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Introduction à la cryogénie

1.1. Introduction et historique :

La cryogénie, science et technologie des températures inférieures à 120 K (-153°c), a entamé


son deuxième siècle d'existence. Elle est le résultat d'une conjonction historique du progrès
scientifique (déploiement progressif de la thermodynamique au cours du XIXe siècle, de la
théorie macroscopique de l'énergie de J. Joule et S. Carnot, à la mécanique statistique des
particules microscopiques de L.Boltzmann et J.W. Gibbs) et du progrès technologique
(poursuite de la liquéfaction des gaz atmosphériques jusque l’est considérés comme « non
condensables », faisant appel à l'ingéniosité des ingénieurs et des physiciens pour étudier les
propriétés des substances chimiques pures et de leurs mélanges, les appareils de compression,
l'écoulement et les transferts de chaleur des fluides, et les techniques d'isolation thermique).
La première liquéfaction de l'air [L. Cailletet et R. Pictet, 1877] et la première séparation de
l'oxygène et de l’azote [K. Olszewski et S. Wroblewski, 1883] furent rapidement suivies par
la liquéfaction de l'hydrogène, rendue possible par l'invention d'un réservoir isolé sous vide
avec écran de rayonnement [J. Dewar, 1898].
Cependant, ce fut la première liquéfaction de l'hélium [H. Kamerlingh Onnes, 1908] qui
ouvrit la voie de la recherche sur la matière condensée aux basses températures, un domaine
qui est aujourd'hui encore un aspect majeur de la recherche, et qui engendra la découverte de
nouveaux phénomènes tels que la supraconductivité [H. Kamerlingh Onnes, 1911] et la
superfluidité [W.H. Keesom, 1928], qui ne furent expliqués qu'au cours de la deuxième moitié
du XXe siècle, avec l'émergence de la mécanique quantique. Il est intéressant de rappeler qu'à
l'époque où la plupart des expériences en physique étaient menées par des chercheurs
indépendants travaillant avec de petits appareils, le laboratoire de H. Kamerlingh Onnes à
Leyde fut le premier exemple de recherche scientifique à « grande échelle », impliquant une
équipe pluridisciplinaire, des efforts structurés, des méthodes quasi industrielles et des
collaborations internationales. Depuis, la cryogénie n'a cessé de progresser vers des
températures de plus en plus basses (Figure1.1), atteignant aujourd'hui des valeurs d'environ
0,1 nK dans les laboratoires spécialisés grâce à l'association de techniques de dilution de
l'hélium et de désaimantation adiabatique.
Ce bref historique n'a pour but que de montrer comment la cryogénie, du début et tout au long
du XXe siècle, a été associée aux progrès de la science et de la technologie. Ceci est vrai
aujourd'hui encore, grâce à des caractéristiques uniques, présentées ci-après

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1.2 Domaines de la cryogénie :

Cette discipline s’intéresse à l’étude des très basses températures : comment les produire, les
maintenir et les utiliser.

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1. 3. Un fluide cryogénique (cryogène ou cryo fluide) est un fluide classique dont les
caractéristiques sont les suivantes :

 Variations brutales de la plupart des propriétés physiques.


 Conditions d’équilibre entre les différentes phases.

Exemple phénoménologique : casserole remplie de glace et que l’on chauffe

 Si l’on change la pression, on trouve d’autres valeurs de température .

1.3.1. Diagramme de phase P, T :

Différentes phases d’un corps pur en fonction


des variables : pression et température

3 courbes d’équilibre correspondant à un


changement d’état :

