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ENJEUX DE LA DYNAMIQUE FLUVIALE D’UN COURS D’EAU SOUDANIEN :

CAS DE MAYO GOULOUNGOU (NORD-OUEST DE LA REGION DU NORD


CAMEROUN)

Auteur : BAKARI Nestor, Géographie, Université de Maroua


Email : baknesta@gmail.com
INTRODUCTION
L’étude de la dynamique fluviale du cours d’eau Gouloungou dans son bassin versant
conjugue les facteurs anthropiques et naturels expliquant les processus de mise en place des
modelés. Au préalable, nous sommes passés en revue de l’observation du terrain pendant la
phase exploratoire en vue de caractériser toutes les interactions relatives aux modifications du
chenal, des berges et de son lit majeur. Le fonctionnement du cours d’eau Gouloungou subi
d’importants changements toutes ces dernières décennies. Ce processus s’est manifesté par des
changements dans la morphologie fluviale, le développement de la végétation sur les lits, un
rétrécissement de l’espace naturel fluvial et une incision des lits fluviaux. On a constaté
constamment l’érosion accélérée des berges, le phénomène de sapement des berges, les
éboulements, l’instabilité du chenal, la dénudation en couvert végétal des berges des rives, les
inondations perpétuelles pendant les périodes des crues, la rupture des ouvrages hydrauliques
(ponts de Gaschiga, de Manwi, et de Gouloungou). Ces incidences résultent non seulement des
facteurs naturels (fortes pluies à épisodes resserrés) ; pédologiques (sols à dominance
limoneux-sableux) ; topographique (forte pente en amont et faible pente en aval du bassin) mais
également des actions anthropiques comme le développement des activités agricoles,
l’exploitation des sables et prolifération des carrières des sables le long du cours d’eau. Sont
associés à interactions, des enjeux d’ordre socio-économique et environnement suite à la
dynamique fluviale du cours d’eau Gouloungou.
MATERIELS ET METHODES
La réalisation de cette étude s’est basée sur l’utilisation de la démarche déductive sur notre
observation de terrain, des outils de collecte et de traitement des données.
Localisation de la zone d’étude
Le Mayo Gouloungou est le principal affluent du bassin versant Gouloungou situé au Nord-
Ouest de la Région du Nord Cameroun. Ce bassin versant a une superficie de 516.37 km2 et
d’un périmètre de 143.71 km. Il est situé sur une altitude maximale de 710 m et d’une altitude
minimale de 174 m soit une dénivellation de 536 m. La pente maximale est de 39,82° pourtant
la moyenne est à 3,44°.
Localisation du bassin versant de Gouloungou
Matériels
Sur le terrain, pour collecter et caractériser toutes les informations relatives à ce bassin versant,
nous avons utilisé un appareil photo numérique pour les prises de vue, un appareil GPS (Global
Positionning System) pour l’enregistrement des coordonnées géographiques des points
critiques et des images prises. Nous avons ainsi conçu un formulaire d’enquête via la plate-
forme kobotools box pour déterminer les différentes cultures pratiquées le long de cours d’eau
Gouloungou et l’ampleur d’activité d’exploitation des sables.
Du côté cartographique, nous avons utilisé le Global Mapper qui est un logiciel hydrologique
spécialisé dans les analyses des différentes caractéristiques morpho-métriques et hydrologiques
d’une surface donnée. Ensuite, les images qui nous ont servi de support pour toutes ces
opérations étaient les SRTM obtenus via le site USG de la NASA.

Méthode
Au préalable, nous avons commencé par délimiter le bassin versant de Gouloungou. La
délimitation du bassin versant a pour but la détermination des caractéristiques géométriques et
topographiques. Cette délimitation s’effectue par deux principales méthodes :
- Méthodes classiques via des cartes topographiques,
- Méthodes récentes : en utilisant le SIG (Système d’Information Géographique) (Bakari N,
2018).
Le traitement des données que nous avons collecté sur le terrain a été réalisé par les analyses
faites dans le logiciel SPSS, Excel. Ainsi, les caractéristiques physiographiques
morphométriques et physiques du bassin versant ont été obtenues sur la base des images SRTM
de la zone. Pour cette analyse nous avons utilisé le logiciel Global mapper.

