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L’édition originale de cet ouvrage a été publiée aux États-Unis

par Drama Triangle Publications


sous le titre A Game Free Life – The definitive book ont the Drama Triangle
and Compassion Triangle by the originator and author.
© 2014 by Stephen B. Karpman, M. D. All rights reserved.

Illustration de couverture : © antishock- Fotolia.com

© InterEditions, 2017
InterEditions est une marque de
Dunod Éditeur, 11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff

ISBN : 978-2-7296-1766-0

Ce document numérique a été réalisé par PCA


Table

Couverture

Copyright

Introduction, Comment sont vos relations ?

Première partie
UNE DYNAMIQUE DU DRAME
Observer et repérer les jeux et les triangles

1. C’EST QUOI LES JEUX, AU FAIT ? Est-ce qu’on utilise une balle ? Une
balle peut-elle avoir la forme d’un triangle ?

La formule de base du jeu

Joueurs et rôles

Persécuteur, Sauveur, Victime, les trois rôles principaux du jeu

Pourquoi les gens jouent-ils à des jeux ? Sommes-nous des joueurs


aussi ?

Quelques exemples de pertes et profits


Exemple 1. Jeux de Victime

Exemple 2. Jeux d’escroc

Comment pouvons-nous nous retrouver pris au piège de ces


escrocs ?
Exemple 3. Jeux d’abus de confiance de nos aînés

Exemple 4. Jeux de menteurs

Exemple 5. Jeux de propriétaires

Exemple 6. Jeux de bureau


Exemple 7. Jeux sexuels

Exemple 8. Jeux de la famille dysfonctionnelle

Exemple 9. Le triangle de la famille du « patient identifié »

Le cas des triangles de l’alcoolique


Exemple 9. Jeux de la famille de l’alcoolique

Des jeux de bar aux jeux de salon

La pyramide de l’alcoolique

Le manège enchanté de la famille de l’alcoolique

Le triangle de la famille alcoolique

Le triangle des enfants adultes de l’alcoolique (EAA)

Faut-il de l’alcool pour jouer à des jeux d’alcool ?

2. COMMENT LE TRIANGLE DEVIENT DRAME ? De dangereuses valses à


trois temps

Une invitation irrésistible à jouer à des jeux

Les triangles Victime


Le triangle « J’ai peur de parler aux gens »

À quoi ressemblent les invitations dans le triangle ?

Les triangles romantiques : jeux des amoureux

Les switchs de la Victime

Les switchs du Sauveur


Switch du Sauveur 1 : le Switch de trahison

Switch de Sauveur 2 : le Switch j’y peux rien

Le Switch du Sauveur 3 : le Switch d’escalade

Le drame commence par un changement de rôle (Switch)


Les trois règles du Chaos (pour le joueur expérimenté)

Jeux de chaos
Le triangle de la violence domestique

Jeux de chaos dans les jeux de la famille alcoolique

Les rôles dans la famille alcoolique

Les triangles des interrogations

Les triangles des drames intérieurs


Un drame intérieur peut tourner dans le sens des aiguilles d’une montre

Un drame intérieur peut aussi tourner dans le sens contraire des aiguilles d’une montre

Le triangle de la dépendance

Les trois niveaux de drame à connaître

Diagnostiquer les jeux


Le nom du jeu est sur le sweat-shirt

3. UN TRIANGLE OK POSITIF. La solution à 10 % et le Triangle


Compassionnel, pont entre drame et bonheur

Mon triangle OK

Les triangles de la solution à 10 %


Règle 1. Il y a au moins 10 % d’intention positive dans chaque jeu

Règle 2. Il y a au moins 10 % de vérité dans toute idée exprimée

Règle 3. Il y a au moins 10 % de la population qui aurait réagi de la même façon

Règle 4. Quand nous sommes en train de jouer, au moins 10 % de ce que nous disons est
faux

Règle 5. Dans chaque jeu une personne joue au moins 10 % de chacun des rôles PSV en
même temps
Cette cinquième règle constitue le pas le plus important vers mon
Triangle Compassionnel

Déjouer les jeux avec « les options dramatiques »


Le Triangle Dramatique interne classique : « Je n’arrive pas à ne pas me détester »

Pratiquez votre Discussion Intérieure Positive

Le Triangle Compassionnel, un pont entre drame et bonheur


Une méthode très efficace pour se sortir d’un jeu

L’approche compatissante en thérapie de couple

L’utilisation des « 6 étapes de compassion » chez soi

Ce qui est vu et ce qui ne l’est pas

Le triangle de sagesse
L’utilisation du Triangle Compassionnel avec les 12 motivations du Triangle Dramatique

Objectif : la compassion instantanée

Un nouveau regard sur trois jeux


Le triangle de la Victime

Le triangle du Sauveur avec le jeu « Je ne demandais qu’à t’aider »

Le triangle du Persécuteur avec le jeu de « La petite bête »

Combinez les Triangles Compassionnels internes et externes


La Compassion en politique devrait être tout aussi automatique

4. CREUSER ENCORE DANS LES TRIANGLES PSYCHOLOGIQUES. Rackets,


jeux et scénarios

Que se passe-t-il que nous ne voyons pas toujours ?

Les jeux au niveau social (ceux que l’on peut voir)

Les rackets au niveau psychologique


Les rackets nocturnes : les jeux insomniaques
Le Racket Nocturne de la Colère

Le Racket Nocturne du Bon Samaritain

Le Racket de la Souffrance Nocturne

Le niveau inconscient : les triangles scénariques

La formule J du scénario

Les 3 P du scénario
Étape 1. Les trois P du Scénario initial (PPP1)

Étape 2. La promotion du Scénario (PPP2)

Étape 3. La Permission (PPP3)

Le Triangle Existentiel
Le renforcement de scénario en 4 étapes

Les Triangles de Redécision

Les Triangles de Transfert

La théorie des scénarios

Combinaison de triangles scénariques

Un triangle freudien

5. LE MODÈLE THÉORIQUE UNIVERSEL DU JEU À TROIS CÔTÉS. Le rasoir


d’Occam

Des triangles de la conversation à l’évolution !

Le triangle du niveau biologique cellulaire

Le niveau biologique génétique du triangle (ADN)

Le niveau darwinien du triangle


Les diagrammes expérimentaux de Triangle Dramatique

Le triangle des particules physiques d’énergie trivalentes

Le triangle du psychothérapeute à la perspicacité exceptionnelle

Deuxième partie
SORTIR DU DRAME ET SE LIBÉRER DES JEUX
Des méthodes de communication utiles pour éviter d’être pris dans le
triangle et instaurer des relations de qualité, saines, fiables, confiantes et
constructives

6. UNE BELLE VIE, SAINE ET LIBRE. Sur les chemins du bonheur, de


l’amour de soi et de la confiance, ma boîte à outils pour une vie hors des
jeux

Comment nous libérer des jeux ?

Travailler nos compétences pour vivre hors des jeux

Cinq décisions à prendre


Décision n ° 1 : Je m’éloigne des jeux (je n’interviens pas)

Décision 2 : Je prends ma part de responsabilité (P+)

Décision 3 : J’offre un soutien authentique (S+)

Décision 4 : Je reconnais la vulnérabilité (V+)

Décision 5 : Décide ! Que préfères-tu ?

Éviter le rendez-vous à OK Corral

L’iceberg de l’information
Les icebergs du Triangle Compassionnel

Ajoutez à vos bonnes habitudes le réflexe compassionnel

Trois niveaux d’évaluation de la qualité de l’écoute


Les trois échelles d’écoute
Les trois échelles de l’orateur

Les deux échelles situationnelles

Les cercles de soutien

Les options : un outil de résolution de conflit rapide qui permet


d’avoir des relations saines

Vous et vos États du Moi


Le Parent Critique, le siège de l’opinion, de l’engagement, du contrat et du cadre

Le Parent Nourricier dans la position de l’attention à l’autre, du soutien, de la solidarité


et de l’aide

L’Adulte, le siège de la pensée claire, de l’analyse et des faits

L’Enfant Libre, le siège des réactions spontanées et des émotions

L’Enfant Adapté, le siège de la flexibilité et de l’obéissance

Les États du Moi dans le triangle

Cinq Options pour parer aux jeux et renforcer vos États du Moi Positifs

Cinq contrats de confiance


Le contrat de Non-Effondrement (Parent Critique +)

Le contrat de Protection (Parent Nourricier +)

Le contrat d’Ouverture (Adulte +)

Le contrat de Plaisir (Enfant Libre +)

Le contrat de Flexibilité (Enfant Adapté +)

Que se passe-t-il lorsque les contrats sont rompus ?

7. LES TROIS RÈGLES D’OUVERTURE POUR DES RELATIONS SAINES


ET FIABLES. Évoque-le ! Parlons-en ! Bouclons !

Règle 1 – Évoque-le !
ABCDEF – Faire semblant d’évoquer les choses

L’Échelle d’Intimité : devenez intéressant !


Deux exercices au niveau « Nous » dans les ateliers

La Roue de la Personnalité : Impliquez-vous !

Les 12 principes théoriques de la roue

Règle 2 – Parlons-en !
Les barrages à la discussion et les méthodes pour les contourner

Les barrages à l’intimité : CASE

Les barrages à l’intimité et les boucles intrusives

ERA : La boucle perdante des intrusions dans l’intimité

La boucle des Gobelins Enthousiastes !

EDP : la boucle perdante de la sexualité

CASE+ : la boucle gagnante de l’intimité

ERA+ : la boucle gagnante de la sécurité

SEVF : La boucle d’écoute gagnante

La boucle gagnante (Winners loop) !

EDP+ : la boucle gagnante de la sexualité

Autres dérapages dans un Parlons-en (Talk-It-Up)

Une formule pour réparer un « Parlons-en » devenu Désastre : La boucle de courtoisie


CPP

Si vous voulez vraiment « en parler », méfiez-vous des six fauteurs de trouble, appelés
SALMEC

Règle 3 – Bouclons !
Vingt suggestions pour boucler l’affaire et passer à autre chose

Et quand cela ne suffit pas encore…

ACC : la boucle de l’excuse responsable

AIR : la boucle gagnante de l’excuse

Cela suffit-il pour changer ?

Les 7 P de la crédibilité
En bref : dix échappatoires de base pour tous les jeux

Une certification professionnelle au Karpman process model

Conclusion La formule du bonheur ; être soi, avec soi et avec l’autre

Annexes

Index des articles

Remerciements

Table des jeux et des triangles


Introduction

Comment sont vos relations ?

COMBIEN DE FOIS AVONS-NOUS VU NOS BONNES INTENTIONS devenir problèmes. Combien


de conflits semblent avoir démarré à cause d’un petit mot ou d’un gros
malentendu ? Faut-il se surveiller sans arrêt ?
Et si c’était beaucoup plus simple que nous ne le croyons ?
Et si nous pouvions briser le cycle apparemment si complexe des conflits
avec un seul triangle. Est-ce que cela vaudrait le coup de se pencher
dessus ?
Dans ce livre nous allons explorer les trois voies possibles pour entretenir
de belles relations et éviter les dérapages regrettables.
Nous ne le savons pas toujours. C’est peut-être inconscient, peut-être
conscient. Nous ne sommes pas là pour juger. Nous sommes là pour trouver
des solutions positives et des moyens simples pour échapper à des conflits,
des malentendus et des drames occasionnels auxquels nous sommes tous les
jours confrontés.
Nous allons chercher à comprendre ce qui se passe quand une situation
ou une relation se détériore. Nous chercherons aussi à comprendre pourquoi
elle se détériore. Nous testerons des pratiques, des outils pour persévérer
dans l’art de maintenir nos relations saines et heureuses. Voici en quoi ce
livre va vous aider.
Première chose, la plus importante, nous observons la nature. Je vais
mettre de côté mon vieux jargon de quarante ans de psychothérapie pour
parler clairement. Le seul sujet qui nous intéresse ici, c’est nous – vous,
moi, nos amis et nos familles. Je vais vous proposer des moyens simples et
pourtant puissants pour utiliser mes outils afin de vivre en dehors des jeux
et dans la compassion, dans le seul et unique but d’améliorer nos vies
ensemble.
J’ai voulu ce livre comme une conversation ouverte et accessible à tous.
Nous évoquerons des situations familières, certaines familiales, d’autres au
travail, en public ou en privé.
Cette découverte à laquelle je vous invite est un processus pas à pas, par
étapes :
• Étape 1 : nous observerons et donnerons un nom à ce que nous
observons dans les relations entre les gens.
• Étape 2 : nous allons simplifier la dynamique des drames avec un
diagramme que j’appelle le Triangle Dramatique. Toute idée nouvelle
fera l’objet d’un schéma simple permettant de comprendre encore
mieux ce dont nous parlons.
• Étape 3 : nous utiliserons des outils et des exercices pour résoudre les
conflits et les impasses complexes que nous vivons dans certaines
relations.

L’INTENTION DE CE LIVRE

• Nous promener dans le monde un peu fou des triangles, allant de l’un à
l’autre pour en comprendre la mécanique et mieux percevoir ce qui s’y joue.
• Explorer de nouvelles manières d’aborder le triangle, utilisé aujourd’hui par
les professionnels de l’accompagnement, les thérapeutes et même par
certains leaders en entreprise

Après quelques mots sur l’histoire de mon modèle, je vous dirai tout ce
que vous voulez savoir sur le Triangle Dramatique et cette manière si
familière que certains ont de saboter les relations.
Nous commencerons par le plus simple et ferons progressivement monter
les enjeux et la complexité des phénomènes observés. Nous embarquons
pour un voyage dans l’univers du drame sous toutes ses formes. Et c’est là
que cela devient passionnant !
La deuxième partie de ce livre offre un ensemble d’outils pratiques pour
échapper au drame et éviter d’entrer dans des boucles conflictuelles
interminables. Nous y introduirons aussi la notion de compassion
permettant de déjouer les jeux que les gens jouent. C’est le cœur de
quarante ans de recherches que je vous offre ici.
Des relations saines sans jeux confus et malsains, une communication
claire libérée des malentendus sont l’objectif final. Nous avons tous besoin
d’apprendre à soulever les problèmes sans en créer, à parler de ce qui
importe sans laisser échapper les éléments importants. Laissons surtout les
non-dits et sous-entendus à la porte de la mécommunication. Nous aspirons
tous à une communication plus adulte et constructive.
Comment est votre contrat relationnel avec ceux que vous aimez ? Est-il
explicite et clair ? Dites-vous ce que vous ressentez ? Partagez-vous
librement vos pensées ou gardez-vous beaucoup de choses pour vous ?
Savez-vous vous mettre en valeur et susciter l’intérêt ? Êtes-vous vraiment
engagé(e) et impliqué(e) dans vos relations ? Ceux qui vous aiment le
voient-ils ? Et au fait… êtes-vous aimé(e) comme vous le désirez ? Savez-
vous quoi faire pour l’être ?
Voici quelques-unes des questions que nous poserons et auxquelles nous
comptons bien répondre. Et si vous allez jusqu’au bout de cet ouvrage, vous
trouverez même ma nouvelle formule du bonheur !

Comment j’ai rencontré Eric Berne et son Analyse Transactionnelle


et comment cela a inspiré ma vie entière

Je m’appelle Stephen Benjamin Karpman. Je suis médecin. Tout a


commencé alors que j’étais un jeune psychiatre pour la marine américaine.
J’eus un beau jour la chance de rencontrer et travailler avec le Dr Eric
Berne, fondateur de l’Analyse Transactionnelle (AT) et un des plus brillants
esprits du siècle.
J’ai pris trois décisions majeures tôt dans ma vie qui m’ont conduit ici
aujourd’hui : enfant, je décidai que je serai un inventeur, un docteur et un
artiste.
C’est comme ça qu’un jour, j’ai dessiné une figure triangulaire connectée
par six flèches. Elle a porté tant de noms ! Je l’ai appelée Triangle
Dramatique. Le Dr Eric Berne aimait l’appeler le Triangle de Karpman. Ma
dernière version porte le nom de Triangle Compassionnel parce que, dans le
fond, c’est le fil rouge de mon travail. De la compassion introspective à
celle offerte à autrui, je considère que l’on peut passer de manière
systématique par trois rôles dans un jeu. J’observe que chaque joueur le fait
dans chaque jeu, ouvertement ou secrètement. Je sais aujourd’hui que
chaque rôle peut être abordé, discuté et géré un par un.
Quel que soit le nom qu’on lui donne, mon triangle est devenu
extrêmement populaire. Maintenant, on l’enseigne dans les écoles. Les
centres de réinsertion et de désintoxication l’utilisent. Il est devenu viral.
Ce livre raconte l’histoire de ce triangle et comment il a permis de
changer des vies, la mienne comprise.

Comment le brainstorming et pas mal de basket-ball ont conduit


au Triangle

J’ai très longtemps joué au basket dans ma jeunesse. J’étais meneur de jeu,
ce qui signifie que je devais définir les stratégies et répartir les rôles aux
joueurs pour aider la marque. Le rôle de meneur de jeu est très intéressant
au basket parce qu’il faut observer les positions de chaque joueur à tout
instant pour choisir la meilleure tactique pour gagner.
Un jour en Californie, juste comme ça pour voir, je me suis amusé à
dessiner des schémas et diagrammes des différentes options offensives et
défensives dans le jeu. J’analysais par la même occasion les feintes et
stratégies des adversaires. Je cherchais les idées clés et les points communs
dans toutes ces pratiques aussi bien au basket qu’au football américain. À la
fin, je me suis retrouvé avec plus de 30 pages de schémas sportifs. Avec le
recul, j’avais sous les yeux l’analyse des différentes manières de piéger et
manipuler ses adversaires. Je ne réalisai pas alors que j’étais en train
d’inventer un modèle. Poussé par ma passion du sport et du dessin, je
prenais du plaisir et sans le savoir créais du neuf.
Au bout du compte, le triangle a fini par émerger de toutes ses pages de
gribouillages avec les populaires trois feintes de football et de basket-ball.
C’est à peu près à la même époque que j’entrepris de participer au
« 202 », séminaire tenu tous les mardi soir, au domicile du Docteur Eric
Berne à San Francisco.
J’ai suivi ses trois principes de création scientifique à la lettre toute ma
vie. Le premier : « N’en parlez pas si vous ne pouvez pas en faire un
diagramme » ; le second : « Utilisez systématiquement le rasoir d’Occam –
de toute explication, la plus simple est le plus souvent la bonne » ; la
troisième « Parlez une langue que l’homme de la rue puisse comprendre. »
Avec le recul, je peux affirmer que j’ai appliqué ces trois règles avec un
triangle si simple que n’importe qui peut l’utiliser.
C’est en jouant avec mes trente pages de dessin que j’ai fini par
simplifier (rasoir d’Occam) sous la forme de flèches générant un triangle
(figure 1). Il était là, sous mes yeux, le triangle originel !
P pour le rôle de Persécuteur, S pour le rôle de Sauveur et V pour celui de
Victime.
Il y eut un temps un quatrième point, le Meneur de Jeu qui générait les
jeux et distribuait les rôles (figure 2). Finalement et par souci de simplicité,
je remplaçai ce quatrième rôle par des flèches symbolisant les déplacements
dans le triangle en arrivant à ma trentième page de dessins…

Figure 1. – Le premier Triangle Dramatique

Figure 2. – Le pré-triangle (avec Meneur de Jeu)


Il m’a fallu deux ans pour faire le rapprochement entre mes recherches
sportives et mon apprentissage AT1 et pour que je me décide à le montrer à
Eric Berne.
Il l’a immédiatement aimé et adopté. Il lui a donné le nom de Triangle de
Karpman avec la malice qui le caractérisait, en référence au triangle
d’Hesselbach (un triangle anatomique de muscles abdominaux). Et puis le
nom est resté. Berne me conseilla très vite d’écrire pour le Bulletin
scientifique et me fit une promesse qui sonnait aussi comme un
avertissement :
« Les gens te citeront encore dans deux cents ans alors, ton article, fais-
le bien dès la première fois. »
Ça va faire cinquante ans maintenant et ça continue. Comment l’avait-il
deviné ?

Comment le Triangle est-il devenu viral ?

En 2005 je me suis dit que ce serait amusant de chercher sur Google les
mots Triangle + Karpman. À ma stupéfaction, je vis l’écran proposer des
milliers de liens. C’est alors que j’ai vraiment réalisé la portée de ma
trouvaille qui avait largement dépassé les frontières de l’Analyse
Transactionnelle et semblait mener sa propre vie. J’étais aussi fier qu’un
peu inquiet. Il y aujourd’hui plus de 200 000 références sur Google.
Quelqu’un a fait une page Wikipedia. Je reçois 60 000 clicks par mois sur
mon site : http://www.KarpmanDramaTriangle.com/
Certaines personnes ont fait de formidables développements et
descriptions de mes recherches originales ; d’autres semblent s’être un peu
égarés dans le créatif et le poétique plus que dans l’orthodoxie de mes
idées.
Je compris vite qu’il était plus que temps pour moi de reprendre les rênes
de ma théorie. Le Triangle était mon bébé et c’était mon rôle de le
développer. Ce livre est aussi en partie l’objet de cette démarche. Je l’offre
aux futures générations et espère que la prophétie de Berne se réalisera et
qu’on me citera encore dans deux siècles.
Alors que l’orientation initiale de mes recherches sur les jeux était
thérapeutique, j’ai vite inventé des approches supplémentaires dans les
domaines de la communication au-delà des jeux dits psychologiques. J’ai
ainsi ouvert un champ nouveau vers ce que j’appelle « l’Analyse de
l’Intimité ».
J’ai présenté l’ensemble pour la première fois à l’Association
Internationale d’Analyse Transactionnelle en 1997 sous la forme d’un
enregistrement pédagogique appelé « Communication libérée des jeux pour
les couples ».
J’ai publié certaines de ces idées sur mon site ainsi qu’un article de dix
pages : Les Nouveaux Triangles Dramatiques. Tout comme le Triangle
Dramatique originel, ces modèles de communication et de construction de
l’intimité peuvent s’appliquer à toute personne, tout lecteur de ce livre,
qu’ils soient en paix ou en train de vivre une période de stress.
Des acteurs, des coachs, des professeurs des écoles, comme des auteurs
de fiction utilisent la théorie et les outils que j’ai créés dans leur discipline
respective. Ils utilisent la systémique des trois rôles pour aborder la
complexité humaine en mariant l’art et la science.
Mon rêve, mon projet, ma devise depuis des années.
PARTIE I

UNE DYNAMIQUE DU DRAME

Observer et repérer les jeux et les triangles

Il y a trois versions pour chaque histoire


Il y a trois règles pour chaque jeu
Il y a trois chutes pour chaque drame
1

C’EST QUOI LES JEUX, AU FAIT ?

Est-ce qu’on utilise une balle ? Une balle peut-elle


avoir la forme d’un triangle ?

LA FORMULE DE BASE DU JEU

J’ai utilisé le mot jeu, ou l’expression jeux psychologiques plusieurs fois


dans les pages précédentes. C’est Eric Berne qui a créé la première formule
de jeu universelle : elle part du déclencheur initial jusqu’au Bénéfice Final.
Elle s’applique à tous les jeux auxquels les gens peuvent jouer.
Je l’ai à mon tour enrichie avec ma perspective du Triangle Dramatique,
en ajoutant le « Switch ».

Formule J du jeu :
A + PF = R → E → S → BF

Le Jeu est lancé quand : le joueur commence par une Accroche sur le
Point Faible d’un autre joueur qui est alors hameçonné. Le joueur obtient
ainsi une Réaction qui déclenche une Escalade (surprise, expressions du
visage) et un Switch (renversement de rôles) pour finir sur le Bénéfice
Final.
Quand je vous raconterai des histoires drôles, folles ou tristes de jeu,
j’utiliserai le mot triangle et donnerai à chaque jeu un nom, comme le
Triangle « Tu ne veux plus faire l’amour avec moi », ou le Triangle « Chéri,
ils ont volé notre héritage ».

Mon Triangle Dramatique décrit la danse infernale des joueurs. C’est une danse
très simple avec seulement 3 pas à apprendre. Chaque pas est un rôle : P, S ou
V.
Nous dirons qu’il y a drame si un des joueurs change de rôle, ce qui veut dire
qu’il passe d’un des rôles PSV à un autre.

« Le monde est une scène


Et tous les hommes et les femmes ne sont que joueurs.
Ils ont leurs sorties et leurs entrées ;
Chaque homme en son temps, jouera bien des rôles. »

William Shakespeare

JOUEURS ET RÔLES

Vous connaissez la blague du faux pile ou face : « Jouons à pile ou face,


pile je gagne, face tu perds » ? Essayez chez vous, vous gagnerez à tous les
coups. Il suffit que la personne avec qui vous jouez accepte la règle bidon.
Vous savez quoi, ça fonctionne aussi dans la vraie vie, à tous les coups.
Prenons un exemple.

Le triangle « Pourquoi est-ce toujours de ma faute ? »

Une femme rentre chez elle en faisant une mine de dix pieds de long.
L’homme lui demande Qu’est-ce qui ne va pas encore ? La femme
répond : Tu as besoin de me demander, c’est ça qui ne va pas ! L’homme
se plaint : Ah ! Ça va encore être de ma faute ! La femme réplique aussi
sec l’air scandalisée : Je n’ai jamais dit ça ! L’homme gémit : Tu l’as
insinué ! La femme lui crie : Qui es-tu pour lire mes pensées ? C’est
toujours la même chose avec toi ! L’homme claque la porte au visage de
la femme en criant : J’abandonne ! Je ne sais plus quoi faire avec toi !
Fin du jeu.
Ils se sont partagé les rôles dans Triangle Dramatique, en tant que
Persécuteur (blâmeur), et Victime (blâmé) et comme Sauveur en faisant
semblant de chercher une issue.
Chacun accuse l’autre de commencer un jeu sans prouver quoi que ce
soit. Le couple est maintenant dans la tourmente. Quelque chose avait
probablement besoin d’être dit, mais personne ne l’a énoncé. À la place,
un jeu « que le plus fort gagne » a été démarré et le couple perd à chaque
fois.

Mon triangle parle de ce changement de rôle et de ces jeux auxquels les


gens jouent. L’idée m’est venue en observant les feintes sportives dans les
jeux d’équipe. J’ai vu que la meilleure façon de piéger un adversaire était
de l’inviter à jouer à un jeu dont vous seul connaissez la règle. De cette
façon, la personne qui entre dans votre jeu perd à chaque fois puisque vous
être le seul à connaître les coups gagnants et perdants. La clé pour inviter
des gens à jouer est de connaître l’Hameçon auquel ils ne sauront pas
résister. L’Hameçon est conçu à partir d’une accroche sur le point faible de
l’adversaire.

PERSÉCUTEUR, SAUVEUR, VICTIME, LES TROIS RÔLES


PRINCIPAUX DU JEU

J’ai identifié 3 rôles irrésistibles que les gens prendront comme point de
départ de toute partie.
1. La personne qui joue la Victime se déclare incapable de faire quelque
chose et de gérer ce qu’elle a à gérer seule. La Victime confond la
vulnérabilité et l’incapacité. « Pauvre de moi, c’est horrible. Je ne m’en
sors jamais seul(e) ! Tu es la seule personne au monde qui peut m’aider. »
Un des indices qui révèle quelqu’un dans le rôle de Victime est qu’il
passe plus de temps à se plaindre de ne pas pouvoir faire ce qu’il a besoin
de faire qu’à chercher des options ou solutions. Le Bénéfice est souvent le
renforcement de la croyance qu’il est incapable et que les autres profiteront
toujours de sa faiblesse. À la fin, la Victime peut se retourner contre ses
Sauveurs, comme s’ils étaient ses Persécuteurs. En réalité, intérieurement,
elle reste une Victime.
2. La personne qui critique, qui fait pression ou qui contraint une
Victime, tout en validant la faiblesse cette dernière, assume le rôle du
Persécuteur. Le Persécuteur prend la brutalité verbale pour du pouvoir.
« Tu ne feras jamais rien de bien… Comment peut-on être aussi stupide ? »
Il n’y a pas besoin d’avoir une formation pour voir un Persécuteur qui
attaque ouvertement une Victime. Le Bénéfice est souvent pour lui de
renforcer la croyance que les choses ne peuvent avancer sans l’usage de
l’insulte ou de violence. Pour justifier de la violence domestique, un homme
pourrait dire « Il est de ma responsabilité de lui apprendre une leçon. »
Au bout du compte, les Persécuteurs pourront se sentir victimes d’un
système ou de gens qui les ont « obligés » à devenir Persécuteurs à cause de
leur stupidité !
3. Une personne qui joue le rôle de Sauveur interviendra pour offrir de
l’aide sans avoir les moyens d’aider ou sans avoir été invitée à le faire. Un
Sauveur confond sauver et aider. « J’essaie seulement de t’aider ! »
Un des moyens simples pour repérer un Sauveur sur votre lieu de travail,
c’est qu’il va souvent faire plus de la moitié du travail pour les autres,
même si on ne lui demande pas. Le Bénéfice pour lui est probablement de
renforcer sa conviction que les gens sont égoïstes et ingrats. En fin de
compte, le rôle de Sauveur bascule souvent vers Victime de l’ingratitude
des autres.
Pour danser dans le triangle, si une personne jouant à la victime ne trouve
personne pour la secourir ou la persécuter, elle changera d’environnement
pour trouver quelqu’un pour jouer. Elle doit littéralement accrocher
quelqu’un pour jouer. Il ne restera plus qu’à résister à l’aide de ses Sauveurs
jusqu’à les épuiser.
Nous avons tous rencontré occasionnellement des gens qui semblent
beaucoup plus désireux de se plaindre que de résoudre les problèmes qu’ils
prétendaient vouloir résoudre. Certains sont presque des Victimes
professionnelles à la pêche aux Sauveurs ou Persécuteurs !
Mon ami et collègue Claude Steiner a une jolie formule pour décrire mes
trois vilains PSV :
La victime n’est pas aussi impuissante qu’elle le croit, le Sauveur n’aide
pas vraiment, et le Persécuteur n’a pas de critique valide.

POURQUOI LES GENS JOUENT-ILS À DES JEUX ?


SOMMES-NOUS DES JOUEURS AUSSI ?

Il y a des niveaux d’intensité différente pour les drames qui se jouent dans
le triangle.
Dans des situations sans grande conséquence, nous entrons dans le
triangle avec de bonnes intentions initiales qui se transforment en désastre !
Le triangle est alors le résultat de la maladresse, de la confusion, de la
recherche d’une solution trop facile ou trop rapide à un problème.
Par exemple, prenez le petit garçon Elmer qui n’ose pas dire à sa mère
qu’il a reçu une mauvaise note à l’école afin de ne pas lui faire de peine.
Quand son père le découvre, il est puni pour avoir caché la vérité et se rend
compte qu’il a perdu la confiance de ses deux parents.
L’intention originale de ce petit garçon était de protéger sa mère (et
l’intention inconsciente de se protéger du spectacle de la déception
maternelle). Le résultat, que j’appelle le bénéfice, est désastreux. La
conséquence est probablement qu’il va apprendre à l’avenir à mieux cacher
ses mauvaises notes, ou même à tricher.
Je crois aujourd’hui, après des années d’observation et de recherche, que
nous jouons non seulement pour des gains inconscients, mais également
pour le plaisir d’empêcher les autres de gagner. Nous le faisons des quatre
manières suivantes :
1. Empêcher l’autre d’être entendu : Je n’écouterai jamais des idées qui
ne sont pas de moi ;
2. Empêcher l’autre d’avoir raison : Vous ne pouvez jamais avoir raison,
sinon j’aurai tort ;
3. Empêcher l’autre personne de gagner : Vous ne pouvez pas gagner, ou
sinon, je perds ; Je suis jaloux des succès des autres ;
4. Empêcher l’autre personne d’entrer : Vous n’êtes pas les bienvenus ici.
Je suis égoïste et j’ai besoin de toute l’attention.
Par exemple, revenons au petit Elmer, qui cachait ses mauvaises notes à
sa mère, et voyons ce qu’il est advenu de lui dans sa vie maintenant qu’il a
20 ans.
Il est à table avec sa famille le dimanche et sa sœur vient d’être admise
dans une université prestigieuse. Elle est la reine du jour. Voici la danse du
triangle du frère jaloux !

Le triangle « Je ne vous laisserai jamais gagner en ma présence »

Étape 1.
Helen (la sœur), révèle fièrement : J’ai enfin obtenu mes papiers
d’inscription à l’université ; Je vais les envoyer tout de suite.
Elmer (le frère empêchant sa sœur d’être entendue) : On ne peut pas
parler d’autre chose de temps en temps ?
Étape 2.
Helen : J’espère que vous pouvez tous venir voir l’endroit avec moi avant
que les classes ne commencent.
Elmer (empêchant sa sœur d’avoir raison) : Ce n’est pas autorisé, tu ne le
sais pas ? !
Étape 3.
Helen : J’ai entendu dire qu’ils organisent une fête merveilleuse pour les
familles au printemps.
Elmer (empêchant sa sœur de gagner) : Tu dois encore passer les
examens du premier semestre ou il n’y aura rien à célébrer !
Étape 4.
Helen : J’ai quelque chose à vous proposer pour la célébrer !
Elmer (empêchant sa sœur de gagner) : Encore une de tes idées stupides !

Fondamentalement le Triangle dramatique est utilisé pour empêcher


l’intimité, détourner les questions importantes, et empêcher l’autre. Les
jeux sont joués pour l’excitation de gagner, pour éviter de perdre, et pour
renforcer de vieilles croyances.
Nous trouvons des jeux gagnants/perdants partout. Regardez dans les arènes
de combats animaliers. Les combattants ne peuvent pas laisser l’autre animal
gagner, voire survivre. Dans les arènes humaines sportives, une équipe ne peut
pas laisser gagner une autre équipe ou cela voudrait dire qu’ils vont perdre.
Il se passe la même chose avec les jeux psychologiques auxquels les gens
jouent.

QUELQUES EXEMPLES DE PERTES ET PROFITS

Exemple 1. Jeux de Victime

Il y a beaucoup de jeux de Triangle Dramatique dans lequel une Victime


demande au Sauveur de l’aide seulement pour passer rapidement au
Persécuteur et prouver au Sauveur qu’il n’est pas si futé. Pourquoi ? Il y a
sans doute une rancœur chez les joueurs Victimes parce qu’ils se sentent
obligés de demander de l’aide et que leur Sauveur ne les a pas aidés
exactement comme ils l’avaient secrètement désiré, entre autres nombreuses
raisons.
Ce prochain jeu illustre l’Hameçon et le Switch par la Victime.

Le triangle « Essaye un peu de m’aider si tu peux ! »

Sammy (Victime) dit à Tom : Je n’y arrive pas. Ce logiciel tableur ne


fonctionne jamais. Je n’ai jamais compris comment l’utiliser ou même
compris de quoi il s’agissait. Et maintenant mon patron veut que je fasse
un tableau de recensement pour lundi avec. Pauvre de moi !
Tom (Sauveur sympa) sourit et dit : Peut-être que je peux t’aider à
comprendre comment l’utiliser.
Sammy : Je suis nul avec ces trucs là !
Tom (trop confiant) : Je sais que je peux t’apprendre. On va y arriver.
Sammy (souriant) : Oui, mais d’autres ont déjà essayé et échoué…
Tom (perdant patience) : Oh, allez Sammy ! donne-moi une chance.
Sammy (Switch méprisant) : Pourquoi je le ferais ? Pourquoi tu ferais
mieux qu’un autre ? Ce que tu peux être prétentieux parfois ! Peut-être
que tu devrais t’occuper de ce qui te regarde !
Tom (dépité) : Euh, je voulais juste t’aider. Je suis désolé si je t’ai blessé.
Je suis vraiment navré. Quel idiot !

Figure 1. 1 – Le piège et le Switch de la Victime

Le piège tendu par Sammy ici est de jouer Victime sans vraiment
demander de l’aide. Il attire l’attention de Tom en envoyant une accroche
vers sa principale faiblesse : Tom a besoin d’aider tout le monde (Sauveur).
C’est l’Hameçon : s’il n’a pas aidé quelqu’un à la fin de la journée, il se
sent misérable (Victime). Et Sammy semble avoir besoin de quelque chose.
Maintenant Tom est accroché et il veut aider. Il le veut vraiment ! Son
processus devient : Je vais t’aider même si tu n’as pas fait une demande
claire. Très vite arrive le surprenant Switch et Sammy maintenant l’attaque
en le traitant de prétentieux. Il switche (change de rôle de Victime à
Persécuteur). La réaction que nous observons alors, le coup de théâtre, est
que Tom persécuté pour son sauvetage se sent désormais Victime et
s’excuse pitoyablement.
Dans la figure 1.1, les transactions sont dessinées sur le trait du Triangle
Dramatique et les Switches avec des flèches courbes à l’extérieur.
Le Bénéfice Final pour Sammy suit immédiatement : il passe de Victime
à Persécuteur et il se sent bien mieux maintenant qu’il a pointé l’arrogance
de Tom.
Tout le monde perd et tout le monde gagne. Tom vient de perdre dans le
jeu avec Sammy, mais il a aussi gagné un timbre à échanger dans une autre
partie plus tard. Les timbres sont les sentiments négatifs que nous portons
avec nous après avoir perdu un jeu. Rancœur, honte, culpabilité, mépris, etc.
Ils ne disparaissent pas dans l’air, même une fois le jeu terminé. Ils restent
en nous, drainent notre énergie positive, nous privent de sommeil et, comme
des bombes à retardement, attendent d’exploser à un autre moment, à un
autre endroit, souvent sur la mauvaise personne.
Ainsi Tom le Sauveur de la partie peut maintenant dire à qui veut
l’entendre que les gens sont décidément hostiles et ingrats. Il peut utiliser ce
timbre quand il le voudra.
Si un jeu est joué pour obtenir le Bénéfice Final, les « timbres »
constituent, quant à eux, une autre forme de récompense.
Si une personne accumule trop de timbres, j’observe que cette personne
aura tendance à jouer souvent pour évacuer les frustrations. Seulement
voilà, un jeu psychologique ne permet pas d’évacuer les frustrations. Au
contraire, elles s’accumulent sous la forme de toujours plus de timbres. Plus
Sammy et Tom jouent à ces jeux, moins ils seront capables de
communiquer avec maturité. Il y a un risque élevé que le niveau de tension
entre eux et avec d’autres augmente.
Nous observons trois niveaux d’intensité dans les jeux. Plus il y a de
timbres, plus il y a de risque de passer au niveau supérieur. Collectionner
les timbres a pour effet d’augmenter la pression interne et donc le besoin de
jouer à des jeux psychologiques. En un mot, plus nous accumulons de
timbres, plus nous jouons à des jeux.

TROIS NIVEAUX D’INTENSITÉ DANS LES JEUX

1. Au premier niveau, nous jouons à des jeux socialement acceptables, c’est-à-


dire des jeux auxquels des personnes extérieures peuvent être témoins.
2. Au deuxième niveau, les jeux deviennent socialement embarrassants, nous
les jouerons à huis clos.
3. Au troisième niveau, les jeux sont destructeurs, et les personnes sont
blessées directement et parfois physiquement. On y observe faillite, tribunal,
hôpital, prison, ou pire.

Exemple 2. Jeux d’escroc

Les trois rôles du Triangle Dramatique sont joués dans les jeux d’escroc. La
Victime crédule est le premier rôle, l’autre rôle est tenu par l’escroc en
mode Sauveur à l’étape 1, qui passera en mode Persécuteur à l’étape 2.
Figure 1. 2 – Le piège de l’escroc et son Switch :
l’escroc en mode sauveur

Dans la liste des escroqueries communes ci-dessous, j’utilise comme titre


le piège Sauveur de l’escroc, puis en sous-titre ce qui est dit par la Victime
après le Switch. Certains de ces jeux peuvent sembler familiers. Les jeux
peuvent devenir graves et les Sauveurs escrocs savent être très
convaincants.

Le triangle « Je t’aime, prête-moi tout ton argent »

Je l’ai rencontré en ligne et il semblait si gentil.

Le triangle « Prête-moi ta voiture chérie,


je te la rends juste après »

Puis il m’annonce que la voiture a été volée.

Le triangle « Prête-moi 600 € pour payer mon loyer.


Je te rembourse dans la foulée »

Je n’ai aucun document signé alors le juge a conclu que je lui en avais
fait cadeau.

Le triangle « Mes enfants m’ont viré de ma maison »

Je leur avais pourtant dit qu’ils ne pouvaient prendre qu’une seule


hypothèque dessus, pas deux !

Le triangle « Le jour où j’ai terminé de payer pour ses études,


elle m’a largué »
Je n’ai pas assez fait pour elle. C’était ma faute.

Le triangle « Si vous ne revenez pas régulièrement je ne pourrai


plus vous protéger des mauvais esprits ! »

Et puis le médium a disparu dans la nature quand j’ai manqué d’argent.


C’était lui le mauvais esprit !

Le triangle « Achetez-le maintenant ! C’est le dernier,


j’ai trois clients dessus »

Le lendemain, j’en ai trouvé 40 sur eBay à la moitié du prix !

Le triangle « Ces actions bon marché vous rendront riche »

Et je me sentais si riche à l’époque !

Le triangle « Le mécanicien m’a dit faites-moi confiance,


puis j’ai reçu une facture de 1 500 € ».

Je ne pouvais pas me le permettre donc il a gardé la voiture !

Le triangle « Je lui ai dit que c’était OK qu’il regarde du porno


sur Internet et maintenant il ne veut pas de moi ».

Il ne va pas tarder à me demander de jouer à 50 nuances de Grey…

Le triangle « Moi tu sais, je claque sans compter


et j’aime les belles blondes comme toi ! »

Je ne savais pas qu’il avait des dettes jusqu’au coup, alors j’ai repris du
poids et laissé mes cheveux revenir au brun.

Le triangle « Mon infirmière à domicile a volé mes bijoux ».

Je suis âgée et je ne peux pas prouver que je ne les ai pas perdus.

Le triangle « Laissez-moi rester chez vous quelque temps. Ça va !


Je ne vais pas voler quoi que ce soit ! »
J’ai découvert qu’il était un toxicomane et qu’il a été vu en train de
conduire ma Porsche.

Le triangle « L’avocat a récupéré tout l’argent de notre succession


et nous ne pouvons rien y faire »

Je ne vois toujours pas comment ça a pu se produire.

Il n’y a pas beaucoup de fins heureuses à ces jeux.

COMMENT POUVONS-NOUS NOUS RETROUVER PRIS


AU PIÈGE DE CES ESCROCS ?

Les jeux d’escrocs sont un processus en trois étapes. La mise en place


(Hameçonnage) se fait sur une période de temps variable. Le temps
nécessaire pour gagner la confiance. Cela dépend de chaque individu.
Certains d’entre nous sont plus faciles à convaincre que d’autres. Personne
ne peut dire à coup sûr, je ne peux pas être escroqué(e).
Étape 1 : l’Hameçon. Une personne qui joue à la Victime et qui a besoin
d’une faveur temporaire de vous, le Sauveur potentiel. Le discours est léger
et le profil bas. Cela est fait pour gagner votre confiance. Elle peut vous
trouver dans un magasin, dans une queue de théâtre, au travail ou sur un
service de rencontres, n’importe où. Une rencontre aléatoire, c’est encore
mieux !
Étape 2 : la promesse. Ensuite elle passe de Victime à Sauveur avec une
promesse de gain facile (argent, affection, puissance, renommée,
reconnaissance). En retour, vous aurez à accepter un (gros) prêt, bien sûr
temporaire. L’espoir, dit-on, fait vivre. Et même si c’est trop beau pour être
vrai, c’est irrésistible. Plus le mensonge est gros, plus il passe ! Quand
l’Hameçon est efficace, l’escroc pourrait nous dire qu’il est un prince
richissime d’un pays lointain désireux de partager ses richesses, et bien,
pourquoi pas hein ?
Une femme prête sa voiture à un étranger qu’elle a rencontré en ligne sur
un site de rencontres. Ils sortent ensemble et tombent « amoureux ».
Ensuite, la voiture est accidentée et il a besoin d’argent pour la réparer, puis
plus, et toujours plus encore. Prêter un dollar, perdre un ami dit le dicton.
Un jour il disparaît et la voiture aussi. Il prétendra qu’il s’agissait d’un
« cadeau » si on lui demande. Et bien sûr, comme cette femme lui faisait
confiance, il n’y avait donc aucun document à présenter au tribunal.
Étape 3 : la disparition. Dans le Triangle Dramatique passé au
Persécuteur, l’escroc disparaît avec votre argent (ou toute promesse faite) et
vous êtes maintenant la Victime. Vous n’auriez jamais pu le soupçonner
parce qu’il était un professionnel et que vous étiez nouveau dans le jeu.
Game over pour vous, mais lui sourit tranquillement sur le chemin de la
banque. Il commencera un autre jeu la semaine suivante, avec une autre
victime, dans une autre ville. Vous le cherchez, mais il a déménagé dans une
autre ville. Des années plus tard, vous le voyez à la télévision. Il a été
condamné et va en prison finir sa vie dans une cage, victime à son tour.
Sauveur > Persécuteur > Victime – la boucle est bouclée.
Ces jeux-là sont des faits divers, n’est-ce pas ?
Maintenant, regardons le drame familial impliquant des membres de la
famille et un héritage.

Exemple 3. Jeux d’abus de confiance de nos aînés

Le triangle « Notre sœur a volé notre héritage ! »

Les personnes âgées solitaires deviennent parfois crédules avec l’âge et


peuvent être exploitées. Leur esprit n’est pas aussi aiguisé qu’il ne l’était.
Elles veulent naturellement ce qu’il y a de mieux pour leurs enfants. Elles
sont prêtes à croire n’importe quoi. On observe souvent des batailles
acerbes entre les frères et sœurs pour leur argent. Les mensonges sont
utilisés pour renforcer les alliances et pour obtenir des avantages.
Dans le jeu suivant de vol des anciens, la sœur Sarah (Sauveur) raconte
au père mourant Earl (Victime) que les autres frères et sœurs sont venus
pour voler son héritage et qu’il ne doit faire confiance qu’à elle. Je vais te
protéger de leur cupidité ! Et pour le « protéger », elle filtrera tous les
courriers et les appels téléphoniques afin qu’ils – les frères et sœurs – ne
puissent pas « abuser » de lui (et qu’ils n’aient aucun moyen de le
raisonner). La réalité, c’est qu’elle l’a isolé comme le font les escrocs
pour avoir la main libre.
Alors papa en colère retire les autres frères et sœurs hors de son
testament. Après avoir été manipulé comme Victime, il joue maintenant
Persécuteur avec les frères et sœurs et Sauveur avec Sarah. Il est aussi sa
Victime. Il est dans un drame complexe et lourd et joue plusieurs rôles à
la fois comme on peut le voir dans des opéras et des chefs-d’œuvre
littéraires. Mais papa est aussi un Persécuteur involontaire pour Sarah qui
se retrouve piégée pendant des années comme Victime parce qu’il
continue à vivre pendant des années et des années, de sorte que les deux
sont des Victimes.

Figure 1. 3 – Jeu familial à trois. Tous les Switchs finissent par se produire.

Le père, les frères et sœurs de Sarah. Chacun a un rôle et un Switch dans


le jeu de chacun.

Exemple 4. Jeux de menteurs

Dans son scénario, le menteur expérimente intérieurement la position de


Victime inquiète à l’idée d’être pris en flagrant délit de mensonge ainsi que
celle de Sauveur ayant besoin de justifier le mensonge à soi-même, et aussi
celle de Persécuteur interne car le mensonge place l’individu dans un rôle
négatif. Les trois rôles joués en même temps sont souvent cachés et
invisibles pendant une longue période de sorte qu’ils sont tous représentés
ci-dessous cachés entre parenthèses.
Figure 1. 4 – Le triangle caché des menteurs

Jetons un coup d’œil à un triangle menteur en détail.

Le triangle adultère « Je vous mens parce que j’y suis obligé ! »

Robert est pris au piège par des sentiments de luxure (V) et trompe sa
femme, qu’il dit pourtant aimer tellement (S). Il craint bientôt de devenir
un mari infidèle aux yeux des autres. Il n’a pas encore été découvert. Il a
donc plusieurs rôles à jouer. Il se réveille en pleine nuit, les yeux grands
ouverts dans la nuit noire, il est une Victime qui craint que sa femme ne
le quitte si elle découvre son aventure. Il se perçoit comme un Sauveur de
son couple en prenant soin de ne pas se faire prendre. Il est encore une
Victime de l’intuition de sa femme qui pourrait deviner tant de choses car
il ne sait pas mentir. En nage, toujours incapable de trouver le sommeil, il
commence à blâmer sa femme pour être sexuellement insuffisante (il
passe à Persécuteur) et finalement si stupide puisqu’elle ne sait pas voir
la réalité en face, tout comme sa maîtresse qui est si bête, qu’elle ne sait
même pas qu’il est marié !

Ce triangle menteur adultère peut descendre aux deuxième et troisième


degrés. Les journaux sont pleins de ces histoires. Après dix ans, la femme
de la Victime finit par découvrir la vérité et poignarde son mari dans un
Switch violent vers Persécuteur – pour sauver son fils, dit-elle – en adoptant
un dernier Switch de Sauveur.

Ce que je veux montrer ici, c’est comment trois rôles sont joués simultanément
ou en séquence selon la théorie dramatique.
Dans la résolution de problèmes, il est essentiel de vous entraîner à observer
automatiquement les différents niveaux dramatiques, les rôles joués et les
Switchs qui s’opèrent.
Cette compétence nous permet de faire des interventions subtiles pour ramener
chacun sur le côté positif des choses. Une autre bonne raison pour pratiquer
cette compétence est qu’elle développe la conscience de soi.
Une fois que nous savons comment analyser ces jeux de triangle pour autrui, il
devient plus facile de nous observer nous-même.
Essayer l’inverse est souvent délicat. Développer la conscience de soi est plus
difficile que d’observer.
Considérons quelques autres exemples de triangles de menteurs. Je vais
leur donner des titres explicites :

Le triangle « Votre emploi est sécurisé. Je ne vous renverrai


jamais. Faites-moi confiance ».

Et la semaine suivante, j’ai reçu ma lettre de renvoi.

Le triangle « Je n’ai jamais regardé un autre homme »

Enfin, peut-être juste une fois, ou deux, mais ils ne comptaient pas.

Le triangle « J’ai dormi avec ta sœur, mais cela ne signifiait rien »

Si tu arrives à croire ça, je n’en ai pas fini avec toi.

Exemple 5. Jeux de propriétaires

Les jeux de propriétaires sont des jeux de ruse et d’intimidation. Ils sont
utilisés pour spolier les gens de leurs droits les plus légitimes – même
lorsque la loi les protège. Une locataire handicapée très âgée occupe un
appartement depuis 15 ans. C’est son domicile. La ville a voté une loi qui
empêche l’expulsion sans cause grave. Comme elle est là depuis longtemps,
elle bénéficie d’un loyer faible. Si elle déménage volontairement, le
propriétaire pourra augmenter le loyer de 750 $ pour le locataire suivant.
Voici comment il l’aborde et lui parle de ses droits.

Le triangle « Je suis si heureuse que vous m’expulsiez après


15 ans. Je suis désolée pour vos problèmes financiers »

La manipulation commence. Tout d’abord le propriétaire joue à « Pauvre


de moi ! » (V) pour obtenir la sympathie. Il dit « J’ai trop payé pour les
réparations du bâtiment et je suis déficitaire (il ment), et vous avez été
une locataire si merveilleuse, je suis heureux que vous ayez vécu ici.(S)
(il ment), mais je suis contraint de vous adresser cette demande de
paiement de retard de charges qui est certes très élevée (il ment) parce
que j’y suis obligé et que cela fait partie de ce que vous devez payer. Je
vous rappelle que ce n’est pas la première fois que vous avez du retard
(harcèlement P) et puis, la loi a changé (il ment), mais je suis généreux (il
ment) et si vous déménagez, je paierai vos frais de déménagement (S)
avec un supplément de 200 $ pour vous.
Elle est bien heureuse de l’aider ce pauvre propriétaire et si
reconnaissante pour les 200 $ de plus, qu’elle déménage volontairement
malgré les conseils de ses amis qui l’implorent de ne pas le faire.

Les locataires peuvent aussi jouer à des jeux :

Le triangle « Nous pouvons submerger le propriétaire avec de


fausses plaintes afin qu’il n’augmente pas notre loyer, jamais »

Les locataires peuvent jouer la Victime (V) de sa négligence (ils mentent)


sur toute sorte de réparations ou d’intervention qu’il est supposé faire
dans le logement. Ils menacent de porter l’affaire devant justice et le
propriétaire, intimidé, craint qu’ils provoquent d’importantes inspections
et d’éventuels problèmes juridiques sans fin (P). Après tout, ils paient le
loyer à temps chaque mois (S).

Exemple 6. Jeux de bureau

Le triangle « J’ai une mission temporaire pour toi en province. Tu


vas aimer et c’est seulement temporaire »

Et quand je suis revenu, mon ancien poste a été confié à quelqu’un


d’autre on m’a donné un bureau dans le couloir !

Le triangle « Nous vous enterrerons dans la paperasserie et les


projets inintéressants jusqu’à ce que vous abandonniez »

Alors les seniors bien payés sont remplacés par des diplômés de
l’université à moitié coût.

Le triangle « Je peux vous intimider jusqu’à ce que vous


craquiez »
Ce triangle peut ne pas être motivé par le programme de réduction des
coûts ci-dessus. Il peut juste s’agir d’un petit chef qui ne devrait jamais
avoir été promu à ce poste. C’était probablement une brute à l’école
primaire et son harcèlement n’a rien à voir avec vous. Il est désormais
intoxiqué dans des jeux Persécuteur-Victime.
Notre travail ne devrait pas être stressant. Aucun salaire n’en vaut la
peine. Ces situations peuvent conduire certaines personnes au burn-out.

Le triangle « Mon boss s’en prend à moi, mais bon ils l’ont tous
fait »

Ma nouvelle patronne est intimidante. Est-ce à cause de moi. A-t-elle a


été envoyée ici pour me manager ? Je me demande si je suis paranoïaque.
Cela m’est arrivé si souvent. D’autres m’ont confirmé qu’elle était dure.
Finalement je suis parti comme plusieurs autres l’ont fait et je ne suis pas
sûr du pourquoi.

Le triangle « Je ne pensais pas que je serais un candidat au burn-


out, mais maintenant je suis en arrêt maladie »

Elle avait si bon cœur qu’elle était parfois prête à faire des heures
supplémentaires pour aider les collègues (S). Elle prenait du travail le
soir, au moment où tout le monde rentrait chez soi (V). Elle travaillait
comme quatre mais n’a jamais demandé de l’aide, même les week-ends.
Elle avait l’air fatiguée mais gardait un visage heureux. Son patron
refusait de payer des heures supplémentaires (P) et il a même été jusqu’à
l’accuser d’être incapable de faire le travail à temps (V). En attendant,
elle travaillait tellement que le travail des autres paraissait faible à côté
du sien (P). Elle n’a pas pris soin d’elle quand elle a commencé à se
sentir fatiguée (P) et finalement a fait un burn-out. Le burn-out : un
Sauveur qui liquide la Victime !

Le triangle « J’ai été l’héroïne, lanceuse d’alerte mais maintenant


je le regrette »

Elle a découvert la corruption en cours, et l’a dénoncée. Depuis elle est


devenu cible de harcèlement (V). C’était pour elle un devoir moral de
dénoncer les voyous et sauver son lieu de travail de la gabegie (S). Elle
pensait que cela aiderait les autres employés (S) – mais ils l’ont tous
rejetée (P). Elle était devenue une menace pour ses patrons (P). On a
couvert les actes délictueux et elle fut présentée comme parano et virée.
Maintenant elle est sans travail, avec des factures qui s’accumulent (V),
sans aucune référence de son employeur et pour cause ! (V). Après avoir
obtenu une aide juridique (S), elle a finalement obtenu une indemnité
compensatoire au bout d’un an, mais ses anciens collègues lui manquent
(V).

Exemple 7. Jeux sexuels

Certaines personnes ne peuvent pas être attirées par d’autres à moins de


provoquer des jeux ou des drames. Pour qu’il y ait une attirance, ils doivent
pouvoir jouer un rôle dans le Triangle Dramatique, soit Persécuteur, soit
Sauveur, soit Victime.

Le triangle du désir

Un jour, lors un atelier, on m’a demandé de construire un triangle où les


gens utiliseraient le drame dans des jeux sexuels. J’ai dessiné un triangle du
désir au deuxième degré. Ensuite, il me fallut l’expliquer ! Humm…
D’accord. Voyons voir…
Préconçu : certaines personnes ne peuvent ressentir du désir que si elles
sont dans un jeu et mieux encore, un drame. Par exemple, au début d’une
liaison, le Sauveur ne parviendra à désirer qu’en allant apaiser les rages
d’un Persécuteur odieux. Ce dernier, à l’inverse, ne ressent d’excitation
qu’après avoir persécuté quelqu’un cherchant à le sauver. Ou encore, une
Victime implore et chouine dans l’espoir d’obtenir du Sauveur la charité
érotique (« sexe de pitié »). Parfois, des Persécuteurs et leur Victime
construisent des jeux de châtiment et d’excuses en utilisant des jouets,
comment dire ? Douloureux. N’essayez pas cela à la maison ! Ainsi certains
couples consensuels deviennent-ils inventifs avec des jeux de rôle sexuels
au deuxième degré où la violence ou l’humiliation interviennent.
Figure 1. 5 – Le Triangle du désir

Par exemple, la Victime solitaire espère trouver quelqu’un sur un


malentendu s’il le faut parce que personne ne l’a jamais aimée. Il existe un
type de Sauveur qui met un uniforme d’infirmière et offre du sexe par pitié.
Un autre encore joue Persécuteur et porte un masque et des collants noirs et
est autorisé à faire ce qui lui plaît à un Sauveur (faussement Victime) qui lui
accorde son plaisir tel qu’il le souhaite pour l’apaiser et s’il faut mettre un
costume de soubrette, il le fera.
Dans les jeux sexuels, on observe des Switchs car les partenaires peuvent
changer de rôle et de costumes. Chacun est en droit de se demander
pourquoi ils font cela. Certains magasins spécialisés vendent mêmes des
jouets et des costumes pour aider les gens qui le souhaitent à s’adonner à
des jeux de rôle de ce genre.
Les jeux ci-dessous illustrent un concept de Triangle Dramatique qui
commence d’abord innocemment en jeu de niveau 1 (social) et plutôt fun ;
un jeu érotique qu’ils peuvent gérer, mais plus tard de façon inattendue, le
jeu s’inverse dans un deuxième degré (embarrassant et secret) qu’ils ne
peuvent plus gérer. Pourtant les indices étaient là au début. Voici trois
possibilités :

Jeu de désir Persécuteur avec Switch

Premier degré : « Je veux qu’il soit froid, macho et qu’il me rabaisse pour
que je lui donne du plaisir. C’est ce dont j’ai besoin pour être excitée et
m’éclater sexuellement. »
Switch Persécuteur au second degré. « Il est devenu paranoïaque,
possessif, jaloux et il ne me laisse pas voir mes amis. Il est accablant et
abusif, mais j’ai peur de le signaler. Je n’aurai plus jamais de relations
sexuelles avec un tel monstre ! »

Après le Switch, la fête est finie ! Le Joueur qui se voulait Sauveur, est
devenu Persécuteur.

Jeu de désir Sauveur avec Switch

Premier degré. Le désir ici est tourné une personne au grand cœur qui se
précipite à votre secours dans toutes les situations. Cette personne
procure la dose de drame quotidien ou hebdomadaire que vous aimez.
Elle est généreuse, elle me pardonne tout. Elle est trop belle pour être
vraie.
Switch Sauveur au second degré. Elle prend tant soin de vous que vous
en devenez apathique et dépendant. Elle ne vous refuse rien et même
vous apporte des drogues et de l’alcool. Elle vous étouffe d’amour
inconditionnel – mais un jour, le désir s’éteint lorsque vous décidez que
vous ne voulez pas avoir de relations sexuelles avec votre mère.

Jeu de désir Victime avec Switch

Premier degré. Le désir vient du fait qu’il est irrésistible et mignon ; il a


des besoins et des problèmes non résolus qu’elle seule peut résoudre. Ce
pourrait être l’ex-mari incompris trop mignon ! Inversement, cela
pourrait être la damoiselle en détresse pour l’homme. Ils reçoivent non
pas du désir (il ne faut pas exagérer) mais du « sexe par pitié » pour les
sauver.
Switch Victime au second degré. Le tout mignon, ou la petite mignonne
cesse de travailler et se trouve une centaine d’excuses pour ne rien faire.
Des dettes apparaissent qu’il faut assumer et une ou un ex Sauveur du
passé réapparaît. Il n’y a plus de charme à votre Victime si mignonne
devenue un poids mort. Qui a envie de coucher avec son frère fainéant et
loser ?

Exemple 8. Jeux de la famille dysfonctionnelle


Les membres d’une famille dysfonctionnelle peuvent s’enfoncer dans de
multiples triangles d’alliances et d’aliénation alors qu’ils prennent leurs
rôles dans le Triangle Dramatique de Persécuteur, Sauveur et Victime. Les
familles vivent souvent dans le déni. En anglais, l’expression « un éléphant
dans le salon » décrit cette situation. Ce sont ces secrets de famille dont
personne ne peut parler au risque de terribles conséquences sinon des jeux
et des drames complexes parfois transmis de génération en génération.
Lorsque le mouton noir de la famille parle ouvertement des jeux, il est mis à
l’index, exclus. Ce qui est le plus déroutant dans les jeux familiaux, c’est
que les gens peuvent alterner énergie positive (+) et négative (–) dans le
Triangle Dramatique. Certains jours sont les jours d’amour, d’autres des
jours de haine.
C’est ce que j’appelle le Manège enchanté de la famille dysfonctionnelle.

Figure 1. 6 – Le Manège enchanté de la famille dysfonctionnelle

Dans les familles dysfonctionnelles, les Victimes sont intimidées et ne


parlent pas – à moins qu’on ne leur en donne la chance. Elles parleront alors
de manière exagérée et désordonnée. Les jeux de persécution au premier
degré sont considérés comme dire les choses comme elles sont. Et les jeux
peuvent escalader jusqu’au troisième degré avec des appels répétés à la
police avec hospitalisation ou tribunal. Le Sauveur d’une famille
dysfonctionnelle est admiré comme un martyr et doit faire en sorte que les
jeux continuent, pour ne jamais cesser d’être admiré – et ne pas devenir la
Victime.
Dans cet enchevêtrement de jeux et de drames, les gens se retrouvent
dans des rôles multiples où plusieurs joueurs peuvent être la Victime d’une
personne, le Persécuteur d’une autre, et le Sauveur d’une troisième – avec
des règles différentes pour chacun. Tous nient le fait que tout ça semble le
résultat d’une toile de mystification familiale, soigneusement tissée avec le
temps, qui cache une force néfaste, comme dans la figure 1.6.
Les familles ont leurs propres règles de disputes qui peuvent varier
comme parler vite, ne pas écouter (Persécuteur) ou ne rien dire et se cacher
(Victime). Il y a un rôle appelé « Démon à la maison et et ange dehors » où
la personne agit comme un fou et fait peur à tout le monde à la maison,
mais présente un visage normal aux voisins et sur son lieu de travail.
Personne ne soupçonne ce qui se passe au domicile.

LES CINQ PRINCIPALES RÈGLES DE LA FAMILLE DYSFONCTIONNELLE

1. Rien ne doit être obtenu facilement.


2. La personne la plus dysfonctionnelle est celle à qui on donne le pouvoir, et la
personne la plus saine n’est jamais écoutée.
3. Aucune personne saine n’est autorisée à voir ce qui se passe dans la maison.
4. Les règles changent constamment. C’est la personne la plus dysfonctionnelle
qui a le pouvoir de changer le plus souvent les règles.
5. Chaque problème doit générer un conflit plus important. Chaque nouveau
conflit va créer une nouvelle dépendance au drame. Chaque addiction sera
portée à un niveau plus élevé. Les solutions trouvées doivent être sabotées et de
nouvelles escalades inventées.

