Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
1
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
Remarque préliminaire : le manuel se construit à partir de cartes explicatives, les consulter pour
tout comprendre ou les insérer dans la synthèse.
Dans les deux cas, la population est bilingue et tous ne parlent pas la langue locale. En outre,
autour de la masse continentale des langues romanes, plusieurs îles les parlent (ex. : Madère,
les Açores, etc.)
Les dialectes sont très nombreux dans la Romania2 , à tel point que l’on parle d’un
continuum allant de Lisbonne à Lille à Trieste. Plus qu’une mosaïque de zones linguistiques,
c’est un dégradé de traits différents entre les langues qui caractérise l’Europe romane.
C) Le roumain
Autre espace roman en Europe, dans les Balkans : majeure partie de la Roumanie et
grande partie de la République moldave. Dialectes du même type dans la péninsule balkanique :
istro-roumain (Istrie), macédo-roumain et aroumain (Macédoine – Albanie – Grèce).
1
Alloglotte : personne ou population qui parle une autre langue que celle du pays ou de l’état dans lequel elle se
trouve. Il s’agit de minorités linguistiques et souvent culturelles.
2
Romania : espace roman établi depuis la fin de l’empire romain, zone linguistique où sont parlées les langues et
dialectes romans.
2
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
D) Le judéo-espagnol
Jusqu’au premières décennies du 20ème : parlé dans les Balkans. Langue ibéro-romane
des s-Séfarades 3 . Cette langue était parlée du Maroc à l’Anatolie (surtout à Smyrne et
Constantinople), dans de nombreuses îles de la mer d’Égée et dans quelques villes des Balkans.
Avec la 2nde guerre mondiale et l’immigration des communautés juives en Israël, disparition de
cette langue en Europe, mais elle est encore parlée en Israël (sous pression de l’hébreu), et dans
de nombreuses communautés américaines de Buenos Aires à Los Angeles et New York.
E) La Romania nova
Romania Européenne : constituée de ce qui reste de l’ancien espace latin, avec certains
changements non négligeables. Romania Nova : plus étendue et étrangère à l’empire romain :
Amérique (Québec ; Acadie ; tout le continent au Sud du Rio Grande, la frontière USA –
Mexique ; Cuba ; Puerto Rico), Afrique (français dans beaucoup de pays mais aussi portugais)
et Asie (quelques îlots mineurs mais surtout l’espagnol aux Philippines bien qu’il soit
minoritaire, et français dans quelques îles comme Tahiti).
3
Séfarades : juifs expulsés d’Espagne par les Rois Catholiques en 1492 et réfugiés dans l’empire Ottoman.
3
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
A.1) Français
Ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) : moment important dans l’histoire du français :
François Ier rend obligatoire l’usage du français. En principe, devait avantager ceux qui ne
connaissaient pas le latin mais dans les faits, lui assigne un statut qui étouffe les autres dialectes
du royaume : l’occitan du sud, le breton, le flamand, le basque, etc. Début de la politique
d’unification linguistique française, portée à ses extrêmes par les révolutionnaires pour qui
l’égalité entre citoyens implique l’usage d’une même langue.
A.2) Italien
1560 : Emmanuel Philibert de Savoie décide d’utiliser l’italien dans l’administration et
la justice du côté Italien de ses états. Tournant dans l’histoire du duché de Savoie : influence le
Piémont, qui va lui-même participer à unifier l’Italie en 1861.
A.3) Espagnol
Décret de Nueva Planta (1707) et étendu aux régions catalanes par Philippe V en 1716 :
impose l’espagnol dans l’administration et la justice aux dépends des autres langues du
royaume, surtout le catalan (opposés à Philippe pendant la guerre de succession espagnole).
B) Les Académies
- 1582 : Accademia della Crusca en Italie : la plus ancienne et la moins typique car pas
une institution publique. Opère dans un pays sans pouvoir politique unitaire et
conditionnant. Caractère normatif ne s’applique pas à la grammaire mais au lexique ;
4
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
- 1636 : Académie française fondée par Richelieu. Norme grammaticale et lexicale basée
sur l’usage de la cour, restera toujours dans l’orbite de l’état.
- 1714 : Real Academia de la lengua Española par Philippe V, joue un rôle semblable :
normative. Influence en Espagne mais aussi en Amérique latine.