Solide‐gaz : courbe de sublimation

Solide‐liquide : courbe de fusion

Liquide‐gaz : courbe de vaporisation

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Dans le cas d’une pression et d’une température qui augmentent, les énergies mises en œuvre
lors de la transformation gaz<=>liquide diminuent jusqu’à être nulles au point critique (Pc,
Tc). Au-delà de ces valeurs, on ne distingue plus de différence entre gaz et liquide (état
supercritique monophasique). Par exemple, si l’on refroidit un fluide à une pression constante
mais supérieure à Pc, le fluide se transformera continuellement pour arriver à un état dense
sans qu’il y ait eu de changements brusques dans les propriétés physiques (on peut imaginer
un brouillard très fin de plus en plus épais jusqu’à arriver à un état pseudo-liquide). Cela
signifie aussi que dans ces conditions, il n’y aura jamais d’interface entre liquide et gaz
puisqu’il n’y a tout le temps qu’une seule phase. Raisonner à pression variable mais
température constante et supérieure à Tc mène aux mêmes remarques. Cet état supercritique
est souvent utilisé dans les circuits de refroidissement car il interdit la coexistence des phases
liquide et gaz et donc évite les perturbations provoquées par la présence de gaz dans un
écoulement de liquide.

Dans le cas d’une pression et d’une température qui diminuent, on atteindra une autre limite
qui est le point triple où débute la phase solide. A ce point triple (Pt, Tt) coexistent les trois
phases (solide-gaz liquide). Ce point est parfaitement défini pour un corps pur et est souvent
utilisé comme repère thermométrique. De ce point partent les trois courbes d’équilibre solide-
gaz, solide-liquide et liquide gaz. En dessous de Tt, seules les phases solides et gaz coexistent

Point triple (p, T) : coexistence des trois phases en équilibre (sol/liq/gaz)

Point critique (pc, Tc) au-delà duquel il n’y a plus de différence entre le liquide et le gaz :
état supercritique monophasique.

Remarque : L’hélium n’a pas de point triple solide‐liquide‐vapeur mais une phase liquide
supplémentaire dit Superfluide (conductivité thermique quasi infinie, viscosité quasi nulle)

Tension de vapeur : pression du gaz en équilibre avec le liquide ou le solide Cette tension de
vapeur suit une loi du type : A et B constantes spécifiques du corps(fluide)

Ces courbes sont très souvent utilisées:

 l'évolution en température d'un bain sur lequel on modifie la pression : (P↓= baisse de
température ; P↑= remontée de température) ; Ex : L’He à 1 atm=> 1mK
 tensions de vapeur rencontrées dans les opérations de pompage au vide Ex : Eau à300
K => 24 mbars

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1.3.3. Chaleur latente, chaleur sensible

Chaleur latente Lv (ou enthalpie de formation à la température d'ébullition), Quel que


soit le changement de phase (quand il existe), il apparaît des transferts d’énergie avec
l’extérieur. On parle alors de chaleur latente de transition pour caractériser les
dégagements ou absorptions de chaleur lors de ces changements d'état (latente car
transformation à température constante).

En particulier, la chaleur latente de vaporisation Lv est énormément exploitée dans


l’utilisation des cryofluides. Elle représente la quantité de chaleur Q qu’il faut fournir (ou
absorber) pour faire passer une masse de fluide M de l’état liquide à l’état gazeux (ou
l’inverse) et cela à température constante.

Le terme de chaleur sensible (ou enthalpie sensible) représente en général l'intégrale


de C.ΔT du gaz entre les températures d'ébullition et la température ambiante, c'est à
dire la quantité de chaleur (ou de frigories) qu'il faut apporter (ou récupérer) pour
réchauffer le gaz de Téb à Tam

Utilisation d’un gaz amené à basse température qui se réchauffe au contact de l’objet à
refroidir (température variable) : Utilisation de la chaleur sensible seule

Réfrigération d’un gaz

Utilisation d’un liquide saturé comme réfrigérant d’objets à maintenir à basse


température (composants supraconducteurs, expérience de physique …) :
• Utilisation de la chaleur latente de vaporisation
• Utilisation possible de la chaleur sensible des vapeurs froides
Liquéfaction d’un gaz

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Principaux cryofluides et leur utilisation

1.4. Applications des cryo-fluides et sources des basses températures :

Les techniques cryogéniques permettent d'obtenir des gaz très purs. De ce fait, l'activité
industrielle dans le domaine des gaz liquéfiés est très importante. Elle concerne le gaz naturel,
l'azote, l'oxygène, l'hydrogène, l'hélium, etc. Les fluides cryogéniques sont utilisés dans de
nombreux secteurs : électronique, métallurgie, chimie, espace, etc. Par exemple, le
combustible des fusées Ariane 5 est constitué d'oxygène et d'hydrogène liquides, et la
fabrication de composants semi-conducteurs, comme les microprocesseurs de nos ordinateurs,
exige l'utilisation d'azote très pur obtenu par évaporation du liquide. Des applications
médicales de pointe ont vu le jour récemment. Les scanners RMN utilisent le champ
magnétique produit par des bobines supraconductrices placées dans un vase de Dewar
contenant de l'hélium liquide. La cryopréservation d'organes ou de cellules (sang, etc...) fait
intervenir de l'azote liquide et des réservoirs de stockage cryogénique.

