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Endommagement des pistes de roulement

Article in Mécanique & Industries · January 2000


DOI: 10.1016/S1296-2139(00)00130-5

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Luc Chevalier
Université Gustave Eiffel
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Mec. Ind. (2000) 1, 77–103
 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés
S1296-2139(00)00130-5/FLA

Endommagement des pistes de roulement

Luc Chevalier a *, Hugues Chollet b


a
LMT Cachan, 61 avenue du Président Wilson, 94235 Cachan cedex, France
b
Inrets-LTN, 2 avenue Malleret-Joinville, 94114 Arcueil, France

(Reçu le 6 octobre 1999, accepté le 17 novembre 1999)

Résumé — L’étude présentée dans cet article concerne le problème industriel de l’endommagement d’un contact roulant sous charge.
Les méthodes présentées ici, peuvent être appliquées au dimensionnement des roulements et engrenages par exemple, et plus
généralement à tout mécanisme dans lequel il y roulement faiblement lubrifié entre deux solides (voir par exemple [1]). Sur le cas
particulier du roulement de galets sur des cames « ouverture fermeture moules », deux approches complémentaires sont abordées
pour qualifier l’influence des paramètres du contact (rayon du galet, rigidité des matériaux, effort de contact, mise en position
relative du galet par rapport à la came) sur la détérioration : endommagement en sous-couche et usure superficielle. Plutôt que de
s’orienter vers des approches complètes et complexes, comme on peut en trouver l’illustration dans [2–4], on se tourne délibérément
vers une analyse semi-analytique rendue possible par quelques hypothèses simplificatrices toujours justifiées. On retient un modèle
d’endommagement isotrope pour rendre compte de la détérioration en sous-couche et on quantifie cet endommagement par des
mesures de microdureté. L’usure superficielle des pistes de roulement, mise en évidence sur banc d’essai, est simulée par l’approche
simplifiée de Kalker et une extension au cas non-Hertzien permet de rendre compte de l’évolution de l’usure du profil de la piste.
 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS
contact roulant / usure superficielle / endommagement / microdureté

Abstract — Damage evolution of loaded rolling path. The study presented in this article deals with the industrial problem of rolling
contact under load and the damage evolution of the rolling path. Methods presented here can be applied to bearings and gears
dimensioning, for example, and, more generally, to any mechanism in which stands slightly lubricated bearing between two solids
(see, for example, [1]). We focus here, on the special case of rollers bearing on cams ‘opening closing molds’. Two complementary
approaches are used to qualify the influence of the contact parameters (ray of the roller, rigidity of materials, effort of contact, put in
relative position of the roller compared to the cam) on deterioration: damage in underlayer and surface wear. Rather than to direct
towards complete but complex approaches, as one can find illustrations of them in [2–4], we turn deliberately to a semi-analytical
analysis that is possible under simplifying assumptions. We retain an isotropic damage model to evaluate deterioration in underlayer.
We quantify this damage by microhardness measurements. The surface wear of the tracks of bearing, highlighted on test bench, is
simulated by the simplified approach of Kalker. An extension to the non-Hertzian case makes it possible to evaluate for the evolution
of the path profile wear.  2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS
rolling contact / surface wear / damage / micro-hardness

1. INTRODUCTION à faire tourner plus vite les carrousels sur lesquels sont
montés les moules et les efforts de contact came–galet
1.1. Détérioration des pistes de came engendrent dans les pièces des contraintes élevées. Une
étude complète de la souffleuse Sidel SBO16 est pré-
senté dans [5]. Ces contraintes peuvent conduire à l’en-
La détérioration des pistes de came des souffleuses de dommagement par fatigue en sous couche au bout d’un
bouteilles en plastique alimentaire SBO Sidel, et notam- nombre de cycles d’autant plus faible que les contraintes
ment les cames d’ouverture–fermeture moule, est un su- sont importantes. Pour limiter cette détérioration on peut
jet d’étude sensible si l’on considère l’augmentation de chercher à limiter la pression de contact (et donc l’ef-
la cadence de production de bouteilles recherchée par les fort de contact). Cette solution consiste à augmenter les
clients de Sidel. Une augmentation des cadences conduit rayons de courbure des pièces en contact (rayon et bombé
de galet le plus grand possible). L’étude de rondins en
* Correspondance et tirés à part. 42CrMo4 ayant été soumis à des sollicitations de ce type
chevalier@lmt.ens-cachan.fr sous des niveaux de charge identiques a permis de mettre

