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© InterEditions, 2017
InterEditions est une marque de
Dunod Éditeur, 11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
ISBN : 978-2-7296-1766-0
Couverture
Copyright
Première partie
UNE DYNAMIQUE DU DRAME
Observer et repérer les jeux et les triangles
1. C’EST QUOI LES JEUX, AU FAIT ? Est-ce qu’on utilise une balle ? Une
balle peut-elle avoir la forme d’un triangle ?
Joueurs et rôles
La pyramide de l’alcoolique
Jeux de chaos
Le triangle de la violence domestique
Un drame intérieur peut aussi tourner dans le sens contraire des aiguilles d’une montre
Le triangle de la dépendance
Mon triangle OK
Règle 4. Quand nous sommes en train de jouer, au moins 10 % de ce que nous disons est
faux
Règle 5. Dans chaque jeu une personne joue au moins 10 % de chacun des rôles PSV en
même temps
Cette cinquième règle constitue le pas le plus important vers mon
Triangle Compassionnel
Le triangle de sagesse
L’utilisation du Triangle Compassionnel avec les 12 motivations du Triangle Dramatique
La formule J du scénario
Les 3 P du scénario
Étape 1. Les trois P du Scénario initial (PPP1)
Le Triangle Existentiel
Le renforcement de scénario en 4 étapes
Un triangle freudien
Deuxième partie
SORTIR DU DRAME ET SE LIBÉRER DES JEUX
Des méthodes de communication utiles pour éviter d’être pris dans le
triangle et instaurer des relations de qualité, saines, fiables, confiantes et
constructives
L’iceberg de l’information
Les icebergs du Triangle Compassionnel
Cinq Options pour parer aux jeux et renforcer vos États du Moi Positifs
Règle 1 – Évoque-le !
ABCDEF – Faire semblant d’évoquer les choses
Règle 2 – Parlons-en !
Les barrages à la discussion et les méthodes pour les contourner
Si vous voulez vraiment « en parler », méfiez-vous des six fauteurs de trouble, appelés
SALMEC
Règle 3 – Bouclons !
Vingt suggestions pour boucler l’affaire et passer à autre chose
Les 7 P de la crédibilité
En bref : dix échappatoires de base pour tous les jeux
Annexes
Remerciements
L’INTENTION DE CE LIVRE
• Nous promener dans le monde un peu fou des triangles, allant de l’un à
l’autre pour en comprendre la mécanique et mieux percevoir ce qui s’y joue.
• Explorer de nouvelles manières d’aborder le triangle, utilisé aujourd’hui par
les professionnels de l’accompagnement, les thérapeutes et même par
certains leaders en entreprise
Après quelques mots sur l’histoire de mon modèle, je vous dirai tout ce
que vous voulez savoir sur le Triangle Dramatique et cette manière si
familière que certains ont de saboter les relations.
Nous commencerons par le plus simple et ferons progressivement monter
les enjeux et la complexité des phénomènes observés. Nous embarquons
pour un voyage dans l’univers du drame sous toutes ses formes. Et c’est là
que cela devient passionnant !
La deuxième partie de ce livre offre un ensemble d’outils pratiques pour
échapper au drame et éviter d’entrer dans des boucles conflictuelles
interminables. Nous y introduirons aussi la notion de compassion
permettant de déjouer les jeux que les gens jouent. C’est le cœur de
quarante ans de recherches que je vous offre ici.
Des relations saines sans jeux confus et malsains, une communication
claire libérée des malentendus sont l’objectif final. Nous avons tous besoin
d’apprendre à soulever les problèmes sans en créer, à parler de ce qui
importe sans laisser échapper les éléments importants. Laissons surtout les
non-dits et sous-entendus à la porte de la mécommunication. Nous aspirons
tous à une communication plus adulte et constructive.
Comment est votre contrat relationnel avec ceux que vous aimez ? Est-il
explicite et clair ? Dites-vous ce que vous ressentez ? Partagez-vous
librement vos pensées ou gardez-vous beaucoup de choses pour vous ?
Savez-vous vous mettre en valeur et susciter l’intérêt ? Êtes-vous vraiment
engagé(e) et impliqué(e) dans vos relations ? Ceux qui vous aiment le
voient-ils ? Et au fait… êtes-vous aimé(e) comme vous le désirez ? Savez-
vous quoi faire pour l’être ?
Voici quelques-unes des questions que nous poserons et auxquelles nous
comptons bien répondre. Et si vous allez jusqu’au bout de cet ouvrage, vous
trouverez même ma nouvelle formule du bonheur !
J’ai très longtemps joué au basket dans ma jeunesse. J’étais meneur de jeu,
ce qui signifie que je devais définir les stratégies et répartir les rôles aux
joueurs pour aider la marque. Le rôle de meneur de jeu est très intéressant
au basket parce qu’il faut observer les positions de chaque joueur à tout
instant pour choisir la meilleure tactique pour gagner.
Un jour en Californie, juste comme ça pour voir, je me suis amusé à
dessiner des schémas et diagrammes des différentes options offensives et
défensives dans le jeu. J’analysais par la même occasion les feintes et
stratégies des adversaires. Je cherchais les idées clés et les points communs
dans toutes ces pratiques aussi bien au basket qu’au football américain. À la
fin, je me suis retrouvé avec plus de 30 pages de schémas sportifs. Avec le
recul, j’avais sous les yeux l’analyse des différentes manières de piéger et
manipuler ses adversaires. Je ne réalisai pas alors que j’étais en train
d’inventer un modèle. Poussé par ma passion du sport et du dessin, je
prenais du plaisir et sans le savoir créais du neuf.
Au bout du compte, le triangle a fini par émerger de toutes ses pages de
gribouillages avec les populaires trois feintes de football et de basket-ball.
C’est à peu près à la même époque que j’entrepris de participer au
« 202 », séminaire tenu tous les mardi soir, au domicile du Docteur Eric
Berne à San Francisco.
J’ai suivi ses trois principes de création scientifique à la lettre toute ma
vie. Le premier : « N’en parlez pas si vous ne pouvez pas en faire un
diagramme » ; le second : « Utilisez systématiquement le rasoir d’Occam –
de toute explication, la plus simple est le plus souvent la bonne » ; la
troisième « Parlez une langue que l’homme de la rue puisse comprendre. »
Avec le recul, je peux affirmer que j’ai appliqué ces trois règles avec un
triangle si simple que n’importe qui peut l’utiliser.
C’est en jouant avec mes trente pages de dessin que j’ai fini par
simplifier (rasoir d’Occam) sous la forme de flèches générant un triangle
(figure 1). Il était là, sous mes yeux, le triangle originel !
P pour le rôle de Persécuteur, S pour le rôle de Sauveur et V pour celui de
Victime.
Il y eut un temps un quatrième point, le Meneur de Jeu qui générait les
jeux et distribuait les rôles (figure 2). Finalement et par souci de simplicité,
je remplaçai ce quatrième rôle par des flèches symbolisant les déplacements
dans le triangle en arrivant à ma trentième page de dessins…
En 2005 je me suis dit que ce serait amusant de chercher sur Google les
mots Triangle + Karpman. À ma stupéfaction, je vis l’écran proposer des
milliers de liens. C’est alors que j’ai vraiment réalisé la portée de ma
trouvaille qui avait largement dépassé les frontières de l’Analyse
Transactionnelle et semblait mener sa propre vie. J’étais aussi fier qu’un
peu inquiet. Il y aujourd’hui plus de 200 000 références sur Google.
Quelqu’un a fait une page Wikipedia. Je reçois 60 000 clicks par mois sur
mon site : http://www.KarpmanDramaTriangle.com/
Certaines personnes ont fait de formidables développements et
descriptions de mes recherches originales ; d’autres semblent s’être un peu
égarés dans le créatif et le poétique plus que dans l’orthodoxie de mes
idées.
Je compris vite qu’il était plus que temps pour moi de reprendre les rênes
de ma théorie. Le Triangle était mon bébé et c’était mon rôle de le
développer. Ce livre est aussi en partie l’objet de cette démarche. Je l’offre
aux futures générations et espère que la prophétie de Berne se réalisera et
qu’on me citera encore dans deux siècles.
Alors que l’orientation initiale de mes recherches sur les jeux était
thérapeutique, j’ai vite inventé des approches supplémentaires dans les
domaines de la communication au-delà des jeux dits psychologiques. J’ai
ainsi ouvert un champ nouveau vers ce que j’appelle « l’Analyse de
l’Intimité ».
J’ai présenté l’ensemble pour la première fois à l’Association
Internationale d’Analyse Transactionnelle en 1997 sous la forme d’un
enregistrement pédagogique appelé « Communication libérée des jeux pour
les couples ».
J’ai publié certaines de ces idées sur mon site ainsi qu’un article de dix
pages : Les Nouveaux Triangles Dramatiques. Tout comme le Triangle
Dramatique originel, ces modèles de communication et de construction de
l’intimité peuvent s’appliquer à toute personne, tout lecteur de ce livre,
qu’ils soient en paix ou en train de vivre une période de stress.
Des acteurs, des coachs, des professeurs des écoles, comme des auteurs
de fiction utilisent la théorie et les outils que j’ai créés dans leur discipline
respective. Ils utilisent la systémique des trois rôles pour aborder la
complexité humaine en mariant l’art et la science.
Mon rêve, mon projet, ma devise depuis des années.
PARTIE I
Formule J du jeu :
A + PF = R → E → S → BF
Le Jeu est lancé quand : le joueur commence par une Accroche sur le
Point Faible d’un autre joueur qui est alors hameçonné. Le joueur obtient
ainsi une Réaction qui déclenche une Escalade (surprise, expressions du
visage) et un Switch (renversement de rôles) pour finir sur le Bénéfice
Final.
Quand je vous raconterai des histoires drôles, folles ou tristes de jeu,
j’utiliserai le mot triangle et donnerai à chaque jeu un nom, comme le
Triangle « Tu ne veux plus faire l’amour avec moi », ou le Triangle « Chéri,
ils ont volé notre héritage ».
Mon Triangle Dramatique décrit la danse infernale des joueurs. C’est une danse
très simple avec seulement 3 pas à apprendre. Chaque pas est un rôle : P, S ou
V.
Nous dirons qu’il y a drame si un des joueurs change de rôle, ce qui veut dire
qu’il passe d’un des rôles PSV à un autre.
William Shakespeare
JOUEURS ET RÔLES
Une femme rentre chez elle en faisant une mine de dix pieds de long.
L’homme lui demande Qu’est-ce qui ne va pas encore ? La femme
répond : Tu as besoin de me demander, c’est ça qui ne va pas ! L’homme
se plaint : Ah ! Ça va encore être de ma faute ! La femme réplique aussi
sec l’air scandalisée : Je n’ai jamais dit ça ! L’homme gémit : Tu l’as
insinué ! La femme lui crie : Qui es-tu pour lire mes pensées ? C’est
toujours la même chose avec toi ! L’homme claque la porte au visage de
la femme en criant : J’abandonne ! Je ne sais plus quoi faire avec toi !
Fin du jeu.
Ils se sont partagé les rôles dans Triangle Dramatique, en tant que
Persécuteur (blâmeur), et Victime (blâmé) et comme Sauveur en faisant
semblant de chercher une issue.
Chacun accuse l’autre de commencer un jeu sans prouver quoi que ce
soit. Le couple est maintenant dans la tourmente. Quelque chose avait
probablement besoin d’être dit, mais personne ne l’a énoncé. À la place,
un jeu « que le plus fort gagne » a été démarré et le couple perd à chaque
fois.
J’ai identifié 3 rôles irrésistibles que les gens prendront comme point de
départ de toute partie.
1. La personne qui joue la Victime se déclare incapable de faire quelque
chose et de gérer ce qu’elle a à gérer seule. La Victime confond la
vulnérabilité et l’incapacité. « Pauvre de moi, c’est horrible. Je ne m’en
sors jamais seul(e) ! Tu es la seule personne au monde qui peut m’aider. »
Un des indices qui révèle quelqu’un dans le rôle de Victime est qu’il
passe plus de temps à se plaindre de ne pas pouvoir faire ce qu’il a besoin
de faire qu’à chercher des options ou solutions. Le Bénéfice est souvent le
renforcement de la croyance qu’il est incapable et que les autres profiteront
toujours de sa faiblesse. À la fin, la Victime peut se retourner contre ses
Sauveurs, comme s’ils étaient ses Persécuteurs. En réalité, intérieurement,
elle reste une Victime.
2. La personne qui critique, qui fait pression ou qui contraint une
Victime, tout en validant la faiblesse cette dernière, assume le rôle du
Persécuteur. Le Persécuteur prend la brutalité verbale pour du pouvoir.
« Tu ne feras jamais rien de bien… Comment peut-on être aussi stupide ? »
Il n’y a pas besoin d’avoir une formation pour voir un Persécuteur qui
attaque ouvertement une Victime. Le Bénéfice est souvent pour lui de
renforcer la croyance que les choses ne peuvent avancer sans l’usage de
l’insulte ou de violence. Pour justifier de la violence domestique, un homme
pourrait dire « Il est de ma responsabilité de lui apprendre une leçon. »
Au bout du compte, les Persécuteurs pourront se sentir victimes d’un
système ou de gens qui les ont « obligés » à devenir Persécuteurs à cause de
leur stupidité !
3. Une personne qui joue le rôle de Sauveur interviendra pour offrir de
l’aide sans avoir les moyens d’aider ou sans avoir été invitée à le faire. Un
Sauveur confond sauver et aider. « J’essaie seulement de t’aider ! »
Un des moyens simples pour repérer un Sauveur sur votre lieu de travail,
c’est qu’il va souvent faire plus de la moitié du travail pour les autres,
même si on ne lui demande pas. Le Bénéfice pour lui est probablement de
renforcer sa conviction que les gens sont égoïstes et ingrats. En fin de
compte, le rôle de Sauveur bascule souvent vers Victime de l’ingratitude
des autres.
Pour danser dans le triangle, si une personne jouant à la victime ne trouve
personne pour la secourir ou la persécuter, elle changera d’environnement
pour trouver quelqu’un pour jouer. Elle doit littéralement accrocher
quelqu’un pour jouer. Il ne restera plus qu’à résister à l’aide de ses Sauveurs
jusqu’à les épuiser.
Nous avons tous rencontré occasionnellement des gens qui semblent
beaucoup plus désireux de se plaindre que de résoudre les problèmes qu’ils
prétendaient vouloir résoudre. Certains sont presque des Victimes
professionnelles à la pêche aux Sauveurs ou Persécuteurs !
Mon ami et collègue Claude Steiner a une jolie formule pour décrire mes
trois vilains PSV :
La victime n’est pas aussi impuissante qu’elle le croit, le Sauveur n’aide
pas vraiment, et le Persécuteur n’a pas de critique valide.
Il y a des niveaux d’intensité différente pour les drames qui se jouent dans
le triangle.
Dans des situations sans grande conséquence, nous entrons dans le
triangle avec de bonnes intentions initiales qui se transforment en désastre !
Le triangle est alors le résultat de la maladresse, de la confusion, de la
recherche d’une solution trop facile ou trop rapide à un problème.
Par exemple, prenez le petit garçon Elmer qui n’ose pas dire à sa mère
qu’il a reçu une mauvaise note à l’école afin de ne pas lui faire de peine.
Quand son père le découvre, il est puni pour avoir caché la vérité et se rend
compte qu’il a perdu la confiance de ses deux parents.
L’intention originale de ce petit garçon était de protéger sa mère (et
l’intention inconsciente de se protéger du spectacle de la déception
maternelle). Le résultat, que j’appelle le bénéfice, est désastreux. La
conséquence est probablement qu’il va apprendre à l’avenir à mieux cacher
ses mauvaises notes, ou même à tricher.
Je crois aujourd’hui, après des années d’observation et de recherche, que
nous jouons non seulement pour des gains inconscients, mais également
pour le plaisir d’empêcher les autres de gagner. Nous le faisons des quatre
manières suivantes :
1. Empêcher l’autre d’être entendu : Je n’écouterai jamais des idées qui
ne sont pas de moi ;
2. Empêcher l’autre d’avoir raison : Vous ne pouvez jamais avoir raison,
sinon j’aurai tort ;
3. Empêcher l’autre personne de gagner : Vous ne pouvez pas gagner, ou
sinon, je perds ; Je suis jaloux des succès des autres ;
4. Empêcher l’autre personne d’entrer : Vous n’êtes pas les bienvenus ici.
Je suis égoïste et j’ai besoin de toute l’attention.
Par exemple, revenons au petit Elmer, qui cachait ses mauvaises notes à
sa mère, et voyons ce qu’il est advenu de lui dans sa vie maintenant qu’il a
20 ans.
Il est à table avec sa famille le dimanche et sa sœur vient d’être admise
dans une université prestigieuse. Elle est la reine du jour. Voici la danse du
triangle du frère jaloux !
Étape 1.
Helen (la sœur), révèle fièrement : J’ai enfin obtenu mes papiers
d’inscription à l’université ; Je vais les envoyer tout de suite.
Elmer (le frère empêchant sa sœur d’être entendue) : On ne peut pas
parler d’autre chose de temps en temps ?
Étape 2.
Helen : J’espère que vous pouvez tous venir voir l’endroit avec moi avant
que les classes ne commencent.
Elmer (empêchant sa sœur d’avoir raison) : Ce n’est pas autorisé, tu ne le
sais pas ? !
Étape 3.
Helen : J’ai entendu dire qu’ils organisent une fête merveilleuse pour les
familles au printemps.
Elmer (empêchant sa sœur de gagner) : Tu dois encore passer les
examens du premier semestre ou il n’y aura rien à célébrer !
Étape 4.
Helen : J’ai quelque chose à vous proposer pour la célébrer !
Elmer (empêchant sa sœur de gagner) : Encore une de tes idées stupides !
Le piège tendu par Sammy ici est de jouer Victime sans vraiment
demander de l’aide. Il attire l’attention de Tom en envoyant une accroche
vers sa principale faiblesse : Tom a besoin d’aider tout le monde (Sauveur).
C’est l’Hameçon : s’il n’a pas aidé quelqu’un à la fin de la journée, il se
sent misérable (Victime). Et Sammy semble avoir besoin de quelque chose.
Maintenant Tom est accroché et il veut aider. Il le veut vraiment ! Son
processus devient : Je vais t’aider même si tu n’as pas fait une demande
claire. Très vite arrive le surprenant Switch et Sammy maintenant l’attaque
en le traitant de prétentieux. Il switche (change de rôle de Victime à
Persécuteur). La réaction que nous observons alors, le coup de théâtre, est
que Tom persécuté pour son sauvetage se sent désormais Victime et
s’excuse pitoyablement.
Dans la figure 1.1, les transactions sont dessinées sur le trait du Triangle
Dramatique et les Switches avec des flèches courbes à l’extérieur.
Le Bénéfice Final pour Sammy suit immédiatement : il passe de Victime
à Persécuteur et il se sent bien mieux maintenant qu’il a pointé l’arrogance
de Tom.
Tout le monde perd et tout le monde gagne. Tom vient de perdre dans le
jeu avec Sammy, mais il a aussi gagné un timbre à échanger dans une autre
partie plus tard. Les timbres sont les sentiments négatifs que nous portons
avec nous après avoir perdu un jeu. Rancœur, honte, culpabilité, mépris, etc.
Ils ne disparaissent pas dans l’air, même une fois le jeu terminé. Ils restent
en nous, drainent notre énergie positive, nous privent de sommeil et, comme
des bombes à retardement, attendent d’exploser à un autre moment, à un
autre endroit, souvent sur la mauvaise personne.
Ainsi Tom le Sauveur de la partie peut maintenant dire à qui veut
l’entendre que les gens sont décidément hostiles et ingrats. Il peut utiliser ce
timbre quand il le voudra.
