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PRATIQUE

L. Toutous-Trellu
L. Borradori
[ Prurit du sujet âgé
Le prurit est un signe fonctionnel fréquent investigations complémentaires. Malgré les
chez le sujet âgé. Souvent favorisé par les progrès dans la compréhension des mécanis-
changements physiologiques cutanés lors du mes physiopathologiques du prurit, la prise
vieillissement entraînant une xérose cutanée, en charge de ce symptôme pouvant s’accom-
la recherche d’une dermatose spécifique, pagner d’une importante morbidité, s’avère
d’une cause interne, d’une étiologie médica- souvent très difficile, et justifie parfois une
menteuse ou de facteurs psychologiques, est approche multidisciplinaire. Le choix du trai-
néanmoins importante. Cette recherche re- tement, topique ou systémique, dépend es-
pose essentiellement sur la base de l’anam- sentiellement du diagnostic étiologique et du
nèse, de l’examen clinique et de quelques contexte clinique.

Mots-clés : Introduction sonnes âgées. Cette sécheresse a été longtemps


쐌 prurit impliquée dans le déclenchement de la sensation
e prurit est une sensation cutanée provo- du prurit. Néanmoins, il n’y a pas de corrélation
쐌 personnes âgées

L quant l’envie de se gratter. Cette sensation


particulière, parfois localisée, parfois diffu-
se, de démangeaison constitue une des plaintes
significative entre l’état de la barrière cutanée, de
l’hydratation cutanée ou de la perte d’eau trans-
épidermique avec l’intensité du prurit.3,4
et motifs de consultation les plus fréquents en
dermatologie, surtout chez la personne âgée.1-4
Le prurit peut s’accompagner de lésions cuta- Différents types de prurit :
nées secondaires et de retentissements psy- classification
chiques importants. Il est à différencier du pru-
rit dû à des dermatoses prurigineuses spéci- Sur le plan étiologique, quatre catégories
fiques (tableau 1). Le prurit est également à dis- principales de prurit ont été définies :3,4,7
tinguer de la sensation de la douleur, autre 1. le prurit pruritoceptif. Dans cette forme, la
symptôme parfois difficile à différencier, dont le sensation de prurit est essentiellement transmi-
mécanisme est proche, mais n’entraînant pas un se par les fibres nerveuses C amyélinisées ;
besoin de se gratter. 2. le prurit neuropathique. Il résulte d’une attein-
Le but de cette brève revue est de discuter te des fibres nerveuses afférentes entre la peau,
du prurit chronique survenant chez les sujets le tractus spino-thalamique, jusqu’au cortex
âgés, un problème fréquent dans l’activité quo- cérébral ;
tidienne du praticien. Les mécanismes patho- 3. le prurit neurogénique. Dans ce cas, le prurit est
physiologiques du prurit, les démarches à entre- d’origine neurologique central, lié plus ou
prendre pour le diagnostic étiologique et les moins directement avec des anomalies des cen-
principes de la prise en charge thérapeutique tres corticaux du prurit ;
sont discutés. 4. le prurit psychogène. Il représente dans ce cas
un diagnostic d’élimination. Seul le traitement
de l’affection psychiatrique sous-jacente per-
Itch in the elderly Dimension du problème. mettrait une amélioration du prurit.
Itching is a very common
symptom in the elderly and has
Données épidémiologiques Cette classification, qui repose sur des critè-
res anatomiques et fonctionnels, facilite la dé-
a significant impact on the
e prurit constitue une cause fréquente de marche étiologique et la prise en charge des ma-
quality of life. Although in most
cases, itch appears to be
related to the senile xerosis, it
is important also in the elderly
to exclude an underlying
L consultation chez les personnes âgées après
65 ans.1-4 Dans une étude rétrospective por-
tant sur 149 malades avec une moyenne d’âge
lades. En outre, elle est également utile pour
apprécier l’efficacité des traitements. Néanmoins,
dans certaines situations, comme dans le cas du
de 70 ans, la présence d’une dermatose prurigi- prurit du sujet âgé, le prurit semble refléter plu-
systemic cause, psychological
factors as well as drug-induced neuse avait motivé, dans environ 40% des cas, sieurs mécanismes physiopathologiques. Les
pruritus. Evaluation of pruritus un avis diagnostique et thérapeutique.5 Parmi médiateurs impliqués dans le déclenchement
must include a careful history, ces malades, presque la moitié souffrait appa- du prurit incluent un vaste groupe de molécules:
thorough clinical examination remment d’un prurit «sénile» associé à une neuropeptides (exemple : substance P), tryptase,
and according to the context,
certain laboratory tests,
xérose importante. Dans un autre travail, 30 à opioïdes, histamine, endothéline, prostaglandi-
including full blood cell count, 60% des personnes âgées ont signalé au moins un nes, sérotonine et leucotriènes. Elles intervien-
chemistry profile and chest épisode de prurit intense au cours d’une semaine nent à différents niveaux : dans la peau, le sys-
radiograph. Management d’observation.6 tème nerveux périphérique et/ou le système
depends on the involved Le prurit du sujet âgé est le plus souvent lié nerveux central.3,4,7 Récemment, la perception
triggering factors and
underlying disorders. aux changements physiologiques cutanés lors du de la sensation du prurit au niveau de la peau a
vieillissement entraînant une xérose cutanée par- été corrélée avec les modifications fonctionnel-
Med Hyg 2004 ; 62 : 492-7 fois importante, retrouvée chez 30 à 60% des per- les au niveau du cortex. Les régions stimulées

