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Reçu le :
29 novembre 2018
Accepté le :
Évaluation des risques sanitaires chez des
23 mars 2019 salariés travaillant en station de séchage
thermique de boues d’épuration : dosage
urinaire du cadmium
Sanitary risk assessment in employees working in thermal
drying station of purification sludge: Urinary assay of cadmium
Disponible en ligne sur S. Pachuraa,*, C. Blockb, A. Stouffleta
ScienceDirect a
ASIST57, 1, rue Marie-Anne de Bovet, 57000 Metz, France
b
www.sciencedirect.com ASTLOR’N, 1, rue Marie-Anne de Bovet, 57000 Metz, France

Summary
A growing population, the improvement of wastewater treatment
processes and an increasingly stringent regulation in terms of
treatment of these waters, lead to an increase in the production
of sewage sludge. It is imperative to treat this waste, and various
techniques are emerging in order to reduce volumes and/or enhance
it. However, these sludges can contain pollutants for which there are
maximum levels that should not be exceeded during development in
agricultural sectors, this to preserve the environment and not
impacting the food chain. As a result, the studies focus on the
health impact on farmers who practice spreading and on consumers.
What about the operators in the wastewater treatment plant
(‘‘WWTP’’) who are in charge of treating these sludges? To date,
no information in the literature addresses this issue. This study
therefore proposes to evaluate the health risk of this sludge in a
WWTP that uses a treatment by thermal drying. This process
potentially emits dust, which contain more or less significant
concentrations of trace metal elements, in particular cadmium
which has been chosen as a tracer of this pollution. Cadmium
urinary dosages were performed on 7 employees in charge of the
dryer. They demonstrated that cadmium levels in the urine were
equivalent to or even lower than levels in general population. The
specific determinants of the company, such as operating procedures,
collective or individual protection equipment, that contribute to the
Résumé
Une population grandissante, l’amélioration des procédés d’épura-
tion des eaux usées et une réglementation de plus en plus draco-
nienne en termes de traitement de ces eaux, entraı̂nent une
augmentation de la production de boues de station d’épuration
(STEP). Il est impératif de traiter ce déchet, et diverses techniques
voient le jour afin d’en réduire les volumes et/ou de le valoriser. Or
ces boues peuvent contenir des polluants pour lesquels il existe des
teneurs maximales à ne pas dépasser lors de la valorisation en filières
agricoles, ceci pour préserver l’environnement et ne pas impacter la
chaı̂ne trophique. Aussi les études s’intéressent à l’impact sanitaire
chez les agriculteurs qui pratiquent l’épandage ainsi que chez les
consommateurs. Quid des opérateurs dans les STEP qui sont en
charge de traiter ces boues ? À ce jour, aucune information dans la
littérature ne traite de cette question. Cette étude se propose donc
d’évaluer le risque sanitaire de ces boues dans un établissement
d’assainissement des eaux usées qui utilise un traitement par un
séchage thermique. Ce procédé est potentiellement émetteur de
poussières, qui contiennent des concentrations plus ou moins impor-
tantes en éléments traces métalliques, en particulier le cadmium qui
a été choisi comme traceur de cette pollution. Des dosages urinaires
du cadmium ont été réalisés chez 7 salariés en charge du sécheur. Ils
ont démontré que les concentrations en cadmium étaient équiva-
lentes voire inférieures à celles de la population générale. Les

* Auteur correspondant.
ASIST57, 1, rue Marconi (entrée D), 57070 Metz, France.
e-mail : s.pachura@asist57.org (S. Pachura).

https://doi.org/10.1016/j.admp.2019.03.009 Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2019;80:358-366

1775-8785X/ß 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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preservation of these employees’ health have been identified, and
their effectiveness thus confirmed.
ß 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Keywords: Sewage sludge, Thermal drying, Health risk, Cadmium,
Urinary dosage
Introduction
L’augmentation continue de la population française, ainsi
que l’application de la directive européenne du 20 mai 1991 [1]
sur le traitement des eaux usées qui impose aux villes de plus
de 2000 habitants le raccordement à une station d’épuration
(STEP), engendrent une production de plus en plus impor-
tante de déchets et d’eaux usées qu’il est nécessaire de
traiter. Les quantités annuelles de boues d’épuration ne
cessent d’augmenter [2], et leur traitement devient un enjeu
primordial. C’est pourquoi aujourd’hui, afin de réduire les
volumes de boues, mais aussi de les valoriser, les établisse-
ments d’assainissement mettent en œuvre et développent
différentes techniques de traitement. L’une de ces techni-
ques permet, après épaississement et déshydratation de la
boue, de sécher thermiquement la quasi-totalité de cette
dernière, puis d’en réaliser des pellets, utilisables en inciné-
ration ou en épandage. Cette méthode est encore peu usitée
en France car elle représente un coût important pour l’éta-
blissement d’assainissement (coût du sécheur qui varie en
fonction du procédé, équipements annexes, énergie qui peut
représenter jusqu’à la moitié du coût total du séchage,
maintenance. . .).