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L. Chevalier, H. Chollet

Figure 1. Passage des préformes dans le four de réchauffage


avant soufflage.

en évidence qu’en cherchant à diminuer la détérioration


par fatigue, on fait apparaître un autre mode de dété-
rioration : l’usure superficielle. Une meilleure connais-
sance de chacun des deux mécanismes d’endommage-
ment permettra de choisir les conditions optimales (géo-
métrie de galet, traitement thermique etc.) en fonction
des conditions technologiques (vitesse de rotation du car-
rousel et donc effort de contact, courbure de la came
etc.).
Dans cette introduction, nous présentons le procédé Figure 2. Moule portefeuille ouvert : on distingue le système de
verrouillage : le nez de soufflage et la partie rapportée « fond
de soufflage, la machine SBO16 et la cinématique de la de bouteille ».
fonction « ouverture et fermeture moules ». Par la suite
on se focalise sur le contact came-galet dont on étudie
les sollicitations. Le parti pris retenu pour cette étude 1.2. Soufflage par bi-orientation
consiste à retenir des méthodes d’analyse et de calculs
simples et rapides. Pour cette raison, il est volontaire- Sidel conçoit et réalise des machines de soufflage par
ment fait quelques approximations (justifiées) qui per- bi-orientation (gamme SBO). Ces machines fabriquent
mettent de disposer de solutions analytiques ou d’al- des bouteilles plastiques à partir de préformes injectées.
gorithmes rapides. Cette solution nous permet d’abor- Ces préformes sont chauffées (figure 1) pour être ramol-
der des problèmes de contact lors de fonctionnement en lies et soufflées. La SBO16 est une machine de grande
régime transitoire qui seraient tout à fait hors de por- production qui permet d’obtenir 19 200 bouteilles par
tée dans un environnement de type bureau d’étude si heure (un tour de carrousel produit 16 bouteilles toutes
on tentait de résoudre numériquement le problème glo- les 3 s). Elle est composée : d’une alimentation en pré-
bal. Cette approche est un prolongement de développe- formes ; d’un four linéaire de réchauffage ; d’un transfert
ments déjà réalisés à l’Inrets dans [6], et plus récemment des préformes ; d’un carrousel de soufflage ; d’une éva-
dans [7]. cuation des bouteilles soufflées.

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Endommagement des pistes de roulement

Figure 3. Schématisation de la cinématique « overture–fermeture » d’un moule de souffleuse SBO16.

Les préformes réchauffées sont saisies par le col à ensuite transférée par un arbre de transfert muni d’une
l’aide d’une pince puis positionnées dans le moule. Le pince sur le convoyeur de sortie.
moule portefeuille (figure 2), installé sur un carrousel
s’ouvre et se ferme à l’aide de bras actionnés par
une came. Ce moule est placé dans une unité porte 1.3. Mécanisme d’ouverture–fermeture
moule enveloppante à verrouillage intégré. Le nez de
soufflage est introduit dans le col de la préforme et permet Sur la figure 3, le système de commande de l’ouverture
le guidage de la tige d’élongation (cane) qui assure et de la fermeture est schématisé en vue de dessus.
l’orientation axiale. La mise en forme de la bouteille La fonction principale du système ouverture–fermeture
s’effectue en deux étapes. Première opération : étirage moules est de permettre l’accès et l’évacuation des
par une cane dans l’axe de l’objet par un piston et un préformes et des bouteilles soufflées. Pour assurer cette
soufflage léger (8 bars) pour éviter l’adhérence de la évacuation, il est nécessaire d’ouvrir les deux moules
préforme sur la cane. Seconde opération : étirage radial de 50◦ .
par soufflage (pression 30 < p < 40 bars). Le nez de La SBO16 est une machine qui possède 16 moules
soufflage est muni d’un dispositif qui assure l’étanchéité montés sur un carrousel tournant (1). Les moules sont
et évite les déformations au niveau du col quelle que constitués de deux parties (5) et (6) articulées en E sur le
soit la pression de soufflage. Le moule est refroidi par carrousel. L’opération de soufflage et de refroidissement
une circulation interne d’eau réfrigérée. La bouteille est de la bouteille est réalisée alors que le moule est fermé et