E) Tentatives de normalisation
Ces dernières années, on voit apparaître des tentatives de normalisation de l’écrit des
parlers mineurs comme le rhéto-roman ou le sarde.
4
Politique linguistique : ensemble des décisions concernant la langue qui sont prises au niveau gouvernemental
ou à un niveau similaire.
5
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
Les dialectes ne sont pas des formes corrompues des lg nationales mais dérivent
directement du latin au même titre que les lg romanes. Certaines de celles-ci se sont d’ailleurs
formées sur la base d’un dialecte comme le florentin pour l’italien. En 2000 ans, de nombreux
mouvements de population ont profondément modifié les usages linguistiques. Toutes les
langues de la Romania Nova par exemple ne sont pas un prolongement d’un latin parlé dans la
zone mais résultent de l’immigration de populations européennes à partir du XV siècle. La
variation diatopique est constante mais souvent modeste : les habitants d’une localité
comprennent le dialecte utilisé dans les localités voisines.
6
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
partie occidentale des Pyrénées. Les fleuves ne constituent pas non plus des frontières
dialectales. Celles-ci sont déterminées par des fractures dans l’identité sociale et culturelle.
En Italie par exemple, le passé simple est plus utilisé dans le sud et le passé composé
dans le nord comme c’est le cas dans les dialectes. Le lexique est caractéristique par de
nombreux géo-synonymes c.-à-d. des mots différents mais qui expriment le même concept dans
des langues différentes.
7
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
- Là où le castillan s’est imposé sur les variétés préexistantes, celles-ci ont pu laisser des traces
dans le castillan
8
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
Dans les autres pays que l’Italie, on portait une plus grande attention à la nécessité
d’aider les personnes qui se rendaient dans un pays étranger et devaient satisfaire les exigences
linguistiques quotidiennes.
Les grammaires
Leur première finalité, normative, a été largement motivante pour beaucoup d’auteurs.
Toutefois, la seconde finalité, qui est celle d’aider les étrangers et les personnes projetant de
partir à l’étranger, est énormément représenté également. La production de grammaires
dialectales est moins prolifique que celle des lexiques car moins impérative pour comprendre
et se faire comprendre dans un dialecte étranger relativement proche du sien.
9
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
Méthodologie
La méthodologie employée est basée sur la récolte directe des données orales par le chercheur
sur le terrain. Avant, on cherchait à étudier le dialecte supposé pur à partir de sujets âgés et
incultes. Or, ce dialecte est une illusion et il n’existe aucune homogénéité. La dialectologie est
devenue sociolinguistique.
10
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
A) L’Espagne
A.1) La Conquête Musulmane
Cela ne cause pas la disparition de l’Eglise catholique, ni celle des parlers romans, mais
de plus en plus d’immigrés de langue arabe ou berbère arrivent dans la péninsule et l’arabe
acquiert de plus en plus de prestige. Les chrétiens qui restent en terre arabe sans renier leur foi
et leur langue romane sont appelés Mozarabes. Ce dialecte n’avait aucun prestige ni de normes.
Les Mozarabes cultivés connaissaient le latin et l’arabe. Seules les formes littéraires de
transmission orale existaient. La seule documentation sur ce dialecte sont les strophes en
mozarabe introduites à la fin des poésies des poètes arabes et juifs entre le 11ème et le 13ème
siècle. On pense que ce dialecte est assez homogène. Les états chrétiens du nord étaient restés
romans. Les dialectes en question (galicien, asturien-léonais, castillan, navarro-aragonais et
catalan) présentaient de nombreuses différences.
A.2) La Reconquista
Ces états du nord combattirent les Arabes et reconquirent des territoires du sud : la
Reconquista. En 1492, Grenade, qui était le seul royaume appartenant encore aux arabes, fut
reconquise par les rois catholiques et les derniers musulmans furent expulsés entre 1609 et
1614. Les gagnants de cette reconquête furent les Castillans (Léon, Estrémadure, Castille,
11
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
La Reconquista se fit par étapes par les chrétiens vers le sud. Dans le sud, la population
chrétienne et romane avait fini par disparaitre presque complètement. Les parlers romans des
territoires reconquis ne prolongent donc pas les langues indigènes mais celles des conquérants.