Ainsi, en plus des émissions d’aérosols de boues dans certai-
nes zones de la STEP, la technique de séchage thermique va
être une source supplémentaire de pollution via des poussiè-
res possiblement inhalables dans la zone de séchage.
La bibliographie est largement documentée sur le risque
infectieux dû à la présence d’agents pathogènes dans les
boues d’épuration [3–5]. Le risque toxique a également été
identifié comme risque principal en STEP. Toutefois il se réfère
exclusivement aux expositions potentielles aux produits chi-
miques utilisés (eau de javel, floculant, acide sulfurique,
chaux. . .), ou encore aux gaz toxiques générés (sulfure
d’hydrogène, ammoniac, dioxyde et oxyde de carbone. . .). Il
n’existe actuellement aucune information quant au risque
issu des polluants présents dans les eaux usées ou dans les
boues, tels que les éléments traces métalliques (ETM) comme
le cadmium, et auxquels les salariés de STEP peuvent être
soumis [6]. Ces polluants sont issus des rejets des résidus
domestiques, industriels ou agricoles qui s’accumulent
dans le réseau d’eau usée. Un nombre croissant d’études
Évaluation des risques sanitaires chez des salariés
déterminants spécifiques de l’entreprise comme les modes opératoi-
res, les équipements de protection collective ou individuelle, et qui
concourent à la préservation de la santé de ces salariés ont été
identifiés et leur efficacité ainsi confirmée.
ß 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Boues d’épuration, Séchage thermique, Risque sanitaire,
Cadmium, Dosage urinaire
s’intéressent à la question de l’impact sanitaire de ces boues
sur l’environnement [5,7], plus rarement de leur impact chez
les agriculteurs, les riverains ou les consommateurs [8]. Mais
aucune étude ne fait état de l’évaluation des expositions et
des risques sanitaires pour des travailleurs en contact avec ces
boues.
Le médecin du travail d’un établissement d’assainissement
des eaux usées en station d’épuration, s’est intéressé aux
expositions au cadmium des salariés travaillant en contact
avec des boues d’épuration, en particulier au niveau du
sécheur à boues, suite au constat d’absence dans la littérature
de données scientifiques de ce type d’exposition, tant atmos-
phériques que biologiques.
Cette étude, menée par l’équipe pluridisciplinaire du service
de santé au travail, s’est donc focalisée sur l’évaluation de
l’exposition au cadmium contenu dans les boues d’épuration,
chez les salariés travaillant dans l’unité de séchage thermique
de ces boues. Des prélèvements urinaires ont été réalisés chez
les opérateurs au séchage afin d’estimer leur imprégnation à
ce métal.
Contexte de l’étude
Stations d’épuration (STEP) en France
En 2016, la France compte plus de 21 000 STEP qui représen-
taient une charge globale de 79 millions d’Equivalents-habi-
tants (Eh) pour une capacité épuratoire de l’ensemble des
STEP de 104 millions d’Eh [9]. Ces STEP vont collecter et traiter
des eaux usées d’origine domestique mais également d’ori-
gine industrielle ou agricole.
Boues d’épuration
Bien qu’une STEP concoure à la préservation de la qualité des
eaux naturelles et de l’environnement, elle est aussi généra-
trice de « déchets » que sont les boues. Avant la création de
ces boues, trois grandes phases sont nécessaires pour le
traitement de ces eaux avant rejet dans le milieu naturel.
La première étape, ou pré-traitement, consiste à se débarras-
ser par des techniques diverses (dégrillage, dessablage, dés-
huilage) des déchets volumineux (papiers, feuilles, objets
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Tableau 1
Valeurs moyennes mesurées en éléments traces métalliques (ETM) dans 237 stations d’épuration [12] et teneurs limites autorisées par
arrêté [13].
