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É V A S I O N

Asilah,
une cité arty au Maroc
Une petite ville au visage méditerranéen, rappelant l’Andalousie
ou les Cyclades. Tournée vers l’Atlantique, elle nourrit l’imaginaire
d’artistes et de peintres, aujourd’hui connus dans le monde entier.
PAR FRANCESCA TORRE (TEXTE) ET STÉPHANE FRANCÈS POUR LE FIGARO MAGAZINE (PHOTOS)

De robustes remparts enserrent


la médina du port d’Asilah. Familles,
couples et groupes de jeunes gens
se pressent sur la Krikia, une sorte
de balcon sur la mer, pour contempler
le coucher du soleil.

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É V A S I O N

Anne-Judith Van Loock vit à


Le palais Raïssouli, Asilah depuis plus de vingt ans.
joyau de la ville. A la tête de la Galerie Aplanos,
Le bandit Ibn Raïssoul elle accueille des artistes de
y vécut avec faste. toutes les nationalités.
Festivals et expositions
s’y succèdent.

Les murailles de la ville,


un défi à l’océan Levuetoitidéaldusurpalaisl’Atlantique
Raïssouli, un point de
et les ruelles
dévorées d’ombre et de lumière.

On longe la muraille
et les bastions portugais,
leurs meurtrières et leurs
mâchicoulis, pour aboutir
au palais Raïssouli.

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L
abrumeensuspension,au­ Autre personnalité locale, d’origine belge,
dessus de l’écume des va­ Anne­Judith Van Loock vous accueille
gues, dissout l’horizon et dans sa Galerie Aplanos comme chez elle.
les remparts portugais Enfant, elle fut modèle du peintre surréa­
d’Asilah. Sur la Krikia, une liste René Magritte. Elle a ouvert sa galerie
avancée du bastion for­ A Rada, au sud d’Asilah, en 1995, en exposant le très énigmatique
mant une sorte de balcon, le restaurant Chez Mounir peintre Zaïlachi Khalil. Un artiste connu
des familles, des couples et sert une excellente cuisine sur la scène internationale, qui ne signe ni
des petits groupes de jeunes gens, assis sur
familiale marocaine dans un ne vend ses toiles. Le travail évolutif d’An­
décor de bout du monde.
les murets, contemplent la médina blanche ne­Judith, les portraits volés (à la gouache)
se noyer doucement dans le crépuscule. En de son mari Ahmed Benraadiya, ainsi
contrebas, sous les feux d’un soleil qui tarde
à s’éteindre, l’océan Atlantique déroule avec
On parle de douceur qu’une nouvelle vague d’artistes comme
Charley Case, Megumi Mets et Naoulaf
fracassesrouleauxgrisvert.Vousn’êtesdéjà
plus si sûr de l’existence réelle de cet ensem­
blearchitecturalduXVe siècle.Lui­même,de
de vivre et de création Hamham y sont exposés toute l’année.