Si un jeu est joué pour obtenir le Bénéfice Final, les « timbres »
constituent, quant à eux, une autre forme de récompense.
Si une personne accumule trop de timbres, j’observe que cette personne
aura tendance à jouer souvent pour évacuer les frustrations. Seulement
voilà, un jeu psychologique ne permet pas d’évacuer les frustrations. Au
contraire, elles s’accumulent sous la forme de toujours plus de timbres. Plus
Sammy et Tom jouent à ces jeux, moins ils seront capables de
communiquer avec maturité. Il y a un risque élevé que le niveau de tension
entre eux et avec d’autres augmente.
Nous observons trois niveaux d’intensité dans les jeux. Plus il y a de
timbres, plus il y a de risque de passer au niveau supérieur. Collectionner
les timbres a pour effet d’augmenter la pression interne et donc le besoin de
jouer à des jeux psychologiques. En un mot, plus nous accumulons de
timbres, plus nous jouons à des jeux.
Les trois rôles du Triangle Dramatique sont joués dans les jeux d’escroc. La
Victime crédule est le premier rôle, l’autre rôle est tenu par l’escroc en
mode Sauveur à l’étape 1, qui passera en mode Persécuteur à l’étape 2.
Figure 1. 2 – Le piège de l’escroc et son Switch :
l’escroc en mode sauveur
Je n’ai aucun document signé alors le juge a conclu que je lui en avais
fait cadeau.
Je ne savais pas qu’il avait des dettes jusqu’au coup, alors j’ai repris du
poids et laissé mes cheveux revenir au brun.
Figure 1. 3 – Jeu familial à trois. Tous les Switchs finissent par se produire.
Robert est pris au piège par des sentiments de luxure (V) et trompe sa
femme, qu’il dit pourtant aimer tellement (S). Il craint bientôt de devenir
un mari infidèle aux yeux des autres. Il n’a pas encore été découvert. Il a
donc plusieurs rôles à jouer. Il se réveille en pleine nuit, les yeux grands
ouverts dans la nuit noire, il est une Victime qui craint que sa femme ne
le quitte si elle découvre son aventure. Il se perçoit comme un Sauveur de
son couple en prenant soin de ne pas se faire prendre. Il est encore une
Victime de l’intuition de sa femme qui pourrait deviner tant de choses car
il ne sait pas mentir. En nage, toujours incapable de trouver le sommeil, il
commence à blâmer sa femme pour être sexuellement insuffisante (il
passe à Persécuteur) et finalement si stupide puisqu’elle ne sait pas voir
la réalité en face, tout comme sa maîtresse qui est si bête, qu’elle ne sait
même pas qu’il est marié !
Ce que je veux montrer ici, c’est comment trois rôles sont joués simultanément
ou en séquence selon la théorie dramatique.
Dans la résolution de problèmes, il est essentiel de vous entraîner à observer
automatiquement les différents niveaux dramatiques, les rôles joués et les
Switchs qui s’opèrent.
Cette compétence nous permet de faire des interventions subtiles pour ramener
chacun sur le côté positif des choses. Une autre bonne raison pour pratiquer
cette compétence est qu’elle développe la conscience de soi.
Une fois que nous savons comment analyser ces jeux de triangle pour autrui, il
devient plus facile de nous observer nous-même.
Essayer l’inverse est souvent délicat. Développer la conscience de soi est plus
difficile que d’observer.
Considérons quelques autres exemples de triangles de menteurs. Je vais
leur donner des titres explicites :
Enfin, peut-être juste une fois, ou deux, mais ils ne comptaient pas.
Les jeux de propriétaires sont des jeux de ruse et d’intimidation. Ils sont
utilisés pour spolier les gens de leurs droits les plus légitimes – même
lorsque la loi les protège. Une locataire handicapée très âgée occupe un
appartement depuis 15 ans. C’est son domicile. La ville a voté une loi qui
empêche l’expulsion sans cause grave. Comme elle est là depuis longtemps,
elle bénéficie d’un loyer faible. Si elle déménage volontairement, le
propriétaire pourra augmenter le loyer de 750 $ pour le locataire suivant.
Voici comment il l’aborde et lui parle de ses droits.
Alors les seniors bien payés sont remplacés par des diplômés de
l’université à moitié coût.
Le triangle « Mon boss s’en prend à moi, mais bon ils l’ont tous
fait »
Elle avait si bon cœur qu’elle était parfois prête à faire des heures
supplémentaires pour aider les collègues (S). Elle prenait du travail le
soir, au moment où tout le monde rentrait chez soi (V). Elle travaillait
comme quatre mais n’a jamais demandé de l’aide, même les week-ends.
Elle avait l’air fatiguée mais gardait un visage heureux. Son patron
refusait de payer des heures supplémentaires (P) et il a même été jusqu’à
l’accuser d’être incapable de faire le travail à temps (V). En attendant,
elle travaillait tellement que le travail des autres paraissait faible à côté
du sien (P). Elle n’a pas pris soin d’elle quand elle a commencé à se
sentir fatiguée (P) et finalement a fait un burn-out. Le burn-out : un
Sauveur qui liquide la Victime !
Le triangle du désir
Premier degré : « Je veux qu’il soit froid, macho et qu’il me rabaisse pour
que je lui donne du plaisir. C’est ce dont j’ai besoin pour être excitée et
m’éclater sexuellement. »
Switch Persécuteur au second degré. « Il est devenu paranoïaque,
possessif, jaloux et il ne me laisse pas voir mes amis. Il est accablant et
abusif, mais j’ai peur de le signaler. Je n’aurai plus jamais de relations
sexuelles avec un tel monstre ! »
Après le Switch, la fête est finie ! Le Joueur qui se voulait Sauveur, est
devenu Persécuteur.
Premier degré. Le désir ici est tourné une personne au grand cœur qui se
précipite à votre secours dans toutes les situations. Cette personne
procure la dose de drame quotidien ou hebdomadaire que vous aimez.
Elle est généreuse, elle me pardonne tout. Elle est trop belle pour être
vraie.
Switch Sauveur au second degré. Elle prend tant soin de vous que vous
en devenez apathique et dépendant. Elle ne vous refuse rien et même
vous apporte des drogues et de l’alcool. Elle vous étouffe d’amour
inconditionnel – mais un jour, le désir s’éteint lorsque vous décidez que
vous ne voulez pas avoir de relations sexuelles avec votre mère.
Tous les rôles imbriqués dans une famille dysfonctionnelle peuvent être
reportés pour être joués dans un milieu de travail dysfonctionnel plus tard
dans la vie – et être tout aussi difficiles à résoudre. Un responsable du
personnel peut recruter dans sa propre famille des joueurs qui, mieux que
d’autres, entretiendront les drames. Les jeux familiaux peuvent être intégrés
dans la politique de bureau. Les mêmes rôles et dynamiques peuvent
également être recréés à l’âge adulte dans une nouvelle famille, dans un
nouveau lieu de travail ou dans un groupe de thérapie – Ceci s’appelle le
phénomène de transfert.
Le dîner dysfonctionnel
Quand un accro au drame perd ses amis et joueurs avec qui il générait ses
drames, il peut organiser un dîner pour embarquer avec lui de nouveaux
joueurs. Une personne se plaint de la nourriture – un Persécuteur bascule
dans le jeu. Une personne s’extasie que la nourriture est la meilleure et plus
savoureuse jamais goûtée. – Un Sauveur entre dans le jeu. Une autre
personne tombe malade – une Victime entre dans le jeu. Bingo – trois
nouveaux joueurs. Le triangle est complet pour l’année prochaine.
Une deuxième raison pour lancer le dîner est d’afficher son importance.
On s’attend souvent à ce que les invités apportent de l’alcool. Si quelqu’un
n’aime pas la nourriture, c’est leur faute. Si la soirée dégénère, l’hôte ne
saurait être responsable.
Ici encore les titres des jeux familiaux sont écrits avec les trois rôles du
Triangle Dramatique en jeu.
Et je ne sais pas ce que j’ai fait de mal. Est-ce parce je ne suis pas
beau ?
Nous mentons pour banaliser le fait que nous ayons trop bu.
Pourquoi ai-je épousé une personne aussi ennuyeuse que toi, qui ne sait
pas boire ?
Le triangle « Je ne bois pas trop. Vous ne buvez pas assez ! »
La pyramide de l’alcoolique
Sous l’influence de l’alcool, l’alcoolique se dit qu’il peut boire tranquillement sans
embêter les autres (Sauveur), ou s’autorise à faire escalader des jeux jusqu’à
des niveaux de troisième degré avec des menaces du type « Je peux faire de
votre vie un enfer » (Persécuteur). L’escalade de l’alcoolique est un jeu que l’on
appelle « Drame pour l’amour du drame » avec quatre règles :
Règle 1. Augmenter le nombre de personnes impliquées.
Règle 2. Augmenter le périmètre et le territoire impliqués.
Règle 3. Augmenter les enjeux et le danger impliqué.
Règle 4. Augmenter l’insolvabilité pour toutes les personnes impliquées.
Pour comprendre l’alcoolique, regardons les trois rôles qui se jouent dans
le Triangle Dramatique. Est-ce seulement un jeu de Persécuteur, ou y a-t-il
aussi un appel à l’aide de la Victime ou encore un Sauveur qui offre un
clown à ses amis ? Si les trois y sont, alors il y a trois façons d’aider.
Avec toutes les promesses brisées, les blessures et les problèmes causés,
nous plaçons l’alcoolique dans le rôle principal de Persécuteur, le conjoint
dans le coin du Sauveur, et les enfants, sans moyens de sauver qui que ce
soit, dans la position de la Victime.
Alors, que pouvons-nous faire pour agir sur tous ces drames et ces jeux
lorsqu’ils deviennent si complexes ?
À ce stade, la réponse à cette question serait, lorsqu’un conflit se
présente :
1. Portez un regard compassionnel sur toutes les situations de jeu.
2. Remplacez les jugements hâtifs et les réponses impulsives par la
modération et la patience.
3. Utilisez les deux options alternatives dans le triangle pour faire face à
la situation.
4. Considérez vos propres rôles dans le Drame afin d’éviter d’y être
vous-même embarqué(e).
Nous jouons tous à des jeux. Nous les initions ou nous les acceptons. Lorsque
quelqu’un fait une invitation à partir de l’un des trois rôles :
➣ Persécuteur qui veut qu’on le craigne,
➣ Sauveur qui veut qu’on lui soit reconnaissant,
➣ Victime qui veut qu’on règle ses problèmes à sa place,
… toute personne répondant à l’un des trois rôles par un autre des trois rôles est
entrée dans le jeu.
2
Un jeu de triangle commence toujours par une offre faite à partir de l’un des
trois rôles PSV :
Je suis nul comme cuisinier. S’il vous plaît, aidez-moi à faire un gâteau
pour l’anniversaire de ma sœur. Je n’ai jamais compris comment utiliser
le four. J’ai essayé de suivre des recettes, mais je dois être trop bête…
Qu’est-ce que la Victime dit vraiment ici ?
Seul vous pouvez m’aider à résoudre mon problème. Je suis trop stupide
pour le faire.
Qui peut résister à aider cette pauvre Victime ?
Je ne sais pas où vous avez obtenu votre permis de conduire, mais je n’ai
jamais vu un si mauvais conducteur de toute ma vie !
Que dit notre Persécuteur ?
Vous êtes un mauvais conducteur !
Qui peut résister aux insultes sans réagir ?
Ces offres ne sont que des portes ouvertes au drame. Dans un monde
parfait, personne ne mordrait à l’appât et ne pousserait cette porte ouverte
vers le jeu. Mais nous ne vivons pas dans un monde parfait et nous avons
tendance à être attiré dans les drames et dans les jeux des autres.
N’importe qui peut lancer un jeu à partir de n’importe quelle position de
rôle. Nous appelons cela une invitation à jouer. Cependant, pour qu’un jeu
ait lieu, l’invitation initiale doit être acceptée.
Dans cette invitation, une Victime est susceptible d’obtenir une de deux
réponses suivantes – mais laquelle ?
Du Persécuteur : Eh bien, ne le faites pas. Vous êtes une mauviette ! C’est
tout.
Du Sauveur : Je vais parler pour vous. Ce n’est pas votre faute si vous
êtes timide.
Le jeu peut maintenant commencer.
Une situation de jeu classique est celle de la Victime qui cherche l’aide
d’un Sauveur en montrant de la peur :
Une personne qui accepte le jeu continue jusqu’à ce que quelqu’un perde.
Parfois tout le monde perd. Mais j’observe aussi qu’à chaque fois il y a une sorte
de bénéfice, même lorsque le jeu est perdu.
Du coup, perdre le jeu finit par signifier qu’on a gagné une forme de
récompense, et c’est rarement positif. Il peut s’agir d’un renforcement de
rancœurs, d’une vision pessimiste du monde, d’une croyance limitante.
On peut observer des jeux à trois sans Switch, par exemple dans un
tribunal : l’avocat général est le Persécuteur, votre avocat est votre Sauveur,
et vous la Victime. Même chose pour certaines alliances familiales de
personnes prenant parti. Mais un Switch pourra à tout moment transformer
le jeu en drame.
À ma grande consternation, la plupart des gens connaissent mes
recherches sous le nom de « Triangle Dramatique », alors que le drame est
la situation même que je veux combattre. C’est pourquoi j’ai inventé le
Triangle Compassionnel. Les histoires heureuses semblent susciter moins
d’intérêt que les tragiques et c’est probablement pourquoi le Triangle
Dramatique est entré dans la légende plus rapidement que le Triangle
Compassionnel.
Le terme drame se réfère à la fois à son sens théâtral et à la conclusion
dramatique du jeu. J’ai travaillé avec des gens de théâtre qui utilisait la
dynamique de mon triangle pour s’entrainer et préparer un rôle. Un grand
scénario d’un grand écrivain aura chacune des trois motivations écrites pour
chaque personnage.
Sam est nerveux. Il veut bien faire cette fois, alors il met une cravate et
de l’eau de Cologne pour plaire. Son ami Bob lui a dit : « les femmes
comme les hommes soignent leur look ». Il ne veut pas paraître
négligent. Dans la rue, il remarque que les gens se tournent vers lui. Il a
fait un bon choix en décidant d’utiliser cette lotion. Quand il rencontre
Joan, cependant, il remarque qu’elle semble gênée par quelque chose.
Quand il la voit mettre un mouchoir sur son nez, il panique. Il a abusé de
la lotion de rasage en en mettant trop, et il sent trop fort. Il vient de
comprendre. Comme dans une comédie télévisée, il pique du nez.
Sam : Je suis désolé, c’est ma crème à raser, non ? Cela te dérange. Tu
sais, je pense que ça pue aussi ! Mais tu sais, ne sois pas sévère, je l’ai
mise pour toi, pour sentir bon pour toi. Ce n’est pas très sympa de faire
une tête comme ça avec ton mouchoir. Notre rendez-vous commence mal.
Vous, les femmes, on sait jamais ce qui va vous plaire et c’est pas la
première fois que ça m’arrive. Et puis, après tout, cette lotion ne sent pas
si mauvais que ça. Tu fais ta difficile là.
Sam est en sueur. Joan le regarde consternée. Elle a un mauvais rhume et
n’a pas remarqué ce dont Sam parle. Elle vient de comprendre que son
mouvement avec le mouchoir a déclenché une bombe à retardement chez
Sam. Elle va écourter ce rendez-vous parce que l’ami du jour semble un
peu excité et, pour tout dire, un peu inquiétant !
Sam doit comprendre que les femmes de sa vie sont probablement plus
indulgentes qu’il ne le pense. Aujourd’hui, il court le risque de rester
maladroit et de générer ses propres drames.
Ici, nous l’avons vu essayer de faire plaisir en se positionnant d’abord
dans une position de vulnérabilité négative : Je ne sais pas comment vous
plaire (V). Il choisit un support, la lotion de rasage (S), et en fait trop.
Quand il croit comprendre que Joan est dégoûtée (V) par la solution qu’il a
trouvée, il n’ose pas en parler (S), il part sur un monologue dans lequel il
commence comme la Victime de la lotion rasage, passe par le mode
Sauveur qui utilise la lotion pour plaire, et termine son voyage dans
l’accusation du Persécuteur envers les femmes qui sont si difficiles !
La situation comique de Sam pourrait être utilisée pour obtenir un rire
dans une comédie. Mais ici-bas, dans le monde réel, les hommes et les
femmes qui, comme Sam, ont eu des débuts difficiles dans leurs relations
avec le sexe opposé pourraient glisser dans un scénario de ce genre, répétitif
et dramatique à terme.
D’après mon observation, les jeux ne finissent pas tous dans le drame
s’ils sont arrêtés assez tôt. « Assez tôt » veut dire : si personne n’a eu le
temps de changer de rôle dans le triangle (switcher).
Il est provoqué par la situation et par la manière dont les joueurs perçoivent les
conséquences et les avantages plus ou moins conscients.
L’accro au drame vous impliquera toujours dans ses drames personnels. Il a
besoin de cette stimulation juste pour continuer à respirer.
Travaillons tout d’abord des drames tout simples avec un seul Switch.
Les flèches indiquent les transactions entre les différents protagonistes. Les
transactions sont des échanges entre individus. Ces flèches sont tracées sur la
ligne à chaque extrémité pointant dans la direction du rôle.
Le triangle « Il avait dit que nos photos privées étaient notre jardin
secret »
Six mois plus tard, je les ai vus sur Facebook – avec des dizaines de
commentaires d’inconnus !
Ou, plus subtil et tout aussi insidieux :
Et j’ai perdu l’affaire parce que je n’ai pas voulu répondre aux questions
du juge.
Les jeux auxquels les gens jouent ne sont pas toujours amusants.
Le mari qui s’attend à ce que sa femme lise dans ses pensées boude dans
son propre triangle intérieur « Elle ne me fait jamais de frites ». Il rumine
parce qu’elle ne vient pas le sauver. Puis tout à coup il attaque sa femme
choquée :
Je dois être un mari nul pour toi !
La femme répond : Pourquoi me dis-tu une chose si horrible ?
Il répond : Je suppose que je ne mérite pas de frites, tu n’en fais jamais
pour moi.
L’épouse se défend : Tu m’as toujours dit que tu préférais que je fasse
des repas légers pour tes problèmes de poids et de cholestérol.
Le mari change soudainement, fronce les sourcils : Si tu m’aimais
vraiment, tu saurais que j’aime vraiment les frites. Mais tu es
désagréable et tu t’en prends délibérément à mon poids chaque fois que
tu en as la l’occasion.
La mère agit d’abord ici comme Sauveur de l’enseignant lorsque son fils
agit comme Persécuteur. Il sent qu’elle le trahit en soutenant l’enseignant
contre lui. Comme sa mère conserve son rôle, le fils passe de son rôle de
Persécuteur au rôle de la Victime trahie sans amour (la ligne courbe passe
en dehors du triangle à la figure 2.5).
Le drame est proche.
Figure 2. 5 – Switch de Persécuteur à Victime
Ces jeux comme des jeux vidéos, peuvent être joués du niveau facile à
difficile, aux 1er, 2e et 3e degrés d’intensité.
JEUX DE CHAOS
Les trois règles du chaos peuvent être repérées dans les justifications de
violence domestique. L’agresseur suppose que ses contributions n’ont pas
été appréciées – il était le Sauveur qui est maintenant une Victime, puis
déplace les enjeux au troisième degré.
1. Jeu : « Tu te soucies plus des autres que de moi ! » (V), puis
l’intimidation « Tu veux que je te frappe ou tu n’apprendras jamais. »
(P)
2. Refus : « Je ne suis pas le problème (V). Ton dîner n’était pas bon. Tu
n’as pas lu dans mes pensées parce que tu ne t’en soucies pas. »
3. Contre-attaque ; il la place sur la défensive (P) pour s’expliquer (V) :
« Tu m’as servi de la bière tiède alors que je t’ai avertie trois fois.