Tous les rôles imbriqués dans une famille dysfonctionnelle peuvent être
reportés pour être joués dans un milieu de travail dysfonctionnel plus tard
dans la vie – et être tout aussi difficiles à résoudre. Un responsable du
personnel peut recruter dans sa propre famille des joueurs qui, mieux que
d’autres, entretiendront les drames. Les jeux familiaux peuvent être intégrés
dans la politique de bureau. Les mêmes rôles et dynamiques peuvent
également être recréés à l’âge adulte dans une nouvelle famille, dans un
nouveau lieu de travail ou dans un groupe de thérapie – Ceci s’appelle le
phénomène de transfert.

Le dîner dysfonctionnel

Quand un accro au drame perd ses amis et joueurs avec qui il générait ses
drames, il peut organiser un dîner pour embarquer avec lui de nouveaux
joueurs. Une personne se plaint de la nourriture – un Persécuteur bascule
dans le jeu. Une personne s’extasie que la nourriture est la meilleure et plus
savoureuse jamais goûtée. – Un Sauveur entre dans le jeu. Une autre
personne tombe malade – une Victime entre dans le jeu. Bingo – trois
nouveaux joueurs. Le triangle est complet pour l’année prochaine.
Une deuxième raison pour lancer le dîner est d’afficher son importance.
On s’attend souvent à ce que les invités apportent de l’alcool. Si quelqu’un
n’aime pas la nourriture, c’est leur faute. Si la soirée dégénère, l’hôte ne
saurait être responsable.

Trois jeux classiques de la famille dysfonctionnelle

Ici encore les titres des jeux familiaux sont écrits avec les trois rôles du
Triangle Dramatique en jeu.

Le triangle « Il y a un éléphant dans notre salon et personne ne


peut le voir, sauf moi »

Si je le mentionne, ils se retourneront tous contre moi.

Le triangle « Je suis jaloux que tu sois la préférée et pas moi »

Et je ne sais pas ce que j’ai fait de mal. Est-ce parce je ne suis pas
beau ?

Le triangle « Quand Maman craque, tout le monde se cache »

Je voudrais qu’elle se fasse aider mais cela n’arrivera jamais.

Exemple 9. Le triangle de la famille du « patient identifié »

Maintenant concentrons-nous sur un jeu familial spécifique, étudié par les


théoriciens du système familial. Parlons d’une famille de cinq personnes.
Un des enfants est très difficile, parfois même mentalement malade. Dans le
drame qui se joue ici, cet enfant est le Persécuteur pour sa famille. Dans la
littérature de thérapie familiale, il est appelé le « patient identifié » et il est
blâmé pour tous les troubles familiaux. Il est aussi une Victime, cependant,
puisque ses maladresses sont le résultat d’une perturbation qu’il ne peut pas
éviter. En observant étroitement cette famille, où la tourmente peut durer
des années, on constate que l’enfant perturbé est secrètement aussi le
Sauveur, agissant comme un paratonnerre pour détourner la frustration des
parents qui ne s’aiment plus. Il pourrait s’en tenir à son attitude de
Persécuteur en rendant la vie quotidienne de plus en plus difficile pendant
que des médecins ou des éducateurs cherchent des solutions pour l’apaiser.
Mais il ne peut pas se permettre d’aller mieux s’il veut sauver ses parents de
leur désamour. Il continuera à leur donner d’autres problèmes à gérer
quotidiennement (lui). Et pour les rendre heureux de temps en temps, il sera
provisoirement un peu plus sage. Son rôle dans le triangle est souvent le
rôle le plus insoupçonné.
Nous devons alors vérifier si cet enfant pouvait secrètement,
inconsciemment, jouer un rôle de Sauveur de la famille. Comment ?
Probablement en empêchant sa famille de faire face à des problèmes plus
graves ou plus profonds – des problèmes qui pourraient perturber
l’équilibre familial ou causer la séparation des parents. En agissant de cette
façon, cet enfant a été la Victime soutenue dans un système où il ne peut
pas construire sa vie et réussir. Les parents ont dû rester ensemble jusqu’à
ce que la situation s’améliore.
Dans la figure 1.7, l’enfant est identifié comme étant le P dans le triangle,
mais nous illustrons avec parenthèses ses rôles secrets dans la famille
comme Sauveur (S) et Victime (V). L’utilisation de parenthèses pour
illustrer des rôles non reconnus est une autre façon de dessiner le triangle.
Alternativement, un triangle pour les parents (non représenté) les placerait
en tant que Sauveurs ouverts – S – et Victimes – V –) cherchant de l’aide,
mais en secret comme Persécuteurs entre parenthèses (P) en blâmant
l’enfant pour les problèmes familiaux qu’il génère.

Figure 1. 7 – Le triangle du « patient identifié » Persécuteur (avec deux


rôles secrets, S et V entre parenthèses)
Les parents jouent le jeu du blâme sur l’enfant de « Si tu n’étais pas là »
(P) mais, inconsciemment font tout pour le maintenir la situation (V) et
empêcher les problèmes d’être résolus. À différents niveaux, les trois rôles
sont joués simultanément dans chaque Triangle Dramatique, c’est la règle.
Plusieurs variations de cette histoire se produisent tous les jours à huis
clos. L’intrigue de base du drame est qu’un enfant sacrificiel sait
inconsciemment qu’il ou elle doit créer des problèmes afin de détourner les
parents de leur relation.
Dans la maison ou au travail n’importe qui peut être appelé « le
Problème » sans l’être. Et bien souvent celui ou celle qui identifie une
personne comme étant le problème est elle-même le véritable problème.
Les jeux de dissimulation sont très convaincants jusqu’à ce qu’ils soient
dénoncés. Dans une entreprise, un lanceur d’alerte peut être congédié pour
raconter les secrets de la maison. Les boucs émissaires et les écrans de
fumée sont fabriqués pour détourner l’attention du vrai problème. Le jeu du
blâme permet d’ignorer le véritable problème systémique que personne ne
sait comment régler.

LE CAS DES TRIANGLES DE L’ALCOOLIQUE

Exemple 9. Jeux de la famille de l’alcoolique

Avant que l’alcoolique ne se marie et fonde une famille, il passe par un


cours de « formation de base » dans des jeux dramatiques chimiquement
améliorés au bar du coin. Il y apprend et renforce les systèmes qui
encouragent (S) la consommation d’alcool. Ces jeux de déni font partie
d’une collusion de groupe (P) pour le faire boire en permanence avec eux
comme un Sauveur, mais il passe à Persécuteur quand ils ignorent le fait
que sa consommation d’alcool est hors de contrôle et qu’il devient
dangereusement accro (V).
Voici quelques mythes Persécuteurs avec leur message caché.

Le triangle « T’es pas marrant si tu ne bois pas »


On te foutra la honte si tu ne bois pas comme les copains et tu le
regretteras.

Le triangle « Tout le monde boit à la fac »

Nous mentons pour banaliser le fait que nous ayons trop bu.

Le triangle « Vas-y, prends-en un autre, tu peux le faire »

Oups. Nous n’avions pas pensé que tu détruirais ta voiture et que tu


perdrais ton permis.

Le triangle « Rions de l’alcool ».

Un rabbin, un pasteur, un prêtre, un bébé éléphant avec un ballon, et un


chien poilu nommé Buttercup entrent dans un bar. Le barman cligne des
yeux, puis dit : « Qu’est-ce que c’est, une sorte de blague ? Ah ah ah ! »
Les plaisanteries sur la boisson font tout paraître amusant et servent à
soutenir le système de refus de groupe.

Des jeux de bar aux jeux de salon

Les jeux du copain alcoolique sont pratiqués jusqu’à ce qu’ils deviennent


banals et courants. Maintenant, l’alcoolique est prêt à emporter les jeux
avec lui et les déplacer du bar du coin à chez lui. Le soutien et les
confirmations que ce n’est pas si grave tout ça vont lui permettre de
rabrouer les membres de la famille qui essaient d’arrêter sa consommation
excessive d’alcool qu’il considère à la fois normale et comme un droit. Sous
l’influence enivrante de l’alcool, des insultes intimidantes seront adressées
à toute personne qui tente de limiter sa consommation d’alcool avec sa
famille. Les pires de ces jeux sont les suivants :

Le triangle « Mes potes alcooliques sont plus amusants que vous »

Pourquoi ai-je épousé une personne aussi ennuyeuse que toi, qui ne sait
pas boire ?
Le triangle « Je ne bois pas trop. Vous ne buvez pas assez ! »

Arrêtez de me juger, laissez-moi tranquille. Tout ça c’est de votre faute !

Le triangle « Je peux faire de votre vie un enfer »

Arrêtez. Vous n’avez encore rien vu ! Vous serez désolés si vous


continuez !

La pyramide de l’alcoolique

Regardons maintenant les influences sous-jacentes sur l’alcoolique. Il


commence dans la vie comme une victime latente d’une physiologie
alcoolique héritée. C’est un état primaire qui vient sur le dessus de la
pyramide alcoolique. Les deux autres aspects sociaux suivent – générés tôt
dans la vie, par nature, formation ou choix : la personnalité et les jeux. Ce
sont les trois influences sur une pyramide alcoolique (et non un Triangle
Dramatique).

Figure 1. 8 – La pyramide de l’alcoolique

Figure 1. 8 – La pyramide de l’alcoolique

Dans mon diagramme, le futur alcoolique peut être vu comme une


victime de :
1. La biologie alcoolique. Cet ADN hérité du pool génétique familial est
un état primaire. Rappelons que beaucoup de gens, sans boisson,
jouent des jeux de deuxième degré et ne deviennent pas des
alcooliques.
2. La personnalité alcoolique. Au niveau structurel, les traits de
personnalité inhérents tels que l’entêtement, l’impulsivité, la sur-
confiance ou la mélancolie peuvent aggraver les choses. Ceci
influencera la fréquence et la profondeur des cycles de consommation.
Les alcooliques ne sont pas des Victimes. Ils sont tout à fait capables
de choisir un plan de sobriété – ou ne pas s’engager dans la sobriété, la
santé et les relations.
3. Les Jeux Alcooliques. Au niveau fonctionnel, ce type de personne
aime l’excitation et le drame. Il désire impliquer d’autres personnes
pour le rejoindre dans les rôles de Persécuteur, de Sauveur et de
Victime pour l’excitation sociale, le drame, les bénéfices personnels
joués aux premier, deuxième et troisième degrés de danger pour soi et
pour les autres.
Dans le cadre d’un traitement, de réadaptation ou de coaching, les
praticiens devraient approcher chacun des trois coins de la pyramide
alcoolique séparément et complètement sans en laisser un de côté.

LES 4 RÈGLES D’ESCALADE VERS LE DRAME MAXIMUM

Sous l’influence de l’alcool, l’alcoolique se dit qu’il peut boire tranquillement sans
embêter les autres (Sauveur), ou s’autorise à faire escalader des jeux jusqu’à
des niveaux de troisième degré avec des menaces du type « Je peux faire de
votre vie un enfer » (Persécuteur). L’escalade de l’alcoolique est un jeu que l’on
appelle « Drame pour l’amour du drame » avec quatre règles :
Règle 1. Augmenter le nombre de personnes impliquées.
Règle 2. Augmenter le périmètre et le territoire impliqués.
Règle 3. Augmenter les enjeux et le danger impliqué.
Règle 4. Augmenter l’insolvabilité pour toutes les personnes impliquées.

Pour comprendre l’alcoolique, regardons les trois rôles qui se jouent dans
le Triangle Dramatique. Est-ce seulement un jeu de Persécuteur, ou y a-t-il
aussi un appel à l’aide de la Victime ou encore un Sauveur qui offre un
clown à ses amis ? Si les trois y sont, alors il y a trois façons d’aider.

Le manège enchanté de la famille de l’alcoolique

Dans la famille de l’alcoolique, tout le monde fait son tour de Triangle


Dramatique. Chacun le fait de manière différente. Personne ne s’en tire
indemne.
Les Victimes (V) n’osent pas dire qu’il y a un éléphant dans le salon. Le
gentil conjoint (S) trouve des excuses et achète de l’alcool, tandis que celui
qui ne veut pas tolérer ça (P) continue à critiquer l’alcoolique même quand
il est sobre. Les enfants embarrassés (V) sont mal à l’aise et n’osent pas
inviter leurs amis à la maison.
De façon imprévisible (ou prévisible), un jour c’est la peur qui domine.
Un autre jour c’est l’espoir. L’alcoolique va basculer entre les différents
rôles dans son propre Triangle Dramatique, imprévisible. Il a toujours un
temps d’avance sur la famille parce qu’il est plus expérimenté qu’elle dans
le jeu et a plus à perdre.
Un jour où il aura été trop loin (P) pour réparer « l’épave » (V), il
implorera « une chance de plus » pour que la famille ne l’abandonne pas
(S). Il est difficile pour la famille de suivre les Switchs. Très vite tous sont
dans l’épuisement émotionnel.

Switch 1. De Victime à Persécuteur

Jouant le rôle de la Victime intoxiquée, irresponsable, et infantile,


l’alcoolique, cherche à négocier sa liberté d’être un ivrogne, si ça lui
plaît ! Puis jouant la carte de la colère dans un mode dramatique, il
switche (1) vers Persécuteur en effrayant la famille avec des menaces
telles que : « Je vais vous frapper si vous m’énervez davantage. »
Déception des membres de la famille une fois de plus avec des promesses
brisées (S).

Figure 1. 9 – Le manège enchanté de l’alcoolique

Figure 1. 9 – Le manège enchanté de l’alcoolique

Switch 2. De Persécuteur à Sauveur

Après maintes plaintes et demandes des membres de la famille,


l’alcoolique a rassemblé assez de timbres de culpabilité et il bascule vers
Sauveur (2). Il joue la carte des remords « Je suis désolé, donnez-moi
encore une chance. Je me comporterai bien. Vous avez été si patient avec
moi », offrant toutes les excuses tant attendues. Si la famille a de l’espoir
et le croit, c’est parce que lui-même semble croire ce qu’il dit (S).

Switch 3. Retour à Victime

Mais d’autres timbres sont là. De profondes douleurs personnelles non


gérées. Et le voici encore une fois Victime. Il ressent un besoin impulsif
et innocent de boire. Ce n’est pas sa faute. Il est incapable de faire
autrement. (V). Le cycle se joue et se rejoue au fil des années dans un
scénario « encore et encore » jusqu’à ce que, dans le meilleur cas, il
recherche véritablement une aide.

Le conjoint, tout comme l’alcoolique, évolue de façon fluide au travers


des trois rôles dramatiques. Le conjoint Sauveur va s’éloigner de son rôle
principal et jouer Victime. En utilisant le même diagramme, il peut d’abord
y avoir un Switch (3) pour le conjoint, Victime piégée dans le jeu.
Finalement, avec un peu de frustration et de colère accumulées, il fera un
nouveau Switch vers (1) Persécuteur affichant sa vindicte contre les
trahisons répétées.
Ce sont ces déplacements dans le manège et les Switchs d’un rôle à
l’autre qui permettent de faire durer indéfiniment le drame. Quand il le
faudra, le conjoint retourne à sa place (2) pour sauver une fois de plus et
trouver encore des excuses à son alcoolique et mentir à ses amis en disant
que tout va bien cette fois.
Les Switchs peuvent être imprévisibles et aller dans n’importe quelle
direction et se jouer différemment selon les familles et les personnes qui
viennent pour aider. C’est un environnement difficile à gérer.

Le triangle de la famille alcoolique

Avec toutes les promesses brisées, les blessures et les problèmes causés,
nous plaçons l’alcoolique dans le rôle principal de Persécuteur, le conjoint
dans le coin du Sauveur, et les enfants, sans moyens de sauver qui que ce
soit, dans la position de la Victime.

Figure 1. 10 – Les triangles de la famille alcoolique

Figure 1. 10 – Les triangles de la famille alcoolique

Le triangle des enfants adultes de l’alcoolique (EAA)


Dans la théorie de la famille de l’alcoolique classique, les enfants
s’adaptent au stress en adoptant l’un de ces quatre rôles suivant :
1. Le rôle de bouc émissaire (P). Attirer l’attention négative des parents
(comme le rôle du patient identifié décrit précédemment). Il ou elle
joue des jeux de deuxième ou de troisième degré.
2. Le rôle de héros (S). Comportement exemplaire, résultats scolaires
parfaits, réussite sociale : « Regardez ma réussite. Ne dites pas que
nous sommes une mauvaise famille ! »
3. Le rôle de mascotte (S). Bon samaritain : « Je peux rendre tout le
monde heureux ! »
4. Le rôle de l’enfant perdu (V) : Dépression ; « je dois me blinder et me
retirer de tout. »
Un enfant qui aura joué l’un de ces quatre rôles les intégrera pour le reste
de sa vie, au risque de les rejouer avec ses amis, conjoint, enfants,
collègues.

Figure 1. 11 – Le triangle de l’enfant adulte de l’alcoolique

Figure 1. 11 – Le triangle de l’enfant adulte de l’alcoolique

Alors, que pouvons-nous faire pour agir sur tous ces drames et ces jeux
lorsqu’ils deviennent si complexes ?
À ce stade, la réponse à cette question serait, lorsqu’un conflit se
présente :
1. Portez un regard compassionnel sur toutes les situations de jeu.
2. Remplacez les jugements hâtifs et les réponses impulsives par la
modération et la patience.
3. Utilisez les deux options alternatives dans le triangle pour faire face à
la situation.
4. Considérez vos propres rôles dans le Drame afin d’éviter d’y être
vous-même embarqué(e).

Faut-il de l’alcool pour jouer à des jeux d’alcool ?


Cette démonstration sur les jeux alcooliques constitue évidemment une
histoire de base pour tout type de dépendance conduisant à se blesser ou
blesser autrui tout en obtenant une certaine satisfaction négative plus ou
moins consciente.

LA RÈGLE DES TRIANGLES EN BREF

Nous jouons tous à des jeux. Nous les initions ou nous les acceptons. Lorsque
quelqu’un fait une invitation à partir de l’un des trois rôles :
➣ Persécuteur qui veut qu’on le craigne,
➣ Sauveur qui veut qu’on lui soit reconnaissant,
➣ Victime qui veut qu’on règle ses problèmes à sa place,
… toute personne répondant à l’un des trois rôles par un autre des trois rôles est
entrée dans le jeu.
2

COMMENT LE TRIANGLE DEVIENT DRAME ?

De dangereuses valses à trois temps

UNE INVITATION IRRÉSISTIBLE À JOUER À DES JEUX

Un jeu de triangle commence toujours par une offre faite à partir de l’un des
trois rôles PSV :

Offre de jeu de triangle d’une Victime

Je suis nul comme cuisinier. S’il vous plaît, aidez-moi à faire un gâteau
pour l’anniversaire de ma sœur. Je n’ai jamais compris comment utiliser
le four. J’ai essayé de suivre des recettes, mais je dois être trop bête…
Qu’est-ce que la Victime dit vraiment ici ?
Seul vous pouvez m’aider à résoudre mon problème. Je suis trop stupide
pour le faire.
Qui peut résister à aider cette pauvre Victime ?

Offre de jeu de triangle d’un Sauveur


Je sais que vous ne me l’avez pas demandé, mais permettez-moi de
réorganiser votre présentation : je crains qu’elle ne soit pas assez
convaincante pour notre conseil d’administration.
Que dit vraiment notre Sauveur ?
Vous avez fait un mauvais travail. Je peux sauver votre dignité en le
faisant mieux que vous pour votre propre bien !
Qui peut résister à un peu d’aide gratuite ?

Offre de jeu de triangle d’un Persécuteur

Je ne sais pas où vous avez obtenu votre permis de conduire, mais je n’ai
jamais vu un si mauvais conducteur de toute ma vie !
Que dit notre Persécuteur ?
Vous êtes un mauvais conducteur !
Qui peut résister aux insultes sans réagir ?

Ces offres ne sont que des portes ouvertes au drame. Dans un monde
parfait, personne ne mordrait à l’appât et ne pousserait cette porte ouverte
vers le jeu. Mais nous ne vivons pas dans un monde parfait et nous avons
tendance à être attiré dans les drames et dans les jeux des autres.
N’importe qui peut lancer un jeu à partir de n’importe quelle position de
rôle. Nous appelons cela une invitation à jouer. Cependant, pour qu’un jeu
ait lieu, l’invitation initiale doit être acceptée.

LES TRIANGLES VICTIME

Figure 2. 1 – Le triangle « j’ai peur de parler aux gens »


Le triangle « J’ai peur de parler aux gens »

Dans cette invitation, une Victime est susceptible d’obtenir une de deux
réponses suivantes – mais laquelle ?
Du Persécuteur : Eh bien, ne le faites pas. Vous êtes une mauviette ! C’est
tout.
Du Sauveur : Je vais parler pour vous. Ce n’est pas votre faute si vous
êtes timide.
Le jeu peut maintenant commencer.
Une situation de jeu classique est celle de la Victime qui cherche l’aide
d’un Sauveur en montrant de la peur :

Piège 1. Oh ! Pouvez-vous m’aider avec mon propriétaire ? Vous savez


j’ai peur de lui parler. Il me déteste.
Réponse 1. Un Sauveur prend l’appât :
Voulez-vous que je lui parle ?
Switch 1. Alors la Victime se retourne contre l’offre et persécute le
Sauveur :
Non. Vous allez juste empirer les choses.
Réponse 2. Le Sauveur s’excuse alors, seulement pour aggraver la
situation :
Je suis désolé, je voulais seulement vous aider ici.
La Victime peut maintenant donner le dernier coup de persécution :
Switch 2. C’est bien vous ça, de vouloir aider quand vous ne pouvez
pas !

Game over, le Sauveur a perdu… Il aurait mieux fait de ne rien dire !


Mais alors, quel était le Bénéfice pour la Victime ?
L’histoire ne le dit pas. Peut-être cette personne avait-elle besoin de
renforcer sa croyance que personne ne peut l’aider à faire face à des gens
agressifs. Peut-être avait-elle juste besoin de quelqu’un sur qui se défouler à
cause d’un mauvais moment qu’elle venait de passer avec son patron ou un
dentiste. Qui sait ?
Avez-vous déjà été invité à un tel jeu ? Voici une liste amusante
d’invitations de Victimes pour que vous puissiez vérifier :
– Le triangle « J’ai peur de parler à mon propriétaire ».
– Le triangle « J’ai peur de parler à mon partenaire ».
– Le triangle « J’ai peur de parler à mon meilleur ami ».
– Le triangle « J’ai peur de parler à mon médecin ».
– Le triangle « J’ai peur de parler à mon patron ».
– Le triangle « J’ai peur de m’exprimer ».
– Le triangle « J’ai peur de dire ce que je ressens ».
– Le triangle « J’ai peur de donner mon opinion ».
– Le triangle « J’ai peur de parler de mes sentiments ».

Une personne qui accepte le jeu continue jusqu’à ce que quelqu’un perde.
Parfois tout le monde perd. Mais j’observe aussi qu’à chaque fois il y a une sorte
de bénéfice, même lorsque le jeu est perdu.

Du coup, perdre le jeu finit par signifier qu’on a gagné une forme de
récompense, et c’est rarement positif. Il peut s’agir d’un renforcement de
rancœurs, d’une vision pessimiste du monde, d’une croyance limitante.

À QUOI RESSEMBLENT LES INVITATIONS


DANS LE TRIANGLE ?

Voyons comment une personne hameçonnée dans un triangle pourrait


répondre et entrer dans un jeu :
1. La Victime invite le Persécuteur :
Hameçon : Je suis si stupide quand il s’agit de s’organiser, vous aviez
raison à mon propos !
Persécuteur hameçonné :
Et c’est le moins que l’on puisse dire de vous !
2. La Victime invite le Sauveur :
Hameçon : Je suis nul, pas vrai ?
Sauveur hameçonné :
J’essayerai de toujours vous aider.
3. La Victime invite la Victime :
Nous n’aurions jamais réussi vous et moi !
Victime hameçonnée :
Vous avez raison, nous sommes deux losers !
4. Le Sauveur invite la Victime :
Laissez-moi le faire pour vous, vous n’y arriverez pas !
Victime hameçonnée :
Oh merci, je ne pourrais jamais le faire sans vous.
5. Le Sauveur invite le Persécuteur :
Je veux juste vous aider à vous calmer.
Persécuteur hameçonné :
Essayez, vous ne pouvez rien faire de bien de toute façon.
6. Le Sauveur invite le Sauveur :
Aidez-moi à vous aider, même si vous ne voulez pas que je le fasse.
Sauveur hameçonné :
Alors je vais essayer de vous faire plaisir en retour.
7. Le Persécuteur invite le Persécuteur :
Je vais te battre. Essaye seulement de m’en empêcher !
Persécuteur hameçonné :
Tu n’as aucun cran, je peux te battre quand je veux.
8. Le Persécuteur invite le Sauveur :
Vous êtes idiot de vouloir m’aider. Vous ne réussirez pas.
Sauveur hameçonné :
Je vais vous aider contre votre volonté et c’est pour votre propre bien.
9. Le Persécuteur invite la Victime :
N’essayez pas de vous excuser. Vous ne feriez qu’empirer les choses !
Victime hameçonnée :
Vous avez probablement raison d’en avoir marre de moi.
Il est important de souligner que jouer à des jeux n’est pas une question
de personnalité. En thérapie, j’observe tous les jours que, même si nous
avons tendance à favoriser certains rôles, nous finissons par les adopter tous
un jour ou l’autre.
J’ai vu certains de mes participants à des séminaires incapables
d’imaginer prendre le rôle de Persécuteur ou de Victime sur le plan social.
Par social, je veux dire immédiatement observable par les gens autour. Mais
dans tout drame, les trois motivations PSV sont en jeu, quelques-unes
apparaîtront ultérieurement. Ainsi la recherche démontre-t-elle que même si
les gens jouent certains rôles plus régulièrement que d’autres au niveau
social, ils jouent néanmoins les trois rôles sur un plan psychologique ou
émotionnel.
Les jeux ont été notre première façon d’apprendre les mystères de la vie.
Tout le monde y joue de temps en temps. Les invitations nous accrochent
tous. Pourquoi ne serions-nous pas attirés ? Les jeux sont amusants, n’est-ce
pas ?
La question est : pouvons-nous y travailler ? Comprenons-nous ce qui se
passe ? Peut-on éviter le drame ?
La réponse est oui aux trois questions !
Nous devons encore définir le drame.

J’ai remarqué que beaucoup de formateurs ou journalistes présentent mon


triangle sans rien dire sur le phénomène du Switch. En d’autres termes, ils ne
mentionnent que l’invitation dans le jeu.
Mais pour boucler un jeu psychologique et en faire un drame, il faut qu’un Switch
alimente l’excitation. Lorsque plusieurs joueurs se partagent plusieurs rôles, la
confusion générée enrichit le jeu dans sa complexité.
Plus il y a de Switchs, plus il y a de drames ; si vous ajoutez les escalades de
1er, 2e et 3e degrés, vous ajoutez des enjeux, des risques et des dangers
encore plus élevés – la martingale des amateurs de drame !

On peut observer des jeux à trois sans Switch, par exemple dans un
tribunal : l’avocat général est le Persécuteur, votre avocat est votre Sauveur,
et vous la Victime. Même chose pour certaines alliances familiales de
personnes prenant parti. Mais un Switch pourra à tout moment transformer
le jeu en drame.
À ma grande consternation, la plupart des gens connaissent mes
recherches sous le nom de « Triangle Dramatique », alors que le drame est
la situation même que je veux combattre. C’est pourquoi j’ai inventé le
Triangle Compassionnel. Les histoires heureuses semblent susciter moins
d’intérêt que les tragiques et c’est probablement pourquoi le Triangle
Dramatique est entré dans la légende plus rapidement que le Triangle
Compassionnel.
Le terme drame se réfère à la fois à son sens théâtral et à la conclusion
dramatique du jeu. J’ai travaillé avec des gens de théâtre qui utilisait la
dynamique de mon triangle pour s’entrainer et préparer un rôle. Un grand
scénario d’un grand écrivain aura chacune des trois motivations écrites pour
chaque personnage.

LES TRIANGLES ROMANTIQUES : JEUX


DES AMOUREUX

Le triangle « Pourquoi suis-je toujours malheureux en amour ? »

Sam est nerveux. Il veut bien faire cette fois, alors il met une cravate et
de l’eau de Cologne pour plaire. Son ami Bob lui a dit : « les femmes
comme les hommes soignent leur look ». Il ne veut pas paraître
négligent. Dans la rue, il remarque que les gens se tournent vers lui. Il a
fait un bon choix en décidant d’utiliser cette lotion. Quand il rencontre
Joan, cependant, il remarque qu’elle semble gênée par quelque chose.
Quand il la voit mettre un mouchoir sur son nez, il panique. Il a abusé de
la lotion de rasage en en mettant trop, et il sent trop fort. Il vient de
comprendre. Comme dans une comédie télévisée, il pique du nez.
Sam : Je suis désolé, c’est ma crème à raser, non ? Cela te dérange. Tu
sais, je pense que ça pue aussi ! Mais tu sais, ne sois pas sévère, je l’ai
mise pour toi, pour sentir bon pour toi. Ce n’est pas très sympa de faire
une tête comme ça avec ton mouchoir. Notre rendez-vous commence mal.
Vous, les femmes, on sait jamais ce qui va vous plaire et c’est pas la
première fois que ça m’arrive. Et puis, après tout, cette lotion ne sent pas
si mauvais que ça. Tu fais ta difficile là.
Sam est en sueur. Joan le regarde consternée. Elle a un mauvais rhume et
n’a pas remarqué ce dont Sam parle. Elle vient de comprendre que son
mouvement avec le mouchoir a déclenché une bombe à retardement chez
Sam. Elle va écourter ce rendez-vous parce que l’ami du jour semble un
peu excité et, pour tout dire, un peu inquiétant !

Sam doit comprendre que les femmes de sa vie sont probablement plus
indulgentes qu’il ne le pense. Aujourd’hui, il court le risque de rester
maladroit et de générer ses propres drames.
Ici, nous l’avons vu essayer de faire plaisir en se positionnant d’abord
dans une position de vulnérabilité négative : Je ne sais pas comment vous
plaire (V). Il choisit un support, la lotion de rasage (S), et en fait trop.
Quand il croit comprendre que Joan est dégoûtée (V) par la solution qu’il a
trouvée, il n’ose pas en parler (S), il part sur un monologue dans lequel il
commence comme la Victime de la lotion rasage, passe par le mode
Sauveur qui utilise la lotion pour plaire, et termine son voyage dans
l’accusation du Persécuteur envers les femmes qui sont si difficiles !
La situation comique de Sam pourrait être utilisée pour obtenir un rire
dans une comédie. Mais ici-bas, dans le monde réel, les hommes et les
femmes qui, comme Sam, ont eu des débuts difficiles dans leurs relations
avec le sexe opposé pourraient glisser dans un scénario de ce genre, répétitif
et dramatique à terme.

Le triangle « Je passe ma vie à rencontrer des femmes


méchantes ! »

Jeremy prend conseil auprès d’un psychothérapeute suite à des échecs


répétés dans sa vie amoureuse depuis vingt ans. Il se dit qu’il est peut-
être l’origine de ses propres difficultés. En fait, la semaine dernière, le
commentaire d’un ami a résonné pour la première fois : « Si tu vis
toujours les mêmes choses avec les femmes, c’est peut-être parce que tu
ne cherches que des femmes avec qui tu auras toujours la même
expérience. Pourquoi ? Je ne sais pas. Mais ce que je sais, c’est que tu es
le dénominateur commun de tous tes problèmes… ».
Ce n’était pas la première fois que Jeremy entendait dire qu’il était
inconsciemment responsable des échecs de sa vie amoureuse. Mais cette
fois, ces mots déclenchèrent un désir de sortir du cercle vicieux où il se
trouvait. Prêt à résoudre ses propres difficultés, il n’a pas eu besoin de
plus d’une séance pour changer sa position dans ses drames amoureux.
En effet, une fois que nous sommes déterminés à sortir du Triangle, le
simple fait de prendre connaissance des rôles que nous jouons peut
suffire.
Avec le thérapeute, il a rapidement identifié qu’il se positionnait comme
une Victime à la recherche d’un Sauveur avec les femmes qu’il
rencontrait. En se mettant à leurs pieds, se montrant reconnaissant
qu’elles le remarquent et acceptent de sortir avec lui, il dévoile très vite
son manque de séduction, de charisme et de présence. En conséquence,
les femmes qui ont choisi de commencer une relation avec lui étaient
celles qui voulaient être choyées un peu ou, pour des raisons plus
obscures, voulait lui apprendre comment devenir un homme – un vrai.
Dans tous les cas, elles finissent par se lasser de lui et le quittent pour un
autre homme plus sûr de lui.
C’est ainsi qu’il est entré dans un triangle infernal, invitant les femmes à
le persécuter alors qu’il essayait de les sauver et se retrouvait victime de
trahison.
Après vingt ans, ça ne marchait pas mieux pour lui de dire à qui voulait
l’entendre : « les femmes vous quittent toujours pour un bellâtre » tout en
oubliant qu’il avait créé cette situation.

Cette histoire est un classique !


C’est parce que Jeremy a réellement existé que je raconte cette histoire
du point de vue de l’homme. La version de la femme de cette histoire
évidemment existe. On pourrait l’appeler :

Le triangle « Je tombe toujours sur des salauds insensibles


qui me quittent pour une Bimbo ! »

D’après mon observation, les jeux ne finissent pas tous dans le drame
s’ils sont arrêtés assez tôt. « Assez tôt » veut dire : si personne n’a eu le
temps de changer de rôle dans le triangle (switcher).

LE DRAME EST UNIVERSEL

Il est provoqué par la situation et par la manière dont les joueurs perçoivent les
conséquences et les avantages plus ou moins conscients.
L’accro au drame vous impliquera toujours dans ses drames personnels. Il a
besoin de cette stimulation juste pour continuer à respirer.
Travaillons tout d’abord des drames tout simples avec un seul Switch.

COMMENT LIRE LES DIAGRAMMES ?

Les flèches indiquent les transactions entre les différents protagonistes. Les
transactions sont des échanges entre individus. Ces flèches sont tracées sur la
ligne à chaque extrémité pointant dans la direction du rôle.

Figure 2. 2 – Transactions et Switchs dans le Triangle


Dramatique : la Victime switche vers Persécuteur et le Sauveur
est la nouvelle Victime

LES SWITCHS DE LA VICTIME

La Victime dit au Sauveur : Tu es la seule personne à pouvoir m’aider !


Le Sauveur répond : Oui, je sais… Laisse-moi faire, je vais m’en occuper.
La Victime switche en Persécuteur : C’est trop tard, tu le sais bien. Pff !
Quelle cloche tu es !
Dans cet exemple, la Victime refuse le secours qu’il a été demandé au
Sauveur et adopte le rôle de Persécuteur. Le Sauveur devient maintenant la
nouvelle Victime.
Dans la situation classique que nous venons de mentionner, la Victime
pourrait dire quelque chose comme : Eh bien, pour quelqu’un qui prétend
qu’il veut m’aider, tu as seulement aggravé ma situation avec ce que tu as
fait !
Ou parfois pire : Si c’est comme ça, j’appelle mon avocat !

LES SWITCHS DU SAUVEUR


Les Switchs ci-dessus, initiés par la Victime, ne sont pas les seuls possibles.
Ils peuvent aussi être initiés par un Sauveur.

Figure 2. 3 – Le Switch du Sauveur :


1. Le Switch de trahison,
2. Le Switch j’y peux rien ! 3.
Le Switch d’escalade

Switch du Sauveur 1 : le Switch de trahison

Dans le premier Switch de Sauveur, le Switch de trahison, le Sauveur qui


ne veut plus aider la Victime pourrait passer à Persécuteur et passer un
savon à la Victime ! Par exemple : Si vous aviez fait ce que j’ai dit, vous
n’auriez pas fini comme ça. Vous n’écoutez jamais ! Ou dans le rejet
amoureux : Tu n’es pas mon type, laisse-moi tranquille, tu me fais pitié avec
ton désir, alors tire-toi pauv’ mec, t’es moche et nul !
Ouille ! Dessinons une flèche courbe du rôle du Sauveur vers celui du
Persécuteur. La Victime sent que tout espoir et toute confiance ont été
trahis. Ceci était un jeu en privé. Un triangle de trahison en public pourrait
ressembler à ceci :

Le triangle « Elle a dit qu’elle garderait mon secret pour


toujours »

Et le lendemain, je l’ai trouvé sur Facebook.


Dans un jeu de deuxième degré plus insidieux (voire troisième degré),
appelé « vengeance porno » comme dans l’exemple suivant :

Le triangle « Il avait dit que nos photos privées étaient notre jardin
secret »
Six mois plus tard, je les ai vus sur Facebook – avec des dizaines de
commentaires d’inconnus !
Ou, plus subtil et tout aussi insidieux :

Le triangle « Je suis votre avocat. Surtout ne dites rien et soyez


silencieux. Je vais prendre soin de tout »

Et j’ai perdu l’affaire parce que je n’ai pas voulu répondre aux questions
du juge.
Les jeux auxquels les gens jouent ne sont pas toujours amusants.

Switch de Sauveur 2 : le Switch j’y peux rien

Le deuxième Switch de Sauveur, le Switch j’y peux rien ! voit le Sauveur


s’effondrer dans un rôle de Victime impuissante, affligée et submergée par
la demande. La Victime originale doit maintenant prendre soin du Sauveur.
C’est ce que j’aime appeler la compétition pour la position de la Victime.

Le triangle « Je ne peux plus vous aider. Je suis surchargée »


Puis je l’ai vue aider tout le monde.

Le Switch du Sauveur 3 : le Switch d’escalade

Dans un troisième Switch du Sauveur, l’escalade morbide l’amène au


deuxième ou troisième degré. Le Sauveur exagère l’état de la Victime qu’il
prétend aider en lui attribuant désespoir ou pathologie à l’excès, donnant à
son rôle de Sauveur une importance et des enjeux encore plus graves.
Si la Victime croit à la dégradation de son état, elle s’imaginera avoir un
besoin vital de ce Sauveur pour toujours. Cette Victime est désormais sous
l’influence de deux injonctions : « Ne fais rien sans ton Sauveur » et « Ne
sois personne car tu es insignifiant et incapable »
Ensuite, son Persécuteur intérieur va prendre le relais au deuxième degré
et elle va s’insulter intérieurement : « tu es paresseux, fou, malade, stupide,
mauvais et laid ». Suivront alors les « Ça, c’est tout moi, quel incapable je
suis ! » Elle finit par croire tous ces messages induits par son Sauveur et
développe une pathologie dépressive.

LE DRAME COMMENCE PAR UN CHANGEMENT


DE RÔLE (SWITCH)

Le triangle « Pourquoi ne sais-tu jamais ce dont j’ai besoin ? »


Un triangle de lecture de pensée

Le mari qui s’attend à ce que sa femme lise dans ses pensées boude dans
son propre triangle intérieur « Elle ne me fait jamais de frites ». Il rumine
parce qu’elle ne vient pas le sauver. Puis tout à coup il attaque sa femme
choquée :
Je dois être un mari nul pour toi !
La femme répond : Pourquoi me dis-tu une chose si horrible ?
Il répond : Je suppose que je ne mérite pas de frites, tu n’en fais jamais
pour moi.
L’épouse se défend : Tu m’as toujours dit que tu préférais que je fasse
des repas légers pour tes problèmes de poids et de cholestérol.
Le mari change soudainement, fronce les sourcils : Si tu m’aimais
vraiment, tu saurais que j’aime vraiment les frites. Mais tu es
désagréable et tu t’en prends délibérément à mon poids chaque fois que
tu en as la l’occasion.

Ici, le mari mène le jeu en persécutant son Sauveur, sa femme répond en


essayant d’apaiser et de sauver le Persécuteur de sa colère injuste. Ces jeux
sont joués sur l’axe de Persécuteur vers Sauveur et consistent à engueuler
quelqu’un qui nous aide.
Dans ce couple, les deux sont Victimes de l’autre à un moment donné. La
règle du Triangle Dramatique est que les trois rôles sont toujours présents.
En théorie, il s’agit d’une règle similaire à celle du diagramme de l’Analyse
Transactionnelle à trois cercles où les trois états de l’ego sont toujours
présents – certains plus que d’autres. Pour montrer trois éléments agissant
ensemble, nous utilisons un diagramme les attachant les uns aux autres.
Figure 2. 4 – La progression le long de l’axe Persécuteur-Sauveur

Dans cet exemple, l’homme joue d’abord le double rôle du Persécuteur et


de la Victime jusqu’à ce que sa femme soit suffisamment hameçonnée pour
lui permettre de passer complètement de la Victime Je ne suis pas un bon
mari au Persécuteur Tu es une mauvaise épouse !
Les jeux par définition sont prévisibles et changer de rôle crée un
moment de confusion pour l’autre. Tout peut alors arriver, surtout le
drame !

Le triangle de l’adolescent incompris

Un adolescent rentre à la maison. Il a eu de mauvaises notes en


mathématiques.
La mère : Comment se fait-il que tu aies obtenu un 3 en maths, chéri ?
L’adolescent : Mon prof est un idiot et il ne sait pas y faire avec nous.
La mère : Oh, chéri, il doit faire de son mieux.
L’adolescent : C’est un idiot je te dis !
La mère : Je suis sûr qu’il fait ça pour ton bien.
L’adolescent : Tu défends toujours les autres au lieu de défendre ton
propre fils. Tu dois aimer les autres plus que moi. Je suppose que je ne
suis pas assez bon pour toi.

La mère agit d’abord ici comme Sauveur de l’enseignant lorsque son fils
agit comme Persécuteur. Il sent qu’elle le trahit en soutenant l’enseignant
contre lui. Comme sa mère conserve son rôle, le fils passe de son rôle de
Persécuteur au rôle de la Victime trahie sans amour (la ligne courbe passe
en dehors du triangle à la figure 2.5).
Le drame est proche.
Figure 2. 5 – Switch de Persécuteur à Victime

Le triangle « Pourquoi dois-je toujours


tout faire dans cette famille ? »

La femme est réveillée par un bruit chez les voisins :


Chéri, tu as entendu ?
Époux réveillé par la femme : Hein quoi, quoi ?
Femme : Je suis vraiment désolée de te réveiller, mais je ne me sens
vraiment pas bien.
Époux : Entendu quoi ? Pas bien pourquoi ?
Femme : S’il te plaît, fait quelque chose. Les voisins font encore la fête.
J’ai mal à la tête. Je ne peux pas dormir. Je me sens mal.
Époux : Qu’est-ce que tu veux que je fasse ? Je n’y peux rien. Il n’est
même pas dix heures.
Femme : Eh bien, soit un homme pour une fois !
Époux : Oh ! Pourquoi me harcèles-tu toujours ?
Femme : Oh, laisse tomber ! Tu n’es qu’un froussard ! Je vais leur dire
moi-même !

Figure 2. 6 – La Victime (V) n’obtient pas d’aide et se met en colère (P)


La femme commence comme une pauvre chose (V) réveillée par le bruit
des voisins (P). Elle réveille son mari et joue le rôle de Victime dans le
besoin d’un héros courageux (S). Le mari refuse et montre son impuissance
et manque d’envie (V). Elle passe au Persécuteur avec des commentaires
méprisants.
Voici maintenant un exemple du jeu « Pourquoi ne feriez-vous pas – Oui
mais » décrit par Eric Berne dans son livre Des jeux et des hommes. Chaque
demande faite par l’un est contrée par un argument expliquant que Oui,
mais… ça ne marchera pas.

Le triangle « Essaye de m’aider si tu peux »

Le voisin bruyant de la nuit dernière sonne à la porte le lendemain matin.


Il a des problèmes majeurs avec sa connexion Internet.
Voisin : Bonjour Bob. Je suis vraiment désolé de venir t’embêter.
J’espère ne pas interrompre ce que tu es en train de faire. Si je suis… siiii
désolé !
Bob : Ne t’inquiète pas. Que puis-je faire pour toi ?
Voisin : J’ai cru comprendre que tu es plutôt bon avec Internet.
Bob : On peut dire cela comme ça je suppose…
Voisin : Eh bien, je n’ai aucune connexion depuis hier. Peux-tu m’aider ?
Bob : Bien sûr, as-tu essayé d’éteindre et de rallumer ?
Voisin : Oui, mais ça n’a pas marché. Et puis quand j’éteins, ça met des
heures à se relancer.
Bob : Ah ! As-tu souvenir d’une panne de courant avant que cela ne se
produise ?
Voisin : Oui, mais ce n’est pas le problème ici.
Bob : Tu es sûr ? C’est une raison courante de perte de connexion.
Voisin : Je sais, oui, mais ce n’est pas le cas ici, je te dis.
Bob : Eh bien tu me poses une colle. Je ne pense pas pouvoir t’aider.
Voisin : Ah, bien, je pensais que tu avais dit que tu le ferais. T’es pas
aussi compétent que tu le dis. (P). Et puis tu n’es pas venu chez moi pour
jeter un œil vraiment. Tu dis que tu veux aider et en fait c’est pas vrai. Tu
me fais perdre mon temps. Pfff ! OK, Tu ne peux pas être bon en tout (S).
Figure 2. 7 – (1) Une Victime frustrée (V) se met en colère (P) contre
le Sauveur puis essaye d’être gentille (2)

Ici, le voisin agit d’abord comme la Victime impuissante d’une grande


conspiration d’Internet à la recherche d’un Sauveur. Bob entre dans le jeu
en acceptant d’aider sans même savoir s’il le peut. Le voisin le contredit en
refusant ses solutions une par une (1. (P) et lui « pardonne » 2. (S) d’être
incompétent. Bob switche à son tour de Sauveur Internet à Victime
impuissante.
Le drame dans le triangle, rappelons-nous, vient des Switchs
(changements de rôle).

TROIS TYPES DE JOUEURS

1. Le joueur occasionnel joue inconsciemment. Nous sommes tous des joueurs


occasionnels. Parfois, les opportunités sont nombreuses !
2. Le joueur professionnel joue et piège les autres habilement et consciemment.
Il est communément appelé un manipulateur.
3. Pour le joueur toxique, jouer à des jeux est comme respirer. Le fait de jouer
intoxique un joueur toxique, qu’il soit conscient ou inconscient. Toutes les
interactions sont des invitations à jouer, des Switchs, et des drames.

Ces jeux comme des jeux vidéos, peuvent être joués du niveau facile à
difficile, aux 1er, 2e et 3e degrés d’intensité.

Les trois règles du Chaos (pour le joueur expérimenté)

Après de nombreuses années de pratique, un joueur expérimenté sait


changer de rôle rapidement pour éviter toute communication saine. Afin de
défendre, de nier et de protéger son goût du jeu, il se déplace rapidement
dans le triangle, en utilisant les trois règles du chaos :
1. Faire un jeu de n’importe quoi.
2. Refuser tout.
3. Mettre immédiatement l’autre personne sur la défensive par une
contre-attaque.

JEUX DE CHAOS

Cette pratique nécessite un Switch à plusieurs reprises pour faire monter la


confusion chez les autres. Le chaos entraîne une combinaison de Switchs et
de drames impliquant tous les membres d’une équipe ou d’une famille.
Quelques exemples :

Le triangle du joueur « Non, je n’ai pas un problème de jeu ! »

La femme du joueur lui demande : « S’il te plaît, n’emmène pas tant


d’argent avec toi au casino. Nous avons déjà du mal à payer les factures
en ce moment ». Une demande raisonnable expliquée raisonnablement ?
Non ? Il commence un jeu :
1. Jeu. Il invite Persécuteur depuis Victime : « Oh là la ! Encore ça ! Tu
m’accuses toujours de quelque chose.
2. Refus : Je ne perds jamais d’argent (V). C’est moi qui en gagne dans
cette famille ! (S). C’est mon argent (V). Je n’ai pas de problème de jeu
(P) !
3. Contre-attaque : (P) Le problème est que tu ne sais pas profiter de la
vie. Tu es la seule dans le déni. Explique-toi ! Admets-le. » Il l’a
immédiatement mise sur la défensive.

Le triangle de la violence domestique

Les trois règles du chaos peuvent être repérées dans les justifications de
violence domestique. L’agresseur suppose que ses contributions n’ont pas
été appréciées – il était le Sauveur qui est maintenant une Victime, puis
déplace les enjeux au troisième degré.
1. Jeu : « Tu te soucies plus des autres que de moi ! » (V), puis
l’intimidation « Tu veux que je te frappe ou tu n’apprendras jamais. »
(P)
2. Refus : « Je ne suis pas le problème (V). Ton dîner n’était pas bon. Tu
n’as pas lu dans mes pensées parce que tu ne t’en soucies pas. »
3. Contre-attaque ; il la place sur la défensive (P) pour s’expliquer (V) :
« Tu m’as servi de la bière tiède alors que je t’ai avertie trois fois.
Explique-toi. »
La femme et les enfants sont terrifiés, lui, trouve son argument d’autant
plus justifié que sinon ils n’auraient pas peur.
Toute personne avec une dépendance peut couvrir ses vices avec le déni
et la projection. Un toxicomane offensif peut intimider les autres en mode
Victime. « Comment pouvez-vous être si insensible ? Je suis en larmes.
Expliquez-vous. Il aura mille excuses et vous confrontera : Comment
pouvez-vous m’accuser de voler vos affaires ? Quel genre de personne êtes-
vous ? Quelqu’un en surpoids peut le nier et vous devrez vous expliquer
pour l’avoir innocemment mentionné.
Cette manœuvre défensive en trois étapes maintient les autres à distance.
Ainsi, ils n’ont pas à faire face à des questions embarrassantes qu’ils ne
peuvent contrôler. Dans un jeu de triangle, les toxicomanes peuvent être vus
comme Victime, nécessiteux, honteux et souffrant ; en tant que Persécuteurs
ils créent des graves problèmes et sont jugés ; en tant que Sauveurs
involontaires, ils aident d’autres à se sentir supérieurs.
Pour continuer avec les jeux de chaos, regardons encore une fois
l’histoire classique de la famille de l’alcoolique. Cela nous aidera à
comprendre la complexité et l’efficacité de l’art des Switchs multiples dans
les jeux.

Jeux de chaos dans les jeux de la famille alcoolique

Le Triangle de l’alcoolique « J’ai bu toute ma vie, j’aime ça, et


n’essayez pas de m’en empêcher »

John boit beaucoup. Il a commencé jeune – à l’âge de 10 ans. Son père


l’avait encouragé, en lui disant : Sois un homme, bois et suis-moi ! C’était
la devise. De temps en temps, papa donnait au petit Johnny une bonne
leçon. Ceinture. Humiliations. Maman ne pouvait pas aider. Quand elle le
faisait, elle était punie aussi.
John est parti de chez lui tôt. À 17 ans. Il est vite devenu un homme –
fort comme son père, sensible comme sa mère. Il ne commettra pas les
mêmes erreurs. Aujourd’hui, il vient d’épouser Liz, qu’il aime tant. Ils
ont bientôt Julie et Timmy. À la naissance de Timmy, John perd son
emploi. Pas étonnant qu’il se permette un verre ou deux. Sa femme Liz
lui trouve des excuses.
Petit Jimmy, 4 ans dit : Papa, ne bois pas ! Il prend une bonne claque.
Liz s’énerve contre John. John insulte Liz. John jette son verre de scotch
à travers la fenêtre. Il y a des morceaux de verre brisé partout. La petite
Julie veut aider. Elle pleure, ramasse les morceaux. Cœur brisé, verre
brisé. Elle se coupe. Il y a du sang sur le plancher. Maintenant tout le
monde pleure. Papa John à genoux supplie sa famille de lui pardonner. Il
a perdu la tête. C’est un idiot. Liz et Timmy lui pardonnent. Julie est
bouleversée. Elle claque des portes. Elle insulte son père, disparaît dans
sa chambre. Dès qu’elle le pourra, elle quittera cette maison, elle hurle.
Maman entre dans sa chambre et crie : elle n’est qu’une adolescente
pathétique et stupide. Elle est trop stupide pour comprendre ce que papa a
traversé ! Papa, du salon, dit à sa femme de la laisser partir. Il le mérite. Il
n’est qu’un animal. Il le sait bien. Il devrait être mis à mort !

Dans la famille du chaos, tout le monde est piégé dans le triangle. Il


existe plusieurs couches de jeux. Si la famille ne voit pas le processus, il se
répétera jusqu’à ce qu’il s’intensifie.
Analysons cette histoire tragique mais, encore une fois, trop familière.
Dans le triangle alcoolique classique, un alcoolique peut faire pénitence
comme une Victime pleine de remords, puis passer à un Persécuteur
menaçant, embarrassant ou induisant la culpabilité (1) ; Puis passer au rôle
de Sauveur (2) et être « trop beau pour être vrai » et promettre que tout ira
mieux si on lui donne une seconde chance. Mais bientôt, la Victime affligée
revient pour recommencer le cycle (3).
Figure 2. 8 – Le cycle du Triangle Dramatique du chaos familial :
un cycle de trahison, de culpabilité et de remords dans le sens
des aiguilles d’une montre

Dans le cycle de la violence domestique, le triangle peut également


tourner dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. L’agresseur initie la
rage et le chaos (P) puis se sent très mal (V) alors veut se rendre agréable
pour la famille (S) dans ce qu’on appelle le stade des cœurs et des fleurs où
la personne violente se rachète en faisant des cadeaux.

Figure 2. 9 – Le triangle de culpabilité et de repentance : la deuxième étape


du cycle de violence domestique

Mais après quelques cycles d’émotions positives (+) et négatives (–), tout
devient très confus et les membres de la famille doivent développer des
défenses contre l’incertitude. Les enfants prennent des décisions précoces
de vie comme Ne faire confiance à personne.
Figure 2. 10 – Les trois règles du chaos dans une famille où chacun
change de rôle pour de bonnes et mauvaises raisons (±)

Pour en revenir à l’histoire de John ci-dessus, nous avons plusieurs


triangles pour tout le monde, car il existe différentes couches de drames.

Le Triangle alcoolique « Notre enfant est maintenant


un alcoolique comme son papa »

Enfant, Johnny était une Victime de son père Persécuteur et de sa mère


sans défense et Sauveuse. C’est la couche invisible dans le présent de
John. Un Triangle Dramatique invisible dans le comportement
observable montré par Johnny aujourd’hui.

Figure 2. 11 – La couche de drame intérieur invisible de John

Aujourd’hui, John apparaît principalement comme le Persécuteur


alcoolique mais lui se sent Victime qui a perdu son emploi et se fait du
bien en buvant. Connaître John, c’est connaître les trois coins de son
triangle.

Nous découvrons peu à peu les subtilités sous-jacentes du Triangle. Pour


représenter les couches cachées des origines de nos comportements, ou
scénarios, utilisons le triangle iceberg. La partie au-dessus de la surface
représente la partie visible du jeu, dans laquelle la personne présente
clairement l’un des rôles de PSV.
J’ai observé que, quel que soit le rôle visible (rôle social) dans le triangle,
les gens jouent toujours les deux autres rôles simultanément hors du champ
de la conscience.
Dans ce dessin d’iceberg, le Persécuteur aura toujours, caché sous la
surface, un Sauveur et une Victime. Considérons le scénario du passé de
Johny, sous la surface. Il était une Victime de son père qui le poussait à
boire. Il était aussi Sauveur de son père avec les verres qu’ils buvaient
ensemble. Si nous pouvons voir ces deux autres dimensions, nous pouvons
mieux gérer les jeux.

Figure 2. 12 – Les rôles visibles et invisibles dans un drame

En outre, si nous acceptons, par principe, que chacun des joueurs dans le
triangle est au moins 10 % Victime, Persécuteur et Sauveur, nous
montrerons plus de tolérance et d’ouverture d’esprit pour nous donner une
chance de régler les problèmes en adoptant une attitude compatissante
envers les jeux.
Prenons le patron qui harcèle sa secrétaire quand elle fait des erreurs. Ce
patron se présente comme le Persécuteur, mais il y a en effet au moins 10 %
de Sauveur avec l’intention de sauver sa secrétaire, son travail et de l’aider
à développer de nouvelles compétences. Et n’est-il pas au moins 10 %
Victime des erreurs de cette dernière ?

Le triangle « Regardez ce que notre père alcoolo nous a fait ! »

Retour à l’histoire de la famille actuelle de John : Une fois qu’il a créé un


énorme chaos et que tout le monde escalade dans les drames, il change
soudainement de rôle et joue maintenant celui de la Victime navrée de sa
dépendance à la recherche d’un Sauvetage. Au nom de l’amour, Maman
et le petit Timmy le sauveront.
Figure 2. 13 – John passe de Persécuteur à Victime pour être pardonné

POURQUOI EST-CE DU SAUVETAGE ET PAS SEULEMENT DE L’AMOUR


DÉSINTÉRESSÉ ?

La réponse est simple, c’est du sauvetage parce qu’aucun contrat clair n’est
conclu entre les parties. Aucune décision adulte n’est prise. Il n’y a aucune
garantie que cela ne se reproduise plus, pas plus que de vraies excuses.

Liz, l’aînée, n’accepte pas le rôle de Sauveur comme sa mère et son frère.
Elle crée le parti du Persécuté outragé.
C’est alors que le père switche une troisième fois pour sauver Liz, en
disant à sa femme que sa fille a le droit de l’insulter puisqu’elle a raison, lui
ne vaut pas mieux qu’une bête qu’on devrait abattre ! Imaginez ce que
ressent Liz maintenant…
Bienvenue autour du Triangle !

Figure 2. 14 – John passe de Victime à Sauveur

Les rôles dans la famille alcoolique

Le père alcoolique ici jouera régulièrement le rôle du Persécuteur et


changera si nécessaire, comme le montre l’histoire de Johnny.
La conjointe jouera régulièrement le rôle du Sauveur en pardonnant
l’impardonnable au nom de l’amour. Le Switch ultime pour le Sauveur se
traduit habituellement par le départ du partenaire pour toujours ! Une autre
personne prendra alors la place du conjoint dans la boucle et le manège
reprendra de plus belle.
Le troisième membre, ici les enfants, joueront les rôles de l’enfant adulte
d’un alcoolique (EAA). S’ils sont plusieurs, ils adopteront l’un des quatre
rôles classiques et l’emporteront ensuite dans leur propre famille : Bouc
émissaire – Je crée plus d’ennuis que mon père (P), Mascotte – Je suis
merveilleux avec tout le monde (S), Héros – je suis le fruit génial de cette
famille, elle est forcément bonne, ou Enfant perdu, (V), je suis déprimé et
sans but.

Figure 2. 15 – Les rôles dans la famille de l’alcoolique

LES TRIANGLES DES INTERROGATIONS

Une autre situation classique dans la vie quotidienne qui invite les
monologues internes et qui fait des nœuds dans nos têtes, donc des drames
intérieurs, vient de ce que j’appelle les triangles des interrogations. Ce sont
ces moments où nous exprimons une curiosité légitime quand les gens
autour de nous agissent étrangement ou nous font du mal.
Nous essayons de comprendre ce qui se passe et, faute d’une réponse
claire, nous entrons dans une boucle infernale de frustration et
d’interprétations.

Le triangle « Je ne sais jamais trop ce que vous pensez… »

Il commence souvent ainsi entre Anna et Lenny.


Lenny ne parle pas beaucoup et, en couple avec Anna depuis un moment,
il semble avoir de moins en moins de choses à lui dire. Inversement,
Anna est bavarde et joyeuse. Naturellement curieuse, elle aime parler de
tout et rien et se pose un tas de questions. Après quelques mois, elle se
lasse des longs silences de Lenny et commence à s’interroger :
Anna : À quoi penses-tu ?
Lenny : À rien en particulier.
Anna : Oh, tu penses forcement à quelque chose. Nous pensons toujours
à quelque chose, même quand nous pensons que nous ne pensons à rien.
Lenny :…
Anna : Si tu n’as rien à dire, peut-être y a-t-il un problème ?
Lenny :…
Anna : Y a un problème ?
Lenny : Non. Il n’y a pas de problème.
Anna : C’est tout ? Tu n’as rien d’autre à me dire ?
Lenny : Eh bien, non !
Anna se retire et commence à se parler à elle-même et à répondre à ses
propres questions. Mais ici, elle le fait dans le triangle des interrogations.

Figure 2. 16 – Le triangle des interrogations

Pourquoi Lenny ne m’a-t-il jamais rien dit ?


Me méprise-t-il et pense que je parle trop ? Suis-je une imbécile ? (V ?)
Ou peut-être est-ce lui qui n’a rien à dire parce qu’il est un idiot sans
profondeur. Est-il vraiment quelqu’un de bien ? (P ?)
Peut-être ne sait-il pas comment dire les choses et s’attend-il à ce que je
le dise pour lui… Est-ce cela ? (S ?)
Lorsqu’une personne s’enferme dans le triangle des interrogations, elle
risque d’escalader toute seule si elle ne se surveille pas. Elle essaiera de
résoudre le problème qu’elle analyse toute seule. Mais elle reste seule pour
valider la réponse aux questions.
Du coup, Anna rejoint Lenny et attaque.

Le triangle « Je lis très bien dans les pensées


et je n’aime pas ce à quoi tu penses ! »

Anna : Écoute, Lenny, si tu ne me parles pas plus, je vois trois


possibilités. Soit tu ne sais pas comment dire les choses et tu attends de
moi de les dire pour toi, et je peux le faire… Soit tu me prends pour une
idiote qui ne mérite pas tes pensées prodigieuses, mais là, mon ami, c’est
toi qui es idiot… Soit tu ne m’aimes plus parce que j’ai été abusive en te
harcelant comme je le fais, et je comprendrais que parce que je suis
d’une horrible maladresse… Alors maintenant, parle-moi, S’IL TE
PLAIT !
Le lendemain, Lenny a quitté l’appartement. Il a fait son sac et a laissé un
mot : Je viendrai ce soir récupérer mes affaires. Je suis désolé que ça se
soit terminé de cette façon entre nous.

Anna ne comprend toujours pas ce qui se passe. Elle paie maintenant le


prix fort parce qu’elle a été celle qui a généré ce drame. Elle est prise au
piège.

Le triangle « Tu m’as larguée, mais tu ne m’as pas expliqué


pourquoi »

Elle attend la soirée avec ses yeux gonflés et un visage fatigué.


Anna : Maintenant dis-moi vraiment, qu’ai-je fait ?
Lenny : Rien.
Anna (criant) : Comment peux-tu dire cela alors que tu es parti ? !
Lenny :…
Anna : Mais réponds-moi ! Ne vois-tu pas que j’essaie de comprendre ?
Lenny : Je t’appellerai. (Il sort.)
La pièce est finie. Le troisième acte ferme le drame.
Anna s’est livrée à des réponses négatives, laissant de côté les options
positives telles que :
• Lenny est une personne d’un naturel discret (V+) et il faut choisir le
bon moment pour lui parler, en tout cas pas pendant qu’il est
préoccupé par d’importantes questions professionnelles (V+).
• Il participera quand il pourra engager la conversation sérieusement
(S+). Il a toujours été discret parce qu’il n’est pas à l’aise quand il
s’agit d’exprimer des émotions authentiques. Cette vulnérabilité a
toujours fait partie de son charme (S+).
Ce qu’Anna laisse de côté est un point important. On peut inverser une
situation de triangle en considérant les aspects positifs les trois rôles.
Quand Anna reconnaît la réserve comme une partie de la personnalité de
son amant qui a besoin d’être doucement aidé à exprimer ses sentiments,
elle tourne son triangle (S) de Sauveur à Soutien.
Quand elle sait qu’il faut bien choisir le moment pour parler de choses
sérieuses, elle tourne le triangle (P) de Persécuteur à la Puissance
personnelle à bien gérer les choses pour mener un Projet à terme.
Lorsqu’elle apprécie sa (V) Vulnérabilité au lieu de se sentir rejetée (V),
la Victime est partie.
Cette approche sera développée dans quelques pages. Au lieu
d’approcher sa crise de couple avec cette forme de sagesse, Anna
s’embarque sur le bateau du drame et court le risque de faire couler son
couple. Ce genre de chose se passe dans tous les domaines de la vie.
Regardez cet homme qui rencontre des femmes sur un site de rencontres
et se demande pourquoi aucune d’entre elles ne suggère un second rendez-
vous…
Le triangle des questions l’enverra par le biais du Persécuteur, elles ne
sont que des bimbos imbéciles, le Sauveur, elles sont très bien donc je ne
vais pas les déranger, elles méritent qu’on les laisse faire comme elles
souhaitent, et le chant de la Victime, de toute façon, je reste un loser en
amour.
Et que dire de cette jeune femme qui n’a pas reçu d’appel pour un second
rendez-vous et qui a attendu pendant des jours que le téléphone sonne ?
Le triangle des interrogations pourquoi ne m’a-t-il pas rappelée
pour un deuxième rendez-vous ?