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bain ou repas) sont à préciser. La présence de


Principales dermatoses signes cutanés non spécifiques de grattage
prurigineuses (stries linéaires de grattage, excoriations, liché-
쐌 Dermatite atopique nification, papules excoriées, usure des ongles,
쐌 Eczéma de contact disparition des poils cassés…) est à noter (fig. 3
쐌 Lichen et 4).1-4 Des questionnaires visant la caractérisa-
쐌 Urticaire tion du prurit et de son intensité ont été récem-
쐌 Dermatoses bulleuses ment développés et validés.3,4 Sur le plan pra-
auto-immunes tique, un critère de gravité facilement utilisable est
쐌 Dermatoses prurigineuses celui d’un éventuel retentissement du prurit sur le
de la grossesse sommeil. En effet, un trouble du sommeil témoi-
쐌 Mastocytose
gne d’un prurit sévère.
쐌 Ectoparasitose
La recherche d’éventuelles lésions cutanées
쐌 Prurigo
dermatologiques primaires pas encore modifiées
par le grattage est essentielle. Dans ce cas, un
Prurits par agents irritants avis dermatologique spécialisé permettra de poser
externes le diagnostic d’une dermatose spécifique (par
쐌 Laine de verre
Fig. 1. Régions stimulées par la sensation de grattage induite exemple : eczéma, lichen, psoriasis, urticaire…)
쐌 Détergents, savons
par l’histamine sur la peau. responsable du prurit. Certaines constellations
쐌 Hydrocarbures D’après Mochizuki et coll. 8 sont classiques et permettent de poser sans
쐌 Eruption des baigneurs Imagerie par PET scan avec mesure du flux sanguin cérébral. Aires
anatomiques de Broadmann : BA*6 : cortex prémoteur droit ; BA7 : délai un diagnostic étiologique. En présence
en mer cortex pariétal postérieur droit ; BA40 : cortex pariétal antérieur
droit ; BA46 : cortex préfrontal dorsolatéral ; BA24 : cortex cingulai-
d’un prurit s’exacerbant la nuit, la découverte
re gauche. de croûtes et vésicules dans les espaces interdi-
Prurits dus à l’environne-
gitaux de la main, du poignet, de la région scro-
ment naturel
쐌 Changements de tempé-
par la sensation de grattage induite par l’hista- tale ou péri-mamelonnaire oriente immédiate-
mine sur la peau ont été visualisées au niveau ment vers une gale. Des lentes adhérentes du
rature, d’humidité
des centres cérébraux par tomographie d’émis- cuir chevelu ou autres zones pileuses doivent
sion de positrons avec mesure du flux sanguin faire évoquer une pédiculose. Même si la pré-
Prurits du sujet âgé
쐌 Sécheresse cutanée
cérébral (fig. 1 et 2).8,9 sentation clinique des ectoparasitoses peut être
provoquée ou entretenue parfois trompeuse (par exemple : gale norvé-
par les savons et les gienne sans prurit), elles doivent être discutées
antiseptiques
Orientation diagnostique devant chaque fois que l’entourage du malade (famille,
쐌 Rôle des facteurs un prurit du sujet âgé personnel soignant) développe la même symp-
psychiques tomatologie.
’interrogatoire du malade, si réalisable, et
Prurits psychogènes avec
lésions cutanées L l’examen clinique sont des éléments pri-
mordiaux pour l’orientation étiologique. La
survenue du prurit (heure du jour, fluctuations
Evaluation du prurit
pendant la journée), sa topographie, l’existence es étiologies potentielles du prurit sont nom-