Explique-toi. »
La femme et les enfants sont terrifiés, lui, trouve son argument d’autant
plus justifié que sinon ils n’auraient pas peur.
Toute personne avec une dépendance peut couvrir ses vices avec le déni
et la projection. Un toxicomane offensif peut intimider les autres en mode
Victime. « Comment pouvez-vous être si insensible ? Je suis en larmes.
Expliquez-vous. Il aura mille excuses et vous confrontera : Comment
pouvez-vous m’accuser de voler vos affaires ? Quel genre de personne êtes-
vous ? Quelqu’un en surpoids peut le nier et vous devrez vous expliquer
pour l’avoir innocemment mentionné.
Cette manœuvre défensive en trois étapes maintient les autres à distance.
Ainsi, ils n’ont pas à faire face à des questions embarrassantes qu’ils ne
peuvent contrôler. Dans un jeu de triangle, les toxicomanes peuvent être vus
comme Victime, nécessiteux, honteux et souffrant ; en tant que Persécuteurs
ils créent des graves problèmes et sont jugés ; en tant que Sauveurs
involontaires, ils aident d’autres à se sentir supérieurs.
Pour continuer avec les jeux de chaos, regardons encore une fois
l’histoire classique de la famille de l’alcoolique. Cela nous aidera à
comprendre la complexité et l’efficacité de l’art des Switchs multiples dans
les jeux.
Mais après quelques cycles d’émotions positives (+) et négatives (–), tout
devient très confus et les membres de la famille doivent développer des
défenses contre l’incertitude. Les enfants prennent des décisions précoces
de vie comme Ne faire confiance à personne.
Figure 2. 10 – Les trois règles du chaos dans une famille où chacun
change de rôle pour de bonnes et mauvaises raisons (±)
En outre, si nous acceptons, par principe, que chacun des joueurs dans le
triangle est au moins 10 % Victime, Persécuteur et Sauveur, nous
montrerons plus de tolérance et d’ouverture d’esprit pour nous donner une
chance de régler les problèmes en adoptant une attitude compatissante
envers les jeux.
Prenons le patron qui harcèle sa secrétaire quand elle fait des erreurs. Ce
patron se présente comme le Persécuteur, mais il y a en effet au moins 10 %
de Sauveur avec l’intention de sauver sa secrétaire, son travail et de l’aider
à développer de nouvelles compétences. Et n’est-il pas au moins 10 %
Victime des erreurs de cette dernière ?
La réponse est simple, c’est du sauvetage parce qu’aucun contrat clair n’est
conclu entre les parties. Aucune décision adulte n’est prise. Il n’y a aucune
garantie que cela ne se reproduise plus, pas plus que de vraies excuses.
Liz, l’aînée, n’accepte pas le rôle de Sauveur comme sa mère et son frère.
Elle crée le parti du Persécuté outragé.
C’est alors que le père switche une troisième fois pour sauver Liz, en
disant à sa femme que sa fille a le droit de l’insulter puisqu’elle a raison, lui
ne vaut pas mieux qu’une bête qu’on devrait abattre ! Imaginez ce que
ressent Liz maintenant…
Bienvenue autour du Triangle !
Une autre situation classique dans la vie quotidienne qui invite les
monologues internes et qui fait des nœuds dans nos têtes, donc des drames
intérieurs, vient de ce que j’appelle les triangles des interrogations. Ce sont
ces moments où nous exprimons une curiosité légitime quand les gens
autour de nous agissent étrangement ou nous font du mal.
Nous essayons de comprendre ce qui se passe et, faute d’une réponse
claire, nous entrons dans une boucle infernale de frustration et
d’interprétations.
Le drame intérieur de Maria est une boucle tournant dans le sens inverse
des aiguilles d’une montre, initiée par une Victime dans sa personnalité
intérieure (la petite Maria qui a promis de rester belle), sauvée et persécutée
par cette même personnalité intérieure. Rien n’apparaît extérieurement.
LE TRIANGLE DE LA DÉPENDANCE
Mark est très demandé dans son travail en tant qu’agent d’artistes. Il
passe la majeure partie de son temps professionnel à des soirées chic et
branchées. Il doit toujours être en pleine forme et charmeur, quoi qu’il
arrive.
Il a trouvé un cocktail qui fonctionne très bien pour tenir et garder son
esprit alerte : une boisson énergisante qu’il mélange avec un coupe-faim
de sa petite amie. Il se dit que le mélange n’est pas illégal et qu’il
parvient à rester debout toute la nuit tout en restant conscient de ce qu’il
se passe autour de lui.
Au bout de quelques mois, sa famille se rend compte qu’il n’a pas l’air en
forme lorsqu’il leur rend visite en fin de semaine. En outre, ces visites
sont de plus en plus courtes et de plus en plus rares. Il répond qu’il a une
énorme charge de travail et est sous une pression incroyable, donc, bien
sûr, il semble fatigué le week-end parce qu’il est fatigué !
C’est quand sa petite amie Leonora le quitte qu’elle annonce à la famille
de Mark l’existence de son cocktail spécial.
Un dimanche, ses amis et sa famille prévoient d’agir. Ils appellent ça une
intervention. Ils attendent dans le salon pour lui dire qu’ils sont inquiets
et lui dire d’arrêter de mélanger les pilules.
Mark sourit et leur dit tendrement qu’il est touché et comprend. Sa petite
amie est furieuse qu’il lui préfère son travail, et c’est pourquoi elle a mis
en place ce petit drame. Et puis, il ne fait ce petit mélange que de temps
en temps et il peut s’arrêter quand il veut.
Pour le meilleur ou pour le pire, ses amis et sa famille acceptent sa
version des événements parce qu’il semble si sincère. C’est seulement six
mois plus tard, à Thanksgiving, quand il se retrouve à l’hôpital pour une
overdose et un sévère burn-out, que tout le monde est confronté aux faits
réels : il n’avait pas l’air d’un toxicomane, mais il était déjà en grand
danger !
Comprendre Mark : Ce travail est sa vie. Si son cœur bat (V) et qu’il doit
prendre des somnifères (S), c’est à cause de la nature de son entreprise
(P). Cela n’a rien à voir avec les pilules réduisant l’appétit. Après tout,
quand il va se coucher à 7 heures du matin, les effets du cocktail sont
déjà passé il y longtemps, voyez-vous ?
S’il ne se drogue pas, il perd ses clients ; s’il perd ses clients, il perd son
réseau ; s’il perd son réseau, il perd son emploi ; et s’il perd son emploi,
il perd tout… Alors, bon !
Coup 1. Une femme dit à son mari : « Oh, j’ai vraiment besoin d’aide
dans cette horrible situation avec ma mère. Tu sais comme il est
impossible pour moi de lui parler. »
Coup 2. Le mari compatissant, répond : « Mon pauvre amour ! Peut-être
que tu as juste besoin de lui parler plus ouvertement. Attends. Je vais le
faire ! Ne t’inquiète pas ! Je vais aller la voir et lui dire deux mots ! » (Le
Sauveur de l’épouse passe au milieu de la phrase à Persécuteur de la
mère.)
Coup 3. L’épouse hurle : « Attends ! Tu ne comprends pas ! Je ne t’ai
rien demandé ! Qu’est-ce que tu sais de tout ça ? Pourquoi tu t’en
mêles ? Occupe-toi de toi ! » (La Victime passe à Persécuteur.)
Coup 4. Mari (maintenant désespéré) : « Je suis désolé ; j’essayais
seulement de t’aider. » (En s’excusant, le Persécuteur passe à Victime
puis Sauveur.)
Dans le processus de simplification des jeux façon Occam, j’ai plus tard
découvert que je pouvais réduire tous les jeux de deux à un seul message.
Une fois que le jeu a commencé, il ne reste qu’un sweatshirt de base :
« Essaie de résoudre ça si tu peux » ! Lorsque vous réalisez ce qu’il se
passe réellement, le jeu devient beaucoup plus clair.
Une bonne façon de commencer à vous entraîner à éviter d’entrer dans
les triangles est de détecter les invitations à jouer. Si vous êtes entré déjà
dans le jeu, vous pouvez toujours prendre du recul et penser au sweatshirt.
Cela aide à voir mieux les enjeux.
À partir de demain, observez, écoutez les conversations et prenez
l’habitude d’identifier intuitivement ce qui se passe réellement – ce qui est
sur le sweat-shirt du joueur. En gagnant en vigilance, vous pouvez
commencer à limiter les dangereuses valses en trois étapes du drame.
LE DRAME EN BREF
Utilisez les versions simplifiées pour repérer les différentes manières d’inviter
quelqu’un dans un drame.
3 invitations P, S et V
P : « Tu ne sais rien faire de bien ! »
S : « J’essaie seulement de t’aider. »
V : « Pauvre de moi ! »
2 invitations sur un sweat-shirt imaginaire :
« Faisons comme si… »
« Essaie de… si tu le peux. »
1 sweat-shirt avec une seule invitation de jeu de base : « Essaye de résoudre
ceci si tu le peux. »
3
UN TRIANGLE OK POSITIF
BIEN DES GENS dans le monde ont repris ma théorie pour créer leur propre
Triangle OK. Acey Choy a décrit un excellent « Triangle des gagnants »
dont il nomme les angles Affirmé, Aimant et Vulnérable en rapport avec le
modèle de résolution de conflit de l’Institut Cathexiks. Sur son site très
complet (TA-tutor.com), Lewis Quinby a utilisé les initiales PRV pour
Persévérer, Rejoindre et Vulnérable dans son « Triangle Durable ». Dans
son livre fascinant, The power of TED – The empowerment Dynamic »
(2006), David Emerald a renommé les angles positifs avec l’Opposant (P),
le Coach (R) et le Créateur (V). Lynne Forrest (2008) a écrit des livres sur
le Triangle Victime avec les angles OK nommés Tuteur (P), Nourricier (R)
et Observateur (V). Des centaines de blog citent le « Triangle de Karpman »
dans de divers contextes afin d’expliquer les jeux de relations et les
situations dysfonctionnelles.Mes amis Jérôme Lefeuvre et Pierre Agnèse
ont eux aussi proposé une lecture de self-défense appelée Déjouer les
Pièges de la Mauvaise foi et de la Manipulation s’en inspirant.
MON TRIANGLE OK
La plupart des gens qui découvrent mon travail ont tendance à se concentrer
sur l’aspect négatif du Triangle. Je veux insister sur l’idée qu’un
Persécuteur, un Sauveur et une Victime ne sont pas des personnes ! Ils ne
sont que des rôles que les gens endossent dans les jeux psychologiques, de
façon plus ou moins consciente. Les personnes derrières ces rôles ont très
souvent de bonnes intentions.
J’ai ainsi basé ma thérapie et mon processus de conseil sur
l’identification des aspects positifs du Triangle Dramatique avec un
objectif, la compassion. Le Triangle OK représente les différentes façons
pour une personne de concevoir les situations qu’elle vit.
Ces 10 % représentent une règle générale qui se révèle utile dans mon
travail thérapeutique, particulièrement lorsque je travaille avec des couples.
C’est un moyen simple pour dédramatiser les jeux.
Comprenez ici « solution » dans son sens chimique – c’est à dire, un
mélange dans lequel se trouverait 10 % d’une autre substance, un peu
comme les 70 % ou 90 % de solution alcoolisée que vous achetez en
pharmacie. En voici les cinq règles.
Pour moi, il s’agit ici de porter notre attention sur le fait que les jeux
psychologiques sont très communs et que nous y prenons part bien souvent.
Avec ce troisième aspect de ma solution à 10 %, nous avons une bonne
raison de considérer les jeux et les joueurs comme l’une de nos faiblesses
humaines. Si nous l’acceptons, il devient facile de faire preuve de
compassion.
Pour cette troisième règle, considérez que, lorsque que vous êtes pris
dans un jeu, il y a au moins 10 % de la population qui serait d’accord avec
vous et 10 % qui serait d’accord avec les autres joueurs.
Si vous êtes le témoin d’une situation délicate dans votre cadre de travail et
qu’il vous faut en devenir le médiateur, gardez à l’esprit que tout n’est pas
vrai dans ce qui est dit par la personne en conflit.
« Je te préviens, si tu ne continues comme ça, tout le monde finira par te
tourner le dos ! »
On peut déjà appliquer ici les trois aspects de la solution à 10 %, et dire
que l’intention ici est positive à 10 %, qu’il y a 10 % de vérité et que, dans
au moins 10 % des familles, nous pourrions entendre la même chose. Enfin
nous pouvons aussi observer que, dans cette scène, au moins 10 % de la
menace est fausse.
À chaque fois que l’on pense qu’une personne incarne seulement un rôle,
nous devons juste analyser de manière plus précise la situation pour trouver
au moins 10 % des autres rôles. Ceci nous aide à mieux comprendre ce qu’il
se passe dans le jeu.
Barbara est sortie de l’université il y un mois. Elle ne se sent pas bien car
elle a triché à son dernier examen. Hier, elle était supposée rencontrer un
homme du bureau de chômage à 8 h 30 pour un emploi. Elle a quitté la
maison, très tôt en laissant une lettre à ses parents sur la table de la
cuisine. Elle ne trouvait pas les mots pour exprimer ce qu’elle voulait
leur dire. Elle aurait aimé que sa lettre en dise plus. Elle est arrivée au
rendez-vous en avance, en se sentant vidée et coupable. Alors qu’elle
allait se présenter à la jeune femme au bureau, elle a fait demi-tour et a
quitté les locaux. Elle a marché sans but avant de s’asseoir sur un banc et
de pleurer. La vérité, c’est qu’elle ne pleurait pour personne. Quelque
chose dans son crâne refusait de s’arrêter :
« Je suis tellement bête ! Je ne mérite pas ce que j’ai. Je suis une
tricheuse. Je n’arrive même pas à écrire une simple lettre à mes parents.
Je ne peux que me punir pour ça… Mais après tout, qui sont-ils pour me
juger ? Si je suis comme je suis, c’est de leur faute, pas de la mienne. Ce
sont des gens faibles. Ils m’ont rendue faible… C’est cette société injuste,
ces professeurs injustes, c’est la faute de tous les autres. Et bien, je ne
peux rien faire de bien. Je ne suis pas destinée à faire de grandes choses
de toute façon. Je ne suis qu’une banlieusarde simple d’esprit, et même
pas une jolie jeune femme ignorante. Je ne suis pas le genre à gagner…
Tout le monde ne peut pas gagner dans ce monde… Je suis tellement
idiote… Je ne mérite pas ce que j’ai. »
Les pensées de Barbara sont dans le carrousel du drame interne. Elle
passe constamment d’un rôle à l’autre intérieurement. Elle ne prend pas
même le temps de respirer et de prendre de la distance pour analyser la
situation. Son jeu intérieur bat sa propre raison et se renforce
constamment. Elle commence par se persécuter en se disant qu’elle est
une tricheuse et une idiote. Puis elle change de rôle et devient son propre
Sauveur, en se disant que rien n’est de sa faute, mais plutôt celle de
l’éducation de ses parents qui l’a rendue faible… Puis sans prendre le
temps de souffler, elle passe de nouveau à Victime. L’émotion devient
insurmontable, il devient impossible de s’arrêter, on change de rôle,
encore, et encore, et encore.
Figure 3. 7 – Le triangle interne de la haine de soi
Pour quelle étrange raison Marie a-t-elle décidé de quitter Jack sans
aucune explication ? Pourquoi c’est elle comportée si brusquement, en
l’humiliant verbalement lorsqu’il a appris la nouvelle. Pourquoi a-t-elle
brisé son trophée de tennis dont il était si fier avant de quitter les lieux ?
C’est un bon moment pour moi de faire une entrée compatissante pour
exprimer les 6 angles. En atelier d’entraînement, nous appelons ceci le
processus des 6 étapes de compassion :
Jack, il semblerait que tu aies pris l’habitude de lire les pensées de Mary,
et elle a l’impression que tu la persécutes.
Mary, tu as détruit quelque chose de très important pour Jack, et il
perçoit ça comme de la persécution.
Je vois, Jack, que tu as pardonné à Mary, mais pas complètement, car tu
es toujours énervé. Tu t’es comporté comme si tu désirais sauver votre
relation mais tu n’as pas arrêté de refouler cette colère.
Mary, tu voulais sauver Jack d’une séparation douloureuse, en la rendant
volontairement brutale pour qu’il ne soit pas triste que tu sois partie.
Et aujourd’hui vous vous sentez tous les deux comme les Victimes.
Jack, tu se sens humilié et Mary, tu te sens incomprise.
Une fois que le premier palier est passé, nous irons pas à pas vers une
lecture plus complexe qui nous aidera à dénouer les nœuds dramatiques qui
se sont formés entre eux ces dernières années.
Ces histoires cachent toutes des motivations inconscientes qui permettent
d’entretenir les jeux et d’entrer dans un triangle.
• La Victime à des besoins dont elle n’a jamais parlé, des scénarios familiaux
non résolus et une position existentielle défaitiste.
• Le Persécuteur a des timbres et des opinions négatives vis-à-vis de ceux qui
le dérangent ou lui déplaisent.
• Le Sauveur n’arrive pas à régler quelque chose dans sa vie par lui-même.
LE TRIANGLE DE SAGESSE
Dans un monde parfait, lorsque l’on est confronté à une situation de conflit,
on peut prendre du recul et analyser les 12 motivations du Triangle
Dramatique ci-dessous : six motivations ± de la personnalité externe et six
motivations ± de la personnalité interne.
Dans cette démonstration, William est passé par les 12 angles intérieurs
et extérieurs possibles pour traiter de ce qui constituait leur conflit,
clairement et avec bienveillance. Cette clarté et cette bonne volonté sont
une invitation à mettre fin aux messages cachés et aux raisons personnelles.
Cet exercice peut être appelé la Compassion en 12 étapes.
Cette réaction, même si elle est très politique par nature, est une façon
élégante de reconnaître le P+ de son adversaire en défendant la beauté de
ses valeurs et le fait de faire son devoir, le S+ qui lui permet de s’améliorer
en tant que personne, et le V+ en reconnaissant la difficulté de la situation
d’une personne qui dénonce.
Cet exemple montre aussi l’approche de résolution de drame avec le
Triangle Compassionnel en faisant amende honorable, en offrant de
l’empathie et de la gratitude.
Le Triangle Compassionnel « Pourquoi ne pas se mettre d’accord
sur le fait que nous ne sommes pas d’accord et plutôt discuter
de ce que nous avons en commun ? »
Une autre dispute dans l’entreprise dont nous avons parlé fait rage entre
Robert, le directeur d’achat et le directeur du marketing.
D’un côté, l’un affirme que l’autre ne fait pas les sacrifices nécessaires
pour améliorer la qualité de production et de ce fait empêche l’évolution
de la politique client en pleine période de marché difficile.
De l’autre côté, on critique les frais considérables du département de
marketing pour des résultats douteux et peu visibles.
Toutes les semaines, on assiste à une nouvelle dispute au sein du comité
exécutif de l’entreprise.
Mais que se passerait-il si l’un d’entre eux décidait lundi de dire :
Et me voilà aujourd’hui à encore vous critiquer sur ce sujet. Pourtant, je
sais que nous nous opposons par nos points de vue mais pas sur les
fondamentaux. Tout comme moi, vous voulez que nous donnions le
meilleur de nous-même pour que la compagnie soit sauvée et grandisse
(S+). Nous défendons corps et âme, vous et moi, les valeurs de notre
profession. Ce qui semble nous diviser se trouve au niveau de nos
méthodes (P+). Et nous sommes tous vulnérables face à une compétition
brutale et sans pitié (V+).
Je comprends maintenant que nous visons le même objectif, je vais vous
écouter.