RESULTATS
Les formes et caractéristiques physiques d’un cours d’eau naturel sont le résultat d’un état
d’équilibre entre les capacités de transport de l’eau et des sédiments et le phénomène de
sédimentation à un endroit donné. Un cours d’eau et son système de plaine d’inondation sont
en équilibre lorsque les caractéristiques physiques, couplées avec la pente et le débit, permettent
d’offrir les vitesses requises pour le transport des sédiments et le stockage des charges
sédimentaires générées par le bassin versant. Les modifications à cet équilibre peuvent être
induites par des événements climatiques, hydrologiques, géologiques ou encore, anthropique
(MDDEP, 2012).

Processus de la dynamique fluviale du cours d’eau Gouloungou

L’érosion latérale des berges


L’érosion des berges est un phénomène complexe de la dynamique géomorphologique
des rivières. Elle contribue au développement des méandres (Wallemacq et al., 2011), à
l’ajustement des chenaux (Casagli et al., 1999 ; Dapporto et al., 2001) et à la migration latérale
(Lawler, 1992 ; Couper et Maddock, 2001). Elle représente de ce fait un aléa dont il faut tenir
compte dans la gestion des risques fluviaux. Concernant le mayo-Gouloungou, deux (2)
processus entrent en jeu en agissant en interaction contribuant à l’érosion des berges. On a
observé les mouvements de masse et l’érosion fluviale. L’érosion résulte de processus naturels
et anthropiques par lesquels les sols des berges d’un cours d’eau sont arrachés, puis transportés
sous forme de fines particules par les courants et déposés plus loin en aval. Ce processus
sédimentaire est un élément fondamental de la dynamique des cours d’eau. Ce phénomène se
produit lorsque les forces d’entraînement dues à la vitesse du courant et sa turbulence sont
capables de vaincre le poids des particules, leur frottement l’une sur l’autre et leur cohésion
éventuelle. Le choc est plus brutal lorsque la direction du courant fait un angle avec la berge.
C’est donc un phénomène affectant principalement les berges concaves des courbes, mais se
produisant aussi dès qu’un obstacle perturbe le courant (Degoutte, 2006).

Prise de vue : Bakari N, septembre 2020


La mise à nue des racines des plantes le long des berges, l’exposition des horizons des
sols des berges sur ces photos nous présente la forte ampleur de l’activité de
dégradation des berges du mayo Gouloungou.

Pour bien apprécier l’extension du chenal du mayo Gouloungou, nous avons délimité
trois sections chacune de 500 m de longueur. La première section a été retenue à
Gaschiga. Pour cette section, en 2006, nous observons une légère modification des
berges malgré la sinuosité de la section, par contre en 2020, le chenal s’est largement
élargi surtout vers la rive droite mais la rive gauche a subi des légères modifications.
Pour cette section, nous conclusons que il s’est déroulée une forte activité d’érosion sur
la rive droite. Ensuite, la deuxième section a été retenue à Mayami. Sur celle-ci, par
rapport à l’état initial de 2006 nous observons les modifications des bereges en aval et
en amont et par conséquence, nous disons que des fortes activités érosives se sont
déroulées en aval et en amont de la section. Enfin, la troisième section a été retenue à
Gouloungou. Cette section a attiré notre attention parce que les modifications des
berges ont été constatées uniquement sur la rive gauche par rapport à l’état initial de
2006. Pour ce faire, nous déduisons dans l’ensemble que des fortes activités d’érosion
des berges se sont observées sur les berges de mayo Gouloungou à cause de la forte
pente et de faible densité en végétation quand on tend vers l’aval du bassin versant.
Un sol peu résistant aux activités érosives
Etant donné que le sous-sol de bassin versant Gouloungou est constitué de gneiss, ses
sols sont de types ferrugineux mais les sols les plus fréquents sont sableux argileux, et
hydromorphes à très bas niveau de fertilité chimique (Unité ORSTOM 13, 5,16). La
capacité de rétention d’eau est élevée dans les sols très argileux (Tchifel, Demsa,
Mbilla) tandis qu’elle est faible dans les sols sableux (Gaschiga, le long des mayos
Gouloungou et Tiyel). Les exploitations installées sur ces derniers sols ne peuvent pas
se pérenniser. Les familles doivent après quelques années trouver d’autres terres plus
propices à l’activité agricole. Entre temps, les sols ont été défrichés, épuisés et exposés
à l’érosion. Ce qui entraîne un processus de dégradation rapide de ces sols.