Le castillan devint la langue romane dominante en Espagne. C’était le dialecte septentrional le
plus original, celui qui se distinguait le plus des autres. L’Andalousie fut reconquise assez tard.
La romanisation y est due à l’immigration nordique. Les dialectes qui s’y sont formés étaient
castillans à la base. L’Amérique fut découverte en 1492 et colonisée par des Espagnols qui ne
pouvaient partir que du port andalou de Séville. En Amérique, on a donc un espagnol de type
andalou.
B) La Sicile
En Sicile, l’invasion arabe commença en 827 et en 902, les Arabes possédaient l’île.
Elle était hellénophone à l’est et romane à l’ouest. Au 11ème siècle, les Byzantins et les
Normands entreprirent la Reconquista jusqu’en 1091. Immigrèrent en Sicile les nouveaux
seigneurs qui venaient du sud et du centre de l’Italie ainsi que de la Ligurie et du Piémont au
nord. Ils ont conservé un dialecte de type septentrional. Il s’est donc constitué une variété
romane basée sur la langue des indigènes mais avec les apports linguistiques de l’immigration.
Le dialecte est moins diversifié et moins méridional qu’on le croirait.
Malte et Gozo furent musulmanes de 870 à 1090 et l’arabisation fut si radicale que la
Reconquista chrétienne ne parvint pas à en changer la langue. Le maltais actuel est un dialecte
arabe.
12
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
Serments de Strasbourg : premier cas où on est sûr que le scripteur avait conscience
d’opposer deux systèmes linguistiques. Ils ne s’exprimaient pas de façon improvisée mais à
partir d’un acte politique préparé mais ils sont conscients que le français et l’allemand étaient
des langues différentes du latin. On compte ensuite des textes gallo-romans en vers pour la
plupart des textes cléricaux et à contenu religieux comme la Cantilène de Sainte Eulalie.
La voyelle portant l’accent est prononcée avec plus de force : affaiblissement des voyelles
atones. En langues romanes, la position de l’accent reste la même qu’en latin : accent sur
l’avant-dernière syllabe (paroxyton) sauf si elle est brève. Dans ce cas, il est sur
l’antépénultième (proparoxyton). Voyelle brève suivie de deux consonnes 2 consonnes donne
une voyelle longue avec accent même si elle est pénultième.
13
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
Dans les langues romanes, on ne trouve aucune trace du M final dans les mots plurisyllabiques.
Ex. : « amicum » devient « ami » en français. Dans les monosyllabiques, il a soit :
Le T final a disparu dans toute la Romania sauf en Sardaigne et entre la Basilicate et la Calabre
où il peut être suivi d’une voyelle de soutien.
14
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
Le S est conservé dans les langues romanes comme marque du pluriel et désinence verbale dans
toute la Romania occidentale. En Italie centro-méridionale et en Roumanie, il a disparu en
passant par une phase « j » maintenue dans les monosyllabiques. Ex : « feminas » devient «
femmes » en français mais « femmine » en italien. Aujourd’hui, on retrouve le S en frioulan,
dans le piémontais, dans l’aire calabro-lucaine.
La déclinaison s’est mieux conservée dans le cas des pronoms. Ex. : le pronom sujet «
je » qui vient du nominatif ego et le pronom objet « moi » qui vient de l’accusatif me ou du
datif mihi.
15
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
Les articles en sarde et dans certaines variétés catalanes viennent de ipse. L’article défini
précède généralement le nom mais en roumain, il le suit sous la forme d’un enclitique. L’article
indéfini est antéposé et dérivé de unu.
- ille : 3e personne et désigne quelque chose n’étant proche d’aucun des interlocuteurs = « celui-
là »
Les formes romanes ont été renforcées par eccu et ecce. Ce système est conservé en
espagnol, portugais, sarde, catalan et dans quelques dialectes méridionaux de l’Italie mais pas
en français, occitan, roumain et italien où on a un système à deux degrés.
Le système verbal
Le futur latin ne s’est pas maintenu car il a souffert de l’évolution phonétique de « B »
et « V » qui l’a rendu homophone du parfait et de la confluence des formes des troisième et
quatrième conjugaisons avec celles du présent. Alternative en langues romanes :
16
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
Seule une petite partie des emprunts latins n’a pas subi d’adaptation : termes religieux
et scientifiques. Tous les A finaux ont été conservés sauf en français où on a un « E », les « U »
finaux deviennent « O » en italien et en espagnol et ont disparu en français.