Elle lui prépare un chocolat chaud avec des amandes broyées à la main
comme elle avait l’habitude de lui faire lorsqu’ils étaient plus jeunes
(S+). Depuis un certain temps elle ne les faisait plus qu’avec du chocolat
en poudre (S–)…
Il allume un feu de cheminée car il sait qu’elle adore ça (S+). Cela fait
10 ans maintenant qu’ils ont le chauffage électrique parce que c’est
difficile pour lui d’allumer un feu. Et il a juste fallu qu’elle s’y fasse.
C’est une bonne chose, vu le prix ! (P–).
Maintenant Ils sourient tous les deux. Il savoure sont chocolat avec des
« mmm » et des « miam ». Elle observe la cheminée avant de verser une
larme.
Elle (S+) : Ça faisait vraiment longtemps qu’on ne s’était pas assis
comme ça, n’est-ce pas mon chéri ?
Lui (V+) : Tu as raison. Ton chocolat est si bon, ma chérie…
Il ne pleure pas mais il a le cœur lourd. Ce moment est précieux.
Lui (P+) : Il faut que nous nous promettions quelque chose, mon amour.
Je pense que nous devons prendre une décision importante pour tous les
deux. Qu’en penses-tu ?
Elle (P+) : Je pense que tu as raison chéri. Le temps qu’il nous reste est
précieux et je veux que nous en profitions et en fassions quelque chose de
formidable !
Lui : Il n’est pas toujours facile pour moi d’être un bon mari, et je sais
que je fiche tout en l’air parfois (V+).
Elle : Et moi, je suis tellement inquiète de ne pas faire les choses bien, je
dérape aussi par moment (V+).
Lui : Mais c’est ce que j’aime chez toi (S+).
Elle : Moi aussi. Même si tu es un peu comme un ours par moment, je
t’aime (S+).
Lui : Promettons-nous de prendre soin l’un de l’autre jusqu’à la fin
(V+S+P+).
Elle : Oui, promettons-nous ça (V+ S+ P+).
Le Triangle de la Victime
Pour cet exemple, nous pouvons choisir le jeu « C’est affreux n’est-ce
pas ? ». Une personne déprimée se plaindra en disant « Pourquoi est-ce que
ça doit toujours m’arriver » dans l’espoir que quelqu’un (Victime) se joigne
à lui dans sa misère, ou devienne son héros (Sauveur) qui surgirait de l’eau.
Cependant malheureusement il se peut que ce soit un Persécuteur qui
apparaisse.
La Victime est assise en haut du triangle, tirant les ficelles pour attirer
divers joueurs – et multiplier les bénéfices.
Figure 3. 16 – Le triangle de la Victime dans le jeu « C’est affreux, n’est-ce
pas ? »
Le Sauveur veut faire le bien (S+), mais le triangle a trois côtés et chacun
d’entre eux peut attirer des joueurs différents. Une Victime et un
Persécuteur pourraient sortir de l’eau pour profiter du Sauveur crédule.
Une personne qui souligne régulièrement des problèmes mineurs chez les
autres peut ainsi rediriger une colère intérieure contre soi-même sur un
autre. Cette critique persistante est rationalisée comme étant faite pour le
bien de l’autre (S). Dans la violence domestique, l’homme va rationaliser sa
violence avec l’argument « Il est de ma responsabilité d’enseigner une
leçon ».
Si leur « aide » perfectionniste n’est pas appréciée, le jeu peut escalader
vers une punition et le jeu « Maintenant je te tiens salaud ! ». Cette
personne force l’autre à se responsabiliser pour une faute innocente.
Les trois exemples ci-dessus ont montré que les trois niveaux de drame sont
toujours présents en même temps – il suffit d’analyser la situation en
profondeur pour le voir. Cette nouvelle découverte peut être utilisée pour
partager des idées dans des discussions sensibles afin de régler des
situations complexes.
Maintenant, en plus du niveau social visible, regardons un dernier
exemple pour inclure un deuxième niveau, un niveau interne au triangle – le
niveau du sentiment.
Lors d’un rendez-vous programmé, une patiente désobéissante n’a pas
pris ses médicaments correctement et maintenant refuse un test nécessaire.
Le docteur a l’air en colère et la patiente se promet qu’elle ne reviendra
jamais chez ce médecin agressif, ignorant qu’elle est en fait la cause du
mécontentement du docteur. Avec une meilleure compréhension du Triangle
Compassionnel, leur situation aurait pu être discutée et résolue.
Écoutons la patiente se parler à elle-même alors qu’elle considère à la
fois le triangle comportemental externe et le triangle de sentiment interne
du médecin.
Les rackets sont des triangles internes des émotions liées à notre histoire
personnelle.
Les scénarios proviennent de scènes liées à l’enfance et au développement de
l’individu dans la vie de famille. Ils sont appelés dans mon modèle le Triangle de
Scénario Familial.
Dans les diagrammes, à l’extérieur du triangle, vous trouverez des jeux sociaux.
À l’intérieur, vous trouverez les rackets et encore à l’intérieur de ça, un Triangle
de Scénario Familial.
Aujourd’hui, dans mon travail thérapeutique, j’observe et j’analyse les
trois niveaux : le triangle externe au niveau social, le triangle interne au
niveau du racket, et le scénario qui est le niveau émotionnel invisible du
Triangle Dramatique familial.
Ce sont des émotions qui ne sont pas conscientes mais pourtant vécues.
C’est la zone des non-dits que les joueurs utilisent au lieu de dévoiler leurs
sentiments réels.
Nous avons tous vu des couples très proches maintenir un état d’irritation
jusqu’à ce qu’ils explosent dans une colère violente et inutile, ou qui en
viennent à tant se plaindre qu’ils finissent par entrer en dépression. Un
racket se produit lorsque l’expression d’une émotion ne fait qu’aggraver la
situation ainsi que l’état émotionnel d’un individu.
Cependant, les émotions spontanées et authentiques exprimées en dehors
du triangle seront libérées et libératrices. Les sentiments exprimés par
l’Enfant Libre qui est en nous sont authentiques, les sentiments exprimés
par l’Enfant Adapté qui vit aussi en nous sont des rackets.
Une personne dans un racket utilise inconsciemment ses émotions contre
les autres et lui-même. Elle accumule la rancune sous la forme de timbres
jusqu’à ce qu’elle explose. Nous avons parfois du mal à dire à certaines
personnes, dans certaines situations, pourquoi nous sommes inquiets. Nous
gardons alors pour nous à la fois le contenu (ce que nous voulons dire) et
l’émotion (la colère, la déception, le dédain) qui s’accumule en nous. Nous
stockons tout cela sous la forme de « timbres » à échanger plus tard.
Il existe de nombreux types de timbres que les gens peuvent collectionner
et accumuler. Nous pouvons avoir des timbres de peur, de colère, de
confusion, et même des timbres de douleur. Quand nous en avons
suffisamment, nous les échangeons contre une récompense, comme un
abandon sans culpabilité.
Bien sûr, ces rackets et ces timbres sont gardés inconsciemment en soi. Nous
ne savons pas ou ne voulons pas reconnaître leur existence.
Chacun des rôles dans le triangle produit une forme différente de racket.
Dans la figure suivante, le signe négatif (–) représente les rackets
d’émotions négatives et le signe (+) représente la bonne intention.
Qui sont ces démons qui viennent nous chercher au beau milieu de notre
sommeil et nous empêchent de retourner dans les bras de Morphée ?
Pourquoi ne pouvons-nous pas arrêter ces pensées, ces vagues d’émotions ?
Pourquoi leur offrons-nous un espace tel qu’ils en arrivent à avoir un impact
sur notre vie quotidienne professionnelle ou notre vie personnelle ? La
fatigue et la colère non gérées ne sont pas de bons compagnons pour la
créativité et la performance…
Dans la dynamique du Triangle Dramatique, nos Persécuteurs, Sauveurs
et Victimes intérieurs nous conduisent à l’insomnie. Le drame n’est pas
joué avec une autre personne, mais en nous-même.
La raison de ce drame intérieur est simple : Il y a quelqu’un à qui je n’ai
pas dit ce que j’avais à lui dire. Pour cette raison, c’est à moi que je le
répète chaque soir.
Dans mon modèle, les timbres émotionnels que nous accumulons au
cours de la journée nourrissent ces pensées parasites. Ces timbres sont
collés dans des carnets la nuit : je me parle et réveille ma propre rancune.
Ils ne sont consultés que la nuit et ne servent à rien d’autre que de rester
éveillé et laisser sourdre l’angoisse.
En bref, puisque je me suis parlé la nuit dernière au lieu de dormir, je
décide plus ou moins consciemment que j’ai fait ce qui devait être fait…
parce que j’y ai assez pensé. Et donc, je ne révèle pas à la personne
concernée ce que j’ai eu à lui dire.
Le danger, bien sûr, est qu’un jour ce message devienne si vieux ou
périmé qu’il ne me reste plus qu’à le garder à l’intérieur indéfiniment si je
n’y fais pas attention assez tôt. Pire encore, la personne à qui ce message est
adressé peut disparaître, partir, mourir, et je n’aurai jamais l’occasion de lui
dire ce que j’avais sur le cœur…
J’appelle ces moments de soliloque les « Rackets Nocturnes ».
Pourquoi sont-ils des rackets ? Parce qu’ils viennent la nuit pour
récupérer ce qui leur est dû. Quelqu’un doit payer pour votre ressentiment
et tant, que vous n’avez pas l’avez pas fait, on vous rappelle votre dette. Le
prix que vous payez est votre sommeil.
Dans le triangle, ils constitueront un Persécuteur, un Sauveur et une
Victime intérieurs. Comme des voix dans nuit, ils viennent à tour de rôle
rabâcher inlassablement une situation non ou mal gérée. C’est leur mission
inexorable… Et épuisante !
Nos rôles dramatiques intérieurs ne sont pas là seulement pendant les Rackets
Nocturnes mais lors de toutes les situations de racket :
en tant que Victime : en s’inquiétant
en tant que Persécuteur : en menaçant
en tant que Sauveur : en espérant
Les jeux auxquelles nous jouons dans le présent proviennent de notre passé,
et plus particulièrement de notre enfance. Dans ce que nous appelons le
Scénario de vie en Analyse Transactionnelle, des décisions que nous avons
prise très tôt dans l’enfance sont le point de départ de certaines séquences
de notre vie d’aujourd’hui.
Prenons l’exemple de Paul. Enfant, Paul a observé, pour des raisons qui
appartiennent à sa propre histoire, qu’il n’était pas si facile d’obtenir ce
qu’il voulait, et il s’est senti impuissant quand cela s’est produit (Victime).
Jusque-là, tout est normal.
Sauf que peut-être Paul a transformé cette observation en une croyance
en décidant : « Dans la vie, je ne serai pas en mesure d’obtenir tout ce que
je veux simplement. Et puisque ça va être compliqué, je vais devoir forcer
d’autres personnes à me donner ce que je veux. Je vais mendier parce que
c’est le meilleur moyen que je connaisse ».
Il avait presque cinq ans et sa mère lui avait promis pendant près de trois
mois de l’emmener à la foire pour son anniversaire. Maman et papa
semblaient détester qu’il demande des choses directement. Ils lui
répétaient toujours : « Tu verras… Nous verrons… C’est une surprise…
Ne te gâche pas la surprise à force de demander. »
C’était étrange. Il pouvait presque sentir qu’ils n’étaient pas contents
quand il leur demandait quelque chose. Alors, il a cessé de demander
d’aller à la foire. Maman en avait parlé, elle avait fait un clin d’œil, elle
avait promis, elle avait chuchoté dans son oreille la nuit avant qu’il
n’aille dormir. Il était confiant. Il s’était dit : ne demande pas, ne
demande pas, ne demande pas.
Le jour est venu, il a eu un ballon et une voiture rouge de pompiers. Ce
n’était pas juste. Pas juste !
Il a pleuré. Maman a froncé les sourcils. Papa s’est fâché : Qu’est-ce
qu’il lui arrive encore ? Il s’est mis à pleurer plus encore. Entre deux
sanglots, il est parvenu à prononcer le mot « foire ». Maman s’est alors
mise en colère parce qu’il aurait fallu qu’il comprenne combien il était
difficile pour eux de faire certaines choses. Papa était rouge de colère. Il
l’a envoyé au lit, ce petit ingrat ! Et il est parti se coucher en l’entendant
hurler.
Il est maintenant au lit. Il a cinq ans. Il sait ce qu’il faut penser. Il sait
quoi faire. Désormais, il sait qu’il ne voudra plus jamais rien. Il sait que
ce qu’il veut vraiment sera difficile à obtenir. Très dur.
Il se donne cette injonction : N’espère rien et ne t’attend pas à l’obtenir,
c’est sa décision qui sera bientôt gravée dans son cerveau alors qu’il va
dormir. Il n’aura pas besoin de s’en souvenir consciemment. Ce sera
ancré en lui…
LA FORMULE J DU SCÉNARIO
Cette attitude va s’ancrer profondément en lui et sera utilisée avec les autres
au cours de sa vie comme une règle de jeu inconsciente avec des résultats
similaires, et des déceptions sans succès. C’est la compulsion de répétition
classique décrite par Freud à inconsciemment rejouer de vieilles scènes
dans l’espoir qu’un jour elles finiront bien, mais encore et encore, sans
jamais les résoudre.
Cette tentative d’enfant pour satisfaire de vieux besoins est sabotée par
son comportement Driver visant à vouloir faire plaisir aux autres pour
obtenir peut-être après ce que lui désire. Au lieu de ça, les gens le rejettent
en le trouvant « gnangnan », et il obtient la récompense négative de son
Scénario, prouvant qu’il ne peut pas combler ses besoins et ses envies.
J’illustre cette séquence avec ma nouvelle formule de Scénario J ci-dessous.
LA FORMULE J DU SCÉNARIO
Dans tous les cas Paul perd ce qu’il souhaite et donc gagne le jeu secret.
Un nouveau bénéfice apparaîtra quand il finira par changer de rôle dans le
triangle pour Persécuter son Sauveur négligent ou lorsque les Sauveurs se
lasseront de ses supplications et se mettront à le persécuter.
Son utilisation du Driver « Fais plaisir aux autres d’abord » est mieux
illustrée en retournant le triangle avec le Sauveur en haut pour une version
du Triangle Dramatique issue du Triangle du Miniscénario de Taibi Kahler
(Kahler 1974).
Les cinq Drivers de Miniscénarios qui mènent les Rackets vers les Injonctions
sont : Sois parfait, Sois fort, Fais plus d’effort, Dépêche-toi et Fais plaisir.
LES 3 P DU SCÉNARIO
Après avoir créé la formule J du scénario, j’ai aussi eu besoin de définir une
formule illustrant la façon dont un scénario est rejoué tout au long d’une vie
et comment les gens recrutent les joueurs pour leurs scénarios dramatiques.
Cette formule couvre les étapes de début, de milieu et de fin du scénario.
Quelques exemples :
Nos amis. Intuitivement, on va choisir un joueur de jeu compatible parmi
nos amis. Si nos scénarios ne se complètent pas parfaitement, on les
provoque jusqu’à ce qu’ils finissent par entrer dans le rôle vacant du
triangle correspondant. Et si cela ne fonctionne pas, on les perçoit comme
tels en les projetant en imagination dans les rôles nécessaires.
Notre mariage. Le conjoint choisi pourrait être acteur d’un scénario en
sommeil qui refait surface un jour, enclenché comme Switch dans un jeu.
Freud avait nommé ce concept, de façon très appropriée, « le retour du
refoulé ».
Notre lieu de travail. Quelqu’un peut aussi projeter l’image de sa famille
dysfonctionnelle sur chaque groupe ou lieu de travail qu’il rejoint. S’en
suivrait alors une interprétation des intentions de ses collègues et de son
patron. Après quoi, des jeux familiaux sont provoqués, recréant une
dynamique similaire à celle de sa vraie famille. Au final, il finirait par
devenir malheureux et démissionner, ou se faire virer de son travail,
condamné à passer d’un emploi à l’autre les uns après les autres. Le
demandeur d’emploi pourrait choisir un environnement qui correspond, ou
l’employeur pourrait distribuer les rôles à ses collègues autour de lui pour
répondre au modèle scénarique de la famille.
Certaines personnes portent leur première maison sur leur dos et
l’emmènent avec eux partout. Il y a également en psychothérapie le
syndrome de la « clôture élastique » où les liens familiaux continueront de
ramener les enfants à la maison mentalement ou physiquement. L’objectif
peut être dans ce cas-là de sortir dans le monde pour prouver que votre
famille avait tort – ou pour prouver que votre famille avait raison.
Notre but est bien sûr de résoudre les problèmes et nous n’avons parlé
que de scénarios négatifs jusqu’à maintenant. Il y existe aussi des Scénario
positifs à grand succès qui surpassent les messages négatifs. Ils suivent les
mêmes formules et travaillent dans les coulisses.
En tant que jeune adulte, Paul est attiré par les filles égoïstes qui jouent
les difficiles. En un mot, il court après des femmes qu’il ne peut pas avoir
parce qu’il sait qu’il est inutile de vouloir quoi que ce soit (son injonction
« Ne souhaite pas »). Il sélectionne inconsciemment une femme qui
l’aidera à prouver sa théorie. (P1 = Procurez-vous un joueur adapté à
votre scénario.)
Il s’assure d’être extrêmement gentil, à leur écoute, respectueux de qui
elles sont et de ce qu’elles ressentent (S + ou –) et se soucie de tous leurs
besoins. (Driver Fais plaisir.)
Elles le remarquent. Elles aiment son style. Il semble être le genre de gars
qui fera tout ce qu’elles veulent. À la suite de quoi, une fois qu’ils sont
assez impliqués dans leur histoire, il révèle ses propres besoins
insatiables S’il vous plaît, ce qui bien sûr, n’est pas quelque chose qui les
intéressait. Il les met alors face à leurs comportements qui contrastent
avec toute l’aide qu’il leur a offert. (P2 = Provocation.)
En fin de compte, il a sa preuve. Ne souhaite pas d’amour, Ne souhaite
pas d’affection, tu ne l’obtiendras pas, peu importe à quel point tu
essayes ! (P3 = Projetez-vous le film du scénario en train de se dérouler)
… Son script est confirmé !
Jaime est le plus jeune des deux frères de sa famille. Son père est dans
l’armée et sa mère enseigne le piano aux filles d’autres familles de
militaires. Ils sont tous deux très stricts en matière d’éducation. Ils
veulent le meilleur pour leurs enfants. Selon eux, le monde n’offre
aucune seconde chance !
Le frère de Jaime, Tim, est né dix ans avant lui. Il était bon à l’école, au
sport.
Jaime, lui, était plutôt fragile, sensible et anxieux. Un jour, à l’âge de
4 ans, ses parents et lui eurent une discussion :
« Jaime, tu sais que nous t’aimons et que nous voulons ce qui est le
mieux pour toi. Tu es maintenant assez âgé pour comprendre des choses
importantes… »
Jaime n’a pas entendu le reste du discours. Il a compris qu’il y avait un
problème parce qu’il n’avait aucune idée de ce dont ses parents parlaient
alors qu’il était censé être assez vieux pour ça, et en a alors déduit que
quelque chose manquait en lui. Par-dessus tout ça, ses larmes ont
commencé à lui boucher les oreilles. Il ne s’était jamais senti aussi petit,
insuffisant et impuissant.
Il a compris qu’il n’était pas assez bien.
C’est à ce moment-là qu’il a atteint la première étape de la décision du
Scénario (Persuasion).
Sa situation à la maison était tellement convaincante que tout ce qu’il
pouvait faire dans la vie pour s’adapter à son environnement était
d’essayer de plaire aux gens et d’avoir l’air plus faible qu’eux.
Voilà la deuxième étape de la décision de Scénario (Position).
Il savait et sait toujours aujourd’hui que tenter de plaire aux gens ne
fonctionnera probablement pas la plupart du temps puisque c’est un
incapable. Chaque fois que cela se produira, il suivra le scénario qu’il a
écrit ce jour-là en montrant de l’impuissance et s’excusant d’être aussi
incapable. En tant que frère cadet insuffisant, il a pris la décision, choisit
un scénario « Ne grandis pas » et « Ne réussis pas ».
