Vous êtes sur la page 1sur 7

I - INTRODUCTION (évolution phonétique)

L’évolution phonétique est inconsciente et essentiellement indépendante de la volonté

des individus parlants; elle n’est pas le résultat d’un effort voulu exemple comme atum > congé

sans aucun acte volontaire de la part des gallo-romains.

Elle est aussi graduelle: les phonèmes, sont en voie de continuel changement et celui-ci

s’accomplit dans la langue très lentement et par des degrés minimes, insensibles aux

individus qui la parlent et qui l’entendent. Entre la forme latine augustum et son résultat

actuel août il y a eu une longue série de modifications.

L’évolution phonétique suit des lois contantes et s’opère avec une parfaite

uniformité. Dans le même milieu social, tout phonème ou groupe de phonèmes se

développe, dans des conditions phonétiques égales, de la même manière. Exemple si b

> v dans hibernum > hiver, on trouvera que le même changement a eu lieu dans tous les mots

où se trouve dans la même situation, c’est à dire, précédé et suivi des voyelles debere >

devoir ; habere > avoir.

II - HISTOIRE DE LÕORTHOGRAPHE

2.1. Origines

Bien que le mot orthographie ne soit attesté que tardivement, un problme

orthographique se pose dès les origines: Les Grecs avaient adopté l’alphabet

phénicien, les latins l’alphabet grec de type étrusque et il était fatal que ces

instruments empruntés ne traduisent quÕimparfaitement les sons des langues

qu’il n’étaient pas destinés à transcrire.

Thme 11 page 1
2.2. L’adoption de l’alphabet latin

Jusqu’aux environs du XIIIème siècle, la seule orthographe concevable sera celle

du latin: ceux qui savent lire et écrire le font en cette langue (les clercs). Le

français est presque uniquement parlé et quand on en viendra à l’écrire, on

aura recours à l’alphabet traditionnel qui était incapable de transcrire les sons

du français naissant ne serait-ce que parce qu’il lui manque le ü, le e muet ainsi

qu’un certain nombre de consonnes et de diphtongues. Ainsi s’explique

l’incohérence de la primitive orthographe française.

Pourtant, avec les années, l’orthographe française s’émancipe - pour un temps -

de son modèle latin. Aux XIème et XIIème siècle, cette tendance s’épanouit dans

l’action des jongleurs qui vont tirer le meilleur parti possible de l’instrument

encore imparfait qui leur est transmis.

2.3. ÒL’apogéeÓ de l’orthographe française

Jusqu’en XIIème siècle, les chansons de gestes sont presque la seule forme de

littérature écrite en langue vulgaire. Les jongleurs, constituent une immense

matière épique, poèmes et plus tard cycles. Les quelques manuscrits antérieurs

au XIIème siècle qui nous restent - des petits “manuscrits de poche”- donnent

lieu à une importante remarque: ils ont un système graphique relativement

perfectionné et unifié qui a influencé la langue et l’orthographe française aux

XIme et XIIème siècle. On trouve dans les “manuscrits de poche” une écriture

phonétique dans les grandes lignes, puisque “tout ce qui est écrit se prononce”

2.4. Les patriciens (XIIIème-XVème siècles)

Thme 11 page 2
Cette période a tout gâté: d’une orthographe satisfaisante on est passé à un

système compliqué et illogique qui annonce très précisément le système

français. Raison: le “pouvoir linguistique” change de mains. Ce n’est plus dans

les manuscrits littéraires qu’il faut aller chercher l’explication des changements

survenus dans orthographe, mais dans les écritures judiciaires ou publiques

(dans l’administration). Les patriciens (fonctionnaires) se multiplient et

deviennent par la suite les maîtres incontestés des écritures et par là même de

orthographe. L’introduction progressive du français dans les écritures

publiques fut lente dû notamment au fait que la noblesse et le clerc ne voulait

pas un tel instrument (le latin) dans les mains du peuple. Le latin marquait, si

on peut le dire ainsi, le statuts de la classe sociale qui l’utilisait. Il a largement

subsisté avec le latin vulgaire ou roman qui aboutira plus tard dans le français.

On peut se demander le sort de orthographe entre les mains de ces patriciens.

Probablement leurs patrons ne donnaient-ils guère de directives

orthographiques aux scribes. Il est cependant vraisemblable que les légistes

souhaitaient une orthographe régulière et nettement latiniste. Ce dont on peut

douter, c’est que les scribes aboutirent à une graphie maladroitement

étymologique et empirique, bourrée de lettres inutiles.

2.4.1. Ecriture peu lisible

De même que les calligraphes s’appliquent à rendre les lettres uniformes: des

jambages raides et peu différenciés se suivent en longues files bien alignées;

l’écriture cursive des scribes est encore bien moins lisible. Les Žcrivains français

sont obligés dÕuser un certain nombre ÒdÕartifices” pour pouvoir se relire.

Quelques-uns sont passés dans lÕorthographe française.

2.4.2. Différenciation des homonymes

La différenciation des homonymes a été faite dans presque tous les cas et il faut

reconnaître qu’elle n’était pas totalement inutile à la clarté de la langue écrite.


