PJ. Principles and practice of dermatology. Edin-
burgh: Churchill Livingstone; 1990.
[10] Saurat JH, Lachapelle JM, Lipsker D, Thomas L. Dermatologie et
Références infections sexuellement transmissibles. Paris: Elsevier Masson; 2009.
[11] Nast A, Griffiths CE, Hay R, Sterry W, Bolognia JL. The 2016 Inter-
national League of Dermatological Societies’ revised glossary for the
[1] Ashton R. Teaching non-dermatologists to examine the skin: a
description of cutaneous lesions. Br J Dermatol 2016;174:1351–8.
review of the literature and some recommendations. Br J Dermatol
1994;132:221–5.
[2] Jackson R. Morphological diagnosis of skin disease. A study of the Pour en savoir plus
living gross pathology of the skin. Ontario: Manticore Publishers; 1998.
[3] Lipsker D. Lésions élémentaires de la peau : séméiologie cutanée. EMC Lipsker D. Guide de l’examen clinique et du diagnostic en dermatologie.
(Elsevier Masson, SAS, Paris), Dermatologie, 98-045-A-10, 2007. Paris: Elsevier Masson; 2010.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Kieny A, Lipsker D. Sémiologie cutanée. EMC - Dermatologie 2023;25(4):1-8 [Article 98-070-A-05].
夽 Pourcitation, ne pas utiliser la référence ci-dessus de cet article, mais la référence de la version originale publiée dans EMC – Traité de Médecine
Akos 2020;23(1):1-8 [Article 2-0646].
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(19)41509-3
8 EMC - Dermatologie
98-710-A-10
Résumé : Les hémopathies malignes sont définies par un trouble de la multiplication et/ou de la diffé-
renciation des cellules d’une lignée hématopoïétique lymphoïde ou myéloïde. En dehors des événements
infectieux et de la iatrogénie, on distingue deux principaux types de manifestations cutanées des hémo-
pathies malignes : les localisations cutanées spécifiques, correspondant à l’envahissement de la peau
par des cellules tumorales, et les dermatoses satellites liées à une dysrégulation immunitaire induite par
le clone tumoral (dermatoses neutrophiliques, dermatoses bulleuses auto-immunes, manifestations vas-
culaires). Dans les deux cas, reconnaître ces manifestations cutanées est un enjeu diagnostique majeur
pour le dermatologue, ces manifestations pouvant faire découvrir l’hémopathie ou modifier la prise en
charge de celle-ci du fait de leur impact pronostique.
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Volume 25 > n◦ 4 > novembre 2023
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0319(23)85692-8
98-710-A-10 Dermatoses associées aux hémopathies malignes
Tableau 1.
Principales manifestations dermatologiques en fonction des hémopathies.
Hémopathie Localisations spécifiques cutanées Dermatoses satellites
LAM Leukemia cutis a (LAM4, 5) Dermatoses neutrophiliques (SS, HEN, PG)
Vascularites
SMD Leukemia cutis a Dermatoses neutrophiliques a (SS)
Rare : myelodysplasia cutis Vascularites
Polychondrite atrophiante
SMP Exceptionnelles a Acrosyndromes
Hyperviscosité
Prurit aquagénique
Dermatoses neutrophiliques
LAL Exceptionnelles (nodules ± ulcérés)
LLC Infiltration violine des extrémités, isomorphisme Vascularite
Cryoglobulinémie
« Papulose T »
Pemphigus paranéoplasique
Lymphome Exceptionnelles (nodules ± ulcérés) Prurit sine materia
Attention, atteinte cutanée précoce : LAI, LCDP Pemphigus paranéoplasique
Cryoglobulinémie
Vascularite
Gammapathie monoclonale Rares : plasmocytome, spicules folliculaires, Amylose AL
macroglobulinose Cryoglobulinémie
POEMS
Cutis laxa
Syndrome de Schnitzler
Scléromyxœdème
Xanthomes, xanthogranulomes
Dermatoses neutrophiliques (PG, PSC, EED)
EED : erythema elevatum diutinum ; HEN : hidradénite eccrine neutrophilique ; LAI : lymphome angio-immunoblastique ; LAL : leucémie aiguë lymphoblastique ; LAM : leu-
cémie aiguë myéloïde ; LCDP : leucémie à cellules dendritiques plasmacytoïdes ; LLC : leucémie lymphoïde chronique ; PG : pyoderma gangrenosum ; POEMS : polyneuropathy,
organomegaly, endocrinopathy, monoclonal component, skin changes ; PSC : pustulose sous-cornée ; SMD : syndrome myélodysplasique ; SMP : syndrome myéloprolifératif ;
SS : syndrome de Sweet.
a
Manifestation cutanée réputée péjorative dans le pronostic de l’hémopathie.
2 EMC - Dermatologie
Dermatoses associées aux hémopathies malignes 98-710-A-10
EMC - Dermatologie 3
98-710-A-10 Dermatoses associées aux hémopathies malignes
Figure 4. Nodule ecchymotique du front chez un patient atteint de Figure 5. Petites papules hémorragiques du talon correspondant à une
leucémie à cellules dendritiques plasmacytoïdes (cliché de la photothèque localisation cutanée de maladie de Waldenström (cliché de la photo-
de l’hôpital Saint-Louis, Paris). thèque de l’hôpital Saint-Louis, Paris).
On distingue ainsi les manifestations cutanées spécifiques qui intacts dans le derme superficiel et un œdème sous-épidermique
peuvent faire découvrir l’hémopathie (LC, LAI, LLC, LCDP, ATLL) parfois massif. On distingue les SS classiques, qui rendraient
et celles qui peuvent modifier la prise en charge de celle-ci du fait compte de près de 60 % des cas [21] (femme jeune, postinfec-
de leur impact pronostique (LC, SMP). tieux), les SS médicamenteux (10 % des cas) et les SS associés à
des néoplasies. Au sein de ces derniers, les hémopathies myéloïdes
sont de loin les plus fréquentes (80 % des SS associés aux néopla-
Dermatoses satellites sies), et en particulier les LAM et les SMD [22] . Les SS au cours
des LAM surviennent le plus souvent dans les 7 jours suivant
des hémopathies malignes le début de la chimiothérapie (azacytidine, inhibiteurs de FMS-
like tyrosine kinase 3 [FLT3], acide tout transrétinoïque [ATRA]) et
Il s’agit de manifestations cutanées en lien avec l’hémopathie sont d’évolution rapidement favorable, sous corticoïdes ou spon-
sous-jacente. On préfère dans ce contexte le terme de derma- tanément. La chimiothérapie ne doit pas être contre-indiquée [23]
toses « satellites » au terme de « paranéoplasiques », leurs et la survenue de SS ne semble pas avoir de signification pro-
évolutions respectives pouvant parfois être dissociées. Leur phy- nostique. Les SS au cours des SMD sont de présentation plus
siopathologie est très variable. Comme pour les localisations atypique : absence de fièvre et d’arthralgies, cytopénies, caractère
spécifiques, reconnaître ces dermatoses est un enjeu diagnos- chronique et/ou récidivant, histologie histiocytoïde [22, 23] . Le SS
tique majeur, puisqu’elles peuvent soit révéler une hémopathie, histiocytoïde se différencie histologiquement de la myelodyspla-
soit avoir une signification pronostique et modifier la stratégie sia cutis dans laquelle l’infiltrat dermique est constitué de cellules
thérapeutique. Les examens complémentaires de première inten- tumorales (cellules immatures de taille moyenne, ayant un cyto-
tion recommandés devant ces dermatoses possiblement satellites plasme éosinophilique abondant et un noyau incurvé en « noix
d’une hémopathie maligne sont résumés dans le Tableau 2. de cajou » ou une anomalie pseudo-Pelger [6] ). Le SS peut précéder
la découverte du SMD de plusieurs années. Sa survenue chez un
patient âgé et/ou la présence des atypies ci-dessus doit faire pro-
Dermatoses satellites des hémopathies poser une surveillance hématologique prolongée. Le SS pourrait
myéloïdes. indiquer une acutisation du SMD et être de mauvais pronostic [23] .