À plusieurs reprises elle s’est demandée des trois façons : Pourquoi ?


Pourquoi ? Suis-je si peu attirante ? "(V ?) ; Etait-il si formidable que
ça ? (P ?), ou A-t-il été si occupé qu’il n’a pas eu le temps encore de me
rappeler ? (S ?)

Nous voudrions savoir pourquoi quelqu’un nous a quitté, a agi


étrangement, ou ce qu’un patron pense quand il/elle nous regarde.
Comment faire pour éviter la parano dans des situations où nous n’avons
pas assez d’informations ? Nous explorerons dans la deuxième partie les
moyens d’échapper à cette situation inconfortable.
J’utilise beaucoup le triangle des questions avec mes patients en les
aidant à formuler à haute voix les questions qu’ils se posent.

LES TRIANGLES DES DRAMES INTÉRIEURS

Nous avons tous un passé et nous intégrons donc plus ou moins


consciemment une partie de notre histoire personnelle dans le jeu, une
personnalité extérieure (visible) et une personnalité intérieure (invisible).
Nous avons déjà rencontré John. Ses mauvaises habitudes de boisson ont
conduit sa famille dans le chaos. Fouillons un peu plus profondément.
En tant que père, John agissait à travers sa personnalité extérieure tandis
qu’à l’intérieur, le petit Johnny boy ramenait des souvenirs du passé de sa
personnalité intérieure. Comme s’il y avait deux personnes agissant
simultanément, une visible, et une invisible qui tire des ficelles en arrière-
plan.
Alors que John, adulte, frappait sa femme (personnalité extérieure) peut-
être que Johnny Boy âgé de 7 ans (personnalité intérieure) s’offrait là une
seconde chance de persécuter sa mère pour ne pas l’avoir sauvé de son
propre père. Ces deux couches du jeu commencent à rendre les choses plus
complexes. C’est l’invisible derrière le visible.
À l’intérieur de chacun de nous, les choses continuent pendant que nous
jouons à des jeux. Par exemple :
• Des émotions (sentiments intérieurs) : quand Johnny insulte sa famille
et brise le verre, il montre de la colère à l’extérieur, mais à l’intérieur,
il ressent de la honte.
• Des pensées (discours intérieur) : alors qu’il dit à l’extérieur que
l’alcool est responsable de son comportement, à l’intérieur il se dit à
lui-même : Qui crois-tu tromper ?
• Des jeux (Switches internes) : pendant qu’il passe de Persécuteur à
Victime à l’extérieur en brisant le verre, puis en disant qu’il est
mauvais, à l’intérieur, il passe de la Victime petit Johnny Boy à
persécuter son père à qui il ressemble tellement aujourd’hui. S’il se
punit aujourd’hui, il punit aussi son père en étant devenu comme lui.
Les personnalités extérieures et intérieures peuvent être en harmonie ou
discordance au même moment pendant le jeu. L’une ou l’autre peut être
dominante à un moment donné. Avec la colère, la personnalité extérieure
prend le pouvoir ; avec la dépression c’est la personnalité intérieure.

Un drame intérieur peut tourner dans le sens des aiguilles d’une


montre

Dans la figure suivante, le Johnny intérieur passe de Victime (1) à


Persécuteur en utilisant la colère (2) pour cacher l’insuffisance interne et les
sentiments inférieurs (V), et en utilisant la rage comme Sauveur (3) pour
couvrir les vieux sentiments de Victime.

Figure 2. 17 – Diagramme du triangle intérieur dans le sens des aiguilles


d’une montre

Mais après l’étape 2, la culpabilité s’installe et il veut réparer les


dommages avec des promesses vides (S) (3), mais c’est trop tard et de toute
façon, ce sont des promesses qu’il a déjà faites sans les tenir. L’effort
échoue et il retombe en mode Victime – cycle complet, à répéter encore et
encore jusqu’à ce qu’il obtienne de l’aide.

Un drame intérieur peut aussi tourner dans le sens contraire


des aiguilles d’une montre

Le triangle « Quand je me sens seule, la nourriture me sauve »

Maria aimerait travailler pour une compagnie aérienne. Sa mère lui a


toujours dit qu’elle était belle depuis qu’elle était petite et qu’elle a
beaucoup de chance que le Seigneur l’ait bénie d’un corps parfait, qu’il
était de son devoir sacré de s’en occuper et que les autres petites filles
devraient être jalouses d’elle.
Elle l’a prise au mot, et aujourd’hui, elle est une jolie jeune femme avec
un terrible secret.
Le soir, dans son petit appartement près de l’aéroport, elle est persécutée
par son réfrigérateur. Il y a de très bonnes choses à manger à l’intérieur.
Mais les manger blesserait les petites filles qui rêvent d’être aussi jolies
qu’elle et qui n’ont pas eu cette chance. Elle trahirait aussi la confiance
de sa mère, et même celle du Seigneur, qui voit tout.
Quand vient la nuit, elle a très faim et l’estomac de Maria souffre (V),
alors son cerveau prend le relais pour nourrir son estomac (S), puis punit
Maria en lui faisant réaliser combien elle manque de volonté face à ses
envies (P), et puis la punit de nouveau (P) en la faisant vomir aussi vite
que possible, en lui enfonçant un doigt dans la gorge.

Ce drame se joue à l’intérieur de Maria. Personne n’en sait rien Cela ne


se joue plus au niveau social. C’est le cycle d’addiction 1, 2, 3 dans le sens
contraire des aiguilles d’une montre
Figure 2. 18 – Le drame intérieur dans le sens inverse des aiguilles d’une
montre : le triangle de l’addiction

Le drame intérieur de Maria est une boucle tournant dans le sens inverse
des aiguilles d’une montre, initiée par une Victime dans sa personnalité
intérieure (la petite Maria qui a promis de rester belle), sauvée et persécutée
par cette même personnalité intérieure. Rien n’apparaît extérieurement.

LE TRIANGLE DE LA DÉPENDANCE

Le triangle de la dépendance porte aussi bien sur l’alimentation, l’alcool, les


cigarettes achetées à deux heures du matin au drugstore ouvert 24/24 ou
encore, la ruée d’adrénaline au casino qui sauve quelqu’un de l’ennui, les
drogues, le sexe triste, et même le goût du drame. Il est difficile d’en sortir
sans aide.
Le cycle est toujours le même :
1. D’abord viennent la solitude et l’ennui (la faim insatisfaite de quelque
chose) pour envoyer la Victime à la recherche d’un Sauveur (la
dépendance).
2. Puis vient la satisfaction excessive, ou l’excès, pour encourager la
dépendance.
3. Puis vient la punition, pour boucler le cycle en mode Persécuteur.
Puisque la personne se punit, la honte et la culpabilité qui en résultent
permettront de ne pas résoudre le vrai problème de la dépendance.
Le déni est un triangle intérieur très dommageable. Avec un peu de
flexibilité intellectuelle de notre part, nous apprenons à nous mentir avec
beaucoup de talent.
Mais, docteur Karpman, dites-moi, à quoi bon se mentir à soi-même ?
Tout au long de nos vies, nous avons toutes sortes de décisions et de
choix à faire sur la route du bien-être et du bonheur. Certains peuvent être
difficiles.
Lorsque nos amis ou notre famille nous confrontent à nos mauvais choix,
nous avons la possibilité de changer de cap. Ils disent des choses comme :
« Tu bois beaucoup depuis peu… Tu n’as pas vu tes enfants depuis
longtemps, Tu passes trop de temps sur la route… Tu devrais consulter un
médecin pour tes douleurs à la poitrine… Je ne t’ai pas vu rire depuis
longtemps… »
Ces signaux d’alerte agissent comme des déclencheurs pour changer une
situation qui peut être gênante, risquée ou bloquée. Sauf… qu’ils réclament
des efforts de notre part. Parfois nous tournicotons autour du triangle en
racontant des fariboles à nous-même et des contes de fées à ceux qui nous
conseillent. Alors, seul face au miroir le soir, il n’y a qu’une seule personne
de plus à convaincre qu’il n’y a pas de risque, de danger ou de blocage.
Le déni est une façon terrible et inconsciente de se mentir à soi-même et
d’aggraver une situation risquée qui mérite attention et action. Déclencher
un triangle interne va verrouiller ce déni et le rendre encore plus puissant.

Le triangle de dépendance « Je peux arrêter quand je veux »

Mark est très demandé dans son travail en tant qu’agent d’artistes. Il
passe la majeure partie de son temps professionnel à des soirées chic et
branchées. Il doit toujours être en pleine forme et charmeur, quoi qu’il
arrive.
Il a trouvé un cocktail qui fonctionne très bien pour tenir et garder son
esprit alerte : une boisson énergisante qu’il mélange avec un coupe-faim
de sa petite amie. Il se dit que le mélange n’est pas illégal et qu’il
parvient à rester debout toute la nuit tout en restant conscient de ce qu’il
se passe autour de lui.
Au bout de quelques mois, sa famille se rend compte qu’il n’a pas l’air en
forme lorsqu’il leur rend visite en fin de semaine. En outre, ces visites
sont de plus en plus courtes et de plus en plus rares. Il répond qu’il a une
énorme charge de travail et est sous une pression incroyable, donc, bien
sûr, il semble fatigué le week-end parce qu’il est fatigué !
C’est quand sa petite amie Leonora le quitte qu’elle annonce à la famille
de Mark l’existence de son cocktail spécial.
Un dimanche, ses amis et sa famille prévoient d’agir. Ils appellent ça une
intervention. Ils attendent dans le salon pour lui dire qu’ils sont inquiets
et lui dire d’arrêter de mélanger les pilules.
Mark sourit et leur dit tendrement qu’il est touché et comprend. Sa petite
amie est furieuse qu’il lui préfère son travail, et c’est pourquoi elle a mis
en place ce petit drame. Et puis, il ne fait ce petit mélange que de temps
en temps et il peut s’arrêter quand il veut.
Pour le meilleur ou pour le pire, ses amis et sa famille acceptent sa
version des événements parce qu’il semble si sincère. C’est seulement six
mois plus tard, à Thanksgiving, quand il se retrouve à l’hôpital pour une
overdose et un sévère burn-out, que tout le monde est confronté aux faits
réels : il n’avait pas l’air d’un toxicomane, mais il était déjà en grand
danger !
Comprendre Mark : Ce travail est sa vie. Si son cœur bat (V) et qu’il doit
prendre des somnifères (S), c’est à cause de la nature de son entreprise
(P). Cela n’a rien à voir avec les pilules réduisant l’appétit. Après tout,
quand il va se coucher à 7 heures du matin, les effets du cocktail sont
déjà passé il y longtemps, voyez-vous ?
S’il ne se drogue pas, il perd ses clients ; s’il perd ses clients, il perd son
réseau ; s’il perd son réseau, il perd son emploi ; et s’il perd son emploi,
il perd tout… Alors, bon !

Dans un triangle intérieur, le cycle PSV tourne de plus en plus vite


jusqu’à ce qu’on ne puisse plus le gérer et que l’esprit ne puisse plus
raisonner clairement. Victime de sommeil et de fatigue, il sauve son travail
avec un cocktail qui le tue lentement, tue sa sexualité et lui aliène sa
partenaire et sa famille jusqu’à ce que son corps le lâche, le persécutant en
le mettant dans un lit d’hôpital…

LES TROIS NIVEAUX DE DRAME À CONNAÎTRE

Le triangle « Mon patron était si gentil quand il m’a embauché ;


puis un jour, il m’a renvoyé »

Histoire de Ted et Joan, trois niveaux de drame, une histoire presque


banale.
Ted a embauché Joan il y a six mois pour être son assistante personnelle.
Il l’a choisie pour ses compétences exceptionnelles en comptabilité et en
organisation. Au fur et à mesure que les semaines passaient, il s’est rendu
compte de son manque de sensibilité et de capacités de communication.
Il s’est mis à la trouver froide et insensible. Il ne savait pas comment lui
dire, et n’a pas osé aborder le problème pendant un moment. Au lieu de
cela, il a commencé à souligner des petites choses comme le fait qu’elle
ait oublié de saluer le PDG quand il est venu la semaine précédente, ou
ses courriels trop secs.
Joan a pris cela comme des commentaires sur la qualité de son travail et a
décidé d’être encore plus efficace pour montrer à Ted qu’il pouvait lui
faire confiance. La meilleure façon qu’elle ait trouvée était de rester aussi
professionnelle que possible. Dès lors, elle offrirait un travail parfait et
éviterait de s’impliquer dans tout type de distractions et de petites
conversations.
Vendredi dernier, un groupe de clients japonais a visité l’usine de la
société. Joan s’est renseignée sur les bonnes manières japonaises pour
s’assurer qu’elle ne ferait que des choses parfaitement adéquates.
Ted lui a suggéré de les rejoindre pour un dîner dans un bar à karaoké.
Elle a refusé. Il a insisté. Elle a refusé de nouveau, trouvant inapproprié
d’accepter.
Le lundi Ted a renvoyé Joan.

Il y a trois niveaux de drame dans cette histoire. En étudiant ce qui se


passe dans les jeux, j’ai trouvé important d’aider mes patients et mes clients
à les identifier.
Observez la montée du conflit et demandez-vous :
1. Ce qui est dit (niveau social).
2. Ce qui n’est pas dit (niveau psychologique).
3. Ce qui semble inconnu (niveau inconscient).

Figure 2. 19 – Deux triangles dramatiques à niveaux séparés


Ce qui est dit :
Ted dit à Joan qu’elle fait des erreurs insignifiantes.
Ce qui n’est pas dit :
Ce que Ted ne dit pas est qu’il est déçu du comportement de Joan et de
son choix malavisé de l’embaucher pour ses seules compétences
techniques.
Ce qui est inconnu de Ted :
Ted veut inconsciemment sauver Joan parce qu’elle lui rappelle sa sœur,
qui n’a jamais eu de chance avec les garçons.
Ce qui est dit :
Joan dit qu’elle fera ce qu’il faut faire.
Ce qui n’est pas dit :
Joan ne dit pas qu’elle pense que Ted la juge mal.
Ce qui est inconnu de Joan :
Joan évite inconsciemment d’être trop personnelle dans les relations
parce qu’elle n’a pas apprécié les relations bruyantes et coquines de sa mère
avec des étrangers.
En fin de compte, rien de tout cela ne concerne Ted et Joan. Ils se sont
gentiment hameçonnés avec des histoires en lien avec leur propre passé.
Inconsciemment, ils se sont servi l’un de l’autre pour jouer à des jeux.

DIAGNOSTIQUER LES JEUX

Le nom du jeu est sur le sweat-shirt

Heureusement, nous pouvons maintenant éviter de nombreux jeux en


utilisant ce que nous avons appris. Nous pouvons les diagnostiquer avant,
pendant et après, en reconnaissant les rôles de Persécuteur, de Sauveur et de
Victime, leurs Hameçons et leurs Switchs, simplement en écoutant ce que
nos tripes nous disent et en regardant tous les joueurs en action. Certains
thérapeutes nous enseignent comment interrompre un jeu à la première
manœuvre (Schiff 1971) ou au premier driver (Kahler 1974). Berne a
suggéré que chaque jeu peut être contré par un stratagème d’antithèse
efficace.
Le sweat-shirt est un autre outil pour reconnaître les jeux, mentionné par
Eric Berne. En effet notre intuition nous permet souvent de ressentir ce qui
est déclaré non verbalement par l’autre quand nous le croisons, comme si
c’était écrit sur le devant de son sweatshirt, l’invitation à jouer dans le cas
présent. Avec un peu d’entraînement, nous pouvons deviner également ce
qui est écrit au dos de ce même sweatshirt, le Switch et le Bénéfice Final…
Je me souviens d’un couple qui avait pu clarifier les rôles dans leur
relation lorsqu’elle a accepté qu’elle portait un message « Je suis jamais
satisfaite » à l’avant de son sweat-shirt, et lui « Je fais tout dans cette
maison » à l’avant du sien.
Eric Berne, décrit plus d’une centaine de jeux dans son best-seller Des
jeux et des hommes. Chaque jeu a un nom très clair comme « Botte moi les
fesses ! », « Je t’ai bien eu FDP ! », « Regardez ce que vous m’avez fait
faire », « N’est-ce pas affreux ? » etc. Le livre décrit les nombreuses
couches de motivations et bénéfices inconscients des jeux. Je lui ai montré
mon Triangle Dramatique, et il a inclus les « Switchs » à sa formule initiale
des jeux. Par la suite, il a ajouté trois nouvelles couches de profondeur à
l’analyse des jeux qui n’étaient pas là auparavant. Vous savez désormais
lesquelles.
Suivant le principe du rasoir d’Occam, j’ai cherché un moyen de
simplifier au maximum l’observation des jeux, comme je l’ai fait dans
toutes mes recherches. Quand une personne essaie de piéger une autre
personne, elle porte littéralement le message piège sous-jacent sur son
sweat-shirt virtuel. Tout comme les gens portent des T-shirts disant « I love
New York » !, les joueurs portent des messages comme, « Seul toi, grand
Sauveur, peut aider la pauvre petite Victime que je suis à résoudre mon
problème » ou « Tu es la seule personne au monde qui puisse m’aider ».
Dans le jeu classique d’Eric Berne « J’essaye seulement de vous aider »
une Victime cherche de l’aide en montrant des signes de détresse. Les jeux
ont des mouvements prévisibles, des coups qui progressent jusqu’à la
récompense, ou Bénéfice Final. L’exemple suivant comporte quatre coups :

Coup 1. Une femme dit à son mari : « Oh, j’ai vraiment besoin d’aide
dans cette horrible situation avec ma mère. Tu sais comme il est
impossible pour moi de lui parler. »
Coup 2. Le mari compatissant, répond : « Mon pauvre amour ! Peut-être
que tu as juste besoin de lui parler plus ouvertement. Attends. Je vais le
faire ! Ne t’inquiète pas ! Je vais aller la voir et lui dire deux mots ! » (Le
Sauveur de l’épouse passe au milieu de la phrase à Persécuteur de la
mère.)
Coup 3. L’épouse hurle : « Attends ! Tu ne comprends pas ! Je ne t’ai
rien demandé ! Qu’est-ce que tu sais de tout ça ? Pourquoi tu t’en
mêles ? Occupe-toi de toi ! » (La Victime passe à Persécuteur.)
Coup 4. Mari (maintenant désespéré) : « Je suis désolé ; j’essayais
seulement de t’aider. » (En s’excusant, le Persécuteur passe à Victime
puis Sauveur.)

Ici, le mari a été dupé par un message sous-jacent, sur le devant du


sweatshirt « aide-moi à résoudre mon problème avec ma mère ». Le
problème, c’est qu’elle n’a jamais réellement dit ces mots. Il a été dupé par
son ton et attiré par la nécessité de la sauver. Seulement, ce qu’il ne pouvait
pas voir était le message sur le dos du sweat-shirt de sa femme : Je t’ai bien
eu, tu t’es encore pris les pieds dedans, tu as perdu !
Dès le début, il n’avait aucune chance.
Durant mes années de consultations, j’ai eu d’innombrables occasions de
déchiffrer de nombreux pièges et les jeux de triangle correspondants. J’ai
utilisé le rasoir d’Occam pour rechercher une explication encore plus
simple des jeux. Mon triangle avait réduit les jeux à trois points. PSV. J’ai
ainsi cherché à réduire les centaines de possibilité de jeux à seulement deux.
Elles sont :

Type de sweatshirt 1 : Challenge – « Essaie de gagner si tu


peux ! »

Devant du sweatshirt : Essaie de (…) si tu le peux !


Dos du sweatshirt : Ha ha ! Je savais que tu ne pourrais pas ! Je t’ai eu.
Le sweat-shirt challenge est un jeu de dupe et de pouvoir où la victoire
réside dans la défaite de l’autre qui a relevé un challenge perdu d’avance.

Type de sweatshirt 2 : Déni – « Faisons comme si »


Devant du sweatshirt : Faisons comme si ce qui se passe ne se passe pas
vraiment.
Dos du sweatshirt : Tu es si facile à tromper !
Le Sweatshirt déni est conçu pour éviter de devoir faire face à la réalité
de la situation afin que vous puissiez vous en sortir, quoi que vous
fassiez.

Un conférencier peut porter un sweatshirt Déni avec « Faisons tous


semblant de comprendre ce que je dis. » Dans un magasin de luxe, la caisse
porte un « Faisons tous comme si vous obteniez un bon rapport qualité-
prix. » Un amant portera parfois un « Faisons comme si ça t’avait plu ».
Le sweat-shirt Challenge pourrait être porté par un patient cherchant à
piéger son médecin avec un sweat-shirt disant « Essaie de me guérir si tu
peux »… Un adolescent en colère pourrait commencer un jeu « Papa, essaie
de me convaincre de tes valeurs si tu le peux »… Un client dans un magasin
pourrait jouer à un jeu « Essayez de me vendre votre produit si vous
pouvez »…
La fin serait toujours : Ah ah ! Je savais que tu ne pouvais pas me guérir
/ me convaincre / me vendre tes produits !
Un patient pourrait piéger son médecin en commençant par un sweat-
shirt Déni tel que « Oh oui, faisons comme si j’allais suivre votre traitement
à la lettre »… Un adolescent en colère pourrait commencer un jeu « Ouais
papa, faisons comme si tu avais raison de me maltraiter / Je l’ai bien mérité
Monsieur, merci pour la leçon ». Un client dans un magasin pourrait jouer
un jeu de « Oh oui, je suis intéressé par votre produit, j’ai juste besoin d’en
parler à ma femme d’abord »…
La fin serait toujours : Nous nous porterons mieux en ignorant le fait que
je ne suis pas votre traitement / je peux me faire battre et ne pas t’écouter /
je ne vais pas acheter votre produit.
Un dernier exemple. Si quelqu’un ne vous écoute pas, voici ce que vous
verrez écrit sur le devant des deux types de sweat-shirt :
Figure 2. 20 – Ce qui est écrit sur l’avant des sweatshirts de la personne
qui n’écoute pas

Dans le processus de simplification des jeux façon Occam, j’ai plus tard
découvert que je pouvais réduire tous les jeux de deux à un seul message.
Une fois que le jeu a commencé, il ne reste qu’un sweatshirt de base :
« Essaie de résoudre ça si tu peux » ! Lorsque vous réalisez ce qu’il se
passe réellement, le jeu devient beaucoup plus clair.
Une bonne façon de commencer à vous entraîner à éviter d’entrer dans
les triangles est de détecter les invitations à jouer. Si vous êtes entré déjà
dans le jeu, vous pouvez toujours prendre du recul et penser au sweatshirt.
Cela aide à voir mieux les enjeux.
À partir de demain, observez, écoutez les conversations et prenez
l’habitude d’identifier intuitivement ce qui se passe réellement – ce qui est
sur le sweat-shirt du joueur. En gagnant en vigilance, vous pouvez
commencer à limiter les dangereuses valses en trois étapes du drame.

LE DRAME EN BREF

Utilisez les versions simplifiées pour repérer les différentes manières d’inviter
quelqu’un dans un drame.
3 invitations P, S et V
P : « Tu ne sais rien faire de bien ! »
S : « J’essaie seulement de t’aider. »
V : « Pauvre de moi ! »
2 invitations sur un sweat-shirt imaginaire :
« Faisons comme si… »
« Essaie de… si tu le peux. »
1 sweat-shirt avec une seule invitation de jeu de base : « Essaye de résoudre
ceci si tu le peux. »
3

UN TRIANGLE OK POSITIF

La solution à 10 % et le Triangle Compassionnel,


pont entre drame et bonheur

BIEN DES GENS dans le monde ont repris ma théorie pour créer leur propre
Triangle OK. Acey Choy a décrit un excellent « Triangle des gagnants »
dont il nomme les angles Affirmé, Aimant et Vulnérable en rapport avec le
modèle de résolution de conflit de l’Institut Cathexiks. Sur son site très
complet (TA-tutor.com), Lewis Quinby a utilisé les initiales PRV pour
Persévérer, Rejoindre et Vulnérable dans son « Triangle Durable ». Dans
son livre fascinant, The power of TED – The empowerment Dynamic »
(2006), David Emerald a renommé les angles positifs avec l’Opposant (P),
le Coach (R) et le Créateur (V). Lynne Forrest (2008) a écrit des livres sur
le Triangle Victime avec les angles OK nommés Tuteur (P), Nourricier (R)
et Observateur (V). Des centaines de blog citent le « Triangle de Karpman »
dans de divers contextes afin d’expliquer les jeux de relations et les
situations dysfonctionnelles.Mes amis Jérôme Lefeuvre et Pierre Agnèse
ont eux aussi proposé une lecture de self-défense appelée Déjouer les
Pièges de la Mauvaise foi et de la Manipulation s’en inspirant.
MON TRIANGLE OK

La plupart des gens qui découvrent mon travail ont tendance à se concentrer
sur l’aspect négatif du Triangle. Je veux insister sur l’idée qu’un
Persécuteur, un Sauveur et une Victime ne sont pas des personnes ! Ils ne
sont que des rôles que les gens endossent dans les jeux psychologiques, de
façon plus ou moins consciente. Les personnes derrières ces rôles ont très
souvent de bonnes intentions.
J’ai ainsi basé ma thérapie et mon processus de conseil sur
l’identification des aspects positifs du Triangle Dramatique avec un
objectif, la compassion. Le Triangle OK représente les différentes façons
pour une personne de concevoir les situations qu’elle vit.

Figure 3. 1 – Le Triangle OK±

Si l’on parvient à adopter les versions positives du Persécuteur, du Sauveur ou


de la Victime dans le triangle, on peut alors rediriger son énergie positivement.

Je voulais pousser ce raisonnement jusqu’à son issue logique afin de voir


si le P du Persécuteur pouvait devenir un P+, le Sauveur un S+ et la Victime
un V+. Imaginez qu’une personne puisse alors montrer du Pouvoir, de la
Solidarité et de la Vulnérabilité pour ces trois angles P, S, V. Lorsque j’ai
commencé à élaborer un Triangle OK, je voulais conserver ces mêmes
lettres P, S, V, et en donner une vision positive. Je me suis rappelé que nous
devrions tous accorder une intention positive dans chaque rôle et j’ai ajouté
un pourcentage de 10 % à l’intérieur. Le principe est de retenir au moins
10 % de compassion pour le joueur piégé dans le jeu.
LES TRIANGLES DE LA SOLUTION À 10 %

Figure 3. 2 – Le triangle de la solution à 10 %

Ces 10 % représentent une règle générale qui se révèle utile dans mon
travail thérapeutique, particulièrement lorsque je travaille avec des couples.
C’est un moyen simple pour dédramatiser les jeux.
Comprenez ici « solution » dans son sens chimique – c’est à dire, un
mélange dans lequel se trouverait 10 % d’une autre substance, un peu
comme les 70 % ou 90 % de solution alcoolisée que vous achetez en
pharmacie. En voici les cinq règles.

Règle 1. Il y a au moins 10 % d’intention positive dans chaque jeu

Lorsque nous observons une personne dans le rôle du Persécuteur, du


Sauveur ou de la Victime, nous trouverons toujours une part d’intention
positive. C’est un bon moyen de ne pas condamner cette personne.
Un père de famille stressé, anxieux sermonne régulièrement ses enfants
et leur rend la vie dure. Nous pouvons imaginer que, dissimulée derrière
cette autorité maladroite, se trouve l’intention positive de pousser ses
enfants afin qu’ils réussissent dans la vie.
Si vous lui demandez de parler de son comportement, de sa sévérité à la
maison, en le questionnant sur ces intentions positives, il sera certainement
plus calme et lucide pour en parler, et vous dira quelque chose comme « Je
sais que je suis sévère et parfois même dur (P), mais qu’est-ce que vous
imaginez ? Quelqu’un doit bien endosser ce rôle à la maison (V). Ce sont
mes enfants, et je ne veux pas qu’ils soient sans emploi plus tard (S). »
Le triangle OK de la compassion et la solution à 10 % ne consistent pas à
trouver une excuse pour des comportements négatifs, mais de trouver des
aspects positifs qui pourront être utilisés de manière constructive quand le
moment viendra afin de ne pas rester bloqué dans des jeux.
Le rôle du Sauveur et de la Victime n’échappent pas à cette règle. S’il est
facile de percevoir le désir d’aider du Sauveur, il est moins évident de
déceler l’intention positive de la Victime. Et pourtant, si nous retournons
dans la famille décrite plus haut, nous pouvons y trouver les enfants de ce
père au comportement de Persécuteur, eux même Victimes, qui ne peuvent
pas affirmer leurs propres désirs et réclamer plus de souplesse. On les
entend plutôt se plaindre entre eux ou à leur mère. Leur intention positive
ici serait d’émettre des signaux, de chercher à être compris et changer la
situation. Seulement voilà, ils ne parlent pas à la bonne personne.
Il nous faut apprendre à utiliser la solution à 10 % afin de donner du
crédit aux intentions positives plutôt que de directement condamner pour
les comportements négatifs, ce qui est d’ailleurs très tentant dans ce genre
de situation.

Règle 2. Il y a au moins 10 % de vérité dans toute idée exprimée

Imaginons maintenant une scène entre deux collègues au bureau. L’un


d’entre eux râle au sujet de l’attitude pénible d’un client qui se plaint
beaucoup. Son collègue lui dit : « Bah mon bonhomme, je crois savoir
pourquoi tes clients sont si souvent insatisfaits. Tu ne t’y prends pas
toujours bien et je sais que ce n’est pas facile. Je vais m’occuper de lui !
J’ai l’habitude de ce genre de client… Ne t’inquiète pas. »
On observe ici un « Zorro », qui offre de faire le travail à la place de son
collègue (sûrement dans une bonne intention) tout en endossant son rôle de
Sauveur. L’idée exprimée ici est pourtant partiellement vraie :
Il est difficile d’avoir toujours des clients satisfaits. Savoir gérer les
plaintes est une aptitude qui doit être apprise et développée.
Pour chacun des trois rôles PSV, le Triangle à 10 % nous donne la
possibilité de nous demander quel est le pourcentage de vérité dans ce que
l’interlocuteur exprime.
En bref : il y aura au moins 10 % de vérité dans toute plainte. Celui qui
se plaint est au moins à 10 % la Victime de l’entreprise du Persécuteur qui
n’a pas su le sauver avec un service et un produit parfait.
Celui qui se plaint n’est pas un Persécuteur pénible car sa colère est à
10 % justifiée, et partiellement (à 10 %) causée par l’entreprise du
Persécuteur.
Dans le cas du père et de ses enfants, il y a au moins 10 % de vérité dans
l’idée qu’un certain niveau de sévérité est nécessaire pour que ses enfants
réussissent leurs études et obtiennent un bon emploi.

Règle 3. Il y a au moins 10 % de la population qui aurait réagi


de la même façon

Pour moi, il s’agit ici de porter notre attention sur le fait que les jeux
psychologiques sont très communs et que nous y prenons part bien souvent.
Avec ce troisième aspect de ma solution à 10 %, nous avons une bonne
raison de considérer les jeux et les joueurs comme l’une de nos faiblesses
humaines. Si nous l’acceptons, il devient facile de faire preuve de
compassion.
Pour cette troisième règle, considérez que, lorsque que vous êtes pris
dans un jeu, il y a au moins 10 % de la population qui serait d’accord avec
vous et 10 % qui serait d’accord avec les autres joueurs.

Règle 4. Quand nous sommes en train de jouer, au moins 10 %


de ce que nous disons est faux

Si vous êtes le témoin d’une situation délicate dans votre cadre de travail et
qu’il vous faut en devenir le médiateur, gardez à l’esprit que tout n’est pas
vrai dans ce qui est dit par la personne en conflit.
« Je te préviens, si tu ne continues comme ça, tout le monde finira par te
tourner le dos ! »
On peut déjà appliquer ici les trois aspects de la solution à 10 %, et dire
que l’intention ici est positive à 10 %, qu’il y a 10 % de vérité et que, dans
au moins 10 % des familles, nous pourrions entendre la même chose. Enfin
nous pouvons aussi observer que, dans cette scène, au moins 10 % de la
menace est fausse.

Règle 5. Dans chaque jeu une personne joue au moins 10 %


de chacun des rôles PSV en même temps

Ce que je considère comme étant ma principale découverte m’est devenue


tellement évidente avec le temps. Nous jouons les trois rôles en même temps
dans toutes les situations du triangle.
Évidemment, un de ces trois rôles apparaît comme le principal au niveau
social ; mais les deux autres sont aussi là en même temps à au moins 10 %.
Le père qui hurle « Idiot » a son fils qui vient de se blesser avec un couteau,
malgré le fait qu’il l’avait prévenu du danger, est ici perçu par
l’environnement comme le Persécuteur. Mais il essaye aussi au moins à
10 % d’être Sauveur en se disant, que de cette façon, son fils comprendra,
même s’il s’exprime de façon insultante et brutale. Et bien sûr, il est au
moins à 10 % la Victime, parce qu’il se sent pétrifié de peur à l’idée de ne
pas être capable de sauver son enfant des dangers du monde.
Si seulement il avait pris le temps de dire à son fils, après avoir crié :
Mon fils, j’ai eu peur et j’ai été dur quand je t’ai crié dessus parce que
j’essaye de trouver un moyen pour mieux te protéger…
Dans ce cas-là, je vous dirais qu’il utilise mon Triangle Compassionnel et
qu’il est sur le bon chemin pour éviter les drames et les jeux…

CETTE CINQUIÈME RÈGLE CONSTITUE LE PAS LE PLUS


IMPORTANT VERS MON TRIANGLE COMPASSIONNEL

Les rôles P+, S+ et V+ m’ont inspiré l’idée de la solution à 10 %, mais ils


ont aussi permis d’arriver au Triangle Compassionnel. Je représente ce
triangle avec un + en son centre et place deux des lettres P, S, V entre
parenthèses.
Figure 3. 3 – Une première version du Triangle Compassionnel

L’idée est de mettre le focus sur le cinquième aspect de la solution à


10 %, en constatant que, dans chaque jeu, une personne joue au moins à
10 % chaque rôle au même moment.
Par exemple, lorsqu’un un patron hurle sur son assistante, il est facile de
l’identifier immédiatement comme le Persécuteur. Ce rôle est le plus facile
à voir car il est le plus flagrant. Cependant, peut-être inconsciemment, au
fond, ses intentions sont de pousser son assistante à être une meilleure
employée, à faire un travail de meilleure qualité. Cet aspect des choses est
déjà plus difficile à voir car le rôle du Persécuteur est tellement fort qu’il
dissimule presque tout le rôle du Sauveur, que ce patron joue au même
moment. Il est aussi probablement la Victime du mauvais travail de son
assistante car cette dernière joue sans le vouloir avec sa réputation.
Ajoutons à cela qu’il prend le risque de devenir aussi la Victime du
regard désapprobateur des autres membres de son équipe. Ainsi, dans cette
situation, il est le Persécuteur, mais aussi le Sauveur et la Victime. Cette
idée essentielle amène un niveau d’analyse différent des jeux. J’ai ajouté un
signe + et un signe – au sein de la figure pour explorer à la fois les aspects
positifs et négatifs d’une situation difficile.

Figure 3. 4 – Le Triangle Compassionnel ± :


le patron est identifié comme un Persécuteur,
mais est en fait en train de jouer tous les rôles à la fois positivement
et négativement.
Ceci peut tout aussi bien être décrit à l’aide de la symbolique d’un
iceberg. Le P est clairement vu au-dessus du niveau de l’eau (avec une
flèche directement dessus et sans parenthèses). Les rôles non visibles sont
représentés sous l’eau avec des parenthèses autour du S et du V qui
indiquent qu’ils ont un rôle caché.

Figure 3. 5 – Les Triangles de Compassion ± et de solution à 10 % :


le patron est identifié comme le Persécuteur, mais joue en fait les deux
autres rôles au moins à 10 % ; le P est connu, le R et le V non connu

À chaque fois que l’on pense qu’une personne incarne seulement un rôle,
nous devons juste analyser de manière plus précise la situation pour trouver
au moins 10 % des autres rôles. Ceci nous aide à mieux comprendre ce qu’il
se passe dans le jeu.

DÉJOUER LES JEUX AVEC « LES OPTIONS


DRAMATIQUES »

Si le patron veut arranger la situation, il peut utiliser les options


dramatiques pour couvrir les trois angles positifs du triangle. Pour son rôle
(P–) il s’excusera ; pour le rôle (S+) de son assistante, il montrera de la
gratitude pour le travail qu’elle a fait ; pour son rôle (V+), il la remerciera
pour les efforts qu’elle fait pour gérer sa colère à lui. Ceci couvre à peu près
toutes les bases. Les personnes seront soulagées de se sentir ainsi soutenues
de ces trois façons ! Et, en échange, elles peuvent lui faire remarquer que
son (S+) est agréable, donner de la sympathie à son (V+) et pardonner son
agressivité (P+). Ces trois options pour sortir du Triangle Dramatique
soulagent tout le monde.
Figure 3. 6 – Trois solutions pour échapper au Triangle Dramatique

En thérapie familiale, un enfant dysfonctionnel (voir page 34) identifié


comme Persécuteur, est à la fois un Sauveur en offrant à la famille un
problème à gérer et la Victime.
En utilisant les Options dramatiques en thérapie familiale, la famille
pourrait offrir du pardon (P+) à l’enfant, de la sympathie (V+) pour le
sacrifice qu’il fait, et de la gratitude (S+) pour le rôle de martyr qu’il a joué
pour sauver sa famille.

Le Triangle Dramatique interne classique : « Je n’arrive


pas à ne pas me détester »

Malheureusement, des croyances sombres, des enjeux inconscients, ou juste


de la mauvaise humeur faussent souvent l’objectivité. Ainsi, si une
personne ne pense pas clairement, ou ne veux pas entendre raison, elle peut
se retourner contre elle-même et entrer dans une spirale d’auto-sabotage.
Lorsqu’elle se referme sur elle-même pour fausser sa raison, elle entre dans
ce qu’on appelle le Triangle Dramatique de haine personnelle,
d’autodépréciation, ou de dégoût de soi. C’est un exemple de drame
intérieur…

Le Triangle Dramatique Interne « L’histoire triste de la fille


qui ne pensait pas être une personne bien, mais ce n’était pas
de sa faute et de toute façon elle ne pouvait pas s’en empêcher »

Barbara est sortie de l’université il y un mois. Elle ne se sent pas bien car
elle a triché à son dernier examen. Hier, elle était supposée rencontrer un
homme du bureau de chômage à 8 h 30 pour un emploi. Elle a quitté la
maison, très tôt en laissant une lettre à ses parents sur la table de la
cuisine. Elle ne trouvait pas les mots pour exprimer ce qu’elle voulait
leur dire. Elle aurait aimé que sa lettre en dise plus. Elle est arrivée au
rendez-vous en avance, en se sentant vidée et coupable. Alors qu’elle
allait se présenter à la jeune femme au bureau, elle a fait demi-tour et a
quitté les locaux. Elle a marché sans but avant de s’asseoir sur un banc et
de pleurer. La vérité, c’est qu’elle ne pleurait pour personne. Quelque
chose dans son crâne refusait de s’arrêter :
« Je suis tellement bête ! Je ne mérite pas ce que j’ai. Je suis une
tricheuse. Je n’arrive même pas à écrire une simple lettre à mes parents.
Je ne peux que me punir pour ça… Mais après tout, qui sont-ils pour me
juger ? Si je suis comme je suis, c’est de leur faute, pas de la mienne. Ce
sont des gens faibles. Ils m’ont rendue faible… C’est cette société injuste,
ces professeurs injustes, c’est la faute de tous les autres. Et bien, je ne
peux rien faire de bien. Je ne suis pas destinée à faire de grandes choses
de toute façon. Je ne suis qu’une banlieusarde simple d’esprit, et même
pas une jolie jeune femme ignorante. Je ne suis pas le genre à gagner…
Tout le monde ne peut pas gagner dans ce monde… Je suis tellement
idiote… Je ne mérite pas ce que j’ai. »
Les pensées de Barbara sont dans le carrousel du drame interne. Elle
passe constamment d’un rôle à l’autre intérieurement. Elle ne prend pas
même le temps de respirer et de prendre de la distance pour analyser la
situation. Son jeu intérieur bat sa propre raison et se renforce
constamment. Elle commence par se persécuter en se disant qu’elle est
une tricheuse et une idiote. Puis elle change de rôle et devient son propre
Sauveur, en se disant que rien n’est de sa faute, mais plutôt celle de
l’éducation de ses parents qui l’a rendue faible… Puis sans prendre le
temps de souffler, elle passe de nouveau à Victime. L’émotion devient
insurmontable, il devient impossible de s’arrêter, on change de rôle,
encore, et encore, et encore.
Figure 3. 7 – Le triangle interne de la haine de soi

Barbara pourrait renverser son système de pensée négatif en utilisant la


perspective du Triangle OK. Ceci demande alors une décision importante :
je vais utiliser le Triangle Positif de Discussion avec moi-même !

Pratiquez votre Discussion Intérieure Positive

Mon conseil professionnel à n’importe qui en période de faible estime de


soi comme Barbara est de considérer la situation à partir du PSV interne
positif.
• P+ correspond au Pouvoir, à la Persévérance et au projet →
Autodétermination, direction, discipline, but, enrichissement personnel
et force de caractère.
• S+ correspond au fait de se Retrouver, se Réparer → prendre soin de
soi, se féliciter, se protéger, avoir confiance en sa santé et en soi, se
donner des autorisations, bref s’aimer.
• V+ c’est accepter d’être Vulnérable et désireux de grandir, → ouverture,
humilité, flexibilité, réceptivité.
Figure 3. 8 – PSV Discussion Intérieure Positive

Le P+ de Barbara pour regagner en puissance pourrait maintenant être :


J’ai toujours beaucoup à apprendre. Je vais demander conseil, entraîner
mes capacités, changer et améliorer ma relation avec mes parents et moi.
Je peux le faire ! Je vais le faire ! Maintenant je vais appeler l’homme du
bureau de chômage et je ferai tout ce que je peux pour reprogrammer ce
rendez-vous.
Le S+ compatissant de Barbara pourrait maintenant être : J’ai mené un
rude combat pour en arriver ici. Je suis une personne bien. Je peux bien
gagner ma vie parce que je le mérite. J’ai les capacités de changer les
choses autour de moi.
Le V+ compréhensif de Barbara pourrait être : j’ai fait des erreurs car je
suis un être humain. Il est normal de trébucher. Il est normal d’avoir peur
lorsque je quitte la maison. J’appellerai mes parents ensuite, pour leur
dire que je les aime que et je serai là pour eux lorsqu’ils auront besoin de
moi. Je resterai ouverte à l’aide qu’ils m’offriront.

Cette discussion intérieure positive permet de réparer le Triangle


personnel interne pour lutter contre le S– interne de déni et d’illusion, le P–
interne de l’auto-sabotage, et le V– interne de l’auto-apitoiement. Voilà
comment Barbara pourrait utiliser ma méthode pour combattre les négatifs
d’un PSV intérieur avec les positifs correspondant. Les 6 possibilités ±
commencent par le terme « auto- »

Figure 3. 9 – Les six choix ± du Triangle Dramatique Interne


LE TRIANGLE COMPASSIONNEL, UN PONT ENTRE
DRAME ET BONHEUR

Le triangle « Si je te fais suffisamment souffrir, tu ne seras pas


aussi triste lorsque je te quitterai »

Pour quelle étrange raison Marie a-t-elle décidé de quitter Jack sans
aucune explication ? Pourquoi c’est elle comportée si brusquement, en
l’humiliant verbalement lorsqu’il a appris la nouvelle. Pourquoi a-t-elle
brisé son trophée de tennis dont il était si fier avant de quitter les lieux ?

Regardons ensemble quelques explications.


Elle se sentait Victime car elle était malheureuse avec lui, qui ne faisait
que penser à son fichu tennis ! Ou peut-être se voyait-elle Sauveur de son
conjoint, une martyre. Elle pensait ne pas être ce dont il avait besoin et lui a
rendu service en disparaissant si violemment de sa vie et en lui laissant une
image déplaisante qui lui permettra de moins souffrir. Ou elle peut endosser
le rôle du Persécuteur, en lui faisant payer sans lui donner une chance de
s’expliquer.
Le Triangle Compassionnel nous donne ainsi trois motivations possibles
derrière n’importe quelle action inexpliquée. Je le considère comme un
pivot de mon travail scientifique, à la fois pour comprendre, décrypter et
pardonner les différences et les excès d’autrui ainsi que les nôtres.
Le Triangle Compassionnel peut être dessiné de trois manières pour
l’enseigner. La plus simple consiste à placer les 3 rôles PSV en dehors avec
un + à l’intérieur du triangle. Une deuxième manière est de placer les PSV à
l’intérieur et à l’extérieur du triangle afin de suggérer les 6 différentes
façons de jouer le jeu.

Figure 3. 10 – Deux représentations simples du Triangle Compassionnel


Un conflit est vécu à la fois à l’intérieur à l’extérieur. Nous pouvons
vivre ces jeux à partir de ces deux dimensions de notre personnalité
simultanément, d’une seule, avec ou sans distorsion de notre perception.
Le PSV interne permet de décrire les émotions, un monologue (une
transaction avec soi-même), un jeu intérieur qui s’enclenche en soi, pendant
l’échange.
Ces personnalités internes et externes peuvent être en harmonie ou en
discordance en même temps pendant le jeu. Une personnalité peut en
dominer une autre. Dans la colère, la personnalité externe P– prend le
dessus. Dans la tristesse, c’est la personnalité interne P– qui prend les
commandes avec pensées dépressives.

Figure 3. 11 – La version complexe du Triangle Compassionnel :


les 12 niveaux ± externes et internes

Avec le temps, on m’a invariablement répété « La compassion ne vend pas ! Tu


ne te feras pas un centime à partir de ça » et pourtant nombre de patients et
clients ont utilisé et adoré cette technique !

Une méthode très efficace pour se sortir d’un jeu

Imaginez-vous que je me sente piégé dans la position du Sauveur et qu’en


prenant du recul je réalise que je suis au même moment en train de
persécuter. Prenons un exemple politique.

Le triangle « Mon parti politique est mieux que ton parti


politique »
C’est une variation de la chamaillerie entre enfants « le mien est mieux
que le tien ». Si on jette un regard sur la politique en Amérique, les
Républicains se perçoivent comme les Sauveurs d’une nation de Victimes
que sont les administrés – avec pour Persécuteurs les Démocrates. Les
Démocrates se perçoivent eux comme les Sauveurs d’une nation de
Victimes que sont les citoyens pauvres – avec pour Persécuteurs les
Républicains. Si le parti auquel j’appartiens est le Sauveur de la nation à
mes yeux, alors je peux ignorer le fait que je suis le Persécuteur pour les
gens qui ne pensent pas comme moi. Et il est aussi fort probable que je
me sente la Victime de ces gens qui ne m’écoutent pas, alors que ce que
je propose est de sauver le monde. La religion peut provoquer des
conflits très similaires au nom d’une haute position morale.

Nous avons un moyen de donner plus de compassion aux gens piégés


dans un jeu. En faisant attention, nous pouvons voir un certain nombre de
choses en train de se passer au même moment, dont nous ne sommes pas
nécessairement conscients, et nous faisons parfois partie du problème.
La technique du Triangle Compassionnel est de toujours se poser cette
question : Quelles sont les trois rôles que je joue à la fois, et quels sont les
rôles que l’autre personne endosse ?
Se poser cette question à chaque fois demande de l’entraînement. Si je
suis un Sauveur et que je me sens piégé, comment puis-je aussi être un
Persécuteur et une Victime ? Ces questionnements peuvent vous aider à
éviter un jeu. Lorsque vous saurez faire ça, vous obtiendrez la médaille d’or
d’empathie !

Figure 3. 12 – Deux Triangles Compassionnels,


partageant 12 motivations compatissantes. Laissez les autres connaître
vos motivations et prenez conscience des leurs.
L’approche compatissante en thérapie de couple

Dans le domaine de la psychothérapie des couples, il va sans dire que la


pire chose à faire est de prendre parti. Au lieu de ça, j’écoute les
informations données lorsqu’une personne parle et que l’autre répond. À la
suite de quoi je propose une médiation en répartissant les motivations PSV
de chacun. Je garde toujours à l’esprit que l’un de ces trois rôles se révèle
au niveau social extérieur, mais que les deux autres sont endossés à un
niveau psychologique intérieur et non-dit. Je demande à chacun des deux
conjoints de chercher ces motivations en eux-mêmes et chez leur partenaire
ainsi que ce qui pourrait se dissimuler derrière, avant de leur demander de
les dire à l’autre.
Imaginons que Mary (souvenez-vous, elle avait brisé le trophée de
tennis) et Jack viennent me voir une fois qu’ils se sont réconciliés. Mais en
réalité, Jack n’a jamais pardonné à Mary cette violence lorsqu’elle est
partie, et Mary n’a jamais donné toute l’histoire.

Le Triangle « J’aimerais pouvoir te pardonner et oublier, mais je


ne peux pas »

Jack : Je ne peux pas lui pardonner ce qu’elle a fait.


Thérapeute : Qui était… ?
Jack : Elle a détruit mon trophée de tennis sans aucune raison. Je suis
sûr qu’elle en avait envie depuis longtemps.
Mary : C’est absolument faux ! Tu fais ça à chaque fois !
Thérapeute : Que fait-il à chaque fois, Mary ?
Mary : Il s’invente des histoires à partir de rien et les conserve pour les
utiliser contre moi…

C’est un bon moment pour moi de faire une entrée compatissante pour
exprimer les 6 angles. En atelier d’entraînement, nous appelons ceci le
processus des 6 étapes de compassion :
Jack, il semblerait que tu aies pris l’habitude de lire les pensées de Mary,
et elle a l’impression que tu la persécutes.
Mary, tu as détruit quelque chose de très important pour Jack, et il
perçoit ça comme de la persécution.
Je vois, Jack, que tu as pardonné à Mary, mais pas complètement, car tu
es toujours énervé. Tu t’es comporté comme si tu désirais sauver votre
relation mais tu n’as pas arrêté de refouler cette colère.
Mary, tu voulais sauver Jack d’une séparation douloureuse, en la rendant
volontairement brutale pour qu’il ne soit pas triste que tu sois partie.
Et aujourd’hui vous vous sentez tous les deux comme les Victimes.
Jack, tu se sens humilié et Mary, tu te sens incomprise.
Une fois que le premier palier est passé, nous irons pas à pas vers une
lecture plus complexe qui nous aidera à dénouer les nœuds dramatiques qui
se sont formés entre eux ces dernières années.
Ces histoires cachent toutes des motivations inconscientes qui permettent
d’entretenir les jeux et d’entrer dans un triangle.

L’utilisation des « 6 étapes de compassion » chez soi

Un couple peut apprendre à pratiquer cette technique fine ensemble, lors


d’un atelier en formation, à partir d’un exemple de conflit futile qu’ils
vivent régulièrement pour intégrer les étapes.
1. Donner de l’empathie : en Victime je vois que tu te sens blessée,
piégée dans une situation qui semble impossible à régler, que tu ne
reçois pas l’aide dont tu as besoin de ma part, que tu te sens
incomprise et dépassée, et il semble que ceci se produise trop souvent
dans nos vies sans jamais se résoudre ; et je suis désolé.
2. Donner de la gratitude : en Sauveur je sais que tu essayes de m’aider,
d’aider notre relation, et te venir en aide, ce qui est très bien, mais il
semble que ça ne marche pas pour toi-même si tu essayes autant. Tu as
l’impression que peu importe ce que tu essayes, tu n’es pas appréciée
pour tes efforts. Je te remercie d’essayer et dans le futur j’y ferai plus
attention.
3. Donner un feed-back : en Persécuteur, lorsque tu es survoltée, que tu
parles vite et de façon exagérée je ne peux pas le gérer. Je suis perdu et
en colère, je réponds agressivement et je suis désolé.
Et pour moi-même :
1. Présenter des excuses : (révéler son P) Je te présente des excuses pour
te crier dessus quand je n’arrive plus à trouver d’autre option. Je sais
que tu le vis mal, que tu as peur parfois quand je deviens dominant et
macho.
2. Se donner de l’empathie à soi : (révéler sa V) Je suis perdu et je me
sens condamné à devoir gérer toutes les fois où tu te mets en colère. Je
suis inquiet pour nous, mais il est vrai que je sais me montrer têtu et
macho, que je refuse de m’excuser, et je suis désolé, parce que j’ai
besoin de toi.
3. Se donner de la reconnaissance à soi : (révéler son S) Je t’aime et
j’essaye de rendre les choses meilleures, c’est mon intention. J’ai
l’impression que tu ne reconnais pas mes efforts alors que j’ai fait
tellement de choses qui te semblent évidentes mais elles ne le sont pas.
Je vais continuer de tout faire pour que les choses aillent mieux entre
nous. D’accord ?
Elle sourit avec un « merci ». Elle le prend dans ses bras. Elle se sent
soulagée que ses 6 sentiments aient été pris en compte et non pas seulement
un, ou aucun. L’audience de l’atelier applaudit. On leur demande de lever
un bras quand ils ressentent de l’émotion authentique, et de ne pas lever le
bras quand ils ne le ressentent pas. Le couple peut faire la même chose
pendant que le processus avance. C’est un bon complément à l’exercice et
apprend à utiliser son instinct. Dans un autre exercice chez soi, ils
s’assoient sur un canapé et parlent de leurs sentiments un par un, chacun à
leur tour et l’autre répond juste, sans donner d’explication, par « je le
ressens » ou « je ne le ressens pas ». Un exercice très efficace.
Puis c’est son tour, à elle, et elle passe par les mêmes 6 étapes du
Triangle Compassionnel. Existe-t-il un ordre plus intéressant qu’un autre ?
Les couples peuvent choisir de traiter d’abord ce sur quoi l’autre a insisté le
plus et peuvent suivre les étapes dans l’ordre qu’ils souhaitent. Par exemple,
s’il insiste d’abord sur le fait qu’il essaye vraiment, elle peut commencer
avec le Sauveur – l’étape « Donner de la Gratitude ».

Ce qui est vu et ce qui ne l’est pas


Une autre manière intéressante de représenter cet échange est d’utiliser
l’image de l’iceberg submergé, où un rôle au-dessus de la surface est « vu »
et les deux autres sont dissimulés. Dans cet exemple ci-dessous, nous
revenons à l’histoire de Mary et Jack (le cas du trophée de tennis brisé) qui
se disputent en assumant que l’autre est le Persécuteur.

Figure 3. 13 – Des icebergs jumeaux avec des rôles initialement dissimulés

Ensuite, ils peuvent prendre du recul pour une discussion au sujet du


« processus » afin de trouver tous les rôles présents. Puis la richesse
inexplorée de leur relation peut être partagée par ces discussions intimes.
Ceci permet de renforcer leur relation.
Je place tous les rôles entre parenthèses car il y a des situations, peut-être
dans une dispute aussi, où l’on ne reconnaît plus l’autre. Tout se mélange
avec des souvenirs enfouis récents ou anciens. Mais l’adrénaline parle aussi
pendant une dispute et on l’on commence par voir l’autre comme un
Persécuteur. La dispute peut rapidement digresser d’un point (le problème
débattu) au processus (la façon dont la conversation évolue), aux rôles
(insultes dépourvues de sens).

UN AUTRE REGARD SUR LES TROIS RÔLES À CONSIDÉRER

• La Victime à des besoins dont elle n’a jamais parlé, des scénarios familiaux
non résolus et une position existentielle défaitiste.
• Le Persécuteur a des timbres et des opinions négatives vis-à-vis de ceux qui
le dérangent ou lui déplaisent.
• Le Sauveur n’arrive pas à régler quelque chose dans sa vie par lui-même.

LE TRIANGLE DE SAGESSE
Dans un monde parfait, lorsque l’on est confronté à une situation de conflit,
on peut prendre du recul et analyser les 12 motivations du Triangle
Dramatique ci-dessous : six motivations ± de la personnalité externe et six
motivations ± de la personnalité interne.

Figure 3. 14 – Le judicieux triangle de la sagesse de soi

Maintenant considérons les PSV positifs et négatifs de chacun des angles,


internes et externes. La clé ici est de considérer les 12 variables d’une
personne et par la suite considérer les 12 variables de l’autre personne
concernée par cette situation. Lorsque vous faite ceci, j’appelle ça le
Triangle de Sagesse, car vous seriez un être très sage et un être de
compassion comme Bouddha dans sa Compassion inébranlable ! `
Bon vous pouvez faire quelques erreurs de temps en temps – mais
lorsque vous réussissez l’exercice, pardonnez-vous et pardonnez à
l’interlocuteur. Cette sagesse d’approche demande des années de pratique.

Figure 3. 15 – Les Triangles de la Sagesse Relationnelle

L’utilisation du Triangle Compassionnel avec les 12 motivations


du Triangle Dramatique
Voici un exemple de chacun des 12 angles.

Le Triangle de Sagesse « Réglons enfin sérieusement cette histoire


une bonne fois pour toute »

Robert et William travaillent tous les deux dans la même compagnie –


Robert est directeur des achats et William directeur des ressources
humaines. William est sur le dos de Robert depuis que Robert est arrivé
dans l’entreprise. Les méthodes de management de Robert sont brutales
et souvent critiquées. Ses relations avec les fournisseurs sont aussi
tendues, et l’un des plus gros fournisseurs de l’entreprise, qui a été leur
partenaire depuis plus de 10 ans, vient juste de jeter l’éponge et d’arrêter
de travailler avec eux. D’un point de vue financier cependant, en réalité
les bénéfices de l’entreprise ont considérablement augmenté grâce aux
méthodes de Robert, aussi discutables soient-elles.
Robert a été engagé il y a un peu plus de 2 ans par le directeur général
qui cherchait un directeur des achats dur en affaires.
D’un autre côté, William est très attaché aux valeurs humaines qui ont
fait la réputation de l’entreprise.
Les relations entre les deux hommes ont empiré à tel point que William
vient de commencer à monter un dossier pour torpiller son collègue et le
faire renvoyer. William en a fait une affaire personnelle jusqu’à ce
qu’hier la situation dégénère. Il était presque 20 h 30 lorsque Robert a
débarqué dans son bureau et à s’est mis à l’insulter car il venait
d’apprendre que William manœuvrait contre lui. William qui était déjà
sous pression depuis quelques semaines a alors menacé de le frapper, et
les deux ont fini par en venir aux mains.
Le directeur général, alerté par ce boucan, est entré dans le bureau de
William et leur a laissé jusqu’au matin pour se calmer comme des adultes
et venir le voir dans la matinée pour s’expliquer une fois que les choses
seraient revenues à la normale.
Les deux hommes sonnés et étourdis décidèrent alors de faire le point sur
la situation puisque le voile était enfin tombé…

Imaginons que William prenne en charge l’analyse des 12 variantes du


triangle et propose d’être le médiateur. Voilà ce qui pourrait se produire :
William : Je pense que nos challenges sont les mêmes et ne font que nous
sembler différents. Je dois respecter l’éthique de la compagnie à laquelle
je crois, et à laquelle je suis sûr que nous devons notre succès (P+). J’ai
beaucoup critiqué tes méthodes et ai refusé ton point de vue (P–).
J’ai agi pour protéger des choses dont je ne suis pas responsable, alors
que la compagnie ne me l’a jamais demandé (S–). Mon intention initiale
était de trouver un équilibre entre tes méthodes habituelles et la politique
de notre entreprise, ce que tu aurais su utiliser car tu es un homme
brillant (S+).
Je ne savais pas comment t’atteindre et te parler, et pour tout avouer, j’ai
peur de ton comportement (V–). Je prends sur moi en ce moment car je
sais que tu es prêt à m’écouter, comme tu es en train de le faire
maintenant (V+).
Je lutte avec des problématiques personnelles aussi. J’ai été éduqué avec
l’idée que je devais lutter contre toutes les formes d’injustice. J’ai pensé
que tu devais être sanctionné et que je ne faisais pas mon devoir (P–
intérieur). Je suis une personne déterminée et je me suis convaincu qu’il
fallait que je règle tout ça de façon respectable (P+ intérieur).
J’ai souvent mal dormi parce que je sentais que je perdais le contrôle de
la situation. Je n’ai pas osé en parler à qui que ce soit (V– intérieur).
Parfois je prenais une heure ou deux seul dans mon bureau le matin pour
me remettre de tout ce stress et avoir un peu de répit (V+ intérieur).
Quand je me blâmais de ne pas trouver une solution, je me sentais
démoralisé et incompétent – après tout, c’est mon travail – et je me
disais à chaque fois que tu étais un problème insoluble (R– intérieur).
Maintenant, je me souviens que je suis une personne bien et que j’ai bien
fait mon travail pendant 20 ans. Avec ton aide, je vais trouver une
solution à tout ça (R+ intérieur).
Robert ne dit rien. Il acquiesce et écoute attentivement.
William continue : Est-ce que tu me permettrais de te donner une analyse
de ce que je pense que nos challenges sont ?
Robert accepte.
William sait qu’il entre maintenant dans les 12 variables du triangle de
Robert :
Quand tu es arrivé ici, tu as très vite reçu des remarques de la part de
nos collègues du comité de management parce tu avais été choisi par le
grand patron (V–). Tu avais décidé de faire tes preuves en travaillant
deux fois plus dur (P+). Tu as aussi été plus dur que nécessaire avec tes
divers contacts (P–). Tu voulais montrer que tu pouvais faire face aux
challenges, peu importe la difficulté de ces derniers (V+). De plus, tu
nous as aussi signifié que tu voulais venir en aide à la compagnie parce
qu’elle était en mauvaise posture (S+). Tu as dit à de nombreuses
personnes que tu voulais faire les choses bien, et que si tu n’étais pas en
charge de certaines, tu t’en occuperais, car tes collègues, même avec les
meilleures intentions, n’avaient pas tes capacités (S–).
Ton comportement a rapidement été perçu comme arrogant, et j’imagine
que tu t’es senti seul et mal, avec personne à qui en parler (V– intérieur).
Mais déterminé à réussir, tu as gardé ton énergie et t’es concentré sur les
succès de tes projets (V+). Tes valeurs personnelles et ton engagement
t’ont gardé sur le bon chemin et en équilibre avec tes exigences
personnelles (P+ intérieur). Ta brutalité occasionnelle t’a maintenu
éveillé certaines nuits car tu n’en étais pas heureux (P– intérieur), mais
tu te disais que tu devais le faire (S– intérieur). Ce soir, tu écoutes avec
beaucoup d’attention mon feed-back car il est aussi important pour toi
que pour moi (S+ intérieur).

Dans cette démonstration, William est passé par les 12 angles intérieurs
et extérieurs possibles pour traiter de ce qui constituait leur conflit,
clairement et avec bienveillance. Cette clarté et cette bonne volonté sont
une invitation à mettre fin aux messages cachés et aux raisons personnelles.
Cet exercice peut être appelé la Compassion en 12 étapes.

La discipline des 12 variantes du triangle ajoute la sagesse à la compassion


dans de notre vie.

Passons à d’autres exemples de l’utilisation du Triangle Compassionnel.