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L. Chevalier, H. Chollet

verrouillé. Cette opération est effectuée pendant un peu 2. SOLLICITATIONS AU NIVEAU


plus de trois quarts de tour du carrousel. Le quart restant DU CONTACT CAME–GALET
est consacré à l’évacuation de la bouteille et l’apport
d’une nouvelle préforme. L’ouverture et la fermeture 2.1. Efforts de contact came–galet
sont assurées par un levier de commande (2) articulé et pression de contact
en A sur (1). Une came détermine le mouvement du
centre G du galet et ce mouvement est récupéré en B.
Deux biellettes (3) et (4) fixées en B tirent ou poussent les Les différentes pièces mobiles par rapport au bâti (0)
deux demi moules (5) et (6). La cadence de production sont numérotées (i) de (1) à (6). De manière générale,
on note θi0 l’angle que fait la pièce (i) avec le bâti (0).
de cette machine est de 19 200 bouteilles·h−1 , ce qui
Trois fermetures géométriques permettent de déterminer
correspond à une vitesse de rotation du carrousel de
la loi de mouvement des différentes pièces du système.
20 tr·min−1 . En fonction de la forme de la came,
Les graphes de la figure 5 représentent les évolutions des
l’ouverture et le fermeture suivront une loi horaire fixée
angles θ51 et θ61 , ainsi que les vitesses de rotations ω51
par la cinématique de ce système.
et ω61 des deux demi-moules dans leur mouvement par
Quels impératifs fixent le choix du profil de came rapport au carrousel (1). On constate que le choix de la
lors de l’ouverture et de la fermeture ? Les deux moules came cycloïdale limite les problèmes liés aux chocs en
étant fermés et verrouillés, lorsque le galet pénètre fin d’ouverture ou de fermeture.
dans la came le déverrouillage a lieu et les moules L’effort de contact de la came sur le galet, noté F ,
commencent à s’ouvrir à partir d’une vitesse nulle par est calculé au prix de quelques hypothèses. On fait
rapport au carrousel. Les moules sont accélérés jusqu’à l’approximation classique que toutes les liaisons sont
une vitesse angulaire maximale. Pour éviter les chocs parfaites et que seule l’inertie des demi-moules est
en fin d’ouverture, les moules sont ensuite ralentis pour significative. Les deux graphes supérieurs de la figure 6
arriver à vitesse nulle en fin d’ouverture. Le moule est illustrent l’équation du profil de la came ainsi que
maintenu ouvert durant un court laps de temps puis l’évolution de l’effort dans la phase de fermeture. On peut
démarre la phase de fermeture. Les deux demi moules observer :
partent de la position ouverte à vitesse nulle par rapport – un changement de signe de F qui implique un change-
au carrousel, accélèrent dans une première phase du ment de direction de l’effort ; le contact entre la came et
mouvement puis décélèrent dans une seconde phase le galet change de flanc de came ;
pour arriver en position fermée à vitesse et accélération
– une valeur moyenne de l’effort non nulle qui provient
nulles. La came est représentée par l’équation de sa ligne
des efforts centrifuges. De ce fait l’évolution est non
moyenne sous la forme :
symétrique et l’intensité maximale sur un flanc de came
est bien plus grande que sur l’autre ;
OG = R(ϕ)
– une valeur maximale d’effort assez importante qui
engendre dans la came des contraintes élevées. Le choix
Les différentes conditions explicitées plus haut, indui- d’un profil de came non symétrique permet d’atténuer
sent la forme cycloïdale de la came qui correspond aux légèrement de dernier point.
relations (1) et (2) : En supposant que le matériau reste élastique au niveau
   du contact came–galet, la théorie du contact ponctuel de
ϕ 1 ϕ
R(ϕ) = Rf + (Ro − Rf ) − sin 2π Hertz permet le calcul de la pression de contact et par
ϕco 2π ϕco suite des contraintes en sous-couche. On détermine le
lors de l’ouverture des moules (1) rayon de courbure ρ de la came à partir de l’équation
   R(ϕ), par la relation (3) :
ϕ 1 ϕ
R(ϕ) = Ro + (Rf − Ro ) − sin 2π
ϕcf 2π ϕcf  3/2
R 02 (ϕ) + R 2 (ϕ)
lors de la fermeture des moules (2) ρ= (3)
R 00 (ϕ)R(ϕ) − 2R 02 (ϕ)