L
Tableau 1. Prurits «dermatologi-
ques» selon Lorette et Vaillant.2
de facteurs déclenchants (par exemple : douche, breuses. La cause du prurit doit être recher-
chée, soit dans une maladie interne, par exem-
ple troubles hématologiques, troubles endocri-
Fibres inhibitrices Fibres spinothalamiques
niens, insuffisance rénale ou hépatique, soit à la
descendantes ascendantes suite de prises médicamenteuses, le contact avec des
agents externes, voire finalement des dermatoses
spécifiques (tableaux 2 et 3).1-4
Tandis que chez le sujet jeune la présence
d’un prurit chronique conduit dans la majorité
Ganglion
rachidien
dorsal
Prurit

Douleur

Fig. 2. Neurophysiologie du prurit.


Schéma modifié d’après la réf. 2.
Les fibres C non myélinisées responsables de la sensation prurigineuse et celles de la douleur partent de la peau.
L’information sur le prurit et la douleur est transmise vers le système nerveux central par deux voies distinctes via le
tractus spinothalamique latéral. Fig. 3. Excoriations avec stries de grattage.

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Affections Hyperthyroïdie (60%)


endocriniennes Hypothyroïdie (?)
Hyperparathyroïdie (?)

Affections Déficit en fer (?)


hématologiques Polycythémie (48%)
Myélome multiple (?)
Lymphome de Hodgkin (30%),
Lymphomes non hodgkiniens (?)
Mastocytose (?)
Leucémies (?)

Affections Insuffisance rénale chronique


rénales (25-85%)

Affections Cirrhose biliaire primitive (100%)


hépatiques Cholestase avec ictère (25%):
hépatite chronique, pancréatite
chronique

Affections Accidents vasculaires


neurologiques cérébraux (?)
Fig. 4. Lésions de prurigo subaigu (A) et prurigo chronique (B) avec lésions papulo-vésiculeuses et nodu-
les excoriés associés à un prurit chronique. Tumeurs cérébrales (?)
Sclérose en plaques (?)
des cas à la réalisation d’un bilan étendu afin
d’en déterminer la cause précise, chez la per- Affections Syndrome de Sjogren (?)
sonne âgée, il est classique d’attribuer ce pro- rhumatologiques Dermatomyosite (35-40%)
blème aux changements physiologiques cutanés
lors du vieillissement. Néanmoins, il est impor- Paranéoplasies Tumeur viscérale (?)
tant également chez les personnes âgées d’évoquer la
possibilité d’une cause interne ou dermatologique spéci- Infections VIH (11-46%)
fique. En l’absence de lésion cutanée spécifique, Hépatite C (4%)
le bilan d’un prurit généralisé requiert et justifie Parasitose
la recherche systématique de certaines patholo- Creutzfeldt-Jakob
gies. Le tableau 4 résume le bilan complémen-
taire minimal à pratiquer, qui doit être appro- Affections Psychose
fondi en fonction du contexte et de l’anamnè- psychiatriques Dépression
se.2-4,10 Anorexie nerveuse (58%)
Il faut souligner que la prévalence du prurit
Tableau 2. Maladies systémiques ou internes pouvant s’ac-
au cours de la majorité des maladies systémiques compagner de prurit avec estimation de leur prévalence.3,4
est souvent mal connue, en l’absence d’études
contrôlées prospectives (tableau 2).3,4 Il est par
conséquent difficile de donner des indications humidité, hiver).
concernant une démarche diagnostique appuyée En présence d’un prurit chez la personne
par des évidences, et dont le rapport coût/béné- âgée, il est important, surtout si l’interrogatoire
fice est bien établi. et l’examen clinique ne permettent pas une
première orientation étiologique, d’exclure une
쐌 Opiacés pemphigoïde bulleuse, une dermatose bulleuse
쐌 Aspirine Principales causes de prurit auto-immune.11 La pemphigoïde bulleuse dé-
쐌 Chloroquine rencontrées chez le sujet âgé bute fréquemment par un prurit, pouvant être
쐌 Inhibiteurs de l’enzyme féroce, voire insomniant, associé parfois à des
de conversion
Origines dermatologiques (pruritoceptives) placards d’aspect eczématiforme ou urticarien,
de l’angiotensine
particulières au sujet âgé qui peuvent rester longtemps la seule manifes-
쐌 Amiodarone tation de la maladie. Après des semaines, voire
쐌 Bléomycine La xérose représente vraisemblablement la des mois, l’éruption bulleuse caractéristique
쐌 Isotrétinoïne cause la plus fréquente favorisant la survenue peut se développer. Cette affection est associée
쐌 Sels d’or d’un prurit chez le sujet âgé. Cette xérose est à la présence d’auto-anticorps dirigés contre des
쐌 Interféron due au vieillissement physiologique de l’épider- constituants des complexes de cohésion dermo-
쐌 Pénicillines me et de ses annexes (glandes eccrines et apo- épidermique appelés hémidesmosomes. Le dia-
crines). Elle est exacerbée par des agents irritants gnostic de cette affection se fait sur la base d’a-
Tableau 3. Médicaments pouvant (savons, laines, antiseptiques, produits causti- nalyses immunopathologiques, comprenant
induire un prurit généralisé.3,4
ques…) et par l’environnement (température, avant tout un examen d’immmunofluorescence