Le Triangle Compassionnel de « Pendant que nous nous


disputions, j’ai réalisé que nous étions dans le fond d’accord sur
de nombreux aspects »
Voici l’anecdote du candidat qui désire devenir maire et qui a subi
pendant quelques semaines une série de remarques médisantes et
désagréables comme nous en observons si souvent en politique. La
dernière attaque par son adversaire les a tous deux déstabilisés. Il avait
rédigé une proposition de loi pour les handicapés et son adversaire avait
découvert qu’il n’avait pas payé une amende pour s’être garé sur une
place handicapé lorsqu’il était à l’université. Cela a donné suite à une
dispute à la lumière des projecteurs pendant plusieurs semaines.
Le public en a conclu que tous deux étaient pourris.
Le candidat décide de sortir de cette dispute sans fin de manière
respectable. Il utilise le Triangle Compassionnel dans une interview sans
le savoir :
« Vous voulez que je vous parle de cette histoire de parking ? Alors, je
peux vous dire que je comprends la colère de mon adversaire. Parce qu’il
a des convictions, comme moi, il défend l’intérêt public et il a découvert
une histoire que j’avais oubliée, probablement parce que je n’en suis pas
fier aujourd’hui. Alors oui, il avait le droit de la révéler. À sa place,
j’aurai fait la même chose. Il doit aussi se sentir un peu mal à ce sujet
parce que ceux qui me soutiennent l’accusent d’utiliser cette histoire à
des fins politiques. Et ici encore, je répète, j’aurais pourtant fait la même
chose. J’ai décidé que cette dénonciation était une opportunité pour moi
de présenter mes excuses pour mes erreurs passées et réaffirmer mes
convictions aujourd’hui. Tous deux, sortons maintenant de cette histoire
une bonne fois pour toute. Il a fait ce qu’il devait faire. Je vais faire ce
que je devrais faire : payer cette amende. »

Cette réaction, même si elle est très politique par nature, est une façon
élégante de reconnaître le P+ de son adversaire en défendant la beauté de
ses valeurs et le fait de faire son devoir, le S+ qui lui permet de s’améliorer
en tant que personne, et le V+ en reconnaissant la difficulté de la situation
d’une personne qui dénonce.
Cet exemple montre aussi l’approche de résolution de drame avec le
Triangle Compassionnel en faisant amende honorable, en offrant de
l’empathie et de la gratitude.
Le Triangle Compassionnel « Pourquoi ne pas se mettre d’accord
sur le fait que nous ne sommes pas d’accord et plutôt discuter
de ce que nous avons en commun ? »

Une autre dispute dans l’entreprise dont nous avons parlé fait rage entre
Robert, le directeur d’achat et le directeur du marketing.
D’un côté, l’un affirme que l’autre ne fait pas les sacrifices nécessaires
pour améliorer la qualité de production et de ce fait empêche l’évolution
de la politique client en pleine période de marché difficile.
De l’autre côté, on critique les frais considérables du département de
marketing pour des résultats douteux et peu visibles.
Toutes les semaines, on assiste à une nouvelle dispute au sein du comité
exécutif de l’entreprise.
Mais que se passerait-il si l’un d’entre eux décidait lundi de dire :
Et me voilà aujourd’hui à encore vous critiquer sur ce sujet. Pourtant, je
sais que nous nous opposons par nos points de vue mais pas sur les
fondamentaux. Tout comme moi, vous voulez que nous donnions le
meilleur de nous-même pour que la compagnie soit sauvée et grandisse
(S+). Nous défendons corps et âme, vous et moi, les valeurs de notre
profession. Ce qui semble nous diviser se trouve au niveau de nos
méthodes (P+). Et nous sommes tous vulnérables face à une compétition
brutale et sans pitié (V+).
Je comprends maintenant que nous visons le même objectif, je vais vous
écouter.

Un juge est tenu de respecter son éthique professionnelle en utilisant le


Triangle Compassionnel en y intégrant à la fois les éléments négatifs et
positifs qui s’y trouvent.

Le Triangle Compassionnel au Tribunal

Le juge : J’ai observé un ensemble flou d’excuses qui ne sont pas


admissibles car elles sonnent pour moi plus comme des justifications à
votre comportement (Il évoque V–, le jeu de Victime), mais je retiens les
circonstances atténuantes concernant votre environnement familial
particulièrement dysfonctionnel (Il évoque maintenant V+, en
reconnaissant la Vulnérabilité de l’accusé).
J’apprécie que l’accusé reconnaisse totalement sa faute, sachant qu’il a
transgressé la loi. Je saurai me montrer juste dans le choix de sanction
de façon à ce qu’elle respecte à la fois l’accusé et sa Victime (Son choix
de sanction sera fait selon la justice, P+). Pendant un moment j’ai voulu
vous donner une sanction plus lourde parce que votre comportement était
réellement inacceptable. (Il exprime sa première intention de juger et
condamner l’accusé sans prendre connaissance de la situation, P–).
Je n’en viendrai pas à dire que votre comportement était justifié par
votre passé dans le foyer familial. (Il évite la position du Sauveur S–).
J’espère cependant que vous verrez ma sanction comme un chemin vers
une vie plus saine. (S+, en évoquant le fait qu’il espère que cette
expérience viendra en aide à l’évolution de l’accusé, en faisant un pas
vers lui.)

Une justice à la fois claire et bienveillante – un chemin vers la Sagesse.


Je rencontre parfois des couples qui ont vécu ensemble très longtemps.
Avec la routine, les mauvaises habitudes, la fatigue qui vient avec l’âge ou
simplement l’oubli de s’aimer, ils ont perdu leur qualité d’écoute et de
tolérance pour l’autre. Et ils se retrouvent à se disputer sans arrêt, comme
s’ils voulaient faire payer à l’autre d’être devenu trop vieux trop vite.
Ils ont oublié le soutien que l’autre leur apporte (S+) et ne réalisent plus
qu’ils doivent soutenir l’autre (S–). Ils ont oublié qu’il est difficile pour tous
deux de vieillir (V+) et qu’il n’est pas plus difficile de vieillir pour l’un que
pour l’autre (V–).
Alors un soir, ils veulent en discuter et faire le point car il est insensé de
continuer comme ça.

Le Triangle Compassionnel « Où est passé le bon vieux temps ? »

Elle lui prépare un chocolat chaud avec des amandes broyées à la main
comme elle avait l’habitude de lui faire lorsqu’ils étaient plus jeunes
(S+). Depuis un certain temps elle ne les faisait plus qu’avec du chocolat
en poudre (S–)…
Il allume un feu de cheminée car il sait qu’elle adore ça (S+). Cela fait
10 ans maintenant qu’ils ont le chauffage électrique parce que c’est
difficile pour lui d’allumer un feu. Et il a juste fallu qu’elle s’y fasse.
C’est une bonne chose, vu le prix ! (P–).
Maintenant Ils sourient tous les deux. Il savoure sont chocolat avec des
« mmm » et des « miam ». Elle observe la cheminée avant de verser une
larme.
Elle (S+) : Ça faisait vraiment longtemps qu’on ne s’était pas assis
comme ça, n’est-ce pas mon chéri ?
Lui (V+) : Tu as raison. Ton chocolat est si bon, ma chérie…
Il ne pleure pas mais il a le cœur lourd. Ce moment est précieux.
Lui (P+) : Il faut que nous nous promettions quelque chose, mon amour.
Je pense que nous devons prendre une décision importante pour tous les
deux. Qu’en penses-tu ?
Elle (P+) : Je pense que tu as raison chéri. Le temps qu’il nous reste est
précieux et je veux que nous en profitions et en fassions quelque chose de
formidable !
Lui : Il n’est pas toujours facile pour moi d’être un bon mari, et je sais
que je fiche tout en l’air parfois (V+).
Elle : Et moi, je suis tellement inquiète de ne pas faire les choses bien, je
dérape aussi par moment (V+).
Lui : Mais c’est ce que j’aime chez toi (S+).
Elle : Moi aussi. Même si tu es un peu comme un ours par moment, je
t’aime (S+).
Lui : Promettons-nous de prendre soin l’un de l’autre jusqu’à la fin
(V+S+P+).
Elle : Oui, promettons-nous ça (V+ S+ P+).

La sagesse amène la justice et la compassion des deux côtés.

Objectif : la compassion instantanée


La finalité de ce livre est de parvenir à un réflexe de compassion instantanée
dans tous les drames, de remplacer automatiquement notre point de vue
conflictuel par une nouvelle vision tridimensionnelle. La sagesse suit la
compassion.

La pratique : Quand vous entendez une personne parler de son point de


vue comme si c’était l’unique point de vue possible, demandez-lui : « Quels
sont les autres façons de voir ça ? ». Ou lorsque vous vous disputez et que
l’interlocuteur n’arrive à vous voir que comme le Persécuteur, demandez-
lui : « Quelles sont les autres façons de voir ce que je viens de dire ? » En
faisant appel à la curiosité de l’interlocuteur, ceci pourrait ouvrir la
discussion sur ce qui se cache derrière chaque jeu et chaque joueur.

UN NOUVEAU REGARD SUR TROIS JEUX

Je vais introduire trois nouveaux diagrammes avec des icebergs pour


illustrer de nouveau que les deux autres rôles du jeu sont dissimulés sous le
niveau de l’eau ; le rôle observable est au-dessus de l’eau ? C’est le rôle
visible socialement.
Pour de nouveaux exemples et un nouvel angle je vais les représenter à
partir de trois jeux classiques issus du livre d’Eric Berne, Des jeux et des
hommes Dans lequel il a introduit le concept d’analyse de jeux
psychologiques.

Le Triangle de la Victime

Pour cet exemple, nous pouvons choisir le jeu « C’est affreux n’est-ce
pas ? ». Une personne déprimée se plaindra en disant « Pourquoi est-ce que
ça doit toujours m’arriver » dans l’espoir que quelqu’un (Victime) se joigne
à lui dans sa misère, ou devienne son héros (Sauveur) qui surgirait de l’eau.
Cependant malheureusement il se peut que ce soit un Persécuteur qui
apparaisse.
La Victime est assise en haut du triangle, tirant les ficelles pour attirer
divers joueurs – et multiplier les bénéfices.
Figure 3. 16 – Le triangle de la Victime dans le jeu « C’est affreux, n’est-ce
pas ? »

La Victime est aussi un Persécuteur dans un jeu à trois faces. Une


Victime peut être « trop convaincante » par sa négativité. Le moral en
souffre au travail et à la maison. La Victime peut contaminer les autres qui
se mettent penser comme elle, puis en devenir encore plus découragée. Ce
drone de négativité persistante draine l’énergie et éloigne d’une résolution
saine des problèmes. En tant que Persécuteur subtil, la Victime peut
contraindre d’autres personnes à sortir de leur chemin pour la sauver – et
devenir Victimes elles-mêmes atterrissant au même endroit – sans stratégie
de sortie.
La Victime est un Sauveur secret dans un jeu à trois faces. La Victime
valide et défend les sentiments des autres en prenant la parole pour ceux qui
souffrent d’une manière similaire. C’est un soulagement pour ceux qui
pensaient qu’ils étaient seuls à souffrir de leur problème. « La Misère adore
avoir de la compagnie. » Une proposition de sauvetage consiste à créer des
liens avec des gens qui se plaignent des mêmes choses. La Victime qui se
plaint pense faire bien, en tant que Sauveur, en avertissant les autres de la
douleur à laquelle ils ont besoin de se préparer.
Lorsque la Victime se plaint publiquement (S+) jouant le rôle de
« sonneur d’alerte, cela pourrait alerter une personne responsable qui
viendrait résoudre le problème. Mais souvent les sonneurs d’alerte seront
considérés comme des Persécuteurs ingrats et se retrouveront Victimes de
leurs nobles efforts.

Le triangle du Sauveur avec le jeu « Je ne demandais qu’à t’aider »

Le Sauveur veut faire le bien (S+), mais le triangle a trois côtés et chacun
d’entre eux peut attirer des joueurs différents. Une Victime et un
Persécuteur pourraient sortir de l’eau pour profiter du Sauveur crédule.

Figure 3. 17 – Le Triangle du Sauveur dans le jeu « Je ne demandais qu’à


t’aider »

Le Sauveur est un Persécuteur secret dans un jeu à trois faces. Il attribue


une identité de Victime à l’autre, invalidant ses compétences (et de ce fait
validant les siennes). Une Victime qui trouve quelqu’un pour tout faire à sa
place peut oublier comment résoudre ses problèmes, et parfois de façon
permanente. Le Sauveur s’efforce de s’occuper de quelqu’un qui ne veut
pas changer, qui n’a pas demandé d’aide, et laisse derrière lui une Victime
frustrée.
Le Sauveur est une Victime secrète dans un jeu à trois faces. Il peut rester
définitivement coincé dans le rôle désigné du Sauveur infatigable pour les
Victimes, mais finit par être vidé et en burn-out. Le fait de venir en aide à
une Victime peut être motivé par l’envie d’échapper à un rôle de Victime
pour se soulager de la culpabilité et se sentir plus utile de nouveau, ou en
cherchant de l’importance sociale en tant que martyr. En en faisant trop
pour les autres, il perd de vue de ses objectifs d’épanouissement personnel.
Il souffre (V) quand les gens ne changent pas pour lui ou ne l’apprécie pas
rapidement.

Le triangle du Persécuteur avec le jeu de « La petite bête »

Une personne qui souligne régulièrement des problèmes mineurs chez les
autres peut ainsi rediriger une colère intérieure contre soi-même sur un
autre. Cette critique persistante est rationalisée comme étant faite pour le
bien de l’autre (S). Dans la violence domestique, l’homme va rationaliser sa
violence avec l’argument « Il est de ma responsabilité d’enseigner une
leçon ».
Si leur « aide » perfectionniste n’est pas appréciée, le jeu peut escalader
vers une punition et le jeu « Maintenant je te tiens salaud ! ». Cette
personne force l’autre à se responsabiliser pour une faute innocente.

Figure 3. 18 – Le triangle du Persécuteur dans le jeu de « La petite bête »

Le Persécuteur est un Sauveur secret dans un jeu à trois faces. Le patron


persécute un employé très bruyamment en public, le menace en hurlant
qu’il faut qu’il change pour ne pas se faire renvoyer. Le manager qui ne
délègue rien et passe son temps à contrôler joue aussi le rôle de Sauveur
pour l’employé non apprécié.
Le Persécuteur est une Victime secrète dans un jeu à trois faces. Le
patron Persécuteur en colère est une Victime cachée du travailleur feignant
qui ne suit pas le protocole, il craint qu’il ne lui fasse perdre son propre
emploi, et peut-être même qu’il fasse aussi baisser les bénéfices de
l’entreprise. Il est la Victime des gens sous sa responsabilité qui ne font pas
ou ne produisent pas ce qu’ils sont payé pour produire.

COMBINEZ LES TRIANGLES COMPASSIONNELS


INTERNES ET EXTERNES

Les trois exemples ci-dessus ont montré que les trois niveaux de drame sont
toujours présents en même temps – il suffit d’analyser la situation en
profondeur pour le voir. Cette nouvelle découverte peut être utilisée pour
partager des idées dans des discussions sensibles afin de régler des
situations complexes.
Maintenant, en plus du niveau social visible, regardons un dernier
exemple pour inclure un deuxième niveau, un niveau interne au triangle – le
niveau du sentiment.
Lors d’un rendez-vous programmé, une patiente désobéissante n’a pas
pris ses médicaments correctement et maintenant refuse un test nécessaire.
Le docteur a l’air en colère et la patiente se promet qu’elle ne reviendra
jamais chez ce médecin agressif, ignorant qu’elle est en fait la cause du
mécontentement du docteur. Avec une meilleure compréhension du Triangle
Compassionnel, leur situation aurait pu être discutée et résolue.
Écoutons la patiente se parler à elle-même alors qu’elle considère à la
fois le triangle comportemental externe et le triangle de sentiment interne
du médecin.

Le Triangle « Je pense que mon docteur est toujours


en colère contre moi »

Le triangle externe du docteur :


Mon médecin semble maintenant être mon Persécuteur. Mais en
réfléchissant plus en profondeur à sa position, il est aussi maintenant une
Victime de mon indifférence à son traitement, et pourtant il est toujours
mon Sauveur + que je veux continuer de voir (S+).
Le triangle interne du docteur :
Je vais prendre en considération que, dans le fond, mon médecin veut se
sentir fier de ses succès (S) et ne pas avoir le sentiment d’avoir échoué
(V), et pourrait peut-être se reprocher (P) d’avoir échoué. Cette
compassion pour le médecin enseignerait la sensibilité à la patiente et lui
donnerait des clés sur comment s’excuser pour maintenir une bonne
relation dans le futur.

Figure 3. 19 – Le Triangle Compassionnel à deux niveaux


Les deux triangles, externe et interne, ont été ici utilisés pour examiner
les deux aspects du problème. Le résultat est une meilleure compréhension
des malentendus, plus d’empathie pour l’autre et un sens accru de sa propre
responsabilité et négligence. La patiente n’a pas besoin de se confronter, ni
d’éviter, ni de tout reprendre à zéro avec un autre médecin. Elle dispose de
six angles pour réévaluer le malentendu.
Un de mes patients, professeur de théâtre, a enseigné le Triangle
Dramatique et a demandé aux élèves de jouer, dans un exercice
d’improvisation, les six expériences et interprétations, intérieures et
extérieures, de chaque personnage choisi. Les autres étudiants qui
observaient devaient dire ensuite quels rôles étaient convaincants et lesquels
ne l’avaient pas été selon eux. Ils devaient lever la main et dire « Je le
ressens » ou « Je ne le ressens pas ».
Cette même discipline peut être utilisée par les scénaristes et les auteurs
pour ajouter six couches de richesse et de complexité à leurs personnages.
La grande littérature et les dramaturges tisseront l’histoire avec ces six rôles
intérieurs et extérieurs, en introduisant de nouveaux personnages et en
incluant des déclencheurs pour différentes personnes et situations.

La Compassion en politique devrait être tout aussi automatique

La politique progresserait sans doute si les deux côtés se comprenaient.


Dans les impasses politiques, chaque partie estime être le Sauveur, l’autre
partie étant le Persécuteur. En Amérique, les Républicains se considèrent
comme des Sauveurs du contribuable Victime – et les Démocrates comme
des Sauveurs de la Victime pauvre. Ils sont tous deux des Sauveurs ; et bien
sûr, l’autre parti est considéré comme le Persécuteur devant être vaincu. Le
triangle est rempli. Chacun prend une position « Je suis OK, vous n’êtes pas
OK » en jouant le jeu politique de « Le mien est mieux que le vôtre ».
Figure 3. 20 – Le Triangle Dramatique en politique

LE TRIANGLE COMPASSIONNEL EN BREF

Il y a toujours au moins trois points de vue à chaque histoire. Les négatifs


cachent souvent les positifs. Si nous considérons tous les aspects possibles
pour chaque personne impliquée, la compassion remplace la négativité.
4

CREUSER ENCORE DANS LES TRIANGLES


PSYCHOLOGIQUES

Rackets, jeux et scénarios

QUE SE PASSE-T-IL QUE NOUS NE VOYONS


PAS TOUJOURS ?

Lorsque nous entrons dans un triangle ou que nous y invitons quelqu’un,


nous ignorons souvent pourquoi. Nous voulons trouver un moyen
d’échapper à nos problèmes. Les thérapeutes et les coachs veulent aller plus
loin dans tout ça. Ainsi, ils observeront ce que nous appelons les rackets et
les scénarios1.

LES RACKETS ET LES SCÉNARIOS

Les rackets sont des triangles internes des émotions liées à notre histoire
personnelle.
Les scénarios proviennent de scènes liées à l’enfance et au développement de
l’individu dans la vie de famille. Ils sont appelés dans mon modèle le Triangle de
Scénario Familial.
Dans les diagrammes, à l’extérieur du triangle, vous trouverez des jeux sociaux.
À l’intérieur, vous trouverez les rackets et encore à l’intérieur de ça, un Triangle
de Scénario Familial.
Aujourd’hui, dans mon travail thérapeutique, j’observe et j’analyse les
trois niveaux : le triangle externe au niveau social, le triangle interne au
niveau du racket, et le scénario qui est le niveau émotionnel invisible du
Triangle Dramatique familial.

Figure 4. 1 – Les Triangles du jeu,


du racket et du scénario

LES JEUX AU NIVEAU SOCIAL (CEUX QUE L’ON PEUT


VOIR)

On fait ici référence à ce qui est exprimé, au niveau du jeu dessiné en


dehors du triangle. L’avantage du niveau social est que nous sommes dans
l’univers observable. Par exemple, nous pouvons examiner les différentes
positions d’une personne dans le jeu et les rôles qu’il adopte dans le
triangle. Et de quelle manière.
Dans ma pratique thérapeutique, je cherche avec le client ses motivations
de Persécuteur, de Sauveur ou de Victime, puis je le confronte à ces
dernières avant d’en discuter avec lui, ceci combiné à d’autres approches.
Et s’il souhaite comprendre ce qui se passe avec l’autre personne (ce qui
n’est pas toujours le cas), on peut alors l’informer que l’autre personne a
aussi trois niveaux de motivation, toujours au niveau social. Ici, le travail
est simplifié parce que nous sommes dans le domaine de l’observable. Les
trois motivations sont présentes dans tous les jeux. Par exemple, dans le
combat politique évoqué plus haut, nous préférons généralement voir
l’autre personne comme le Persécuteur. Nous ne voulons pas trop
reconnaître que leur motivation est de sauver un monde en danger. Et, vu de
l’extérieur, nous ne voulons pas vraiment reconnaître que l’autre personne
est une Victime de notre prétendue écoute dans le meilleur des cas. Quand
nous défendons nos idées dans le triangle, nous nous mettons à la place du
Sauveur qui se voit comme une Victime de ceux qui ne veulent pas
l’écouter.
Au quotidien, sans une demande spécifique d’analyse, je recommande
fortement aux gens de rester au niveau social et de ne pas essayer de
descendre au niveau psychologique ou de scénario. Si nous entrons dans ces
zones sans formation, il y a un grand risque d’aggraver des conflits ou tout
simplement de faire de fausses interprétations.

LES RACKETS AU NIVEAU PSYCHOLOGIQUE

Ce sont des émotions qui ne sont pas conscientes mais pourtant vécues.
C’est la zone des non-dits que les joueurs utilisent au lieu de dévoiler leurs
sentiments réels.
Nous avons tous vu des couples très proches maintenir un état d’irritation
jusqu’à ce qu’ils explosent dans une colère violente et inutile, ou qui en
viennent à tant se plaindre qu’ils finissent par entrer en dépression. Un
racket se produit lorsque l’expression d’une émotion ne fait qu’aggraver la
situation ainsi que l’état émotionnel d’un individu.
Cependant, les émotions spontanées et authentiques exprimées en dehors
du triangle seront libérées et libératrices. Les sentiments exprimés par
l’Enfant Libre qui est en nous sont authentiques, les sentiments exprimés
par l’Enfant Adapté qui vit aussi en nous sont des rackets.
Une personne dans un racket utilise inconsciemment ses émotions contre
les autres et lui-même. Elle accumule la rancune sous la forme de timbres
jusqu’à ce qu’elle explose. Nous avons parfois du mal à dire à certaines
personnes, dans certaines situations, pourquoi nous sommes inquiets. Nous
gardons alors pour nous à la fois le contenu (ce que nous voulons dire) et
l’émotion (la colère, la déception, le dédain) qui s’accumule en nous. Nous
stockons tout cela sous la forme de « timbres » à échanger plus tard.
Il existe de nombreux types de timbres que les gens peuvent collectionner
et accumuler. Nous pouvons avoir des timbres de peur, de colère, de
confusion, et même des timbres de douleur. Quand nous en avons
suffisamment, nous les échangeons contre une récompense, comme un
abandon sans culpabilité.
Bien sûr, ces rackets et ces timbres sont gardés inconsciemment en soi. Nous
ne savons pas ou ne voulons pas reconnaître leur existence.

Chacun des rôles dans le triangle produit une forme différente de racket.
Dans la figure suivante, le signe négatif (–) représente les rackets
d’émotions négatives et le signe (+) représente la bonne intention.

Figure 4. 2 – Le racket des émotions

Le Racket du Persécuteur est un racket de colère.


Le racket de colère n’est pas une colère authentique exprimée librement
en plein jour, ce qui serait par ailleurs libérateur. C’est une colère enterrée et
cachée. La personne passe son temps à résister à l’expression de cette
colère. Et personne n’est vraiment conscient qu’il existe une colère
dissimulée là dessous.
Le Racket du Sauveur est un racket de frustration.
C’est le sentiment douloureux d’une personne qui a offert son aide mais
n’est pas reconnue pour celle-ci. Je l’appelle le Racket du Bon Samaritain.
Aider plein de gens (qui n’ont probablement rien demandé à qui que ce soit)
sans recevoir de la reconnaissance finit par générer cette frustration.
Le Racket de la Victime est un racket de souffrance.
La personne ne veut pas « déranger » qui que ce soit avec ses problèmes
et finit par se convaincre que personne ne s’intéresse à elle ! Elle finit par
s’isoler et aggraver sa souffrance.
Pour la Victime, il y a une accumulation de timbres émotionnels qui
correspondent aux moments où les gens n’ont pas été conscients de la
souffrance qu’elle ressentait, parce qu’elle le cachait avec un sourire ou tout
simplement ne montrait rien. Elle garde tout ça pour elle-même. La
personne souffre, sait qu’elle souffre, mais personne d’autre n’est au
courant.
Un symptôme de rackets accumulés est l’insomnie

LES RACKETS NOCTURNES : LES JEUX INSOMNIAQUES

Qui sont ces démons qui viennent nous chercher au beau milieu de notre
sommeil et nous empêchent de retourner dans les bras de Morphée ?
Pourquoi ne pouvons-nous pas arrêter ces pensées, ces vagues d’émotions ?
Pourquoi leur offrons-nous un espace tel qu’ils en arrivent à avoir un impact
sur notre vie quotidienne professionnelle ou notre vie personnelle ? La
fatigue et la colère non gérées ne sont pas de bons compagnons pour la
créativité et la performance…
Dans la dynamique du Triangle Dramatique, nos Persécuteurs, Sauveurs
et Victimes intérieurs nous conduisent à l’insomnie. Le drame n’est pas
joué avec une autre personne, mais en nous-même.
La raison de ce drame intérieur est simple : Il y a quelqu’un à qui je n’ai
pas dit ce que j’avais à lui dire. Pour cette raison, c’est à moi que je le
répète chaque soir.
Dans mon modèle, les timbres émotionnels que nous accumulons au
cours de la journée nourrissent ces pensées parasites. Ces timbres sont
collés dans des carnets la nuit : je me parle et réveille ma propre rancune.
Ils ne sont consultés que la nuit et ne servent à rien d’autre que de rester
éveillé et laisser sourdre l’angoisse.
En bref, puisque je me suis parlé la nuit dernière au lieu de dormir, je
décide plus ou moins consciemment que j’ai fait ce qui devait être fait…
parce que j’y ai assez pensé. Et donc, je ne révèle pas à la personne
concernée ce que j’ai eu à lui dire.
Le danger, bien sûr, est qu’un jour ce message devienne si vieux ou
périmé qu’il ne me reste plus qu’à le garder à l’intérieur indéfiniment si je
n’y fais pas attention assez tôt. Pire encore, la personne à qui ce message est
adressé peut disparaître, partir, mourir, et je n’aurai jamais l’occasion de lui
dire ce que j’avais sur le cœur…
J’appelle ces moments de soliloque les « Rackets Nocturnes ».
Pourquoi sont-ils des rackets ? Parce qu’ils viennent la nuit pour
récupérer ce qui leur est dû. Quelqu’un doit payer pour votre ressentiment
et tant, que vous n’avez pas l’avez pas fait, on vous rappelle votre dette. Le
prix que vous payez est votre sommeil.
Dans le triangle, ils constitueront un Persécuteur, un Sauveur et une
Victime intérieurs. Comme des voix dans nuit, ils viennent à tour de rôle
rabâcher inlassablement une situation non ou mal gérée. C’est leur mission
inexorable… Et épuisante !

Le Racket Nocturne de la Colère

C’est le rôle du Persécuteur qui vient nous défendre en attaquant l’ennemi


du jour ! Il vous suffit de trouver quelqu’un dont les actions ou les mots ont
été douloureux pour vous, mais à qui vous n’avez pas osé le dire, et
maintenant votre Persécuteur intérieur obtient votre vengeance dans votre
couverture la nuit.
Ce Persécuteur peut m’aider à préparer ma contre-attaque avec des
pensées du genre : « Mais quel pauvre type ! Je vais lui faire payer ! Ah,
demain je vais prendre ma revanche… Je vais lui dire ci, je vais lui dire
ça… Il va regretter de m’avoir fait du mal ! »
Le Persécuteur peut aussi me botter les fesses et me persécuter de ne pas
avoir su me défendre : « Je suis vraiment un imbécile ! J’aurais dû lui dire
ça et ça… J’aurais pu lui répondre… Pourquoi je n’ai pas fait ça ?
Vraiment, je suis une mauviette… »
Le Racket de la Colère n’est pas là pour résoudre, analyser ou évaluer
une situation. Il ne fait que consommer de l’énergie émotionnelle mais sans
apaiser.

Le Racket Nocturne du Bon Samaritain

Le Sauveur nocturne joue le rôle du Bon Samaritain. L’esprit fatigué peut


trouver que le monde est injuste pour les gens bien comme nous. Nous
avons été de bons Samaritains, avons offert une présence, une faveur, de la
compassion, parfois sans compter, et tout ça sans même recevoir le moindre
merci ! C’est terrible mais, en même temps, n’est-il pas mesquin d’attendre
de la reconnaissance en échange de nos actions ? Mais qu’est-ce que les
gens peuvent se montrer ingrats parfois ! Je désire plus. Alors nous restons
éveillés, perdus dans nos pensées, entre : « Peut-être que j’ai fait trop peu
pour eux… Sinon, ils auraient vu le mal que je me suis donné. J’aimerais
savoir ce que je peux faire pour les rendre plus heureux et faire en sorte
qu’ils me remercient pour ce que je fais. Je devrais leur pardonner de ne
pas me dire merci… mais vraiment, parfois ils demandent trop… non, mais
tout de même… » et ce jusqu’à l’épuisement !
Ce Racket du Bon Samaritain est souvent le résultat de missions de
sauvetage menées pendant la journée. Et n’oublions pas qu’un sauvetage est
une aide offerte à quelqu’un qui ne l’a pas demandée et qui parfois n’en
avait pas besoin. Donc, il est bien sûr futile d’attendre un remerciement de
la part de quelqu’un qui ne pense pas vous devoir quelque chose.
Notre rôle de Sauveur est un monde de désir et de fantasme, un monde
dans lequel nous sommes le héros au lieu de perdre notre temps à dormir.
Mais cette poussée de sentiment d’urgence et d’excitation entraîne une
montée d’adrénaline qui nous maintiendra éveillés sur le plan chimique, et
si jamais s’ensuit la peur que nous ne puissions pas nous endormir à temps,
de plus en plus d’adrénaline se précipite dans notre système.

Le Racket de la Souffrance Nocturne

Notre rôle de Victime se joue ici en silence. Il s’agit de souffrances


physiques ou émotionnelles (peines et peurs) que nous garderons pour
nous-même afin de ne pas être trop pénible ou déranger les autres. C’est la
nuit et dans la solitude que la souffrance est la plus aiguë. Nous devons
faire appel à la compassion des autres quand nous souffrons, mais le rôle de
la Victime nous empêchera de chercher du soutien et du réconfort. Nous
allons chercher du réconfort dans cette souffrance et étouffer nos cris dans
notre couverture.
Ce racket empire le sentiment d’isolement que nous ressentons et nous
hâte sur la voie de la dépression, qui sera souvent muette d’abord, et
aggravée par ce silence.
« Je me sens mal. Je ne vais pas en parler parce que personne ne peut me
comprendre… Ils ne vont pas me croire ou me prendre au sérieux… Ils vont
se venger… Je le garde à l’intérieur en silence, seul, abandonné… »
Ce dernier racket est terrible car il nous mène à croire que nous ne
devons parler à personne, comme s’il était futile, idiot ou ridicule de
demander du soutien. Parfois, les gens qui semblent être parmi les « plus
forts » peuvent être mis à terre par cet ennemi invisible dissimulé en eux-
mêmes.
L’insomniaque écoute les sons de l’adrénaline qui continuent de nous
conseiller avec des « Il faut que », « Je ne veux pas », « J’ai besoin de »,
« Je ne l’ai pas fait », « Je dois », « Je veux », « Je ne peux pas… » Les
réactions de peur et de fuite déclenchent toujours plus d’adrénaline. C’est
comme s’il existait un carrousel nocturne avec sept chevaux, et que le
dormeur se déplace constamment d’un cheval à l’autre. Il fait claquer son
fouet, mais aucun des chevaux ne le mène à un sommeil réparateur. La
solution : ne pas monter dans le manège insomniaque des choses à faire et à
ne pas faire. Ne pas presser l’interrupteur.
Nous restons éveillés, à nourrir nos blessures (V), nos colères (P) et nos
désirs (S) dans un triangle dramatique au lit, insatiablement accros à la
promesse d’un Sauveur qui nous maintiendra éveillés assez longtemps
jusqu’à ce que nous puissions exprimer nos sentiments ou à la promesse
d’un Sauveur qui nous permettra de dormir.
Les rêves comme les cauchemars peuvent jouer le rôle de Sauveurs.
Quand nous finissons par nous endormir et glisser dans nos rêves, notre
« Fabriquant de rêve » intérieur (qui n’est autre que nous-même) peut
trouver une raison de créer pour nous des cauchemars indésirables (P).
Nous y sommes les Victimes poursuivies par des Persécuteurs – sans savoir
que le rêve est un « résidu de la journée » d’une autocritique que nous nous
sommes faite pendant le jour, où nous persécutions la Victime en nous.
C’est donc une opportunité (S) pour la compréhension de la manière dont
nous nous critiquons. Une fonction inattendue de Sauveur d’un cauchemar
peut être de nous avertir de ce qui peut arriver au monde et à nous-même
dans notre esprit, et donc de nous révéler que nous devons nous y préparer.
Certaines tribus primitives perçoivent les rêves comme des avertissements
(S) à nous préparer pour ce qui est à venir. D’autres rêves justifient
l’interprétation freudienne de « réalisation de souhaits » et nous nous
éveillons avec des rêves heureux, ce qui ici aussi revient à parler d’un
cadeau de la part d’un Sauveur intérieur.
Les Persécuteurs, les Sauveurs et les Victimes seront dans tous les rêves
– et oui, ils sont réellement alors trois côtés de nous-même.

Nos rôles dramatiques intérieurs ne sont pas là seulement pendant les Rackets
Nocturnes mais lors de toutes les situations de racket :
en tant que Victime : en s’inquiétant
en tant que Persécuteur : en menaçant
en tant que Sauveur : en espérant

LE NIVEAU INCONSCIENT : LES TRIANGLES


SCÉNARIQUES

Les jeux auxquelles nous jouons dans le présent proviennent de notre passé,
et plus particulièrement de notre enfance. Dans ce que nous appelons le
Scénario de vie en Analyse Transactionnelle, des décisions que nous avons
prise très tôt dans l’enfance sont le point de départ de certaines séquences
de notre vie d’aujourd’hui.
Prenons l’exemple de Paul. Enfant, Paul a observé, pour des raisons qui
appartiennent à sa propre histoire, qu’il n’était pas si facile d’obtenir ce
qu’il voulait, et il s’est senti impuissant quand cela s’est produit (Victime).
Jusque-là, tout est normal.
Sauf que peut-être Paul a transformé cette observation en une croyance
en décidant : « Dans la vie, je ne serai pas en mesure d’obtenir tout ce que
je veux simplement. Et puisque ça va être compliqué, je vais devoir forcer
d’autres personnes à me donner ce que je veux. Je vais mendier parce que
c’est le meilleur moyen que je connaisse ».

Le jour où Paul a pris sa décision scénarique

Il avait presque cinq ans et sa mère lui avait promis pendant près de trois
mois de l’emmener à la foire pour son anniversaire. Maman et papa
semblaient détester qu’il demande des choses directement. Ils lui
répétaient toujours : « Tu verras… Nous verrons… C’est une surprise…
Ne te gâche pas la surprise à force de demander. »
C’était étrange. Il pouvait presque sentir qu’ils n’étaient pas contents
quand il leur demandait quelque chose. Alors, il a cessé de demander
d’aller à la foire. Maman en avait parlé, elle avait fait un clin d’œil, elle
avait promis, elle avait chuchoté dans son oreille la nuit avant qu’il
n’aille dormir. Il était confiant. Il s’était dit : ne demande pas, ne
demande pas, ne demande pas.
Le jour est venu, il a eu un ballon et une voiture rouge de pompiers. Ce
n’était pas juste. Pas juste !
Il a pleuré. Maman a froncé les sourcils. Papa s’est fâché : Qu’est-ce
qu’il lui arrive encore ? Il s’est mis à pleurer plus encore. Entre deux
sanglots, il est parvenu à prononcer le mot « foire ». Maman s’est alors
mise en colère parce qu’il aurait fallu qu’il comprenne combien il était
difficile pour eux de faire certaines choses. Papa était rouge de colère. Il
l’a envoyé au lit, ce petit ingrat ! Et il est parti se coucher en l’entendant
hurler.
Il est maintenant au lit. Il a cinq ans. Il sait ce qu’il faut penser. Il sait
quoi faire. Désormais, il sait qu’il ne voudra plus jamais rien. Il sait que
ce qu’il veut vraiment sera difficile à obtenir. Très dur.
Il se donne cette injonction : N’espère rien et ne t’attend pas à l’obtenir,
c’est sa décision qui sera bientôt gravée dans son cerveau alors qu’il va
dormir. Il n’aura pas besoin de s’en souvenir consciemment. Ce sera
ancré en lui…

Dans la théorie de l’Analyse Transactionnelle (AT), la décision qu’il a


prise est appelé l’injonction de scénario « Ne souhaite pas ». Dans son
enfance, il imagine que la seule façon d’obtenir ses envies et ses besoins est
à travers le comportement Driver appelé « Fais plaisir aux autres
d’abord », dont nous discuterons bientôt.
Depuis cette déception lors de son anniversaire, une séquence scénarique
(séquence de situations prévisibles et récurrentes) a été instaurée. Le
moment de la décision scénarique est traçable en thérapie, un moment
précis et un lieu donné, ainsi que le jeu familial qui se déroulait à l’époque.
Dans Des Jeux et des Hommes, Berne a donné le nom de scénario « Après »
à des séquences comme celle de Paul. Le scénario de jeux familial induit
pour lui qu’il ne peut obtenir ce qu’il souhaite qu’en attendant gentiment et
sans demander. L’enfant a décidé pour se protéger de mettre en place un
scénario Après : à moins d’être très gentil, il ne se passe rien de bon après.

LA FORMULE J DU SCÉNARIO

Cette attitude va s’ancrer profondément en lui et sera utilisée avec les autres
au cours de sa vie comme une règle de jeu inconsciente avec des résultats
similaires, et des déceptions sans succès. C’est la compulsion de répétition
classique décrite par Freud à inconsciemment rejouer de vieilles scènes
dans l’espoir qu’un jour elles finiront bien, mais encore et encore, sans
jamais les résoudre.
Cette tentative d’enfant pour satisfaire de vieux besoins est sabotée par
son comportement Driver visant à vouloir faire plaisir aux autres pour
obtenir peut-être après ce que lui désire. Au lieu de ça, les gens le rejettent
en le trouvant « gnangnan », et il obtient la récompense négative de son
Scénario, prouvant qu’il ne peut pas combler ses besoins et ses envies.
J’illustre cette séquence avec ma nouvelle formule de Scénario J ci-dessous.

Figure 4. 3 – La Formule J du Scénario

J’appelle ceci un Scénario de Jeu parce qu’il ne constitue qu’une partie


du Scénario de vie global que Paul se fabrique pour lui-même. J’utilise une
majuscule J pour Jeu dans ma formule. La première majuscule S est pour le
Scénario de l’enfance et le B est pour le bénéfice négatif que fournit le
scénario, au travers du rejet qu’il provoque et qui renvoie Paul en arrière
vers les déceptions de l’enfance (flèche inférieure) pour renforcer son
Scénario inconscient, encore et encore.
Donc, Paul n’obtiendra rien de ce jeu et pourtant il en tirera un Bénéfice.
Il peut se dire qu’il avait vraiment raison de penser qu’il ne serait pas facile
d’obtenir ce qu’il voulait, et il profite ainsi de cette confirmation pour
renforcer encore plus son Scénario de Victime.
Étant donné que ce jeu est répété, le Scénario lié à la décision d’enfance
est renforcé un peu plus à chaque fois. Et même si Paul obtient parfois ce
qu’il veut en forçant les autres à le lui donner, il peut toujours se dire :
« C’est ce que je pensais, on doit forcer son chemin pour obtenir quoi que
ce soit dans ce monde ! Ici encore, le Scénario est renforcé.
Avec le Driver « Fais plaisir aux autres d’abord » et l’injonction « Ne
souhaite pas », le petit Paul se trouve dans une position de Victime qu’il va
inconsciemment et à plusieurs reprises essayer de vérifier : la position S
dans ma formule de Scénario de Jeux (figure 4.3).

LA FORMULE J DU SCÉNARIO

Elle commence au Scénario de l’enfance (S). Ensuite, tout au long de la vie, le


Scénario de Jeu (J) est joué et rejoué pour accéder à la récompense (B) qui
ramène en arrière (flèche inférieure) et renforce le Scénario d’origine (S).
Dans le cadre protégé d’une action de thérapie en Analyse Transactionnelle dite
de redécision, le patient peut revivre ses premiers Scénarios, les redéfinir, et de
fait annuler la séquence de Jeu restante et son Bénéfice négatif.

La Formule J du Scénario est la plus mathématiquement « élégante » car


elle réduit la théorie à seulement trois mouvements selon le principe du
rasoir d’Occam. C’est, de nos jours, la formule de Scénario la plus simple.
J’ai fait référence à la théorie freudienne classique appelée Compulsion
de répétition qui se produit intrapsychiquement. La théorie des jeux et des
scénarios de l’Analyse Transactionnelle y ajoute les dimensions
comportementales nécessaires avec une formule en donnant les détails
relationnels observables seconde par seconde.
Revenons maintenant au cas de Paul, le petit garçon qui a décidé qu’il ne
pouvait rien souhaiter et qu’il faudrait supplier et insister pour obtenir ce
dont il a besoin dans la vie. Une bonne façon de valider son Scénario de
Victime serait de créer un jeu récurrent qui contraigne les gens à lui donner
ce dont il a besoin en se comportant comme une Victime impuissante mais
bien gentille qui doit être secourue (la Victime invite le Sauveur). Et comme
la plupart du temps, personne n’aime se sentir manipulé, Paul va souvent
voir sa demande refusée par des Persécuteurs. Dans le cas contraire, il
trouvera bien un moyen de refuser ce que des Sauveurs lui proposent en
s’excusant d’abuser.
Figure 4. 4 – Le Sauveur (1) s’est finalement énervé (2) après Paul
qui en demande trop.

Dans tous les cas Paul perd ce qu’il souhaite et donc gagne le jeu secret.
Un nouveau bénéfice apparaîtra quand il finira par changer de rôle dans le
triangle pour Persécuter son Sauveur négligent ou lorsque les Sauveurs se
lasseront de ses supplications et se mettront à le persécuter.
Son utilisation du Driver « Fais plaisir aux autres d’abord » est mieux
illustrée en retournant le triangle avec le Sauveur en haut pour une version
du Triangle Dramatique issue du Triangle du Miniscénario de Taibi Kahler
(Kahler 1974).

Figure 4. 5 – Le Triangle du Miniscénario (modifiée par Kahler 1974)

Paul, Victime en bas à gauche (V) cherche à combler ses besoins en


faisant du Racket et cherchant des Sauveurs (S). Le Driver est utilisé dans
l’espoir de la promesse « Ça ira pour moi si je fais plaisir aux gens ». Mais
les Drivers échouent par définition et il glisse vers l’angle en bas à droite
(P). L’Injonction s’enclenche alors son Ne souhaite pas et il retourne de
nouveau au point de départ (V) pour renforcer le Rôle de la Victime
(figure 4.5).
Dans le diagramme du Miniscénario, la Victime est avec les émotions
rackets. Dans cet angle se trouvent classiquement : les besoins non satisfaits
de l’Enfant Adapté, c’est-à-dire, valeur, attachement, reconnaissance, etc. ;
les jeux de rackets comme la déception, la colère frustrée, la
culpabilité, etc. ; les positions existentielles, suis-je OK ?, Suis-je voulu ?,
Suis-je compétent, etc. ; les besoins psychologiques, les signaux de
reconnaissance, stimulations, etc. et les sentiments de la petite enfance dans
le scénario de jeu.
Les Rackets (V) sont les émotions servies comme récompense pendant le
jeu, les Drivers (S) ramènent le jeu vers la redécision des Injonctions (P) et
de nouveau on en revient aux émotions Racket (V), et ainsi de suite. La
dimension sociale (visible) des jeux commence quand le Driver est
enclenché.
À l’angle inférieur (P) se trouvent les 13 Scénarios « Ne… pas » de
décision prises pendant l’enfance (Goulding 1976, 1979, 1997), où chacun
peut saboter les possibilités d’une vie entière.

CINQ DRIVERS (KAHLER)

Les cinq Drivers de Miniscénarios qui mènent les Rackets vers les Injonctions
sont : Sois parfait, Sois fort, Fais plus d’effort, Dépêche-toi et Fais plaisir.

TREIZE INJONCTIONS (GOULDING)


La liste inclut : Ne sois pas, Ne sois pas toi-même, N’agis pas, Ne ressens pas,
Ne réfléchis pas, Ne réussis pas, Ne sois pas important, Ne sois pas bon, Ne
sois pas proche, N’appartiens pas, Ne grandis pas, Ne sois pas un enfant et Ne
souhaite pas.

L’information que nous voulons transmettre ici est que, derrière la


plupart des jeux, il y a un scénario issu de l’enfance, les jeux sont joués
pour renforcer ce scénario, et l’analyse profonde des scénarios est un
moyen efficace pour mettre fin à ces jeux.
Revenons maintenant à Paul (N’espère pas). S’il a commencé ce
processus très tôt dans l’enfance, il va créer un système si puissant qu’il
deviendra une partie intégrante de sa vie quotidienne et il le subira sous de
multiples formes en tant qu’adulte. À chaque fois que le scénario est rejoué,
il se confirme. Une fois adulte, Paul peut alors s’assurer que ses problèmes
sont normaux puisque ça s’est toujours passé comme ça ! La mécanique des
scénarios est telle que nous finissons par tout faire pour que ce que nous
croyons qui va se produire finisse bien par arriver.
Paul vivant avec le scénario d’Injonction « N’espère pas et Ne fais pas
confiance », on pourrait imaginer que, même si quelqu’un lui donne
quelque chose spontanément, il pourrait inconsciemment revivre son ancien
schéma et penser que, en fin de compte, cette personne ne lui donne pas
réellement cette chose volontairement. Il commencerait alors à interpréter
les attitudes et les mots de l’autre comme étant la preuve que les gens se
sentent obligés de donner. Et c’est pour ça que le scénario peut-être aussi
puissant.

LES 3 P DU SCÉNARIO

Après avoir créé la formule J du scénario, j’ai aussi eu besoin de définir une
formule illustrant la façon dont un scénario est rejoué tout au long d’une vie
et comment les gens recrutent les joueurs pour leurs scénarios dramatiques.
Cette formule couvre les étapes de début, de milieu et de fin du scénario.

LES 3 P DE RENFORCEMENT DE SCÉNARIO

1. Procurez-vous les gens nécessaires.


2. Provoquez-les jusqu’à ce qu’ils jouent.
3. Projetez-les dans votre scénario qu’ils le sachent ou non.

Quelques exemples :
Nos amis. Intuitivement, on va choisir un joueur de jeu compatible parmi
nos amis. Si nos scénarios ne se complètent pas parfaitement, on les
provoque jusqu’à ce qu’ils finissent par entrer dans le rôle vacant du
triangle correspondant. Et si cela ne fonctionne pas, on les perçoit comme
tels en les projetant en imagination dans les rôles nécessaires.
Notre mariage. Le conjoint choisi pourrait être acteur d’un scénario en
sommeil qui refait surface un jour, enclenché comme Switch dans un jeu.
Freud avait nommé ce concept, de façon très appropriée, « le retour du
refoulé ».
Notre lieu de travail. Quelqu’un peut aussi projeter l’image de sa famille
dysfonctionnelle sur chaque groupe ou lieu de travail qu’il rejoint. S’en
suivrait alors une interprétation des intentions de ses collègues et de son
patron. Après quoi, des jeux familiaux sont provoqués, recréant une
dynamique similaire à celle de sa vraie famille. Au final, il finirait par
devenir malheureux et démissionner, ou se faire virer de son travail,
condamné à passer d’un emploi à l’autre les uns après les autres. Le
demandeur d’emploi pourrait choisir un environnement qui correspond, ou
l’employeur pourrait distribuer les rôles à ses collègues autour de lui pour
répondre au modèle scénarique de la famille.
Certaines personnes portent leur première maison sur leur dos et
l’emmènent avec eux partout. Il y a également en psychothérapie le
syndrome de la « clôture élastique » où les liens familiaux continueront de
ramener les enfants à la maison mentalement ou physiquement. L’objectif
peut être dans ce cas-là de sortir dans le monde pour prouver que votre
famille avait tort – ou pour prouver que votre famille avait raison.

La formule des 3 P développée devient :


PPP1 > PPP2 > PPP3

Notre but est bien sûr de résoudre les problèmes et nous n’avons parlé
que de scénarios négatifs jusqu’à maintenant. Il y existe aussi des Scénario
positifs à grand succès qui surpassent les messages négatifs. Ils suivent les
mêmes formules et travaillent dans les coulisses.

L’exemple de la formule 3 P de Paul : le triangle


« Pourquoi je n’arrive pas à être aimé par une femme ? »

En tant que jeune adulte, Paul est attiré par les filles égoïstes qui jouent
les difficiles. En un mot, il court après des femmes qu’il ne peut pas avoir
parce qu’il sait qu’il est inutile de vouloir quoi que ce soit (son injonction
« Ne souhaite pas »). Il sélectionne inconsciemment une femme qui
l’aidera à prouver sa théorie. (P1 = Procurez-vous un joueur adapté à
votre scénario.)
Il s’assure d’être extrêmement gentil, à leur écoute, respectueux de qui
elles sont et de ce qu’elles ressentent (S + ou –) et se soucie de tous leurs
besoins. (Driver Fais plaisir.)
Elles le remarquent. Elles aiment son style. Il semble être le genre de gars
qui fera tout ce qu’elles veulent. À la suite de quoi, une fois qu’ils sont
assez impliqués dans leur histoire, il révèle ses propres besoins
insatiables S’il vous plaît, ce qui bien sûr, n’est pas quelque chose qui les
intéressait. Il les met alors face à leurs comportements qui contrastent
avec toute l’aide qu’il leur a offert. (P2 = Provocation.)
En fin de compte, il a sa preuve. Ne souhaite pas d’amour, Ne souhaite
pas d’affection, tu ne l’obtiendras pas, peu importe à quel point tu
essayes ! (P3 = Projetez-vous le film du scénario en train de se dérouler)
… Son script est confirmé !

Décomposons maintenant en trois les étapes de début, de milieu et de fin


de la vie d’un Scénario. Pour la simplicité théorique, j’utiliserai la lettre P
pour chacune :
Étape 1. Scénario initial établi pendant l’enfance.
Étape 2. Évolution du Scénario avec la sélection des joueurs pour les
jeux.
Étape 3. Bénéfice du Scénario.

Étape 1. Les trois P du Scénario initial (PPP1)

1. Persuasion. Un environnement familial intense impose comme besoin


à l’enfant de fondamentalement s’adapter aux désirs des autres et
ignorer les siens.
2. Position. Dans cet environnement, l’enfant décide de s’auto-protéger
en adoptant une vision limitée du monde. Ce choix présente de
nombreuses possibilités, y compris les tendances naturelles dans son
type de personnalité de naissance comme dans les six types de
personnalité PCM de Kahler : 1. Persévérant 2. Empathique ; 3.
Travaillomane ; 4. Promoteur ; 5. Rebelle, et 6. Rêveur) (Kahler 2008).
3. Plan. À ce stade, on parle de l’histoire choisie qui sera réalisée comme
si l’enfant écrivait un scénario – une histoire qui pourrait être copiée
de la vie d’un parent ou d’un personnage de livre, comme issu du
conte de fées favori de l’enfant (Karpman 1968, Berne, 1972), ou des
scénarios qui sont les plans d’une vie sans attention, sans amour, et
sans joie (Steiner 1974), suivant une chronologie précise de scénarios
de vie listée par Berne, Jamais, Toujours, Encore et Encore, et Sans
fin) (Berne 1972).

L’exemple de Jaime, le triangle du « jeune frère qui n’arrive pas à


réussir »

Jaime est le plus jeune des deux frères de sa famille. Son père est dans
l’armée et sa mère enseigne le piano aux filles d’autres familles de
militaires. Ils sont tous deux très stricts en matière d’éducation. Ils
veulent le meilleur pour leurs enfants. Selon eux, le monde n’offre
aucune seconde chance !
Le frère de Jaime, Tim, est né dix ans avant lui. Il était bon à l’école, au
sport.
Jaime, lui, était plutôt fragile, sensible et anxieux. Un jour, à l’âge de
4 ans, ses parents et lui eurent une discussion :
« Jaime, tu sais que nous t’aimons et que nous voulons ce qui est le
mieux pour toi. Tu es maintenant assez âgé pour comprendre des choses
importantes… »
Jaime n’a pas entendu le reste du discours. Il a compris qu’il y avait un
problème parce qu’il n’avait aucune idée de ce dont ses parents parlaient
alors qu’il était censé être assez vieux pour ça, et en a alors déduit que
quelque chose manquait en lui. Par-dessus tout ça, ses larmes ont
commencé à lui boucher les oreilles. Il ne s’était jamais senti aussi petit,
insuffisant et impuissant.
Il a compris qu’il n’était pas assez bien.
C’est à ce moment-là qu’il a atteint la première étape de la décision du
Scénario (Persuasion).
Sa situation à la maison était tellement convaincante que tout ce qu’il
pouvait faire dans la vie pour s’adapter à son environnement était
d’essayer de plaire aux gens et d’avoir l’air plus faible qu’eux.
Voilà la deuxième étape de la décision de Scénario (Position).
Il savait et sait toujours aujourd’hui que tenter de plaire aux gens ne
fonctionnera probablement pas la plupart du temps puisque c’est un
incapable. Chaque fois que cela se produira, il suivra le scénario qu’il a
écrit ce jour-là en montrant de l’impuissance et s’excusant d’être aussi
incapable. En tant que frère cadet insuffisant, il a pris la décision, choisit
un scénario « Ne grandis pas » et « Ne réussis pas ».
Ce plan aura comme avantage qu’il saura comment les choses finissent.
Une partie consiste à obéir à ses injonctions. Inconsciemment, il décide
qu’il a vraiment intérêt à ne pas essayer de penser ou de réussir ou même
à essayer de grandir, car il ne pourra jamais rattraper Tim, son modèle et
grand frère. Qu’il réussisse ne conviendrait pas aux gens qui savent à
quel point il est un incapable… Le cercle vicieux est maintenant parfait.
Jaime joue le gars impuissant (Victime) qui fait de son mieux pour
convenir à des gens qui ne le demandent pas (Sauveur) et un jour il se
retournera contre eux pour être de tels ingrats (Persécuteur).

Étape 2. La promotion du Scénario (PPP2)

J’appelle cette étape intermédiaire de l’analyse de scénario la Promotion du


scénario : « Procure-toi les joueurs », « Provoque-les » ou « Projette-les »
qui clarifie comment quelqu’un trouve, garde ou attire les joueurs pour les
adapter à son Scénario.
Comme mentionné précédemment, les joueurs peuvent être sélectionnés
de trois façons :
1. En se Procurant le joueur de jeu approprié pour faire équipe avec.
2. En Provoquant la personne jusqu’à ce qu’elle finisse par jouer le rôle
complémentaire nécessaire dans le Triangle Dramatique.
3. En les percevant faussement avec les Projections, les transferts, les
interprétations puis en les traitant en conséquence, même s’ils ne
correspondent jamais aux rôles.

Le triangle de Susan : « Lorsque tu es trop compétent,


les gens te décevront »

Susan a toujours été la plus responsable dans la famille. Sa mère était


tellement tête en l’air qu’elle a donné une fois le mauvais médicament à
son père et a failli le tuer. Susan a donc pris cette décision très tôt : elle
serait le cerveau et l’organisateur de tout le monde pour sauver tout le
monde. Pas le temps de s’attacher aux autres. Les injonctions sont alors
devenues : Ne sois pas proche des autres, Ne sois pas une enfant, Ne
profite pas !
Elle s’occupait d’elle-même sans montrer ses besoins et ses frères et
sœurs obtenaient l’amour à sa place.
Au travail, elle est très malheureuse car chaque personne qu’elle recrute
dans son équipe se révèle être une déception (Procurez-vous les joueurs
incompétents). Une fois qu’elle leur a tout enseigné et leur a montré tous
les trucs d’initiés (Sauveur), elle trouve qu’ils ne s’améliorent pas. Elle
commence alors à faire du micro-management (Persécuteur) (Provoquez
les joueurs) ce qui finit par retomber sur elle et son patron affirme qu’elle
est mauvaise pour manager ses équipes (Victime).
C’est à ce moment-là qu’elle comprend (Projetez-vous le film du
scénario) qu’elle est entourée de gens incompétents et non fiables et
qu’elle avait raison de penser qu’il est mieux de ne pas s’attacher à qui
que ce soit, et donc faire tout le travail de réflexion et de prise de
décision elle-même avec ses Drivers Sois forte et Sois Parfaite.

La théorie AT sur les scénarios nous a montré les méthodes de Décision (P+)
pour établir et renforcer le scénario de façon à ce qu’il soit facilement rompu. Ce
scénario a besoin de protection (S+) pour ne pas revivre des souvenirs
d’enfance enfouis (V+). Les jeux sont joués encore et encore pour consolider les
habitudes et donc pour de conserver les souvenirs de la douleur de l’enfance
enfouis plus profondément.

Étape 3. La Permission (PPP3)

Il s’agit de la première formule développée dans le séminaire « 202 » d’Eric


Berne à San Francisco et finalisée par Claude Steiner.
1. La Permission (Berne 1972) – de rompre la malédiction familiale.
2. La Protection (Crossman, 1966) – pour surveiller le client en toute
sécurité lors de n’importe quel échec.
3. La Puissance (Steiner, 1974) – pour obtenir l’autorisation de réussir,
le thérapeute doit être plus impactant et crédible que le mauvais parent.
Le Triangle Scénarique de Bernard :
« Finalement je n’étais pas si moche »

Bernard n’a jamais aimé son nez. Quand il était petit, ses frères et sœurs
avait pour habitude de se moquer de lui et lui attribuer des petits noms
méchants (V). Cherchant à l’aider, son oncle Ned (S) lui a dit un jour que
certaines personnes avaient la beauté, et que d’autres avaient
l’intelligence. On ne peut pas tout avoir.
C’est comme ça que Bernard « a décidé » qu’il serait très intelligent et
que sa future femme serait probablement plus intéressée par son argent
que par lui. Il s’est mis à détester ses sourcils, ses dents et son ventre
gras. Il s’est laissé aller. Il détestait les garçons beaux et cools. Et il s’est
fait harceler à l’école (V).
Personne ne connaissait son plan : un jour, il sera celui qui les
embauchera, il pourra prendre sa revanche (P) et il pourra s’acheter une
fille (S) avec son argent puisqu’il n’avait pas la beauté pour lui (V).
Quand Marion, la paisible et jolie fille du Kansas, lui a dit qu’elle
l’aimait, il ne l’a pas crue. Il cherchait maintenant la compagnie de
femmes volages. Il sait bien qu’une fille comme Marion ne peut pas
l’aimer.
Il est devenu tellement agressif et cynique (P), qu’il a perdu son emploi
et même sa confiance en lui. Son ami Marc (S) lui a conseillé de chercher
de l’aide. À San Francisco, il a rencontré ce thérapeute qui lui a suggéré
une thérapie en trois étapes où il pourrait briser son scénario de fausse
perception de lui-même avec l’aide de la Permission, la Puissance, et la
Protection du thérapeute…

LE TRIANGLE EXISTENTIEL

Le renforcement de scénario en 4 étapes

Il s’agit d’un travail progressif qui révèle le scénario initial et son


renforcement grâce à quatre étapes, en commençant par le niveau existentiel
de l’enfance et le niveau familial avant de s’attarder sur le présent et finir
sur l’expérientiel : rackets vécus au présent, ce qui mène au niveau
comportemental du jeu.
Le postulat, dans le Triangle Existentiel, est qu’il peut y avoir des
influences prénatales, natales, post-natales et préverbales sur le nourrisson
qui créent un scénario existentiel comme « Je ne suis pas OK, vous êtes
OK » et qui influe ensuite sur les interprétations sur les gens et le monde qui
les entoure.
Prenons en exemple une série télévisée célèbre et partons à la recherche
du Triangle Existentiel.

Le Triangle Scénarique de Docteur House :


« Je vais prouver que tu es un menteur »

Dans la série télévisée Dr House, le héros Dr House souffre de douleurs


aiguës chroniques (V) à la jambe et doit prendre des médicaments tous
les jours pour les soulager. Il passe la plupart de son temps à repousser
les gens qui tiennent à lui avec un humour irrésistible mais mordant (P).
Il a un génie spécial qui fait de lui un médecin indispensable à l’hôpital
où il officie (S). Il peut poser un diagnostic sur n’importe quel symptôme.
Il a décidé très tôt dans sa vie que tout le monde ment, Il s’agit d’une
croyance scénarique. Par conséquent, il suit les deux injonctions « Ne fais
confiance à personne » et « Ne sois pas proche de qui que ce soit ».
Pour valider cette croyance, il manipule toute personne qui semble
sincère, jusqu’à ce que la personne cache la vérité, ou mieux encore
jusqu’à ce que la personne mente. Il impose deux Drivers « Soit parfait »
et « Sois fort » à lui-même et aux autres.

Cette série télévisée a duré huit ans avec un succès inégalé. À la fin des
huit saisons, Dr House se débarrasse de son scénario et tout finit pour le
mieux, mais les scénaristes ne nous disent rien sur les origines de la douleur
qui ronge notre sympathique-antipathique docteur.
Alors, pour le plaisir, je me permets une digression imaginaire, réécrire
une histoire possible du son Triangle Existentiel issu de son enfance.

Un possible Triangle Existentiel pour le Docteur House


Imaginons le petit garçon House dans sa famille. Il a 5 ans et vit seul
avec sa maman. L’histoire qu’on raconte dans sa famille est que son père
est parti pour la guerre et n’est jamais revenu.
Ses grands-parents et sa mère avaient en vérité décidé qu’il ne devait
jamais apprendre que son père avait fui de la clinique, trop effrayé pour
assumer les responsabilités de la paternité, et qu’il n’était jamais revenu.
Techniquement, son père l’a abandonné. Pour le protéger, sa famille en a
gardé le secret.
À l’âge de 5 ans, en entendant des détails contradictoires dans des
conversations, il réalise que les gens lui cachent la vérité sur son père, et
il conclut rapidement que c’est lui-même le problème. Il décide alors
qu’il était préférable pour lui de ne pas en parler afin de ne pas créer
d’autres problèmes, parce que tout le monde semble être très tendu à ce
sujet.
Il comprend bien vite que les gens qui l’aiment le plus lui mentent et
qu’il vaut mieux ne pas trop s’attacher à qui que ce soit, parce qu’il est le
genre de personne qu’un père abandonne. Comme l’injonction « Ne
t’attache à personne » est efficace dans ce cas !
Une fois adulte, il a pris pour habitude de prendre ses distances de toute
personne qui chercherait à créer des liens et une relation avec lui parce
qu’il sait très bien (c’est écrit dans son scénario) qu’un jour ou l’autre
cette personne lui mentira et finira par l’abandonner.
Il ne s’autorisera aucune relation avec les menteurs. Rappelons que, pour
lui, aucune relation ou affection n’est viable puisqu’il est le genre de
personne que l’on abandonne !