Beaucoup de doublets (deux mots ayant la même origine mais au parcours différent) :
un héréditaire et un emprunt. Ex. : « chose » (héréditaire) VS « cause » (emprunt) ou « hôtel »
(héréditaire) VS « hôpital » (emprunt).
Un effet centripète
Le latin a une fonction centripète qui empêche une différenciation interne trop forte et
accentue la ressemblance entre les différentes langues romanes.
- L’intérêt pour la science arabe souvent d’origine grecque et les traductions des textes arabes
Il y avait des latinismes dans l’arabe d’avant l’invasion et ceux-ci sont réapparus dans
les langues romanes sous leur forme et sens arabe. L’émigration des Mozarabes du sud vers le
nord chrétien de la péninsule a généralisé de nombreux arabismes. Ex. : aldea a donné « village
». Le castillan a 4000 arabismes.
17
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
Ces contacts laissent des traces dans la morphologie. Ex. : le suffixe adjectival –i qu’on
retrouve dans marroqui qui donnera « marocain ».
Les arabismes
Le trait le plus caractéristique des arabismes ibériques est l’intégration de l’article arabe
« al ». Presque tous les arabismes espagnols commencent donc par un « A ». Ex. : « alcoba » -
alcôve, « azucar » - sucre.
On trouve des arabismes dans tous les domaines surtout dans les noms de villes, de
montagnes et de fleuves. Ex. : Gibraltar. Il y a aussi des arabismes scientifiques. Ex. : algèbre.
La Sicile, Pise, Venise et Gêne ont été des plaques tournantes dans la diffusion des
arabismes. Le roumain n’a pas eu de contacts directs avec l’arabe mais possèdent des arabismes
provenant du turc.
L’influence du slave
Au 7ème siècle, les Slaves s’installèrent sur les terres roumaines. Ils imposèrent une
variante du slave ancien comme langue de l’église orthodoxe et des chancelleries princières. 4
variétés roumaines : roumain, aroumain, macédo-roumain et istro-roumain. Le slave influence
les 4. On compte une centaine de slavismes et ce sont des concepts fondamentaux. Ex. : amo
est abandonné pour iubesc. Le rapport entre le roumain et le slave est si étroit que des termes
d’origine latine ont pris en slave, un sens supplémentaire que revêt le mot slave correspondant.
Ex. : floare qui vient de « flore » signifie « fleur » mais aussi « couleur ».
C’est entre le 11ème et le 15ème siècle que le slave exerça la plus grande pression sur
le roumain. Ensuite, les mots slaves pénétrèrent dans la langue roumaine par le bulgare, le serbe
ou l’ukrainien. Après 1700, on remarque de nombreux emprunts au russe. Les slavismes
18
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
représentent 14% du lexique roumain actuel contre 20% de latinismes héréditaires et 37%
d’emprunts au français du 19ème et 20ème siècles.
L’influence du grec
L’influence du grec sur le roumain est importante pdt le Moyen Âge et aux 17ème et
18ème siècles. Cela vient du contact entre personnes. Les emprunts au grec augmentent après
la prise de Constantinople en 1453. Ex. : piper : « poivre ».
L’expansion du latin
En 100 ACN, le territoire romain correspond à la péninsule ibérique, sud de la Gaule, la
plaine padane, la Dalmatie, la péninsule italienne, la Sicile, la Sardaigne, la Corse, les Baléares,
la Tunisie et les provinces orientales.
Avec César et Auguste, conquête des Gaules, rive gauche du Rhin, Alpes, Pannonie,
Mésie, Afrique septentrionale jusqu’au golfe de la Syrte.
Le premier contact avec le latin se fit à travers la présence de l’armée romaine dans les
terres conquises. La langue de l’armée resta toujours le latin.
19
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
- Après leurs longues années de service, les légionnaires s’installaient dans les colonies à des
endroits stratégiques, ce qui est un facteur de latinisation.
- Autre facteur : la présence des marchands romains. Marché qui favorisa la circulation des
biens mais aussi celle des personnes et donc des langues.