Ce plan aura comme avantage qu’il saura comment les choses finissent.
Une partie consiste à obéir à ses injonctions. Inconsciemment, il décide
qu’il a vraiment intérêt à ne pas essayer de penser ou de réussir ou même
à essayer de grandir, car il ne pourra jamais rattraper Tim, son modèle et
grand frère. Qu’il réussisse ne conviendrait pas aux gens qui savent à
quel point il est un incapable… Le cercle vicieux est maintenant parfait.
Jaime joue le gars impuissant (Victime) qui fait de son mieux pour
convenir à des gens qui ne le demandent pas (Sauveur) et un jour il se
retournera contre eux pour être de tels ingrats (Persécuteur).
La théorie AT sur les scénarios nous a montré les méthodes de Décision (P+)
pour établir et renforcer le scénario de façon à ce qu’il soit facilement rompu. Ce
scénario a besoin de protection (S+) pour ne pas revivre des souvenirs
d’enfance enfouis (V+). Les jeux sont joués encore et encore pour consolider les
habitudes et donc pour de conserver les souvenirs de la douleur de l’enfance
enfouis plus profondément.
Bernard n’a jamais aimé son nez. Quand il était petit, ses frères et sœurs
avait pour habitude de se moquer de lui et lui attribuer des petits noms
méchants (V). Cherchant à l’aider, son oncle Ned (S) lui a dit un jour que
certaines personnes avaient la beauté, et que d’autres avaient
l’intelligence. On ne peut pas tout avoir.
C’est comme ça que Bernard « a décidé » qu’il serait très intelligent et
que sa future femme serait probablement plus intéressée par son argent
que par lui. Il s’est mis à détester ses sourcils, ses dents et son ventre
gras. Il s’est laissé aller. Il détestait les garçons beaux et cools. Et il s’est
fait harceler à l’école (V).
Personne ne connaissait son plan : un jour, il sera celui qui les
embauchera, il pourra prendre sa revanche (P) et il pourra s’acheter une
fille (S) avec son argent puisqu’il n’avait pas la beauté pour lui (V).
Quand Marion, la paisible et jolie fille du Kansas, lui a dit qu’elle
l’aimait, il ne l’a pas crue. Il cherchait maintenant la compagnie de
femmes volages. Il sait bien qu’une fille comme Marion ne peut pas
l’aimer.
Il est devenu tellement agressif et cynique (P), qu’il a perdu son emploi
et même sa confiance en lui. Son ami Marc (S) lui a conseillé de chercher
de l’aide. À San Francisco, il a rencontré ce thérapeute qui lui a suggéré
une thérapie en trois étapes où il pourrait briser son scénario de fausse
perception de lui-même avec l’aide de la Permission, la Puissance, et la
Protection du thérapeute…
LE TRIANGLE EXISTENTIEL
Cette série télévisée a duré huit ans avec un succès inégalé. À la fin des
huit saisons, Dr House se débarrasse de son scénario et tout finit pour le
mieux, mais les scénaristes ne nous disent rien sur les origines de la douleur
qui ronge notre sympathique-antipathique docteur.
Alors, pour le plaisir, je me permets une digression imaginaire, réécrire
une histoire possible du son Triangle Existentiel issu de son enfance.
John Davies
Parfois, c’est le passé qui revient à la surface par erreur dans la vie
quotidienne. Ce genre d’événement peut être révélateur pour qui essaie de
comprendre ce qui se passe dans sa vie.
Figure 4. 8 – Le Triangle de Transfert : le Triangle Élastique lie les jeux du passé à ceux
du présent
Figure 4. 8 – Le Triangle de Transfert : le Triangle Élastique lie les jeux
du passé à ceux du présent
Dans ce triangle de connexion, les flèches vont dans les deux directions.
Une mauvaise perception se produit inconsciemment sans que nous le
sachions :
• de l’intérieur vers l’extérieur, d’anciens souvenirs inconscients
influencent les perceptions d’aujourd’hui dans le Triangle de
Transfert ;
• de l’extérieur vers l’intérieur, les Switchs de notre vie quotidienne nous
amènent à revivre inconsciemment de vieux souvenirs dans le Triangle
Élastique.
Pour être plus pédagogique, je propose deux autres triangles qui utilisent les
espaces vides autour des triangles dramatiques familiaux pour permettre de
placer la théorie d’AT actuelle de scénario à des fins de formation.
Bien sûr, nous traitons ici de niveaux personnels, où nous ne sommes pas
obligés d’aller dans le cadre d’une formation professionnelle, de coaching
ou d’enseignement.
Eric Berne avait un rêve pour les psychothérapeutes : « guérir » le patient
en une seule séance en trouvant et en retirant « l’épine » du pied à l’origine
de la douleur qui avait progressivement atteint le cerveau. C’était
ambitieux, mais c’était l’objectif idéal de l’Analyse Transactionnelle –
d’une certaine manière, il était le grand-père des thérapies brèves.
C’est ce que mes collègues Bob et Mary Goulding ont développé avec les
thérapies de redécision qui, en une séance, étaient conçues pour faire
revenir le patient à cette décision prise très tôt dans l’enfance – une décision
qui aurait pu se produire à l’âge de 3, 5, 8 ans… Cette méthode offre une
expérience très profonde de ce qui se passe et donne l’opportunité de
prendre une nouvelle décision, basée cette fois sur une position positive.
Derrière toutes ces histoires, il existe ces motivations inconscientes pour
maintenir des jeux et entrer dans le triangle.
POURQUOI ENTRETENIR NOS SCÉNARIOS ?
La Victime a des besoins cachés, des scénarios familiaux non résolus et une
position existentielle de défaite.
Le Persécuteur a des timbres et des opinions négatives au sujet de ce qui le
dérange ou lui déplaît.
Le Sauveur ne parvient pas à réparer quelque chose ou quelqu’un dans sa vie
(lui-même).
UN TRIANGLE FREUDIEN
Très tôt, Sigmund Freud a eu l’intuition qu’il existait une vie inconsciente
en trois dimensions, le Surmoi, le Moi et le Ça. L’Analyse Transactionnelle
s’est concentrée sur la partie la plus visible de la vie mentale : le Moi ou
l’Ego. Pourquoi jouons-nous ? Pourquoi invitons-nous nos interlocuteurs
dans la danse dramatique du Triangle ? Pouvons-nous trouver une
résonance entre mon Triangle Dramatique et le travail de Freud ?
Je vois le Ça comme la partie la plus vulnérable de l’être humain et
comme une force inconsciente menaçante qui doit être réprimée (V). Les
puissants désirs et les impulsions d’un être humain sont ses forces motrices.
Le Moi (Ego) servira littéralement de Sauveur à l’être humain, pour
réaliser les désirs du Ça (S) tout en étant surveillé et contrôlé par le Surmoi,
qui jouera alors le rôle (P) de Persécuteur.
Cette source d’énergie du Ça a besoin des États du Moi ou des triangles
de jeux pour s’exprimer au maximum. Le Ça fournit l’énergie primitive qui
anime les jeux du Triangle Dramatique. Un cauchemar avec des animaux
sauvages peut être interprété comme un moyen de représentation de la
pression des forces primitives du Ça.
La figure 4.10 suggère une évasion du Triangle Freudien intérieur par la
conscience de l’Ego. En termes transactionnels, cela signifie utiliser l’un
des cinq États du Moi ou plusieurs d’entre eux pour résoudre le problème
(voir chapitre 6). (Karpman 1971).
Dans la théorie de la psychanalyse du Moi inconscient, les pulsions du
Ça sont la motivation la plus forte du comportement humain. Cependant, le
Surmoi se met en travers de son chemin, et seuls les mécanismes de défense
de l’Ego lui permettent une certaine délivrance.
La théorie sociale en Analyse Transactionnelle est en fait l’inverse. La
pulsion la plus forte chez les êtres humains est, selon nous, le besoin
d’affection et de reconnaissance par d’autrui, et non le Ça. Et ce sont les
scénarios de l’enfance et les jeux de Triangle Dramatiques d’aujourd’hui
qui bloquent le chemin vers une vie sociale satisfaisante.
EN BREF
Le rasoir d’Occam
Pour chacun des niveaux, mon triangle nous permet d’observer les trois
rôles positifs et négatifs joués en même temps dans n’importe quelle
situation donnée. J’ai trouvé intéressant de donner un nom aux transactions
et aux échanges qui se produisent entre P, S et V aux différents niveaux. Au
niveau social, j’ai appelé les transactions entre P, S et V un « Dialogue ».
Au niveau psychologique où les choses se jouent en nous, je les ai
appelées un « Monologue ». J’ai inventé ensuite le mot « Familogue » pour
les transactions au niveau familial. Puis, au niveau biologique où j’analyse
les relations cellulaires pour l’Analyse Transactionnelle entre cellules je
parle du « Biologue ».
Et enfin, au niveau darwinien où les enjeux sont la survie de l’espèce, la
communication entre les membres survivants d’une espèce est appelée
« archéologue ». L’énergie est représentée comme des transactions aux
niveaux sociodynamique, psychodynamique, biodynamique et
archéodynamique.
En thérapie, faut-il passer par tous les niveaux un par un pour atteindre le
noyau central – l’âme comme le qualifierait certains – ou existe-t-il un
processus direct (flèche vers le haut) qui permettrait de prendre un raccourci
à partir du noyau pour atteindre la « guérison » ? Une façon d’aller
directement du cœur à la guérison ? Ces questions sont encore à l’étude.
Le Triangle Darwinien pourrait peut-être être appelé « La théorie du
Tout » pour la dynamique humaine, comme les recherches sur « La théorie
du Tout » dans le monde de la physique, et peut-être que la réponse à
l’adrénaline n’est pas seulement « Se battre ou fuir » mais aussi avec une
troisième option qui pourrait être « Protéger ». Ce sont des idées
intéressantes sur lesquelles se pencher dans le futur.
Ce sont les derniers niveaux que je vais maintenant décrire brièvement.
Au niveau biologique, je fais une distinction entre le niveau biologique
cellulaire et le niveau biologique génétique (ADN).
Les gènes qui accomplissent les jeux de l’évolution sont aussi dans des
triangles :
• (S) Les gènes qui permettent à l’espèce d’évoluer vers de meilleurs
capacités ;
• (V) Les gènes qui se cachent et restent les mêmes ;
• (P) Les gènes qui sabotent et rendent difficile la survie de l’espèce.
C’est un niveau très complexe qui demande une explication simplifiée.
Les gènes sont parfois appelés dominants ou récessifs.
Un gène dominant, comme son nom l’indique, impose ses instructions
génétiques. Sa fonction est celle du Persécuteur (P). Un seul gène de ce type
suffit pour que ses attributs s’appliquent.
Un gène récessif, par contre, reste présent dans le bagage génétique d’une
personne mais ne s’active pas (Victime).
Ce gène récessif a besoin d’un autre gène comme lui pour s’activer et
dominer la situation. Ce second gène identique joue le rôle du Sauveur (S) ;
c’est une autre façon d’utiliser le triangle. Le gène Sauveur (S) peut mener
l’espèce à un niveau plus élevé d’adaptabilité et d’évolution, le gène
d’ADN Persécuteur peut saboter l’évolution future, le gène Victime a un
effet infime.
Nous pourrions spéculer que s’il existe un système à trois voies d’énergie
pulsionnelle dans la dynamique humaine, il pourrait aussi exister dans le
monde de la physique un système similaire d’énergie à trois voies.
Cependant, la plupart des théories physiques actuelles reposent sur la
dualité (« à chaque action, une réaction égale et opposée »), ou un système
d’énergie bivalente, et non pas sur un système d’énergie trivalente comme
pour la dynamique dramatique humaine. Mes excuses donc auprès des
règles de simplicité d’Occam, d’Einstein et d’autres, car voilà à quoi
pourrait ressembler le triangle de manière expérimentale dans des études
futures.
Le lecteur peut sauter cette partie si la physique n’est pas son truc J.
Parce que le Persécuteur, le Sauveur et la Victime sont de vraies
personnes avec un poids et une masse, je nomme les coins Particules (ou
masse) et je recherche la dynamique entre eux.
L’attraction entre les coins pourrait être le magnétisme et la force. En
physique, il y a des forces fortes (flèches en gras) et des forces faibles
(flèches minces) (+ et –). La force répulsive pourrait être l’antimatière
insaisissable qui les éloigne. L’entropie qui les attire tous vers le centre de
gravité est la gravité – un trou noir… Ou pas. Tout ceci pourrait être un
début.
LE TRIANGLE DU PSYCHOTHÉRAPEUTE
À LA PERSPICACITÉ EXCEPTIONNELLE
William Shakespeare
PARTIE II
Quand je tiens à une personne, je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour éviter
les jeux.
Je sécurise la relation et je fais ce qu’il faut pour qu’elle reste saine (je reste
positif et constructif). Cette première décision est une décision difficile à
prendre et à tenir. Restez à l’écart du rôle de la Victime. Pour cela, nous
allons ici se référer aux coins positifs du Triangle Compassionnel P+, S+ et
V+.
Revenons un peu plus tôt sur Bob, le patron qui avait attaqué sa
secrétaire Helen. Bob a pris le temps de donner à sa secrétaire quelques
éléments d’appréciation positive (S+). (Vous faites un bon travail). Il
pourrait maintenant faire preuve d’empathie pour les difficultés qu’elle
éprouve dans son travail (La charge de travail était vraiment lourde cette
semaine et je comprends que c’est parfois difficile pour vous) (V+), et
assumer la responsabilité du fait qu’il peut parfois se montrer dur et sévère
(P+) (Je sais que j’ai été assez dur hier. Je suis également sous pression. Je
suis désolé pour mon langage grossier) (P+).
Il pourrait également reconnaître qu’il lui a donné plus de travail qu’elle
ne pouvait gérer, ou que ce dernier ne correspondait pas à son domaine,
mais qu’il sait qu’elle donne le meilleur d’elle-même. Pour lui, la difficulté
est de savoir comment articuler BIU, TIU et WIU.
De son côté à elle, ça ne devrait pas être un problème d’assumer son
retard et ses erreurs (Vous avez raison, j’ai pris du retard cette semaine)
(V+), puis de donner des signaux de reconnaissance (Je me rends compte
que vous m’aviez déjà dit que les choses pouvaient devenir ingérables) (S+)
et donner de l’empathie (Je comprends l’importance de votre demande de
résultats pour vous et nos actionnaires).
Tout ceci correspond au processus de compassion. Il se développe par le
biais de la pratique et de l’attention. Si, par contre, les joueurs n’adoptent
pas ce protocole compassionnel, il existe un risque important que la
situation s’aggrave.
Helen peut rester dans le rôle de la Victime martyrisée (V–) par son
patron, lui dire qu’il est méchant et abusif car il lui parle très mal (P–). Et
nous savons que, dans ce cas-là, l’évolution vers les deuxième et troisième
degrés et le Bénéfice Négatif est facile à deviner.
Bob va reprendre le jeu avec « Vous êtes stupide, et vous interprétez ça
n’importe comment, vous êtes licenciée ! » (P–). Ou il peut faire un rapport
aux ressources humaines. Il peut récupérer son rapport et le jeter à la
poubelle, et ce, jusqu’à l’épuisement exaspéré de l’un et à la dépression de
l’autre.
J’ai développé une formule très expressive pour encourager mes patients et
mes clients à utiliser la dynamique de compassion :
• Je préfère être en colère que triste signifie que, pour sortir de la
position du Persécuteur, il est souvent suffisant d’exprimer ma colère
simplement et tout de suite plutôt que de rester triste à bouder et
chouiner pendant longtemps. En exprimant notre colère, nous
éviterons de rester dans une position qui finira inévitablement par nous
placer dans le rôle du Persécuteur.
• Je préfère être utile qu’utilisé signifie que je vais essayer d’être
rationnel plutôt que de chercher à être apprécié tout le temps par tout le
monde. Au lieu de sauver des gens tout le temps, j’analyse ma position
dans les jeux et y échappe en refusant d’être le martyr, qui est la mise
en scène que j’aime le plus jusqu’à maintenant.
• Je préfère demander plutôt que supplier. Certains ont du mal à dire
non, ou Je veux ou Je ne veux pas… Curieusement, ils ont le sentiment
que s’affirmer leur fait courir le risque de blesser les autres. En fin de
compte, ils sont frustrés, se sentent incompris et vivent avec cette
colère refoulée qui finira par exploser un jour au mauvais moment et
parfois sur la mauvaise personne !
Figure 6. 2 – Les trois options d’évasion du Triangle Dramatique interne
L’ICEBERG DE L’INFORMATION
On n’insiste jamais assez sur les bénéfices de la compassion dans notre vie
quotidienne. Nous pouvons tous l’utiliser comme une solution instantanée à
un conflit ou une subite mauvaise humeur.
Comme nous venons de le voir, une mauvaise écoute est souvent l’origine
de malentendus et de conflits. Cela peut parfois déclencher un jeu et un
nouveau Triangle Dramatique. Dans les ateliers que je mène, je propose
régulièrement de travailler sur ce sujet en utilisant des échelles d’écoute qui
offrent aux participants la possibilité de mesurer leur qualité d’écoute sur
une échelle de 0 à 100 %. C’est un bon moyen d’identifier nos lacunes en
matière d’écoute et les types d’erreurs que nous commettons.
Par exemple, les participants qui acceptent de faire évaluer leurs
compétences d’écoute vont apprendre à quel point ils comprennent ce qui
est dit ou à quel point ils ont montré de la résistance.
Nous ressentons tous intuitivement la qualité de l’écoute de l’autre.
S’entraîner à donner des feed-back à ce sujet peut permettre à quelqu’un de
gagner en assurance et à plus se fier à son intuition ainsi qu’en sa capacité à
déchiffrer ce qui se passe en temps réel. Avec de l’entraînement, l’intuition
devient une seconde nature et permet d’éviter les erreurs de communication.
Et, si cela se produit, le fait d’avoir fait les exercices en ateliers de
formation est d’une aide considérable.
Nous savons déjà il est important de se rappeler qu’une partie importante
de l’information donnée par quelqu’un est immergée sous l’iceberg. Il est
alors plus facile d’accepter que nous n’avons peut-être pas saisi là où
l’interlocuteur voulait en venir, qu’il y a peut-être des informations
importantes à creuser.
Exemple
À tout cela, nous pouvons ajouter trois échelles de plus de 0 à 100 % pour
évaluer la capacité d’un orateur à présenter un sujet de manière à ce que les
gens aient envie d’en parler :
• le niveau d’attentes générées par sa présentation,
• le niveau de satisfaction de son auditoire,
• le niveau de qualité de sa présentation.
On peut utiliser les échelles linéaires semblables à celles de la figure 6.10
ci-dessus. Par exemple, le jeune manager qui donne une présentation pour
la première fois lors d’une réunion d’affaires peut avoir des attentes initiales
telles que connaître un grand succès à 90 %, mais peut ne pas l’obtenir,
cette satisfaction s’élevant par exemple à seulement 40 %. Plus tard, il
pourra réaliser que ses compétences pour la présentation étaient en fait de
30 %.
Dans les situations sociales, nous pouvons ajouter deux autres échelles elles
aussi évaluées sur une base de 0 à 100 % :
• l’échelle de difficulté évaluant la complexité et l’inconfort qu’apportent
le sujet discuté et son contenu ;
• l’échelle contextuelle évaluant à quel point le contexte et
l’environnement choisis sont propices à la conversation en cours.