Le scénario est une boucle fermée.


Le Triangle Existentiel de la figure 4.6 nous donne les quatre étapes de
l’histoire de l’enfance du Dr. House qui mènent à son scénario adulte.
Étape V1, le niveau existentiel. Le jeune enfant a connu une angoisse
existentielle, Victime de l’abandon. Dès lors, il s’est convaincu qu’il
méritait moins d’amour que les autres. La décision semble être : Je ne suis
pas OK, vous êtes OK.
Étape V2, le niveau familial. La famille voulait le protéger, jouant le
rôle de Sauveur, en le maintenant dans l’ignorance comme une Victime
incapable de supporter la vérité.
Étape V3, le niveau de racket. Lorsqu’il est adulte, il subit deux
émotions cachées, sa souffrance due à l’abandon et sa souffrance physique à
la jambe. Il exprime ces dernières par le biais d’un racket tel qu’une colère
frustrée envers ses collègues et ses amis, du dédain et une dépendance aux
médicaments qui justifient ses déviances comportementales.
Étape V4, le niveau social des jeux. Il s’empêche de faire preuve de
compassion envers les personnes qui éprouvent de l’affection pour lui, en
les manipulant avec un humour féroce et un dédain arrogant, pour les
pousser à se contredire ou se dédire, validant ainsi sa croyance initiale : tout
le monde ment. Nous observons ici un changement défensif qui mène à un
« Je suis OK, Vous n’êtes pas OK ».
Avec cette croyance et ce comportement, il sauve intérieurement la
famille de son enfance : si tout le monde ment alors ils devaient être OK. Il
est une Victime cachée et passe pour un Persécuteur aux yeux du monde.

Figure 4. 6 – Le Triangle Existentiel

Derrière les rouages de nos scénarios existent des processus inconscients.


Des variations du Triangle Dramatique peuvent faire apparaître l’origine
familiale de nos jeux et de nos scénarios. Pour établir un lien entre les
triangles du jeu et le destin d’un scénario, je vais me référer à un nouveau
diagramme qui vient d’une école importante de thérapie en Analyse
Transactionnelle : la thérapie de redécision.

Les Triangles de Redécision


Le Triangle Existentiel (figure 4.6) est l’un des outils utilisés dans ces
formes d’intervention. Ces traitements sont appelés régressifs car ils aident
le patient à retourner dans le passé, au moment où il a pris la décision qui a
généré les problèmes de comportements à maintenant gérer dans sa vie
quotidienne. En thérapie de redécision, les techniques de Gestalt basées sur
un dialogue entre deux personnes par étape successives poussent le client à
revivre la décision du scénario original afin qu’il soit par la suite revisité et
réécrit dans un cadre sain et thérapeutique.

Figure 4. 7 – Les Triangles Scénariques du passé et du présent

J’appelle le schéma de gauche le Triangle de la Redécision, un portrait de


famille qui représente les scénarios de jeux familiaux dans le Triangle
Dramatique. Dans ce triangle familial intérieur se trouvent les rôles
observables des membres de la famille. À l’intérieur de ce triangle se
trouvent les réactions invisibles de l’enfant. C’est là que le scénario de
décision se définit. Le processus de décision se déroule en trois étapes :
1. Victime. L’expérience récurrente de sentiments pénibles chez l’enfant.
2. Sauveur. Ce qui nécessite une nouvelle vision du monde protectrice
telle que « le monde ne me donnera pas ce que je veux donc je ne vais
pas essayer. » Puis il est finalisé ensuite par :
3. Persécuteur. Une décision difficile (une injonction) auto-limitante est
prise comme Ne faire confiance à personne ou Ne rien vouloir jamais
(il existe 13 de ces injonctions qui ont été énumérées plus tôt).
Cette décision précoce est traitée par la thérapie de redécision en Analyse
Transactionnelle pour amener à une meilleure décision (scénario positif).
Le triangle de droite (ci-dessus) montre la même personne pendant ses
jeux quotidiens de nos jours. Le triangle familial à l’intérieur est dessiné
très petit pour représenter discrètement l’effet des premiers jeux familiaux
dans la vie quotidienne qui sont vécus très intensément dans le dessin de
gauche. Chez certaines personnes atteintes de syndrome de stress post-
traumatique (SSPT) ou de troubles de personnalité borderline, la frontière
entre le passé et le présent est trop fluctuante et les deux triangles peuvent
se chevaucher. Dans certaines thérapies de régression, il faut qu’ils évitent
d’être inondés par de trop nombreux souvenirs anciens, vécus jour et nuit,
auquel cas ils risquent de finir par vivre dans le triangle de gauche et par
perdre le contact avec la réalité.

Les Triangles de Transfert

Maintenant, nous avons besoin d’une représentation de connexions qui


montrent comment les deux triangles dramatiques présents et passés sont
liés – et où les jeux d’hier sont liés par des flèches aux jeux d’aujourd’hui.
J’appelle cela le Triangle de Transfert en référence à la théorie de transfert
freudien où les perceptions de l’enfant du passé sont transférées par erreur
inconsciemment sur les gens d’aujourd’hui. De vieux souvenirs sont
reproduits dans des comportements du présent.
Mais à quel point peut-on se fier à la perception ? Voici une belle citation
du poète anglais John Davies sur l’erreur :

« Que pouvons-nous savoir, ou que pouvons-nous discerner,


Lorsque l’erreur étouffe les fenêtres de l’esprit,
Les diverses formes, comment pouvons-nous apprendre,
Depuis l’anniversaire de notre aveuglement ? »2

John Davies

Parfois, c’est le passé qui revient à la surface par erreur dans la vie
quotidienne. Ce genre d’événement peut être révélateur pour qui essaie de
comprendre ce qui se passe dans sa vie.

Figure 4. 8 – Le Triangle de Transfert : le Triangle Élastique lie les jeux du passé à ceux
du présent
Figure 4. 8 – Le Triangle de Transfert : le Triangle Élastique lie les jeux
du passé à ceux du présent

Dans ce triangle de connexion, les flèches vont dans les deux directions.
Une mauvaise perception se produit inconsciemment sans que nous le
sachions :
• de l’intérieur vers l’extérieur, d’anciens souvenirs inconscients
influencent les perceptions d’aujourd’hui dans le Triangle de
Transfert ;
• de l’extérieur vers l’intérieur, les Switchs de notre vie quotidienne nous
amènent à revivre inconsciemment de vieux souvenirs dans le Triangle
Élastique.

La théorie des scénarios

Les traumatismes de l’enfance peuvent avoir besoin de l’intensité des jeux


du Triangle Dramatique pour survivre comme les « fixations »
psychanalytiques d’aujourd’hui. Les décisions inconscientes sont
enregistrées comme si elles avaient été filmées et peuvent ainsi être
rejouées et traitées en psychothérapie. Contrairement à la théorie
Freudienne classique, les fixations ne « passent » pas passivement. Dans la
théorie d’Analyse Transactionnelle, les fixations découlent de décisions
actives prises lors d’un jeu pendant l’enfance et sont ensuite placées dans
l’inconscient. L’inconscient est un « inconscient transactionnel ». Les
événements doivent être cachés dans l’inconscient, par décision, aux
mauvaises personnes.
Dans le Triangle Élastique, une expérience vécue aujourd’hui peut
déclencher un flashback vers l’enfance – en AT on parle d’une transaction
« élastique » entre le Moi du présent et le Moi du passé. Dans ce cas, c’est
le présent qui nous renvoie violemment aux souffrances du passé,
auxquelles nous sommes encore accrochés. Comme un élastique étiré que
nous lâchons soudainement, nous sommes projeté par les similitudes d’une
situation actuelle vers une vieille situation dans laquelle le scénario
récurrent se répète avec sa souffrance.
Les expériences stockées dans notre inconscient essayent alors de se
frayer un chemin dans l’ici et maintenant. Nous projetons des émotions qui
appartiennent au passé sur des situations et d’autres personnes. De cette
façon, nous rejouons l’ancien scénario de jeu.
Dans un cadre sain de thérapie de redécision, le patient revivra ces
scénarios précoces, les redéfinira, ce qui empêchera alors la séquence de jeu
restante et le bénéfice négatif final du scénario.

COMBINAISON DE TRIANGLES SCÉNARIQUES

Pour être plus pédagogique, je propose deux autres triangles qui utilisent les
espaces vides autour des triangles dramatiques familiaux pour permettre de
placer la théorie d’AT actuelle de scénario à des fins de formation.

Figure 4. 9 – Théorie des Triangles Scénariques en Analyse Transactionnelle

Figure 4. 9 – Théorie des Triangles Scénariques en Analyse


Transactionnelle

Bien sûr, nous traitons ici de niveaux personnels, où nous ne sommes pas
obligés d’aller dans le cadre d’une formation professionnelle, de coaching
ou d’enseignement.
Eric Berne avait un rêve pour les psychothérapeutes : « guérir » le patient
en une seule séance en trouvant et en retirant « l’épine » du pied à l’origine
de la douleur qui avait progressivement atteint le cerveau. C’était
ambitieux, mais c’était l’objectif idéal de l’Analyse Transactionnelle –
d’une certaine manière, il était le grand-père des thérapies brèves.
C’est ce que mes collègues Bob et Mary Goulding ont développé avec les
thérapies de redécision qui, en une séance, étaient conçues pour faire
revenir le patient à cette décision prise très tôt dans l’enfance – une décision
qui aurait pu se produire à l’âge de 3, 5, 8 ans… Cette méthode offre une
expérience très profonde de ce qui se passe et donne l’opportunité de
prendre une nouvelle décision, basée cette fois sur une position positive.
Derrière toutes ces histoires, il existe ces motivations inconscientes pour
maintenir des jeux et entrer dans le triangle.
POURQUOI ENTRETENIR NOS SCÉNARIOS ?

La Victime a des besoins cachés, des scénarios familiaux non résolus et une
position existentielle de défaite.
Le Persécuteur a des timbres et des opinions négatives au sujet de ce qui le
dérange ou lui déplaît.
Le Sauveur ne parvient pas à réparer quelque chose ou quelqu’un dans sa vie
(lui-même).

Quand on me demande pourquoi nous semblons être attirés de façon


irrésistible dans le Triangle Dramatique, je vois différentes forces en jeu.
Nous avons discuté plus haut que c’est souvent un raccourci défini pendant
l’enfance afin obtenir ce que nous désirons le plus, et ce, au prix de la
qualité de nos relations.
J’ai également parlé de ces décisions prises très tôt dans la vie, qui
structurent les scénarios de notre vie. Nous jouons à des jeux et attirons
d’autres personnes dans les triangles car la récompense finale valide nos
croyances à notre sujet, au sujet des autres et au sujet de la vie.
Je vois une autre force irrésistible ancrée profondément en nous, qui
donne cette énergie nécessaire à la dynamique des jeux. Elle s’appelle le
Ça !

UN TRIANGLE FREUDIEN

Très tôt, Sigmund Freud a eu l’intuition qu’il existait une vie inconsciente
en trois dimensions, le Surmoi, le Moi et le Ça. L’Analyse Transactionnelle
s’est concentrée sur la partie la plus visible de la vie mentale : le Moi ou
l’Ego. Pourquoi jouons-nous ? Pourquoi invitons-nous nos interlocuteurs
dans la danse dramatique du Triangle ? Pouvons-nous trouver une
résonance entre mon Triangle Dramatique et le travail de Freud ?
Je vois le Ça comme la partie la plus vulnérable de l’être humain et
comme une force inconsciente menaçante qui doit être réprimée (V). Les
puissants désirs et les impulsions d’un être humain sont ses forces motrices.
Le Moi (Ego) servira littéralement de Sauveur à l’être humain, pour
réaliser les désirs du Ça (S) tout en étant surveillé et contrôlé par le Surmoi,
qui jouera alors le rôle (P) de Persécuteur.
Cette source d’énergie du Ça a besoin des États du Moi ou des triangles
de jeux pour s’exprimer au maximum. Le Ça fournit l’énergie primitive qui
anime les jeux du Triangle Dramatique. Un cauchemar avec des animaux
sauvages peut être interprété comme un moyen de représentation de la
pression des forces primitives du Ça.
La figure 4.10 suggère une évasion du Triangle Freudien intérieur par la
conscience de l’Ego. En termes transactionnels, cela signifie utiliser l’un
des cinq États du Moi ou plusieurs d’entre eux pour résoudre le problème
(voir chapitre 6). (Karpman 1971).
Dans la théorie de la psychanalyse du Moi inconscient, les pulsions du
Ça sont la motivation la plus forte du comportement humain. Cependant, le
Surmoi se met en travers de son chemin, et seuls les mécanismes de défense
de l’Ego lui permettent une certaine délivrance.
La théorie sociale en Analyse Transactionnelle est en fait l’inverse. La
pulsion la plus forte chez les êtres humains est, selon nous, le besoin
d’affection et de reconnaissance par d’autrui, et non le Ça. Et ce sont les
scénarios de l’enfance et les jeux de Triangle Dramatiques d’aujourd’hui
qui bloquent le chemin vers une vie sociale satisfaisante.

Figure 4. 10 – Le Triangle Freudien avec échappement par le Moi

Figure 4. 10 – Le Triangle Freudien avec échappement par le Moi

EN BREF

➣ Les jeux sont joués à la fois à l’extérieur au niveau social, et à l’intérieur à


tous les niveaux possibles de l’esprit.
➣ Les Triangles Dramatiques qui se déroulent en nous sans que nous le
sachions peuvent avoir des conséquences dévastatrices.
➣ Pour mettre fin aux cercles vicieux et transformer les Drames intérieurs en
développement personnel, de la perspicacité et souvent de l’aide
professionnelle sont nécessaires.
5

LE MODÈLE THÉORIQUE UNIVERSEL


DU JEU À TROIS CÔTÉS

Le rasoir d’Occam

DES TRIANGLES DE LA CONVERSATION


À L’ÉVOLUTION !

Lorsque j’ai inventé le Triangle, j’ai commencé à observer le monde avec


l’idée que les trois rôles étaient joués en même temps. Avec le temps, c’est
devenu ma principale théorie. Pour le prouver, j’ai dû continuer à
l’appliquer à des niveaux de plus en plus subtils.
Jusqu’à maintenant, j’ai mis à l’épreuve mon raisonnement au niveau
social, c’est-à-dire ce qui se joue en dehors de soi dans nos échanges
sociaux avec les autres au niveau observable de la conversation. Puis je suis
entré à l’intérieur au niveau psychologique. Les triangles internes sont
utilisés pour analyser et comprendre ce qui se passe dans nos pensées
lorsque nous jouons les trois rôles en même temps. Ensuite, j’ai testé ma
théorie au niveau familial. En plaçant mon triangle au centre de scènes
familiales, j’ai constaté qu’il y avait un lien direct entre les jeux de
l’enfance et les jeux joués au stade adulte. Par la suite, pour trouver encore
plus de preuves, j’ai continué à utiliser l’un des principes de la règle du
scientifique du rasoir d’Occam, qui consiste à trouver des dénominateurs
communs pour simplifier la compréhension d’un phénomène complexe,
quel que soit le niveau observé. J’ai décidé d’aller voir ce qui se passait
deux niveaux plus bas. Premièrement, au niveau biologique, c’est-à-dire le
niveau où les échanges se produisent entre les cellules. Puis d’aller au
niveau de l’évolution de l’espèce – ce que j’ai appelé le niveau darwinien !
En ajoutant ce degré de profondeur à mes recherches, j’ai été
progressivement amené vers une théorie unifiée avec cinq niveaux des
transactions :
• un niveau social,
• un niveau psychologique,
• un niveau familial,
• un niveau biologique,
• un niveau Darwinien.

Figure 5. 1 – Le Triangle Darwinien ; les dynamiques d’énergie

Pour chacun des niveaux, mon triangle nous permet d’observer les trois
rôles positifs et négatifs joués en même temps dans n’importe quelle
situation donnée. J’ai trouvé intéressant de donner un nom aux transactions
et aux échanges qui se produisent entre P, S et V aux différents niveaux. Au
niveau social, j’ai appelé les transactions entre P, S et V un « Dialogue ».
Au niveau psychologique où les choses se jouent en nous, je les ai
appelées un « Monologue ». J’ai inventé ensuite le mot « Familogue » pour
les transactions au niveau familial. Puis, au niveau biologique où j’analyse
les relations cellulaires pour l’Analyse Transactionnelle entre cellules je
parle du « Biologue ».
Et enfin, au niveau darwinien où les enjeux sont la survie de l’espèce, la
communication entre les membres survivants d’une espèce est appelée
« archéologue ». L’énergie est représentée comme des transactions aux
niveaux sociodynamique, psychodynamique, biodynamique et
archéodynamique.

Figure 5. 2 – Le Triangle Darwinien : les dynamiques transactionnelles

En thérapie, faut-il passer par tous les niveaux un par un pour atteindre le
noyau central – l’âme comme le qualifierait certains – ou existe-t-il un
processus direct (flèche vers le haut) qui permettrait de prendre un raccourci
à partir du noyau pour atteindre la « guérison » ? Une façon d’aller
directement du cœur à la guérison ? Ces questions sont encore à l’étude.
Le Triangle Darwinien pourrait peut-être être appelé « La théorie du
Tout » pour la dynamique humaine, comme les recherches sur « La théorie
du Tout » dans le monde de la physique, et peut-être que la réponse à
l’adrénaline n’est pas seulement « Se battre ou fuir » mais aussi avec une
troisième option qui pourrait être « Protéger ». Ce sont des idées
intéressantes sur lesquelles se pencher dans le futur.
Ce sont les derniers niveaux que je vais maintenant décrire brièvement.
Au niveau biologique, je fais une distinction entre le niveau biologique
cellulaire et le niveau biologique génétique (ADN).

LE TRIANGLE DU NIVEAU BIOLOGIQUE CELLULAIRE


Les cellules échangent constamment les unes avec les autres au sein d’un
organisme vivant. Certaines cellules ont pour fonction de produire des
enzymes pour d’autres cellules. Leur rôle, qui consiste donc à sécréter des
hormones, est celui du Sauveur positif (S+) le Sécréteur car il offre une
fonction de soutien.
Il existe aussi des cellules Réceptrices qui reçoivent cet
approvisionnement de molécule chimiques parce qu’elles en ont besoin.
Elles ne pourraient pas faire leur travail sans cette molécule. Leur rôle V+
est d’accepter ce que produisent les cellules productrices pour Vivre.
Les cellules de restriction (P+) supervisent et Pilotent ce que reçoivent
les cellules réceptrices V+. Ces cellules répressives contrôlent la production
des cellules S+ mais aussi l’absorption par les cellules réceptrices V+. Leur
fonction de Persécuteur positif (P+) est à la fois d’empêcher la sécrétion
excessive de certaines substances quand cela est nécessaire, et de limiter
l’excès d’absorption si la situation l’exige. Dans le cas de pathologies, elles
peuvent fonctionner de manière négative.
Les cellules dansent la valse des triangles en permanence !
Par exemple, la sérotonine joue un rôle important dans les changements
d’humeur. Lorsque les cellules produisent de la sérotonine (S+), la quantité
correcte est absorbée par les récepteurs (V+). Dans certaines pathologies
comme la dépression, une réabsorption trop importante (V–) peut avoir un
effet négatif sur le système, qui lui a besoin d’un niveau élevé de
sérotonine.
C’est pourquoi les antidépresseurs de la classe ISRS (inhibiteurs sélectifs
de recapture de la sérotonine) inhibent l’excès de recapture de la sérotonine
par les cellules réceptrices, ce qui maintient un niveau plus élevé de
sérotonine dans le corps du patient dépressif, et lui permet d’être mieux
équipé pour combattre l’anxiété et la dépression.
Figure 5. 3 – Le niveau cellulaire du Triangle Dramatique (Dynamique
transactionnelle)

LE NIVEAU BIOLOGIQUE GÉNÉTIQUE DU TRIANGLE


(ADN)

Les gènes qui accomplissent les jeux de l’évolution sont aussi dans des
triangles :
• (S) Les gènes qui permettent à l’espèce d’évoluer vers de meilleurs
capacités ;
• (V) Les gènes qui se cachent et restent les mêmes ;
• (P) Les gènes qui sabotent et rendent difficile la survie de l’espèce.
C’est un niveau très complexe qui demande une explication simplifiée.
Les gènes sont parfois appelés dominants ou récessifs.
Un gène dominant, comme son nom l’indique, impose ses instructions
génétiques. Sa fonction est celle du Persécuteur (P). Un seul gène de ce type
suffit pour que ses attributs s’appliquent.
Un gène récessif, par contre, reste présent dans le bagage génétique d’une
personne mais ne s’active pas (Victime).
Ce gène récessif a besoin d’un autre gène comme lui pour s’activer et
dominer la situation. Ce second gène identique joue le rôle du Sauveur (S) ;
c’est une autre façon d’utiliser le triangle. Le gène Sauveur (S) peut mener
l’espèce à un niveau plus élevé d’adaptabilité et d’évolution, le gène
d’ADN Persécuteur peut saboter l’évolution future, le gène Victime a un
effet infime.

LE NIVEAU DARWINIEN DU TRIANGLE

Quand j’ai examiné ce dernier niveau au travers de mon prisme triangulaire,


j’ai remarqué que les enjeux étaient la survie de l’espèce et la préservation
de l’ADN vainqueur pour les générations futures.
Les parents primitifs ont dû faire face au danger de l’extinction et à la
survie quotidienne de leur progéniture. Ils ont donc été instinctivement et
instantanément poussés dans les trois rôles en même temps en raison de la
nature de la menace. Les gènes des animaux gagnants progressaient vers la
prochaine génération, et ainsi de suite.
Le choix entre un instinct ou une extinction est pour cette raison
immédiat. L’adrénaline produite en situation de danger fournit les trois
angles de mon Triangle Darwinien en même temps !
1. L’instinct de survie (Protège-toi !). Il existe pour nous protéger et nous
sauver au sens littéral (S) en nous donnant la force et l’énergie dont
nous avons besoin pour sauver notre progéniture et continuer à
améliorer le pool génétique.
2. L’instinct de Victime (Fuis !). Grâce à l’instinct de survie, nous
sommes également capables de sentir une menace, de percevoir la peur
(V) de notre progéniture et de ressentir de la peur pour notre groupe
familial, ce qui nous fait prendre conscience de la fragilité de ce que
nous devons protéger.
3. L’instinct de Persécuteur (Bats-toi !). Pour finir, le dernier rôle que
joue notre instinct de survie est d’attaquer et de défendre son espèce en
présence d’un prédateur, on fait ici référence à la problématique
classique du « Se battre ou fuir ». Si la situation nous y oblige, nous
choisissons spontanément de faire face à l’attaquant en nous battant,
avec une adrénaline qui décuple notre courage. Cette énergie agressive
poussera aussi l’animal à rechercher agressivement des
environnements plus riches pour la survie de sa progéniture et à
maintenir ses forces pour la protéger.

Figure 5. 4 – Les trois instincts Primaires dans le Triangle Dramatique


Darwinien
Je suis personnellement convaincu que ce Triangle Darwinien de Survie est à
l’origine des bases théoriques de mon Triangle Compassionnel où je définis ces
postulats :
• Quel que soit le drame humain, les trois rôles P, S et V sont demandés en
même temps, de différentes manières, visibles ou non. Ils sont une forme
d’instinct face à n’importe quelle menace, y compris les jeux.
• Ces trois rôles doivent être identifiés et compris pour permettre des relations
saines.

LES DIAGRAMMES EXPÉRIMENTAUX DE TRIANGLE


DRAMATIQUE

Dans les sciences et les sciences humaines, le brainstorming et la


publication de nouvelles idées se doivent d’être continues, car n’importe qui
pourrait se révéler être ou apporter « l’innovation perturbatrice qui changera
le paradigme ». C’est pourquoi je demande maintenant ceci :
Existe-t-il aussi un système d’énergie triangulaire en physique qui
pourrait s’ajouter au modèle dual dominant ou le remplacer ?

LE TRIANGLE DES PARTICULES PHYSIQUES D’ÉNERGIE


TRIVALENTES

Nous pourrions spéculer que s’il existe un système à trois voies d’énergie
pulsionnelle dans la dynamique humaine, il pourrait aussi exister dans le
monde de la physique un système similaire d’énergie à trois voies.
Cependant, la plupart des théories physiques actuelles reposent sur la
dualité (« à chaque action, une réaction égale et opposée »), ou un système
d’énergie bivalente, et non pas sur un système d’énergie trivalente comme
pour la dynamique dramatique humaine. Mes excuses donc auprès des
règles de simplicité d’Occam, d’Einstein et d’autres, car voilà à quoi
pourrait ressembler le triangle de manière expérimentale dans des études
futures.
Le lecteur peut sauter cette partie si la physique n’est pas son truc J.
Parce que le Persécuteur, le Sauveur et la Victime sont de vraies
personnes avec un poids et une masse, je nomme les coins Particules (ou
masse) et je recherche la dynamique entre eux.
L’attraction entre les coins pourrait être le magnétisme et la force. En
physique, il y a des forces fortes (flèches en gras) et des forces faibles
(flèches minces) (+ et –). La force répulsive pourrait être l’antimatière
insaisissable qui les éloigne. L’entropie qui les attire tous vers le centre de
gravité est la gravité – un trou noir… Ou pas. Tout ceci pourrait être un
début.

Figure 5. 5 – Le Triangle d’Énergie Trivalente pour les particules physiques

LE TRIANGLE DU PSYCHOTHÉRAPEUTE
À LA PERSPICACITÉ EXCEPTIONNELLE

Voici un autre Triangle Dramatique expérimental où un psychothérapeute


transcendent a dominé tous les angles ± dans le Triangle Dramatique – tous
les 48 niveaux (comptez-les) de la sagesse chez lui et chez le client.
Figure 5. 6 – Le Triangle du Psychothérapeute à la perspicacité
exceptionnelle

Nous pourrions nous demander combien de temps une telle thérapie


demanderait ou si ce psychothérapeute exceptionnel connaît plus de
raccourcis vers la santé et le bonheur que le reste d’entre nous. Comment
pourrait-on ne pas perdre le fil de tous ces niveaux de perspicacité et
d’expérience résolus en leur aspect positif ?
Peut-être que le modèle est tout ce dont on a besoin pour faire preuve de
compassion, les exemples vont suivre.
Il existe une raison pour laquelle le brainstorming de nouvelles théories
est utile. C’est en gribouillant une trentaine de pages que j’en suis venu à
découvrir le Triangle Dramatique. Et c’est pourquoi, j’ai mis autant de
triangles que j’ai pu dans ce livre. Qui peut savoir ce qui est utile et ce qui
ne le sera pas ?
Pour citer le grand barde :

« Si vos regards peuvent pénétrer dans les germes du temps, et


démêler les semences qui doivent pousser et celles qui avorteront,
parlez-moi donc à moi qui ne sollicite ni ne redoute vos faveurs ni
votre haine. »

William Shakespeare
PARTIE II

SORTIR DU DRAME ET SE LIBÉRER


DES JEUX

Des méthodes de communication utiles pour


éviter d’être pris dans le triangle et instaurer
des relations de qualité, saines,
fiables, confiantes et constructives
6

UNE BELLE VIE, SAINE ET LIBRE

Sur les chemins du bonheur, de l’amour


de soi et de la confiance, ma boîte à outils pour
une vie hors des jeux

COMMENT NOUS LIBÉRER DES JEUX ?

Est-il possible de sortir des jeux ? Cette question… tout le monde me la


pose. Ma profession est de chercher des chemins vers le bonheur, des
relations saines et l’amour de soi. Donc, je dis « Oui » sans tourner autour
du pot. J’ai des réponses, des options, des alternatives, des astuces et des
ficelles, des processus. J’y ai consacré ma vie. Je suis heureux de vous les
offrir ici. Elles fonctionnent. Je les utilise depuis des années avec mes
clients et mes patients.
N’hésitez pas à me rendre visite sur mon site :
www.KarpmanDramaTriangle.com. Et si vous avez envie de partager des
idées en français dans un groupe de discussion, nous pouvons nous
rencontrer sur Facebook : https://www.facebook.com/groups/dejouer
Notre objectif est de vivre en dehors du Triangle et d’apprendre à éviter
d’y être entraînés. En étant sain et en ayant des relations saines, vous
pouvez changer le cours de votre propre vie.
Avec de nouvelles bases stables de confiance et d’ouverture :
• vous serez moins susceptible d’attirer les joueurs de jeu ;
• vous serez moins intéressé à entrer dans un jeu ;
• vous serez plus rapide pour vous libérer d’un jeu ;
• vous serez plus efficace pour réparer les dégâts causés par le jeu.

Quand je tiens à une personne, je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour éviter
les jeux.

TRAVAILLER NOS COMPÉTENCES POUR VIVRE


HORS DES JEUX

Première étape essentielle : repérer les jeux et les invitations dans le


Triangle, qu’elles viennent d’autrui ou de soi. Nous avons décortiqué la
lecture des manifestations visibles, invisibles et même inconscientes des
triangles la première partie. Continuez à vous entraîner à les repérer, les
analyser et les nommer, c’est primordial !
Il nous reste à travailler sur deux choses :
1. L’écoute réelle. Entendons-nous vraiment ce que l’autre nous dit ?
Notre décodeur de triangle est-il efficace ?
2. Les obstacles que les joueurs mettent parfois sur notre route pour
bloquer l’intimité, quelles que soient leur raison affichée ou leur
motivation inconsciente. Nous apprendrons à déjouer ces méthodes.
Ainsi nous pourrons passer à l’étape suivante.
Deuxième étape : apprendre à offrir des relations de qualité sans sous-
entendus et enjeux secrets (triangles conscients ou inconscients). Nos
amours, amitiés, partenariats professionnels doivent être initiés sur des
bases saines et entretenus au quotidien. Pour cela, nous avons besoin de
contrats relationnels clairs et flexibles. Avant de s’engager dans la vie
matrimoniale, les couples font un contrat de mariage, les partenaires
professionnels signent un contrat et parfois même se font aider par un
avocat. Pourquoi en irait-il différemment des relations affectives, familiales,
amicales ?
Nous verrons même qu’un contrat avec soi-même n’est pas du luxe !
Troisième étape, nous apprendrons une méthode infaillible et irrésistible
pour réguler les conflits relationnels dès lors qu’ils ont été identifiés. J’ai
retenu les acronymes BIU, TIU, WIU, pour trois expressions employées en
anglais tous les jours, Bring it up, then Talk it up and Wrap it up :
Évoquons-le, Parlons-en, Bouclons.
Maintenant que je sais entendre et décoder les triangles, que j’ai mis en
place un contrat sain avec mon environnement, que faire si un partenaire,
un membre de la famille ou un ami rompt la relation ou l’endommage par
des comportements négatifs ?
1. Comment évoquer ce que je constate ?
2. Comment en parler vraiment et aborder jusqu’au bout ce qui est
parfois difficile à dire ?
3. Comment m’assurer à la fin de notre échange que c’est réglé et que le
problème ne se représentera plus ?
Chacune de ces étapes de la régulation d’un conflit nécessite des outils
que je vous propose de tester. Les essayer, c’est les adopter !

CINQ DÉCISIONS À PRENDRE

Décision n ° 1 : Je m’éloigne des jeux (je n’interviens pas)

Je sécurise la relation et je fais ce qu’il faut pour qu’elle reste saine (je reste
positif et constructif). Cette première décision est une décision difficile à
prendre et à tenir. Restez à l’écart du rôle de la Victime. Pour cela, nous
allons ici se référer aux coins positifs du Triangle Compassionnel P+, S+ et
V+.

Décision 2 : Je prends ma part de responsabilité (P+)


Lorsque vous savez que vous êtes coincé dans un jeu, une façon simple
d’en sortir est de revenir à l’idée de 10 % et de prendre au moins 10 % de
part de responsabilité. Quand je suis conscient que je suis 10 %
Persécuteur, je vois ma responsabilité dans le démarrage et le maintien du
jeu.

Décision 3 : J’offre un soutien authentique (S+)

Une façon de sortir de la position du Sauveur est d’apprendre à faire des


feed-back positifs, c’est-à-dire à donner d’autres éléments d’appréciation
qui sont positifs. Au moins 10 % de l’aide que je veux donner est
authentique.

Décision 4 : Je reconnais la vulnérabilité (V+)

Quand je me vois comme une Victime, je devrais me rappeler le 10 %


d’empathie nécessaire dans cette position, qui est l’empathie à récolter
pour moi-même et à donner aux autres. Imaginons quelqu’un pris au piège
dans un jeu.
Procédez en deux étapes :
• Parlez-lui des 10 %, c’est-à-dire P à 10 %, S à 10 %, et V à 10 %. S’il le
reconnaît et commence à en prendre conscience, passez à l’étape 2.
• Proposez qu’il assume sa responsabilité en s’excusant pour ce qu’il fait
et dit (et moi aussi je m’excuse pour mon 10 % dans le jeu si c’est
avec moi). Ensuite, je lui montre que j’ai reconnu son effort et son
intention positive et j’offre de l’empathie pour sa difficulté avec le jeu
et avec moi, si le jeu est avec moi. Et je vais faire la même chose pour
mes trois rôles dans le jeu (au moins mon minimum de 10 %). Il s’agit
de trois options utilisant le Triangle Compassionnel.
Figure 6. 1 – Les trois portes de sortie du Triangle Compassionnel

Revenons un peu plus tôt sur Bob, le patron qui avait attaqué sa
secrétaire Helen. Bob a pris le temps de donner à sa secrétaire quelques
éléments d’appréciation positive (S+). (Vous faites un bon travail). Il
pourrait maintenant faire preuve d’empathie pour les difficultés qu’elle
éprouve dans son travail (La charge de travail était vraiment lourde cette
semaine et je comprends que c’est parfois difficile pour vous) (V+), et
assumer la responsabilité du fait qu’il peut parfois se montrer dur et sévère
(P+) (Je sais que j’ai été assez dur hier. Je suis également sous pression. Je
suis désolé pour mon langage grossier) (P+).
Il pourrait également reconnaître qu’il lui a donné plus de travail qu’elle
ne pouvait gérer, ou que ce dernier ne correspondait pas à son domaine,
mais qu’il sait qu’elle donne le meilleur d’elle-même. Pour lui, la difficulté
est de savoir comment articuler BIU, TIU et WIU.
De son côté à elle, ça ne devrait pas être un problème d’assumer son
retard et ses erreurs (Vous avez raison, j’ai pris du retard cette semaine)
(V+), puis de donner des signaux de reconnaissance (Je me rends compte
que vous m’aviez déjà dit que les choses pouvaient devenir ingérables) (S+)
et donner de l’empathie (Je comprends l’importance de votre demande de
résultats pour vous et nos actionnaires).
Tout ceci correspond au processus de compassion. Il se développe par le
biais de la pratique et de l’attention. Si, par contre, les joueurs n’adoptent
pas ce protocole compassionnel, il existe un risque important que la
situation s’aggrave.
Helen peut rester dans le rôle de la Victime martyrisée (V–) par son
patron, lui dire qu’il est méchant et abusif car il lui parle très mal (P–). Et
nous savons que, dans ce cas-là, l’évolution vers les deuxième et troisième
degrés et le Bénéfice Négatif est facile à deviner.
Bob va reprendre le jeu avec « Vous êtes stupide, et vous interprétez ça
n’importe comment, vous êtes licenciée ! » (P–). Ou il peut faire un rapport
aux ressources humaines. Il peut récupérer son rapport et le jeter à la
poubelle, et ce, jusqu’à l’épuisement exaspéré de l’un et à la dépression de
l’autre.

Décision 5 : Décide ! Que préfères-tu ?

J’ai développé une formule très expressive pour encourager mes patients et
mes clients à utiliser la dynamique de compassion :
• Je préfère être en colère que triste signifie que, pour sortir de la
position du Persécuteur, il est souvent suffisant d’exprimer ma colère
simplement et tout de suite plutôt que de rester triste à bouder et
chouiner pendant longtemps. En exprimant notre colère, nous
éviterons de rester dans une position qui finira inévitablement par nous
placer dans le rôle du Persécuteur.
• Je préfère être utile qu’utilisé signifie que je vais essayer d’être
rationnel plutôt que de chercher à être apprécié tout le temps par tout le
monde. Au lieu de sauver des gens tout le temps, j’analyse ma position
dans les jeux et y échappe en refusant d’être le martyr, qui est la mise
en scène que j’aime le plus jusqu’à maintenant.
• Je préfère demander plutôt que supplier. Certains ont du mal à dire
non, ou Je veux ou Je ne veux pas… Curieusement, ils ont le sentiment
que s’affirmer leur fait courir le risque de blesser les autres. En fin de
compte, ils sont frustrés, se sentent incompris et vivent avec cette
colère refoulée qui finira par exploser un jour au mauvais moment et
parfois sur la mauvaise personne !
Figure 6. 2 – Les trois options d’évasion du Triangle Dramatique interne

• Si rien de tout ça ne fonctionne, cherchez de l’aide. Il est OK de


demander de l’aide à une tierce personne, comme un thérapeute ou un
coach. Ayez un contrat clair de ce que vous voulez changer avec la
personne que vous consultez.

ÉVITER LE RENDEZ-VOUS À OK CORRAL

Les gens me demandent souvent : « Dr. Karpman, comment puis-je


échapper au Triangle Dramatique ? » Un bon moyen d’organiser notre
réflexion a été inventé par le Dr Frank Ernst lors de nos séminaires du
mardi soir (j’ai suggéré le nom OK Corral à ce moment-là, et depuis nous
l’avons gardé !). Je l’utiliserai parce qu’il relie les quatre positions de vie :
« Je suis OK », « Tu n’es pas OK » (Berne 1966, Harris 1967) avec les
choix de vie (Ernst, 1971) :
• VNP. –/– Vais Nulle Part. La personne bloquée dans un jeu voit le
monde à travers les yeux de la position de vie Je ne suis pas OK et
Vous n’êtes pas OK (–/–). Noyée dans la négativité, elle a le sentiment
qu’elle n’a ni le droit ni la capacité d’agir (je ne suis pas OK), et
qu’elle ne rencontre aucune incitation extérieure (Vous n’êtes pas OK)
pour changer ce monde négatif qu’elle s’imagine.
• FDL –/+ File De Là ! La personne bloquée voit le monde à travers les
yeux d’une position Je ne suis pas OK, Vous êtes OK (–/+). Se sentant
inférieure aux joueurs mieux qualifiés qu’elle, elle a le sentiment
qu’elle ne peut pas gagner. La personne FDL veut simplement s’en
aller. La figure 6.2 donne trois options d’évasion qui peuvent être
utilisées comme des options pour abandonner et partir.
• DTE +/– Débarrasse Toi d’Eux. La personne voit le monde à travers
les yeux d’une position Je suis OK, Vous n’êtes pas OK (+/–). Elle se
sent supérieure aux joueurs du jeu et veut simplement s’en débarrasser.
Il est utile de rappeler que : « la Victime n’est pas aussi impuissante
qu’il n’y paraît, le Sauveur n’aide pas réellement, et le Persécuteur n’a
pas de raison valable de se plaindre » (Steiner, 1971). Changez les
joueurs et vous changez de jeu. Cherchez des joueurs sains +/ +.
• AYE +/+ Allons-Y Ensemble. Ce gagnant voit le monde à travers les
yeux d’une position Je suis OK, vous êtes OK, +/+ et espère trouver un
moyen d’arrêter les jeux tout en gardant la personne. De nombreuses
options sans jeu seront fournies dans les pages à venir.

Figure 6. 3 – OK Corral (Ernst 1971)

Dans les pages suivantes, vous trouverez une série de nouvelles


approches et outils pour coacher ses propres relations conflictuelles ou
détériorées. J’espère que vous les apprécierez !

L’ICEBERG DE L’INFORMATION

En analyse de conflit, dans les problèmes de communication, nous


observons souvent que l’autre n’a pas compris ce que nous voulions dire.
Pour toute une série de bonnes raisons, notre interlocuteur ne se rend pas
compte que, derrière le sujet que nous abordons, il y a en fait des
informations d’une grande importance.
Lorsque cela se produit, nous devons parfois faire un effort considérable
pour attirer l’attention de l’autre et lui demander d’écouter ce que nous
cherchons à lui dire.
Gardons à l’esprit que notre ami pourrait très bien avoir manqué
l’information parce que nous ne sommes pas parvenus à exprimer ce qui
était important pour nous de façon claire. Les choses importantes ne
remontent pas nécessairement à la surface immédiatement. J’utilise souvent
la représentation avec un iceberg où la partie cachée correspond aux
informations supplémentaires dont l’autre aurait besoin pour comprendre ce
que nous voulons dire.

Figure 6. 4 – L’Iceberg de l’Information

Dans une communication complète, nous partageons quatre couches


d’information. Seulement voilà, la partie la plus audible, que j’appelle le
« sujet », est au-dessus du niveau de l’eau, comme l’iceberg en mer dont la
plus grande partie se trouve dans les profondeurs. Les quatre couches de
l’iceberg de l’information sont :
• le Sujet, point d’entrée en communication,
• les Informations supplémentaires dont nous aurons besoin pour en
parler,
• l’Importance que ce sujet revêt pour vous,
• l’Intention personnelle derrière le sujet.
Les 3 flèches de l’interlocuteur illustrent les trois réponses de
l’interlocuteur. Avec la flèche droite, l’interlocuteur vous rejoint totalement
sur le sujet que vous avancez. Avec la flèche vers le haut, l’interlocuteur
change totalement de sujet. Avec la flèche dans l’autre sens, l’interlocuteur
en profite pour ne parler que de lui-même.
La situation inverse est également très réaliste. Nous sommes parfois
celle ou celui qui n’écoutons que superficiellement l’autre. Nous manquons
alors l’essence même du sujet dont parle notre ami. Et puisque nous ne
prenons pas le temps dans ce cas-là de poser des questions, des malentendus
ne manqueront pas de s’installer. Mais si nous avions essayé de
comprendre, nous aurions sûrement découvert les intentions de notre
interlocuteur lorsqu’il a abordé le sujet qui l’intéressait, et l’importance de
ce sujet pour lui. Parfois, une compréhension incomplète peut favoriser
l’amorce de jeux.
C’est pourquoi, lorsque je dessine mon iceberg, je représente le sujet
abordé à la surface de l’eau en indiquant avec une flèche qui ricoche que
mon interlocuteur n’en voit pas la pertinence ou n’écoute que
superficiellement. Sans une écoute active et une attention particulière, il ne
saisira pas les trois couches de la partie immergée de l’iceberg, où nous
trouvons les trois I :
• Information,
• Importance,
• Intention.
La figure 6.5 montre deux personnes partageant toutes les informations
qu’elles possèdent, ouvertes et complètement à l’écoute de l’autre.

Figure 6. 5 – Les Icebergs de l’Information dans une conversation partagée

Une variante peut être utilisée dans un contexte commercial ou


d’entreprise (figure 6.6). On y met de nouveau en avant l’importance de son
sujet clairement. Dans cet exemple, un jeune manager a peu de temps pour
faire sa présentation lors d’une réunion du conseil d’administration. En
partant du haut, il doit alors commencer par : 1) une proposition réfléchie
qui attirera l’attention de tous, tout en rendant très clair ; 2) le projet
derrière sa proposition avec le sens qu’il lui donne ; 3) la Preuve, des
comparaisons et des témoignages recueillis nécessaire pour valider sa
proposition et la valoriser ; 4) les Pénalités auxquelles l’entreprise pourrait
devoir faire face si elle ne valide pas la proposition.
Figure 6. 6 – L’Iceberg en entreprise

Les trois flèches de réponse en haut indiquent que la proposition est


complètement entendue (flèche droite), que le sujet est dirigé vers d’autres
problèmes (flèche vers le haut), ou qu’une autre personne occupe tout le
temps disponible pour lui-même (flèche inversée). Ces diversions peuvent
se produire en réponse à une proposition faiblarde, à un employé peu
charismatique, à un faible leadership ou lorsque plusieurs projets se font
concurrence au même moment.

Les Icebergs du Triangle Compassionnel

J’ai très vite imaginé le schéma d’un Triangle Compassionnel flottant


comme un iceberg en me basant encore une fois sur l’idée que les trois rôles
sont toujours présents dans une certaine mesure. J’ai changé les positions P,
S et V pour que le rôle du Persécuteur apparaisse au-dessus de la surface,
sans parenthèses, car c’est la situation la plus courante, mais n’importe
lequel des trois rôles peut être placé sur le sommet visible en fonction de la
personne et de la situation. Puisque les autres rôles sont cachés sous la
surface (entre parenthèses), ils courent le risque de ne pas être perçus à
moins que l’on utilise ma théorie.

Figure 6. 7 – L’Iceberg du Triangle Compassionnel


Reprenons l’exemple du patron qui réprimande son assistante Helen et
dont le rôle du Persécuteur est facilement identifiable et analysons-le avec
une version de mon Triangle Compassionnel où les deux personnes cachent
leurs intentions (figure 6.8). Il s’agit d’un diagramme de deux personnes
dans un jeu d’écoute dont les intentions ont vraiment besoin d’être
clarifiées. Les triangles ne sont utilisés que lorsqu’il y a un jeu à analyser.

Figure 6. 8 – Les Icebergs jumeaux du Triangle Compassionnel :


Toutes les intentions sont cachées (entre parenthèses)

L’objectif du Triangle Compassionnel est de percevoir l’autre en profondeur avec


les trois facettes de ses motivations.

Ajoutez à vos bonnes habitudes le réflexe compassionnel

On n’insiste jamais assez sur les bénéfices de la compassion dans notre vie
quotidienne. Nous pouvons tous l’utiliser comme une solution instantanée à
un conflit ou une subite mauvaise humeur.

Un homme et sa femme sont au restaurant

Ils se sont disputés au sujet de l’éducation de leur fils pendant un certain


temps et la discussion est devenue tellement intense qu’ils sont restés
silencieux pendant un moment, sans vraiment savoir quoi ajouter.
Maintenant, elle se sent bouleversée et, lui, comme un garçon, il boude.
Soudain, elle perd son sang-froid et crie : Tu ne peux pas arrêter de
parler comme ça et rester dans ton coin en silence, complètement
hébété ! Arrête ton cirque et parle-moi.
Abasourdi, il prend alors une grande inspiration, il a intégré le Reflexe
Compassionnel et voilà ce qu’il lui répond :
Chérie, ce que je vois ici, c’est que (en tant que Persécuteur) tu as été
très brusque envers moi et ça va, je comprends pourquoi tu as agi comme
ça, (en tant que Victime) tu étais sous pression par ma faute et j’en suis
désolé, et (en tant que Sauveur) tu essayais juste d’empêcher que la
situation ne s’aggrave.

Les gens sont soulagés lorsque nous passons en mode compassionnel et


exprimons explicitement les trois coins OK du triangle avec eux. Les trois
aspects de leurs ressentis sont évoqués. Les trois ! Wahou ! Un vrai cadeau !
Quand l’humeur me prend, j’appelle ça « L’opéra de trois sons ».
Les avantages à devenir un chanteur d’Opéra de trois sons :
• Lorsque vous vous concentrez sur les autres, vous vous concentrez
moins sur vous-même. Cela peut vous aider à ne pas tout ramener à
soi.
• Vous en déduirez moins souvent que vous avez reçu un commentaire
négatif sans en vérifier la valeur.
• Vous serez moins parano ou sur la défensive, vous serez plus cool.
• Vous serez plus intéressant car plus riche en points de vue que les
autres.
• Vous saisirez mieux la nature humaine.
• Lorsque vous connaîtrez votre partenaire sous ces trois angles, vous
serez plus détendu dans votre relation et vous vous accorderez
mutuellement plus de confiance.
• Votre nouvelle flexibilité ouvrira également des portes dans d’autres
domaines.
• Vous aiderez les gens à sortir de leurs pensées négatives. Vous pourrez
alors leur venir en aide.
• Lorsque vous devrez gérer la négativité des autres, trouver leurs trois
motivations OK vous donnera trois nouvelles options pour gérer la
situation.
• Vous avez maintenant aussi trois façons de vous pardonner.
• Les gens prennent des cours en psychologie. Vous n’en avez pas besoin.
• Vous augmenterez votre l’estime de vous-même en augmentant l’estime
de l’autre.
• Si vous créez un espace positif pour les autres, ils vous créeront un
espace positif.
• Vous atteignez la maturité plus rapidement.
• Votre avis devient passionnant.
• Vous serez un orateur et un interlocuteur plus intéressant avec des
points de vue originaux à introduire au sein d’une conversation.
• Vous éviterez les disputes.
• Vous voyez des possibilités de vivre des jours heureux avec les autres.
Et j’en oublie sûrement…

TROIS NIVEAUX D’ÉVALUATION DE LA QUALITÉ


DE L’ÉCOUTE

Comme nous venons de le voir, une mauvaise écoute est souvent l’origine
de malentendus et de conflits. Cela peut parfois déclencher un jeu et un
nouveau Triangle Dramatique. Dans les ateliers que je mène, je propose
régulièrement de travailler sur ce sujet en utilisant des échelles d’écoute qui
offrent aux participants la possibilité de mesurer leur qualité d’écoute sur
une échelle de 0 à 100 %. C’est un bon moyen d’identifier nos lacunes en
matière d’écoute et les types d’erreurs que nous commettons.
Par exemple, les participants qui acceptent de faire évaluer leurs
compétences d’écoute vont apprendre à quel point ils comprennent ce qui
est dit ou à quel point ils ont montré de la résistance.
Nous ressentons tous intuitivement la qualité de l’écoute de l’autre.
S’entraîner à donner des feed-back à ce sujet peut permettre à quelqu’un de
gagner en assurance et à plus se fier à son intuition ainsi qu’en sa capacité à
déchiffrer ce qui se passe en temps réel. Avec de l’entraînement, l’intuition
devient une seconde nature et permet d’éviter les erreurs de communication.
Et, si cela se produit, le fait d’avoir fait les exercices en ateliers de
formation est d’une aide considérable.
Nous savons déjà il est important de se rappeler qu’une partie importante
de l’information donnée par quelqu’un est immergée sous l’iceberg. Il est
alors plus facile d’accepter que nous n’avons peut-être pas saisi là où
l’interlocuteur voulait en venir, qu’il y a peut-être des informations
importantes à creuser.

Exemple

Un formateur vient de superviser Christopher dans un exercice en


groupe. À la fin de l’exercice, le formateur et les observateurs du groupe
font leur feed-back, mais il semble que Christopher ne prête pas attention
à ce qui se dit. Il semble beaucoup plus enclin à justifier ses choix dans
l’exercice et passe son temps à interrompre les feed-back avec des
phrases défensives commençant par « Oui, mais… ».

À ce stade, vous pouvez proposer un exercice dans l’exercice et proposer


l’observation des échelles d’écoute. Demandez aux personnes qui ont offert
des feed-back si elles se sont intuitivement senties écoutées ou non.
Demandez-leur de mettre un X sur l’une des échelles d’écoute de
Christopher.

Figure 6. 9 – Un groupe de 5 personnes donnant un mauvais score


sur une échelle d’écoute intuitive

Les questions que vous pouvez poser ici sont :


• Comment Christopher vous a-t-il écouté lors de vos feed-back ?
• Que pensez-vous qu’il utilisera, parmi ce que vous lui avez suggéré,
dans les prochains jours ?
Cette confrontation positive est censée avoir un effet de choc et l’aider à
prendre conscience de la situation, afin de susciter un désir de changement.
Si vous travaillez plusieurs fois avec le même groupe, vous pouvez répéter
l’exercice et leur montrer leurs progrès au niveau de leurs compétences
d’écoute.
Les trois échelles d’écoute

La principale échelle d’évaluation est divisée en trois lectures intuitives de


l’écoute qui sont une aide précieuse pour savoir si nous sommes écoutés ou
non dans nos échanges avec d’autres.

Figure 6. 10 – Les échelles d’écoute

Le but de ces trois échelles est de quantifier et déterminer à quel point


une personne :
• est attentive : elle montre que c’est intéressant pour elle, qu’elle
questionne et explore l’iceberg ;
• est attentionnée : elle écoute la personne qui parle et tient compte de qui
elle est, ce qu’elle ressent ;
• veut sincèrement utiliser le feed-back ou l’information, elle se montre
prête à changer quelque chose.

Les trois échelles de l’orateur

À tout cela, nous pouvons ajouter trois échelles de plus de 0 à 100 % pour
évaluer la capacité d’un orateur à présenter un sujet de manière à ce que les
gens aient envie d’en parler :
• le niveau d’attentes générées par sa présentation,
• le niveau de satisfaction de son auditoire,
• le niveau de qualité de sa présentation.
On peut utiliser les échelles linéaires semblables à celles de la figure 6.10
ci-dessus. Par exemple, le jeune manager qui donne une présentation pour
la première fois lors d’une réunion d’affaires peut avoir des attentes initiales
telles que connaître un grand succès à 90 %, mais peut ne pas l’obtenir,
cette satisfaction s’élevant par exemple à seulement 40 %. Plus tard, il
pourra réaliser que ses compétences pour la présentation étaient en fait de
30 %.

Les deux échelles situationnelles

Dans les situations sociales, nous pouvons ajouter deux autres échelles elles
aussi évaluées sur une base de 0 à 100 % :
• l’échelle de difficulté évaluant la complexité et l’inconfort qu’apportent
le sujet discuté et son contenu ;
• l’échelle contextuelle évaluant à quel point le contexte et
l’environnement choisis sont propices à la conversation en cours.
Par exemple, le jeune manager pourrait vouloir faire un feed-back à son
patron sous forme de critique frontale lors d’une réunion qui était
uniquement dédiée à la discussion des finances, au moment où tout le
monde s’apprête à quitter la salle alors que la réunion a été plus longue que
prévu. Dans cet exemple, la difficulté du sujet est proche de 100 % et la
difficulté de la situation est proche de 100 %. En évoquant ce sujet à ce
moment, les chances de réussite sont inexistantes.

LES CERCLES DE SOUTIEN

Il s’agit d’un exercice très populaire en atelier de formation où je mets en


place de petits groupes de travail de quatre personnes. Une personne
discute, avec trois participants qui jouent le rôle de coachs, un problème
(PR) qu’elle veut résoudre. Elle reçoit à la fin de la séquence des feed-back
sur ses compétences d’écoute de la part des trois coachs improvisés.
Chacun de ces coachs est missionné sur un type de feed-back spécifique :
l’un d’entre eux donne un feed-back et des conseils liés aux ressentis (R),
un autre donnera un feed-back et des conseils d’Action (A), et le troisième
donnera un feed-back et des conseils de Pensée (analyse et réflexions) dans
n’importe quel ordre. Un observateur peut être ajouté pour surveiller le
respect des règles de l’exercice.

Figure 6. 11 – Les cercles de soutien de l’écoute

Chaque participant a reçu quatre feuilles d’évaluation imprimées avec les


six échelles d’écoute à remplir. Les étapes du processus sont écrites sur un
paper-board pour plus de clarté :
Étape 1. Celui qui présente le problème le fait de façon aussi complète
que possible en gardant en tête l’Iceberg pour s’assurer qu’il couvre les
quatre niveaux – puis il doit rester silencieux pendant que les trois
évaluations sont en cours.
Étape 2 Les rôles des trois coachs improvisés sont :
• d’écouter l’orateur présenter son problème et lui donner des réponses et
feed-back utiles, strictement dans les limites de leur rôle R, A ou P ;
• d’évaluer intuitivement les trois échelles de l’écoute de leur coaché sur
leur feuille de travail.
• de noter, si possible, quelques exemples qui justifient leur évaluation.
Étape 3. Chaque coach remet la feuille d’évaluation à l’orateur qui la
conserve et prend une minute pour autoévaluer sa présentation sur les trois
échelles de l’orateur.
Étape 4. Les coachs évoquent leurs observations sur le respect du rôle de
du premier coach dans l’exercice.
Étape 5. Puis chaque coach, l’un après l’autre, donnent leurs feed-back à
l’orateur et leur collègue comme les étapes 2 et 3 ci-dessus.
Étape 6. Une nouvelle personne prend le rôle de l’orateur afin que tous
puissent travailler chaque rôle. En donnant les trois types de feed-back, ils
apprennent à présenter correctement un problème et à écouter trois types de
feed-back différents. Ils développent ainsi leur sens de l’observation intuitif
et apprennent à détecter lorsque la communication entre deux personnes est
en danger.
Chacun est amené à s’entraîner et évaluer s’il est capable de donner des
feed-back utiles. Certains peuvent découvrir, par exemple, qu’ils ne sont pas
vraiment capables d’apporter un soutien émotionnel de qualité. D’autres
peuvent comprendre qu’ils ne parviennent qu’à fournir ce soutien
émotionnel mais sont réticents ou inefficaces à apporter un soutien d’Action
ou de Pensée. À la fin de l’exercice, les participants font parfois un « RAP-
o-gram », classement sommaire sur un graphique à barres des feed-back du
premier au troisième qu’ils ont traité le mieux.

LES OPTIONS : UN OUTIL DE RÉSOLUTION


DE CONFLIT RAPIDE QUI PERMET D’AVOIR
DES RELATIONS SAINES

L’expérience nous a montré qu’entrer dans un jeu est plus facile qu’une
bonne communication. Les exemples et les anecdotes que nous avons vus
vous ont peut-être rappelé des situations que vous avez vécues. Avez-vous
remarqué combien il est facile de se sentir menacé, confus et impuissant
face aux jeux et aux joueurs du triangle ?
Il existe donc cinq options pour continuer à vous exprimer tout en restant
en dehors du triangle.
Mon article sur les Options (Karpman 1971) m’a permis de remporter
mon deuxième prix scientifique Eric Berne1. Le premier était pour le
Triangle Dramatique.
Les cinq options sont cinq points de vue à notre disposition pour analyser
n’importe quelle situation dans la vie. Ils proviennent de chacun des cinq
principaux États du Moi, les cinq aspects de personnalité observés en
Analyse Transactionnelle :
• le Parent Critique PC,
• le Parent Nourricier PN,
• l’Adulte A,
• l’Enfant Libre EL,
• l’Enfant Adapté EA.
Que dirait mon Parent Critique positif au sujet d’une situation de conflit ?
Est-ce que mon Parent Nourricier a une proposition pour élégamment le
régler ? Que dit mon Adulte ? Qu’en est-il de mon Enfant Adapté ? Et si je
rendais visite à mon Enfant Libre, qu’est-ce qu’il aurait envie de faire ?
Devrais-je essayer de changer l’autre personne ? Non. Pour ça j’aurais
besoin d’un contrat de changement et d’une demande de sa part. Bref j’ai
bien 5 options issues chacune d’un des États du Moi.
Apprenons à faire cet exercice aussi souvent que possible. Dans des
situations simples d’abord, puis de plus en plus complexes.

VOUS ET VOS ÉTATS DU MOI

En Analyse Transactionnelle, nous observons cinq états d’esprit disponibles


à tout moment pour communiquer avec les autres et avec soi-même, ainsi
que pour percevoir le monde. Ces états d’esprit s’appellent États du Moi.
Ce sont les clés de l’Analyse Transactionnelle et, bien qu’il ne s’agisse pas
d’un manuel d’AT, je vais vous présenter ces cinq dimensions de la
personnalité car elles vous aideront à gérer les conflits lorsqu’ils se
produiront.
Lorsque nous subissons une attaque comme « Tu n’es vraiment qu’un
imbécile ! Pourquoi n’utilises-tu jamais ton cerveau ? – Ah, oui, je sais :
c’est parce que tu n’as qu’un seul neurone ! », nous disposons d’un indice
fantastique que l’attaquant est particulièrement sensible à l’intelligence
intellectuelle, c’est donc par-là qu’elle tente d’entrer dans le triangle.
Si, nous entendions plutôt : « Tu es vraiment insensible à mes besoins. Tu
n’as pas de cœur. Je souffre à côté de toi et tu continues comme si de rien
n’était. Tu es vraiment un monstre égoïste ! », il est clair que le thème de la
communication de notre belligérant est au niveau de l’affection et des
émotions.
J’ai observé que savoir et reconnaître l’État du Moi actif au moment d’un
Triangle Dramatique permet de gérer la situation de manière plus fine et
plus subtile.
Je peux alors répondre en utilisant à la fois le Triangle Compassionnel et
les États du Moi. J’ai donc 5 nouvelles options de réponse qui seraient
comme 5 variations du même thème musical, chacune modulable de façon
compassionnelle sur le PSV du triangle.
Prenons la personne qui me dit que je suis un imbécile avec un seul
neurone. Depuis le Triangle Compassionnel, je peux analyser les trois
rôles : Il m’insulte (P) ; il pense que de cette façon il m’aide à mieux
comprendre (S) ; il se sent impuissant devant mon imbécilité (V).
Je peux m’adresser à lui en disant que je comprends ce qu’il me dit, et
que donc mon intelligence n’est pas à remettre en question (P+). Que je
comprends qu’il essaie de m’aider et que nous pouvons en parler comme
des adultes (S+). Que je vois l’erreur que j’ai faite et vais travailler dessus
(V+). Et pour finir, je vais lui dire que je vais l’écouter et atteindre mes
objectifs afin qu’il puisse atteindre les siens.
Dans cet exemple, je choisis une approche de communication
compassionnelle qui correspond à son État du Moi dominant, axé sur la
pensée et l’intelligence.
Ce que je ne lui dirais pas, parce que cela correspondrait plutôt à un état
d’esprit orienté vers l’affection et les émotions, serait :
« Je ressens beaucoup d’agressivité de ta part et je le vis mal (P+). Peux-
tu rester bienveillant dans tes demandes ? (S+). Nous sommes tous deux
touchés, toi par la colère et je le comprends, je suis blessé et j’ai besoin de
soutien (V+) ».
Dans ce contre-exemple, j’utilise le Triangle Compassionnel et pourtant
je cours le risque de ne pas être entendu à cause de la forme de mon
échange car je n’ai pas choisi la meilleure option de communication, le bon
point de vue, je ne parle pas sa langue. Mon processus était correct (mon
action) mais le contenu (mes mots) ne l’était pas.
Les États du Moi étaient à l’origine un outil d’auto-observation pour
identifier celui que nous utilisons le plus, quand et comment.
Les trois rôles du triangle sont tellement ancrés dans nos vies qu’il est
facile de se dire, pour lâcher l’affaire lors d’un conflit « Je n’ai pas le
choix ! Que voudrais-tu que je lui dise ? »
Et bien, il existe cinq options pour continuer à s’exprimer en dehors du
triangle – c’est-à-dire sans entrer dans le jeu. Lorsque nous sommes
confrontés à une situation de conflit où il nous semble évident que l’autre
personne ou un groupe de personne veut jouer, nous pouvons profiter d’un
moment de calme en retrait pour réfléchir à ces cinq options.

Figure 6. 12 – Le passage des États du Moi négatifs aux États


du Moi positifs

Les cinq États du Moi peuvent être utilisés de manière positive ou


négative. C’est un choix et une décision. La figure 6.12 montre une
personne qui évite un jeu en redirigeant son énergie négative vers des
utilisations positives.

Figure 6. 13 – Les options : deux personnes en transactions croisées

La figure 6.13 est le diagramme des Options (Karpman, 1971). Dans


cette illustration, le PC négatif a envoyé une insulte « Vous êtes un
imbécile » à l’EA qui aura sûrement répondu comme d’habitude par « Vous
avez raison. Je suis mauvais ». Mais dans le dessin, son Adulte est
intervenu pour éviter de se faire happer dans le jeu en répondant avec une
requête honnête « Analysons encore l’information que tu as ». Cela
s’appelle l’utilisation positive d’une transaction croisée.