Sur le dessin (figure 4) de la came on distingue : la Les rayons de courbure restent grands devant le rayon
portion relative à l’ouverture ; la portion circulaire du du galet (Rg = 26 mm). Ce dernier présente un bombage
maintien en position ouverte ; la portion relative à la correspondant à un rayon de Bg = 500 mm au niveau du
fermeture. contact, ce qui est grand aussi devant Rg . Le rayon de

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Endommagement des pistes de roulement

Figure 4. Came et support de came : on notera la forme évasée en entrée de came et le système élastique en sortie de came.

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L. Chevalier, H. Chollet

Figure 5. Évolution des angles et vitesses angulaires des demi-moules (5) et (6).

Figure 6. Came cycloïdale à l’ouverture angle ϕco = 29◦ , ω10 = 20 tr·min−1 . Les graphiques donnent l’évolution de l’effort de contact
des dimensions de l’ellipse de Hertz et le pression de Hertz Po .

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Endommagement des pistes de roulement

courbure équivalent au sens de la pression de Hertz est étudie ce qui se passe dans ce plan de symétrie. Compte
donné par la relation (4) : tenu de la valeur des rayons de courbure de la came,
l’analyse se fera en supposant que cette dernière est
1 quasi-rectiligne au voisinage du contact. Il est ainsi
ρéq = (4)
1/Rg + 1/Bg + 1/ρ + 1/∞ possible de calculer explicitement les contraintes dans la
came. La théorie de l’élasticité plane permet le calcul des
Après calcul, on constate que le rayon de courbure contraintes à partir de la répartition de pression p(s)—
équivalent évolue dans une plage de 2 mm au voisinage relation (5)—où a est la largeur du contact :
de 24 mm. Tout se passe comme si le galet (de dimension
 
plus faible, comprise entre 23 et 25 mm) roulait sur s2
un plan. Les graphes inférieurs de la figure 6 donnent p(s) = Po 1 − 2 (5)
a
l’évolution des longueurs a et b et de la pression Po
pour le cas de la came cycloïdale à l’ouverture. On Les composantes de la matrice des contraintes s’écrivent
pourra noter l’élancement important (≈7) de la surface formellement :
d’écrasement et les pressions de contact Po élevées
Z
(≈700 MPa). 2 +a z(x − s)2
σxx = − p(s) ds
π −a ((x − s)2 + z2 )2
Z
2.2. Contraintes en sous-couche 2 +a z3
σzz = − p(s) ds
π −a ((x − s)2 + z2 )2
Z
Compte tenu de la forme de la surface de contact 2 +a z2 (x − s)
σxz = − p(s) ds
(ellipse très allongée), on peut raisonnablement faire π −a ((x − s)2 + z2 )2
l’hypothèse que l’état des déformations est plan. On
Après intégration on obtient :
   
2Po a 2 − x 2 + 3z2 a−x
σxx = − −3az + arctan
πa 2 2 z
   
a+x (a − x) + z2
2
+ arctan + xz Log
z (a + x)2 + z2
   
2Po a 2 − x 2 − z2 a−x
σzz = − 2 az + arctan
πa 2 z
 
a+x
Figure 7. Définition de la géométrie du contact. + arctan
z

Figure 8. Calcul des contraintes en sous-couche par superposition de charges élémentaires p(s) ds .