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PRATIQUE PRATIQUE

grès des techniques, le prurit peut toucher éga-


– Examen clinique complet (aires ganglionnaires, palpation foie et rate) lement les patients dialysés. Le rôle exact de
– Numération formule sanguine, radiographie du thorax et échographie abdominale l’hyperparathyroïdie secondaire et des troubles
(hémopathies, lymphomes) du métabolisme phosphocalcique dans la phy-
– Bilan hépatique avec gamma GT, phosphatases alcalines (cholestase) siopathologie de ce type de prurit reste incer-
– Créatinine, urée (insuffisance rénale chronique) tain. En effet, la parathyroïdectomie n’améliore
– Bilan thyroïdien : TSH (dysthyroïdies) pas constamment la symptomatologie. Des trou-
– Bilan fer sérique et ferritine bles de l’hydratation cutanée chez les hémodialy-
– Immunoglobulines sés ont été également discutés.12
– Sérologies VIH (en fonction des facteurs de risque) et hépatite C (hépatopathie) Le prurit de l’hépatopathie chronique avec cho-
– Recherches de parasites (en fonction de l'anamnèse) lestase est classiquement attribué à l’élévation
– Biopsie* cutanée avec études d’immunofluorescences directe et indirecte de taux sériques des sels biliaires et à leurs
dépôts dans la peau. Il n’y a cependant pas de
Tableau 4. Bilan à effectuer systématiquement devant un prurit généralisé chronique sans lésions cutanées.
corrélation évidente entre leur taux et l’intensité
*Examens à pratiquer après discussion avec le dermatologue.3,4,10
du prurit.
Les prurits paranéoplasiques, en particulier
directe sur une biopsie cutanée.11 Ce dernier ceux liés aux hémopathies (lymphomes, poly-
met en évidence des dépôts linéaires d’IgG et C3 globulies, myélome...) doivent également être
le long de la membrane basale de l’épiderme. discutés chez la personne âgée. Le bilan biolo-
D’autres dermatoses bulleuses sont également gique et radiologique systématique de base (ta-
plus rarement à l’origine de prurit, telles que la der- bleau 4) doit être répété et complété en fonc-
matite herpétiforme ou l’épidermolyse bulleuse acquise. tion du contexte au moindre doute.
Enfin, les causes iatrogènes médicamenteuses
sont à considérer (tableau 3). Sur le plan physio-
Origine centrale neurogène
pathologique, elles exercent vraisemblable-
Le prurit neurogénique reflète une atteinte ment, soit un effet desséchant cutané (hypolipé-
cérébrale organique.3,4 Ce type de prurit peut miants, diurétiques), soit un effet central
s’observer au cours des accidents vasculaires comme les opiacés. Leur métabolisme affaibli
cérébraux avec survenue de prurit controlatéral, chez la personne âgée contribue probablement
en présence d’une tumeur cérébrale ou après à l’accentuation de leurs effets secondaires.
une intervention neurochirurgicale. La prise de L’infection VIH peut être une cause d’un prurit
certains médicaments contenant des opioïdes diffus intense. Il est observé le plus souvent
ou la production de substances opioïdes produi- chez des personnes à forte charge virale avec
tes par le système nerveux central peut égale- une xérose cutanée importante. Cette cause de
ment causer un prurit neurogène. Ce dernier prurit doit être également envisagée chez les
mécanisme semble également jouer un rôle personnes > 65 ans en raison de l’extension de
dans le développement du prurit associé à une sa prévalence à l’échelle mondiale et des modes
cholestase hépatique. de vie actuels. Enfin, l’infection par le virus de
l’hépatite C, dont la prévalence est en augmenta-
tion, peut induire une hépatopathie avec un
Origine neuropathique
prurit particulièrement rebelle.
En présence de sensation douloureuse ou
prurigineuse unilatérale d’un territoire, un zona
Prurit psychogène
doit être évoqué et exclu chez le sujet âgé.
D’autres causes de prurit localisé sont rarement Le prurit psychogène est une cause relative-
retrouvées :3,4 le prurit «brachioradial» touchant ment fréquente de prurit.1-4,10 Si dans sa forme
typiquement le bras et l’avant-bras justifie une extrême, dans le cadre d’une psychose avec
exploration radiologique cervicale afin d’élimi- parasitophobie, il est facile à évoquer, la possibi-
ner une cause compressive. De même, la no- lité d’un prurit survenant dans le contexte d’un syn-
talgie paresthésique, associée à un prurit localisé au drome anxio-dépressif est bien plus difficile à dia-
[ Bibliographie niveau du dos, doit faire rechercher une origine gnostiquer. Ce dernier peut être réactionnel à
1 Denman ST. A review of pruritus. J Am dégénérative rachidienne au niveau du dermato- une pathologie aiguë ou à une expérience
Acad Dermatol 1986; 14: 375-92.
2 # # Lorette G, Vaillant. Prurit. In: me symptomatique. Le développement d’un contrariante, telle que l’éloignement du domici-
Saurat JH, Grosshans E, Laugier P, prurit fantôme a été rarement décrit après mas- le («je me gratte depuis que je suis à l’hôpital»).
Lachapelle JM (eds): Dermatologie
et maladies sexuellement transmis-
tectomie. En fonction de l’état général, des comorbidités
sibles. Paris: Masson, 1999; 903-10. et du contexte socio-familial, une prise en char-
3 Yosipovitch G. Pruritus. Curr Probl ge spécialisée gériatrique est indiquée.
Dermatol 2003 ; 15 : 135-64. Causes complexes : systémiques
4 # # Yosipovitch G, Greaves MW,
Schmelz M. Itch. Lancet 2003; 361:
plus ou moins associées à une origine
690-4. neurogénique3,4 Traitements du prurit
5 Thaipisuttikul Y. Pruritic skin disea-
ses in the elderly. J Dermatol L’insuffisance rénale chronique est une cause
1998 ; 25 : 153-75.
6 Beauregard S, Gilchrest BA. A survey
de prurit, dont la physiopathologie reste peu Des traitements topiques et systémiques
skin problems and skin care regi- claire et le traitement difficile. Malgré les pro- sont possibles. Leur utilisation dépend de la