Le Parent Critique, le siège de l’opinion, de l’engagement, du contrat


et du cadre

Le Parent Critique Positif est observé quand une personne endosse une
position de leader. « C’est ce que je suis. C’est ce en quoi je crois. C’est ce
que je veux et comment je veux le faire. Je suis votre guide. Je vais vous
emmener dans des endroits où personne ne vous a encore emmené. Suivez-
moi, je suis votre leader. »
Pouvez-vous vous lever et constater que votre leadership est accepté ?
C’est la personne qui a un plan qui nous dit où aller et comment. Si elle
montre de très grandes compétences de leadership, nous lui définissons un
Parent Critique ++.
Si vous êtes un bon Parent Critique, vous serez convaincant et un leader.
Si je dois m’améliorer en tant que Parent Critique, je dirais : « Quelles sont
les instructions ? Quelles sont les règles ? Ensuite, je donnerai mon avis et
montrerai mes compétences. »
En mode Parent Critique Négatif, il y a attaque de l’autre avec des
jugements et des menaces. « Tu n’as aucune valeur, tu es un idiot, c’est
comme ça et pas autrement ! » Si le patron active le mode parent critique
négatif, cela donne : « Vous n’êtes même pas capable de me suivre. Je ne
sais pas ce que vous fichez, mais je vous préviens, vous allez avoir affaire à
mon avocat ! »
Il peut y avoir une position neutre appelée « Parent Critique Nul ». C’est
quelqu’un qui ne montre aucun leadership, qui ne prend aucune
responsabilité. Il est indispensable de développer l’État du Moi PC+ pour
développer de l’assurance, du leadership et gagner du respect.

Une personne utilisant son État du Moi Parent Critique Positif sait canaliser son
énergie agressive vers un projet et du leadership.
Le Parent Nourricier dans la position de l’attention à l’autre,
du soutien, de la solidarité et de l’aide

Le Parent Nourricier Positif est observé quand quelqu’un offre un soutien


utile et qu’il est là pour d’autres si nécessaire. « Je suis là pour toi si tu as
besoin d’aide. J’ai apporté mes notes si tu en as besoin. J’ai découvert que
tu déménageais ce dimanche ; pour ce que ça vaut, j’habite à proximité si
tu as besoin d’un coup de main. »
Comment un patron peut-il utiliser son Parent Nourricier de manière
positive pour influer sur le moral des troupes ? Il va donner des signes de
reconnaissance, et les gens seront encouragés à davantage s’investir.
Certains patrons donnent trop peu de signes de reconnaissance parce
qu’ils croient que, s’ils font des compliments à leurs employés, ces derniers
en profiteront pour se reposer sur leurs lauriers. Ils pensent qu’ils ne
peuvent pas être trop « gentils » avec leurs collègues, car ces derniers seront
plus feignants par la suite.

Pas d’humeur aux BD

J’ai travaillé avec des chefs d’entreprises pendant 20 ans et j’ai vu toutes
sortes de choses.
Un jour, j’ai rencontré une équipe qui avait l’habitude de mettre des
bandes dessinées sur le tableau d’affichage à l’entrée pour rire. Le patron
est un jour entré dans la salle et les a déchirés. Il n’a pas saisi que c’était
bon pour le moral des troupes. Pour lui, s’amuser et se faire plaisir
signifiait ne pas travailler efficacement. L’équipe l’a mal pris.
L’atmosphère est devenue différente, puis le moral de l’équipe s’est
effondré.
Ce patron avait « zéro » comme Parent Nourricier.

Le Parent Nourricier Négatif est une manifestation de notre Sauveur. Il


maintient inconsciemment l’idée qu’il est obligé d’aider les autres parce
qu’ils sont incapables de fonctionner sans cette aide. Bref, il veut faire pour
les autres à leurs propres frais. « Tu sais, si je fais ça, c’est pour ton bien. Tu
comprendras quand tu seras plus grand. Laisse tomber, je vais le faire pour
toi, tu me fais pitié, tu ne peux pas gérer ça tout seul. »
Cette façon d’agir entretient aussi la présence de Victimes, fait barrage à
la créativité et au goût de l’effort. Au bout du compte, la personne qui a un
Parent Nourricier Négatif fort continue de penser qu’elle doit passer son
temps à se sacrifier pour les autres.
Alors, si un chef d’équipe doit savoir faire preuve d’un Parent Critique
Positif fort, il doit également savoir comment donner des signes de
reconnaissance de son Parent Nourricier Positif, offrant ainsi une source
d’énergie aux employés.

Une personne utilisant son État du Moi Parent Nourricier Positif est prête à offrir
son aide lorsqu’elle est demandée plutôt que de sauver toutes les supposées
Victimes.

L’Adulte, le siège de la pensée claire, de l’analyse et des faits

L’Adulte Positif est trouvé chez les personnes qui offrent de l’information
de façon compréhensible et qui s’efforcent d’analyser les situations
auxquelles elles font face en les filtrant par une réflexion basée sur un
raisonnement factuel. « Quelle est votre analyse sur ce sujet ? J’en ai
compté 8, il est possible que j’en ai raté un. Le dictionnaire donne la
définition suivante. ».
Il est également utilisé pour fournir les éléments nécessaires à ce que le
travail soit fait, ou pour le faire soi-même. L’adulte est un État du Moi, il ne
se réfère pas un adulte au sens propre du terme. Les gens de tout âge ont un
État du Moi Adulte.
Dans la littérature, il est parfois affirmé qu’il n’y a pas d’État du Moi
Adulte Négatif. Ce n’est pas vrai.
Je peux être en mode Adulte Négatif lorsque je donne trop peu
d’informations et que je laisse aux gens le soin de chercher par eux-mêmes,
en défendant l’idée qu’il leur appartient de chercher l’information.
Un Adulte « zéro » ne recueille aucune information à communiquer et ne
pose aucune question pour en savoir plus.
Il y a aussi « l’Adulte Exclusif », factuel et robotique, déconnecté des
émotions de ses autres États du Moi. Cela se manifeste par son incapacité à
voir une réalité que tout le monde voit ou en ne considérant pas les
émotions comme des éléments pertinents d’analyse.
Un Adulte sain posera des questions afin d’obtenir toutes les
informations requises au sein de l’Iceberg de l’information et transmettra
toute les informations dont les autres ont besoin pour une compréhension
complète des problèmes.
Lorsque nos collègues n’ont pas les informations nécessaires dans leur
entreprise, ils éprouvent des difficultés à évoluer et à s’améliorer. Ils
doivent développer leur Adulte eux-mêmes.
J’ai pris l’exemple du lieu de travail. Cela fonctionne également pour
toute personne qui souhaite mieux se connaître.

Une personne utilisant son État du Moi Adulte veut passer sa vie à apprendre
plutôt que d’avoir toutes les réponses et arrêter de grandir.

L’Enfant Libre, le siège des réactions spontanées et des émotions

L’Enfant Libre Positif est observé quand une personne exprime ses
émotions et ses désirs à mesure qu’elle les ressent, sans pour autant
déranger les autres. « Wow j’adore ça ! Beurk, je déteste ça ! Allez,
organisons une fête, j’adore ça ! J’ai une histoire vraiment drôle à te
raconter ! »
Quand les gens ont un Enfant Libre fort, on peut généralement le
remarquer très vite car leurs visages sont expressifs et marqués par ces
émotions joyeuses. Ils expriment ce qu’ils ressentent quand ils le ressentent,
ce qui libère des tensions plutôt que de les accumuler. Moins de timbres,
plus de rire et de bon sommeil !
L’Enfant Libre Négatif s’observe chez une personne qui ne cherche du
plaisir que pour lui-même et rejette toute forme de stress. Il est déconnecté
des informations Adulte nécessaires au sujet de son environnement ce qui
lui fait courir un risque. À être trop dans le plaisir, la personne en devient
désagréable. « Je fais ce que je veux et tant pis pour toi, je m’en fiche ! »
L’Enfant Libre « zéro » s’observe chez des créatures incapables
d’émotion et qui définissent l’humour comme M. Spock dans Star Trek
« L’humour… une forme rhétorique paradoxale produisant une réaction
incontrôlable du cerveau émotionnel appelé rire chez certaines
personnes ».
C’est l’exemple classique d’un homme qui n’a absolument aucun Enfant
Libre. Mais dans le cas de Spock, ne soyez pas trop dur avec lui car il n’est
pas humain, mais Vulcain ! Mais je vous le demande : aimeriez-vous passer
vos journées à Universal Studios à regarder des films de science-fiction ou
une comédie avec un Mr. Spock ?

Une personne utilisant son État du Moi Enfant Libre Positif est moins centrée sur
elle-même, est plus heureuse et de cette façon se fait plus d’amis.

L’Enfant Adapté, le siège de la flexibilité et de l’obéissance

L’Enfant Adapté Positif s’observe quand une personne accepte sans


problème les règles établies par les autres et propose des choses sans les
imposer. « OK, j’accepte vos conditions. Je vais faire comme vous le
suggérez ! Je changerai mes dates pour les faire correspondre aux
vôtres ! »
La flexibilité est la capacité à s’adapter si je dois répondre à des
demandes inhabituelles. Dans nos séminaires, par exemple, la flexibilité
consiste à se soumettre aux règles d’un nouvel exercice et à ne pas y
résister.
La manifestation de l’Enfant Adapté Négatif s’appelle la sur-
adaptation. La personne est d’une obéissance absolue, même si les règles ne
sont pas acceptables. Elle supportera des choses insupportables parce
qu’elle pense que c’est à elle de souffrir, et pas aux autres. L’Enfant Adapté
Négatif accumule des timbres à chaque fois qu’il est blessé, qu’il a peur, et
qu’il subit un racket de colère et démarre ensuite des jeux.
Imaginons que quelqu’un ait froid dans une pièce et se retourne vers son
voisin pour lui demander : « Tu n’as pas un peu froid ? », qui répond : « Eh
bien, non, bien au contraire ! Pourquoi, souhaitez-vous que l’on augmente
le chauffage ? ». L’Enfant Adapté Négatif répondra en se sur-adaptant :
« Non, non, ça va bien, ce n’est pas important ! » En réalité, il espère
secrètement que quelqu’un va le sauver et monter le chauffage. Et le
lendemain, il a mal à la gorge.
L’Enfant Adapté Négatif communique souvent par des rackets et fait des
demandes Victime → Sauveur.
Un manque d’Enfant Adapté Positif se manifesterait par de la rigidité
face à tout changement et un refus total de modifier les plans. « C’est
impossible que tu fasses une pizza sans fromage, ça ne peut pas
fonctionner ! »

Une personne utilisant l’État du Moi Enfant Adapté Positif apprend à jouer selon
les règles, et développe la patience ainsi qu’un sens du compromis au lieu de se
plaindre ou de résister inutilement.

Les États du Moi dans le triangle

Un jour, quelqu’un m’a demandé : « Dr Karpman, comment corrélez-vous


le Triangle Dramatique avec les État du Moi ? » Alors j’ai dessiné une
flèche descendant vers l’Enfant Adapté et partant du Parent Critique qui
assumait alors le rôle de Persécuteur.
« Tu es frigorifié ? Fait avec. On t’a dit d’apporter un pull. Tu ne l’as
pas fait, alors maintenant souffre en silence ! »
Le Parent Nourricier Négatif devenait alors le Sauveur de l’Enfant
Adapté, qui jouait à son tour le rôle de Victime.

Cinq Options pour parer aux jeux et renforcer vos États


du Moi Positifs

Options Parent Critique positif

Dans la situation qui nous concerne actuellement :


• Quels sont les aspects de cette situation qui sont en contradiction avec
nos valeurs ?
• Avons-nous un contrat de respect les uns avec les autres ? Le
respectons-nous ?
• Quels principes et règles avons-nous besoin de mettre dans notre
relation afin de bien fonctionner l’un avec l’autre ?
• Notre contrat est-il juste (gagnant-gagnant) ?

Options Parent Nourricier Positif

Dans la situation qui nous concerne actuellement :


• L’un d’entre nous a-t-il demandé de l’aide ?
• Est-ce que j’ai les moyens ou les compétences nécessaires pour t’aider ?
As-tu les moyens ou les compétences nécessaires pour m’aider ?
• Comment l’aide que nous proposons peut-elle améliorer la situation ?
• Trouvons un accord à mi-chemin entre nos deux demandes.

Options Adulte Positif

Dans la situation qui nous concerne actuellement :


• Quels sont les faits ? Qui a dit quoi ?
• Quels sont nos enjeux ? Qu’est-ce que chacun d’entre nous peut perdre
et gagner dans cette situation ?
• À qui pourrions-nous demander une autre analyse que la nôtre, parmi
nos proches ?
• Peut-on proposer des méthodes préventives pour que cette situation ne
se reproduise pas ?

Options Enfant Libre Positif

Dans la situation qui nous concerne actuellement :


• Sommes-nous libres d’être spontanés l’un avec l’autre ?
• Que pouvons-nous faire pour nous rendre plus heureux l’un l’autre ?
• Quels sont nos goûts et nos aversions à considérer ?
• Sommes-nous tous deux conscients de l’impact de nos sentiments sur la
situation ?

Options Enfant Adapté Positif

Dans la situation qui nous concerne actuellement :


• Mes concessions permettront-elles de faire avancer les choses ? Et les
tiennes ?
• Est-ce que je suis prêt à faire ces concessions sans regret ? Et toi ?
• Est-ce qu’il existe un risque que je te reproche plus tard certaines
choses que je t’aurai concédées ? Est-ce que tu cours ce risque ?
• Dois-je demander un avocat ? Avez-vous besoin d’un avocat ?
L’exercice à cinq options nous permet de nous entraîner à gérer toutes
sortes de situations complexes en nous rappelant que nous avons au moins
cinq autres choix que celui de se comporter comme une Victime, de vouloir
Sauver ou penser qu’il faut Persécuter.

CINQ CONTRATS DE CONFIANCE

Dans cette deuxième partie, nous avons beaucoup parlé de la façon dont les
États du Moi peuvent être des outils opérationnels pour résoudre les
conflits. Une question raisonnable serait de se demander s’il existe un
moyen d’éviter les conflits lorsque deux personnes vivent une relation
durable ?
J’ai imaginé une alternative à l’approche des options, un contrat que les
couples, les membres d’une famille, des collègues et même des amis
pourraient adopter tacitement ou explicitement. Je l’appelle les Cinq
Contrats de Confiance pour le Couple (Karpman 1979).
Chaque contrat dans le diagramme (figure 6.14) relie l’un des cinq États
du Moi Positifs pour qu’il soit partagé entre deux personnes. Nous pouvons
rendre nos relations plus constructives en établissant des contrats de
confiance, qui sont des contrats relationnels avec cinq clauses garantissant
la qualité et la durabilité de la relation.
Figure 6. 14 – Les cinq contrats de Confiance pour le Couple

À mesure que vous découvrez chacune de ces clauses, demandez-vous


lesquelles existent déjà dans vos propres relations affectives, familiales
amicales, ou dans votre environnement professionnel.

Le contrat de Non-Effondrement (Parent Critique +)

Les partenaires sont d’accord pour conserver un cadre de travail sain et des
normes personnelles qui excluent les effondrements tels que démissionner,
menacer de partir, casser les accords ou les règles établies, ou avoir des
revirements brutaux d’intégrité, de discipline, de faire courir des bruits qui
pollueraient le moral des autres. En somme, la clause de Non-Effondrement
énumère les règles intangibles acceptées qui doivent être suivies dans le
couple ou la relation. Dans le milieu professionnel il peut être appelé Le
Contrat de Stabilité.
Quand ce type de contrat n’existe pas, les gens peuvent dire : « Je suis
libre de faire ce que je veux et de prendre n’importe quelle décision. Je n’ai
pas à m’expliquer. »

Le contrat de Protection (Parent Nourricier +)

Les partenaires s’accordent pour s’épargner de l’inconfort et de l’anxiété


inutiles, la plupart du temps en anticipant les situations stressantes et en
donnant du soutien et des informations préventives. Chaque partenaire évite
à l’autre les déceptions liées au manque de tact, à la colère inutile, aux
blessures par inattention, en prenant en considération les points sensibles de
l’autre et en posant des limites.
Quand il n’y a pas ce type de contrat, les gens peuvent dire : « Tu n’as
qu’à t’occuper toi-même de tes problèmes, ici c’est chacun pour soi. On
n’est pas obligés de s’occuper les uns des autres. »

Le contrat d’Ouverture (Adulte +)

Les partenaires sont d’accord pour parler ensemble des problèmes de


manière ouverte, de préférence le jour même et non pas lorsqu’une situation
stressante se produit plus tard. La discussion sera dépourvue de
comportements condescendants, abrupts, secrets et évasifs qui bloquent la
communication.
En somme, les partenaires suivront les Trois Règles de d’Ouverture
(BIU, TIU, WIU) : Évoquons-le, Parlons-en, Bouclons.
Quand il n’y a pas de contrat, les gens peuvent dire : « Je n’ai pas à te
dire quoi que ce soit. Tu n’as qu’à apprendre à lire entre les lignes. »

Le contrat de Plaisir (Enfant Libre +)

Les partenaires se promettent de l’amusement et des surprises. Ont-ils droit


de faire ça ? Pourquoi pas ? Éric Berne a déclaré une fois : « L’Enfant est
l’État du Moi le plus important et les autres sont là pour le protéger ».
Votre partenaire souhaite sincèrement que vous soyez aussi heureux que
possible dans la vie. Vous êtes libre de laisser cours à vos sourires, vos
caresses et votre savoir. Avec des points bonus pour les bêtises, les blagues
et les farces. Offrez spontanément des compliments et des blagues. Cela
allège le quotidien. Profitez de la vie.
Le « non » est remplacé par un « oui, pourquoi pas ! ». Il est amusant de
ne pas avoir à discuter de tout. Soyez ludique et agréable à vivre. Rendez
une situation plus agréable en étant surprenant et imprévisible par moment.
Mais bien sûr, les partenaires peuvent aussi se détendre tranquillement et
passer un moment agréable et satisfaisant sans démonter la maison.
Sans ce contrat, les gens pourraient dire : « Ce n’est pas un problème si
nous trouvons notre amusement et nos plaisirs ailleurs que dans notre
relation. Ce n’est pas ma responsabilité que tu sois heureux, joyeux ou
bien. ».

Le contrat de Flexibilité (Enfant Adapté +)

Les partenaires acceptent de capituler de temps en temps de manière


spontanée dans un conflit, même s’ils savent tous les deux qu’ils ont raison.
Ils n’ont pas besoin de gagner plus que 50 % des conflits. Ils iront parfois
dans le sens de l’autre dans le simple but de préserver la paix. En somme,
l’idée ici est d’accepter de lâcher l’affaire de temps à temps, chacun son
tour.
Quand il n’y a pas de contrat, les gens peuvent dire sur un ton ironique :
« Il semble que nous n’ayons pas la même vision des choses, c’est la vie. Je
ne changerai pas ma position pour autant. »

Que se passe-t-il lorsque les contrats sont rompus ?

Parlons de contrats rompus et de comment ils peuvent se décomposer un à


un avec un déclencheur unique. Prenons le contrat de Flexibilité de l’EA où
l’un des deux partenaires accepte de s’adapter aux normes de la société en
ne causant pas de scènes embarrassantes en public. Dans le cas contraire, un
ou plusieurs contrats à la fois pourraient être rompus. Par exemple,
imaginons une scène d’embarras public ou de dispute où sont hurlées des
informations personnelles aux oreilles de tous. Les cinq contrats peuvent
être rompus à la fois. Par exemple, si une personne sous stress commence à
crier soudainement en menaçant de quitter l’autre, la menace enfreint le
contrat de Non-Effondrement et le stress rompt à la fois le contrat de
Protection et le contrat de Plaisir. L’échange équitable d’informations ne
peut plus continuer pour résoudre le problème, de sorte que le contrat
d’Ouverture est rompu lui aussi. La nécessité de gagner chaque point rompt
le contrat de Flexibilité. Cependant, la prochaine étape devrait être de faire
une pause, et d’aller à une résolution avec compassion en appliquant les
règles de ce livre et en rétablissant les cinq contrats de confiance.
À l’inverse, si une relation est totalement endommagée, nous pourrions
retourner en arrière et observer une par une chaque clause du contrat pour
identifier quand et comment il a été rompu. Ceci aidera à reconstruire la
confiance qui a pu se désagréger au fil du temps.
Peut-être que cela a commencé lorsque les rancunes ont été étouffées et
très vite le plaisir de vivre ou de travailler avec la personne a disparu. Si, à
partir de ce moment, il y a un refus à chercher de l’aide, cela rompt le
contrat de Flexibilité et il n’y a plus de contrat d’Ouverture. À la suite de
quoi, le sentiment de gêne non résolue casse le contrat de Protection et
aggrave la rupture du contrat de Plaisir. Mais en toute bonne foi, au cours
de séances de thérapie, ces ruptures de contrats peuvent être réparées une
par une, dans le même ordre qu’elles ont été rompues. Certains couples font
ça mieux que d’autres, c’est vrai.
Quand je parle de ces cinq contrats avec mes patients, j’ai découvert que,
une fois qu’ils sont chez eux, ils discutent pour la première fois de petites
choses et de choses importantes qu’ils n’avaient jamais mentionnées à leurs
proches. Cependant, afin de pouvoir aborder des thèmes intimes, il faut
aussi développer des compétences d’ouverture. Voici les notions de bases
de l’ouverture appliquée à la qualité de la relation et menant à l’intimité
entre les personnes.

SE SENTIR ÉCOUTÉ :
L’OUVERTURE AUTHENTIQUE EN BREF

Peu importe le conflit du Triangle Dramatique ou la situation, faites savoir à vos


interlocuteurs que vous les écoutez. Aidez-les à se sentir entendus en utilisant
les PSV positifs :
➣ P+ : Assumez la responsabilité de vos actions.
➣ S+ : Remerciez pour l’aide proposée.
➣ V+ : Exprimez vos émotions et donnez de la sympathie.
Et souvenez-vous du Triangle Dramatique et de ses fonctions PSV négatives qui
empêchent les gens d’être entendus, maintiennent les drames et empêchent les
problèmes d’être résolus.
7

LES TROIS RÈGLES D’OUVERTURE POUR


DES RELATIONS SAINES ET FIABLES

Évoque-le ! Parlons-en ! Bouclons !

RÈGLE 1 – ÉVOQUE-LE !

ABCDEF – Faire semblant d’évoquer les choses

Il n’est pas facile d’aborder les sujets intimes ou douloureux. Les souvenirs
d’enfance, la timidité, les craintes que ces sujets ne mènent à rien, ou la
peur des représailles sont de bonnes raisons d’éviter de les aborder. Parfois,
nous préférons éviter d’en parler parce que nous savons très bien quelles
ont été nos erreurs et où est notre part de responsabilité. Et puis, certaines
personnes sont convaincues qu’elles peuvent très bien réussir à régler le
problème toutes seules, alors elles prennent leur temps pour y réfléchir tout
en espérant que quelqu’un d’autre lira dans leurs pensées et abordera le
sujet à leur place. Là encore, les trois rôles sont joués en même temps : la
Victime attend que le Sauveur soulève le problème pour lui, le Sauveur
pense qu’il évite un moment difficile pour l’autre et, enfin, le Persécuteur
prive l’autre d’une discussion saine et utile. Les trois rôles sont toujours
présents simultanément dans le Triangle Compassionnel.
Et puis, c’est vrai, certaines personnes parviennent à aborder les sujets
délicats mieux que d’autres. Peut-être parce qu’elles se donnent la
permission de soulever des problèmes que personne d’autre n’oserait
aborder. Peut-être qu’elles ont des compétences spéciales.
D’autres en revanche répondent aux trois règles de l’emmerdement
maximal : N’en parle pas et rumine, Explose au pire moment, Ramasse les
morceaux qui restent !
De toute façon, lorsque des sujets sensibles sont évoqués, il faut
s’attendre à des divergences d’interprétations, de la peur et de la colère
entre les protagonistes. Et il est vrai que la gestion de ce genre d’échange
nécessite des compétences de communication spécifiques.
Dans le milieu professionnel, ne pas parler d’un sujet sensible à temps
peut coûter cher à l’entreprise. Combien de fois une situation a dégénéré
parce que les membres de l’équipe n’ont pas osé parler à leur responsable
de quelque chose qui n’allait pas ? Peut-être que leurs peurs sont justifiées
parce qu’ils ont en mémoire une expérience négative lorsqu’un membre de
l’équipe a abordé un problème et a été puni. Dans certaines entreprises,
vous entendez des choses décourageantes comme : « Celui qui soulève le
problème devient le problème ! » ou « Le clou qui sort du mur sera
martelé ». Avec ce genre de règles menaçantes, n’importe qui réfléchirait à
deux fois avant d’évoquer un problème, non ? À la maison, il se peut que
vous n’ayez pas envie d’évoquer le sujet de peur que de devoir faire face à
des opinions divergentes aussi.
Il existe également une réponse populaire chez les managers, qui est :
« Ne me venez pas me voir avec vos problèmes ; venez avec des
solutions ! ». Certains patrons trouvent très chic d’asséner cette phrase dans
leur bureau à quiconque viendrait avec l’intention d’aborder un problème à
régler. Si nous considérons cette phrase en termes compassionnels, nous
voyons clairement un côté intimidant (Persécuteur) ; mais nous pouvons
comprendre aussi que ce manager estime qu’il est régulièrement harcelé par
des questions sans réponse (Victime) et essaie de se protéger lui-même et
son équipe d’une avalanche de problèmes sans solution (Sauveur).
J’ai souvent observé cette situation au sein des familles. Les secrets sont
bien gardés et ne sont pas révélés par peur des conséquences qui pourraient
être encore pires que le secret en lui-même. C’est cette sœur aînée qui
m’avoue qu’elle hésite toujours à se plaindre de ses frères à sa mère : « Si
j’en parle, maman les frappera ! » Idéalement, nous devrions pouvoir
discuter des sujets douloureux, et y compris des erreurs commises par l’un
ou par l’autre, de sorte que quiconque puisse arranger la situation en en
discutant. Parfois, quelqu’un va mettre les pieds dans le plat et évoquer le
sujet de la « pire manière possible » ce qui empêche alors immédiatement
toute discussion. J’ai identifié une séquence de six manières différentes
d’aborder les problèmes et les sujets délicats, en utilisant les lettres
majuscules « ABCDEF » pour rendre plus facile leur mémorisation. Ces six
lettres sont en référence aux six façons d’éviter d’aborder vraiment un sujet
délicat et sont organisées de la façon la plus inacceptable à la plus timide,
c’est-à-dire jusqu’au point où un sujet devient facilement évitable.

A pour Accusation

Aborder un problème de relation avec des phrases comme « Tu n’as jamais


de temps pour moi. Tu n’es rien qu’un égoïste ! » revient à commencer par
accuser l’autre personne. C’est la meilleure façon de la mettre sur la
défensive dès le début de la conversation.
C’est une entrée Persécuteur.

B pour Brusque

Un cran sous le niveau « Accusatoire » consiste à évoquer le problème de


manière un peu trop soudaine, brusque. Même si cela est déjà plus
acceptable que l’accusation, ça risque de bloquer le début de la discussion.
Imaginez cette situation : « Bon Maintenant, tu t’assoies et tu écoutes ce
que j’ai à te dire » ou, brusquement : « Cette robe te grossit les fesses ! »
Nous pouvons être dans le cas d’une entrée en Persécuteur par une
Victime insatisfaite qui déguise sa démarche en Sauvetage utile. Et dans
tous les cas, c’est une méthode qui ne vient en aide à personne et qui est
contre-productive.

C pour Considération
Prendre en considération la sensibilité de l’autre personne et montrer son
empathie est certainement la façon la plus efficace pour aborder un sujet
délicat. Dans la série ABCDEF, la considération est le point d’équilibre
parfait. Avant ce point, c’est la dureté qui prédomine ; après ce point, nous
entrons dans une douceur et une prudence parfois excessives.

D pour Déférent

Bien sûr, faire preuve de politesse et de respect est important pour aborder
n’importe quel sujet, mais il nous faut éviter de pousser jusqu’à
l’exagération et couler dans un océan de protocole. Le D se manifesterait
par exemple de cette façon : « Je suis désolée de vous déranger ; si ça ne
vous demande pas trop de temps, auriez-vous un moment à m’accorder
pour que nous puissions peut-être discuter ! »
C’est une entrée en Sauveur au mieux. Elle pourrait être perçue comme
un excès de tentative de sauvetage et être par conséquent traitée comme
condescendante.

E pour Évasive

En restant évasif, nous prenons de la distance par rapport à la question


principale, en tournant autour du pot, et en espérant que l’autre comprendra
de quoi il s’agit. Or c’est souvent l’inverse qui se produit. Votre
interlocuteur a alors deux choix : soit il joue à ne pas comprendre ce dont
nous parlons, soit il peut s’agacer de notre approche indirecte.
C’est probablement une entrée en Victime.

F pour Faillir

Le sujet ici est tout juste évoqué par le biais d’une allusion si timide que
l’autre personne ne peut pas la comprendre – ce qui est bien sûr une bonne
façon pour ne pas évoquer les problèmes !
C’est une entrée en Persécuteur, en Sauveur ou en Victime en fonction de
la raison pour laquelle cette méthode est utilisée :
• Ai-je vraiment envie de vous parler et en valez-vous la peine (P–) ?
• Devrais-je vous protéger d’une vérité que vous ne pouviez pas gérer
(S–) ?
• Est-ce que je me sens impuissant à ce sujet (V–) ?
Dans mes ateliers professionnels, ou lorsque je travaille avec des couples,
je leur propose de pratiquer ces six méthodes pour d’aborder un sujet
délicat afin que les partenaires réalisent les degrés d’efficacité respectifs de
cet abécédaire ABCDEF.
Ils se donnent chacun leurs feed-back et en discutent. Puis, je leur
demande de pratiquer le C et de prendre en compte à la fois le sujet, la
sensibilité du partenaire vis-à-vis de ce sujet et le moment choisi. Les
partenaires peuvent nommer quelque chose « sujet A » qui correspondrait
au sujet le plus facile à discuter et un autre sujet « sujet Z » qui serai le plus
difficile à discuter.
Prenons un exemple pour illustrer cette idée avec deux partenaires.
Imaginez que l’un des deux commence avec la méthode Accusation pour
aborder un sujet sensible pendant que l’autre commence par la méthode
Faillir, prêt à échouer avec des allusions subtiles. Si les deux partenaires se
sont entraînés pendant des ateliers ou en thérapie, ils seront conscients de
l’inefficacité de leur stratégie et peuvent alors décider ensemble d’aborder
la question en adoptant une considération mutuelle et un passage à (C).

Figure 7. 1 – Un compromis respectueux

Bien sûr, les discussions peuvent se déplacer sur l’échelle ABCDEF.


Même si une personne commence par F = Faillir, cela peut être géré et
amené progressivement vers C = Considération. Mais si quelque chose
dégénère plus tard, une régression vers A est toujours possible et une
dispute commence. La séquence des ajustements peut être tracée et
numérotée.
Figure 7. 2 – Une conversation en détérioration

Cet exercice nous permet également de réaliser ce que cela signifie pour
chacun d’entre nous de trouver l’énergie pour traiter des sujets difficiles. Se
dire les choses les uns aux autres, en discuter en profondeur, tout appelle à
une proximité avec l’autre personne qui doit être acceptée. Ce que nous
appelons l’intimité sans jeu dans l’Analyse Transactionnelle est cette
capacité à partager nos expériences intérieures mutuellement, qui diffèrent
pour chaque individu et où ils en sont dans leur vie.
C’est pourquoi je voudrais présenter un outil pour mesurer le degré
d’intimité avec lequel deux personnes traitent de sujets. Je l’appelle
« l’Échelle d’Intimité » (Karpman 2010).

L’Échelle d’Intimité : devenez intéressant !

La théorie de l’intimité concerne l’amélioration des relations ainsi que la


clarification des stratégies permettant de résoudre les difficultés lors des
discussions, mais définit également les mécanismes de défense sociale qui
bloquent l’intimité.
Cette échelle est un de mes concepts originaux en Analyse
Transactionnelle, représentée par un diagramme qui peut répondre à des
questions vieilles comme Hérode, telles que :
• Pourquoi certaines personnes sont-elles incapables d’avoir une
discussion constructive qui enrichit leurs relations ?
• Pourquoi d’autres les ont-elles facilement ?
Elle est utilisée pour évaluer les sujets discutés entre deux personnes pour
voir ce qui invite l’intérêt et l’intimité et ce qui les aura rendues moins
probables. Ensuite, l’art de créer de l’intimité peut être enseigné et pratiqué.
Donc, s’entraîner à utiliser l’Échelle d’Intimité, signifie apprendre,
pratiquer et consolider nos compétences dans l’art d’avoir des discussions
intéressantes sur des sujets importants.
Mieux encore, nous pouvons également l’utiliser pour apprendre à passer
du soliloque à une discussion intéressante avec quelqu’un d’autre puis –
pourquoi pas ? – à une relation amicale. Si les gens le souhaitent, ils
peuvent alors développer de l’intimité et réapprendre à se dire
progressivement des choses personnelles et augmenter la confiance.
Certaines personnes sont vraiment timides et peinent à se sentir proches
et intimes avec les autres. Cela peut être résolu en utilisant les outils dont
nous parlons ici. Parfois, les raisons de cette incapacité à l’intimité sont plus
profondes. Il peut s’agir d’un scénario de vie inconscient ou d’un problème
d’estime de soi, qui doivent être traités en psychothérapie. Il suffira
d’écouter le développement d’une discussion entre deux personnes sur cette
échelle pour comprendre le degré de proximité qu’elles veulent avoir entre
elles. L’échelle varie de zéro pour cent, ce qui est l’isolement, à cent pour
cent, qui correspond au maximum d’intimité.

Figure 7. 3 – L’Échelle d’Intimité

L’échelle est divisée en cinq niveaux de discussion, des sujets les moins
intimes aux sujets les plus intimes, avec une graduation de 20 %. Bien sûr,
il n’y a aucune obligation d’atteindre l’intimité. Parfois, les gens sont très
heureux de se retrouver à n’importe lequel de ces niveaux, et de parler d’un
sujet qu’ils ont choisi.
Voyons ce que signifient ces lettres.

S pour Silence (de 0 à 20 %)

À ce niveau, aucun sujet n’est abordé. Certaines personnes subissent le


silence comme un fardeau et se sentent seules et isolées. Mais ne pas parler
peut aussi être un choix, par exemple pour attendre un meilleur moment.
Une discussion peut également aller à ce niveau lorsque les gens qui se
parlent se sentent embarrassés et ne savent plus quoi dire. À ce moment-là,
peut-être supposerez-vous que votre interlocuteur est juste en train de
réfléchir – alors qu’il pourrait tout aussi bien être en train de se demander :
« Comment vais-je me sortir de là ? »
Une personne très timide pourrait également se cacher derrière cette
extrémité de l’échelle de l’intimité. Elle préfère le silence avec personne
autour d’elle plutôt que d’être entourée de personnes qui parlent.

CEL pour Choses et Lieux (de 20 à 40 %).

C’est le niveau où la conversation peut commencer. Les sujets abordés sont


de nature matérielle. L’attention est attirée sur des Objets et des Lieux et
non sur les personnes qui y sont liées. En fait, il n’y a rien de personnel
dans cette conversation. C’est juste un moyen de passer le temps. Vous
parlez du dernier restaurant qui vient d’ouvrir, de la manière dont vous avez
réparé votre porte de garage, des boîtes aux lettres qui sont toujours trop
petites et bien d’autres choses qui ne servent qu’à maintenir une connexion
avec l’interlocuteur. Ce niveau peut être limité et vous pouvez en arriver
parfois à être à court de choses à aborder, contraint de revenir au niveau S
(Silence) de l’échelle car vous n’avez rien à dire.
Certaines personnes sont plus douées que d’autres pour trouver des sujets
de ce genre et peuvent maintenir ces discussions CEL pendant très
longtemps. Par exemple, ce soir, vous avez entendu quatre chauffeurs
routiers dans un restaurant discuter d’huile de moteur et des autoroutes
pendant 30 minutes. Alors que quelques tables plus loin, deux célibataires
pour leur premier rendez-vous galant ont manqué de choses à se dire,
jusqu’à ce que l’un des deux lève les yeux et demande : « Mais pourquoi
ces murs ne sont-ils pas perpendiculaires ? » Le tout, suivi d’un silence
gênant (S).

PI pour Personne et Idée ; Psychologie et Imagination ; Philosophie


et Intérêt ; Politique et Introspection (de 40 à 60 %)

C’est là que commencent les discussions les plus intéressantes. Les gens
partagent alors leurs points de vue et leurs idées au sujet des événements, de
ce qu’il se passe dans une vie, des gens, des idées, de la psychologie, de
leurs vrais centres d’intérêt, de philosophie et de politique. C’est là qu’une
discussion sans grand intérêt du Niveau CEL peut devenir complètement
différente si nous ajoutons une dimension personnelle au sujet. L’un des
protagonistes pourrait inviter l’autre hors de sa défensive et lui demander de
dire ce qu’il pense de la situation ou de se confier plus intimement.
Certaines personnes ont besoin, pour construire des relations durables, que
l’on accorde une importance réelle aux centres d’intérêts respectifs, aux
hobbies car cela prépare au palier suivant de l’échelle, à savoir tous les
sujets qui se rapportent à la vie de chacun et à la famille. Si cela se produit
alors il y aura une vraie motivation pour se revoir et aller explorer ce niveau
d’intimité.

M/T pour Moi/Toi (de 60 % à 80 %)

Pour atteindre ce niveau sur l’échelle de l’intimité, il faut s’intéresser à


l’autre personne, vouloir vraiment savoir qui elle est, pour comprendre ce
qui se passe dans sa tête, dans les bons comme les mauvais moments. Le
partage invite à l’intimité.
C’est le stade de la découverte mutuelle des centres d’intérêt de
l’interlocuteur, de ce qu’il lui tient à cœur, à elle ou à lui, comme ses
amitiés, ses histoires familiales et personnelles, les livres qu’il adore et les
loisirs qu’il aime.
À ce niveau de Toi et Moi, nous écoutons attentivement l’autre et nous
avons le sentiment que cet autre veut aussi savoir qui nous sommes. Nous
pouvons nous détendre davantage lorsque nous savons que nous pouvons
parler librement et évoquer des problèmes qui nous tiennent à cœur en
sachant que tout cela sera accepté.
Certaines personnes n’osent pas aller à ce niveau d’intimité et restent aux
niveaux inférieurs ce qui leur fait courir le risque d’ennuyer l’autre
personne. C’est ce qui se passe parfois lors d’un premier rendez-vous où
l’un des deux se rend compte à la fin du rendez-vous qu’il n’a parlé que de
lui et ne sait rien de l’autre personne. Ou à l’inverse qu’il a interrogé l’autre
personne de façon approfondie, mais qu’il n’a rien dit à propos de lui. C’est
vraiment dommage car c’est à ce niveau que nous réalisons que nous avons
des centres d’intérêt communs avec d’autres personnes.
Après un rendez-vous galant, un de mes patients a réalisé qu’il ne voulait
pas réellement s’intéresser à qui que ce soit d’autre, et que, même s’il
l’avait voulu, il ne savait pas comment faire.
Plus nous partageons des expériences et des convictions dans un couple
ou une relation amicale, plus le lien entre nous devient fort, atteignant le
prochain niveau d’intimité qui est le plus élevé.

N pour Nous (de 80 à 100 %)

C’est au niveau Nous que les gens peuvent parler de leur relation en tant
que telle. C’est-à-dire, que nous pouvons décrire ce que nous aimons ou
admirons dans l’autre personne. Les personnes qui vivent dans une relation
à ce degré d’intimité sont pleinement conscientes de ce qu’elles ont en
commun et rien ne les retient pour construire des projets personnels ou
professionnels. Elles savent qu’elles ont déjà des souvenirs ensemble et sont
impatientes de s’en créer de nouveaux. De manière romantique, je pense
naturellement à des couples unis pour la vie ou comme meilleurs amis pour
la vie.
Ce sont les fondements de relations harmonieuses qui tolèrent les
différences et sont confortables indépendamment de la situation.
Les personnes chanceuses qui vivent ce genre de relation peuvent
expérimenter positivement tous les niveaux d’intimité, par exemple en
partageant des moments de calme et de silence l’un à côté de l’autre ou être
juste bien ensemble dans tous les niveaux de l’Échelle d’Intimité.

Deux exercices au niveau « Nous » dans les ateliers

Au niveau Nous, les membres d’un couple ont le sentiment qu’ils peuvent
partager leurs émotions les plus profondes, évoquer des questionnements
sur leur relation et faire des plans pour changer, pour simplement s’écouter
plus, pour en apprendre plus, pour s’accepter eux-mêmes et l’autre
exactement comme ils sont.
Dans mes ateliers ou dans un cadre professionnel, je propose deux
exercices, mis en place d’une ou deux façons. Soit un couple peut s’asseoir
face à face et discuter, soit deux participants peuvent parler de leurs
relations extérieures ou de leur famille. Ils peuvent également inventer des
exemples de relations. Évidemment, il est convenu que les discussions sont
confidentielles. Une tierce personne peut siéger en tant qu’observateur actif.

Premier exercice : La liste Aime-Moi, Adore-Moi

Un exercice de partage à utiliser au niveau Nous est ce que j’appelle la liste


Aime-moi, Adore-moi (Karpman 2007a). Vérifiez avec votre partenaire les
réponses à chacune des questions. Comment…
• M’écoutes-tu ?
• M’aides-tu ?
• M’aimes-tu ?
• M’adores-tu ?
• M’embrasses-tu ?
• Me prends-tu ?
Les réponses seront toutes différentes. Classez-les. Ensuite, inversez les
rôles. Faites un plan. Vous pouvez par la suite demander ce que vous
voulez, mais seulement si l’autre peut le donner confortablement, ou le
négocier, ou ne peut pas le donner – et pourquoi. Nos limites naturelles sont
OK. Elles sont compensées par d’autres moyens qui apparaissent dans
l’exercice. Des raisons peuvent finalement émerger et avoir une chance
d’être discutées et comprises.

Second exercice : l’Échelle de Générosité

S’ajoutant à cela, introduisons l’autre exercice de partage, toujours au


niveau Nous. Notre partenaire est-il placé aux extrémités supérieures de
l’échelle de générosité (Karpman 2007b), c’est-à-dire Donner
Généreusement (DG), Donner suffisamment (DS), ou celles moins
enthousiasmantes de la partie inférieure, Donner Moins (DM) ou Donner
Ailleurs (DA). Les gens font ce qu’ils peuvent et ont leurs raisons. Tout
peut s’équilibrer. Mais veillez à ne pas tomber dans le piège de ne regarder
que les scores. La plus grosse de partie de la générosité est subtile et n’est
jamais entièrement reconnue et c’est maintenant l’occasion d’en parler.
Figure 7. 4 – L’Échelle de Générosité

Donc, récapitulons, retenons que l’Échelle d’Intimité montre comment


une discussion peut évoluer de superficielle à profonde. L’accent est mis au
niveau de 20 % sur le silence, à 40 % sur une chose impersonnelle, à 60 %
sur un sujet intéressant, à 80 % sur la personne intéressante et à 100 % la
relation intéressante.
Sur cette échelle, nous pouvons également comprendre comment
maintenir un niveau d’intérêt dans la conversation afin de ne pas devenir
ennuyeux. Cela arrive parfois lorsqu’une personne monopolise la
conversation pour un sujet qui la fascine, elle, ou si elle en parle de manière
trop personnelle. La discussion peut alors facilement régresser du niveau PI
ou du niveau M/T vers le niveau S pour la personne qui s’ennuie, qui
préfèrera alors se cacher dans le silence plutôt que de continuer d’alimenter
la conversation.
Ajoutons à cela les gens qui parlent de choses de manière trop intrusive,
trop vite, même si le sujet est intéressant et mérite d’être discuté. L’intimité
se construit en faisant preuve d’attention pour l’autre et en adaptant son
comportement au fur et à mesure.
Il n’y a aucun sens à forcer les choses si l’autre personne montre des
signes de timidité. N’oublions pas qu’il peut y avoir à cette timidité des
raisons profondes liées à notre enfance, à notre propre histoire personnelle
et à des scénarios que nous avons définis très tôt dans nos vies.
Éviter l’intimité est l’un des phénomènes les plus fréquents dans les jeux
psychologiques. Et, puisque vous connaissez maintenant le principe des
sweat-shirts qui vous permettent d’identifier les pièges, vous saurez
comment reconnaître le sweat-shirt qui montre sur le devant « Je ne suis
pas encore prêt » et cache derrière « Je ne serai jamais prêt » !
Il existe de nombreuses anecdotes de relations de couple qui illustrent ce
jeu, où l’un des deux donne à l’autre de l’espoir pour un avenir avec plus
d’intimité, pendant que l’autre essaye désespérément de récupérer des
morceaux de cette intimité promise, ignorant alors qu’il ou elle ne pourra
jamais y parvenir.
Un « Sauveur intoxiqué » peut s’engager dans un projet de sauver une
personne » pendant un an, abandonner, passer au prochain, puis au
prochain, puis un autre jusqu’au Switch où il devient une Victime qui ne
recevra jamais l’ouverture et l’intimité souhaitées puis un Persécuteur qui
attend davantage de la part des gens qu’il ne peuvent donner. Les
conversations récurrentes dans lesquelles se retrouve une personne qui
espère l’intimité sont ponctuées par :
• Sur le devant du sweatshirt « Écoute, j’ai besoin de temps… »
• (Au dos du sweatshirt : « Ce ne sera jamais le bon moment ! »)
• Devant : « Et si nous faisions une pause pour un petit moment ? »
• (Derrière : « Maintenant c’est un bon moment pour se séparer. »)
• Devant : « Je ne suis pas prêt à te dire mes sentiments. »
• (Derrière : « Si je le faisais, tu me quitterais c’est sûr. »)
• Devant : « Je ne suis pas sûr de ce que je ressens pour toi. »
• (Derrière : « Et je ne le serai jamais. »)
Quand j’utilise l’échelle d’intimité pour aider mes patients en thérapie à
comprendre ce qu’il se passe dans leur vie, je modifie les mouvements sur
l’échelle à plusieurs reprises. Je leur montre comment une relation qui a
progressivement évolué jusqu’au niveau PI et atteint M/T peut retomber au
niveau S en un claquement doigt comme sur la figure 7.5 ci-dessous.

Figure 7. 5 – L’Échelle d’Intimité en action

Exemple

Hank est un travailleur sérieux, célibataire depuis six ans maintenant. Il


s’est inscrit sur des sites de rencontres et a déjà eu beaucoup de premiers
rendez-vous sans suite. Ceux-ci semblent suivre le même schéma. Une
fois passées quelques minutes d’embarras et de timidité (S) + (CEL), la
discussion se déplace sur l’échelle et atteint le niveau (PI) où les sujets de
discussion se tournent sur les Personnes et les Idées et donnent à la
conversation une plus grande importance. Puis, en atteignant le niveau
M/T (Moi/Toi), les choses commencent à aller mal. Hank explique qu’il
est toujours déçu parce qu’il ne trouve pas assez de points en commun
avec son interlocutrice pour avoir envie de continuer. Dès que l’autre
personne ne partage pas son avis sur un sujet qui lui est cher, Hank
s’arrête et des silences embarrassés démarrent, typiques du niveau S
(Silence) sur l’échelle de l’intimité. Le rendez-vous se termine alors
poliment et Hank est de retour à la case départ, de la même façon depuis
six ans. Il n’est pas spécialement intéressé par les sujets choisis par
l’autre personne.

Il existe un Cercle Vicieux de l’Éternel Célibataire – PPP – Pointilleux,


Paresseux et Privé – dans lequel Hank est peut-être pris au piège et chaque
partie de ce cercle vicieux doit être traitée une à une en thérapie : Trop
Pointilleux avec les femmes qu’il rencontre, Trop Paresseux pour chercher
de nouveau et faire des efforts, et Privé de quelque chose que les femmes
cherchent. En thérapie, il sera intéressant d’explorer avec ce patient les
raisons cachées de ce motif récurrent.
Lorsque j’organise des ateliers sur cette question, je fais faire des
exercices aux participants pour qu’ils apprennent à se déplacer rapidement
sur l’échelle d’intimité en s’adaptant aux changements chez l’interlocuteur.
Voici un exercice amusant que beaucoup de personnes apprécient. Je
l’appelle « L’arrêt de bus ».
Deux volontaires, par exemple un homme et une femme, viennent
s’asseoir sur le banc d’un arrêt de bus (deux chaises feront l’affaire !). Ils
ont 10 minutes avant que le bus n’arrive pour connaître et découvrir autant
de choses que possible au sujet de l’autre, au point qu’ils aient envie
d’échanger leurs numéros de téléphone pour se revoir. Pendant que
l’exercice se déroule, je note deux choses sur le tableau :
• Où en est-on en temps en réel, en utilisant l’Échelle d’Intimité ?
• Quels sont les États du Moi utilisés pendant l’exercice ?
Cette deuxième indication est importante pour analyser la conversation.
Les États du Moi ici sont dessinés sur des diagrammes circulaires que j’ai
développés pour l’Analyse Transactionnelle et que j’ai appelé « Roue de la
personnalité » La représentation se fait sur une roue pour mettre en avant
l’idée que les gens peuvent se déplacer librement entre leurs États du Moi et
inviter ceux de leur partenaire pour faire ressortir les cinq meilleurs côtés de
la personnalité de chacun.

Figure 7. 6 – La Roue de la Personnalité

La Roue de la Personnalité : Impliquez-vous !

Nous venons de voir que, lorsque deux personnes se parlent, nous pouvons
évaluer le niveau d’intimité en écoutant les sujets abordés grâce à l’Échelle
d’Intimité.
Avec la Roue de la Personnalité (Karpman 2010), nous pouvons évaluer
le niveau d’intimité grâce au nombre d’États du Moi partagés. L’Échelle
d’Intimité illustre le contenu, ce que nous entendons des sujets abordés ; la
Roue de la personnalité illustre le processus, ce que nous voyons se passer
entre eux.
Nous avons vu plus haut que les États du Moi en Analyse
Transactionnelle sont représentés par des diagrammes avec trois cercles
empilés les uns sur les autres et connectés par des flèches transactionnelles
quand on observe deux personnes. Ici, il n’y a qu’un cercle pour chaque
personne avec les côtés positifs des cinq États du Moi. Les roues doivent
être tournées de manière à se connecter de toutes les manières possibles. Ici
encore, l’objectif est de faire preuve d’une implication comportementale
maximale lorsque des sujets importants sont discutés.
Les pointillés représentent les conversations.
Les deux roues sont placées à proximité l’une de l’autre ;
métaphoriquement, chacun est assez proche pour faire tourner les deux
roues.
Il est très important que chaque personne se sente acceptée et bienvenue.
Plus une personne ressent ça, plus elle s’autorisera à montrer les différentes
facettes de sa personnalité. Il est très encourageant, dans une conversation,
de vérifier en temps réel que l’autre personne accepte notre style de
communication.
Si je montre beaucoup d’Enfant Libre Positif et que l’autre personne
semble accepter cela en se synchronisant avec moi, alors je me sentirai de
plus en plus à l’aise de lui montrer mon Parent critique Positif OK, puis
peut-être les autres aussi : Mon Adulte, mon Parent Nourricier Positif et
mon Enfant Adapté Positif.
Plus le nombre d’états du Moi partagés est élevé au cours d’un échange,
plus nous pouvons en déduire qu’il y a un engagement et donc un intérêt à
poursuivre la relation. Le degré d’intimité peut être mesuré. L’information
recueillie pourrait être utilisée pour établir des contrats en thérapie au sujet
des États du Moi que le client doit travailler pour améliorer ses
compétences relationnelles.
Le « score » final dans la figure 7.7 est seulement de 4 sur 10 possibilités
– les deux personnes n’ont pas « connecté » et n’ont pas prévu de se revoir.
Un minimum de 6 au total est nécessaire.
Il a cru qu’il était censé montrer sa « virilité » et il n’a donc révélé aucun
Enfant Adapté OK « faiblesse » dont elle aurait pu vouloir prendre soin –
elle a estimé qu’il n’avait pas besoin d’une femme (EA X). Et il n’a pas
recherché ses besoins à elle dont il aurait pu se soucier (PN X).
Elle était réticente à partager avec lui plus que son Enfant Libre (EL)
bien qu’il ait parlé de choses importantes pour lui, ses responsabilités, son
milieu professionnel et ses biens matériels.

Lui Elle
Figure 7. 7 – Un exercice de Roue de la Personnalité

La meilleure façon de s’entraîner est de commencer par apprendre ce que


sont les États du Moi que vous connaissez déjà. Ensuite, il serait intéressant
de faire un exercice avec un thérapeute, un coach ou un formateur pour
libérer ces cinq États du Moi. Et la dernière étape serait de développer vos
compétences dans l’art d’encourager l’autre personne à libérer ses propres
États du Moi.
En atelier ou lors de séances de formation, nous apprenons à favoriser le
processus qui permet de faire ressortir le meilleur de l’autre que nous
qualifions avec des mots très positifs comme :
Nous voulons accueillir, améliorer, libérer, attirer, encourager, inviter,
relaxer, demander, donner l’autorisation, contacter, solliciter, expérimenter,
découvrir, apprécier et féliciter les cinq personnalités de l’État du Moi, etc.
C’est dans mon travail de thérapie de couple que je réalise combien la
Roue de la personnalité offre un moyen pour les deux partenaires de vivre
une relation plus stable et plus intense. Les cinq dimensions peuvent être
exprimées de manière plaisante et se voir ainsi bien accueillies. Dans les
cinq Contrats de Confiance, nous avons vu l’importance de stabiliser les
cinq facettes de notre personnalité.
Cela peut avoir des effets très rafraîchissants sur une relation de couple,
dont l’un des ennemis majeurs est le manque de surprise : la routine.
Il existe de nombreuses situations professionnelles et personnelles dans
lesquelles une personne pourrait avoir besoin de développer sa capacité et
sa flexibilité pour se connecter avec les autres à tous les niveaux : un
comédien voudra se connecter à son public (EL +) ; un responsable avec ses
collaborateurs (PC +) ; un enseignant avec ses étudiants (A +).
La Roue de la Personnalité est un outil qui peut d’ores et déjà être utilisé
pour développer notre ouverture aux autres et des relations riches et
authentiques.

Les 12 principes théoriques de la roue

Vue de loin, la roue peut sembler avoir de faux airs de jouet, mais la
recherche comportementale en AT va souvent plus loin qu’elle n’en a l’air.
Par exemple, ici, il existe douze principes que l’on pourrait décliner en
autant de compétences sociales.
1. Derrière chacun des cinq États du Moi, il existe cinq facettes de la
personnalité, distinctes et complètes.
2. Ces facettes de la personnalité sont accessibles à tous.
3. Les personnes motivées peuvent apprendre à libérer chacune de leurs
facettes.
4. Les personnes motivées peuvent apprendre à encourager les autres à
faire de même si elles le souhaitent.
5. Les gens gagnent en confiance et bien-être lorsque leurs cinq facettes
de personnalité sont expérimentées et accueillies.
6. Nous avons la responsabilité de libérer nos propres États du Moi pour
les offrir à notre partenaire.
7. Nous avons la responsabilité d’inviter notre partenaire à libérer ses
États du Moi.
8. La Roue est utile à la fois pour commencer une nouvelle relation et
pour redonner un nouveau souffle à une relation qui s’essouffle.
9. Le nombre total d’États du Moi engagés permet de mesurer la qualité
et l’intimité d’une relation.
5. L’alchimie entre deux personnes peut être scientifiquement mesurée et
enseignée dans une salle de formation.
6. Une formule d’intimité peut aider à augmenter le nombre d’États du
Moi impliqués.
5. Le diagramme de la Roue de la Personnalité est nécessaire pour
enseigner le concept et est utile dans la pratique pour comprendre les
États du Moi.
Si vous êtes le coach d’une équipe ou un formateur et que vous voulez
essayer cette Roue de la Personnalité sur vos clients, vous devez vous
assurer que les exercices que vous proposez sont drôles et assez attrayants
pour toucher l’Enfant Libre de votre public, que l’information concerne leur
Adulte, qu’elle est importante PC +, permet de prendre soin NP+, et facilite
la coopération EA +. Assurez-vous également que vous montrez les cinq
États du Moi lorsque vous animez ce genre d’exercice.
Comme en thérapie, l’Enfant Libre du patient est l’un de vos meilleurs
alliés.

RÈGLE 2 – PARLONS-EN !

Les barrages à la discussion et les méthodes pour les contourner

Une fois que la règle 1 « Évoquons-le » est mise en place et que le sujet est
enfin sur la table, il est probable – c’est l’objectif, en tout cas – que le débat
finisse par graviter vers une solution gagnant-gagnant tant que nous
resterons dans une dynamique positive et que chacun des protagonistes
reste de bonne foi.
« Parlons-en ! » est la deuxième règle de l’ouverture à utiliser.
Imaginons que vous voulez évoquer un problème, mais que la personne
ne veut absolument pas en parler. Prenons un exemple de vie
professionnelle, un employé entre dans le bureau de son patron pour son
entretien d’évaluation annuel et est déterminé à demander une
augmentation.
John a rassemblé ses meilleurs arguments et a promis à sa femme qu’il
obtiendrait ce qu’il veut aujourd’hui. Le couple vient d’acheter une maison,
et cette augmentation serait la bienvenue pour maintenir le niveau de vie de
sa famille.
Ce que John ne sait pas, c’est que son patron, Greg, n’a aucun désir de
parler de ça maintenant. Il sait que le sujet sera abordé, comme c’est
souvent le cas dans ce type d’entretien.
Peut-être que ce n’est pas la priorité d’aujourd’hui et qu’il n’a pas eu le
temps de préparer cet aspect de l’entretien. Ou peut-être Greg pense que
John ne mérite pas une augmentation et n’a pas le courage de lui dire
(Victime), alors il préfère éviter la discussion, échappant ainsi
temporairement à une conversation douloureuse. John verra probablement
son refus d’en parler comme un comportement de Persécuteur et se sentira à
son tour comme une Victime incapable de sauver sa famille d’un déclin de
leur mode de vie. Enfin, peut-être que ce patron se dit que, s’il octroie une
augmentation à cet employé, cela entraînera une réaction en chaîne dans le
reste de l’équipe. En voulant sauver John, il serait alors Victime d’avoir à
sauver tous les autres ou courrait le risque d’être Persécuté. Comme
toujours, les trois rôles sont joués en même temps – et trois occasions pour
en parler s’ouvrent en même temps.
Les raisons pour lesquelles Greg ne veut pas avoir cette conversation ne
sont pas le problème ici. Ce que nous voulons comprendre, c’est le
mécanisme qu’il utilisera pour bloquer la discussion.
Il y a aussi de nombreuses situations dans une vie amoureuse où l’un des
partenaires veut parler à la personne qu’il aime d’un problème qui doit être
réglé. Alors, le problème est mis sur la table, bien sûr, et la discussion
commence, mais sur de mauvaises bases.

Le Triangle « Sortons ensemble un de ces quatre ! »

– Mon chéri, nous ne sortons plus ensemble. Nous ne sommes pas allés
au cinéma depuis si longtemps, toi et moi !
– Ouais, je sais.
– On peut en parler ?
– Si tu veux…
– Qu’est-ce que tu veux-tu dire par Si je veux ? Tu n’as pas envie d’en
parler ?
– Si bien sûr, mais je n’ai pas grand-chose à te dire.
– Mon chéri, je pense qu’il est important que nous en parlions ensemble.
– Écoute, ça suffit maintenant ! Tu sais très bien que j’ai du travail à
faire ! Il n’y a rien d’autre à en dire…
– Je sais que tu as beaucoup de travail. Je veux juste aller au cinéma
avec toi. Tu en as envie ?
–…
– Mais réponds-moi ! Dis quelque chose !

En tant que spectateurs indiscrets de cet échange, on peut voir que la


conversation tourne au désastre. Pour réussir à se parler, les personnes
doivent veiller à garder un haut niveau d’intégrité pendant la discussion.
Ce n’est pas seulement parce qu’un sujet a finalement été abordé que les
différends sont résolus. La conversation recèle de nombreux pièges. Les
jeux psychologiques peuvent apparaître à tout moment. J’ai identifié divers
pièges qui alimentent le feu ou bloquent carrément la communication, que
je viens d’illustrer dans l’exemple précédent.

Les barrages à l’intimité : CASE

En utilisant la loi du rasoir d’Occam que vous connaissez bien maintenant,


j’ai commencé par résumer les sabotages de la communication que j’ai
souvent observés, en quatre attitudes principales qui forment une boucle
perdante, car elle empêche que la règle « Parlons-en » puisse être appliquée
dans de bonnes conditions. Les initiales qui évoquent ces quatre attitudes
forment un acronyme simple à retenir : CASE.

Figure 7. 8 – CASE :
Quatre barrages à l’intimité

Les attitudes CASE fonctionnent comme des barrages à la résolution de


problèmes, à la fois sur le plan verbal et non verbal de la communication,
qu’il s’agisse d’une relation intime ou pas, que la discussion ait lieu à la
maison ou bien au travail. Il existe donc quatre manières de bloquer les
autres et de les empêcher d’entrer dans l’intimité, de les décourager de nous
parler.
Ces attitudes ne sont pas liées aux États du Moi en particulier, ni même à
aucun jeu spécifique. Si nous devions les rapprocher des jeux, nous
parlerions plutôt d’un jeu générique inscrit sur un sweat-shirt, qui
montrerait probablement une inscription du genre « Essaie un peu d’avoir
une conversation intime avec moi Si Tu Peux ».
Dans la boucle perdante, les quatre sabotages sont représentés par un
cercle étroit et hermétique, ou autrement dit, une boucle qui peut s’agrandir
en fonction de l’intensité et qui pourrait maintenir les États du Moi comme
enfermés. Ces derniers seraient alors « CASÉs » comme dans une prison,
incapables de se libérer pour une conversation constructive.
Ces quatre blocages de l’intimité se définissent comme suit :
• Condescendant,
• Abrupt,
• Secret,
• Évasif.
Chaque attitude correspond à une manœuvre bien différenciée, mais les
quatre réunies forment un tout dont l’intensité est variable. Parfois les
quatre sont utilisées par une personne dans un seul et unique entretien. Du
coup, il devient impossible de gagner, c’est-à-dire d’avoir une discussion
productive. C’est le cas dans l’exemple que je vous ai donné plus haut dans
lequel madame veut parler avec monsieur de la baisse de fréquence de leurs
sorties ensemble.
Voyons maintenant la signification de ces quatre attitudes et examinons
ensemble les conséquences sur une conversation.

Condescendant

« Je te fais une faveur en acceptant d’en parler mais j’arrête quand je


veux. »
La personne à qui vous souhaitez parler fait preuve de condescendance.
Elle vous montre un mélange de mépris et de dédain pour ce que vous êtes
et pour ce que vous faites. Le dictionnaire définit la condescendance
comme « l’attitude hautaine et méprisante d’une personne qui accorde une
faveur tout en faisant sentir qu’elle pourrait la refuser ».
Vous et tout ce que vous faites semblez n’avoir que peu de valeur. Vous
êtes vécu comme ennuyeux, et l’autre veut vous faire comprendre que vous
lui faites perdre du temps. Disons que : « Plus vite vous vous rendrez
compte que vous avez tort, plus tôt vous arrêterez d’essayer de discuter ! »
Condescendant est donc une attitude qui maintient l’autre dans l’illusion
que son comportement est toléré, tout en espérant qu’il finira bien par
comprendre qu’il ne faut tout de même pas aller trop loin. Cette attitude est
bien sûr très décourageante et il est normal de ne pas se sentir très bien face
à une personne qui brandit Condescendant comme on brandirait un bouclier.
De ce fait, il est fort peu probable d’avoir encore envie de discuter du
problème avec elle.
Dans notre exemple sur la sortie au cinéma, condescendant se cache dans
l’échange suivant :
– « Est-ce qu’on peut en parler ? »
– « Si tu veux… » (C)
Que faire ?
Une première possibilité, lorsqu’un interlocuteur est dans la
condescendance, est de lui demander si c’est un bon moment pour lui pour
parler de ce sujet. Le principe ici est d’éviter de rentrer dans une attitude
défensive qui consisterait à dénoncer l’attitude hautaine de notre
interlocuteur. Le fait de vérifier si c’est le bon moment ou non pour parler
du sujet permet de négocier un meilleur moment. C’est aussi une porte de
sortie pour l’autre.
Une deuxième option serait d’utiliser une communication méta et de
confronter directement la personne sur son comportement.
Une troisième possibilité serait de ne pas tenir compte du blocage
condescendant et d’aller directement sur les faits.