Éléments traces Valeurs moyennes mesurées Teneurs limites autorisées dans
métalliques (ETM) (en mg/kg de MS) dans les boues les boues d’épandage [13]
de 237 stations d’épuration [12]
Valeur seuil Flux maximum cumulé
(mg/kg de MS) sur 10 ans (g/m2)
Cadmium (Cd) 5,3 10 0,015
Chrome (Cr) 80,0 1000 1,5
Cuivre (Cu) 334,0 1000 1,5
Mercure (Hg) 2,7 10 0,015
Nickel (Ni) 39,0 200 0,3
Plomb (Pb) 133,0 800 1,5
Zinc (Zn) 921,0 3000 4,5
Chrome + cuivre + nickel + zinc 4000 6,0

ETM : éléments traces métalliques ; MS : matière sèche.

divers. . .), des cailloux, du sable ainsi que des huiles et des
graisses.
Vient alors le traitement primaire, qui est une étape de
décantation, générant des boues primaires1. La dernière étape
est le traitement secondaire ou biologique, qui permet à des
bactéries de dégrader les matières organiques dissoutes.
Après traitement biologique l’eau est clarifiée lors d’une
deuxième phase de décantation. Les produits issus de cette
dernière étape seront d’une part des eaux traitées, qui seront
rejetées dans le milieu naturel, et des boues secondaires ou
biologiques, qui seront stockées sur site et éventuellement
valorisées.
Polluants des boues d’épuration et éléments traces
métalliques (ETM)
Dans le cadre de cette étude, seuls les métaux, et en parti-
culier le cadmium, a été étudié.
En effet, les boues d’épuration ne sont pas exemptes de
polluants chimiques, et peuvent contenir des ETM (cuivre,
chrome, cadmium, plomb. . .), des micropolluants organiques
(pesticides), des résidus de molécules pharmaceutiques. . . [8].
La concentration de ces composés varie principalement en
fonction des activités anthropiques [10,11] :
 des activités domestiques (produits cosmétiques, médi-
caux, de nettoyage) ;
 de l’activité dite « urbaine » (corrosion des conduites,
ruissellement sur les toitures, chaussées et surfaces
imperméables contaminées en plomb, zinc ou nickel) ;
 des activités commerciales (produits issus des effluents
d’activité des garages, blanchisseries, restaurants, labora-
1
Constituées de particules minérales et organiques, qui se sont déposées par
simple décantation des eaux usées au fond des décanteurs.
toires médicaux, ateliers de développement
photographique. . .) ;
 des activités industrielles (effluents) et agricoles (pestici-
des).
Les ETM regroupent :
 des oligoéléments (métaux ou non) indispensables à
faibles doses aux organismes vivants : cuivre (Cu), zinc
(Zn), bore (B), manganèse (Mn), fer (Fe), nickel (Ni),
vanadium (V), molybdène (Mo), chrome (Cr), étain (Sn),
arsenic (As) ;
 des métaux lourds pour lesquels n’a pas été identifié de
rôle positif pour l’activité biologique : le mercure (Hg), le
plomb (Pb) et le cadmium (Cd).
Ainsi, selon la nature des eaux épurées, la teneur en ETM dans
les boues peut s’élever considérablement. Le Tableau 1 pré-
sente des valeurs moyennes d’ETM contenues dans des boues
de 237 STEP [12]. Pour éviter une accumulation d’ETM au
niveau des sols, une réglementation rigoureuse impose des
teneurs seuils de ces métaux dans les boues destinées à
l’épandage (Tableau 1 issu de l’arrêté du 8/01/1998 [13]).
L’efficacité de rétention des ETM dans les STEP dépend de la
nature de ces métaux, et on note un rendement moyen global
d’épuration de 75 % en ce qui concerne le cadmium [14].
Toxicité des boues séchées et du cadmium en
particulier
Par conséquent, la valorisation des boues en agriculture
devient problématique quand la teneur en ETM dépasse les
valeurs seuils admissibles (Tableau 1 [12]). Au-delà de ces
seuils, les métaux peuvent devenir toxiques pour l’environ-
nement et les végétaux [5] ; les boues ne peuvent donc être
épandues.