La survenue de SS au cours des hémopathies myéloïdes pourrait
Dermatoses neutrophiliques être expliquée par la différenciation des cellules myéloïdes tumo-
Les dermatoses neutrophiliques (DN) appartiennent au spectre rales en PNN d’allure mature infiltrant la peau, sous l’effet d’un
des maladies auto-inflammatoires polygéniques. Elles sont carac- traitement favorisant ou du fait du phénotype tumoral [24] . Les SS
térisées par un infiltrat de polynucléaires cutané stérile, la sont plus rarement rapportés au cours des SMP et des hémopathies
possibilité de formes de transition d’une forme à une autre, la lymphoïdes.
bonne réponse aux corticoïdes et la fréquente association à une Toujours parmi les DN, l’hidradénite eccrine neutrophilique
pathologie sous-jacente [20] . Les pathologies le plus fréquemment (HEN) se caractérise classiquement par la survenue brutale de
associées varient en fonction du type de DN. plaques ou nodules inflammatoires siégeant sur le haut du corps,
Au sein de ces DN, le syndrome de Sweet (SS) est caractérisé par mais la présentation peut être très polymorphe. L’évolution est
l’apparition brutale, parfois après un syndrome pseudo-grippal, toujours spontanément favorable en moins de 2 semaines. Le
de papulonodules érythématoviolacés bien limités, sensibles, diagnostic est histologique, mettant en évidence de façon carac-
d’aspect mamelonné, siégeant avec prédilection sur le haut du téristique un infiltrat fait de PNN matures autour des glandes
corps, et s’accompagnant fréquemment de fièvre, d’arthralgies sudoripares. Il survient quasi constamment après l’administration
et d’un syndrome inflammatoire biologique. La biopsie cutanée de cytarabine pour une LAM. Là encore, la survenue d’une HEN
montre un infiltrat de polynucléaires neutrophiles (PNN) matures ne doit pas contre-indiquer la poursuite de la chimiothérapie.
4 EMC - Dermatologie
Dermatoses associées aux hémopathies malignes 98-710-A-10
Tableau 2.
Conduite à tenir pour rechercher une hémopathie devant une dermatose possiblement paranéoplasique.
Tableau clinicohistologique Hémopathie sous-jacente Autres étiologies possibles (liste Examens complémentaires systématiques de
possible non exhaustive) première intention à la recherche d’une hémopathie
Dermatose neutrophilique LAM Maladies inflammatoires du tube NFS
SMD digestif ; rhumatismes Frottis sanguin
MGUS inflammatoires ; connectivites ; Électrophorèse des protéines sériques
LLC grossesse ; néoplasies solides... Si sexe masculin et âge > 50 ans : ajouter myélogramme
avec cytologie, cytogénétique, biologie moléculaire
Si âge > 65 ans : ajouter immunofixation
Polychondrite atrophiante SMD Idiopathique NFS, frottis sanguin
Si sexe masculin et âge > 50 ans : ajouter myélogramme
avec cytologie, cytogénétique, biologie moléculaire
Vascularites SMD Maladies auto-immunes et NFS
Lymphomes inflammatoires, Frottis sanguin
cryoglobulinémie, infections Dosage des LDH
(endocardite infectieuse, VHC...), Scanner ou PET-scanner a
iatrogénie, néoplasies solides...
Prurit aquagénique SMP Urticaire aquagénique NFS
Frottis sanguin
Si technique disponible : recherche des
mutations JAK2/CALR/MPL
Prurit sine materia Maladie de Hodgkin Cholestase, dysthyroïdie, carence NFS
martiale, séropositivité VIH, Frottis sanguin
insuffisance rénale chronique, Dosage des LDH
iatrogénie... Scanner ou PET-scanner a
Pemphigus paranéoplasique Lymphomes Néoplasies solides NFS
LLC Frottis sanguin
Maladie de Castleman Dosage des LDH
PCR sanguine HHV8
Phénotypage lymphocytaire (recherche d’une
population monotypique)
Scanner ou PET-scanner a
HHV8 : herpèsvirus humain 8 ; LAM : leucémie aiguë myéloïde ; LDH : lactates-déshydrogénases ; LLC : leucémie lymphoïde chronique ; MGUS : gammapathie monoclonale
de signification indéterminée ; NFS : numération formule sanguine ; PCR : polymérisation en chaîne ; PET : positon emission tomography ; SMD : syndrome myélodysplasique ;
SMP : syndrome myéloprolifératif ; VHC : virus de l’hépatite C ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.
a
Scanner thoraco-abdomino-pelvien injecté ou PET-scanner selon les disponibilités locales, les contre-indications éventuelles du patient, les éléments d’orientation
diagnostique.
Le pyoderma gangrenosum est plus rare au cours des hémopathies récidivante du cartilage des oreilles, du larynx, de l’arbre trachéo-
myéloïdes. Il se manifeste par un ou plusieurs ulcères doulou- bronchique et du nez. Des manifestations dermatologiques sont
reux, le plus souvent localisés aux membres inférieurs, d’extension présentes chez 20 à 40 % des patients [27] : il s’agit de DN, d’aphtose
rapidement centrifuge, à bordure nette et creusée de clapiers puru- bipolaire, de purpura nécrotique. Une atteinte cardiaque et/ou
lents. Le diagnostic positif repose sur un faisceau d’arguments articulaire peut également être associée. Parmi les patients atteints
cliniques, histologiques et microbiologiques. Lorsqu’il est asso- de PCA, ceux qui avaient également un SMD étaient plus âgés,
cié aux hémopathies myéloïdes, il serait plus volontiers bulleux, de sexe masculin, avec davantage de signes généraux, de DN,
intéressant le chef, avec des bordures hémorragiques entourées une atteinte réfractaire au traitement de fond et un moins bon
d’un halo gris-bleu [22] . Il a également été rapporté au cours des pronostic.
gammapathies monoclonales. On recherche ainsi de façon systématique un SMD devant une
L’erythema elevatum diutinum et la pustulose sous-cornée sont PCA, en particulier lorsque le diagnostic est porté chez un sujet
surtout rapportés en association avec les gammapathies mono- masculin de plus de 55 ans.
clonales et sont abordés plus bas.