On utilise également l'azote liquide dans le domaine de la cryochirurgie. Les grands


instruments scientifiques comptent parmi les utilisateurs du froid. De nombreux laboratoires
ont installé des aimants supraconducteurs destinés à fournir des champs très intenses. On les
retrouve dans les installations d'expérimentation sur les plasmas (Tore Supra, par exemple),

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dont on espère obtenir une source d'énergie pour l'avenir. A basse température, un très faible
apport de chaleur provoque une augmentation de température perceptible, d'où l'idée d'utiliser
les techniques cryogéniques pour détecter des particules cosmiques. Plusieurs instruments dits
« bolométriques » existent actuellement dans les laboratoires d'Astrophysique. Les propriétés
quantiques de la matière permettent de concevoir de nouveaux étalons de grandeurs
fondamentales ou appliquées : c'est le cas du Volt ou de l'Ohm, définis par l'effet Josephson et
l'effet Hall Quantique et réalisés par des dispositifs à très basse température.

Les dispositifs électrotechniques supraconducteurs sont susceptibles d'autoriser un gain


d'énergie important par rapport aux systèmes classiques. Dans le domaine de la forte
puissance, transformateurs, alternateurs et limiteurs de courant sont progressivement installés
sur les réseaux électriques.

D'autre part, les applications dans le domaine des télécommunications se sont rapidement
développées depuis quelques années, en particulier au niveau des filtres très sélectifs pour les
téléphones mobiles, réalisés au moyen de supraconducteurs à « haute température critique »
maintenus à la température de l'azote liquide. D’autres applications ont pour motivation la très
grande sensibilité et le faible bruit électrique de certains dispositifs fonctionnant à basse
température, comme les amplificateurs cryogéniques. Les SQUIDs, instruments
révolutionnaires, constituent les magnétomètres les plus sensibles existant actuellement ; ils
sont capables de mesurer des tensions de l'ordre du pico Volt.

Les circuits électroniques atteignent des tailles nanométriques, et de ce fait ils sont
particulièrement sensibles aux perturbations thermiques. Les nano-objets actuellement étudiés
dans les laboratoires au voisinage du Zéro Absolu de température sont la source de
nombreuses découvertes fondamentales sur lesquelles se bâtit la technologie de demain.

1.5. Premières tentatives de liquéfaction de gaz (XVIIIème et XIXème s.) :

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 1852 : Joule et Thomson (Lord Kelvin) montrent que la détente d’un gaz à travers
une vanne provoque un refroidissement brusque (détente Joule‐Thomson).

 1863 : Thomas ANDREWS montre qu’il existe une température dite critique au-
dessus de laquelle il est impossible de liquéfier un gaz même en augmentant la
pression de façon infinie.

Il est donc nécessaire de combiner la détente d’un gaz et un refroidissement


préalable de ce gaz (en dessous de sa température critique) pour le liquéfier.

 1877 : Cailletet et Pictet réussissent à liquéfier l’oxygène, première liquéfaction d’un


gaz dit « permanent ».

Détente d’un gaz combiné par son refroidissement préalable


 Le gaz est comprimé (1)
 Le gaz est refroidi dans un échangeur (2)
 Le gaz subit une détente (3)

Schéma de principe :

La détente provoque une diminution de la pression et donc une diminution importante de la


température, produisant ainsi du liquide.

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Exemple

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Références

Kheliel Salim mémoire de master Dimensionnement d’une cryo pompe des


installations de liquéfaction des gaz, 2018.

Introduction à la cryogénie - IN2P3 – Formation « http://formation.in2p3.fr ›


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