De plus ces ETM, peuvent présenter une certaine toxicité pour
l’homme [15]. Une intoxication professionnelle chronique au

360

cadmium peut être source de problèmes rénaux, respiratoi-
res, osseux, ou cardio-vasculaires. Il a également été démon-
tré un excès de cancers pulmonaires et un lien possible entre
expositions au cadmium et survenue de cancers de la pro-
state chez des salariés exposés [16]. Les tableaux no 61 et
no 61bis du régime général de la sécurité sociale recensent les
maladies professionnelles engendrées par le cadmium et
indemnisables par la sécurité sociale. À noter que le cadmium
est un métal qui a la capacité de s’accumuler dans les
organismes du fait de sa demi-vie d’élimination lente (supé-
rieure à 10 ans), et dont la charge s’accroı̂t régulièrement avec
l’âge.
Concernant l’impact environnemental, la problématique des
boues épandues sur les sols, et en particulier celle du cad-
mium, est un sujet largement étudié [6]. De même, la pro-
tection des consommateurs potentiellement exposés à
travers la chaı̂ne alimentaire est également prise en compte
par la réglementation européenne (règlement (CE) no 466/
2001 du 8 mars 2001 relatifs aux teneurs maximales pour
certains contaminants dans les denrées alimentaires : nitra-
tes, aflatoxines, plomb, cadmium, mercure, monocloro-pro-
pane-1, 2 diol, dioxines, ochratocine A, patuline et étain
inorganique).
Au niveau professionnel, à ce jour, aucune information n’est
disponible quant au risque que représentent les boues d’épu-
ration vis-à-vis des salariés directement exposés aux pollu-
ants présents dans ces dernières.
Techniques de traitement et de valorisation des
boues
Un des objectifs principaux du gestionnaire de la STEP est de
réduire le volume des boues, afin d’en faciliter le stockage
ainsi que le transport. Une autre problématique à gérer est
l’arrêt de la biodégradation qui s’opère dans ces boues car
c’est un milieu contenant une forte proportion de bactéries,
d’eau et de matières organiques, ce qui favorise la biodégra-
dation ainsi que l’émission de mauvaises odeurs.
Il est à noter que le traitement d’un mètre cube d’eaux usées
produit 350 à 400 g de boues [17]. En 2010, près de 15 millions
de tonnes de produits bruts, soit 1,5 millions de tonnes de
matières sèches de boues de STEP ont été produits en France
[18]. La production de boues croı̂t d’années en années en
raison de la croissance démographique et de la réglementa-
tion de plus en plus stricte en termes de rejet [10]. La gestion
de ces boues devient donc un réel problème économique,
environnemental et sanitaire pour les exploitants des STEP.
C’est pourquoi, ces dernières années ont vu une réelle évolu-
tion en matière de valorisation de ces déchets dans des filières
telles que l’agriculture, le compostage, la valorisation éner-
gétique (incinération), ou encore la méthanisation, en déve-
loppant différentes techniques de réduction du volume et de
stabilisation.
Évaluation des risques sanitaires chez des salariés
En France, la valorisation en filière agricole est une voie
privilégiée pour ce déchet riche en éléments fertilisants (en
2010, environ 70 % des boues ont été utilisées pour l’épandage
et l’élaboration de compost). Au total, 18 % des boues partent
en incinération [10,19].
Ces épandages se font sur 2 à 3 % de la surface agricole utile
en France (soit 285 600 ha), à raison de 30t/ha de matière
brute [20,21]. C’est une pratique strictement réglementée, qui
vise à s’assurer de l’innocuité de ces boues pour l’environne-
ment.
Les boues primaires, les boues secondaires ou un mélange des
deux, peuvent subir un ou plusieurs des trois types de trai-
tements suivants selon l’objectif à atteindre :
 traitements de stabilisation : addition de chaux, action
mécanique de micro-organismes saprophytes ;
 traitements de réduction du volume : épaississement ou
déshydratation (filtre à bandes, filtre-presse,
centrifugation) ;
 à cela peuvent s’opérer des traitements complémentaires
pour augmenter l’efficacité de la stabilisation et de la
siccité2 (compostage, séchage thermique).
En fonction du traitement, il existera un grand nombre de
types de boues (liquides, pâteuses, chaulées, compostées, de
séchage, de lagunage, physico-chimique).
Pour répondre à des contraintes de plus en plus exigeantes, la
technique de séchage thermique des boues s’est développée,
et présente des avantages aussi bien pour la valorisation
agricole que pour l’incinération. Le post-traitement par
séchage est une solution qui permet d’atteindre des gammes
de siccité beaucoup plus élevées que la déshydratation seule.
Il faut toutefois noter que ce type de traitement est encore
rare car coûteux, et ne représente environ que 2 à 3 % de la
filière de traitement des boues [22].