Syndrome VEXAS
Vascularite des petits vaisseaux et périartérite
Les manifestations auto-inflammatoires décrites ci-dessus (DN,
noueuse PCA, vascularite), survenant chez des sujets de sexe masculin
La survenue de vascularite des petits vaisseaux et de périarté- à partir de 50–60 ans en association avec un SMD, ou plus
rite noueuse paranéoplasique au cours d’hémopathies myéloïdes, rarement avec une gammapathie monoclonale de signification
en particulier de SMD, a été rapportée [1] . L’atteinte cutanée est indéterminée (MGUS), sont fréquemment associées à la présence
plus fréquente que les autres atteintes viscérales et serait pré- d’une mutation somatique de UBA1. Il s’agit d’un gène impliqué
coce, pouvant précéder le diagnostic d’hémopathie dans un quart dans l’ubiquitination (modification post-traductionnelle d’une
des cas [25] . La présentation clinicohistologique ne serait toutefois protéine, pouvant notamment entraîner sa destruction par le pro-
pas spécifique. Il convient, bien sûr, de distinguer une vascu- téasome). L’équipe à l’origine de cette découverte a proposé le
larite paranéoplasique d’une infiltration des vaisseaux par des terme de VEXAS syndrome (vacuoles, E1 enzyme, X-linked, autoin-
cellules blastiques (LC à type de vascularite) et des vascularites flammatory, somatic) [28] . Les manifestations cutanées sont très
infectieuses. fréquentes au cours de ce syndrome (83,5 à 88 % des patients
selon les séries [28, 29] ) et le premier symptôme rapporté dans près
de deux tiers des cas [30] . Il s’agit le plus souvent de maculopa-
Polychondrite chronique atrophiante pules érythémateuses multiples du tronc, arciformes, évoluant par
La polychondrite chronique atrophiante (PCA) est une connec- poussées, parfois de livedo et de réactions aux points d’injection.
tivite rare, associée aux SMD chez près d’un patient sur six Les biopsies cutanées montrent un infiltrat dermique de cellules
d’après une étude rétrospective récente [26] (beaucoup plus rare- myéloïdes immatures associées en proportion variable à des PNN
ment aux lymphomes). Elle est caractérisée par une inflammation matures, des lymphocytes, des histiocytes [30] . Il s’y associe de
EMC - Dermatologie 5
98-710-A-10 Dermatoses associées aux hémopathies malignes
Manifestations vasculaires
Au cours des SMP, on peut observer des manifestations vascu-
laires en lien avec l’hyperviscosité sanguine : livedo, phlébites
superficielles (polyglobulie de Vaquez), ulcères de jambe (leucé-
mie myéloïde chronique), érythermalgie. Cette dernière est un
acrosyndrome se manifestant de façon paroxystique à la chaleur
par la survenue d’un érythème chaud et douloureux des extré-
mités, soulagé par l’immersion de celles-ci dans l’eau froide. Elle
peut être d’origine génétique, idiopathique, ou secondaire à un
SMP. La survenue d’une érythermalgie après l’âge de 40 ans doit
systématiquement faire rechercher une polyglobulie de Vaquez,
une thrombocytémie essentielle, plus rarement un autre SMP.
Prurit aquagénique
L’apparition d’un prurit aquagénique est très évocatrice de SMP
et doit systématiquement le faire rechercher [31] . Il est à distinguer Figure 6. Kératodermie palmaire lichénoïde chez une patiente atteinte
cliniquement de l’urticaire aquagénique. Le prurit aquagénique d’un pemphigus paranéoplasique d’une maladie de Castleman (cliché de
serait présent chez plus de 40 % des patients atteints de poly- la photothèque de l’hôpital Saint-Louis, Paris).
globulie de Vaquez, et évoluerait dans la moitié des cas avant
le diagnostic de l’hémopathie. Le prurit survient après un court
contact avec l’eau et dure plusieurs minutes après l’arrêt de la sti- Dermatoses bulleuses auto-immunes
mulation. Il est souvent d’intensité modérée, mais peut conduire Des dermatoses bulleuses auto-immunes peuvent être observées
à une véritable hydrophobie chez les patients atteints. au cours des hémopathies lymphoïdes. Le pemphigus paranéo-
plasique (PNP) se manifeste par des lésions cutanéomuqueuses
Ulcérations muqueuses polymorphes, pouvant associer des bulles flasques, un signe de
Nikolsky, des bulles tendues, des lésions lichénoïdes (Fig. 6) et
La présence d’ulcérations muqueuses serait la principale une atteinte muqueuse souvent étendue. Une chéilite lichénoïde,
manifestation dermatologique au cours des syndromes hyperéo- une conjonctivite pseudo-membraneuse, une bronchiolite oblité-
sinophiliques (SHE) myéloïdes et serait de mauvais pronostic [32] . rante sont très évocatrices. Certains auteurs ont proposé le terme
L’histologie montre un infiltrat riche en éosinophiles. Des hémor- de « syndrome paranéoplasique auto-immun multiorgane [34] »
ragies sous-unguéales et des papuloses lymphomatoïdes ont plutôt que de PNP devant le caractère polymorphe des lésions
également été rapportées. Ce SMP survient exclusivement chez cutanées — lichénoïdes, érythème polymorphe-like ou pemphi-
les hommes et est volontiers associé à des cytopénies, une spléno- goïde bulleuse-like —, les atteintes viscérales fréquentes et le taux
mégalie, des événements thromboemboliques, des manifestations élevé de mortalité (estimée à 57 % dans une série récente portant
pulmonaires. Une hypervitaminose B12 et une élévation de la tryp- sur les PNP associés aux hémopathies malignes [35] ) les distin-
tase sont évocatrices. guant des pemphigus profonds et superficiels. La biopsie cutanée
montre volontiers une vacuolisation de la basale et des nécroses
kératinocytaires en plus de l’acantholyse. Le « double marquage »
Dermatoses satellites des hémopathies en immunofluorescence directe (dépôts linéaires d’IgG et de C3
lymphoïdes le long de la jonction dermoépidermique et dépôts intraépi-
dermiques en résille) est également très évocateur. L’étude en
Prurit sine materia immunofluorescence indirecte peut trouver des anticorps antisub-
Un prurit sine materia intense et généralisé peut révéler une stance intercellulaire, y compris sur vessie de rat, et l’immunoblot
maladie de Hodgkin (il serait présent chez 30 % des patients). détecte des anticorps antiplakines [35, 36] . Les principales néopla-
Il est donc indispensable de rechercher, chez tout patient pré- sies associées à ce PNP sont les lymphomes B non hodgkiniens,
sentant un prurit sine materia, une notion d’altération de l’état la maladie de Castleman et la LLC B. Les néoplasies solides sont
général, de la fièvre, des sueurs nocturnes, une polyadénopathie, bien plus anecdotiques. Des dermatoses à dépôts linéaires d’IgA et
une organomégalie. La réalisation d’un bilan minimal devant des épidermolyses bulleuses acquises ont également été rapportées
tout prurit (numération formule sanguine, dosage des lactates- dans ce contexte.
déshydrogénases, radiographie de thorax) semble ainsi nécessaire.