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mens in the elderly. Arch Dermatol cause et du type de prurit selon la classification féroces associés à une cholestase hépatique ou à
1987 ; 123 : 1638-43.
7 Twycross R, Greaves MW, Handwerker proposée ci-dessus.3,4,12 une insuffisance rénale chronique, les antagonis-
H, et al. Itch : Scratching more than Le prurit pruritoceptif associé à la xérose du tes opioïdes tels que la naloxone et la naltrexone
the surface. QJM 2003 ; 96 : 7-26.
8 Mochikuzi H, Tashiro M, Kano M, et sujet âgé est amélioré par la simple éviction de peuvent être essayés. Ces derniers sont contre-
al. Imaging of central itch modula- facteurs externes irritatifs (savons, toilettes indiqués en cas d’insuffisance hépatique, d’hé-
tion in the human brain using positron
emission tomography. Pain 2003 ;
trop fréquentes) et par l’utilisation régulière patite aiguë, de toxicomanie ou à la prise simul-
105 : 339-46. d’émollients. Ces derniers améliorent la res- tanée de médicaments contenant des opiacés.
9 Darsow U, Drzezga A, Frisch M, et tauration de la barrière cutanée. Les corticoïdes Le thalidomide, agissant tant au niveau nerveux
al. Processing of histamine-induced
itch in the human cerebral cortex : A topiques, qui ne doivent pas être utilisés périphérique que central, est réservé à des
correlation analysis with dermal comme simples antiprurigineux, sont unique- situations particulières. Dans le prurit urémique,
reactions. J Invest Dermatol 2000;
115: 1029-33. ment indiqués en cas de dermatose inflamma- plusieurs options sont à discuter, surtout si la
10 # # Collège des Enseignants. Mise toire spécifique (eczéma, psoriasis, lichen...). transplantation n’est pas possible : changement
au point thématique : Orientation
diagnostique devant un prurit. Ann
Ils permettent également de contrôler la pem- du type de dialyse, prise d’érythropoïétine, pho-
Dermatol Venereol 2000; 127: A12-7. phigoïde bulleuse. Néanmoins, dans ce dernier tothérapie, introduction d’ondansétron (antagonis-
11 Vecchietti G, Laffitte E, Borradori L. cas, une corticothérapie systémique en associa- te du récepteur 5-HT3), de la naltrexone, ou
La pemphigoïde bulleuse. Une cause
de prurit chez la personne âgée à ne tion avec des immunosuppresseurs est souvent encore du thalidomide. Dans le prurit cholesta-
pas manquer. Med Hyg 2001 ; 59 : nécessaire. Les anesthésiques locaux tels que la tique, des chélateurs d’acides biliaires seuls ou en
1004-9.
12 Kato A, Hamada M, Maruyama T, pramoxine, la lidocaïne ou xylocaïne sont indi- association avec des antagonistes des opiacés
Maruyama Y, Hishida A. Pruritus qués dans des prurits localisés d’origine neuro- peuvent être essayés. Dans le prurit cholesta-
and hydratation state of stratum cor-
neum in hemodialysis patients. Am pathique (exemple : prurit postzostérien). tique, la rifampicine, à des doses de 300 ou 450
J Nephrol 2000 ; 20 : 437-42. L’application de capsaïcine dans des prurits mg par jour, agit en induisant le cytochrome
13 Lonsdale A, Carmichael A. Treatment