Lorsque les boues sont utilisées pour la valorisation agricole il
faut prévoir un stockage, car l’épandage est une activité
saisonnière. Une boue stabilisée et hygiénisée3, après un
séchage efficace à 90 %, peut être stockée longtemps car il
n’y a pas de risque de fermentation et de dégagement
d’odeur.
Expositions des salariés en STEP
Beaucoup d’études font référence au risque biologique pré-
sent dans les STEP [3,4,23] ou dans les filières de compostage
et d’épandage des boues [23,24]. Il est admis que les salariés
peuvent inhaler des aérosols de particules solides ou liquides,
pouvant contenir des agents biologiques possiblement patho-
gènes. Ces agents peuvent également être ingérés lorsque les
salariés portent à la bouche des mains ou des objets conta-
minés par des projections.
2
Pourcentage massique de matière sèche (MS) dans la boue.
3
Boues qui ont subit un traitement qui réduit à un niveau non détectable les
agents pathogènes.
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Des mesures atmosphériques ont mis en évidence une expo-
sition variable aux bioaérosols selon les zones et les activités
[25] :
 les zones fortement exposantes sont : la zone de dépotage
des matières de vidange/curage, les locaux de traitement
et de stockage des boues. Lors du séchage des boues, toute
intervention sur le procédé est génératrice de poussières ;
 les zones moyennement soumises à la pollution sont les
bassins de traitements (dégrillage, aération, clarificateur) ;
 enfin le local d’exploitation est considéré comme une zone
faiblement exposante.
Toutes les situations de travail sont jugées exposantes, en
particulier les opérations de maintenance et l’utilisation du jet
d’eau.
Si les salariés peuvent être exposés aux agents biologiques via
les boues d’épuration, il en est de même aux autres polluants
contenus dans ces dernières. La littérature actuelle ne permet
pas d’évaluer le risque d’exposition à ces polluants. Dans ces
conditions, la question du risque d’inhalation des poussières
de boues séchées contenant des ETM et en particulier du
cadmium se pose.
Matériel et méthode
L’étude a été réalisée en deux temps. Tout d’abord, une étude
de terrain a été réalisée selon une démarche classique d’éva-
luation des risques professionnels, à savoir l’identification des
dangers et l’estimation des expositions. Cette approche a
permis d’identifier la population de travailleurs étudiés, l’acti-
vité de l’entreprise et en particulier celle de la zone de
séchage, mais également les phases de travail potentielle-
ment exposantes aux poussières de boues, les équipements
de protection collectif et individuel. Le personnel a également
pu être interrogé sur les pratiques de travail mises en œuvre.
Dans un deuxième temps, des dosages de cadmium dans les
urines des salariés travaillant à la zone de séchage ont été
réalisés.
Population étudiée
En plus du responsable du service, l’entreprise emploie 3 équi-
pes de 2 personnes travaillant 5 jours par semaine, du lundi au
vendredi.
Ce sont des techniciens d’exploitation et de maintenance
polyvalents qui assurent également d’autres missions sur le
site de la STEP. Ainsi l’équipe de l’après-midi gère également
en parallèle les paramétrages de la STEP.
Le dosage du cadmium urinaire a été réalisé dans la popula-
tion des 7 techniciens en poste au sécheur de boues, dont
l’ancienneté à ce poste s’échelonne de 1 à 14 ans. Le jour des
prélèvements, 4 techniciens étaient en fin de poste du matin
dont 2 au sécheur, 1 technicien était en début de poste à la
362
STEP et 2 techniciens étaient en cours de poste dont un au
sécheur.
Prélèvement urinaire et dosage du cadmium
Etant donné que le dosage urinaire du cadmium reflète une
exposition chronique et la charge corporelle, le moment du
prélèvement importe peu. Il a donc été choisi de réaliser les
prélèvements urinaires en milieu de semaine (mercredi 23 mai
2018), et en début d’après midi (fin de poste du matin, début
de poste de l’après-midi).
Les salariés avaient eu pour consigne d’éviter la consomma-
tion d’eau 3 à 4 h avant le prélèvement. Au moment du recueil
urinaire, ils ont rempli un questionnaire concernant leur
secteur d’activité, l’ancienneté au poste, les tâches réalisées
le jour même, les tâches de la veille, ainsi que le port des
équipements de protection individuelle ou le nombre de
cigarettes fumées durant les 12 heures avant le recueil.