Par exemple, le jeune manager pourrait vouloir faire un feed-back à son
patron sous forme de critique frontale lors d’une réunion qui était
uniquement dédiée à la discussion des finances, au moment où tout le
monde s’apprête à quitter la salle alors que la réunion a été plus longue que
prévu. Dans cet exemple, la difficulté du sujet est proche de 100 % et la
difficulté de la situation est proche de 100 %. En évoquant ce sujet à ce
moment, les chances de réussite sont inexistantes.
L’expérience nous a montré qu’entrer dans un jeu est plus facile qu’une
bonne communication. Les exemples et les anecdotes que nous avons vus
vous ont peut-être rappelé des situations que vous avez vécues. Avez-vous
remarqué combien il est facile de se sentir menacé, confus et impuissant
face aux jeux et aux joueurs du triangle ?
Il existe donc cinq options pour continuer à vous exprimer tout en restant
en dehors du triangle.
Mon article sur les Options (Karpman 1971) m’a permis de remporter
mon deuxième prix scientifique Eric Berne1. Le premier était pour le
Triangle Dramatique.
Les cinq options sont cinq points de vue à notre disposition pour analyser
n’importe quelle situation dans la vie. Ils proviennent de chacun des cinq
principaux États du Moi, les cinq aspects de personnalité observés en
Analyse Transactionnelle :
• le Parent Critique PC,
• le Parent Nourricier PN,
• l’Adulte A,
• l’Enfant Libre EL,
• l’Enfant Adapté EA.
Que dirait mon Parent Critique positif au sujet d’une situation de conflit ?
Est-ce que mon Parent Nourricier a une proposition pour élégamment le
régler ? Que dit mon Adulte ? Qu’en est-il de mon Enfant Adapté ? Et si je
rendais visite à mon Enfant Libre, qu’est-ce qu’il aurait envie de faire ?
Devrais-je essayer de changer l’autre personne ? Non. Pour ça j’aurais
besoin d’un contrat de changement et d’une demande de sa part. Bref j’ai
bien 5 options issues chacune d’un des États du Moi.
Apprenons à faire cet exercice aussi souvent que possible. Dans des
situations simples d’abord, puis de plus en plus complexes.
Le Parent Critique Positif est observé quand une personne endosse une
position de leader. « C’est ce que je suis. C’est ce en quoi je crois. C’est ce
que je veux et comment je veux le faire. Je suis votre guide. Je vais vous
emmener dans des endroits où personne ne vous a encore emmené. Suivez-
moi, je suis votre leader. »
Pouvez-vous vous lever et constater que votre leadership est accepté ?
C’est la personne qui a un plan qui nous dit où aller et comment. Si elle
montre de très grandes compétences de leadership, nous lui définissons un
Parent Critique ++.
Si vous êtes un bon Parent Critique, vous serez convaincant et un leader.
Si je dois m’améliorer en tant que Parent Critique, je dirais : « Quelles sont
les instructions ? Quelles sont les règles ? Ensuite, je donnerai mon avis et
montrerai mes compétences. »
En mode Parent Critique Négatif, il y a attaque de l’autre avec des
jugements et des menaces. « Tu n’as aucune valeur, tu es un idiot, c’est
comme ça et pas autrement ! » Si le patron active le mode parent critique
négatif, cela donne : « Vous n’êtes même pas capable de me suivre. Je ne
sais pas ce que vous fichez, mais je vous préviens, vous allez avoir affaire à
mon avocat ! »
Il peut y avoir une position neutre appelée « Parent Critique Nul ». C’est
quelqu’un qui ne montre aucun leadership, qui ne prend aucune
responsabilité. Il est indispensable de développer l’État du Moi PC+ pour
développer de l’assurance, du leadership et gagner du respect.
Une personne utilisant son État du Moi Parent Critique Positif sait canaliser son
énergie agressive vers un projet et du leadership.
Le Parent Nourricier dans la position de l’attention à l’autre,
du soutien, de la solidarité et de l’aide
J’ai travaillé avec des chefs d’entreprises pendant 20 ans et j’ai vu toutes
sortes de choses.
Un jour, j’ai rencontré une équipe qui avait l’habitude de mettre des
bandes dessinées sur le tableau d’affichage à l’entrée pour rire. Le patron
est un jour entré dans la salle et les a déchirés. Il n’a pas saisi que c’était
bon pour le moral des troupes. Pour lui, s’amuser et se faire plaisir
signifiait ne pas travailler efficacement. L’équipe l’a mal pris.
L’atmosphère est devenue différente, puis le moral de l’équipe s’est
effondré.
Ce patron avait « zéro » comme Parent Nourricier.
Une personne utilisant son État du Moi Parent Nourricier Positif est prête à offrir
son aide lorsqu’elle est demandée plutôt que de sauver toutes les supposées
Victimes.
L’Adulte Positif est trouvé chez les personnes qui offrent de l’information
de façon compréhensible et qui s’efforcent d’analyser les situations
auxquelles elles font face en les filtrant par une réflexion basée sur un
raisonnement factuel. « Quelle est votre analyse sur ce sujet ? J’en ai
compté 8, il est possible que j’en ai raté un. Le dictionnaire donne la
définition suivante. ».
Il est également utilisé pour fournir les éléments nécessaires à ce que le
travail soit fait, ou pour le faire soi-même. L’adulte est un État du Moi, il ne
se réfère pas un adulte au sens propre du terme. Les gens de tout âge ont un
État du Moi Adulte.
Dans la littérature, il est parfois affirmé qu’il n’y a pas d’État du Moi
Adulte Négatif. Ce n’est pas vrai.
Je peux être en mode Adulte Négatif lorsque je donne trop peu
d’informations et que je laisse aux gens le soin de chercher par eux-mêmes,
en défendant l’idée qu’il leur appartient de chercher l’information.
Un Adulte « zéro » ne recueille aucune information à communiquer et ne
pose aucune question pour en savoir plus.
Il y a aussi « l’Adulte Exclusif », factuel et robotique, déconnecté des
émotions de ses autres États du Moi. Cela se manifeste par son incapacité à
voir une réalité que tout le monde voit ou en ne considérant pas les
émotions comme des éléments pertinents d’analyse.
Un Adulte sain posera des questions afin d’obtenir toutes les
informations requises au sein de l’Iceberg de l’information et transmettra
toute les informations dont les autres ont besoin pour une compréhension
complète des problèmes.
Lorsque nos collègues n’ont pas les informations nécessaires dans leur
entreprise, ils éprouvent des difficultés à évoluer et à s’améliorer. Ils
doivent développer leur Adulte eux-mêmes.
J’ai pris l’exemple du lieu de travail. Cela fonctionne également pour
toute personne qui souhaite mieux se connaître.
Une personne utilisant son État du Moi Adulte veut passer sa vie à apprendre
plutôt que d’avoir toutes les réponses et arrêter de grandir.
L’Enfant Libre Positif est observé quand une personne exprime ses
émotions et ses désirs à mesure qu’elle les ressent, sans pour autant
déranger les autres. « Wow j’adore ça ! Beurk, je déteste ça ! Allez,
organisons une fête, j’adore ça ! J’ai une histoire vraiment drôle à te
raconter ! »
Quand les gens ont un Enfant Libre fort, on peut généralement le
remarquer très vite car leurs visages sont expressifs et marqués par ces
émotions joyeuses. Ils expriment ce qu’ils ressentent quand ils le ressentent,
ce qui libère des tensions plutôt que de les accumuler. Moins de timbres,
plus de rire et de bon sommeil !
L’Enfant Libre Négatif s’observe chez une personne qui ne cherche du
plaisir que pour lui-même et rejette toute forme de stress. Il est déconnecté
des informations Adulte nécessaires au sujet de son environnement ce qui
lui fait courir un risque. À être trop dans le plaisir, la personne en devient
désagréable. « Je fais ce que je veux et tant pis pour toi, je m’en fiche ! »
L’Enfant Libre « zéro » s’observe chez des créatures incapables
d’émotion et qui définissent l’humour comme M. Spock dans Star Trek
« L’humour… une forme rhétorique paradoxale produisant une réaction
incontrôlable du cerveau émotionnel appelé rire chez certaines
personnes ».
C’est l’exemple classique d’un homme qui n’a absolument aucun Enfant
Libre. Mais dans le cas de Spock, ne soyez pas trop dur avec lui car il n’est
pas humain, mais Vulcain ! Mais je vous le demande : aimeriez-vous passer
vos journées à Universal Studios à regarder des films de science-fiction ou
une comédie avec un Mr. Spock ?
Une personne utilisant son État du Moi Enfant Libre Positif est moins centrée sur
elle-même, est plus heureuse et de cette façon se fait plus d’amis.
Une personne utilisant l’État du Moi Enfant Adapté Positif apprend à jouer selon
les règles, et développe la patience ainsi qu’un sens du compromis au lieu de se
plaindre ou de résister inutilement.
Dans cette deuxième partie, nous avons beaucoup parlé de la façon dont les
États du Moi peuvent être des outils opérationnels pour résoudre les
conflits. Une question raisonnable serait de se demander s’il existe un
moyen d’éviter les conflits lorsque deux personnes vivent une relation
durable ?
J’ai imaginé une alternative à l’approche des options, un contrat que les
couples, les membres d’une famille, des collègues et même des amis
pourraient adopter tacitement ou explicitement. Je l’appelle les Cinq
Contrats de Confiance pour le Couple (Karpman 1979).
Chaque contrat dans le diagramme (figure 6.14) relie l’un des cinq États
du Moi Positifs pour qu’il soit partagé entre deux personnes. Nous pouvons
rendre nos relations plus constructives en établissant des contrats de
confiance, qui sont des contrats relationnels avec cinq clauses garantissant
la qualité et la durabilité de la relation.
Figure 6. 14 – Les cinq contrats de Confiance pour le Couple
Les partenaires sont d’accord pour conserver un cadre de travail sain et des
normes personnelles qui excluent les effondrements tels que démissionner,
menacer de partir, casser les accords ou les règles établies, ou avoir des
revirements brutaux d’intégrité, de discipline, de faire courir des bruits qui
pollueraient le moral des autres. En somme, la clause de Non-Effondrement
énumère les règles intangibles acceptées qui doivent être suivies dans le
couple ou la relation. Dans le milieu professionnel il peut être appelé Le
Contrat de Stabilité.
Quand ce type de contrat n’existe pas, les gens peuvent dire : « Je suis
libre de faire ce que je veux et de prendre n’importe quelle décision. Je n’ai
pas à m’expliquer. »
SE SENTIR ÉCOUTÉ :
L’OUVERTURE AUTHENTIQUE EN BREF
RÈGLE 1 – ÉVOQUE-LE !
Il n’est pas facile d’aborder les sujets intimes ou douloureux. Les souvenirs
d’enfance, la timidité, les craintes que ces sujets ne mènent à rien, ou la
peur des représailles sont de bonnes raisons d’éviter de les aborder. Parfois,
nous préférons éviter d’en parler parce que nous savons très bien quelles
ont été nos erreurs et où est notre part de responsabilité. Et puis, certaines
personnes sont convaincues qu’elles peuvent très bien réussir à régler le
problème toutes seules, alors elles prennent leur temps pour y réfléchir tout
en espérant que quelqu’un d’autre lira dans leurs pensées et abordera le
sujet à leur place. Là encore, les trois rôles sont joués en même temps : la
Victime attend que le Sauveur soulève le problème pour lui, le Sauveur
pense qu’il évite un moment difficile pour l’autre et, enfin, le Persécuteur
prive l’autre d’une discussion saine et utile. Les trois rôles sont toujours
présents simultanément dans le Triangle Compassionnel.
Et puis, c’est vrai, certaines personnes parviennent à aborder les sujets
délicats mieux que d’autres. Peut-être parce qu’elles se donnent la
permission de soulever des problèmes que personne d’autre n’oserait
aborder. Peut-être qu’elles ont des compétences spéciales.
D’autres en revanche répondent aux trois règles de l’emmerdement
maximal : N’en parle pas et rumine, Explose au pire moment, Ramasse les
morceaux qui restent !
De toute façon, lorsque des sujets sensibles sont évoqués, il faut
s’attendre à des divergences d’interprétations, de la peur et de la colère
entre les protagonistes. Et il est vrai que la gestion de ce genre d’échange
nécessite des compétences de communication spécifiques.
Dans le milieu professionnel, ne pas parler d’un sujet sensible à temps
peut coûter cher à l’entreprise. Combien de fois une situation a dégénéré
parce que les membres de l’équipe n’ont pas osé parler à leur responsable
de quelque chose qui n’allait pas ? Peut-être que leurs peurs sont justifiées
parce qu’ils ont en mémoire une expérience négative lorsqu’un membre de
l’équipe a abordé un problème et a été puni. Dans certaines entreprises,
vous entendez des choses décourageantes comme : « Celui qui soulève le
problème devient le problème ! » ou « Le clou qui sort du mur sera
martelé ». Avec ce genre de règles menaçantes, n’importe qui réfléchirait à
deux fois avant d’évoquer un problème, non ? À la maison, il se peut que
vous n’ayez pas envie d’évoquer le sujet de peur que de devoir faire face à
des opinions divergentes aussi.
Il existe également une réponse populaire chez les managers, qui est :
« Ne me venez pas me voir avec vos problèmes ; venez avec des
solutions ! ». Certains patrons trouvent très chic d’asséner cette phrase dans
leur bureau à quiconque viendrait avec l’intention d’aborder un problème à
régler. Si nous considérons cette phrase en termes compassionnels, nous
voyons clairement un côté intimidant (Persécuteur) ; mais nous pouvons
comprendre aussi que ce manager estime qu’il est régulièrement harcelé par
des questions sans réponse (Victime) et essaie de se protéger lui-même et
son équipe d’une avalanche de problèmes sans solution (Sauveur).
J’ai souvent observé cette situation au sein des familles. Les secrets sont
bien gardés et ne sont pas révélés par peur des conséquences qui pourraient
être encore pires que le secret en lui-même. C’est cette sœur aînée qui
m’avoue qu’elle hésite toujours à se plaindre de ses frères à sa mère : « Si
j’en parle, maman les frappera ! » Idéalement, nous devrions pouvoir
discuter des sujets douloureux, et y compris des erreurs commises par l’un
ou par l’autre, de sorte que quiconque puisse arranger la situation en en
discutant. Parfois, quelqu’un va mettre les pieds dans le plat et évoquer le
sujet de la « pire manière possible » ce qui empêche alors immédiatement
toute discussion. J’ai identifié une séquence de six manières différentes
d’aborder les problèmes et les sujets délicats, en utilisant les lettres
majuscules « ABCDEF » pour rendre plus facile leur mémorisation. Ces six
lettres sont en référence aux six façons d’éviter d’aborder vraiment un sujet
délicat et sont organisées de la façon la plus inacceptable à la plus timide,
c’est-à-dire jusqu’au point où un sujet devient facilement évitable.
A pour Accusation
B pour Brusque
C pour Considération
Prendre en considération la sensibilité de l’autre personne et montrer son
empathie est certainement la façon la plus efficace pour aborder un sujet
délicat. Dans la série ABCDEF, la considération est le point d’équilibre
parfait. Avant ce point, c’est la dureté qui prédomine ; après ce point, nous
entrons dans une douceur et une prudence parfois excessives.
D pour Déférent
Bien sûr, faire preuve de politesse et de respect est important pour aborder
n’importe quel sujet, mais il nous faut éviter de pousser jusqu’à
l’exagération et couler dans un océan de protocole. Le D se manifesterait
par exemple de cette façon : « Je suis désolée de vous déranger ; si ça ne
vous demande pas trop de temps, auriez-vous un moment à m’accorder
pour que nous puissions peut-être discuter ! »
C’est une entrée en Sauveur au mieux. Elle pourrait être perçue comme
un excès de tentative de sauvetage et être par conséquent traitée comme
condescendante.
E pour Évasive
F pour Faillir
Le sujet ici est tout juste évoqué par le biais d’une allusion si timide que
l’autre personne ne peut pas la comprendre – ce qui est bien sûr une bonne
façon pour ne pas évoquer les problèmes !
C’est une entrée en Persécuteur, en Sauveur ou en Victime en fonction de
la raison pour laquelle cette méthode est utilisée :
• Ai-je vraiment envie de vous parler et en valez-vous la peine (P–) ?
• Devrais-je vous protéger d’une vérité que vous ne pouviez pas gérer
(S–) ?
• Est-ce que je me sens impuissant à ce sujet (V–) ?
Dans mes ateliers professionnels, ou lorsque je travaille avec des couples,
je leur propose de pratiquer ces six méthodes pour d’aborder un sujet
délicat afin que les partenaires réalisent les degrés d’efficacité respectifs de
cet abécédaire ABCDEF.
Ils se donnent chacun leurs feed-back et en discutent. Puis, je leur
demande de pratiquer le C et de prendre en compte à la fois le sujet, la
sensibilité du partenaire vis-à-vis de ce sujet et le moment choisi. Les
partenaires peuvent nommer quelque chose « sujet A » qui correspondrait
au sujet le plus facile à discuter et un autre sujet « sujet Z » qui serai le plus
difficile à discuter.
Prenons un exemple pour illustrer cette idée avec deux partenaires.
Imaginez que l’un des deux commence avec la méthode Accusation pour
aborder un sujet sensible pendant que l’autre commence par la méthode
Faillir, prêt à échouer avec des allusions subtiles. Si les deux partenaires se
sont entraînés pendant des ateliers ou en thérapie, ils seront conscients de
l’inefficacité de leur stratégie et peuvent alors décider ensemble d’aborder
la question en adoptant une considération mutuelle et un passage à (C).
Cet exercice nous permet également de réaliser ce que cela signifie pour
chacun d’entre nous de trouver l’énergie pour traiter des sujets difficiles. Se
dire les choses les uns aux autres, en discuter en profondeur, tout appelle à
une proximité avec l’autre personne qui doit être acceptée. Ce que nous
appelons l’intimité sans jeu dans l’Analyse Transactionnelle est cette
capacité à partager nos expériences intérieures mutuellement, qui diffèrent
pour chaque individu et où ils en sont dans leur vie.
C’est pourquoi je voudrais présenter un outil pour mesurer le degré
d’intimité avec lequel deux personnes traitent de sujets. Je l’appelle
« l’Échelle d’Intimité » (Karpman 2010).
L’échelle est divisée en cinq niveaux de discussion, des sujets les moins
intimes aux sujets les plus intimes, avec une graduation de 20 %. Bien sûr,
il n’y a aucune obligation d’atteindre l’intimité. Parfois, les gens sont très
heureux de se retrouver à n’importe lequel de ces niveaux, et de parler d’un
sujet qu’ils ont choisi.
Voyons ce que signifient ces lettres.
C’est là que commencent les discussions les plus intéressantes. Les gens
partagent alors leurs points de vue et leurs idées au sujet des événements, de
ce qu’il se passe dans une vie, des gens, des idées, de la psychologie, de
leurs vrais centres d’intérêt, de philosophie et de politique. C’est là qu’une
discussion sans grand intérêt du Niveau CEL peut devenir complètement
différente si nous ajoutons une dimension personnelle au sujet. L’un des
protagonistes pourrait inviter l’autre hors de sa défensive et lui demander de
dire ce qu’il pense de la situation ou de se confier plus intimement.
Certaines personnes ont besoin, pour construire des relations durables, que
l’on accorde une importance réelle aux centres d’intérêts respectifs, aux
hobbies car cela prépare au palier suivant de l’échelle, à savoir tous les
sujets qui se rapportent à la vie de chacun et à la famille. Si cela se produit
alors il y aura une vraie motivation pour se revoir et aller explorer ce niveau
d’intimité.
C’est au niveau Nous que les gens peuvent parler de leur relation en tant
que telle. C’est-à-dire, que nous pouvons décrire ce que nous aimons ou
admirons dans l’autre personne. Les personnes qui vivent dans une relation
à ce degré d’intimité sont pleinement conscientes de ce qu’elles ont en
commun et rien ne les retient pour construire des projets personnels ou
professionnels. Elles savent qu’elles ont déjà des souvenirs ensemble et sont
impatientes de s’en créer de nouveaux. De manière romantique, je pense
naturellement à des couples unis pour la vie ou comme meilleurs amis pour
la vie.