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L. Chevalier, H. Chollet

     
2Po a−x a+x Cette dernière est maximale en ζ ≈ 0,5 et atteint en ce
σxz = − xz arctan + arctan
πa 2 z z point une valeur de 0,57Po . Dans le cas du contact came–
  galet, la sollicitation est répétée cycliquement et la dé-
z 2 (a − x) + z
2 2
+ Log térioration apparaîtra, par fatigue, pour des contraintes
2 (a + x)2 + z2 plus faibles que Re . Dans le cas où il y a glissement
Pour un état de déformation plane, la contrainte σyy est du galet sur la came, on peut calculer la superposi-
donnée par (6) : tion de contraintes due à la force tangentielle. Mal-
gré un déplacement de la zone la plus sollicitée vers
σyy = υ(σxx + σzz ) (6)
la surface de contact, ce phénomène ne génère pas de
C’est au droit du point de contact que l’état de surcharge importante de contrainte et on peut se satis-
contrainte va être le plus critique. On pose ζ = z/a pour faire du champ déterminé plus haut. Néanmoins dans
rendre le problème adimensionnel et on se focalise sur une approche plus fine, on pourrait s’interroger sur l’in-
l’axe x = 0. L’expression des contraintes est réduite à : fluence de ce décalage sur l’amorçage de fissures en sur-
   face.
σxx 2  1
=− −3ζ + 1 + 3ζ arctan
2
Po π ζ
  
σzz 2  1
=− ζ + 1 − ζ arctan
2 2.3. Banc d’usure par roulement Sidel
Po π ζ
σxz
=0
Po Un banc d’essai reproduisant les contraintes subies
par la came a été réalisé par Sidel (figure 9). Les essais
La matrice des contraintes est donc diagonale. Les
sont effectués sur des rondins de 50 mm de diamètre sur
courbes de contrainte réduite ne dépendent plus de
lesquels des galets viennent exercer des contraintes. Ces
la pression ni de la largeur du contact. À ce niveau,
galets sont identiques à ceux utilisés sur la SBO16. Le
pour valider un choix de matériau, il est nécessaire
de comparer les caractéristiques (Re , Rm ) à une sorte banc est conçu de façon à ce qu’il y ait à la fois trois
de norme de la matrice des contraintes : la contrainte galets appliquant un effort équivalent sur une même piste
équivalente de von Misès définie par la relation (7) : de roulage (figure 10). L’effort du galet sur le rondin
est variable, il peut être réglé grâce à un système de
σéq = rondelles élastiques. Il est aussi possible de faire varier
s la lubrification de la piste mais celle ci reste faible (de
(σxx − σyy )2 + (σyy − σzz )2 + (σzz − σxx )2 + 3σxz
2
type goutte à goutte). Nous effectuons ainsi un essai
2 d’endommagement dans des conditions assez voisines du
(7) chargement effectif de la came.

Figure 9. Banc d’essai d’usure : vue générale.

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Endommagement des pistes de roulement

Figure 10. Banc d’essai : gros plan sur les galets et leurs supports.

lement. Une éprouvette de traction est usinée en surface


et une autre en profondeur (figure 11). Les déformations
sont mesurées avec un extensomètre sur une longueur de
référence de 10 mm. La charge est déterminée par un cap-
teur d’effort d’une capacité de 10 t. Compte tenu de la
forme des éprouvettes, la rupture a eu lieu au voisinage
des mors de serrage. On calcule la contrainte de trac-
tion σ à partir de l’effort mesuré et on trace les courbes
représentatives du comportement du matériau, avant et
après traitement superficiel (figure 12). On peut remar-
quer une grande différence de limite élastique :
Figure 11. Éprouvettes extraites des zones traitées ou non
superficiellement. – matériau non traité superficiellement :