Les échantillons ont été immédiatement réfrigérés (à 4 8C)
dans un réfrigérateur puis en caisse réfrigérée. Ils ont été
envoyés au laboratoire TOXILABO (Nantes) pour analyse. La
méthode analytique employée par le laboratoire est l’ICP/MS
(Spectrométrie de masse à plasma à couplage inductible),
dont la limite de quantification pour le cadmium est de
0,25 mg/L.
Résultats
L’entreprise
La STEP où s’est déroulée l’étude a une capacité de
440 000 équivalent-habitants, qui permet le traitement
des eaux à usage domestique de 230 000 habitants, auxquel-
les s’ajoutent les eaux produites par les entreprises et les
services, ainsi qu’une part importante des effluents unitaires
en temps de pluie. À ce titre, cette structure produit plus de
24 000 tonnes de boue humide par an (chiffre de 2016).
L’entreprise a donc investi dans le traitement et la valorisation
des boues d’épuration, en construisant un sécheur thermique
et en valorisant prioritairement ces boues par l’épandage
(45,6 % des boues), le compostage (38,7 %) ou encore la
valorisation énergétique (15,7 %) dont 6,7 % des boues séchées
transformées en pellets (Fig. 1). En 2016, aucune boue de cette
station n’a subi un enfouissement.
Mode de fonctionnement du sécheur
L’entreprise a mis en place deux lignes de séchage qui fonc-
tionnent en alternance (Fig. 2).
Le sécheur fonctionne 7 mois dans l’année, 5 mois d’arrêt
essentiellement durant la période estivale. Il est mis en route
le lundi matin pour chauffage. Les premiers pellets sont
fournis à partir du jeudi vers 16h30. Le sécheur est mis à
l’arrêt le vendredi matin.

Figure 1. Pellets de boue séchée et compressée.
Figure 2. Vue d’ensemble du sécheur.
L’entreprise traite environ 5000 tonnes de boue fraı̂che par
an. Ce qui représente approximativement 70 tonnes de pellets
par semaine sur 20 semaines, soit 1400 tonnes de pellets à
l’année.
Les boues de la STEP arrivent automatiquement dans le
sécheur par des canalisations en circuit fermé (tuyaux bleus
sur la Fig. 1). Ce sécheur à séchage indirect, est constitué d’une
auge (enveloppe du sécheur), où sont disposés deux arbres
parallèles et sur chaque arbre, un certain nombre de pales.
L’ensemble de l’enveloppe de l’auge, des arbres et des pales
creuses est parcouru par un fluide caloporteur chauffé par le
biais d’une chaudière à gaz. Le séchage va créer des buées qui
vont être directement aspirées au niveau de l’auge du
Évaluation des risques sanitaires chez des salariés
sécheur. Les buées vont être condensées via une tour de
condensation, puis injectées dans le réseau d’eaux usées
qui repart en tête de station. Après séchage, les boues sont
pressées pour former des pellets. Ce chauffage va faire passer
la siccité de la boue de 25–30 % en entrée à près de 94 % en
sortie. Les poussières alors émises sont aspirées au-dessous de
cette presse et envoyées sur un filtre à manche, puis réin-
jectées dans la presse à granule/pellet via un transporteur à
chaı̂ne ou à vis (suivant la ligne de séchage concernée). Ces
pellets sont alors repris par un convoyeur et dirigés vers un silo
destiné à alimenter le chargement des camions.
Toute la supervision de la station de séchage s’effectue au
moyen d’automates de façon à effectuer un contrôle et un
suivi continu de tous les paramètres du processus dans un
local séparé de la zone de production. Les salariés sont amenés
à réaliser la maintenance quand le sécheur est à l’arrêt le
vendredi ou lors d’intervention en cas de panne (occasionnel).
L’entreprise est ainsi soumise à des contrôles réguliers, en
particulier d’analyse des ETM. Les valeurs des concentrations
maximales mesurées sur les échantillons sont toujours infé-
rieures aux limites réglementaires. En 2016, les teneurs
moyennes en cadmium étaient de 0,6 mg/kg de MS (soit
6 % de la valeur limite autorisée), avec une valeur maximale
de 0,8 mg/kg de MS (source interne).
Analyse des résultats
Le Tableau 2 présente un récapitulatif des caractéristiques de
la population étudiée, ainsi que les tâches les résultats de
cadmiurie obtenus pour les 7 salariés.