D’autres syndromes lymphoprolifératifs peuvent se manifester Manifestations satellites des syndromes
initialement par un prurit, en particulier les SHE lymphoïdes et
les lymphoproliférations T. hyperéosinophiliques lymphoïdes
Des manifestations cutanées seraient révélatrices d’un SHE lym-
phoïde dans plus d’un tiers des cas [37] . Celles-ci sont extrêmement
Pseudo-réactions aux piqûres d’insectes polymorphes [32] : urticaire superficielle et angio-œdème, derma-
Des dermatoses à éosinophiles ou pseudo-réactions aux piqûres tose eczématiforme parfois érythrodermique, prurigo nodulaire,
d’insectes peuvent être observées, principalement au cours des prurit sine materia. La biopsie cutanée révèle un riche infiltrat éosi-
LLC, mais également au cours d’autres lymphoproliférations B. nophilique devant faire évoquer le diagnostic, qui est confirmé
Il s’agit de lésions papuleuses ou vésiculeuses, prédominant au par une hyperéosinophilie circulante et la présence d’un clone
chef, prurigineuses et évoluant de façon subintrante. La biopsie lymphocytaire T circulant de phénotype anormal.
cutanée montre un infiltrat dermique dense, souvent folliculo-
trope, constitué de lymphocytes T et d’éosinophiles. Un clone B
peut être présent dans la peau. Cette entité, pour laquelle le terme Dermatoses neutrophiliques
de « papulose T associée aux hémopathies B » a récemment été Des DN peuvent être observées chez les patients porteurs d’une
proposé [33] , peut parfois précéder le diagnostic de l’hémopathie. Ig monoclonale. Il s’agit le plus souvent de myélome multiple et
6 EMC - Dermatologie
Dermatoses associées aux hémopathies malignes 98-710-A-10
Figure 7. Purpura des plis de flexion au cours d’une amylose AL (cliché Figure 8. Petites papules couleur chair ou cireuses rétro-auriculaires,
de la photothèque de l’hôpital Saint-Louis, Paris). très évocatrices de scléromyxœdème (cliché de la photothèque de
l’hôpital Saint-Louis, Paris).
EMC - Dermatologie 7
98-710-A-10 Dermatoses associées aux hémopathies malignes
également atteindre, les articulations et le cœur. Le dermato- [8] Vitte F, Fabiani B, Bénet C, Dalac S, Balme B, Delattre C, et al. Spe-
neuro-syndrome fait toute la gravité de la maladie [42] . C’est cific skin lesions in chronic myelomonocytic leukemia: a spectrum of
également le cas de la cutis laxa acquise, se manifestant par une myelomonocytic and dendritic cell proliferations: a study of 42 cases.
peau lâche et fripée en raison d’une élastolyse de tout le derme [43] . Am J Surg Pathol 2012;36(9):1302–16.
Cette élastolyse touche également le tissu bronchopulmonaire et [9] Botros N, Cerroni L, Shawwa A, Green PJ, Greer W, Pasternak S,
peut être responsable de multiples prolapsus viscéraux. et al. Cutaneous manifestations of angioimmunoblastic T-cell lym-
phoma: clinical and pathological characteristics. Am J Dermatopathol
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Conclusion [10] Oishi N, Sartori-Valinotti JC, Bennani NN, Wada DA, He R, Cappel
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clinical, pathological, and immunophenotypic features. J Cutan Pathol
Les manifestations dermatologiques au cours des hémopathies 2019;46(9):637–44.
sont extrêmement variées par leur présentation clinique et leur [11] Thiesen I, Wehkamp U, Brüggemann U, Ritgen M, Murga Penas EM,
mécanisme physiopathologique. Le dermatologue est souvent Klapper W, et al. Skin involvement by chronic lymphocytic leukae-
en première ligne dans la reconnaissance précoce de ces mani- mia is frequently associated with unrelated neoplastic or inflammatory
festations cliniques, qui peuvent permettre de découvrir une cutaneous disease and is not indicative of general disease progression.
hémopathie et d’en modifier la prise en charge thérapeutique. Br J Dermatol 2019;180(1):227–8.
L’apport de l’histologie est essentiel. La collaboration entre derma- [12] Brüggen MC, Valencak J, Stranzenbach R, Li N, Stadler R, Jonak C,
tologue, hématologue et anatomopathologiste est indispensable. et al. Clinical diversity and treatment approaches to blastic plasmacy-
toid dendritic cell neoplasm: a retrospective multicentre study. J Eur
Acad Dermatol Venereol 2020;34(7):1489–95.
[13] Sweet K. Blastic plasmacytoid dendritic cell neoplasm: diagnosis,
8 EMC - Dermatologie
Dermatoses associées aux hémopathies malignes 98-710-A-10
[31] Lelonek E, Matusiak L, Wróbel T, Szepietowski JC. Aquagenic pruri- [37] Ogbogu PU, Bochner BS, Butterfield JH, Gleich GJ, Huss-Marp J,
tus in polycythemia vera: clinical characteristics. Acta Derm Venereol Kahn JE, et al. Hypereosinophilic syndrome: a multicenter, retros-
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[33] Visseaux L, Durlach A, Barete S, Beylot-Barry M, Bonnet N, Chas- monoclonal gammopathy: association with IgA isotype and inflamma-
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C. Lepelletier (clemence.lepelletier@aphp.fr).
J.-D. Bouaziz.
Service de dermatologie, Hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Lepelletier C, Bouaziz JD. Dermatoses associées aux hémopathies malignes. EMC - Dermatologie
2023;25(4):1-9 [Article 98-710-A-10].