- Autre facteur : le réseau des communautés chrétiennes qui adoptent le latin à partir du 2ème
siècle PCN.
Les indigènes ont adopté le latin car l’intégration était possible à condition d’adopter les
valeurs de la civilisation romaine dont sa langue. Les villes d’Occident devinrent latines. Les
esclaves parlaient latin car ils vivaient chez des romains. Le prestige de la culture romaine a été
renforcé par la diffusion des écoles où l’on enseignait le latin.
Les Romains concédèrent les droits politiques très lentement en vérifiant que celui qui
recevait ces droits participait à la vie civique romaine dont la langue est l’un des plus importants
piliers. Au début du 3ème siècle PCN, tous les habitants de l’Empire sont reconnus citoyens
romains (carte p.246).
La variation en latin
Il existe des variétés au sein du latin. Ex. : langue des paysans VS langue des citadins.
Au 5ème siècle, Saint Jérôme explique que le latin change dans le temps et dans l’espace.
Aujourd’hui, on est toujours pas en mesure d’établir la provenance d’un texte latin sur la base
de critères linguistiques. Les textes non littéraires n’ont jamais été soumis à une normalisation
linguistique.
20
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
Le latin tardif
Entre 1866 et 1868, Schuchardt rassemble sous le nom de latin vulgaire une série de
phénomènes de vocalisme déviant. Cette étiquette désigne la langue parlée tous les jours. Elle
a souvent été mal utilisée :
Il n’y a jamais eu de situations de diglossie dans l’Empire romain. Il y avait une langue
dominante qui était le latin et qui ne présentait pas de changements importants dans le temps ni
dans l’espace. Toutefois, cela ne signifie pas que le latin de l’empire tardif était le même que
celui de Cicéron.
Le latin tardif est une langue qui conserve la majorité des traits de la langue classique
mais qui présente une série de variations par rapport à la norme surtout dans la langue parlée.
Cette variation n’est pas systématique car le sentiment d’appartenance à une communauté civile
et culturelle permet de contrôler ces écarts. Les langues romanes sont issues du latin tardif.
Le substrat italique
En Italie, le latin s’est superposé à des langues proches :
- L’osque : ils partageaient une série de mots où le B latin correspondait à un F osque. Quand
on a en latin des paires lexicales comme ruber et rufus, on pourrait penser que la 2ème forme
est un emprunt (situation d’adstrat) à l’osque mais ça peut aussi être un résidu linguistique
(situation de substrat).
- L’ombrien
Le substrat étrusque
Se superpose aussi à des langues très différentes comme l’étrusque. La correspondance
entre l’espace moderne dans lequel est attesté un phénomène et l’espace occupé par une
21
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
population antique n’est donc pas suffisante pour considérer ce phénomène comme un effet de
substrat : il faut pouvoir prouver que cet espace est resté plus ou moins stable dans le temps
(carte p.255).
Les étrusques ont toujours eu des rapports très étroits avec Rome. Les derniers rois de
Rome étaient étrusques et l’alphabet latin provient d’Étrurie. Plusieurs noms de personnes sont
passés de l’étrusque au latin ainsi que des mots comme « persona ». Ce sont des phénomènes
d’adstrat. Après la latinisation de l’Étrurie, on passe à des rapports de substrat. Thèse de
l’origine étrusque de la Gorgia Toscana (aspiration des occlusives intervocaliques en toscan) :
pas sure car pas de trace avant le 16ème siècle, 1500 ans après la disparition de l’étrusque.
Le substrat celtique
On suppose que le passage de U à Y et celui de C + A à TF puis à F est dû au substrat
celtique en Gaule. Ces phénomènes ne sont pas très anciens, après les invasions germaniques.
Les influences lexicales sont plus claires. Déjà en latin, on comptait de nombreux emprunts ou
résidus linguistiques issus de variétés celtiques. Ex. : « salmo » qui signifie « saumon ».