Le cimetière marin
son côté, n’en finit pas de s’étonner de ses de son climat et ses effets de lumière ont fois, le printemps, l’automne et l’hiver revê­ est près du marabout
nouvelles destinées. donné à la ville son nom d’« authentique ». tent ici un intérêt tout aussi fort. Il suffit La médina étant très petite, on peut y déam­
Pour un visiteur distrait, la ville pourrait En 1978, ce sont deux artistes et intellectuels d’évoquerAsilahavecYounèsel­Kharrazet bulerenrêvant,sansrisquerdes’yperdre.Ce
encore passer pour une belle oubliée. Sou­ originaires de la ville, Mohamed Benaïssa un sourire lumineux apparaît sur le visage joyaupoétiquen’apasgardél’urbanismerec­
venir d’un temps où elle commerçait avec (ancien ministre des Affaires étrangères du de votre interlocuteur. « C’est un lieu où les sen­ tiligne de la ville portugaise. Les Marocains,
l’Occident – à l’avènement des Mérinides – Maroc) et Mohamed Melehi, qui eurent timents et l’imagination se nourrissent toute l’an­ en reprenant possession de leur ville, ont ré­
et où elle vécut dans une certaine prospé­ l’idée de faire d’Asilah la toile de fond de di­ née. Un lieu où l’intimité avec l’océan et la sensa­ duit la largeur des rues, créé des derbs et des
rité. Quand tout dit le contraire : un palais verses pratiques artistiques. Onze artistes tion de participer à un monde différent sont très impasses. On marche, s’arrêtant ici ou là, se
arabo­andalou restauré, des tours ré­ furent alors invités à peindre des fresques fortes », explique­t­il. Pour cet artiste maro­ laissant attirer par la mosquée et son minaret
veillées, des façades immaculées qui ont sur les murs de la médina. Depuis, chaque cain de renom, le périmètre restreint de la de forme octogonale, ou par le petit cimetière
laissé leur passé pour devenir ce nouveau année, durant le Moussem, les rues se colo­ ville ouvre des perspectives illimitées. Il vit marin implanté auprès du marabout Sidi
lieu secret, où l’on ne parle que de douceur rent d’œuvres signées Richard Dana (Etats­ entre Tanger et Asilah, mais passe le plus Ahmed Ibn Moussa, sur une plate­forme en
de vivre et de création. Unis),MizueSawano(Japon),MoniaTouiss clair de son temps dans son nouvel atelier, à dehors des remparts. Des céramiques recou­
A seulement 40 kilomètres au sud de Tan­ (Maroc), Sylvia Gussman (Espagne), etc. peine construit, à l’orée de la ville. vrent les tombes donnant au lieu l’allure
ger, créateurs de tous rangs et de toutes na­ Une expérience unique au Maroc que les Sur le territoire soigneusement délimité d’uneterrassecouvertedemosaïquesenban­
tionalités trouvent ici grâce et inspiration. passantss’approprientaugrédeleurspassa­ d’Asilah, Mohamed Anzaoui, se sent lui des verticales. On longe la muraille et les bas­
Paisible ou sereine pour les uns, magique ou ges.Lamanifestations’estdepuisétoffée.Ro­ aussilibredecréer.Ilmalaxematièresetcou­ tions portugais munis de meurtrières et de
majestueuse pour les autres, Asilah a tou­ manciers, poètes, photographes, cinéastes leurs, traçant fleurs délicates, étoiles, ciels mâchicoulis, pour aboutir au palais Raïs­
jours exercé une séduction singulière sur les (dont Ettore Scola) viennent de tous les hori­ nocturnes et personnages enfantins pour souli, construit par le fameux brigand Mou­
artistes. Ses ruelles, ses maisons blanchies à zons. De nouveaux lieux d’exposition ont vu s’incarnerdanslachairchromatiquedetoiles lay Ali Ibn Raïssoul, qui se fit proclamer pa­
la chaux, ses portes bleues et ses petites le jour : le palais Raïssouli, la bibliothèque, fi­ aboutiesetpuissantesexposéesàBerlin,Bar­ cha d’Asilah. Cette grande demeure
échoppesdecorailontlargementcontribuéà nancée par un prince mécène saoudien et le celone, Londres, etc. Il s’impose aujourd’hui comporte à l’étage un très beau salon décoré
son succès. Mais aussi ses longues plages centreHassanII.Ilsattirentdenombreuxvi­ comme l’un des espoirs les plus prometteurs de zelliges, de bois peint et de plâtre ciselé,
sauvages, ses falaises abruptes, la douceur siteurs pendant la période estivale. Toute­ de l’art contemporain marocain. ouvrantsurunevasteloggiad’oùl’onobserve
les silhouettes d’hommes en djellaba blanche
Dar Walili, une maison glissant dans les ruelles dévorées d’ombre et
traitant ses hôtes de lumière. « L’absence de véhicules à moteur, la
avec générosité, qualité du silence que viennent troubler parfois les
dans une ambiance vagues de l’Atlantique, résonnant avec force, est
aux influences
indiennes, marocaines peut­être la motivation d’y séjourner de nombreux
et européennes mois », précise Jean­Marc, un diplomate ins­
(à gauche)... Artisanat tallé ici. « Cette quiétude permet la méditation, la
local et épices lecture, la contemplation sans toutefois être isolé de
parfumées sont tout », poursuit­il. Enfin, il ne faut pas ignorer
à découvrir dans la beauté des paysages vierges environnants,
la vieille ville des plages de Ramila, Sidi M’gaits ou Briech,
(au milieu et à droite). Chaque année, des
et du souk de Sidi el­Yamani. Un univers artistes sont invités
merveilleux de Rifaines (habitantes du Rif à peindre des fresques
oriental)coifféesd’unchapeaudepailleàgros sur les murs de la
pompons multicolores, accompagnées de médina. Elles composent
mules et d’ânes. Un ravissement pour les pu­ un décor familier pour
pilles. ■ FRANCESCA TORRE les habitants d’Asilah.

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2508_MAG_VOYAGES A LA UNE:Mise en page 1 13/08/12 18:16
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62 • LE FIGARO MAGAZINE - 24 AOÛT 2012

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