EMC - Dermatologie 9
98-725-A-10
Xanthomes
J. Kaikati, F. Stéphan
Résumé : Les xanthomes sont des lésions bénignes de couleur jaune orangé constituées d’un dépôt de
lipides de localisation principalement cutanée ou tendineuse. Histologiquement, il s’agit d’une infiltration
d’histiocytes spumeux chargés en cholestérol et triglycérides. Les xanthomes peuvent être la manifesta-
tion clinique de divers troubles lipidiques primaires ou secondaires, ou d’autres maladies sous-jacentes.
Les xanthomatoses sont classées en deux types : dyslipoprotéinémique et normolipidique. Les xantho-
matoses dyslipoprotéinémiques primitives sont le témoin d’une hyperlipoprotéinémie primitive familiale
ou plus rarement la manifestation d’affections héréditaires exceptionnelles (xanthomatose cérébrotendi-
neuse, sitostérolémie, maladie de Tangier). Les xanthomatoses dyslipoprotéinémiques secondaires sont
d’étiologie variable : néoplasique, hématologique, hépatique, néphrotique, endocrinologique, métabo-
lique ou médicamenteuse. Quant aux xanthomatoses normolipidiques, elles sont rares et nécessitent
des investigations à la recherche de localisations extracutanées et de pathologies associées telles que
des dyscrasies plasmocytaires, des syndromes lymphoprolifératifs ou un diabète insipide. Ces xanthoma-
toses normolipidiques comportent les xanthogranulomes nécrobiotiques, la xanthomatose disséminée de
Montgomery, les xanthomes plans diffus, les xanthogranulomes juvéniles et les xanthomes papuleux. Le
traitement des xanthomes repose essentiellement sur le traitement de l’étiologie dans les formes dysli-
pidémiques. Il existe différentes modalités thérapeutiques chimiques, physiques ou chirurgicales pour le
traitement symptomatique des xanthomes.
© 2023 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
EMC - Dermatologie 1
Volume 25 > n◦ 4 > novembre 2023
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0319(23)43954-4
98-725-A-10 Xanthomes
Xanthomes verruciformes
Ils constituent une forme rare qui se développe principale-
ment dans la cavité buccale d’adultes de la cinquième ou sixième
décennie, avec une prédilection masculine. Il s’agit habituelle-
Figure 2. Xanthomes tubéreux. Figure partagée après l’autorisation de ment d’une lésion solitaire, bien circonscrite, asymptomatique,
H. Adamski et D. Bligny (service de dermatologie CHU de Rennes). érythémateuse ou jaune brun, de 3 à 20 mm de diamètre, par-
fois papillomateuse ou ulcérée, qui se développe au niveau de la
gencive. Les patients sont normolipidémiques. Le diagnostic dif-
principalement par des lésions osseuses présentes dans environ férentiel clinique comprend les verrues virales, la leucoplasie et le
95 % des cas. La base génétique de cette maladie concerne la carcinome spinocellulaire [8] .
voie RAS-MEK-ERK avec, dans 50 % des cas, une mutation BRAF- Les xanthomes verruciformes de la peau, qui sont extrêmement
V600E. Le diagnostic de la maladie d’Erdheim-Chester repose sur rares, ont été décrits à divers endroits. La localisation anogénitale a
des caractéristiques cliniques, radiologiques et histopathologiques cependant été la plus rapportée. En dehors des muqueuses, le xan-
typiques. Le pronostic dépend de l’étendue de l’atteinte systé- thome verruciforme se présente généralement comme un nodule
mique, en particulier de l’atteinte neurologique [4] . gris ou rosé, ou comme une plaque à surface verruqueuse. Il est
caractérisé par sa chronicité, son évolution bénigne, et l’absence
de récidive après excision locale [9] .
Xanthomes éruptifs Des xanthomes verruciformes ont été décrits en associa-
Ils sont caractérisés par une éruption brutale de papules jau- tion avec un lupus érythémateux discoïde, un lichen scléreux,
nâtres de 1 à 4 mm de diamètre entourées d’un halo érythémateux, un lichen plan, une épidermolyse bulleuse, une hémidyspla-
disposées volontiers au niveau des fesses, de la partie postérieure sie congénitale avec syndrome d’érythrodermie ichtyosiforme et
des cuisses, des coudes et de la région lombaire. Les xanthomes de malformations des membres (syndrome CHILD : congenital
éruptifs sont liés à une hypertriglycéridémie sévère (triglycé- hemidysplasia, ichthiosiform nevus, limb defects) [10, 11] , et en compli-
rides [TG] > 11,2 mmol/l) et peuvent être le signe annonciateur cation d’un lymphœdème chronique [12] .
d’une hyperchylomicronémie. L’éruption survient généralement
3 semaines après l’augmentation du taux de TG plasmatiques [2] .
Particularités
Xanthomes tubéreux anatomopathologiques
Les xanthomes tubéreux sont des nodules jaunâtres, de 3 mm à
L’examen histopathologique révèle le plus souvent la présence
plusieurs centimètres de diamètre, qui se trouvent dans le derme
de fibroblastes, d’histiocytes qualifiés de spumeux et parfois de
et le tissu sous-cutané. Ils apparaissent généralement sur la peau
cellules géantes multinucléées de Touton. On les trouve majo-
en périarticulaire, ou sur les fesses (Fig. 2). Les patients atteints
ritairement au niveau du derme réticulaire. Les lipides peuvent
d’hypercholestérolémie autosomique dominante, de dysbêtalipo-
être reconnus en lumière polarisée sous la forme de cristaux biré-
protéinémie familiale, de bêtasitostérolémie ou de xanthomatose
fringents. Des colorations (noir Soudan, O red oil) permettent
cérébrotendineuse sont sujets à développer des xanthomes tubé-
de confirmer la nature lipidique des dépôts intracellulaires. La
reux [2] .
coloration noir Soudan est utilisée sur prélèvement congelé mais
ne peut pas être utile sur prélèvement fixé au formol tamponné.
Xanthomes tendineux L’utilisation de ces colorations reste limitée en routine. La teneur
en TG ou en cholestérol dépend non seulement de l’âge de
Ils se présentent sous la forme de nodules ou de fuseaux durs la lésion xanthomateuse mais diffère aussi selon le sous-type
mais mobiles, recouverts de peau normale. Ils infiltrent les ten- clinique. De manière générale, les xanthomes s’accompagnent
dons, les sites d’insertion tendineuse, les ligaments, les fascias initialement d’une réaction inflammatoire qui est suivie de
2 EMC - Dermatologie
Xanthomes 98-725-A-10
Tableau 1.
Formes cliniques de xanthomes, particularités histologiques et association aux hyperlipidémies primaires [12] .