of pruritus associated with systemic
localisés rebelles est parfois également effica- P450. Les prurits associés à une atteinte hépa-
disorders in elderly. A review of the ce. La photothérapie est indiquée en présence tique mixte chez les éthyliques ou à une infec-
role of new therapies. Drugs de dermatoses inflammatoires étendues. tion par le virus de l’hépatite C sont extrême-
Aging 2003 ; 20 : 197-208.
Même si son effet reste souvent uniquement ment rebelles. Les antidépresseurs avec une
suspensif, son efficacité dans certains prurits action antihistaminique tels que la doxépine sont
chroniques d’origine systémique, comme l’in- bénéfiques. Ces derniers ont également une
[ Adresse des auteurs : suffisance rénale chronique, l’hépatopathie place dans la prise en charge des prurits psycho-
cholestatique et l’infection VIH, est bien docu- gènes.
Dr Laurence Toutous-Trellu
Clinique et policlinique de mentée. Au total, le prurit chronique est un signe
dermatologie L’utilisation de médicaments par voie systé- fonctionnel fréquent chez la personne de >65 ans.
Département de réhabilitation mique chez des sujets âgés souvent polymédi- Malgré le fait qu’il est souvent favorisé par les
et gériatrie qués doit être prudente. Les antihistaminiques changements physiologiques cutanés lors du vieil-
Hôpital de gériatrie sont une des classes les plus prescrites. Leur lissement induisant une xérose cutanée, il est
Dr Luca Borradori meilleure indication reste l’urticaire. L’hydroxyzine important, chez les personnes âgées, d’exclure
Unité de dermatologie ou d’autres antihistaminiques sédatifs sont par- non seulement une dermatose spécifique, mais
ambulatoire spécialisée fois utiles en cas d’insuffisance rénale ou d’hépa- également une cause interne, ainsi qu’une étio-
Clinique et policlinique de topathie. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens logie médicamenteuse et des facteurs psycholo-
dermatologie
ou la carbamazépine sont indiqués en cas de pru- giques. La prise en charge de ce symptôme pou-
HUG
1211 Genève 14 rit neuropathique. Dans ce cas, l’approche est vant s’accompagner d’une importante morbidité
laurence.trellu@hcuge.ch similaire à celle du suivi de douleurs d’origine s’avère souvent très difficile, justifiant parfois
vertébrale ou paravertébrale. Lors de prurits une approche multidisciplinaire. 쎱

Vient
DE BEL-AIR À BELLE IDÉE

de
Deux siècles de psychiatrie à Genève 1800-2000 – Tome 2

paraître
Sous la direction de Armand Brulhart
Dans la seconde moitié du XXe siècle, près l’évolution de Bel-Air et de Belle-
année après année, dans un mouve- Idée, le lecteur se rendra compte de
ment de valse lente, puis de tour- l’extraordinaire diversité et complexité
billon, tout a changé dans la clinique de la psychiatrie genevoise qui s’est
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tome apporte un reflet partiel des Genevois.
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E-mail: librairie@medhyg.ch
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