Thme 11 page 3
- sis ® six (lat. sex)

- dis ® dix (lat decem)

- vingt (viginti) remplace vint et entraîne - ung malgrŽ unum

- cuer se scinde en coeur (cor) et choeur (chorum)

2.4.3. “Etymologisme” systématique

On voit quel était le mécanisme de la différenciation qui présentait des

avantages sérieux: le copiste qui écrivait rapt et non plus rat permettait au

lecteur de deviner le mot latin raptus et d’éviter toute confusion. Mais il y a

aussi le recours aux étymologies dans des cas moins justifiables.

2.4.4. L’intérêt

Selon Beaulieux, il existerait une raison assez inattendue de la multiplication

des lettres parasites à l’époque: l’intérêt et cela parce qu’ils étaient payés à la

ligne et d’après un taux officiel. Pour détourner ses impositions, les patriciens

auraient introduit un grand nombre de consonnes parasites.

La latinisation de la langue française est un phénomène beaucoup plus normal

qu’il n’y paraît au premier abord. Les hommes du Moyen-âge sont de vŽritables

bilingues et le latin jouit encore d’un immense prestige: langue vivante de

lÕŽglise et des lettres, elle est aussi le seul “véhicule spirituel” commun à toutes

les élites de France.

III - LA FIXATION DE LÕORTHOGRAPHE

Thme 11 page 4
Au milieu du XVème siècle, le premier ouvrage sort des presses de la Sorbonne. On se

demande alors si la nouvelle invention va fixer orthographe tel quÕon la connaissait à

l’époque ou bien s’il est encore possible de l’améliorer, de la rendre plus cohérente, plus

proche de l’idéal phonétique. Mais les imprimeurs de l’époque se consacrent, à la

publication de textes en latin. Le français est donc abandonné en général aux

entrepreneurs plus médiocres qui l’abîment.

Au XVIème siècle, face aux étymologistes et aux traditionalistes se dressent de

nombreux partisans d’une simplification mais leurs efforts n’aboutiront pas car Robert

Estienne publie le 1er dictionnaire français-latin qui décide de la victoire de orthographe

traditionnelle, celle des patriciens.

Au XXIIème siècle, l’Académie médite la création d’un dictionnaire uniquement français.

Ménezay rédige son projet qui s’appuie sur l’oeuvre de Robert Estienne. Le résultat est

donc un ouvrage conservateur qui tient compte cependant des innovations graphiques

adoptées par l’usage. Ainsi, orthographe officielle du XVIIme siècle n’est pas fondamentalement

différente de celle des patriciens. Il nÕest faut pas oublier quÕune mauvaise orthographe

devient pire à mesure qu’elle vieillit. L’extraordinaire attachement de l’Académie à cette

orthographe défectueuse peut s’expliquer comme “une marque de caste” à maintenir. C’est

pourtant vers la fin du siècle que P. Richelet supprime dans son dictionnaire le “s” intérieur

non prononcé (teste ® tête) et certaines lettres parasites (advocat ® avocat), simplifie les

lettres doubles (difficile ® dificile) et les lettres grecques (thrésor ® trŽsor). Mais l’Académie

refuse d’emboîter le pas. Les réedictions se succèdent sans altérations jusqu’au XVIIIème

siècle où lÕorthographe acquiert une importance capitale: elle devient un facteur de réussite

pour les jeunes gens et pour les filles le signe le plus reconnaissable de la culture... L’empire va

commencer à établir orthographe: l’Université impériale le rend obligatoire dans ses

programmes et dans ses examens... En 1832, “la connaissance de orthographe devient

obligatoire pour l’accession à tous les emplois publics”. Il faut remarquer que la

“grammaire” de l’époque se réduit dans bien de cas à l’étude de règles ou de minuties

orthographiques. Orthographe prend donc rapidement une place exorbitante dans

lÕenseignement et dans la culture du XIXème sicle.

Thme 11 page 5
IV - LÕETAT PRESENT DE LÕORTHOGRAPHE

Le trait plus marquant de orthographe française est lÕab”me qui sépare ce qui s’écrit de

ce qui se prononce.

L’inadaptation “phonético-graphique” est si profonde que les savants doivent utiliser

une notation spéciale pour rendre compte de la physionomie rŽelle de la langue

française: alphabet phonétique.

L’alphabet phonétique international comprend 36 signes qu’il est nécessaire de savoir

manier pour réussir à transcrire les sons de la langue française: Il y a 16 voyelles et 20

consonnes. Ces 36 lettres ne suffisent pas à rendre toutes les nuances des sons français mais

elles en donnent une image relativement fidèle.

Quel que soit le système qu’on adopte, l’apprentissage de la notation “rationnelle” est

d’une extrme simplicité. Le maniement de l’écriture traditionnelle par contre, suppose

la connaissance de conventions irrégulières et compliquées.

V - CONCLUSION

LÕorthographe est devenue “à cause de ses imperfections et de ses ambigu•tŽs la

source principale de l’instabilité qui caractérise la prononciation moderne”

LÕorthographe est adoptée comme critère social. On sait quel ridicule est attaché dans

certains milieux à la faute dÕorthographe. Cette sanction morale s’accompagne d’une

sanction sociale: une erreur bénigne peut faire rater une examen. A l’école,

lÕorthographe est un critère pédagogique essentiel. Elle règne officiellement mais son

pouvoir réel est de plus en plus menacé et ses sujets sont chaque jour plus rebelles: il y

a une crise de lÕorthographe.

Thme 11 page 6
Thme 11 page 7

Vous aimerez peut-être aussi