Type de xanthome Xanthélasma Xanthome éruptif Xanthome tubéreux Xanthome Xanthome plan Xanthome
tendineux disséminé verruciforme
Cause IIa I IIa IIa Aucune Aucune
d’hyperlipidémie IIb IV IIb IIb
primaire associée V III III
IV IV
Localisation Derme superficiel Derme réticulaire Derme réticulaire et Derme réticulaire et Derme superficiel Anomalies
histologique superficiel hypoderme hypoderme dermoépidermiques
Particularités Macrophages Lésions précoces : Lésions précoces : Lésions précoces : Fibrose minime Acanthose massive
histologiques Spumeux dans le nombreux cellules histiocytes, Similitudes avec le mais régulière,
derme superficiel, histiocytes xanthomateuses lymphocytes et xanthogranulome papillomatose
autour des vaisseaux Lésions tardives : prédominantes neutrophiles, aspect nécrobiotique variable,
sanguins et des cellules spumeuses Lésions tardives : biréfringent des parakératose et
annexes caractéristiques fibrose dans le dépôts à la lumière hyperkératose
prédominantes derme réticulaire et polarisée Neutrophiles et
parfois dans Lésions tardives : débris
l’hypoderme fibrose dans le neutrophiliques
derme réticulaire et dans la couche
parfois dans cornée
l’hypoderme Élargissement des
crêtes épidermiques
avec nécrose
kératinocytaire
centrale
l’apparition d’histiocytes spumeux, puis d’une fibrose séquel- 10 à 100 fois du taux de TG circulants. Il s’agit d’une maladie rare,
laire [13] . Les particularités histologiques des sous-types cliniques qui touche une personne sur un million, de transmission auto-
sont présentées dans le Tableau 1. somique récessive. Des mutations de la lipoprotéine-lipase (LPL)
entraînent une accumulation de chylomicrons plasmatiques, res-
ponsables d’une hypertriglycéridémie [15, 16] . Les patients atteints
Physiopathologie d’hyerchylomicronémie présentent des défauts héréditaires quan-
titatifs ou qualitatifs de la LPL. Ces mutations concernent le
Le développement des xanthomes débute par une extravasation gène de la production de la LPL ou des gènes liés à la fonc-
locale accrue de lipides à travers la paroi vasculaire vers l’espace tion de la LPL, qui comprennent, entre autres, APOC2, APOA5,
interstitiel des tissus conjonctifs. Les monocytes et les macro- GPIHBP1 et LMF1 [17] . De nombreuses mutations restent incon-
phages internalisent les particules lipidiques par phagocytose ou nues. Des études génétiques sont disponibles et peuvent confirmer
par des récepteurs spécifiques. Ainsi se forment les cellules spu- les diagnostics dans des situations particulières. Cette maladie est
meuses. Les situations qui favorisent cette cascade d’événements caractérisée par des xanthomes éruptifs, une lipémie rétinienne,
sont : les concentrations locales élevées de lipides dans le tissu une hépatosplénomégalie et des épisodes de pancréatite. La plu-
conjonctif, la présence de lipoprotéines qualitativement diffé- part des patients se présentent dans la très petite enfance ou au
rentes à des concentrations normales, une extravasation accrue début de l’âge adulte, mais la maladie peut s’annoncer à tout
de lipides (par augmentation de la perméabilité vasculaire ou par âge. Pour poser le diagnostic, le taux de TG doit être supérieur
inflammation chronique), la synthèse de lipides in situ et leur à 880 mg/dl sur trois prises de sang consécutives, avec peu/pas
dépôt dans les histiocytes, et le dysfonctionnement du transport d’efficacité des traitements hypolipémiants standards. Le régime
inverse du cholestérol [2] . restrictif en graisses demeure le meilleur moyen de contrôler la
maladie [16] .
Étiologies
Certaines formes cliniques de xanthome sont évocatrices d’une
étiologie (Tableau 1). Habituellement, le bilan lipidique permet de
“ Point fort
distinguer les xanthomatoses dyslipoprotéinémiques des xantho-
matoses normolipidiques. Profil lipidique dans l’hyperchylomicronémie
(type I selon la classification de Fredrickson)
• Cholestérol total élevé en raison de la présence de cho-
Xanthomatoses dyslipoprotéinémiques lestérol dans les chylomicrons
• TG supérieurs à 880 mg/dl
Elles peuvent être primitives (familiales) ou secondaires.
• Cholestérol à lipoprotéines de base densité (LDL-C) bas,
Dyslipoprotéinémies primitives inférieur à 70 mg/dl
• Cholestérol à lipoprotéines de haute densité (HDL-C)
Depuis les années 1960, la classification de Fredrickson a per-
bas, inférieur à 40 mg/dl
mis de définir les principales classes de dyslipidémies familiales.
• Apolipoprotéine B (apo B) 100 basse ou normale
Elle repose sur des profils lipoprotéiques anormaux et distincts.
• Sérum lactescent
Cette classification demeure un outil potentiellement utile pour
décrire les différents phénotypes de ces troubles lipidiques malgré
les avancées génétiques et moléculaires [14] .
Hyperchylomicronémie (type I) Hypercholestérolémie de type IIa
L’hyperchylomicronémie familiale, également appelée hyperli- L’hypercholestérolémie familiale (HF) est une maladie autoso-
poprotéinémie de type 1 ou déficit en lipoprotéine-lipase (LPLD), mique dominante caractérisée par un taux élevé de cholestérol
est une dyslipidémie génétique caractérisée par une élévation de total et de LDL-C, un taux légèrement abaissé de HDL-C et des
EMC - Dermatologie 3
98-725-A-10 Xanthomes
concentrations normales de TG. Il s’agit d’un déficit partiel ou enrichies en cholestérol, due à l’altération de la clairance hépa-
total des récepteurs aux LDL provenant de mutations du gène tique des VLDL et des chylomicrons médiés par l’apo E. Un défaut
responsable du récepteur du LDL-C apo B/E ou apo B-100. Envi- de l’apo E2/E2 est le facteur causal majeur. Les défauts de cette
ron 70 à 95 % des cas d’HF résultent de mutation hétérozygote de protéine responsables des concentrations élevées de particules
l’un des trois gènes (APOB, LDLR, PCSK9). L’hypercholestérolémie résiduelles (y compris les lipoprotéines de densité intermédiaire
familiale peut être homozygote ou hétérozygote. La forme hétéro- [IDL]), sont hautement athérogènes et conduisent au développe-
zygote a une prévalence de 1/500 tandis que la forme homozygote ment de xanthomes palmaires pathognomoniques de la maladie.
a une prévalence de 1/1 million [18] . La plupart des personnes Les xanthomes tubéroéruptifs sont, néanmoins, les xanthomes les
atteintes de HF homozygote présentent une coronaropathie plus fréquemment observés dans ce type de dyslipidémie. La dys-
sévère durant la deuxième décennie. Sur le plan clinique, elle est lipidémie de type III est généralement cliniquement silencieuse
caractérisée par des xanthomes (xanthomes tendineux, tubéreux, dans la population pédiatrique. Les premières manifestations
palpébraux et parfois plans interdigitaux), des arcs cornéens, et apparaissent à 20 ans.