Cette planche photographique illustre le caractère de type des sols sableux-limoneux


des berges et du lit mineur de Mayo-Gouloungou. Comme on le constate, dans le lit
mineur de ce cours d’eau, la population a développé l’activité agricole, sur un sol
inapproprié, infertile ce qui ne va pas favoriser un bon rendement. Par contre sur la
photo B, on observe des horizons sablo-limoneux constituants la berge de ce cours qui
le predispose et le rend trè vulnérable à l’érosion.
Une vitesse des cours d’eau qui accélère le processus érosif
La vitesse d’écoulement de l’eau dans le chenal joue un rôle très important dans le
processus de son élargissement. En effet, quand on observe que l’eau est chargée de
nombreux débris et qu’elle est bouillante, son activité d’érosion des berges et du fond
de chenal est aussi très importante par le simple fait que le sol étant constitué
majoritairement des sables et des limons sont moins résistant aux courants d’eau après
humectation. On fait également mention des forces érosives des débris transportés
quand ils entrent en contact avec la berge et le fond du chenal entrainent l’enlèvement
des sols et facilitent son transport par l’eau d’où la mise en place des creux dans les
cours d’eau après passage des pleins bords d’eau.

La mise à nue des blocs rocheux, les dépôts des débris transportés après le passage des
eaux constituent les indicateurs des grandes formes d’érosion des chenaux et des berges
des cours d’eau qui sont par contre marqués par des éboulements, et des affaissements
au pied des berges.
Insuffisance des plantes le long des cours d’eau

La présence massive des plantes le long d’un cours d’eau est un aménagement très
indispensable à la stabilisation et conservation de l’écosystème aquatique. Les plantes
jouent un rôle très essentiel dans le processus de lutte contre l’érosion des sols et des
berges, car à travers leurs systèmes racinaire et les interceptions des lames des pluies
par les feuilles, elles parviennent à bien fixer et stabiliser le sol pendant longtemps. Les
matières organiques issues de la décomposition des feuilles mortes de ces plantes
permettent également de reconstituer biologiquement, facilement et rapidement le sol.

Cette planche photographique nous présente la faible densité en végétation du cours


d’eau Gouloungou. En effet, vue que le dénombrement des plantes est trop spatialisé
les débordements du cours est très facile, puis que cette densité ne peut pas de contenir
les écoulements, de stabiliser les bergers et fixer les sols après humectation. Ces sols
sont facilement transportés par les écoulements.

Superficie occupation des sols 2020


250,0
200,0 224,3
150,0
100,0
107,8
50,0 59,0 48,2 61,6 17,1
0,0

Sur cette figure, le résultat d’analyse des images satellitaires montrent que le bassin
versant de Gouloungou est dominé par la savane herbeuse qui occupe une superficie de
224,3 ha, suivi de savane arborée qui représente 107,8 ha. Le sol nu quant à lui occupe
une superficie de 61,6 ha, les zones d’habitation (bâtis) se rapprochent des sols nus
avec 59 ha d’espace, et enfin les vergers étant une activité économique et sociale
développée le long de cours d’eau occupe une superficie de 17,1 ha. Ainsi, vue la
dominance en superficie des classes de savane herbeuse, nous déduisons que le bassin
versant de Gouloungou est soumis à une forte activité d’érosion.