L’ANSES préconise pour une population professionnelle une
valeur limite biologique (VLB) pour le cadmium urinaire de
5 mg/g de créatinine, ainsi qu’une valeur seuil de 2 mg/g de
créatinine pour la mise en place d’un suivi périodique des
salariés. Le seuil pour une population générale est de 1 mg/g
de créatinine pour des fumeurs et de 0,8 mg/g de créatinine
pour des non-fumeurs.
Les analyses de cadmiurie obtenues dans cette étude mon-
trent que les 7 résultats sont nettement inférieurs à la VLB,
mais également aux seuils définis pour la population générale
(fumeurs ou non-fumeurs). Une valeur très basse en créati-
nine (< 0,3 g/L) pour la référence GN est observée, qui peut
s’expliquer par une consommation excessive d’eau (plus de
2L) dans les 2 à 4 h avant le prélèvement urinaire.
Discussion
Les concentrations très faibles de cadmium dans les urines
indiquent a priori que la technique de séchage thermique
utilisée par l’entreprise d’exploitation étudiée, n’expose pas
les salariés au cadmium. Plusieurs hypothèses peuvent expli-
quer ce résultat.
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S. Pachura et al. Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2019;80:358-366

Tableau 2
Caractéristiques de la population de salariés échantillonnées et résultats des dosages en cadmium.
Référence Genre Moment du Procédé Lieu Tabac EPI Ancienneté Cadmium
dossier prélèvement d’exposition Port de Port de (années) (mg/g de
gants masque créatinine)
EH M FP Séchage de boue Sécheur NF Oui / 7 0,12a
DJ M FP Séchage de boue Réseaux F10-20 Oui neufs / 1 0,20
FJ M FP Séchage de boue Sécheur F5 Oui / 5 < 0,17
MX M PDT Gestion technique STEP NF Oui neufs Oui 7 < 0,19
bâtiments
GC M FP Mise en service STEP NF Oui neufs / 4 0,13
fosse à boue
TS M PDT Responsable unité Sécheur NF Oui / 14 0,26
séchage boue
GN M DP STEP NF Oui / 7 < 0,96a

NF : non fumeur ; M : masculin ; FP : fin de poste ; PDT : pendant le poste ; DP : début de poste.
a
Cadmiurie dont le dosage moyen de créatinine est < 0,3 g/L ou > 3 g/L.

Tout d’abord, la teneur en ETM et en cadmium dans les boues
séchées est dépendante de celle présente dans les eaux usées
arrivant en tête de station. Celle-ci sera variable en fonction
de plusieurs facteurs comme l’importance de la population
raccordée au réseau d’assainissement ou encore le type
d’effluents traités (domestiques ou industriels). Or dans le
cas de cette entreprise, la faible teneur moyenne en cadmium
des boues de 0,6 mg/kg, pourrait expliquer une exposition
très faible des salariés en cadmium. Il est à noter que l’utilisa-
tion du cadmium est en décroissance continue, parfois inter-
dit pour certains usages (bijoux, baguette de brasage), ou
dont l’emploi est restreint par la réglementation européenne
dans certaines applications (peinture, équipement électriques
et électroniques. . . ; annexe XVII du règlement REACH). On
constate ainsi une diminution des taux de cadmium dans les
boues d’épuration [4]. De ce fait, la recherche de contamina-
tion dans les urines ou dans le sang de cette population de
salariés pourrait s’élargir à d’autres métaux, tel que le plomb,
pour lequel des teneurs plus importantes (de l’ordre de
18,1 mg/kg en moyenne) ont été mesurées en 2016 dans les
boues.
Dans un second temps, l’entreprise avait connu des difficultés
de mise en œuvre de ces pellets, qui étaient très friables et
créaient une quantité importante de poussière. Le problème a
été identifié et c’est l’utilisation de boue biologique (conte-
nant de la chaux) qui en était la source. Aujourd’hui l’entre-
prise ne travaille qu’avec un mélange de boues (boue primaire
pour 70 % ajoutée à de la boue biologique à hauteur de 30 %),
ce qui a pour conséquence de réduire la friabilité des pellets,
et par voie de fait, de rendre l’environnement de travail
beaucoup moins pollué par la poussière. Des mesures atmos-
phériques de poussières réalisées en 2010 démontrent par
ailleurs que les niveaux d’empoussièrement sont inférieurs à
la valeur limite correspondante.