Ce sont les fondements de relations harmonieuses qui tolèrent les
différences et sont confortables indépendamment de la situation.
Les personnes chanceuses qui vivent ce genre de relation peuvent
expérimenter positivement tous les niveaux d’intimité, par exemple en
partageant des moments de calme et de silence l’un à côté de l’autre ou être
juste bien ensemble dans tous les niveaux de l’Échelle d’Intimité.
Au niveau Nous, les membres d’un couple ont le sentiment qu’ils peuvent
partager leurs émotions les plus profondes, évoquer des questionnements
sur leur relation et faire des plans pour changer, pour simplement s’écouter
plus, pour en apprendre plus, pour s’accepter eux-mêmes et l’autre
exactement comme ils sont.
Dans mes ateliers ou dans un cadre professionnel, je propose deux
exercices, mis en place d’une ou deux façons. Soit un couple peut s’asseoir
face à face et discuter, soit deux participants peuvent parler de leurs
relations extérieures ou de leur famille. Ils peuvent également inventer des
exemples de relations. Évidemment, il est convenu que les discussions sont
confidentielles. Une tierce personne peut siéger en tant qu’observateur actif.
Exemple
Nous venons de voir que, lorsque deux personnes se parlent, nous pouvons
évaluer le niveau d’intimité en écoutant les sujets abordés grâce à l’Échelle
d’Intimité.
Avec la Roue de la Personnalité (Karpman 2010), nous pouvons évaluer
le niveau d’intimité grâce au nombre d’États du Moi partagés. L’Échelle
d’Intimité illustre le contenu, ce que nous entendons des sujets abordés ; la
Roue de la personnalité illustre le processus, ce que nous voyons se passer
entre eux.
Nous avons vu plus haut que les États du Moi en Analyse
Transactionnelle sont représentés par des diagrammes avec trois cercles
empilés les uns sur les autres et connectés par des flèches transactionnelles
quand on observe deux personnes. Ici, il n’y a qu’un cercle pour chaque
personne avec les côtés positifs des cinq États du Moi. Les roues doivent
être tournées de manière à se connecter de toutes les manières possibles. Ici
encore, l’objectif est de faire preuve d’une implication comportementale
maximale lorsque des sujets importants sont discutés.
Les pointillés représentent les conversations.
Les deux roues sont placées à proximité l’une de l’autre ;
métaphoriquement, chacun est assez proche pour faire tourner les deux
roues.
Il est très important que chaque personne se sente acceptée et bienvenue.
Plus une personne ressent ça, plus elle s’autorisera à montrer les différentes
facettes de sa personnalité. Il est très encourageant, dans une conversation,
de vérifier en temps réel que l’autre personne accepte notre style de
communication.
Si je montre beaucoup d’Enfant Libre Positif et que l’autre personne
semble accepter cela en se synchronisant avec moi, alors je me sentirai de
plus en plus à l’aise de lui montrer mon Parent critique Positif OK, puis
peut-être les autres aussi : Mon Adulte, mon Parent Nourricier Positif et
mon Enfant Adapté Positif.
Plus le nombre d’états du Moi partagés est élevé au cours d’un échange,
plus nous pouvons en déduire qu’il y a un engagement et donc un intérêt à
poursuivre la relation. Le degré d’intimité peut être mesuré. L’information
recueillie pourrait être utilisée pour établir des contrats en thérapie au sujet
des États du Moi que le client doit travailler pour améliorer ses
compétences relationnelles.
Le « score » final dans la figure 7.7 est seulement de 4 sur 10 possibilités
– les deux personnes n’ont pas « connecté » et n’ont pas prévu de se revoir.
Un minimum de 6 au total est nécessaire.
Il a cru qu’il était censé montrer sa « virilité » et il n’a donc révélé aucun
Enfant Adapté OK « faiblesse » dont elle aurait pu vouloir prendre soin –
elle a estimé qu’il n’avait pas besoin d’une femme (EA X). Et il n’a pas
recherché ses besoins à elle dont il aurait pu se soucier (PN X).
Elle était réticente à partager avec lui plus que son Enfant Libre (EL)
bien qu’il ait parlé de choses importantes pour lui, ses responsabilités, son
milieu professionnel et ses biens matériels.
Lui Elle
Figure 7. 7 – Un exercice de Roue de la Personnalité
Vue de loin, la roue peut sembler avoir de faux airs de jouet, mais la
recherche comportementale en AT va souvent plus loin qu’elle n’en a l’air.
Par exemple, ici, il existe douze principes que l’on pourrait décliner en
autant de compétences sociales.
1. Derrière chacun des cinq États du Moi, il existe cinq facettes de la
personnalité, distinctes et complètes.
2. Ces facettes de la personnalité sont accessibles à tous.
3. Les personnes motivées peuvent apprendre à libérer chacune de leurs
facettes.
4. Les personnes motivées peuvent apprendre à encourager les autres à
faire de même si elles le souhaitent.
5. Les gens gagnent en confiance et bien-être lorsque leurs cinq facettes
de personnalité sont expérimentées et accueillies.
6. Nous avons la responsabilité de libérer nos propres États du Moi pour
les offrir à notre partenaire.
7. Nous avons la responsabilité d’inviter notre partenaire à libérer ses
États du Moi.
8. La Roue est utile à la fois pour commencer une nouvelle relation et
pour redonner un nouveau souffle à une relation qui s’essouffle.
9. Le nombre total d’États du Moi engagés permet de mesurer la qualité
et l’intimité d’une relation.
5. L’alchimie entre deux personnes peut être scientifiquement mesurée et
enseignée dans une salle de formation.
6. Une formule d’intimité peut aider à augmenter le nombre d’États du
Moi impliqués.
5. Le diagramme de la Roue de la Personnalité est nécessaire pour
enseigner le concept et est utile dans la pratique pour comprendre les
États du Moi.
Si vous êtes le coach d’une équipe ou un formateur et que vous voulez
essayer cette Roue de la Personnalité sur vos clients, vous devez vous
assurer que les exercices que vous proposez sont drôles et assez attrayants
pour toucher l’Enfant Libre de votre public, que l’information concerne leur
Adulte, qu’elle est importante PC +, permet de prendre soin NP+, et facilite
la coopération EA +. Assurez-vous également que vous montrez les cinq
États du Moi lorsque vous animez ce genre d’exercice.
Comme en thérapie, l’Enfant Libre du patient est l’un de vos meilleurs
alliés.
RÈGLE 2 – PARLONS-EN !
Une fois que la règle 1 « Évoquons-le » est mise en place et que le sujet est
enfin sur la table, il est probable – c’est l’objectif, en tout cas – que le débat
finisse par graviter vers une solution gagnant-gagnant tant que nous
resterons dans une dynamique positive et que chacun des protagonistes
reste de bonne foi.
« Parlons-en ! » est la deuxième règle de l’ouverture à utiliser.
Imaginons que vous voulez évoquer un problème, mais que la personne
ne veut absolument pas en parler. Prenons un exemple de vie
professionnelle, un employé entre dans le bureau de son patron pour son
entretien d’évaluation annuel et est déterminé à demander une
augmentation.
John a rassemblé ses meilleurs arguments et a promis à sa femme qu’il
obtiendrait ce qu’il veut aujourd’hui. Le couple vient d’acheter une maison,
et cette augmentation serait la bienvenue pour maintenir le niveau de vie de
sa famille.
Ce que John ne sait pas, c’est que son patron, Greg, n’a aucun désir de
parler de ça maintenant. Il sait que le sujet sera abordé, comme c’est
souvent le cas dans ce type d’entretien.
Peut-être que ce n’est pas la priorité d’aujourd’hui et qu’il n’a pas eu le
temps de préparer cet aspect de l’entretien. Ou peut-être Greg pense que
John ne mérite pas une augmentation et n’a pas le courage de lui dire
(Victime), alors il préfère éviter la discussion, échappant ainsi
temporairement à une conversation douloureuse. John verra probablement
son refus d’en parler comme un comportement de Persécuteur et se sentira à
son tour comme une Victime incapable de sauver sa famille d’un déclin de
leur mode de vie. Enfin, peut-être que ce patron se dit que, s’il octroie une
augmentation à cet employé, cela entraînera une réaction en chaîne dans le
reste de l’équipe. En voulant sauver John, il serait alors Victime d’avoir à
sauver tous les autres ou courrait le risque d’être Persécuté. Comme
toujours, les trois rôles sont joués en même temps – et trois occasions pour
en parler s’ouvrent en même temps.
Les raisons pour lesquelles Greg ne veut pas avoir cette conversation ne
sont pas le problème ici. Ce que nous voulons comprendre, c’est le
mécanisme qu’il utilisera pour bloquer la discussion.
Il y a aussi de nombreuses situations dans une vie amoureuse où l’un des
partenaires veut parler à la personne qu’il aime d’un problème qui doit être
réglé. Alors, le problème est mis sur la table, bien sûr, et la discussion
commence, mais sur de mauvaises bases.
– Mon chéri, nous ne sortons plus ensemble. Nous ne sommes pas allés
au cinéma depuis si longtemps, toi et moi !
– Ouais, je sais.
– On peut en parler ?
– Si tu veux…
– Qu’est-ce que tu veux-tu dire par Si je veux ? Tu n’as pas envie d’en
parler ?
– Si bien sûr, mais je n’ai pas grand-chose à te dire.
– Mon chéri, je pense qu’il est important que nous en parlions ensemble.
– Écoute, ça suffit maintenant ! Tu sais très bien que j’ai du travail à
faire ! Il n’y a rien d’autre à en dire…
– Je sais que tu as beaucoup de travail. Je veux juste aller au cinéma
avec toi. Tu en as envie ?
–…
– Mais réponds-moi ! Dis quelque chose !
Figure 7. 8 – CASE :
Quatre barrages à l’intimité
Condescendant
Abrupt
Secret
Évasif
« Peut-être bien que oui, mais peut-être bien que non aussi. Les deux sont
possibles… »
Le quatrième blocage est l’attitude qui consiste à rester évasif soit pour
noyer le poisson et embrouiller l’esprit de l’intrus, soit pour détourner son
attention et l’occuper à autre chose. Une première technique est de ne
donner que des informations partielles et de ne jamais faire de réponse
directe. Du coup, l’autre ne saisit pas la logique et se met à patiner en
boucle pour trouver les réponses qu’il attend.
L’utilisateur du blocage évasif change rapidement de sujet et amène la
conversation sur un domaine éloigné, souvent sur quelque chose de plus
intéressant sur le moment. Vous n’avez jamais une réponse directe à vos
questions. Il n’est pas rare de nous retrouver embarqué dans notre problème
sans avoir pu parler de ce que nous voulions, voire même, d’avoir oublié de
quoi nous voulions parler !
La rumeur est un bon exemple de blocage évasif : « Il paraît que le
comité n’a pas beaucoup apprécié ta présentation d’hier ! »
À partir de cette remarque, nous allons probablement essayer d’en savoir
plus. Nous voilà en train de questionner celui qui semble détenir des
informations importantes. Dans ces situations, il est fréquent d’entendre,
celui qui fait courir le bruit, répondre : « Je n’en sais pas plus ! Tu sais ce
que c’est, pas vrai ? »
Dans notre exemple sur la sortie au cinéma, évasif est présent dans
l’échange suivant :
– « Comment ça, si moi je veux, toi tu ne veux pas ? »
– « Si si, mais je n’ai pas grand-chose à dire » (E)
Que faire ?
Nous pouvons décider de ne pas prendre ce que nous a dit partiellement
notre interlocuteur et le lui dire directement.
Nous pourrions également prendre le temps d’expliquer pourquoi nous
refusons de ne prendre qu’une partie de l’information.
Si beaucoup de sujets sont mélangés, nous pouvons suggérer de se
concentrer sur un seul point à la fois.
Lorsque les quatre blocages CASE que nous venons de déchiffrer sont
utilisés simultanément, ils empêchent toute discussion sur le moindre
problème à propos de la relation aussi bien dans des relations personnelles
que professionnelles.
Les partenaires sont alors incapables de passer à la fin du processus
d’ouverture. Ces sabotages finissent par laisser les gens perplexes, frustrés
et parfois bloqués.
Il arrive parfois qu’une personne veuille inconsciemment empêcher
l’intimité et utilise une de ces attitudes, ce qui peut laisser plusieurs portes
ouvertes à la discussion. Dans les cas extrêmes, même si trois des quatre
barrages CASE sont utilisés, l’absence du quatrième laisse encore une
marge d’espoir pour trouver un chemin vers une véritable conversation.
Cependant, il n’est pas impossible non plus que les quatre attitudes de
barrages soient utilisées dans le même échange, si l’un des protagonistes
veut vraiment éviter de parler de ce qui le dérange.
Prenons un exemple :
Exalté (Eager)
Répétitif (Relentless)
« Je sais que je te l’ai déjà dit, mais au risque de me répéter, c’est vraiment
très important… »
Ce qui caractérise ce comportement, en plus de la répétition des phrases,
est le fait que la personne semble avoir le besoin d’insister pour mieux se
faire entendre. Comme s’il était une sorte de circuit fermé qui s’alimentait
de sa propre excitation en répétant les mêmes mots plusieurs fois. Dans
l’exemple précédent, le fan du film vous aurait déjà donné le nom de
l’acteur principal trois fois en cinq minutes, ainsi que les autres films dans
lesquels l’acteur a joué, et le nom d’un cinéma ouvert à proximité !
Vous êtes alors témoin d’une scène étrange dans laquelle la personne
excitée ne semble pas réaliser à quel point elle est pénible. Et dans ce genre
de situation, cela peut provoquer l’apparition du bouclier Abrupt : « Ouais,
OK, tu l’as déjà dit ! J’ai compris, alors calme toi un peu ! »
Agaçant (Annoying)
« Mais si, mais si, c’est super ! Tu vas voir. Allez, dit oui, s’te plaît, dis oui.
D’accord, d’accord ?… »
Agaçant est en fait le résultat des deux comportements précédents. C’est
par l’excitation et la répétition – en étant Exaltée et en Répétitive, que la
personne devient Agaçante. La repousser la surprendra ou la mettra en
colère parce que, dans son esprit, tout ce qu’elle cherche à faire est
simplement de vous parler de quelque chose d’intéressant. Elle peut même
se sentir Victime de votre agressivité ou de votre indifférence (si vous allez
en mode Secret ou Évasif), alors que ce qu’elle vous dit mérite votre
attention. Par exemple, pour terminer notre exemple du fan de film, votre
ami trop excité pourrait conclure, d’un ton déçu, avec un dernier coup :
« Non, mais vraiment, je t’assure, c’est un film superbe ! »
Dans mon article Des jeux sexuels et des hommes (Karpman 2009), je
décris toutes les boucles du perdant qui empêchent l’intimité érotique.
Lorsque la boucle intrusive ERA est très fréquente et visible chez
quelqu’un, cette personne finit par être perçue uniquement à travers cet
ensemble de comportements. Elle devient alors très agaçante pour ceux qui
l’entourent, qui auront tendance à la fuir dès qu’ils l’apercevront et qu’ils le
pourront. Si s’échapper n’est pas possible, les attitudes CASE serviront
alors de protection improvisée, risquant d’endommager la relation.
C’est en observant des personnes aussi Exaltées, Répétitives et
Agaçantes qu’une image amusante m’est venue à l’esprit, celle de petits
gobelins intrusifs qui nous harcèleraient de toutes sortes de façon. Je
voulais donner à cette boucle spéciale un nom qui faisait partie de la boucle
ERA, et je l’ai appelée la boucle des Gobelins Enthousiastes !
Vite
Plus
Encore
Chaleureux (Caring)
Alors qu’un sujet a été posé sur la table pour être discuté, nous montrons à
notre interlocuteur que nous sommes concernés par ce qu’il ressent et par ce
qu’il veut exprimer. Cette attitude est vécue comme une marque d’intérêt et
invite à la confiance.
Accueillant (Approchable)
Solidaire (Sharing)
Nous pouvons aussi nous montrer solidaire chaque fois que nous partageons
ouvertement nos ressentis au lieu de les garder secrets. Il peut s’agir aussi
de donner à l’autre des informations dont les deux parties pourraient avoir
besoin pour résoudre le problème posé.
Engagé (Engaged)
Nous montrons que nous ne lâcherons pas l’affaire et que nous sommes
prêts à couvrir tous les sujets connectés au problème. Avec cette attitude
engagée nous évitons la tentation d’être évasif pour noyer le poisson et
écouter la conversation.
Examinons un peu ce à quoi pourrait ressembler le résultat avec
l’exemple que nous avons utilisé pour illustrer la boucle perdante CASE–.
Rappelez-vous, c’était la discussion que la femme voulait avoir avec son
mari pour qu’ils aillent au cinéma ensemble. Revenons au début.
La boucle gagnante CASE + « Sortons ensemble un de ces
quatre ! »
– Mon chéri, nous ne sortons plus ensemble. Cela fait si longtemps que
nous sommes allés au cinéma pour la dernière fois, toi et moi !
– C’est vrai, ma chérie. Je sais combien tu aimes quand nous sortons en
amoureux (Chaleureux).
– Oui, j’aime énormément ça. Et c’est bon d’être un peu l’un avec
l’autre, nos vies professionnelles nous prennent tellement de temps !
– Viens, assieds-toi et discutons calmement pendant quelques minutes
(Accueillant).
– D’accord !
– En ce moment j’ai du travail par-dessus la tête. Rien de très important,
mais je me sens fatigué, comme si toute mon énergie était vampirisée par
mon travail. Mercredi prochain, j’ai une journée avec moins de travail
que d’habitude. Que penses-tu d’un dîner en tête à tête à 20 heures
(Solidaire) ?
– Ce serait formidable ! Tu sais, j’aimerais que nous fassions ce genre de
chose plus régulièrement. Si nous attendons trop longtemps, nous
finissons par ne plus faire grand-chose ensemble.
– C’est vrai. Tu sais quoi ? Nous pourrions dîner dehors ce soir, discuter
et découvrir ce que chacun de nous veut faire. Qu’en penses-tu
(Engagé) ?
« Tu peux parler avec moi en toute sécurité, je sais gérer mes émotions. »
J’ai procédé avec la même méthode pour trouver une boucle gagnante
ERA. Nous avons vu combien l’excès d’enthousiasme conduisait à
l’insistance. Un comportement Exalté et Répétitif finit par devenir Agaçant.
Alors que la boucle perdante ERA produit des comportements égocentrés,
la boucle gagnante ERA est reconnaissable par la sécurité qu’elle suscite
chez nos interlocuteurs. Voici ce que deviennent E, R et A en version
positive :
• Exalté devient Empathique,
• Répétitif devient Relax,
• Agaçant devient Attractif.
Empathique
Relax
Attractif
Imaginons que Mark et Ben soient formés à utiliser mes deux outils
ERA+ et CASE+. Il y a de bonnes chances pour que leur discussion avance
bien mieux.
Plus les enjeux d’une conversation sont élevés, plus nous devons être
vigilants. Couvrir tous les aspects d’un problème n’est pas si simple. Cela
demande également des compétences d’écoute chez les participants. Si
l’écoute n’est pas perçue dans une conversation, cela peut devenir une
source de frustration. Pour éviter de me retrouver dans une telle situation, je
propose une nouvelle boucle de gagnant.
Tout au long de mon travail, j’ai observé que les jeux et le temps passé dans
les triangles interfèrent avec nos capacités d’écoute. Bien que nous soyons
naturellement doués pour l’écoute et l’apprentissage, nous développons une
résistance à l’écoute et au changement à mesure que nous grandissons.