Influence du grec
Une légende parle d’une fusion entre les Troyens d’Énée et les Grecs d’Évandre. Les
Mycéniens étaient présents en Italie avant la fondation de Rome. Depuis toujours, il existe en
latin des mots d’origine grecque. Ex. : « oliva ». A partir du 3ème siècle ACN, la culture grecque
éblouit les Romains. De nombreux mots savants sont donc des hellénismes purs et simples. Ex
: « idea ». Il y avait aussi des hellénismes populaires. Le latin absorba des éléments
morphologiques du grec. Ex : le suffixe nominal « -icus », le suffixe verbal « -issare ». Une
troisième vague d’hellénismes est liée à la diffusion du Christianisme. Les rituels étaient
22
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
d’abord en grec puis les évangiles ont été traduits en latin. Le latin des chrétiens est donc rempli
d’hellénismes. Ex : « evangelium ». On se demande si le grec n’a pas pu servir de modèle au
latin pour la création de l’article, des périphrases verbales et de quod + verbe.
- Ostrogoth en Italie
- Vandale en Afrique
On trouve déjà des germanismes d’adstrat dans le latin impérial. Les emprunts plus
tardifs sont des effets de superstrat c.-à-d. qu’ils viennent de la langue d’un groupe social
dominant. Ils ne sont plus issus d’une langue germanique indifférenciée mais se distinguent
selon leur origine. Ex. : emprunts au francique. Une grande partie de ces emprunts se sont
diffusés dans toutes les langues romanes souvent par le biais du français. Dans la dernière phase
de l’Empire, des noms de personnes germaniques entrent en latin.
La diglossie
Existence dans le monde antique d’une diglossie entre la langue élaborée de la littérature
et la langue familière (le latin vulgaire). C’est cette dernière qui aurait donné lieu aux langues
23
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
romanes. Mais, on n’a pas de preuves de cette diglossie et le rapport exclusif entre le latin
vulgaire et les langues romanes est réducteur. Cette hypothèse ne nous dit rien de la division de
l’espace roman en différentes variétés.
Le substrat
Hypothèse des substrats prélatins par Ascoli en 1881 : fragmentation du latin parlé en
diverses variétés selon les substrats qui l’auraient influencé dans les différentes régions. Or, il
est difficile de montrer que les langues romanes remontent à des langues anciennes et mal
connues et que le latin tardif était déjà fragmenté. Les changements du système nominal et
verbal ne peuvent être attribués aux phénomènes de substrat puisqu’ils sont communs à des
espaces où les substrats étaient totalement différents.
- Elle présuppose que le latin d’une province n’ait pas subi l’influence du latin qui était parlé
ailleurs, or, la circulation des personnes et donc de la langue resta intense.
Toutefois, cette hypothèse est probable en ce qui concerne les colonies : la langue d’une
colonie conserve parfois quelques traits diatopiques et diachroniques venant de l’époque à
laquelle la langue s’y est implantée.
24
Synthèse A. Varvaro – Linguistique romane
même absurdes. Mais elle reste féconde car elle associe l’histoire linguistique à l’histoire
générale.
Le proto-roman
Hypothèse de R.A. Hall jr. et de R. de Dardel : le concept de proto-roman. Si on compare
les langues romanes entre elles, on peut essayer de reconstruire leur état antérieur. Cette langue
possède les traits communs aux langues romanes absents en latin (ex : l’article) et ne possède
pas les traits documentés en latin mais que les langues romanes ne permettent pas de
reconstruire. Grâce à l’importante documentation que nous possédons, on peut voir que cette
hypothèse ne résiste pas à la vérification historique. Supposer que le latin et le proto-roman ont
coexisté à l’époque impériale nous ramène au problème de la diglossie.
En guise de conclusion…
Toutes ces hypo ont un défaut en commun : leur unilatéralité et leur écart par rapport à
la recherche historique en général. Bien que latin impérial fut adopté par des masses
d’alloglottes à travers un processus de changement de langue, la force centripète du réseau
politique, militaire et éducatif romain générait une grande cohésion linguistique. L’unité du
latin impérial ne fut jamais mise en danger grâce à la littérature.
Les forces centripètes laissèrent la place aux forces centrifuges. Les langues romanes
avaient acquis leur individualité, liée à de nouvelles identités sociales qui n’étaient plus la
communauté romaine. Le latin écrit et littéraire restait compréhensible malgré les nouvelles
frontières à ceux qui l’avaient étudiés. Avec la réforme de Charlemagne, les langues romanes
acquirent une pleine identité et la diversité apparut aux yeux de tous.
26