Deux séries de rondins ont été testées chez Sidel au σe = 650 MPa, Re0,2 = 900 MPa
Havre et analysés au LMT-Cachan. Une première série
où le matériau employé est du 42CrMo4 traité dans la – matériau traité superficiellement :
masse. Pour la seconde série, le même matériau subit
un traitement superficiel supplémentaire analogue à celui σe = 1 150 MPa, Re0,2 = 1 550 MPa
qui est effectué sur les pistes de came des souffleuses
Sidel (trempe par induction sur une profondeur de 7 mm
environ). La première série n’est pas représentative du Dans le contact came–galet, pour une pression de contact
type de matériau utilisable pour les pistes de came, elle de l’ordre de 700 MPa (figure 6), la contrainte de von
a permis la mise en place de procédures expérimentales Misès atteint une valeur maximale de
(notamment les tests de microdureté).
(σéq )maxi = 0,57 × 700 = 400 MPa
2.3.1. Performances du matériau
et du traitement retenus
Soit un facteur de surcharge admissible de 3,8. Compte
Les caractéristiques mécaniques du matériau de la tenu des sollicitations cycliques qui engendrent de la fa-
came ont été déterminées en effectuant des essais de tigue, le coefficient de surcharge admissible n’est pas
traction sur des éprouvettes taillées dans un rondin de aussi important mais assure néanmoins la fonction rou-
42CrMo4 trempé dans la masse puis traitées superficiel- lement sans détérioration de la came en sous couche.

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L. Chevalier, H. Chollet

Figure 12. Courbes de traction du 42CD4 traité superficiellement (droite) et non traité superficiellement (gauche).

Eprouvette Temps Charge Usure Pression (Hertz) Lubrification N moteur


(h) (N) superficielle (MPa) (tr·min−1 )
(mm)
2A 25 2 600 0,025 1271 ? 725
2B 1 400 1 780 0,04 1120 2 s/10 min 725
+2 040 1 780 0,0270 1120 2 s/10 h 725
2C 286 2 200 0,0028 1202 2 s/1 h 725
+85 4 500 0,122 1526 0,5 s/12 h 950

Figure 13. Tableau récapitulatif de la série d’essais 1.

2.3.2. Observation – La piste 2B est fortement endommagée. Elle est par-


des pistes de roulement courue par de nombreuses traces longitudinales et pré-
sente des cavités sur ses bords. D’un côté les cavités sont
2.3.2.1. Matériau non traité superficiellement. Les d’une très grande taille alors que de l’autre côté, les cavi-
rondins de la première série sont numérotés 2A, 2B et tés sont à peine perceptible à l’œil nu.
2C. Les conditions de chargement, ainsi que la durée des – La piste 2C présente une forte facétisation complétée
essais sont données dans le tableau de la figure 13. Lors par des traces longitudinales. Sur l’un de ses bords elle
de la réception des rondins au LMT-Cachan, on remarque présente un bourrelet.
que la zone de roulement est assez nettement détériorée
(figure 14). L’état de surface des pistes présente des En comparant la pression de Hertz calculée (>1 100 MPa)
dégradations très différentes. La profondeur de la trace avec la limite élastique relevée sur l’éprouvette de
laissée par les galets varie elle aussi beaucoup, allant de 42CrMo4 traitée dans la masse (σe = 650 MPa) il est
0,027 mm sur l’éprouvette 2B après 3 440 h d’essais à clair que les rondins 2A et 2C ont certainement plasti-
0,122 mm sur le rondin 2C après seulement 370 h. fié. La présence des bourrelets est un bon indicateur. Par
ailleurs pour 2C la forte charge a certainement marqué
– La piste 2A présente la formation d’un petit bourrelet la piste générant un processus cyclique qui a conduit à
sur l’un de ses bords. Elle présente aussi des longues la facétisation. Sur certaines éprouvettes faisant partie de
traces longitudinales près de l’autre bord et entre les la zone de roulement il y a des fissures qui correspondent
deux il y a des petites cavités faisant penser à du aux cavités observées visuellement. Elles se propagent en
pitting (écaillage dû à la propagation de fissures en sous- sous-couche à 0,1–0,2 mm en profondeur (figure 15). Le
couche). matériau est donc fortement endommagé en sous-couche.

86
Endommagement des pistes de roulement

Figure 14. Pistes de roulement usées sur 42CD4 non traité superficiellement.

Figure 15. Détérioration en sous-couche : arrachement de particules macroscopiques.