Abrupt

« Je t’arrête tout de suite, ce n’est pas le moment. »


Cette fois, pour bloquer l’accès à une conversation plus intime, notre
interlocuteur nous interrompt brutalement : « Arrête ! S’il te plaît arrête ! »,
« Pas maintenant ! Laisse-moi tranquille ».
Il refuse de parler, soit en mettant un terme à la discussion avant même
qu’elle ne commence, soit en coupant la parole brusquement pour placer ses
propre vérités.
Voilà pourquoi, lorsque Condescendant ne suffit pas à bloquer toute
discussion, l’attitude Abrupte est alors parfois adoptée par notre
interlocuteur. Nul besoin ici de donner une définition tant le mot parle de
lui-même. Interrompre brusquement l’autre pour parler plus fort que lui et
prendre le pouvoir n’est pas la seule pratique possible du blocage Abrupt.
Parfois, celle ou celui à qui nous parlons se met à proférer une menace pour
nous empêcher de continuer : « Je te préviens, je suis d’une humeur
massacrante ! »
Parfois, celle ou celui qui se comporte de façon Abrupte, le fait pour
Sauver aussi les autres, estimant qu’ils sont Victimes d’une Persécution.
C’est, en quelque sorte elle ou lui qui se dévoue pour faire le sale boulot
que personne n’ose faire.
Dans notre exemple sur la sortie au cinéma, Abrupt apparaît dans
l’échange suivant :
– « Chéri, je crois que c’est important d’en parler ensemble. »
– « Écoute ça va comme ça ! Tu sais très bien que j’ai du boulot ! Y’a
rien à dire de plus… » (A)
Que faire ?
Se rendre soi-même le plus accessible et le plus ouvert possible pour
désarmer l’autre et l’inciter à s’adoucir. Dire authentiquement ce que l’on
ressent et proposer un autre moment. Comme pour Condescendant, une
deuxième option serait d’utiliser une communication méta et de confronter
la personne sur son comportement.

Secret

« Je ne sais pas, je n’ai rien à en dire et même si je le voulais, je ne


pourrais rien dire. »
Cette attitude est caractérisée par la décision plus ou moins consciente de
ne plus donner d’informations sur ce que nous ressentons, pensons ou
faisons. Il s’agit de décourager l’autre d’entrer en relation afin d’éviter qu’il
ne se rapproche. L’idée ici est d’éviter de parler pour se donner une chance
d’éviter la discussion. « Je ne lui dis plus rien comme ça il s’en ira peut-
être et on ne sera pas obligé d’avoir cette discussion pénible ». Derrière
l’idée de ne plus rien dire, il y a le fait de cacher à l’autre l’essentiel : ne pas
lui dire les choses.
Il est possible que certaines personnes qui utilisent le blocage Secret se
taisent parce qu’elles ne savent pas comment dire les choses, ou bien parce
qu’elles ne veulent pas blesser l’autre.
Secret est une attitude de repli qui permet, dans un premier temps, de se
croire à l’abri de l’intimité. Au mieux, nous entretenons un non-dit en
limitant les échanges avec l’autre à quelques banalités sans conséquence, ce
qui demande un certain contrôle.
Comme pour Condescendant et Abrupt, il existe toutes sortes de
variantes possibles pour l’attitude Secrète. Ne plus dire lorsque les choses
vont mieux ou s’améliorent est une façon de ne plus mettre d’énergie
positive dans la relation, alors que cela pourrait permettre une issue
possible.
Dans ce cas-là, la personne retient les principales informations dont vous
avez besoin pour résoudre le problème ou pour envisager un consensus. S’il
existe de la colère ou des ressentiments qui vaudraient le coup d’être
exprimés, vous n’en saurez rien et vous n’aurez aucune chance de chercher
une solution. Priver l’autre du moindre compliment est également une façon
de contenir tout risque de proximité.
Dans les relations de couples, les partenaires gardent parfois pour eux des
problématiques refoulées, des frustrations ou des peurs. La version la plus
évidente du blocage Secret s’observe lorsque certaines personnes décident
d’ignorer totalement les autres, de ne plus leur répondre.
Dans notre exemple sur la sortie au cinéma, secret se manifeste dans
l’échange suivant :
– « Je sais que tu as beaucoup de travail. J’ai juste envie d’aller au ciné
avec toi. Est-ce que tu en as envie ?
– « … » (S)
– « Réponds-moi. Dis quelque chose ! »
Que faire ?
La première des choses est de confronter l’autre à son silence.
La deuxième est de penser à lui donner les raisons pour lesquelles nous
avons besoin d’information. Rappelons-nous que, parfois, les gens gardent
des informations utiles de façon inconsciente. Si nous leur disons pourquoi
nous voulons de l’information, cela peut changer leur comportement.
La troisième chose serait d’insister sur les conséquences d’une rétention
d’informations sur telle ou telle situation.

Évasif

« Peut-être bien que oui, mais peut-être bien que non aussi. Les deux sont
possibles… »
Le quatrième blocage est l’attitude qui consiste à rester évasif soit pour
noyer le poisson et embrouiller l’esprit de l’intrus, soit pour détourner son
attention et l’occuper à autre chose. Une première technique est de ne
donner que des informations partielles et de ne jamais faire de réponse
directe. Du coup, l’autre ne saisit pas la logique et se met à patiner en
boucle pour trouver les réponses qu’il attend.
L’utilisateur du blocage évasif change rapidement de sujet et amène la
conversation sur un domaine éloigné, souvent sur quelque chose de plus
intéressant sur le moment. Vous n’avez jamais une réponse directe à vos
questions. Il n’est pas rare de nous retrouver embarqué dans notre problème
sans avoir pu parler de ce que nous voulions, voire même, d’avoir oublié de
quoi nous voulions parler !
La rumeur est un bon exemple de blocage évasif : « Il paraît que le
comité n’a pas beaucoup apprécié ta présentation d’hier ! »
À partir de cette remarque, nous allons probablement essayer d’en savoir
plus. Nous voilà en train de questionner celui qui semble détenir des
informations importantes. Dans ces situations, il est fréquent d’entendre,
celui qui fait courir le bruit, répondre : « Je n’en sais pas plus ! Tu sais ce
que c’est, pas vrai ? »
Dans notre exemple sur la sortie au cinéma, évasif est présent dans
l’échange suivant :
– « Comment ça, si moi je veux, toi tu ne veux pas ? »
– « Si si, mais je n’ai pas grand-chose à dire » (E)
Que faire ?
Nous pouvons décider de ne pas prendre ce que nous a dit partiellement
notre interlocuteur et le lui dire directement.
Nous pourrions également prendre le temps d’expliquer pourquoi nous
refusons de ne prendre qu’une partie de l’information.
Si beaucoup de sujets sont mélangés, nous pouvons suggérer de se
concentrer sur un seul point à la fois.

Les barrages à l’intimité et les boucles intrusives

Lorsque les quatre blocages CASE que nous venons de déchiffrer sont
utilisés simultanément, ils empêchent toute discussion sur le moindre
problème à propos de la relation aussi bien dans des relations personnelles
que professionnelles.
Les partenaires sont alors incapables de passer à la fin du processus
d’ouverture. Ces sabotages finissent par laisser les gens perplexes, frustrés
et parfois bloqués.
Il arrive parfois qu’une personne veuille inconsciemment empêcher
l’intimité et utilise une de ces attitudes, ce qui peut laisser plusieurs portes
ouvertes à la discussion. Dans les cas extrêmes, même si trois des quatre
barrages CASE sont utilisés, l’absence du quatrième laisse encore une
marge d’espoir pour trouver un chemin vers une véritable conversation.
Cependant, il n’est pas impossible non plus que les quatre attitudes de
barrages soient utilisées dans le même échange, si l’un des protagonistes
veut vraiment éviter de parler de ce qui le dérange.

ERA : La boucle perdante des intrusions dans l’intimité

« Que tu le veuilles ou non, Je vais te parler et Tu dois me répondre »


Il serait injuste d’évoquer uniquement la boucle perdante CASE sans
parler d’une autre boucle perdante que j’ai appelée ERA. E, R et A
représentent trois comportements que nous pouvons décrire comme des
intrusions dans l’intimité de l’autre. Ils expliquent également pourquoi une
personne qui aurait le sentiment que son interlocuteur veut forcer l’accès à
son intimité tentera de défendre sa bulle d’intégrité avec la boucle CASE.
Les lettres de la boucle du perdant ERA signifient :
• E pour Exalté,
• R pour Répétitif,
• A pour Agaçant.
Ces trois lettres en boucle illustrent les personnes qui forcent le passage
sur les territoires d’autres personnes sans en respecter les limites, les
obligeant alors à créer un mur de protection autour d’elles ou à se protéger
avec un ou plusieurs des quatre barrages CASE.

Figure 7. 9 – La Boucle ERA des intrusions dans l’intimité

La dynamique dans une relation déséquilibrée rend difficile de


comprendre la relation de cause et d’effet entre ERA et CASE, que j’illustre
avec une balançoire équilibrée sur un triangle. Ainsi, lorsqu’une personne
se ferme dans CASE toute seule, la personne ERA essaie encore plus de la
forcer à parler et à écouter. Ou l’ERA peut démarrer et la personne CASE
doit se fermer pour se protéger. Cette dynamique peut être initiée par
n’importe lequel des deux. Il suffit d’un léger déséquilibre synergique pour
commencer.
Figure 7. 10 – La balançoire CASE-ERA

Prenons un exemple :

La Boucle ERA « Il faut que tu m’écoutes »

Ben est un expert en assurance et travaille avec un collègue, Mark, dont


le bureau est juste à côté du sien. Ben arrive au travail un matin et semble
être ravi de la signature d’un nouveau contrat. Il entre dans le bureau de
Mark, où ce dernier qui vient d’arriver lit ses e-mails, l’air concentré.
« Salut, Mark, comment ça va ? Aujourd’hui, c’est le grand jour ! Tu
réalises ce qui est en jeu ? Ce sera aujourd’hui à 11 heures… Tu te
souviens que c’est aujourd’hui ? Il faut qu’on en parle. J’ai beaucoup de
choses à te dire… Tu vas adorer. » (Excité et Répétitif)
Mark, ne lâchant pas les yeux de l’écran : « Ouais, ouais, c’est génial !
Bravo ! » (Condescendant).
Devant le bouclier de Condescendance de Mark, Ben risque de renforcer
encore plus son comportement ERA, afin de pénétrer le mur et de faire
en sorte que son collègue ait une conversation avec lui sur le sujet qui
l’intéresse.

En « cherchant à aider » (S), en répétant ces questions ou sa


démonstration à plusieurs reprises, Ben court le risque de devenir Agaçant
(A). Il s’agit d’un cercle vicieux, car Mark, face au comportement plus
Exalté et Répétitif de Ben, va sûrement passer de Condescendant à Abrupt
ou Évasif, ou même au mode Secret. Et pourquoi pas aux quatre blocages
en même temps ? – ce qui arrive souvent – et c’est pourquoi ils sont liés
dans une boucle.
Ces personnes qui forcent leur chemin par-delà les frontières sont très
pressées, exaltées et ont tendance à envahir l’espace personnel des autres, et
à les soliciter sans arrêt en répétant inlassablement les mêmes choses
jusqu’à ce qu’elles deviennent insupportables (Agaçant) : « Parle-moi
maintenant, s’il te plaît » ou « Qu’est-ce que tu me caches ? Je suis sûre
que tu ne me dis pas tout » ou « Donne-moi encore un peu de temps ! ».

Exalté (Eager)

« Il faut absolument que tu partages mon enthousiasme et ma passion, s’il


te plaît ! »
C’est le comportement de quelqu’un qui vient tout juste de voir un film
qu’il a adoré et n’arrête pas d’en parler. Il veut tellement que vous alliez
voir ce film que son enthousiasme est susceptible de provoquer au mieux
une certaine réserve de votre part ou, au pire, un rejet total du film. Mais
l’autre personne n’attend pas seulement de vous que vous ayez très envie
d’y aller, il veut aussi que vous lui promettiez de l’appeler une fois que vous
l’aurez vu. De toute façon, il est prêt à venir avec vous, même si cela
signifie revoir le film une deuxième fois. Imaginons que vous n’ayez rien
de prévu pour cet après-midi, il vous proposera même de vous y emmener
tout de suite !
Et c’est ainsi que le comportement Exalté entraîne presque
mécaniquement la boucle CASE.

Répétitif (Relentless)

« Je sais que je te l’ai déjà dit, mais au risque de me répéter, c’est vraiment
très important… »
Ce qui caractérise ce comportement, en plus de la répétition des phrases,
est le fait que la personne semble avoir le besoin d’insister pour mieux se
faire entendre. Comme s’il était une sorte de circuit fermé qui s’alimentait
de sa propre excitation en répétant les mêmes mots plusieurs fois. Dans
l’exemple précédent, le fan du film vous aurait déjà donné le nom de
l’acteur principal trois fois en cinq minutes, ainsi que les autres films dans
lesquels l’acteur a joué, et le nom d’un cinéma ouvert à proximité !
Vous êtes alors témoin d’une scène étrange dans laquelle la personne
excitée ne semble pas réaliser à quel point elle est pénible. Et dans ce genre
de situation, cela peut provoquer l’apparition du bouclier Abrupt : « Ouais,
OK, tu l’as déjà dit ! J’ai compris, alors calme toi un peu ! »

Agaçant (Annoying)

« Mais si, mais si, c’est super ! Tu vas voir. Allez, dit oui, s’te plaît, dis oui.
D’accord, d’accord ?… »
Agaçant est en fait le résultat des deux comportements précédents. C’est
par l’excitation et la répétition – en étant Exaltée et en Répétitive, que la
personne devient Agaçante. La repousser la surprendra ou la mettra en
colère parce que, dans son esprit, tout ce qu’elle cherche à faire est
simplement de vous parler de quelque chose d’intéressant. Elle peut même
se sentir Victime de votre agressivité ou de votre indifférence (si vous allez
en mode Secret ou Évasif), alors que ce qu’elle vous dit mérite votre
attention. Par exemple, pour terminer notre exemple du fan de film, votre
ami trop excité pourrait conclure, d’un ton déçu, avec un dernier coup :
« Non, mais vraiment, je t’assure, c’est un film superbe ! »
Dans mon article Des jeux sexuels et des hommes (Karpman 2009), je
décris toutes les boucles du perdant qui empêchent l’intimité érotique.
Lorsque la boucle intrusive ERA est très fréquente et visible chez
quelqu’un, cette personne finit par être perçue uniquement à travers cet
ensemble de comportements. Elle devient alors très agaçante pour ceux qui
l’entourent, qui auront tendance à la fuir dès qu’ils l’apercevront et qu’ils le
pourront. Si s’échapper n’est pas possible, les attitudes CASE serviront
alors de protection improvisée, risquant d’endommager la relation.
C’est en observant des personnes aussi Exaltées, Répétitives et
Agaçantes qu’une image amusante m’est venue à l’esprit, celle de petits
gobelins intrusifs qui nous harcèleraient de toutes sortes de façon. Je
voulais donner à cette boucle spéciale un nom qui faisait partie de la boucle
ERA, et je l’ai appelée la boucle des Gobelins Enthousiastes !

La boucle des Gobelins Enthousiastes !


Il n’y a rien de méchant à propos de ces petits gobelins. C’est juste qu’ils
sont tellement excités qu’ils font beaucoup de bruit. Ils sont pétillants et
bruyants et, lorsqu’ils s’approchent de vous, vous vous rendez compte
qu’ils répètent toujours la même chose et rigolent très fort, et sont très
heureux avec eux-mêmes. Et c’est tout ça qui est agaçant à leur sujet !
Comme je le fais habituellement, j’ai imaginé des lettres pour décrire ces
petits personnages. Et j’en suis arrivé à la boucle VPE :
• V pour Vite ; ils vont plus vite que vous ne le souhaitez.
• P pour Plus ; ils veulent plus que vous ne pouvez donner.
• E pour Encore ; ils vous donnent plus que ce dont vous avez besoin.

Vite

« Je suis vraiment, vraiment, vraiment pressé, suit mon rythme ! »


Visualisez une personne trop excitée qui va toujours plus vite que vous.
Vous avez devant vous le petit Gobelin Vite ! Cette personne est fatigante
car elle ne peut pas rester en place et exige que les autres soutiennent son
rythme trop rapide. Nous ne parlons pas d’un comportement temporaire ici,
mais de quelque chose de continu et répétitif. C’est pourquoi cette personne
finit par envahir l’espace des autres et est perçue comme étant intrusive.

Plus

« Je veux plus, plus, plus de ta part à toi, toi, toi »


Plus a besoin de plus que ce que vous pouvez lui donner. Ce type de
personne n’en a jamais assez et demande avec enthousiasme plus
d’attention.
Par exemple, même si vous venez de passer une journée entière avec
quelqu’un qui vit dans une boucle ERA de type Plus, le temps que vous
venez de passer avec lui ne suffit pas. Il a encore besoin de plus et n’arrête
pas de répéter qu’il aimerait passer encore plus de temps avec vous. Juste
avant de partir, il vous prend par le bras et vous demande une autre heure ou
deux de votre temps. C’est la manifestation de ce besoin insatiable qui
devient ennuyeux.
Ce sont les mêmes personnes qui cherchent une excitation particulière en
vous téléphonant souvent pour parler pendant des heures de sujets déjà
abordés, ce qui devient de plus en plus Intrusif et Agaçant.

Encore

« Oui, mais, vraiment, ça me ferait terriblement plaisir si vous acceptiez


ceci. »
La boucle ERA du petit Encore est l’inverse de celle de Plus. Une
personne qui présente une boucle d’ERA Encore est du genre à absolument
vouloir vous donner plus que vous ne le demandez, en courant après vous
pour vous étouffer avec une attention dont vous n’avez pas nécessairement
besoin. Si vous refusez ses cadeaux le matin, il les cachera dans votre sac
au déjeuner ! Et si jamais vous oubliez les cadeaux lorsque vous partez, il
va frapper à la fenêtre de votre voiture avec un petit paquet et vous dire
avec un sourire inquiet : « Vous avez presque oublié vos cadeaux. J’ai
ajouté une boîte avec les cookies », or, vous n’aimez pas ces cookies parce
qu’ils sont trop secs ! Cette fois encore, vous finirez par trouver cet excès
d’attention assez invasif et même étouffant.
Dans une série d’ateliers que j’ai menés à Paris en 2009, j’ai soulevé
l’idée que la boucle ERA peut s’appliquer à chacun des État du Moi. Nous
avons alors imaginé ensemble les types de gobelins qui émergeraient de
chacun des États du Moi s’ils étaient sous l’influence de l’Exaltation
Répétitive et Agaçante.
Nous avons évoqué ce que deviendrait un Parent Critique Exalté,
Répétitif et Agaçant. Et nous nous sommes mis d’accord sur trois
comportements, par exemple passer son temps à sermonner, (Preachy), à
donner des conseils (Teachy), ou à parler uniquement de soi-même
(Speechy) que Jérôme et Pierre ont appelé Prêcheux, Pompeux, et
Prétentieux en français. Ou encore, les gobelins d’un Parent Nourricier
seraient Chou, (Sweetie), Plus (Needy), et Encore (Feedy), Chou, si gentille
qu’elle en devient exaspérante !
Si vous regardez la situation avec la technique des deux sweat-shirts,
vous n’aurez aucune difficulté à identifier le titre des jeux psychologiques
de chacun de ces petits personnages terribles : « Essaye de m’arrêter si tu
peux ! » et « Faisons comme si tu voulais me parler. »
Cela n’apparaîtrait bien sûr que sur le devant du sweat-shirt parce que sur
le dos se lirait : « Je peux continuer comme ça pendant un bon moment, je
ne me fatigue jamais ! »

EDP : la boucle perdante de la sexualité

« Pourquoi ne faisons-nous plus l’amour ? »


Puisque nous parlons d’intimité, permettez-moi de décrire la boucle
perdante traitant de la sexualité. Quand je travaillais en thérapie de couple,
donc à un niveau psychologique plus profond, j’ai parfois dû utiliser cette
boucle perdante de la sexualité. Cette boucle révèle un ensemble de trois
barrages émotionnels qui créent un obstacle à l’intimité sexuelle dans une
relation de couple. Je représente ces trois blocs émotionnels par les lettre
EDP :
• E pour Effrayé,
• D pour Dégoûté,
• P pour Privé.

Figure 7. 11 – La boucle perdante de la sexualité

Effrayé (Scared), pour certaines personnes, signifie :


• avoir peur de blesser l’autre personne mentalement ou physiquement ;
• avoir peur d’être blessé par l’autre personne mentalement ou
physiquement.
Dégoûté (Disgusted) indique que la personne se sent :
• dégoûtée par l’autre personne mentalement ou physiquement ;
• dégoûtée par elle-même ou mentalement ou physiquement ;
• vue par l’autre comme étant dégoûtante mentalement ou physiquement ;
• dégoûtée par le sexe.
Privé (Deprived) est la décision finale que la personne prend : cesser de
faire l’amour après avoir éprouvé trop de peur, de colère ou de déception.
La personne utilise ses timbres pour se débarrasser de toute culpabilité :
• « Cette personne ne répondra plus jamais à mes besoins. »
• « Je ne serai jamais satisfait par mes partenaires. »
• « Je ne suis vraiment pas fait pour avoir une vie sexuelle. »
Parfois, le comportement du patient révèle ces blocages directement
pendant la séance de thérapie de couple ; mais la plupart du temps, les
blocages sont plus profonds, cachés et le patient ignore leur présence.
Revenir en arrière étape par étape permet de démanteler cette boucle.
Certains couples attentionnés peuvent discuter de la liste entre eux.
La conséquence la plus visible est que le couple reconnaît ou se plaint de
ne plus avoir de relations sexuelles sans vraiment identifier les causes de
cette abstinence. Cette situation entraîne également des accusations
injustifiées venant de l’autre partenaire, ce qui aggrave les blocages. Il est
très difficile d’aborder ces problèmes avec ces patients car ils trouvent
toujours de bonnes excuses pour ne pas en parler. Ce n’est pas le bon
moment, ou ils ont besoin de plus de temps pour y réfléchir. Certains le
justifient par un nouvel engagement de nature religieuse. Certains craignent
que toute discussion ne fasse qu’empirer les choses.
En psychothérapie, cette boucle rend le travail du thérapeute plus facile
parce qu’il peut identifier les barrages plus facilement grâce au fait que les
trois sont présentés dans la même boucle. S’il reconnaît la peur chez un
patient, alors peut-être que le dégoût et la privation ne sont pas loin.
Bien sûr, ces sentiments enfouis de peur, de dégoût et de déception ne
sont pas arrivés ici tous seuls. Ils se sont progressivement frayé un chemin
dans la vie du couple. Les conflits, les ressentiments, la culpabilité et tout
ce qui n’est jamais dit compte ici. La question que les couples pose à leur
thérapeute est : « Docteur, pourquoi ne faisons-nous plus l’amour ? »
Et c’est peut-être la même question que celle des célibataires endurcis :
« Pourquoi est-ce que je ne trouve jamais de partenaire parfait ? » Souvent,
ce sont les mêmes trois réponses : peur des jeux à venir, une forme de
dégoût pour chaque partenaire et la déception engendrée par la non-réponse
à leurs besoins déraisonnables.
Cependant, ces trois-là ne sont peut-être pas limités aux couples, ils
pourraient être des attitudes enfouies, entretenues par les personnes, les
lieux de travail ou les gouvernements, et sont une source de réflexion et de
réponse à pourquoi certaines personnes quittent leur emploi ou arrêtent
d’essayer de réussir leur travail. Ils ont besoin de s’en sortir.
Mais si un patient décide de faire face honnêtement aux questions de son
thérapeute, les blocages EDP peuvent alors venir à la surface et le véritable
travail peut alors commencer.
Je dois préciser qu’il peut y avoir plus de choses derrières les blocages
sexuels que la collecte secrète de timbres EDP. Trois traits de personnalité
EDP peuvent se trouver sous la surface et ne jamais être abordés. Si les
barrages CASE empêchent la communication, ces problèmes peuvent rester
inconnus du couple. Il faut peut-être mener une exploration plus
approfondie pour trouver l’origine de ces trois attitudes de personnalité :
soit des réactions excessives à la peur, la colère ou la déception venues de
l’enfance – soit un transfert de ces dernières sur d’autres personnes. Une
analyse de scénario ou une analyse de transfert en psychothérapie peuvent
trouver ces réponses.
Pour illustrer les origines dans l’enfance des barrages d’intimité dans un
diagramme, nous pouvons inclure une boucle familiale plus petite dans la
boucle d’aujourd’hui, comme nous l’avons fait lorsque nous avons placé un
Triangle Dramatique de la famille d’origine à l’intérieur du Triangle dans le
présent.

Figure 7. 12 – L’origine dans l’enfance du Blocage Sexuel EDP


CASE+ : la boucle gagnante de l’intimité

« Ayons une vraie discussion à ce sujet. »


Dans mon travail de recherche, j’ai choisi comme règle scientifique la loi
physique qui démontre que toute chose a une face négative et une face
positive. Tout le monde a joué avec à coller des aimants lorsque leurs pôles
positif et négatif s’attirent, ou à les faire se repousser avec leur pôle
identique.
Chaque fois que je découvre une combinaison négative comme les
blocages CASE ou les boucles intrusives ERA, je m’astreins à identifier son
pendant positif. Ainsi, je couvre toutes les facettes d’un problème en
montrant comment identifier les difficultés et, surtout, par quoi les
remplacer.
Lorsque j’anime des ateliers, je travaille d’abord sur les blocages de
l’intimité : Condescendant, Abrupt, Secret et Évasif. Je demande aux
participants de se mettre par deux et d’expérimenter chacun leur tour les
quatre blocages afin de comprendre ce qui se joue dans la relation.
L’une des deux personnes doit proposer à l’autre une discussion sur le
thème : toi et moi, notre relation en ce moment.
L’autre a pour mission d’empêcher son partenaire d’entrer dans cette
discussion avec les quatre blocages CASE.
Une fois l’expérience terminée je demande aux paires de se féliciter pour
le travail fait et surtout de se consoler pour toutes les misères qu’elles se
sont fait subir !
Puis, vient le moment de réparer les dégâts en refaisant l’expérience avec
la même boucle, mais positive cette fois-ci. J’ai voulu garder les mêmes
initiales pour marquer cet effet miroir d’exacte symétrie entre les quatre
attitudes négatives et les quatre attitudes positives.
Voici comment se transforme la boucle CASE – lorsqu’elle devient
CASE+ :
• Condescendant devient Chaleureux.
• Abrupt devient Accueillant.
• Secret devient Solidaire.
• Évasif devient Engagé.
Figure 7. 13 – La boucle gagnante CASE+

Figure 7. 13 – La boucle gagnante CASE+

Chaleureux (Caring)

Alors qu’un sujet a été posé sur la table pour être discuté, nous montrons à
notre interlocuteur que nous sommes concernés par ce qu’il ressent et par ce
qu’il veut exprimer. Cette attitude est vécue comme une marque d’intérêt et
invite à la confiance.

Accueillant (Approchable)

Lorsque nous mobilisons cette attitude, nous envoyons un message clair à


ceux qui souhaitent parler avec nous : « Je suis quelqu’un d’ouvert et vous
êtes les bienvenus pour discuter ». Ceci tranche radicalement avec l’attitude
abrupte.

Solidaire (Sharing)

Nous pouvons aussi nous montrer solidaire chaque fois que nous partageons
ouvertement nos ressentis au lieu de les garder secrets. Il peut s’agir aussi
de donner à l’autre des informations dont les deux parties pourraient avoir
besoin pour résoudre le problème posé.

Engagé (Engaged)

Nous montrons que nous ne lâcherons pas l’affaire et que nous sommes
prêts à couvrir tous les sujets connectés au problème. Avec cette attitude
engagée nous évitons la tentation d’être évasif pour noyer le poisson et
écouter la conversation.
Examinons un peu ce à quoi pourrait ressembler le résultat avec
l’exemple que nous avons utilisé pour illustrer la boucle perdante CASE–.
Rappelez-vous, c’était la discussion que la femme voulait avoir avec son
mari pour qu’ils aillent au cinéma ensemble. Revenons au début.
La boucle gagnante CASE + « Sortons ensemble un de ces
quatre ! »

– Mon chéri, nous ne sortons plus ensemble. Cela fait si longtemps que
nous sommes allés au cinéma pour la dernière fois, toi et moi !
– C’est vrai, ma chérie. Je sais combien tu aimes quand nous sortons en
amoureux (Chaleureux).
– Oui, j’aime énormément ça. Et c’est bon d’être un peu l’un avec
l’autre, nos vies professionnelles nous prennent tellement de temps !
– Viens, assieds-toi et discutons calmement pendant quelques minutes
(Accueillant).
– D’accord !
– En ce moment j’ai du travail par-dessus la tête. Rien de très important,
mais je me sens fatigué, comme si toute mon énergie était vampirisée par
mon travail. Mercredi prochain, j’ai une journée avec moins de travail
que d’habitude. Que penses-tu d’un dîner en tête à tête à 20 heures
(Solidaire) ?
– Ce serait formidable ! Tu sais, j’aimerais que nous fassions ce genre de
chose plus régulièrement. Si nous attendons trop longtemps, nous
finissons par ne plus faire grand-chose ensemble.
– C’est vrai. Tu sais quoi ? Nous pourrions dîner dehors ce soir, discuter
et découvrir ce que chacun de nous veut faire. Qu’en penses-tu
(Engagé) ?

Lorsque nous effectuons cette expérience pendant des ateliers, le


contraste est frappant. Je demande aux participants d’en parler avec leurs
proches. Bien que cela puisse sembler à la fois banal et complexe en même
temps, les résultats sur la qualité des relations sont très clairs.

ERA+ : la boucle gagnante de la sécurité

« Tu peux parler avec moi en toute sécurité, je sais gérer mes émotions. »
J’ai procédé avec la même méthode pour trouver une boucle gagnante
ERA. Nous avons vu combien l’excès d’enthousiasme conduisait à
l’insistance. Un comportement Exalté et Répétitif finit par devenir Agaçant.
Alors que la boucle perdante ERA produit des comportements égocentrés,
la boucle gagnante ERA est reconnaissable par la sécurité qu’elle suscite
chez nos interlocuteurs. Voici ce que deviennent E, R et A en version
positive :
• Exalté devient Empathique,
• Répétitif devient Relax,
• Agaçant devient Attractif.

Figure 7. 14 – La boucle gagnante et attractive de l’intimité

Figure 7. 14 – La boucle gagnante et attractive de l’intimité

Empathique

Ce comportement tient compte de l’état émotionnel de l’autre pendant la


discussion. Lorsque nous faisons preuve d’empathie, nous évitons
d’imposer à notre interlocuteur notre enthousiasme ou notre passion pour le
sujet. Au lieu de nous écouter parler et de nous enivrer de notre propre
énergie, nous restons attentifs à laisser de l’espace à l’autre.

Relax

Notre interlocuteur perçoit notre relâchement et notre capacité à lâcher


prise. Un comportement relax est souvent positivement contagieux. Les
tensions sont au plus bas et cela se traduit par un visage agréable, des gestes
souples, un corps détendu et une voix apaisante. Les mots sont également
choisis avec clairvoyance lorsqu’il s’agit d’aborder un problème dont les
enjeux touchent les différents protagonistes.

Attractif

C’est le résultat naturel d’un comportement empathique et relax. À force de


se comporter de façon agréable lors des discussions, notre entourage sait
qu’il est très plaisant d’accepter d’avoir des conversations avec nous. Nous
minimisons ainsi les risques de voir surgir les quatre attitudes CASE– qui
agissent comme autant de boucliers contre la communication.
Maintenant, je propose que nous retournions à notre expert en assurance,
Ben, qui était tout excité par la signature de son contrat. Dans la version
négative de la boucle ERA, il a fait irruption dans le bureau de son collègue
Mark, déversant négligemment de l’énergie intrusive. Résultat : une
remarque condescendante de Mark.
Voici ce qui pourrait arriver si Ben entrait dans le bureau, à la fois calme
et attentif aux autres :

La boucle gagnante ERA + « J’ai de bonnes nouvelles à partager


avec toi ! »

– Bonjour, Mark. Comment vas-tu ce matin (Empathique) ?


– Salut Ben ! Je vais bien et toi ?
– Moi aussi. Je me prépare pour la réunion de ce matin. Est-ce un bon
moment pour en parler avec toi (Relax) ?
– Oui. Mais pourrais-tu me donner un quart d’heure pour terminer
quelques courriels ?
– Bien sûr. Prends ton temps. Je vais préparer du café frais dans mon
bureau. A tout’ (Attractif) !

Imaginons que Mark et Ben soient formés à utiliser mes deux outils
ERA+ et CASE+. Il y a de bonnes chances pour que leur discussion avance
bien mieux.
Plus les enjeux d’une conversation sont élevés, plus nous devons être
vigilants. Couvrir tous les aspects d’un problème n’est pas si simple. Cela
demande également des compétences d’écoute chez les participants. Si
l’écoute n’est pas perçue dans une conversation, cela peut devenir une
source de frustration. Pour éviter de me retrouver dans une telle situation, je
propose une nouvelle boucle de gagnant.

« Le plus gros problème dans la communication est l’illusion qu’elle


a eu lieu. »

George Bernard Shaw


SEVF : La boucle d’écoute gagnante

Tout au long de mon travail, j’ai observé que les jeux et le temps passé dans
les triangles interfèrent avec nos capacités d’écoute. Bien que nous soyons
naturellement doués pour l’écoute et l’apprentissage, nous développons une
résistance à l’écoute et au changement à mesure que nous grandissons.
Je veux vous offrir un outil pratique pour lutter contre ce déclin de la
qualité d’écoute. L’idée ici est de vous entraîner à mobiliser quatre
compétences qui améliorent grandement la qualité de votre écoute et le fait
afin que les autres se sentent écoutés et validés.
Ces quatre qualités sont exprimées par les lettres SEVF :
• S pour Signes de reconnaissance,
• E pour Encouragements,
• V pour Validations,
• F pour Facilitation.

Figure 7. 15 – SEVF :la boucle d’écoute

Figure 7. 15 – SEVF :
la boucle d’écoute

Ces quatre lettres interconnectées forment un ensemble complet de


compétences que vous pouvez facilement observer en action.
Depuis plus de 30 ans, j’ai formé mes patients et mes étudiants pour
vérifier la théorie en me concentrant sur ces quatre piliers d’une écoute de
qualité. Ce qui est intéressant, c’est que ces quatre compétences
correspondent aux grands besoins sociaux d’une personne : être entendue et
comprise.
Dans la thérapie de couple, j’utilise la boucle SEVF pour aider mes
patients à trouver ce qui manque dans leur relation quand le déficit d’écoute
est au cœur des problèmes. De même, dans un litige professionnel, un
médiateur pourrait utiliser le modèle pour demander à chaque partie ce
qu’elle estime ne pas être entendu et ce qu’elle aimerait que l’autre partie
comprenne.
Signes de reconnaissance (Strokes)

Je viens d’une discipline, l’Analyse Transactionnelle, où nous accordons


une grande importance aux Signes de reconnaissance et la position de vie :
je suis OK, Vous êtes OK. Les Signes de reconnaissance ne sont pas liés au
contenu du message, mais adressés à la personne elle-même. Trouver les
mots pour dire à l’autre personne qu’il ou elle est importante, quel que soit
le message que nous envoyons, est une belle preuve d’altruisme.
Les Signes de reconnaissance préservent le canal de la relation.

Encouragements

Avec toute notre conscience, nous encourageons l’autre personne à


s’exprimer et à dire ce qu’il ou elle veut dire. Nous pouvons poser des
questions sincères, bien sûr, mais aussi savoir que « la porte est toujours
ouverte » à tout ce dont vous voulez parler avec moi. L’encouragement actif
énoncé dans les mots assure que l’autre personne se sentira bienvenue pour
parler, n’importe quand, n’importe où.
Les encouragements préservent le canal de communication.

Validations

Les validations sont tous les remerciements pour dire à l’autre personne que
nous l’avons entendue. De cette façon, nous indiquons à l’autre que nous
avons perçu ce qu’il a dit et réalisé pourquoi il l’a dit. Et, même si nous ne
sommes pas d’accord, nous gardons la règle des 10 % à l’esprit (voir
page 87) Même s’il n’y a que 10 % de juste dans ce que l’autre personne
dit, cela vaut la peine de se concentrer sur ces 10 % de vérité et de le lui
montrer. Vous rappelez-vous de l’Iceberg de l’Information ? Cela nous
donne quatre messages pour encourager et valider pour l’autre personne : le
Sujet, l’Information, l’Importance et l’Intention.
Les Validations préservent le canal de la vérité.

Facilitations (Follow Through)


C’est une compétence qui consiste à donner de la vie au sujet en se
projetant dans les possibilités, les projets, les moyens. Cela facilite le débat,
et permet de montrer à l’autre que nous sommes en train de coller au sujet
qu’il voulait couvrir avec nous. C’est le « Bouclons » (Wrap it Up), dans le
contrat d’ouverture. C’est la posture Engagé, dans la boucle CASE+. C’est
le « Je change » dans la troisième échelle d’écoute. Le fait de ne pas perdre
de vue le but de la conversation est aussi une excellente façon de recentrer
la discussion si elle s’égare. Le cadeau ici est de montrer notre intérêt dans
le sujet de l’autre en discutant les moyens menant au résultat désiré.
Les Facilitations renforcent le canal de l’objectif.
Pour évaluer votre pouvoir d’écoute, posez-vous les questions suivantes
au cours d’une conversation :
1. Ai-je dit à la personne, d’une manière ou une autre, que je le reconnais
en tant que personne et lui ai-je fais savoir ce que j’apprécie à son
sujet ?
2. L’ai-je encouragée à développer ce qu’elle a à me dire et s’est-elle
toujours sentie bienvenue ?
3. Ai-je reconnu ses idées et ce qui est important pour elle ?
4. Ai-je facilité notre conversation en restant concentré sur l’objet et le
projet de notre échange pour le mener à bien ?

La boucle gagnante BFC (Winners loop) !

Un employé près de la retraite s’est retrouvé dans un conflit de rivalité un


peu inutile avec un nouvel employé désireux de faire ses preuves. Il s’est dit
que ce jeune employé devait avoir besoin d’une bonne dose de signes de
reconnaissance, alors il l’a invité à déjeuner et, au dessert, lui a offert une
boucle gagnante, c’est-à-dire une série de signes de reconnaissance pour
qu’il se sente Bienvenu, Formidable et Compétent (Welcome, Wonderful,
Worthwile). À la fin du repas, sa faveur lui a été rendue et le jeune homme
a insisté pour payer l’addition et est reparti regonflé à bloc.
La boucle gagnante est complète si elle couvre à la fois un sentiment
d’appartenance (Bienvenue), un gage d’estime de soi (Formidable), et la
confiance dans sa capacité (Compétent).
Figure 7. 16 – La boucle gagnante :un problème au bureau ? Essayez
Bienvenu,Formidable, Compétent

Figure 7. 16 – La boucle gagnante :


un problème au bureau ? Essayez Bienvenu,
Formidable, Compétent

Bonne nouvelle ! Chaque boucle perdante a une version positive. Quelle


est, dans ce cas, la version gagnante de la boucle perdante sexuelle ?

EDP+ : la boucle gagnante de la sexualité

Lorsque les thérapeutes veulent aider leurs patients à réparer les dommages
causés par des années de jeux fastidieux qui érodent l’estime de soi, nous
pouvons utiliser la boucle du gagnant du même nom, ici EDP+ :
• Effrayé devient En sécurité,
• Dégoûté devient Désirable,
• Privé devient Partenaire.

Figure 7. 17 – La boucle gagnante de la sexualité :un problème au lit ? Essayez EDP+

Figure 7. 17 – La boucle gagnante de la sexualité :


un problème au lit ? Essayez EDP+

Cette boucle gagnante EDP+ donne à un couple une nouvelle


perspective. Au lieu d’avoir peur de blesser ou d’être blessé par le
partenaire, il y a maintenant des sentiments de sécurité, de confiance et de
détente. Au lieu du dégoût, je me rends désirable et je retrouve le désir de
mon partenaire. Au lieu de nous priver, mon partenaire et moi rencontrerons
les besoins de l’autre chaque fois que possible et de mieux en mieux avec le
temps.
Que faire pour se sentir sexuellement rassuré de nouveau ? Le thérapeute
accompagne le couple avec des autorisations pour exprimer ses besoins et
fixer des limites acceptables pour retrouver confiance. Le chemin vers le
désir est aussi un défi relevé dans le dialogue. Chacun des partenaires
retrouve alors une image de confiance mutuelle. Être en mesure de
dépendre de la désirabilité de l’autre est essentiel tout au long du retour vers
une vie sexuelle saine.

Autres dérapages dans un Parlons-en (Talk-It-Up)

Quand nous entreprenons enfin de parler vraiment et de réguler, nous


entrons dans le cœur du sujet en acceptant de couvrir tous ses aspects.
Comme nous l’avons vu, l’équilibre est difficile à trouver et fragile à
maintenir. Si nous sommes sur un sujet chaud, sensible, il y a beaucoup de
risques de glisser.
Cependant, nous pouvons parler de deux types de détérioration de la
conversation. L’un est le processus même de la communication, c’est-à-dire
la façon dont les échanges fonctionnent. L’autre est le contenu, c’est-à-dire
les faits, les mots et les actes liés.
Permettez-moi de vous donner quelques conseils pour garder un œil sur
le processus et le contenu. Si la situation est déjà devenue toxique, et que le
conflit semble s’être mis en place, ces pointeurs sont un bon moyen
d’analyser le différend après le fait, et les leçons précieuses à en tirer.
Trois formules à connaître pour la régulation : D → D → D, P → P → P
et M → M → M

La formule D → D → D : Discussion → Débat → Désastre

Cette formule montre la dégradation du processus de communication


lorsque la discussion devient un débat. Nous avons parlé ensemble de la
qualité d’une discussion réussie. Si les personnes impliquées dans la
conversation utilisent les outils dont nous avons parlé, ils couvriront tous
les aspects du problème. Rester ouvert à l’autre en affichant les quatre
attitudes positives de la boucle du vainqueur CASE+ est une première
garantie de succès. Éviter de se laisser emporter et de rester détendu avec la
boucle ERA+ est une seconde. Et finalement offrir une écoute sincère en
s’appuyant sur la boucle SEVF devrait suffire à préserver non seulement le
processus (la manière), mais aussi une grande part du contenu (les idées). Et
vous pouvez vous sentir validé lorsque les quatre couches de l’Iceberg de
l’Information sont communiquées et entendues.
Si la discussion tourne au débat, le risque de catastrophe augmente. Ce
n’est pas parce que le débat est une pratique négative, mais plutôt parce
qu’il implique une confrontation d’idées dans laquelle il est parfois difficile
de garder son sang-froid. Par exemple, il n’est pas rare dans un débat que
les gens se coupent la parole pour imposer leurs propres arguments, sans
attendre que l’autre finisse. L’écoute en prend nécessairement un coup parce
qu’au lieu de se concentrer sur ce que l’autre me dit, je trépigne, donc je
risque de manquer ce que l’autre personne a besoin que je comprenne. Je ne
serai donc pas en mesure de reconnaître ce que j’ai entendu, et les
frustrations vont s’accumuler, jeter les bases d’une catastrophe imminente.
Les portes claquent, le rideau tombe et la pièce est finie.
En analysant ce drame avec le Triangle Compassionnel, on pourrait
comprendre que les trois rôles sont à nouveau joués en même temps par les
deux parties. Le rôle le plus visible est celui du Persécuteur qui coupe et
interrompt l’autre. Mais secrètement, peut-être que je voulais avec mon
argument me sauver moi-même de ce que je ressentais comme injuste et me
plaçait dans le rôle de Victime.

La formule P → P → P : Point → Processus → Personnalités

Cette deuxième formule indique un glissement vers les accusations visant la


personnalité, comme « De toute façon, avec toi, il n’y a jamais de
problème » ou « Tu es vraiment un égoïste ! »
La discussion commence par un point de départ qui doit être traité
comme une priorité. Ce peut être un point de désaccord sur un sujet de la
vie professionnelle ou personnelle.
Par exemple, Jennie, la responsable des achats au comité exécutif,
commence une discussion dont le Point de départ est les coûts :
« Je suis stupéfaite, parce que nous ayons doublé nos dépenses en
matériel informatique en seulement un an ! Que se passe-t-il ? Je ne pense
pas que cela soit justifié, d’autant plus que nous avons toujours des
incidents avec notre Internet. »
La discussion commence alors et le dérapage survient lorsque l’un des
interlocuteurs commence à accuser un collègue sur sa façon de traiter le
problème et de présenter ses arguments. Karen attaque le Processus de
Jennie et dit :
« Je suis désolée, mais ces deux choses ne sont absolument pas liées. Il
n’y a aucun lien entre le fait que nos équipes aient besoin de systèmes
informatiques et les incidents de réseau. Je ne vois vraiment pas ce que
vous insinuez !
Jennie peut à présent s’attaquer au Processus de Karen :
« Que voulez-vous dire par « ce que vous insinuez ? Je fais une
observation simple et je suis surprise que vous ne voyiez pas le lien entre
ces deux éléments ! »
Maintenant Karen est prête à viser la Personnalité de Jennie et envoyer
une attaque directe :
« Oui, et bien pour vous, dépenser ne serait-ce qu’un centime est un
supplice. Cela doit être un enfer tous les jours à la maison avec Jennie et
John ! »
Le Point de départ était les coûts. Le Processus s’est axé sur sous-
entendus de chacune, la conversation est devenue hostile en attaquant sur
les Personnalités.

La formule M → M → M : Mémoire → Méconnaissance → Méprise

Dans une discussion importante où un différend doit être discuté, notre


mémoire nous joue parfois des tours en devenant particulièrement sélective.
Il nous est très facile d’oublier ce que l’autre personne a dit ou fait de bien,
alors que nous nous rappelons très clairement ce que nous avons dit ou fait
de bien. Suivant la même logique, nous avons tendance à garder en
mémoire plein de choses mauvaises que l’autre personne a dites ou faites, et
d’oublier ce que nous avons dit ou fait qui n’était pas top !
Ce manque de lucidité et d’objectivité quant aux faits réels mène
inévitablement à une série de malentendus. Qui a dit quoi ? Qui a voulu dire
quoi ? Qui aurait voulu dire quoi ?
« J’ai essayé de lui expliquer pourquoi je me sentais mal compris (V),
j’ai fait ça pour nous et notre relation (S), mais elle a cru que je voulais
dire que c’était sa faute (P), puis elle a dit qu’elle était blessée (V) et m’a
accusé d’insensibilité (P). J’ai essayé d’aider (S) en détaillant les étapes
qui ont mal tourné dans la conversation, mais ma mémoire était
défectueuse, il y avait des malentendus, et je n’aurais pas dû d’essayer (P).
Heureusement, elle a résolu la situation (S) en disant, « Je dois y aller. Je
vais bien. Parlons-en plus tard. »
Ce sont ces malentendus qui sont susceptibles de bloquer la discussion en
raison d’erreurs d’interprétation. La formule MMM est très utile dans la
médiation, pour montrer aux protagonistes qu’ils se trompent sur ce qui
s’est réellement passé. Reprendre les faits et réactiver les blocs de la
mémoire défaillante donne l’occasion d’un nouveau « Parlons-en » basé sur
l’objectivité.
Ces trois erreurs apparaissent inévitablement dans les courriers
électroniques et il est rare qu’il y ait des médiateurs dans ces cas-là. Dès les
premiers malentendus, nous avons tendance à essayer de réexpliquer notre
contenu et plus nous cherchons à clarifier (processus), plus la situation
semble s’aggraver et glisser vers les conflits de personnes.

Figure 7. 18 – Analyse des arguments : Discussion>Débat>Désastre


et Point>Processus>PersonnalitésNotez la direction des flèches vers le bas

Figure 7. 18 – Analyse des arguments : Discussion>Débat>


Désastre et Point>Processus>Personnalités
Notez la direction des flèches vers le bas

Nous pouvons également utiliser l’Analyse Transactionnelle des États du


Moi et noter qu’une Discussion agréable (Information en mode Adulte et
Enfant Libre) peut se transformer en Débat (Jugements du Parent Critique),
puis à un Désastre (Parent – et Enfant – privé d’Adulte).

Une formule pour réparer un « Parlons-en » devenu Désastre :


La boucle de courtoisie CPP

Je propose une formule CPP différente, visant maintenant une dynamique


positive : Compliment → Politesse → Possibilités.
Une fois que les faits sont extraits de la mémoire perdue, nous savons qui
a dit quoi et qui a fait quoi, alors la colère et la confusion peuvent s’apaiser.
Pour apaiser l’impact de la colère, si l’autre personne a dit ou fait quelque
chose de bien, je peux commencer par la Complimenter pour ça. Je peux
par exemple dire : « C’est vrai que vous avez dit cela et c’était bien. Je le
reconnais. »
Pour avoir un poids positif dans la résolution des problèmes, les choses
doivent être dites sur un ton respectueux. La Politesse réduit les tensions et
apaise beaucoup de situations. Se rappeler cela permet de mettre des
ingrédients simples mais encore efficaces dans le dialogue !
Il est aussi utile d’admettre la Possibilité de s’être trompé sur un point
particulier, et l’admettre : « Peut-être que, sur ce point-là, je me suis
trompé » ou la Possibilité d’avoir minimisé l’importance d’un problème
perçu par l’autre. Les Possibilités permettent à l’autre personne sauver la
face et de trouver une issue pour accepter la résolution du malentendu et ne
pas se sentir coincé.
Certaines concessions ouvrent la porte à la générosité réciproque tant
qu’elles ne sont pas un sauvetage condescendant du genre, « Oui, OK, je te
l’accorde si ça te fait plaisir… » Cette formulation pourrait provoquer un
nouveau dérapage et, à elle toute seule, empoisonner la situation encore
plus.
Profitons de cette occasion pour passer en revue les cinq contrats de
confiance qui peuvent être rétablis après le CPP+. Cette façon de faire est
reliée au contrat de protection du Parent Nourricier, puis le retour à la
maîtrise de soi et la politesse sont reliés au contrat du Parent Normatif. La
suite menant vers un échange équitable de compromis et de transparence est
reliée au contrat d’ouverture Adulte, l’acceptation des possibilités de
malentendus et d’erreurs est reliée au contrat de flexibilité de l’Enfant
Adapté, et le fait de permettre à la conversation de reprendre dans le plaisir,
plus cool, rétablit le contrat de satisfaction de l’Enfant Libre.

Si vous voulez vraiment « en parler », méfiez-vous des six fauteurs


de trouble, appelés SALMEC

Nous approchons de la fin de ma deuxième règle d’ouverture, « Parlons-


en ». Je veux vous donner un truc pour facilement identifier les premiers
signes d’une conversation mal partie.
Après avoir lu toutes ces pages décrivant les boucles d’intimité gagnantes
et perdantes, si vous pensez qu’il est difficile de se rappeler tout cela dans
l’action, eh bien, vous avez raison ! Donc j’ai encore une fois utilisé mon
rasoir d’Occam pour réduire les blocages de l’intimité à leur expression la
plus simple – les chercheurs de noise de la communication, les empêcheurs
d’aller plus loin.
J’ai découvert six fauteurs de troubles qui se cachent au tournant d’une
phrase et nos façons de parler dont le projet plus ou moins conscient est de
saboter toute forme de communication. Vous pouvez retrouver ces six
saboteurs en mode Persécuteur, Sauveur et Victime et les verrez apparaître
dans tous les conflits. Vous pouvez aussi les trouver dans les boucles CASE,
ERA, et dans les jeux psychologiques.
Voici une façon très simple de se rappeler les six Va-t-en-guerre. Je les
appelle les SALMEC pour que nous n’ayons pas de doute sur leur intention.
J’en resterai à six. Une règle d’Analyse Transactionnelle est que le nombre
d’éléments doit être de six ou moins de sorte que l’État de Moi Enfant
puisse se souvenir d’eux.
Le principe de ces six fauteurs de trouble est de faire basculer la
discussion en exaspérant la personne qui voulait parler. Chacun d’entre eux
peut rapidement transformer une discussion en combat. Dans la thérapie de
couple, je présente la liste et explique les six aux conjoints. Les partenaires
sont curieux et peuvent rapidement identifier ceux qui sont les plus utilisés
par chacun. Leur identification est un bon point de départ :
• S pour Sujets,
• A pour Attribution,
• L pour Lecture de pensées,
• M pour Menaces,
• E pour Enthousiaste,
• C pour Cent pour Cent.

S pour Sujets

Le S de SALMEC consiste à changer le sujet trop souvent pendant les


discussions. Le problème est que si vous essayez de terminer l’un des
sujets, un deuxième apparaît. Vous ne pouvez pas aller au bout d’une idée.
Vous êtes frustré. L’adrénaline s’accumule.
Dans les jeux de deuxième degré, quand les couples se battent à coups de
vieux timbres, les vieilles rancunes non résolues traversent la pièce dans un
jeu appelé « Archéologie » consistant à ressasser le passé. La règle de
combat est celle de Sujets. Accumuler et empiler des dizaines de sujets sans
qu’aucun ne soit traité vraiment peu devenir éreintant.
Un bon saboteur conversationnel utilise parfois cette méthode pour
décourager l’autre. Le principe est d’interrompre la conversation et de la
diriger sur un autre sujet, puis encore un autre jusqu’à ce que le sujet
original soit oublié.
Une méthode efficace en public est de proposer un sujet plus intéressant
que celui lancé par l’autre.
En bref, le but de cette technique est d’éviter, consciemment ou non, le
sujet dont l’autre voulait parler. C’est la stratégie préférée des personnes qui
aiment surtout parler d’elles-mêmes. Elles profitent de ce que les autres
disent pour ramener la conversation à elles : « … Oh, ça, vous savez, c’est
exactement comme moi l’autre jour… bla bla bla… »

Exemple 1 lors d’une réunion au travail

– Peut-on parler des recrues à venir ?


– Oui bien sûr ! En outre, j’aimerais vous lire la liste de tous les sujets
dont nous aurions dû parler à la dernière réunion et que nous n’avons
pas encore traités…
Ensuite, chacun des collègues présents veut parler d’un sujet différent
parmi les sujets énumérés. Le chaos s’ensuit parce qu’un ordre du jour
n’a pas été mis en place. Cette omission est probablement ce qui s’est
passé la semaine précédente aussi.

Exemple 2 au déjeuner avec des amis

– Eh ! Hier soir, je suis allé voir un film au Grand Théâtre…


– Eh bien, je ne sors plus à cause des prix élevés des spectacles. Je pense
qu’ils exagèrent vraiment ! Ne pensez-vous pas que les prix de concerts
sont absurdes ? La dernière fois, avec mon mari, bla bla bla…
A pour Attribution

Cela consiste à définir l’autre : « Toi qui es…, si tu dis que c’est parce que
tu es. » ou « quand tu es un manager, il est normal de penser… » Le
principe est de coller une étiquette sur l’autre et de le coincer dans le
personnage correspondant à cette étiquette.
Nous allons tous résister à l’étiquette car elle annule le potentiel de notre
identité. Nous devenons une chose, plus une personne. Les étiquettes
peuvent aussi rappeler des souvenirs douloureux de notre vie à l’école et
des rivalités entre frères et sœurs où les noms d’oiseaux et les sobriquets
blessants foisonnaient.
Toutes les étiquettes sont des stéréotypes qui doivent être contestés, elles
sont fauteuses de troubles.

Exemple 1 au bureau

– Hey Al, toi qui es le petit préféré du sixième, pourquoi ne pas


communiquer notre idée au patron ? Tu pourras faire passer le message !
– Hein ? Qui t’a dit que j’étais le préféré du patron ?
– Allez !, ne fais pas l’étonné ! Tu sais très bien de quoi je parle !
Al doit se défendre contre toute étiquette qui peut le stéréotyper comme
différent de l’équipe. Il craint que ses succès à l’avenir soient considérés
comme un résultat d’un soi-disant favoritisme et que soit mise en doute
sa loyauté envers l’équipe.

Exemple 2 à domicile

Toi qui es le meilleur ami des Martin ! Maintenant, tu ne veux pas les
inviter. Qu’est ce qui t’arrive ?

Cet exemple est intéressant car il illustre une variante qui consiste à
accuser l’autre de sortir de son rôle habituel. Le réflexe serait de vouloir
vous répondre et vous expliquer, ce qui donne au fauteur de trouble la
possibilité de glisser dans un ton Condescendant avec « Non, non, je t’en
prie, tu n’as pas à te justifier ».
C’est ainsi que l’étiquetage devient un piège.
Cette pratique consistant à attribuer des étiquettes commence souvent
dans l’enfance. « Tu étais un enfant difficile. Je craignais que cela se
termine en prison. Alors que ton frère est le calme en personne » ou encore
« Oh, je te connais pas cœur, tu es tellement têtu, personne ne peut te
parler ! » Si les attributions sont incorporées dans l’ego, elles peuvent
devenir l’identité de la personne et affecter son estime de soi et ses choix de
vie.
Nos anciennes notes de classe et nos bulletins étaient pleins de ces
évaluations qui ressemblent à des étiquettes collées par nos enseignants, ces
mêmes étiquettes qui nous suivent parfois pendant des années, collées sur
nos fronts à la vue de tous.

L pour Lecture de pensées

Lire la pensée d’autrui consiste à prétendre que nous savons ce que les
autres pensent ou ce qu’ils ressentent. Et bien sûr, personne ne peut le
savoir. La lecture de l’esprit est une technique très intrusive, car elle insinue
que l’autre personne est transparente et que chacun peut lire ses pensées.
Personne n’a envie d’entendre qu’il ne maîtrise plus ses propres pensées. La
protection de l’espace privé devient un combat d’auto-défense.

Exemple 1 au travail

Annie, il y a quelque chose que je voudrais te demander, mais je sais déjà


ce que tu vas dire !

Exemple 2 au dîner familial

Papa, je suis sûr que tu vas te mettre en colère si on le fait, mais nous
devons vraiment parler du dîner de Noël !

Regardons dans l’exemple familial ce qui se cache sous ces mots


faussement doux. Nous voyons le fils un peu effrayé (V) essayer d’être le
plus doux possible avec son père (S) tout en l’accusant par avance (P). Et il
est implicite que, sous la surface, il y a des histoires entre eux qui n’ont
jamais été résolues. Du coup, le fils utilise cette stratégie avec son père et
peut-être avec d’autres membres de sa famille.
Ce qui est manipulatoire ici, c’est que le père n’est plus libre de parler
librement, en particulier si le sujet provoque une colère si prévisible. Il
semble que la partie la plus insupportable de cette pratique est que le fils
semble attendre une confirmation de sa prédiction. Et si elle devait se
réaliser, il lâcherait un cri de victoire « J’en étais sûr ! Tu es fâché. Tu vois,
je te l’avais dit ! »
Rappelons qu’il est plus sûr de demander à l’autre ce qu’il ressent, car
cela a un double avantage. Le premier est qu’il nous permet de vérifier nos
impressions ; le second est de nous rappeler que demander est une bonne
façon de nous empêcher de projeter nos propres sentiments sur l’autre et de
les lui attribuer.

M pour Menaces

Il existe des verbes comme « avertir » ou « prévenir » qui agissent comme


des fauteurs de troubles en raison de la menace qu’ils transmettent
inutilement.
Parmi les expressions les plus connues, il y a le célèbre : « Tu ferais
mieux de… », le fameux « Ce serait peut-être une bonne idée de… » et le
faussement diplomatique « Je ne peux que trop vous conseiller de… »
Les menaces sont donc parfois déguisées en bons conseils, ce qui les rend
plus inquiétantes que rassurantes. Elles peuvent rompre le contrat normatif
de non-effondrement, comme ici : « Une erreur de plus et je vous vire ».
Les menaces peuvent être légères au premier degré, lourdes au deuxième
degré, ou dangereuses au troisième degré.

Exemple 1 entre collègues au travail

« Faites attention, vous feriez mieux de réfléchir deux fois avant de vous
engager dans ce projet ! » ou pire, du chef d’équipe : « On parle de
problèmes budgétaires et certains membres du personnel peu coopératifs
devront probablement partir ».

Exemple 2 en couple
Je te préviens, si tu continues à me demander de passer une semaine de
plus dans les montagnes, je rentre à la maison par moi-même. J’ai le
vertige et ma décision est prise.

Ce qui est intéressant à propos de ces deux exemples, c’est que vous
pouvez analyser les menaces dans les rôles Persécuteur, Sauveur et Victime
tout comme vous le pouvez avec chacun des SALMEC. Avertir ou alerter
l’autre permet à la personne utilisant cette tactique de planter des graines de
doute ou d’inquiétude chez l’autre. Les menaces déclenchent des réactions
primitives d’adrénaline pour prendre des mesures et se protéger et sont donc
des réflexes d’auto-défense.
Parce qu’il est inutile de menacer lorsque des informations simples
suffiraient, nous pouvons dire que cette pratique est improductive.
Une menace est simple à identifier et vous donne un point de référence
fiable pour vérifier si la discussion est en danger.

E pour Enthousiaste

Il s’agit ici de montrer plus d’excitation que d’efficacité, puis de trouver


une bonne raison pour changer d’humeur et glisser vers l’échec : « J’étais
tellement surexcité à l’idée de dormir que je n’arrive plus à fermer l’œil ! »
En faisant en sorte que l’excitation augmente, les niveaux croissants
d’adrénaline deviennent le nouveau problème. La pensée est remplacée par
des émotions agitées. Vous remarquez les déclencheurs lorsqu’une personne
commence à parler de plus en plus vite et de plus en plus fort. Des doses
primitives d’adrénaline sont alors libérées dans le système. Il y a plus
d’excitation dans la compétition que dans le compromis.
Il y a un contraste déstabilisant dans le processus Enthousiaste. L’énergie
s’accumule avec d’abord l’enthousiasme et implose avec l’insupportable
« Oui mais ». Le chaud puis le froid finissent par avoir raison des
interlocuteurs.

Exemple 1 lors d’une réunion

– Voici mon projet. Qu’en pensez-vous ?


– Bravo ! Toutes mes félicitations ! C’est vraiment génial, très bien
construit et très prometteur. Cependant, dans la situation actuelle, nous
allons devoir attendre, car le projet n’a aucune chance de succès !
Passons maintenant à quelque chose qui peut fonctionner.

Exemple 2 à domicile

– Maman, je suis invité à une fête d’anniversaire samedi chez ma petite


amie.
– Génial ! C’est merveilleux ! Mais pas cette année. Ne me demande pas
pourquoi. Peut-être l’année prochaine. Ne discute pas avec ta mère.

Dans les deux cas, la poussée d’adrénaline liée au chaud-froid entraînera


des conflits dans la suite de l’échange.