Ensuite, on peut remarquer que tout le système de séchage
thermique de l’entreprise s’effectue dans un local fermé, en
circuit clos et capoté. De ce fait, très peu de poussières sont
émises dans le local de traitement des boues. De plus, les deux
lignes sont équipées d’aspiration des buées et des poussières,
ainsi que de filtres à manches pour ces dernières. On note
également 3 ventilations mécanisées en toiture du local qui
aide à l’évacuation des poussières résiduelles. Cette configu-
ration concoure également à la réduction des poussières.
Puis, il a été constaté que les salariés sont très peu en contact
avec les boues ou les poussières. En effet, toute la supervision
se déroule dans la salle de contrôle qui est isolée du local de
traitement des boues. L’opérateur sera amené à entrer dans ce
local essentiellement lors d’interventions pour panne (sur
1760 h de fonctionnement à l’année, le temps de panne
cumulé est évalué à 1 semaine, soit jugé occasionnel), ou lors
de la maintenance hebdomadaire. Mais, lors de ces interven-
tions, le sécheur est à l’arrêt et les salariés sont équipés de
masques filtrants les particules de type P3, de vêtements de
travail fournis par l’entreprise, d’un casque, de gants de
protection contre le danger mécanique et de protections
auditives.
Ils peuvent être exposés lors de la mesure de siccité qui
nécessite de prélever des boues en entrée et en sortie de
traitement. Les opérateurs sont alors dotés du même équi-
pement que lors de la maintenance. Les expositions sont alors
négligeables durant ces seules phases jugées exposantes du
poste.
Enfin, l’entreprise a réalisé et mis en place des modes opé-
ratoires, où les équipements de protection et les consignes à
respecter sont indiqués. L’entreprise veille également à
l’hygiène des salariés, et a mis en place deux vestiaires (dits
« propre » et « sale ») séparés par des douches. Les vêtements
de travail sont entretenus dans la laverie installée sur le site.

364

Conclusion, recommandations et mesures
de prévention
Cette étude a donné lieu à un premier bilan quant à l’exposition
au cadmium des opérateurs travaillant en station d’épuration et
utilisant une technique de séchage thermique de boues d’épu-
ration. Dans le contexte spécifique de l’entreprise étudiée, ce
travail a ainsi permis de décrire l’activité et les tâches réalisées
par ces opérateurs, et de déterminer quelles étaient les phases
exposantes aux poussières de boues séchées.
Le dosage urinaire en cadmium de ces travailleurs a pu
démontrer que ces derniers n’étaient pas exposés profession-
nellement à ce métal. On a ainsi pu identifier les déterminants
qui participent à la protection de la santé des salariés. Il
s’avère en effet que l’entreprise met en œuvre toutes les
mesures habituellement préconisées dans le cadre de la
prévention biologique, à savoir :
 prévention intégrée : la technique de séchage des boues a
été améliorée afin de limiter la génération de poussières ;
 prévention collective : capotage du sécheur, aspiration des
buées et filtration des poussières, ventilation du local de
séchage en complément du système de captage ;
 protection individuelle : mise à disposition d’équipements
de protection individuelle, en particulier de masques anti-
poussière de type P3. Leur port a été rendu obligatoire dans
l’entreprise lors des phases les plus exposantes aux boues
et aux poussières.
Il serait toutefois pertinent de réaliser des mesures complé-
mentaires à cette étude, afin de vérifier l’absence d’exposition
à d’autres métaux ou d’autres polluants en relation avec leurs
teneurs dans les eaux usées et les boues. Aujourd’hui les
boues font l’objet d’une surveillance pour quelques polluants
bien identifiés comme par exemple sept éléments traces
métalliques (Cd, Cr, Cu, Hg, Ni, Pb, Zn), sept principaux poly-
chlorobiphényles, trois hydrocarbures aromatiques polycycli-
ques (fluoranthène, benzo(b)fluoranthène, benzo(a)pyrène) et
d’autres oligo-éléments. Quid des polluants dits
« émergents » comme les résidus pharmaceutiques (hormo-
nes, antibiotiques), les nanoparticules, les perturbateurs
endocriniens, ou encore des métaux rares comme le platine,
l’iridium, ou l’indium, utilisés dans les nouvelles
technologies ? Ce ne sont pas forcément des molécules
nouvelles mais les données concernant leur présence, leur
devenir dans l’environnement et leurs impacts potentiels sur
la santé ou l’environnement sont parcellaires.
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas de liens d’intérêts.
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