1- Potentialités socioéconomiques exploitables le long de mayo Gouloungou


Plusieurs enjeux se sont développés grâce à l’élargissement du cours d’eau Gouloungou. Les
enquêtes menées auprès des ménages et le long de cours d’eau nous fait savoir qu’il s’agit tout
d’abord du développement des cultures maraichères, de la mise en place des vergers et le
développement du commerce des fruits, de l’augmentation des sites d’exploitation et de vente
des sables et en fin, la disponibilité de l’eau pour toutes ces activités.
Développement des cultures maraichères
Dans les pays à faible revenu, l’agriculture et l’irrigation sollicitent 90 % de l’eau douce des
lacs, rivières et nappes phréatiques, contre environ 70 % à l’échelle planétaire. En raison de la
hausse de la demande pour les activités environnantes, les ressources en eau du cours d’eau
Goyloungou ont diminué de près de moitié sur les 15 dernières années (TARIQ K et MAHYAR
Eshragh T, 2015).
Avec l’avènement de l’élargissement du chenal du cours d’eau Gouloungou, les cultures
maraichères ont pris une très grande ampleur. En effet, on assiste à une prolifération des cultures
d’oignons et ceci grâce à la disponibilité de l’eau pendant une période pouvant satisfaire le
cycle des plantes. A côté de cette culture s’ajoutent les cultures de Gombo, de pastèque et de
patate douce.

A B

C D
Sur cette photographique, on observe sur la photo A, un champ d’oignon vers Djadjé, sur la
photo B, la culture de gombo au bord de mayo à Mayami, par contre sur la photo C, on y
pratique la culture de pastèque et fin sur la photo D, on observe un bon foisonnement des plantes
de patate douce à Djadjé. Dans l’ensemble, les activités de cultures maraichères se développent
parafitement le long de Mayo Gouloungou à cause des dépôts des limons fertilisants déposés
par endroit, de la permanence de l’humidité et de l’eau disponible.

Mise en place des vergers et le développement du commerce des fruits


La mise en place des vergers aux bords de Mayo Gouloungou est un facteur indispensable pour
la prolifération de commerce des fruits dans les villages environnants et surtout dans la ville de
Garoua. Elle constitue une activité économique temporaire très importante pour la population
en période allant du mois de mars au mois de mai.

Sur cette planche photographique, nous observons la disposition des différentes espèces des
manguiers le long du lit majeur du cours d’eau Gouloungou. Grâce à ce cours d’eau cette
activité rend un service économique très indispensable pour les locaux.

Augmentation des points d’exploitation des sables


L’extension du chenal du cours Gouloungou s’est accompagné de la prolifération des sites de
vente des sables. Vue donc l’importance économique et sociale que représente cette activité,
les jeunes se sont lancés nombreux dans l’exploitation et la vente des sables le long de cours
d’eau de Gaschiga jusqu’à l’embouchure avec la Bénoué. L’extens io n du c henal d u mayo

qq

Sur

mmlo
Pour ralentir le processus d’érosion des berges, on a suggéré de mettre sur pied quelques
solutions opérationnelles. Il faut donc penser au :
 Renforcement de végétalisation des berges
 Enrochement des zones de forte pression
 Limitation des activités anthropiques le long des cours d’eau

CONCLUSION
La dynamique des cours d’eau s’accompagne généralement de plusieurs enjeux. Il ressort après
nos études sur le mayo Gouloungou que plusieurs formes d’érosions sont observées. On
constaté la l forme d’érosion latérale des berges, et l’évolution de la dégradation horizontale du
chenal, qui sont occasionné par des fortes activités anthropiques développées sur les rives de ce
cours d’eau, une vitesse forte des eaux de ruissèlement qui entrainent l’enlèvement, le transport
et dépôt des particules et une faible densité du couvert végétal qui ne parvient surtout pas à
stabiliser les matières solides des berges. Les enjeux issus de ce processus sont entre autres la
prolifération des activités du commerce autour des rives, et de l’agriculture.

Bibliographie
BAKARI Nestor (2018) , Les inondations dans l’Arrondissement de Bibemi (Région du Nord-
Cameroun), 151 pg.
Plan Communal de Développement de Gaschiga (2012), 236 pg.
Valéry B. Hamel, Thomas Buffin-Bélanger et Bernard Hétu, (2013), Contribution à l’étude
de l’érosion des berges : analyse à haute résolution spatio-temporelle des mouvements
subaériens sur une berge de la rivière Ouelle, Québec, Canada, vol 19 n°2
Wallemacq V., Petit F., Van Campenhout J., Houbrechts G. (2011) – Impact de la glace de
ségrégation sur l’érosion des berges d’un ruisseau ardennais (la Chavane,
Belgique). Géomorphologie : relief, processus, environnement 1, 65-82.

https://www.studysmarter.co.uk/explanations/geography/energy-security/deforestation/

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