C pour Cent pour Cent

Vous pouvez facilement identifier ce fauteur de troubles en suivant les mots


et expressions suivantes : toujours, jamais, encore, à chaque fois, comme
d’habitude, absolument certain, rien, tout, impossible, au moins…
Cette pratique consiste à laisser l’autre personne sans issue et à
s’exprimer avec des exagérations définitives et souvent très injustes.
Exemples :
« C’est toujours la même chose avec toi, nous ne pouvons jamais discuter
de rien. »
« Tu dis toujours le contraire… »
« Tu dois toujours avoir le dernier mot… »
« Tu n’admets jamais rien. »
« Tu ne fais absolument rien pour régler la situation. »
« Comme d’habitude, tu te trompes. »
Ce qui est très ennuyeux à propos de cette pratique, c’est que l’autre
personne peut être très convaincante et ne nous laisser aucune porte de
sortie. En fait, cette pratique active ce qu’on appelle des « bouchons de
pensée ». Nous nous sentons bloqués avant même de répondre.
LE SABOTAGE DE LA RÉGULATION EN BREF

Gardez ces six saboteurs à l’esprit afin d’apprendre à les repérer et vous battre
positivement pour un « Parlons-en » de qualité.
S’il y avait une chose à retenir quand il s’agit de l’art de « Parlons-en », rappelez-
vous la règle DDD du sabotage de la régulation :
➣ Si vous laissez une… Discussion
➣ se transformer en… Débat,
➣ préparez-vous au… Désastre.

RÈGLE 3 – BOUCLONS !

Nous avons appris à choisir soigneusement le bon moment et le bon


processus pour aborder un sujet, afin d’encourager l’autre personne à
accepter une discussion constructive. C’était la première règle d’ouverture
que j’ai appelée Évoque le !
Nous venons d’examiner toutes les bonnes pratiques et les risques de la
deuxième règle d’ouverture, que j’ai appelée Parlons-en !
Ce serait une erreur de s’en tenir à cela, même si tous les aspects d’un
problème semblent avoir été couverts, car il reste une étape cruciale pour
que la discussion soit suivie avec des effets et des changements positifs. J’ai
choisi d’en faire la troisième étape dans la règle d’ouverture. Je l’appelle
« Bouclons ! » C’est-à-dire s’assurer que tout est dit pour pouvoir passer à
autre chose.
La règle « Bouclons ! » consolide la discussion et y met une fin
constructive. Ne laissez pas les échanges s’évaporer en bonnes intentions, et
vérifiez que nous pouvons compter sur des changements visibles – c’est
l’objectif de cette troisième règle d’ouverture.
Cela nécessite quelques compétences qui peuvent être résumées dans une
formule simple : Collaboration + Créativité = Clôture.
Les personnes vivant un moment difficile ensemble doivent rassembler
leurs idées pour collaborer et stimuler des nouvelles options créatives afin
de se mettre d’accord pour régler les problèmes.
Je propose maintenant des outils pour faciliter ce processus de fermeture.
Selon les besoins et l’intensité du conflit que vous avez connu, vous pouvez
utiliser les outils qui semblent les plus appropriés dans la série qui suit.

Vingt suggestions pour boucler l’affaire et passer à autre chose

Je propose de vous appuyer sur ce que j’appelle les 20 C d’une bonne


résolution (Karpman 2012). Il s’agit d’une liste d’options pour une
utilisation co-créative afin d’arriver ensemble à une conclusion heureuse.
Cette liste qui a évolué au fil du temps et de mes recherches s’est avérée
fiable. Elle peut être utilisée comme check-list de « bouclage » pour toute
situation de règlement de conflits : audience, salles de réunion ou séances
de conseils, relations de couples ou différends entre amis. Ces 20 C de la
résolution pourraient même être utilisés par un pilote avant le décollage.
Je vous invite à le faire vous-même en vérifiant tous les points selon vos
besoins.
Lorsque j’accompagnais les couples en thérapie, je leur faisais faire des
exercices programmés en session et leur faisais discuter de ce que chaque
option leur apportait pour leur vie à la maison. La liste est longue, mais
chaque mot a son importance. Essayez quelques-uns de ces éléments :
• Catharsis – Merci. J’avais besoin de faire sortir tout ça de ma poitrine.
• Clarification – Les choses ont un sens maintenant.
• Contrats – C’est ce que nous avons accepté de faire.
• Choix – Nous avons des choix qui sont clairs pour nous.
• Changements – Je changerai pour le bien de notre projet.
• Compromis – OK. Tu gagnes ce point, je gagne l’autre.
• Co-responsabilité – Nous nous sommes engagés mutuellement.
• Clôture – Ce sujet est clos et nous pouvons passer à autre chose.
• Concessions – D’accord, oui, je le ferais pour faire une partie du
chemin vers toi.
• Compensations – Il existe des récompenses pour les concessions faites.
• Consensus – Nous sommes d’accord sur l’essentiel.
• Confession – OK, je le reconnais, tu as raison, je l’ai fait.
• Capitulation – Je ne reviendrai pas sur nos accords.
• Confirmation – Oui, cette idée est confirmée pour nous deux.
• Complétude – Eh bien, nous avons fait tout le tour du problème.
• Compassion – Je t’entends et je ressens une profonde empathie pour toi.
• Compliments – Wahou ! Tu as été excellent ! Tu es formidable.
• Contrôle de soi – Je vais garder mon calme et resterai d’humeur égale.
• Courtoisie – Je serai digne de confiance et je te traiterai correctement.
• Chouette ! – Je serai plus joyeux avec toi désormais et d’humeur
positive.
Imaginons deux amis d’enfance qui ont traversé un moment difficile dans
leur relation. Ils se sont éloignés l’un de l’autre en raison de différences
dont ils n’ont jamais parlé. Les accusations secrètes se sont empilées,
aboutissant à un différend lors d’une soirée entre amis.
Quelques semaines silencieuses plus tard, ils entrent en contact et
décident d’en discuter « Évoquons-le ! ». Ils décident de passer une journée
ensemble.
Les heures passées à parler de tous les aspects de leur problème
« Parlons-en ! » produisent un effet Cathartique. Ils sont soulagés et ont
soulevé des Méconnaissances et des trous de Mémoire ayant conduit à la
Méprise (MMM). Ils Confessent les erreurs du passé et une Chouette
entente renaît entre les deux amis, qui retrouvent leurs rituels d’amitié, la
Courtoisie naturelle permettant la confiance renouvelée.
Maintenant ils se sentent Co-responsables pour tenir compte des
Clarifications et des Confirmations découvertes sur le sujet de litige initial.
Chacun est prêt à Capituler sur certains points en reconnaissant ses fautes,
ce qui diminue encore davantage la tension.
Cette intimité retrouvée encourage encore chacun à faire d’autres
Confessions à l’autre sur ses sentiments et ses erreurs, et de dire des choses
qu’il n’a pas osé dire depuis longtemps. L’un d’eux à commencer à parler
de Compensation parce qu’il pense que c’était surtout sa faute.
C’est le moment d’accepter certaines Concessions et de faire des Choix
afin que la situation ne se reproduise plus. Les deux amis verbalisent les
Changements qu’ils vont faire, soutenus par la Compassion mutuelle.
Certains Compromis seront nécessaires pour parvenir à un nouveau
Consensus acceptable pour les deux. C’est la Contribution que chacun
apporte à la relation, pour obtenir un Contrat clair et éviter de nouvelles
frustrations du genre, je suis celui qui doit faire tous les efforts, encore une
fois !
Les deux amis ont déjà retrouvé assez de lien pour se remercier et se
Complimentent l’un l’autre pour avoir conservé leur amitié.
Les Compliments proposés ne concernent pas seulement cette journée de
régulation, mais aussi les qualités personnelles de chacun. Maintenant, il est
temps de célébrer l’événement et de laisser place à la joie. Le tintement des
verres marque la fermeture d’un épisode douloureux !
Nous pensons peut-être que, si les règles 1 et 2 de l’ouverture,
« Évoquons-le » et « Parlons-en » ont été effectuées de manière efficace,
le » Bouclons ! sera d’autant plus facile à mener.

Et quand cela ne suffit pas encore…

Et pourtant, en fonction du dommage que la relation peut avoir subi, il


faudra peut-être ajouter quelques ingrédients supplémentaires pour atteindre
un résultat heureux et constructif.
Dans mon travail en tant que thérapeute, il y a des situations où des
excuses de qualité doivent être présentées pour se donner une chance de
réparer ce qui a été brisé. Il n’est pas si facile de présenter des excuses
authentiques. Je vais vous donner trois autres outils pour vous aider à gérer
le processus menant à des excuses efficaces, productives et honorables.
J’insiste ici sur la sincérité des excuses. Ceci se vérifie dans la cohérence
entre le langage verbal et les signaux non verbaux perçus par celui qui
reçoit les excuses.
Nous avons tous entendu des excuses qui sonnent creux parce qu’elles
sont bâclées ou parce qu’elles sont formulées sur un ton d’indifférence.
Elles seront alors vécues comme insuffisantes par rapport à la gravité des
faits.
De la même façon, certaines excuses ne sont pas du tout convaincantes
lorsqu’elles prennent la forme d’une justification ou d’une accusation : « Je
suis désolé mais qu’est-ce que vous vouliez que je fasse d’autre ? » ou
« Excusez-moi mais si j’ai dit ça, c’est parce que vous m’y avez poussé ! »
Une autre variante d’excuses ratées se produit lorsque celui qui s’excuse
ne semble pas bien comprendre la raison pour laquelle il doit présenter des
excuses. Il le fait alors sur un air à la fois condescendant et incrédule qui
donne une tonalité Sauveur aux excuses, ce qui est insupportable pour la
plupart d’entre nous.

ACC : la boucle de l’excuse responsable

Figure 7. 19 – ACC :
la boucle de l’excuse responsable s’ils ne vous croient pas

Mon premier outil de responsabilisation est une nouvelle boucle


gagnante. Elle devrait suffire pour les problèmes de premier degré lorsque
« Je suis désolé » ne se semble pas authentique (Karpman 2012).

A pour Admet-le ! (Admit it)

Pour qu’un conflit puisse revenir à une relation pacifique et heureuse, les
fautes doivent d’abord être reconnues par la ou les personnes qui les ont
commises. Admettre que quelque chose d’anormal est vraiment arrivé est
une étape indispensable. Combien de situations restent bloquées parce que
la personne ne veut pas admettre que ses paroles ont été violentes ou qu’il a
fait des attaques personnelles. La relation ne peut être reconstruite si ces
faits sont refusés.

C pour Crois-le (Believe it)

Ensuite, il est important, pour les protagonistes, non seulement d’admettre


les faits et leurs conséquences, mais ils doivent aussi montrer qu’ils sont
convaincus que ces faits ont de l’importance. Ils doivent le croire et le
montrer à l’autre personne pour calmer les tensions. La sincérité est le
maître mot ici. Parfois, nous entendons des excuses dans les médias qui
semblent être dictées par un avocat et qui sont lues mécaniquement : « Je
suis vraiment désolé pour ce que j’ai fait. J’avais tort. Ce n’est pas le genre
de personne que je veux être. Je coopérerai pleinement avec les enquêteurs
et compenserai complètement les Victimes ».
En ce qui concerne les questions juridiques ou une audience pour la
libération conditionnelle, le juge qui soupçonne un processus démagogique
voudra surement le vérifier. Il demandera alors à l’accusé : « Croyez-vous
que c’est une bonne loi ? Et si oui, pourquoi le pensez-vous ? Et auriez-
vous voté pour cela ? »

C pour Change ! (Change it)

Si chacun dans la relation peut comprendre qu’il a joué les trois rôles
dramatiques en même temps, alors cela facilitera le passage de Crois-le ! à
Change !
Une boucle ACC est réussie lorsqu’est venu le moment des promesses et
des résolutions. C’est lorsque les faits ont été admis comme ayant un impact
réel sur l’autre que les promesses gagnent en crédibilité et en fiabilité.
Comme dans tout contrat, les deux parties prennent leur part de
responsabilité dans les changements à venir…

AIR : la boucle gagnante de l’excuse

Figure 7. 20 – La boucle gagnante de l’excuse AIR : Amende honorable,


Introspection, Responsabilité
Lorsque la boucle précédente ne suffit pas, vous pourrez utiliser cette
boucle gagnante de l’excuse qui permet d’aller plus en profondeur dans le
processus de réparation des dégâts relationnels.

A pour Amende honorable (Apology)

Dans des situations peu complexes, de simples excuses suffisent à régler le


problème. Il suffit souvent d’une simple phrase comme : « Vous avez
raison. Je suis désolé ».
Faire amende de façon authentique passe par trois étapes :
• Reconnaissez explicitement l’atteinte faite à l’autre. Dites-lui : « Je
comprends ce que tu me dis » ou, mieux, répétez ce qu’il a dit mot
pour mot afin qu’il vous entende le dire.
• Reconnaissez que c’est vrai. Faites-le verbalement Admettez l’erreur
sans la minimiser.
• Présentez votre excuse de façon simple.

I pour Introspection (Insight)

Ma boucle de l’excuse comprend une part d’introspection indispensable


afin de montrer à la personne à qui nous avons fait du tort que nous
cherchons activement à comprendre pourquoi nous avons agi de la sorte,
quelles étaient nos motivations et notre intention. Nos excuses prendront de
la profondeur si nous sommes capables de partager, de façon transparente,
les informations que nous avons intégrées dans cette phase d’introspection.
Pour éviter les justifications, utilisons le Triangle Compassionnel pour
explorer le problème sous les trois angles possibles : Persécuteur, Sauveur
et Victime. Ce qui est rassurant pour la personne qui a besoin de recevoir
des excuses sincères, c’est de constater que l’autre se pose des questions
utiles qui montrent son désir de changer. Quels sont les effets de mon
comportement sur les autres ? S’agit-il d’un comportement répétitif ? Est-ce
que je ressens de l’empathie pour les sentiments des autres ?
L’étape introspection elle aussi, est en trois parties :
• Pourquoi vous l’avez fait, en mentionnant d’autres situations où vous
avez fait la même chose par le passé et comment chacune de ces
personnes a été blessée.
• Quel impact cela a sur vous et cela a eu sur les autres.
• Demandez alors à votre interlocuteur des informations supplémentaires,
sa perception, ses ressentis.

R pour Responsabilité (Responsability)

Pour le R de la boucle AIR, j’avais l’embarras du choix pour le mot que je


pouvais mettre ici. J’ai choisi le mot Responsabilité pour insister sur le fait
que celui qui présente ses excuses prend la responsabilité de surveiller, à
l’avenir, son comportement. J’aurais pu tout aussi bien utiliser d’autres
mots en R comme Réassurance, Réparation et Résultats qui permettent de
gagner le Respect.
Un bon contrat consiste à convenir avec l’autre d’en parler à la moindre
alerte et que son feed-back sera le bienvenu si parfois le comportement visé
venait à se reproduire.

Cela suffit-il pour changer ?

Le changement se produit rarement à moins que quelqu’un ne souhaite


changer. Les gens ont besoin de motivation pour ça. Les cinq motivations
énumérées ci-dessous correspondent à l’Analyse Transactionnelle des États
du Moi que nous avons mentionnés plus tôt. Le changement peut être
motivé par cinq déclencheurs :
1. PC+ La fierté et le respect pour vous et le respect des autres.
2. PN+ Prendre soin des autres (et de vous-même), donner à vos proches,
amis et collègues.
3. A+ La logique veut que vivre hors des jeux est plus efficace, il est ainsi
logique pour vous de changer un système défectueux.
4. EL+ Avantages pour la santé, le succès et une vie plus facile pour vous
lorsque vous changez, y compris ce que les autres vous donneront à
nouveau quand ils vous feront confiance. Sans compter le plaisir
d’avoir le cœur léger !
5. EA+ Conséquences trop douloureuses et redoutables de continuer.
Maintenant, j’invite le lecteur à réfléchir à un changement personnel
nécessaire pour vous-même et à voir lesquels de ces cinq déclencheurs
fonctionnent pour vous. Ensuite, demandez aux gens de vous aider dans
votre changement. Votre choix est une vie libérée des jeux, de liberté,
d’amour et de succès.
Pas mal non ?

Les 7 P de la crédibilité

Voici un dernier outil, très complet et pratique pour aller plus loin dans le
processus de réparation. La boucle ACC était pour les problèmes de
premier degré et la boucle AIR pour les problèmes de deuxième degré. Les
7 P suivants sont pour des problèmes de troisième degré insolubles où une
personne ayant été trop loin prend le risque d’être licenciée, de divorcer ou
pire.
Comme j’aime beaucoup les acronymes et les systèmes
mnémotechniques, j’ai choisi sept mots ici qui commencent par la lettre P,
pour décrire une séquence applicable aux jeux psychologiques plus lourds,
de deuxième ou de troisième degré.
Les 7 P de la crédibilité sont donc une séquence de sept étapes qui
couvrent l’ensemble du processus de démonstration de la prise de
responsabilité d’une personne qui a perdu la confiance de tous.
Problème – Je reconnais l’existence du problème et j’en suis
responsable.
Promesse – Je verbalise ce que je promets de changer.
Plan – Voici mon plan détaillé pour changer (…)
Pénalités – Je formule ce qui se produira si je ne change pas.
Progrès – Je prévois avec vous des étapes de contrôle à intervalles
réguliers.
Preuve – Voici comment nous aurons la preuve concrète que j’ai changé.
Primes – Je formule les bénéfices et le cadeau final que je recevrai après
avoir tenu ma promesse.
J’ai souvent dû traiter des problèmes d’alcoolisme grave dans ma carrière
de psychiatre. Voici comment les 7 P peuvent être appliqués à un cas
comme celui-ci :

Exemple d’application des 7 P à un problème d’alcoolisme

Un patient accoutumé à l’alcool émerge d’une longue période de


souffrance pour lui-même et pour ses proches. Ce patient veut surmonter
le problème et essayer de retrouver la confiance de sa famille, de ses
amis et de ses employeurs. Maintenant, son travail est menacé et il lui est
offert une dernière chance de se racheter. Le processus de preuve de prise
de responsabilité de sa part est nécessaire.
1. Tout d’abord, les gens autour de lui doivent savoir qu’il a compris et
identifié son Problème d’alcoolisme.
2. Ensuite, ils doivent obtenir une Promesse crédible de son changement.
3. Ensuite, le patient explique son Plan pour prévenir la rechute
(désintoxication, psychothérapie, médicaments, rencontres quotidiennes
chez les Alcooliques Anonymes, un parrainage AA, etc.).
4. Le patient dit qu’il est conscient des sanctions auxquelles il s’expose
s’il échoue et accepte leur justesse. Les limites sont ainsi définies.
5. Les Progrès seront mesurés par ceux qui l’entourent et son thérapeute,
sur la base d’indicateurs comportementaux concrets.
6. Le patient devra fournir la Preuve qu’il suit strictement le plan, par
exemple en montrant ses feuilles de présence des réunions des AA.
7. Pour ancrer les nouveaux comportements, le changement sera
récompensé par des primes, c’est-à-dire par l’acceptation regagnée des
autres et autres avantages multiples sur sa santé, son travail, etc.
EN BREF : DIX ÉCHAPPATOIRES DE BASE
POUR TOUS LES JEUX

1. Sachez, quand vous êtes dans un jeu, qui jouent les Persécuteurs, les
Sauveurs et les Victimes dans le Triangle Dramatique. Identifiez ce
que vous voyez sur les sweat-shirts, quels sont les Switchs et si les
enjeux auxquels vous faites face sont du premier, de deuxième ou de
troisième degré.
2. Recherchez les trois motivations cachées pour ceux qui vous invitent
dans un jeu Persécuteur, Sauveur ou Victime.
3. Connaissez les règles et les escalades de la famille dysfonctionnelle.
4. Admettez votre participation à 10 % au moins dans les trois rôles du
jeu et ceux de l’autre. Apprenez à en parler.
5. Utilisez les trois options OK pour réparer le jeu ou pour sortir du jeu.
6. Passez des contrats clairs, remerciez, et faites preuve d’empathie à
partir des trois coins du Triangle Compassionnel.
7. Utilisez les outils de communication, de confiance, d’écoute et
d’intimité, décrits dans la deuxième partie.
8. Pour une meilleure communication, utilisez les règles d’ouverture :
Évoquons-le, Parlons-en, et Bouclons !
9. Pour les relations intimes stables, utilisez les 5 contrats de confiance.
8. Utilisez toutes les boucles gagnantes pour une vie saine et sans jeux.

UNE CERTIFICATION PROFESSIONNELLE


AU KARPMAN PROCESS MODEL
Des coachs et des formateurs à travers le monde ont découvert le Réflexe
Compassionnel, que je présente en séminaires depuis vingt ans. J’ai alors
imaginé un examen final pour ceux qui souhaitaient se certifier à cette
pratique et maîtriser l’ensemble de ces outils compassionnels. Je lui ai
donné le nom de Karpman Process Model, le KPM®.
Je leur demande d’écrire et de raconter une histoire de leur vie réelle dans
laquelle des jeux ont été joués et où les compétences compassionnelles et
les trois règles de la résolution s’avéraient nécessaires.
Le texte à écrire pour l’examen doit ainsi finir sur « Bouclons ! » et
couvrir dix chapitres clés de mon modèle :
1. PSV+ : Point de vue du Triangle Compassionnel
2. SEVF : Démonstration d’écoute active.
3. CASE+ : Démonstration d’ouverture.
4. Échelles d’écoute : évaluation de la qualité d’écoute des acteurs de
l’anecdote.
5. Les Icebergs de l’information.
6. ABC et/ou AIR : comment les excuses ont été vécues.
7. Les 7 P : La confiance est-elle revenue et comment ?
8. Les 5 contrats de confiance : a-t-il fallu les créer ou existaient-ils ?
9. Les échelles d’intimité : évaluation du niveau d’intimité entre les
acteurs de l’anecdote.
10. Les États du Moi + : étaient-il tous actifs, utiles, utilisés ?
Voici un exemple de témoignage écrit pour un examen final d’un coach
français dans le processus de certification au Karpman Process Model® :

Comment Tim et Matt ont réparé leur relation durement éprouvée

Un conflit durable entre deux frères les a conduits à cesser de se voir


pendant dix ans. L’origine probable du conflit réside dans le fait que le
frère cadet était meilleur élève et ses parents l’utilisaient comme exemple
pour attaquer le frère aîné, plus rêveur et artiste. Il ne recevait pas
seulement l’intimidation et l’ironie de ses parents, mais aussi le jugement
de son frère qui voulait l’aider dans son travail scolaire alors que lui ne
voyait pas où était le problème. Il voulait peindre et écrire, c’est tout. Le
reste de l’histoire semble être une série triste de conséquences.
Appelons le jeune frère Tim et le frère aîné Matt.
Tim a rencontré un formateur au Triangle Compassionnel et a pu mettre
en œuvre un processus de réparation de leur relation.
Triangle Compassionnel PSV+
Mon frère aîné Matt se renfermait (V–) quand il se sentait incompris. Il a
toujours été peintre. Un grand artiste, pas un homme de mots. Un homme
d’émotions (V+).
Quand les choses vont mal pour moi, j’ai besoin d’en discuter (P+). Matt
déteste quand je m’embarque dans l’analyse de nos conflits. À l’époque,
je ne comprenais pas qu’il avait aussi besoin, mais à sa manière, de
partager ses sentiments. J’ai joué le rôle du Sauveur (S–), en lui mettant
la pression et en étant maladroit (V+).
Quand il a refusé de parler avec moi, je l’ai attaqué (P–) et j’ai joué un
autre jeu : « j’essaie seulement de t’aider » (S–).
Le mois dernier, j’ai décidé de déménager. Je l’ai appelé. Nous nous
sommes rencontrés chez lui.
PSV+
J’ai immédiatement reconnu le fait que c’était normal de se sentir gêné,
dans cette situation, et que j’étais heureux qu’il ait accepté de me voir
(V+).
Quand il n’a pas répondu, je me suis souvenu que mon frère n’est pas un
homme de mots et je n’ai pas interprété son silence comme une attaque à
mon égard (S+).
J’ai dit merci quand j’ai remarqué qu’il avait préparé ma visite et m’avait
fait du café et des cookies. Même s’il ne l’a pas mentionné, j’ai remarqué
le geste (S+). J’avais apporté comme cadeau une vieille bande dessinée
que je lui avais piquée (P–) quand il avait douze ans parce qu’il n’avait
pas fait ses devoirs.
Il a ouvert l’emballage et l’a regardée en silence.
Je lui ai demandé : Sais-tu pourquoi je te l’offre ?
Il m’a répondu : Non !
Je suis venu ici pour réparer notre relation si tu l’acceptes. Je suis venu
ici pour m’excuser pour les choses que j’ai faites et que j’ai dites et je
pense que les frères devraient rester amis proches pour toujours (P+).
Il a dit : Bien sûr !
Je me suis senti soulagé que sa réponse un peu courte ne provoquât pas
ma frustration (V+).
Je savais que j’imposais quelque chose de difficile et qu’il
m’encourageait à continuer son chemin (S+ et V+).
SEVF
(Signes de reconnaissance)
J’ai dit à Matt que je ne lui avais jamais dit à quel point je le respectais et
aimais son art. Mes enfants, qu’il n’a pas encore rencontrés, ont des
peintures qu’il a faites dans leurs chambres. Ils savent que l’oncle Matt
est un grand artiste. Je lui ai dit que j’étais impressionné qu’il accepte de
me voir. Je le voyais enfin comme le Matt que je pensais qu’il était :
ouvert et intelligent.
(Encouragement)
Je lui ai demandé s’il était OK avec ma visite et l’objectif de ma visite. Il
m’a dit : « bien sûr ! » Et j’ai dit qu’il pourrait décider de l’arrêter à tout
moment. Il m’a aussi dit : « bien sûr ! ».
(Validation)
J’ai vérifié qu’il avait compris que mon point de vue était aujourd’hui de
travailler sur notre relation. Il m’a dit : « Ouais, c’est clair ! »
(Facilitation)
Je lui ai alors dit que cette conversation pourrait être un début de quelque
chose et que, quoiqu’il arrive aujourd’hui, il aurait bientôt à nouveau de
mes nouvelles. Il a souri. Je me sentais soulagé et je voulais pleurer. Je
lui ai dit que j’étais ému et impressionné. Il n’a rien dit.
CASE +
(Chaleureux)
Je lui ai dit que je savais qu’il n’aimait pas parler de lui-même et que ses
émotions s’exprimaient plus à l’intérieur. J’ai ajouté que, même si
d’autres personnes ne le voient pas, c’est une personne émotive, et moi,
son frère, peux le sentir. Et j’ai toujours aimé cette connexion entre nous.
(Approchable)
Je lui ai répété qu’il pouvait parler ou ne pas parler et qu’il pouvait aussi
demander à tout moment d’arrêter. J’étais là pour nous, pas seulement
pour lui ou pour moi.
(Solidaire)
Il m’a toujours entendu analyser les choses, cette fois-ci, je voulais parler
une langue qui était la sienne : « Je suis aussi mal à l’aise que je suis à
l’aise, Matt, en ce moment. Je nous ai invités dans un nouvel endroit
étrange. C’est un bon sentiment et j’ai quand même un peu peur. » Bien
sûr, il n’a pas répondu à cela et je pouvais sentir qu’il appréciait le
moment.
(Engagé)
Je lui ai fait savoir que j’étais prêt à revenir dix ans en arrière et à refaire
toute l’histoire avec lui. J’ai suggéré que nous ne gardions aucun timbre
et prenions le temps dont nous avons besoin. J’ai également répété que
nous pourrions nous rencontrer plusieurs fois pour faire cela. Je ne
l’abandonnerai plus.
Échelle d’écoute
Pas facile avec une personne peu loquace d’être sûr. Je sentais qu’il était
attentif, intéressé et disposé à apporter des changements. Une partie de ce
sentiment provient du fait que j’étais pleinement concentré sur ses
réactions à peine perceptibles comme si je regardais dans un miroir. Il a
senti que j’étais sérieux et là pour lui.
Iceberg de l’Information
Je voulais être exhaustif et démontrer mon ouverture, alors j’ai couvert
les quatre niveaux de l’Iceberg de l’information pour qu’il entende : j’ai
nommé mes Sujets, j’ai donné toutes mes Informations, lui ai montré
pourquoi notre relation était Importante, et je n’ai pas caché mon désir
(Intention) de renouer avec l’amour fraternel.
J’ai continué avec un ACC
(Admet-le !)
J’ai refusé pendant longtemps ma responsabilité dans notre éloignement.
Je l’accepte maintenant sans remise en question ! À cela il n’a rien
répondu.
(Crois-le !)
J’ai pensé pendant un moment à analyser la situation (tu me connais).
Dans mes tripes, je sais que le moment est venu pour moi de reconnaître
tout cela.
(Change !)
Donc, je suis là et prêt à réparer tout ce que j’ai cassé !
Il m’a demandé : Veux-tu du café ? Et j’ai dit oui en remontant mes
manches.
AIR
Matt, je m’excuse d’avoir été insensible depuis si longtemps et de t’avoir
attaqué et tant harcelé (Amende honorable) parce que je me sentais
impuissant et menacé par nos différences (Introspection). J’ai ignoré tes
sentiments et je crois que je suis responsable de ton absence
(Responsabilité).
7P
(Problème)
Je voulais que tu changes et deviennes comme moi. Tu as subi longtemps
mon attitude de Persécuteur et j’ai abandonné notre relation. Je t’ai jugé
pour cela et aggravé les choses. Tu es maintenant face à moi et tu te
demandes probablement si mon offre de réparer les choses est honnête et
durera. Je comprends.
(Promettre)
Je promets de changer mon point de vue sur tout cela. C’est facile : Je
l’ai déjà fait.
(Plan)
Je vais d’abord discuter avec toi des choses que tu devrais savoir ou dont
tu devrais parler. Je serai là pour toi et je peux même t’offrir que nous
nous voyions un samedi sur deux pour faire ça.
(Pénalités)
Je comprends que tu puisses disparaître de nouveau de ma vie si je ne
change pas et te juge à nouveau.
(Progrès)
Je vais vérifier avec toi à chaque fois que nous le pourrons si nous
sommes sur la bonne voie.
(Preuve)
Voici la preuve que j’ai changé.
Je lui ai remis une lettre que je voulais envoyer à nos parents pour leur
dire que j’étais embarqué dans cette nouvelle aventure avec lui en
reconnaissant mes erreurs.
(Prime)
Et un jour, tu me regarderas et me diras que tu me pardonnes et que tu
m’aimes…
Après ça nous nous sommes rencontrés deux fois de cette manière avec
cet objectif et Matt est passé à autre chose. Il m’est revenu. Il m’a offert
un tableau dont les couleurs étaient des couleurs d’amour fraternel.
5 Contrats de confiance
J’ai symboliquement créé un « Contrat du Meilleur Frère » et lui ai offert
pour Noël dans un beau cadre. Il se présente comme suit :
CMF : Mon Contrat du Meilleur Frère avec toi, Matt
Clause de non-effondrement
Je considérerai mon frère comme une personne originale et merveilleuse.
Je ne vais ni le juger ni parler de lui dans son dos. Il est normal d’aimer
le silence. Je ne considérerai plus le silence comme une attaque.
Clause de protection
Je m’assurerai que mon attitude et ma présence sont protectrices et
bienveillantes. Je serai là pour mon frère quand il aura besoin de moi. Je
n’imposerai pas de situations gênantes.
Clause d’ouverture
Je vais dire à mon frère mes pensées et le tenir informé de mes
événements familiaux personnels afin qu’il puisse y participer quand il
en aura envie.
Clause de plaisir
Je ferai partie du plaisir de mon frère dans sa vie, car c’est cool pour moi
aussi !
Clause de flexibilité
Je n’aurai pas toujours la réponse ou une explication pour tout ce qui se
passe tout le temps.
Je lui ai donné à Noël ce Contrat du Meilleur Frère et il en a fait un
document parcheminé superbe pour que nous puissions signer tous les
deux.
L’échelle de l’intimité
Quand j’ai commencé cette discussion fraternelle, j’étais dans la zone de
80 % à 100 % puisque j’ai beaucoup parlé de notre relation et de nous.
J’ai passé du temps également dans la section Toi/Moi pour séparer
responsabilité et comportements.
J’ai de temps en temps parlé de choses et d’idées pour évoquer ce que
j’aimais dans son art.
États du Moi + (Absence de SALMEC et de timbres)
Je me souviens avoir utilisé mon Enfant Adapté + souvent au début. Je
devais laisser tomber ma fierté, quelques croyances et des rancunes que
j’avais empilées… Aucun timbre ne pouvait être sur mon chemin.
De mon Enfant Libre m’est venue cette envie de me reconnecter avec
mon frère bien-aimé. J’avais besoin du plaisir que nous avions autrefois
ou que l’on aurait dû avoir lorsque nous étions enfants.
J’ai beaucoup utilisé l’Adulte pour rester clair dans mon discours, donner
assez d’informations et utiliser les outils de Karpman que j’ai mis à sa
disposition.
Le Parent Nourricier était essentiel pour garder mon soutien et ma
bienveillance (S+) au maximum. Je me souviens avoir ressenti que je me
nourrissais aussi…
Le Parent Critique m’a fourni des contrats et a contribué ma persévérance
vers le but que je m’étais donné et à ma lutte pour la fraternité. Mon frère
Matt semblait y répondre très bien puisque j’étais sur le P+ positif au lieu
du P– qu’il avait reçu de moi toute notre enfance.
Je sais qu’il n’y a pas de timbres en stock parce que je dors comme un
bébé. Mon frère m’a dit que nous avions remonté le temps et je crois
qu’il veut dire qu’il n’a pas de timbres non plus.
Le SALMEC que je devais surveiller était celui de la lecture de pensées
puisque mon frère est un homme tellement silencieux que le plus difficile
pour moi était de ne pas lire son esprit !

Cet exercice de lecture d’un épisode de vie tout entier à travers tous les outils à
notre disposition dans ce livre est si enrichissant que j’insisterai :
Cet exercice est la raison d’être de ce livre et de mon travail…

Jérôme Lefeuvre et Pierre Agnese, les traducteurs français de ce livre, ont


endossé à ma demande la responsabilité de former les personnes qui le
souhaitent et de proposer cet examen au KPM®. Nous travaillons ensemble
depuis dix ans et nous avons eu l’occasion de faire cet exercice à plusieurs
reprises entre nous. Je peux vous dire que notre amitié en est ressortie
renforcée !
Conclusion

La formule du bonheur ; être soi, avec soi et avec l’autre

CET OUVRAGE PRÉSENTE L’ŒUVRE DE MA VIE en quelques pages, et c’est une tâche
impossible à boucler.
Après une quarantaine d’années d’observations, j’ai tellement de notes,
de diagrammes et d’outils, allant du plus simple au plus complexe ! À la
maison, parmi mes toiles et mes livres, il y a des tas – oserais-je dire des
centaines ? – de cahiers plein d’idées que j’aimerais beaucoup vous offrir.
Heureusement, mon vieil ami, Éric Berne, m’a donné un rasoir affuté, celui
d’Occam – vous vous rappelez ? – pour faire un bon résumé.
Comme conclusion, je me demandais comment je pourrais partager une
vision claire et simple des meilleures façons de vivre sa vie en dehors des
jeux. J’ai trouvé une formule que j’aime et que je voudrais vous offrir. C’est
aussi simple que l’alphabet :

La formule du bonheur
A B C D (E + F + G) = H + I

A pour Attraction : nous devons apprendre à être attirant et intéressant


pour autrui. C’est ainsi que nous pourrons rendre ce qui est donné. C’est
ainsi que nous invitons l’autre à nous rencontrer, première promesse de
relation. Et je ne parle bien sûr pas seulement d’attirance physique !
B pour Bonding (Lien) : après la rencontre avec l’autre, mettons en
place le lien. Créons et cherchons les points de rencontre avec l’autre pour
commencer à tisser l’ouvrage de la relation.
C pour communication : communiquer, c’est d’abord écouter, c’est
faire le chemin vers l’autre et lui indiquer le chemin vers soi.
D pour Discussion : partager du contenu, des idées, des valeurs, des
émotions, des rêves… Vous connaissez désormais l’ennemi de la
discussion : le Triangle Dramatique et son cortège de monstres.
E + F + G est une combinaison d’Expériences, de Forgiveness
(Pardon) et de Générosité : les relations sont consolidées par les
expériences heureuses, ciment du souvenir et celles moins heureuses dont
on revient ensemble enrichis et résilients. Le pardon sera nécessaire au fil
de quelques boucles AIR ou SEVF. Et quelle force nous gagnons ensemble
à se pardonner à soi comme à l’autre ! La générosité, un autre mot pour
l’amour que l’on donne sans attendre en retour.
H + I et pour Happiness (Bonheur) et Intimité : le résultat obtenu par
la formule précédente arrive de lui-même. Il est le bonheur d’être soi avec
soi et avec l’autre et l’intimité produite est un cadeau sans prix !
C’est Kathy ma meilleure amie et ma compagne aujourd’hui qui m’a
donné la plus belle des conclusions :

Libérés des jeux, nous sommes enfin libres d’aimer.


Annexes

Un peu d’histoire : un bref historique de nos débuts

Au milieu des années 1960, j’étais un jeune psychiatre, probablement


prometteur, dans la marine américaine. J’avais récemment été muté de ma
ville natale Washington, DC vers San Francisco où j’espérais bien vivre
mon « Summer of Love ». Un de mes patients en thérapie de groupe à
Langley Porter UCSF m’a parlé de nouveaux séminaires auxquels je devais
absolument assister. Un homme dont je n’avais jamais entendu parler venait
faire des conférences pour la Marine. Son nom : le Dr Eric Berne. Je suis
allé l’écouter à l’hôpital naval Oak Knoll.
Il portait de nouvelles idées puissantes sur les relations, les transactions
entre les gens et les jeux auxquels ils jouent tout au long de leur vie les uns
avec les autres. Il revendiquait une nouvelle théorie révolutionnaire basée
sur une formule de simplicité dans la recherche scientifique
comportementale basée sur le rasoir d’Occam.
Ma première formation de base en psychiatrie était axée sur la
psychanalyse freudienne au Centre médical de l’Université de Georgetown.
Mon père était un psychanalyste, pionnier en criminologie. La langue
freudienne doit être apprise par tout psy qui se respecte. Un jargon
complexe.
Le docteur Berne, lui, utilisait, par principe scientifique, des mots que
tout le monde pouvait comprendre. Cet homme abordait la psychologie
complexe en termes simples, et il offrait également de nouvelles approches
créatives et pratiques en psychologie. L’utilisation d’un langage simple a
fait écho dans la culture des années 1960 comme Don McLean le chantait
en parlant de Bob Dylan dans American Pie :
Quand le bouffon a chanté pour le roi et la reine
Dans un manteau, il a emprunté à James Dean
Une voix qui vient de toi et moi
La Californie est l’endroit où tout ce qui se passe était la devise à
l’époque. Après avoir quitté la Marine, j’ai pris une autre décision
importante : je devais participer activement à la théorie fondamentale de
cette nouvelle science appelée AT – Analyse Transactionnelle – dans un
esprit très années 1960, suivez la nouveauté.
Je me suis installé en Californie au beau milieu des nouveautés et j’ai
participé à chaque session du mardi des séminaires du Docteur Berne
pendant cinq ans. Je n’en ai jamais manqué une. J’avais pris là une bonne
décision.
Berne était révolutionnaire, même à cette époque, et défiait la psychiatrie
et la psychanalyse. Une fois, il a déclaré : « J’aurais pu passer le reste de
ma vie à réfuter la psychanalyse, mais j’ai décidé d’inventer l’Analyse
Transactionnelle à la place. » En tant que leader, il a permis à ses élèves et
collaborateur d’avoir de la fierté. En riant, il disait : « En Californie, nous
construisons une nouvelle Mercedes Benz, mais là-bas sur la côte Est, ils
conduisent encore une Ford ». C’était un génie, un humoriste, un
iconoclaste. C’est pourquoi je suis venu en Californie. J’ai rejoint son
groupe pour ne plus le quitter.
L’ambition de mon livre est de présenter des idées complexes dans une
langue que tout le monde peut comprendre…

Comment établissons-nous des règles théoriques ?

« Un de mes mantras – Précision et simplicité. Simple peut être plus


difficile que complexe : vous devez travailler dur pour que votre
pensée soit claire, pour la simplifier. Mais ça en vaut la peine car,
une fois que vous y arrivez, vous pouvez déplacer des montagnes. »

Steve Jobs entretien dans Business Week, mai 1998

Dans ce livre, nous avons observé comment les gens font ce qu’ils font.
Nous nous sommes demandés pourquoi ils le font, et nous avons agi dessus.
Il est intéressant, une fois que nous avons exploré la théorie du Triangle
Dramatique et l’évolution vers la compassion, de mentionner nos règles
fondamentales de la création théorique.
Le Dr Berne a mené des séances de séminaires appelées TA 202. J’ai
assisté à ces séances tous les mardis. Elles étaient strictement axées sur la
théorie avancée et réservée à des professionnels se réunissant chaque
semaine à son domicile à San Francisco. Le but était de faire du
brainstorming sur les nouveautés à apporter à l’Analyse Transactionnelle ;
Nous n’étions pas là pour formation. Nous n’étions pas là pour apprendre
l’AT, nous étions là pour développer et intégrer la théorie. Il avait besoin de
nous et il nous a formés.
Berne a fixé de nouvelles règles révolutionnaires pour la création
théorique en utilisant l’observation seconde par seconde, en intégrant
l’intuition pour trouver les dénominateurs communs dans le comportement
humain. Il a toujours favorisé le langage profane simple et ramené les idées
à leur plus simple expression avec la technique du rasoir d’Occam.
Après nos réunions d’adultes, venaient les moments de l’Enfant Libre et
nous avons tous participé à des « sorties de route » et des séquences de
trampoline. Ceci n’est pas une métaphore.
La première règle de base était d’éviter la conversation. Nous n’avions
pas le droit de discuter, ça s’appelle le passe-temps en AT. Il nous disait des
choses comme : « Hé, les gars, nous risquons d’avoir une soirée
intéressante. Et si nous travaillions plutôt ». Son niveau d’exigence
scientifique et technique était d’un niveau que je n’avais jamais rencontré
jusque-là.
Aucun mot psychanalytique n’était autorisé. Aucun alcool ou nourriture
n’était autorisés non plus pendant les réunions. Une fois, j’ai été expulsé
pendant une semaine pour avoir utilisé le mot « dépendance » parce que je
ne pouvais pas en faire un diagramme. Un jour un homme dans le groupe a
proposé comme concept « l’amour est partout ». Berne lui a demandé
d’aller au tableau pour en faire un diagramme, il a dessiné un cœur, il s’est
fait virer. Nous étions là pour travailler. Et vous savez quoi ? Nous l’avons
fait.

Les trois règles principales de la théorie de Berne


Règle 1. Ne dites rien que vous ne pouvez pas dessiner dans
un diagramme

L’AT était d’abord une science solide fondée sur des preuves, et une
nouvelle théorie en second lieu – et la thérapie suivrait. C’était une toute
nouvelle science du comportement concret, le contraire du système freudien
dominant de l’exploration du fantasme. Berne ne nous permettait que de
parler de la réalité visible – à savoir, ce que nous pouvions mesurer ou
prouver avec une photo ou un magnétophone. Vous ne pouvez pas
photographier ou enregistrer votre enfance, mais les souvenirs étaient
acceptables lors de l’exploration de scénarios. Si nous évoquions des
décisions prises dans l’enfance, ce n’était pertinent scientifiquement que si
nous en observions l’impact sur nos décisions ici et maintenant.
Il recherchait aussi l’originalité par principe. Il était médecin et nous
devions être capables de réduire nos idées comme la science médicale le
fait, à savoir des diagrammes, des formules, des graphiques, des étapes et
des listes. Il a utilisé des cercles, j’ai utilisé des triangles et puis aussi
quelques boucles…

Règle 2. Toujours utiliser le Rasoir d’Occam

La simplicité d’abord et écrivez en langage profane. Continuez de réfléchir


et de réduire votre idée jusqu’à ce que vous la rameniez à son essence.
Restez simple. Les trois cercles des États du Moi de Berne en sont un
exemple. Le Triangle Dramatique et les boucles dans ce livre en sont
d’autres.

Règle 3. Écrivez en langage profane pour être compréhensible


par un enfant de 8 ans, un agriculteur du Midwest et un Professeur
du MIT

Rester simple. Il s’agissait pour lui d’une contribution essentielle. Nous


devions sortir la psychologie du langage académique touffu et abondant de
l’ancienne école que Berne appelait « Tout ce jazz ». Notre collègue Fritz
Perls a déclaré : « La psychologie est trop bonne pour être utilisée
uniquement avec les patients. »
À ce jour, j’ai suivi rigoureusement ces trois règles. Je me suis rendu
compte que ce ne sont pas des règles pour la galerie, mais qu’elles aident à
construire une bonne théorie !

Pour cela, nous pouvons édicter une quatrième règle.

L’Enfant est l’État du Moi le plus important et tous les autres sont mis en
place pour le protéger.
« L’école bernienne d’AT n’est pas là pour enseigner l’AT, mais la
méthode utilisée pour inventer l’AT. »

Comment nous aussi avons-nous aussi dû suivre les règles lors


de nos séminaires

Les séminaires chez Berne ont été mis en place pour créer de nouvelles
théories novatrices. Nous aussi devions respecter des règles pour faire en
sorte que le temps utilisé en vaille le coup. Le niveau d’exigence était élevé.
Je crois que c’est à ça que nous devons notre succès et notre créativité.

Règle 1. Vous n’êtes pas là pour apprendre l’AT

Nous n’étions pas là pour apprendre à être des thérapeutes d’AT. Nous
étions là pour être formés à la théorie de l’AT en utilisant le rasoir d’Occam
et un langage simple. Et en passant, l’histoire a prouvé que cette première
règle était juste puisque la plupart des participants éminents du séminaire
ont entrepris d’inventer leurs propres théories (Steiner : Matrice du
Scénario : Dusay : Egogrammes : Ernst : OK Corral : Karpman : le Triangle
Dramatique, etc.). Certains ont même inventé une école de thérapie avec
leur nouvelle théorie, comme les Goulding avec leur liste de redécision et
les 13 injonctions de l’enfance et les Schiff avec leurs deux listes de quatre
Passivités Réflectives. D’excellentes théories faites par eux, et d’autres
aussi. Il n’y a pas d’autre école de psychologie qui ait produit pareille
explosion créative que l’AT.
Règle 2. Tout présentateur devra commencer par écrire une question
théorique sans réponse sur le tableau noir

De sorte que le public donne des solutions et soit donc l’égal du


présentateur. Le présentateur ne devait pas nous parler, il devait nous
regarder et recueillir nos feed-back. Si la direction n’était pas claire, Berne
disait « OK, mettons cela en place » pour que l’adulte réponde quelque
chose. Nous avions à résoudre une question de ce genre chaque semaine. La
réunion se terminait toujours avec de la reconnaissance et des messages
positifs au présentateur. Nous appelons cela « Strokes » dans la langue AT.

Règle 3. Avoir un chef de programme

J’étais le chef du programme qui rencontrerait le présentateur de la semaine


prochaine pour l’aider à préparer sa présentation.
Le format hebdomadaire était :
1. Tout séminaire commençait par 5 minutes de contributions spontanées
d’ « idées lumineuses », de connaissances intéressantes, comme mise
en bouche rapide. L’idée était de stimuler les neurones. Si cela se
transformait en une conversation improductive intéressante, Berne
nous recentrait de manière sympa et on se remettait au boulot. Il
pilotait remarquablement son équipe toujours avec esprit.
2. Proposer la nouvelle théorie. Le but des réunions était de débattre et de
résoudre rigoureusement les nouvelles questions théoriques avec l’AT.
Berne lisait beaucoup les écrits les plus récents, et donnant un bel
exemple de leadership novateur qui peut aussi bien produire que parler.

Règle 4. Nous amuser

À la fin des réunions, était prévu le moment Enfant Libre : aller à l’usine
Spaghetti locale ou rester dans la salle pour inventer des jeux. Par exemple,
nous nous sommes assis un soir en un grand cercle, et avons donné à
chacun des compliments énormes. Ou un soir nous nous sommes amusés à
faire les devins pour deviner ce que le Dr Berne avait sur son étagère
(Muriel James a trouvé un soir, un microscope !). Un des jeux avait consisté
à deviner combien de personnes pouvaient entrer dans son garde-manger
dans la cuisine. Quand nous avons vérifié, il nous a lancé en riant « Ne
mangez pas mon petit-déjeuner de 7-Up et œufs brouillés ».
À la suite du succès de son livre sur les jeux psychologiques Des jeux et
des hommes – plus de 100 semaines sur la liste des best-sellers du New York
Times – un record à l’époque, Berne se mit à raconter des histoires sur les
célébrités qu’il avait rencontrées et comment un jour une vedette l’avait
provoqué, le défiant de lui mettre une raclée parce qu’il avait traité les gens
de la soirée de « vieux bedonnants ».
Il y a de nombreuses histoires fascinantes et coquines sur les séminaires
et la vie d’Eric Berne dans la biographie complète qu’Elizabeth et Henry
Jorgensen ont publié après sa mort en 1970 : Eric Berne : Master
Gamesman. Des copies sont disponibles sur Internet.

Règles pour dessiner le triangle

Pour la stabilité, j’ai établi quelques règles pour tracer le triangle créant une
certaine orthodoxie dans mon concept.
Mon triangle original est un triangle équilatéral avec la pointe en bas. En
bas, la Victime est symbolisée par le V du Triangle. Sur la gauche, le
Persécuteur est représenté par la lettre P. La place du Sauveur est à droite
avec la lettre S. J’ai configuré le triangle pour le lire PSV, pour la simplicité
et ne prendre aucune position leur importance respectives parce qu’ils sont
tous égaux à leur façon. Certaines personnes le dessinent différemment en
fonction de leurs besoins d’audience. Souvent, il est appelé « Triangle de
Karpman ».
Lorsque j’ai montré le triangle à Eric Berne, il m’a suggéré de placer la
Victime au sommet du triangle. C’était une idée très intéressante parce que
les observations montrent que c’est souvent la Victime qui tire les ficelles
pour obtenir les gains dans les jeux psychologiques.
Bien que j’aie trouvé cette pensée assez pertinente, comme c’était
souvent le cas avec Eric Berne, j’ai préféré garder mon diagramme original
avec la Victime en bas parce que je voulais un triangle avec la pointe
dirigée vers le bas. Cette figure reflète mieux l’instabilité que nous trouvons
dans les jeux psychologiques qu’un triangle pyramidal stable dirigé vers le
haut.
Je demande à tous les utilisateurs de mon Triangle de suivre la forme
équilatérale comme point d’orthodoxie. En fait, chaque côté du Triangle
doit avoir une longueur égale afin de ne pas donner l’impression qu’un
chemin est plus court qu’un autre lors du Switch entre les trois rôles du
Triangle. L’idée derrière cette règle est simple. Le Switch prendra autant de
temps et d’énergie qu’il s’agisse d’un passage du Persécuteur au Sauveur ou
de la Victime au Persécuteur, etc.
Quel que soit le type de Switch, aucun n’est plus rapide ou plus fréquent
qu’un autre. Cependant, au fil du temps, le Triangle a été dessiné de
plusieurs façons. Tapez dans Google : diagrammes du Triangle Dramatique.
Incroyable !
Index des articles

Tous mes articles peuvent être librement téléchargés sur mon site
www.KarpmanDramaTriangle.com
Berne, E. (1964). Games People Play : The Psychology Of Human
Relationships. New York : Grove Press. Des jeux et des hommes,
Stock, 1984.
Berne, E. (1966). Principles of Group Treatment. New York : Oxford
University Press.
Berne, E. (1972). What do you say after you say hello ? The psychology
of human destiny. New York : Grove Press. Que dites-vous après
avoir dit bonjour ? Tchou, 2012.
Choy, A. (1990). The Winner’s Triangle. Transactional Analysis Journal,
20(1) p. 40-46.
Emerald, D. (2006). The Power of TED – The Empowerment Dynamic.
Washington : Polaris Press.
Ernst, F., Jr. (1971). The OK Corral : The Grid for Get-On-With.
Transactional Analysis Journal, 1(4), p. 33-42.
Forrest, L. (2008). The Three Faces of Victim. Chattanooga, TN. The
Conscious Living Media.
Goulding, R. L., & M. M. (1976). Injunctions, decisions, and
redecisions. Transactional Analysis Journal, 6, p. 41-48.
Goulding, R.L. & M.M. (1979, revised 1997). Changing Lives Through
Redecision Therapy. New York : Grove Press.
Harris, T.A. (1967). I’m OK – You’re OK : A practical guide to
transactional analysis. New York : Harper and Row.
Hemler, Kaye. (2001). Personal communication.
Kahler, T. with Capers, H. (1974). The miniscript. Transactional
Analysis Journal, 4(1), p. 26-42.
Kahler, T. (2008) The Process Therapy Model : the Six Personality Types
with Adaptations. Little Rock, AK : Taibi Kahler Associates.
Karpman, S. (1968). Fairy tales and script drama analysis. Transactional
Analysis Bulletin, 7(26), p. 39-44.
Karpman, S. (1971). Options. Transactional Analysis Journal, 1(1),
p. p87. Karpman, S. (1973). 1972 Eric Berne Memorial Scientific
Award lecture. Transactional Analysis Journal, 3, p. 73-76.
Karpman, S. (1979). Five trust contracts for couples. Bulletin of the Eric
Berne Seminar, 1(3), 26-27.
Karpman, S. (2007a). The love me, like me list.
Karpman, S. (2007b) The generosity scale.
Karpman, S. (2007c). Friendship support circles.
Karpman, S. (2007d). The New Drama Triangles. ITAA/EATA
Conference, San Francisco, CA. Karpman, S. (2009). Sex Games
People Play : Intimacy blocks, games, and scripts. Transactional
Analysis Journal, 39 (2) pp 103 – 116.
Karpman, S. (2010). Intimacy Analysis today : The intimacy scale and
the personality pinwheel. Transactional Analysis Journal, 40 (3-4), p
224- 242.
Karpman, S. (2012). Listening, Learning, and Accountability : Three
Rules of Openness, Three Rules of Accountability, and the Adult
Scales, Listening Scales, and Listener’s Loops. Transactional
Analysis Journal, 42 (1) p. 71-86.
Mellor, K., & Schiff, E. (1975). Redefining. Transactional Analysis
Journal, 5 (3), p. 303-311.
Schiff, A. W., & Schiff, J. L. (1971). Passivity. Transactional Analysis
Journal, 1(1), p. 71-78.
Steiner, C. (1971). Games Alcoholics Play. New York : Grove Press.
Steiner, C. (1974). Scripts People Live. New York : Grove Press.
Remerciements

JE TIENS À REMERCIER LES NOMBREUSES INFLUENCES qui ont été apportées à la rédaction
du livre qui sont trop nombreuses pour être listées correctement. Tout
d’abord, je tiens à remercier l’aide et le soutien de rédaction de Jérôme
Lefeuvre, de Pierre Agnèse, de Kathy Jaqua et de mon fils Eric qui a fait
tous les diagrammes et mon site. Mes influences en AT sont nombreuses au-
delà d’Eric Berne et comprennent mes amis proches Taibi Kahler, Jack
Dusay, Claude Steiner, Mary et Bob Goulding et des dizaines d’autres. Et à
mes parents Ben et Manuela et mes sœurs Betty et Kaye, je vous remercie.
Table des jeux et des triangles

Le triangle « Pourquoi est-ce toujours de ma faute ? »


Le triangle « Je ne vous laisserai jamais gagner en ma présence »
Le triangle « Essaye un peu de m’aider si tu peux ! »
Le triangle « Je t’aime, prête-moi tout ton argent »
Le triangle « Prête-moi ta voiture chérie, je te la rends juste après »
Le triangle « Prête-moi 600 € pour payer mon loyer. Je te rembourse
dans la foulée »
Le triangle « Mes enfants m’ont viré de ma maison »
Le triangle « Le jour où j’ai terminé de payer pour ses études, elle
m’a largué »
Le triangle « Si vous ne revenez pas régulièrement je ne pourrai plus
vous protéger des mauvais esprits ! »
Le triangle « Achetez-le maintenant ! C’est le dernier, j’ai trois clients
dessus »
Le triangle « Ces actions bon marché vous rendront riche »
Le triangle « Le mécanicien m’a dit faites-moi confiance, puis j’ai
reçu une facture de 1 500 € ».
Le triangle « Je lui ai dit que c’était OK qu’il regarde du porno
sur Internet et maintenant il ne veut pas de moi ».
Le triangle « Moi tu sais, je claque sans compter et j’aime les belles
blondes comme toi ! »
Le triangle « Mon infirmière à domicile a volé mes bijoux ».
Le triangle « Laissez-moi rester chez toi quelque temps. Ça va ! Je ne
vais pas voler quoi que ce soit ! »
Le triangle « L’avocat a récupéré tout l’argent de notre succession et
nous ne pouvons rien y faire »
Le triangle « Notre sœur a volé notre héritage ! »
Le triangle adultère « Je vous mens parce que j’y suis obligé ! »
Le triangle « Votre emploi est sécurisé. Je ne vous renverrai jamais.
Faites-moi confiance ».
Le triangle « Je n’ai jamais regardé un autre homme »
Le triangle « J’ai dormi avec ta sœur, mais cela ne signifiait rien »
Le triangle « Je suis si heureuse que vous m’expulsiez après 15 ans.
Je suis désolée pour vos problèmes financiers »
Le triangle « Nous pouvons submerger le propriétaire avec de fausses
plaintes afin qu’il n’augmente pas notre loyer, jamais »
Le triangle « J’ai une mission temporaire pour toi en province. Tu vas
aimer et c’est seulement temporaire »
Le triangle « Nous vous enterrerons dans la paperasserie et les projets
inintéressants jusqu’à ce que vous abandonniez »
Le triangle « Je peux vous intimider jusqu’à ce que vous craquiez »
Le triangle « Mon boss s’en prend à moi, mais bon ils l’ont tous fait »
Le triangle « Je ne pensais pas que je serais un candidat au burn-out,
mais maintenant je suis en arrêt maladie »
Le triangle « J’ai été l’héroïne, lanceuse d’alerte mais maintenant je
le regrette »
Jeu de désir Persécuteur avec Switch
Jeu de désir Sauveur avec Switch
Jeu de désir Victime avec Switch
Le triangle « Il y a un éléphant dans notre salon et personne ne peut
le voir, sauf moi »
Le triangle « Je suis jaloux que tu sois la préférée et pas moi »
Le triangle « Quand Maman craque, tout le monde se cache »
Le triangle « T’es pas marrant si tu ne bois pas »
Le triangle « Tout le monde boit à la fac »
Le triangle « Vas-y, prends-en un autre, tu peux le faire »
Le triangle « Rions de l’alcool ».
Le triangle « Mes potes alcooliques sont plus amusants que vous »
Le triangle « Je ne bois pas trop. Vous ne buvez pas assez ! »
Le triangle « Je peux faire de votre vie un enfer »
Switch 1. De Victime à Persécuteur
Switch 2. De Persécuteur à Sauveur
Switch 3. Retour à Victime
Offre de jeu de triangle d’une Victime
Offre de jeu de triangle d’un Sauveur
Offre de jeu de triangle d’un Persécuteur
Le triangle « Pourquoi suis-je toujours malheureux en amour ? »
Le triangle « Je passe ma vie à rencontrer des femmes méchantes ! »
Le triangle « Je tombe toujours sur des salauds insensibles qui me
quittent pour une Bimbo ! »
Le triangle « Elle a dit qu’elle garderait mon secret pour toujours »
Le triangle « Il avait dit que nos photos privées étaient notre jardin
secret »
Le triangle « Je suis votre avocat. Surtout ne dites rien et soyez
silencieux. Je vais prendre soin de tout »
Le triangle « Pourquoi ne sais-tu jamais ce dont j’ai besoin ? »
Un triangle de lecture de pensée
Le triangle de l’adolescent incompris
Le triangle « Pourquoi dois-je toujours tout faire dans cette
famille ? »
Le triangle « Essaye de m’aider si tu peux »
Le triangle du joueur « Non, je n’ai pas un problème de jeu ! »
Le Triangle de l’alcoolique « J’ai bu toute ma vie, j’aime ça, et
n’essayez pas de m’en empêcher »
Le Triangle alcoolique « Notre enfant est maintenant un alcoolique
comme son papa »
Le triangle « Regardez ce que notre père alcoolo nous a fait ! »
Le triangle « Je ne sais jamais trop ce que vous pensez… »
Le triangle « Je lis très bien dans les pensées et je n’aime pas ce à
quoi tu penses ! »
Le triangle « Tu m’as larguée, mais tu ne m’as pas expliqué
pourquoi »
Le triangle des interrogations pourquoi ne m’a-t-il pas rappelée pour
un deuxième rendez-vous ?
Le triangle « Quand je me sens seule, la nourriture me sauve »
Le triangle de dépendance « Je peux arrêter quand je veux »
Le triangle « Mon patron était si gentil quand il m’a embauché ; puis
un jour, il m’a renvoyé »
Type de sweatshirt 1 : Challenge – « Essaie de gagner si tu peux ! »
Type de sweatshirt 2 : Déni – « Faisons comme si »
Le Triangle Dramatique Interne « L’histoire triste de la fille qui ne
pensait pas être une personne bien, mais ce n’était pas de sa faute et
de toute façon elle ne pouvait pas s’en empêcher »
Le triangle « Si je te fais suffisamment souffrir, tu ne seras pas aussi
triste lorsque je te quitterai »
Le triangle « Mon parti politique est mieux que ton parti politique »
Le Triangle « J’aimerais pouvoir te pardonner et oublier, mais je ne
peux pas »
Le Triangle de Sagesse « Réglons enfin sérieusement cette histoire
une bonne fois pour toute »
Le Triangle Compassionnel de « Pendant que nous nous disputions,
j’ai réalisé que nous étions dans le fond d’accord sur de nombreux
aspects »
Le Triangle Compassionnel « Pourquoi ne pas se mettre d’accord sur
le fait que nous ne sommes pas d’accord et plutôt discuter de ce que
nous avons en commun ? »
Le Triangle Compassionnel au Tribunal
Le Triangle Compassionnel « Où est passé le bon vieux temps ? »
Le Triangle « Je pense que mon docteur est toujours en colère contre
moi »
Le jour où Paul a pris sa décision scénarique
L’exemple de la formule 3 P de Paul : le triangle « Pourquoi je
n’arrive pas à être aimé par une femme ? »
L’exemple de Jaime, le triangle du « jeune frère qui n’arrive pas à
réussir »
Le triangle de Susan : « Lorsque tu es trop compétent, les gens te
décevront »
Le Triangle Scénarique de Bernard : « Finalement je n’étais pas
si moche »
Le Triangle Scénarique de Docteur House : « Je vais prouver que tu
es un menteur »
Un possible Triangle Existentiel pour le Docteur House
Un homme et sa femme sont au restaurant
Exemple
Pas d’humeur aux BD
Exemple
Le Triangle « Sortons ensemble un de ces quatre ! »
La Boucle ERA « Il faut que tu m’écoutes »
La boucle gagnante CASE + « Sortons ensemble un de ces quatre ! »
La boucle gagnante ERA + « J’ai de bonnes nouvelles à partager avec
toi ! »
Exemple 1 lors d’une réunion au travail
Exemple 2 au déjeuner avec des amis
Exemple 1 au bureau
Exemple 2 à domicile :
Exemple 1 au travail :
Exemple 2 au dîner familial :
Exemple 1 entre collègues au travail
Exemple 2 en couple
Exemple 1 lors d’une réunion
Exemple 2 à domicile
Exemple d’application des 7 P à un problème d’alcoolisme
Comment Tim et Matt ont réparé leur relation durement éprouvée
Stephen Karpman avec Jérôme Lefeuvre (à gauche) et Pierre Agnèse (à droite)
1. Analyse Transactionnelle.
1. Rackets et scénarios sont des concepts d’Analyse Transactionnelle.
2. What can we know, or what can we discern,/When error chokes the windows of the mind,/The
diverse forms of things, how can we learn,/That have been ever from our birthday blind ?
1. Karpman 1971.

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