Je veux vous offrir un outil pratique pour lutter contre ce déclin de la
qualité d’écoute. L’idée ici est de vous entraîner à mobiliser quatre
compétences qui améliorent grandement la qualité de votre écoute et le fait
afin que les autres se sentent écoutés et validés.
Ces quatre qualités sont exprimées par les lettres SEVF :
• S pour Signes de reconnaissance,
• E pour Encouragements,
• V pour Validations,
• F pour Facilitation.
Figure 7. 15 – SEVF :
la boucle d’écoute
Encouragements
Validations
Les validations sont tous les remerciements pour dire à l’autre personne que
nous l’avons entendue. De cette façon, nous indiquons à l’autre que nous
avons perçu ce qu’il a dit et réalisé pourquoi il l’a dit. Et, même si nous ne
sommes pas d’accord, nous gardons la règle des 10 % à l’esprit (voir
page 87) Même s’il n’y a que 10 % de juste dans ce que l’autre personne
dit, cela vaut la peine de se concentrer sur ces 10 % de vérité et de le lui
montrer. Vous rappelez-vous de l’Iceberg de l’Information ? Cela nous
donne quatre messages pour encourager et valider pour l’autre personne : le
Sujet, l’Information, l’Importance et l’Intention.
Les Validations préservent le canal de la vérité.
Lorsque les thérapeutes veulent aider leurs patients à réparer les dommages
causés par des années de jeux fastidieux qui érodent l’estime de soi, nous
pouvons utiliser la boucle du gagnant du même nom, ici EDP+ :
• Effrayé devient En sécurité,
• Dégoûté devient Désirable,
• Privé devient Partenaire.
S pour Sujets
Cela consiste à définir l’autre : « Toi qui es…, si tu dis que c’est parce que
tu es. » ou « quand tu es un manager, il est normal de penser… » Le
principe est de coller une étiquette sur l’autre et de le coincer dans le
personnage correspondant à cette étiquette.
Nous allons tous résister à l’étiquette car elle annule le potentiel de notre
identité. Nous devenons une chose, plus une personne. Les étiquettes
peuvent aussi rappeler des souvenirs douloureux de notre vie à l’école et
des rivalités entre frères et sœurs où les noms d’oiseaux et les sobriquets
blessants foisonnaient.
Toutes les étiquettes sont des stéréotypes qui doivent être contestés, elles
sont fauteuses de troubles.
Exemple 1 au bureau
Exemple 2 à domicile
Toi qui es le meilleur ami des Martin ! Maintenant, tu ne veux pas les
inviter. Qu’est ce qui t’arrive ?
Cet exemple est intéressant car il illustre une variante qui consiste à
accuser l’autre de sortir de son rôle habituel. Le réflexe serait de vouloir
vous répondre et vous expliquer, ce qui donne au fauteur de trouble la
possibilité de glisser dans un ton Condescendant avec « Non, non, je t’en
prie, tu n’as pas à te justifier ».
C’est ainsi que l’étiquetage devient un piège.
Cette pratique consistant à attribuer des étiquettes commence souvent
dans l’enfance. « Tu étais un enfant difficile. Je craignais que cela se
termine en prison. Alors que ton frère est le calme en personne » ou encore
« Oh, je te connais pas cœur, tu es tellement têtu, personne ne peut te
parler ! » Si les attributions sont incorporées dans l’ego, elles peuvent
devenir l’identité de la personne et affecter son estime de soi et ses choix de
vie.
Nos anciennes notes de classe et nos bulletins étaient pleins de ces
évaluations qui ressemblent à des étiquettes collées par nos enseignants, ces
mêmes étiquettes qui nous suivent parfois pendant des années, collées sur
nos fronts à la vue de tous.
Lire la pensée d’autrui consiste à prétendre que nous savons ce que les
autres pensent ou ce qu’ils ressentent. Et bien sûr, personne ne peut le
savoir. La lecture de l’esprit est une technique très intrusive, car elle insinue
que l’autre personne est transparente et que chacun peut lire ses pensées.
Personne n’a envie d’entendre qu’il ne maîtrise plus ses propres pensées. La
protection de l’espace privé devient un combat d’auto-défense.
Exemple 1 au travail
Papa, je suis sûr que tu vas te mettre en colère si on le fait, mais nous
devons vraiment parler du dîner de Noël !
M pour Menaces
« Faites attention, vous feriez mieux de réfléchir deux fois avant de vous
engager dans ce projet ! » ou pire, du chef d’équipe : « On parle de
problèmes budgétaires et certains membres du personnel peu coopératifs
devront probablement partir ».
Exemple 2 en couple
Je te préviens, si tu continues à me demander de passer une semaine de
plus dans les montagnes, je rentre à la maison par moi-même. J’ai le
vertige et ma décision est prise.
Ce qui est intéressant à propos de ces deux exemples, c’est que vous
pouvez analyser les menaces dans les rôles Persécuteur, Sauveur et Victime
tout comme vous le pouvez avec chacun des SALMEC. Avertir ou alerter
l’autre permet à la personne utilisant cette tactique de planter des graines de
doute ou d’inquiétude chez l’autre. Les menaces déclenchent des réactions
primitives d’adrénaline pour prendre des mesures et se protéger et sont donc
des réflexes d’auto-défense.
Parce qu’il est inutile de menacer lorsque des informations simples
suffiraient, nous pouvons dire que cette pratique est improductive.
Une menace est simple à identifier et vous donne un point de référence
fiable pour vérifier si la discussion est en danger.
E pour Enthousiaste
Exemple 2 à domicile
Gardez ces six saboteurs à l’esprit afin d’apprendre à les repérer et vous battre
positivement pour un « Parlons-en » de qualité.
S’il y avait une chose à retenir quand il s’agit de l’art de « Parlons-en », rappelez-
vous la règle DDD du sabotage de la régulation :
➣ Si vous laissez une… Discussion
➣ se transformer en… Débat,
➣ préparez-vous au… Désastre.
RÈGLE 3 – BOUCLONS !
Figure 7. 19 – ACC :
la boucle de l’excuse responsable s’ils ne vous croient pas
Pour qu’un conflit puisse revenir à une relation pacifique et heureuse, les
fautes doivent d’abord être reconnues par la ou les personnes qui les ont
commises. Admettre que quelque chose d’anormal est vraiment arrivé est
une étape indispensable. Combien de situations restent bloquées parce que
la personne ne veut pas admettre que ses paroles ont été violentes ou qu’il a
fait des attaques personnelles. La relation ne peut être reconstruite si ces
faits sont refusés.
Si chacun dans la relation peut comprendre qu’il a joué les trois rôles
dramatiques en même temps, alors cela facilitera le passage de Crois-le ! à
Change !
Une boucle ACC est réussie lorsqu’est venu le moment des promesses et
des résolutions. C’est lorsque les faits ont été admis comme ayant un impact
réel sur l’autre que les promesses gagnent en crédibilité et en fiabilité.
Comme dans tout contrat, les deux parties prennent leur part de
responsabilité dans les changements à venir…
Les 7 P de la crédibilité
Voici un dernier outil, très complet et pratique pour aller plus loin dans le
processus de réparation. La boucle ACC était pour les problèmes de
premier degré et la boucle AIR pour les problèmes de deuxième degré. Les
7 P suivants sont pour des problèmes de troisième degré insolubles où une
personne ayant été trop loin prend le risque d’être licenciée, de divorcer ou
pire.
Comme j’aime beaucoup les acronymes et les systèmes
mnémotechniques, j’ai choisi sept mots ici qui commencent par la lettre P,
pour décrire une séquence applicable aux jeux psychologiques plus lourds,
de deuxième ou de troisième degré.
Les 7 P de la crédibilité sont donc une séquence de sept étapes qui
couvrent l’ensemble du processus de démonstration de la prise de
responsabilité d’une personne qui a perdu la confiance de tous.
Problème – Je reconnais l’existence du problème et j’en suis
responsable.
Promesse – Je verbalise ce que je promets de changer.
Plan – Voici mon plan détaillé pour changer (…)
Pénalités – Je formule ce qui se produira si je ne change pas.
Progrès – Je prévois avec vous des étapes de contrôle à intervalles
réguliers.
Preuve – Voici comment nous aurons la preuve concrète que j’ai changé.
Primes – Je formule les bénéfices et le cadeau final que je recevrai après
avoir tenu ma promesse.
J’ai souvent dû traiter des problèmes d’alcoolisme grave dans ma carrière
de psychiatre. Voici comment les 7 P peuvent être appliqués à un cas
comme celui-ci :
1. Sachez, quand vous êtes dans un jeu, qui jouent les Persécuteurs, les
Sauveurs et les Victimes dans le Triangle Dramatique. Identifiez ce
que vous voyez sur les sweat-shirts, quels sont les Switchs et si les
enjeux auxquels vous faites face sont du premier, de deuxième ou de
troisième degré.
2. Recherchez les trois motivations cachées pour ceux qui vous invitent
dans un jeu Persécuteur, Sauveur ou Victime.
3. Connaissez les règles et les escalades de la famille dysfonctionnelle.
4. Admettez votre participation à 10 % au moins dans les trois rôles du
jeu et ceux de l’autre. Apprenez à en parler.
5. Utilisez les trois options OK pour réparer le jeu ou pour sortir du jeu.
6. Passez des contrats clairs, remerciez, et faites preuve d’empathie à
partir des trois coins du Triangle Compassionnel.
7. Utilisez les outils de communication, de confiance, d’écoute et
d’intimité, décrits dans la deuxième partie.
8. Pour une meilleure communication, utilisez les règles d’ouverture :
Évoquons-le, Parlons-en, et Bouclons !
9. Pour les relations intimes stables, utilisez les 5 contrats de confiance.
8. Utilisez toutes les boucles gagnantes pour une vie saine et sans jeux.
Cet exercice de lecture d’un épisode de vie tout entier à travers tous les outils à
notre disposition dans ce livre est si enrichissant que j’insisterai :
Cet exercice est la raison d’être de ce livre et de mon travail…
CET OUVRAGE PRÉSENTE L’ŒUVRE DE MA VIE en quelques pages, et c’est une tâche
impossible à boucler.
Après une quarantaine d’années d’observations, j’ai tellement de notes,
de diagrammes et d’outils, allant du plus simple au plus complexe ! À la
maison, parmi mes toiles et mes livres, il y a des tas – oserais-je dire des
centaines ? – de cahiers plein d’idées que j’aimerais beaucoup vous offrir.
Heureusement, mon vieil ami, Éric Berne, m’a donné un rasoir affuté, celui
d’Occam – vous vous rappelez ? – pour faire un bon résumé.
Comme conclusion, je me demandais comment je pourrais partager une
vision claire et simple des meilleures façons de vivre sa vie en dehors des
jeux. J’ai trouvé une formule que j’aime et que je voudrais vous offrir. C’est
aussi simple que l’alphabet :
La formule du bonheur
A B C D (E + F + G) = H + I
Dans ce livre, nous avons observé comment les gens font ce qu’ils font.
Nous nous sommes demandés pourquoi ils le font, et nous avons agi dessus.
Il est intéressant, une fois que nous avons exploré la théorie du Triangle
Dramatique et l’évolution vers la compassion, de mentionner nos règles
fondamentales de la création théorique.
Le Dr Berne a mené des séances de séminaires appelées TA 202. J’ai
assisté à ces séances tous les mardis. Elles étaient strictement axées sur la
théorie avancée et réservée à des professionnels se réunissant chaque
semaine à son domicile à San Francisco. Le but était de faire du
brainstorming sur les nouveautés à apporter à l’Analyse Transactionnelle ;
Nous n’étions pas là pour formation. Nous n’étions pas là pour apprendre
l’AT, nous étions là pour développer et intégrer la théorie. Il avait besoin de
nous et il nous a formés.
Berne a fixé de nouvelles règles révolutionnaires pour la création
théorique en utilisant l’observation seconde par seconde, en intégrant
l’intuition pour trouver les dénominateurs communs dans le comportement
humain. Il a toujours favorisé le langage profane simple et ramené les idées
à leur plus simple expression avec la technique du rasoir d’Occam.
Après nos réunions d’adultes, venaient les moments de l’Enfant Libre et
nous avons tous participé à des « sorties de route » et des séquences de
trampoline. Ceci n’est pas une métaphore.
La première règle de base était d’éviter la conversation. Nous n’avions
pas le droit de discuter, ça s’appelle le passe-temps en AT. Il nous disait des
choses comme : « Hé, les gars, nous risquons d’avoir une soirée
intéressante. Et si nous travaillions plutôt ». Son niveau d’exigence
scientifique et technique était d’un niveau que je n’avais jamais rencontré
jusque-là.
Aucun mot psychanalytique n’était autorisé. Aucun alcool ou nourriture
n’était autorisés non plus pendant les réunions. Une fois, j’ai été expulsé
pendant une semaine pour avoir utilisé le mot « dépendance » parce que je
ne pouvais pas en faire un diagramme. Un jour un homme dans le groupe a
proposé comme concept « l’amour est partout ». Berne lui a demandé
d’aller au tableau pour en faire un diagramme, il a dessiné un cœur, il s’est
fait virer. Nous étions là pour travailler. Et vous savez quoi ? Nous l’avons
fait.
L’AT était d’abord une science solide fondée sur des preuves, et une
nouvelle théorie en second lieu – et la thérapie suivrait. C’était une toute
nouvelle science du comportement concret, le contraire du système freudien
dominant de l’exploration du fantasme. Berne ne nous permettait que de
parler de la réalité visible – à savoir, ce que nous pouvions mesurer ou
prouver avec une photo ou un magnétophone. Vous ne pouvez pas
photographier ou enregistrer votre enfance, mais les souvenirs étaient
acceptables lors de l’exploration de scénarios. Si nous évoquions des
décisions prises dans l’enfance, ce n’était pertinent scientifiquement que si
nous en observions l’impact sur nos décisions ici et maintenant.
Il recherchait aussi l’originalité par principe. Il était médecin et nous
devions être capables de réduire nos idées comme la science médicale le
fait, à savoir des diagrammes, des formules, des graphiques, des étapes et
des listes. Il a utilisé des cercles, j’ai utilisé des triangles et puis aussi
quelques boucles…
L’Enfant est l’État du Moi le plus important et tous les autres sont mis en
place pour le protéger.
« L’école bernienne d’AT n’est pas là pour enseigner l’AT, mais la
méthode utilisée pour inventer l’AT. »
Les séminaires chez Berne ont été mis en place pour créer de nouvelles
théories novatrices. Nous aussi devions respecter des règles pour faire en
sorte que le temps utilisé en vaille le coup. Le niveau d’exigence était élevé.
Je crois que c’est à ça que nous devons notre succès et notre créativité.
Nous n’étions pas là pour apprendre à être des thérapeutes d’AT. Nous
étions là pour être formés à la théorie de l’AT en utilisant le rasoir d’Occam
et un langage simple. Et en passant, l’histoire a prouvé que cette première
règle était juste puisque la plupart des participants éminents du séminaire
ont entrepris d’inventer leurs propres théories (Steiner : Matrice du
Scénario : Dusay : Egogrammes : Ernst : OK Corral : Karpman : le Triangle
Dramatique, etc.). Certains ont même inventé une école de thérapie avec
leur nouvelle théorie, comme les Goulding avec leur liste de redécision et
les 13 injonctions de l’enfance et les Schiff avec leurs deux listes de quatre
Passivités Réflectives. D’excellentes théories faites par eux, et d’autres
aussi. Il n’y a pas d’autre école de psychologie qui ait produit pareille
explosion créative que l’AT.
Règle 2. Tout présentateur devra commencer par écrire une question
théorique sans réponse sur le tableau noir
À la fin des réunions, était prévu le moment Enfant Libre : aller à l’usine
Spaghetti locale ou rester dans la salle pour inventer des jeux. Par exemple,
nous nous sommes assis un soir en un grand cercle, et avons donné à
chacun des compliments énormes. Ou un soir nous nous sommes amusés à
faire les devins pour deviner ce que le Dr Berne avait sur son étagère
(Muriel James a trouvé un soir, un microscope !). Un des jeux avait consisté
à deviner combien de personnes pouvaient entrer dans son garde-manger
dans la cuisine. Quand nous avons vérifié, il nous a lancé en riant « Ne
mangez pas mon petit-déjeuner de 7-Up et œufs brouillés ».
À la suite du succès de son livre sur les jeux psychologiques Des jeux et
des hommes – plus de 100 semaines sur la liste des best-sellers du New York
Times – un record à l’époque, Berne se mit à raconter des histoires sur les
célébrités qu’il avait rencontrées et comment un jour une vedette l’avait
provoqué, le défiant de lui mettre une raclée parce qu’il avait traité les gens
de la soirée de « vieux bedonnants ».
Il y a de nombreuses histoires fascinantes et coquines sur les séminaires
et la vie d’Eric Berne dans la biographie complète qu’Elizabeth et Henry
Jorgensen ont publié après sa mort en 1970 : Eric Berne : Master
Gamesman. Des copies sont disponibles sur Internet.
Pour la stabilité, j’ai établi quelques règles pour tracer le triangle créant une
certaine orthodoxie dans mon concept.
Mon triangle original est un triangle équilatéral avec la pointe en bas. En
bas, la Victime est symbolisée par le V du Triangle. Sur la gauche, le
Persécuteur est représenté par la lettre P. La place du Sauveur est à droite
avec la lettre S. J’ai configuré le triangle pour le lire PSV, pour la simplicité
et ne prendre aucune position leur importance respectives parce qu’ils sont
tous égaux à leur façon. Certaines personnes le dessinent différemment en
fonction de leurs besoins d’audience. Souvent, il est appelé « Triangle de
Karpman ».
Lorsque j’ai montré le triangle à Eric Berne, il m’a suggéré de placer la
Victime au sommet du triangle. C’était une idée très intéressante parce que
les observations montrent que c’est souvent la Victime qui tire les ficelles
pour obtenir les gains dans les jeux psychologiques.
Bien que j’aie trouvé cette pensée assez pertinente, comme c’était
souvent le cas avec Eric Berne, j’ai préféré garder mon diagramme original
avec la Victime en bas parce que je voulais un triangle avec la pointe
dirigée vers le bas. Cette figure reflète mieux l’instabilité que nous trouvons
dans les jeux psychologiques qu’un triangle pyramidal stable dirigé vers le
haut.
Je demande à tous les utilisateurs de mon Triangle de suivre la forme
équilatérale comme point d’orthodoxie. En fait, chaque côté du Triangle
doit avoir une longueur égale afin de ne pas donner l’impression qu’un
chemin est plus court qu’un autre lors du Switch entre les trois rôles du
Triangle. L’idée derrière cette règle est simple. Le Switch prendra autant de
temps et d’énergie qu’il s’agisse d’un passage du Persécuteur au Sauveur ou
de la Victime au Persécuteur, etc.
Quel que soit le type de Switch, aucun n’est plus rapide ou plus fréquent
qu’un autre. Cependant, au fil du temps, le Triangle a été dessiné de
plusieurs façons. Tapez dans Google : diagrammes du Triangle Dramatique.
Incroyable !
Index des articles
Tous mes articles peuvent être librement téléchargés sur mon site
www.KarpmanDramaTriangle.com
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Remerciements
JE TIENS À REMERCIER LES NOMBREUSES INFLUENCES qui ont été apportées à la rédaction
du livre qui sont trop nombreuses pour être listées correctement. Tout
d’abord, je tiens à remercier l’aide et le soutien de rédaction de Jérôme
Lefeuvre, de Pierre Agnèse, de Kathy Jaqua et de mon fils Eric qui a fait
tous les diagrammes et mon site. Mes influences en AT sont nombreuses au-
delà d’Eric Berne et comprennent mes amis proches Taibi Kahler, Jack
Dusay, Claude Steiner, Mary et Bob Goulding et des dizaines d’autres. Et à
mes parents Ben et Manuela et mes sœurs Betty et Kaye, je vous remercie.
Table des jeux et des triangles