par des maladies cardiovasculaires survenant à un jeune âge. L’HF
serait responsable de 2 à 3 % des infarctus du myocarde chez les
moins de 60 ans [19] . Le diagnostic de HF peut également être éta-
bli par l’identification d’une mutation pathogène de l’un des trois
gènes. “ Point fort
Profil lipidique de la dysbêtalipoprotéinémie
(type III selon la classification de Fredrickson)
“ Point fort • Cholestérol total élevé
• TG très élevés
• LDL-C élevé
Profil lipidique dans l’hypercholestérolémie de • HDL-C bas
type IIa selon la classification de Fredrickson • IDL-C élevé
• Cholestérol total supérieur à 310 mg/dl chez un adulte, • Sérum lactescent
cholestérol total supérieur à 230 mg/dl chez un enfant
• TG normaux
• LDL-C élevé, supérieur à 190 mg/dl chez un adulte,
supérieur à 160 mg/dl chez un enfant Hypertriglycéridémie de type IV [23]
• HDL-C bas Connue sous le nom d’hypertriglycéridémie familiale, cette
• Apo B-100 élevée maladie comporte une élévation isolée des VLDL produits par
• Sérum clair le foie. Ce phénotype est relativement fréquent. La transmis-
sion est autosomique dominante. La résistance à l’insuline
peut diminuer l’activité de la LPL et contribuer davantage
à l’hypertriglycéridémie augmentant le risque de pancréatite
Hyperlipidémies mixtes aiguë. Les taux normaux de LDL permettent de distinguer
Elles regroupent le type IIb et le type III. l’hyperlipidémie de type IV de celle de type IIb. Dans
Hyperlipidémie combinée (type IIb) [20, 21] . Elle est géné- l’hypertriglycéridémie familiale, les TG sont transportés dans
ralement causée par une hyperlipidémie combinée familiale, le plasma principalement par les VLDL, alors que dans
entraînant des concentrations élevées de LDL et de lipoprotéines l’hyperlipidémie de type I, les taux élevés de TG résultent
de très basse densité (VLDL). Elle associe les formes IIa et IV. Le de l’accumulation de chylomicrons. Bien que les VLDL trans-
profil lipidique de cette maladie est athérogène : hypercholesté- portent de l’apo B et soient considérées comme athérogènes,
rolémie avec LDL petites et denses, HDL-C bas, taux élevé de TG l’augmentation du risque de maladie cardiovasculaire liée à
et concentrations élevées d’apo B. On parle de « triade lipidique l’hypertriglycéridémie familiale est modeste compte tenu des taux
athérogène ». Sa prévalence est de 1/200 naissances. La dyslipi- normaux de LDL et d’apo B. Cependant, cette dyslipidémie est
démie de type IIb est souvent associée au diabète de type 2, au associée à l’obésité et au diabète qui participent à l’augmentation
syndrome métabolique et à l’insuffisance rénale chronique (IRC). du risque cardiovasculaire. Sur le plan cutané, des xanthomes
Les patients présentant ce type de dyslipidémie ont un risque élevé éruptifs peuvent être observés, mais sont rares par rapport aux
de coronaropathie. La pathogénie découle d’une augmentation de dyslipidémies hyperchylomicronémiques.
la production hépatique de VLDL, bien que les mécanismes exacts
contribuant à la surproduction de VLDL ne soient pas encore
clairs.
“ Point fort
“ Point fort Profil lipidique de l’hypertriglycéridémie familiale
(type IV selon la classification de Fredrickson)
• Cholestérol total élevé
Profil lipidique dans l’hyperlipidémie de type IIb • TG très élevés
selon la classification de Fredrickson • LDL-C normal
• Cholestérol total élevé • HDL-C normal
• TG élevés • Apo B-100 normale ou basse
• LDL-C élevé, LDL petites et denses • Sérum lactescent
• HDL-C bas
• Apo B-100 élevée
• Sérum clair
Hypertriglycéridémie combinée de type V
Il s’agit d’une élévation combinée de VLDL et des chylomi-
crons. Les mécanismes génétiques à l’origine de cette affection
Dysbêtalipoprotéinémie (type III) [22] . Ce type de dyslipi- résultent d’une combinaison des mutations responsables de dys-
démie est caractérisé par l’accumulation de particules résiduelles lipidémies de types I et IV. Généralement, cette maladie survient
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à l’âge adulte avec une fréquence de 1 sur 1 000. Le diag- des taux élevés de LDL-C et de phytostérols (sitostérol, campesté-
nostic d’hyperlipoprotéinémie de type V est considéré comme rol, stigmastérol). Les taux sériques de sitostérol sont supérieurs
définitif si les deux conditions suivantes sont rencontrées : la ou égaux à 1 mg/dl ; ils peuvent être mesurés par chromatogra-
mise en évidence d’une augmentation des VLDL en plus de phie. Le traitement repose principalement sur un régime pauvre
l’hyperchylomicronémie et l’absence de déficit en LPL, de déficit en phytostérols. Un traitement par ézétimibe permet de diminuer
en apo C-II ou d’anomalie de l’apolipoprotéine E. Les mani- les taux de lipides et d’augmenter la tolérance quotidienne aux
festations cliniques comportent des xanthomes éruptifs, une phytostérols alimentaires. La combinaison du traitement médi-
hépatosplénomégalie, une lipémie rétinienne et des douleurs épi- cal au régime alimentaire a permis une amélioration des signes et
gastriques récurrentes avec ou sans pancréatite. Les taux de TG des symptômes, la réduction des taux de cholestérol total et LDL,
à jeun dépassent 1 000 mg/dl, avec une augmentation du cho- la réduction de la taille et du nombre des xanthomes, voire leur
lestérol total et des concentrations basses de cholestérol LDL et résolution complète [29] .
HDL [23] . Maladie de Tangier. C’est une maladie autosomique récessive
caractérisée par un taux sérique de HDL-C bas, le plus souvent
inférieur à 5 mg/dl dans les atteintes bialléliques. Il s’agit d’une
mutation du gène ATP-binding cassette transporter A1 (ABCA1), qui
“ Point fort joue un rôle clé dans la génération des particules HDL à partir
du cholestérol et des phospholipides cellulaires [30] . Les signes
cliniques sont secondaires à l’accumulation de cholestérol dans
Profil lipidique de l’hypertriglycéridémie combi- les organes : amygdales pharyngées de couleur orangée, hépa-
née de type V selon la classification de Fredrickson tosplénomégalie, opacité cornéenne, neuropathie périphérique et
• Cholestérol total élevé parfois xanthomes cutanés et profonds. Il est possible d’observer
une thrombocytopénie et des altérations de la morphologie et de
• TG très élevés (> 1 000 mg/dl)
la fonction plaquettaire. La concentration sérique de HDL-C est
• LDL-C normal ou bas inférieure à 25 mg/dl et celle d’apo A-I est inférieure à 20 mg/dl.
• HDL-C normal ou bas Il existe par ailleurs une hypertriglycéridémie. Bien que les taux
• Apo B-100 normale ou basse de LDL-C soient relativement bas, cette maladie s’accompagne
• Sérum lactescent d’évènements cardiovasculaires prématurés [31] . Il n’existe aucun
traitement curatif actuellement disponible.
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Tableau 2.
Indications, avantages et inconvénients des traitements du xanthélasma.
Traitement topique Indications Avantages Inconvénients
Exérèse chirurgicale – Association à une hyperlipidémie – Moins de risques de déformation – Nécessité d’une anesthésie
primaire des paupières générale ou locale
– Atteinte des quatre paupières – Meilleure tolérance de la – Cicatrice parfois visible
– Formes récidivantes cicatrice – Ectropion
– Lésions du derme profond ± atteinte – Taux de récidive réduit – Troubles pigmentaires
du muscle, de hauteur ≥ 5 mm, de séquellaires
consistance dure et de durée d’évolution
≥ 1 an ou avec blépharochalasis
Lasers – Localisation superficielle – Absence de saignement – Cicatrices et troubles
– Mauvais candidats pour l’exérèse – Peu d’inflammation pigmentaires séquellaires (hypo
chirurgicale : patients sous périlésionnelle et de douleur ou hyperpigmentation
anticoagulants, ou personnes âgées avec – Faible risque d’infection superficielle)
laxité cutanée et risque accru d’ectropion secondaire – Érythème persistant
– Lésions limitées au derme superficiel, – Plus grande tolérance – Brûlures graves
de hauteur ≤ 5 mm, de consistance – Perte minimale de tissus – Lésions cornéennes ou
molle, et de durée d’évolution ≤ 1 an – Bons résultats fonctionnels et perforation oculaire
cosmétiques – Coût élevé
– Résultats reproductibles
Radiofréquence – Lésions de zones délicates (à proximité Facile, sûre, rapide, peu coûteuse – Douleur, prurit, brûlure, œdème
des yeux) et érythème
– Lésions limitées au derme superficiel, – Hypo et hyperpigmentations
de hauteur ≤ 5 mm, de consistance séquellaires
molle, et de durée d’évolution ≤ 1 an – Ectropion
– Lésions multiples ou en plaques avec – Faible niveau de preuve
des bords mal définis
Acide trichloroacétique (TCA) – Plus efficace pour les petites lésions Simple et peu coûteux – Hyper et hypopigmentations
– Lésions limitées au derme superficiel, post-inflammatoires
de hauteur ≤ 5 mm, de consistance – Irritation et douleur
molle, et de durée d’évolution ≤ 1 an – Cicatrice et atrophie
– TCA à 100 % pour lésions – Ectropion
papulonodulaires
– TCA à 70 % pour le xanthélasma en
plaques.
– TCA à 50 % pour les lésions maculeuses
Cryothérapie Lésions limitées au derme superficiel, de – Séances relativement indolores – Plusieurs séances nécessaires
hauteur ≤ 5 mm, de consistance molle, – Efficacité – Hyper et hypopigmentations
et de durée d’évolution ≤ 1 an –Résultats acceptables d’un point post-inflammatoires
de vue cosmétique – Œdème et possible formation de
– Peu de complications majeures bulles
Pingyangmycine Non établies spécifiquement – Peu de dommages des tissus – Œdème temporaire accompagné
périlésionnels d’un léger prurit
– Caractère peu invasif, abordable – Hypopigmentation persistante
et rentable
– Bonne récupération
Statines LDL-C à atteindre. Ces taux sont d’autant plus bas que le risque
Mécanisme d’action. Il consiste en l’inhibition de l’étape cardiovasculaire du patient est élevé [83] .
limitante de la biosynthèse du cholestérol en inhibant Effets indésirables (Annexe A). Bien que les statines soient
l’enzyme hydroxy-3-méthyl glutaryl coenzyme A-réductase généralement très bien tolérées, elles ont quelques effets indési-
(HMG-CoA-réductase). La réduction du cholestérol intracellu- rables spécifiques sur les muscles, la régulation du métabolisme
laire favorise l’expression accrue du récepteur des LDL à la du glucose et les accidents vasculaires cérébraux hémorragiques.
surface des hépatocytes. Cela permet une augmentation de
l’absorption des LDL par le foie, une diminution des concen- Inhibiteurs de l’absorption du cholestérol (Annexe B)
trations plasmatiques de LDL et d’autres lipoprotéines porteuses L’ézétimibe inhibe l’absorption intestinale du cholestérol ali-
d’apo B. mentaire et biliaire au niveau de la bordure en brosse de l’intestin
Effet sur le LDL-C. La réduction du taux de LDL dépend de la par action sur la protéine Niemann-Pick C1-like 1 (NPC1L1). La
nature et de la dose de la statine administrée. Les statines les plus quantité de cholestérol délivrée au foie est donc réduite. Le foie
puissantes sont l’atorvastatine, la rosuvastatine et la pitavastatine. réagit en augmentant l’expression du récepteur des LDL, ce qui
Un traitement est qualifié d’« intensité élevé » s’il réduit le taux entraîne une augmentation de la clairance des LDL dans le sang.
de LDL de plus de 50 %. Il est dit d’« intensité modérée » si le taux
de LDL est réduit de 30 à 50 %. Séquestrants d’acides biliaires (Annexe C)
Effet sur les TG. Les statines réduisent généralement les taux Les acides biliaires sont synthétisés dans le foie à partir du cho-
de TG de 10 à 20 % par rapport aux valeurs initiales. lestérol et libérés dans la lumière intestinale, puis réabsorbés selon
Effet sur les HDL. Les élévations des taux de HDL varient en le cycle entérohépatique. La cholestyramine et le colestipol sont
fonction de la dose des différentes statines ; ces élévations étaient tous deux des résines d’échange se liant aux acides biliaires. Les
comprises entre 1 et 10 % [83] . médicaments de cette classe empêchent la réabsorption des acides
Selon les recommandations de l’European Society of Cardio- biliaires et du cholestérol dans le sang. Le foie, appauvri en bile,
logy/European Atherosclerosis Society (ESC/EAS) de 2019, les augmente la demande hépatique en cholestérol et l’expression
projets thérapeutiques dépendent du niveau de risque cardiovas- du récepteur des LDL, ce qui entraîne une diminution des LDL
culaire. Les objectifs thérapeutiques se définissent par les taux de circulantes.
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Département de dermatologie et vénérologie, Université Saint-Joseph, Rue de Damas, BP 17-5208 – Mar Mikhaël, 1104 2020 Beyrouth, Liban.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Kaikati J, Stéphan F. Xanthomes. EMC - Dermatologie 2023;25(4):1-13 [Article 98-725-A-10].
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