87
L. Chevalier, H. Chollet

Éprouvette Temps Charge Usure Pression (Hertz) Échantillon


(h) (N) superficielle (MPa)
(mm)
6A 47 1 400 0,198 913 P1
6A 94 1 400 0,085 913 P2
6C 18 2 400 0,82 1 150 P3
6C 12 2 100 0,279 1 045 P4

Figure 16. Tableau récapitulatif de la série d’essais 2.

Figure 17. Usure des pistes de roulement traitées superficiellement.

88
Endommagement des pistes de roulement

2.3.2.2. Matériau traité superficiellement. Pour ce isotrope développé par J. Lemaitre (LMT-Cachan). De
deuxième lot, les charges et les durées sont récapitulées même, pour analyser la détérioration superficielle, nous
dans le tableau de la figure 16. La lubrification a été la avons retenu le modèle de microglissement de J.J. Kal-
même pour tous les échantillons 2 s/2 h ainsi que la ker (université de Delft) ainsi que l’algorithme associé :
vitesse de rotation 950 tr·min−1 . Les pistes (figure 17) FASTSIM. Ces analyses permettront de justifier les ré-
ont été photographiées à la loupe binoculaire. Leur aspect sultats présentés précédemment.
est nettement différent de celui des pistes du premier lot.
Les traces laissées par le roulement des galets sont bien
marquées et de profondeurs plus importantes que pour le 3.1. Endommagement en sous-couche
premier lot. En revanche, les cavités sont nettement plus
petites et il n’y a pas non plus de bourrelet sur le bord ce 3.1.1. Modèle d’endommagement
qui semble indiquer qu’il n’y a pas de plastification du isotrope
matériau.
En mécanique des milieux continus, l’évolution de la
Cette fois, compte tenu de la trempe superficielle, la
dégradation d’un matériau soumis à des sollicitations qui
pression de Hertz est bien inférieure à la limite élastique
évoluent dans le temps peut-être représenté par une va-
du matériau traité. Il est donc probable que le matériau
riable continue appelée endommagement. Cette variable
soit sain en sous-couche. Néanmoins on observe en sur-
d’endommagement est noté d. C’est une variable qui
face des détériorations surprenantes. L’échantillon P2 qui
traduit les pertes de propriétés élastiques provenant de
a subi la même charge que l’échantillon P1 (1 400 N)
l’augmentation du pourcentage de cavités et de microfis-
mais pendant deux fois plus longtemps est bizarrement
sures dans un élément surfacique quelconque. Cette va-
moins usé. De plus, les galets laissent des traces d’une
riable évolue entre d = 0 (matériau sain) et d = 1 (maté-
profondeur assez importante et d’une largeur pratique-
riau entièrement rompu).
ment égale à la largeur du galet et bien supérieure aux
largeurs des ellipses calculées par la théorie de Hertz. En élasticité, un matériau non endommagé présente
une rigidité caractérisée par le module d’Young E, au
2.3.3. Conclusions fur et à mesure de l’évolution de l’endommagement
le module d’Young semble chuter. En fait, la présence
Nous avons présenté, sur l’exemple industriel d’une de microcavités modifie la section droite et le module
souffleuse par bi-orientation, la méthodologie et qui per- e est affecté de la même manière.
d’élasticité apparent E
met de quantifier les efforts de contact entre le galet et Ce dernier est donné par la relation (8) :
la came de commande du système d’ouverture–fermeture
moules. Par comparaison avec les caractéristiques du ma- e = (1 − d)E
E (8)
tériau utilisé, le dimensionnement semble correct. Néan-
moins il apparaît une détérioration superficielle qui pro- Par un essai de fatigue sur une éprouvette de matériau
vient du roulement du galet. Ce roulement s’accompagne donnée, on peut identifier une loi d’évolution de d
de microglissements plus ou moins importants en fonc- en fonction du nombre de cycles. Un essai de fatigue
tion de la mise en position du galet par rapport à la piste est caractérisé par un état de contrainte alterné dont
de roulement. Dans la seconde partie nous analyserons l’amplitude est contrôlée entre une valeur minimale σm et
les modes de détérioration en sous couche et en surface une valeur maximale σM . On note σ̄ la valeur moyenne
qui peuvent conduire à la ruine de la came. Nous présen- de l’amplitude des contraintes au cours du temps, qui est
terons des résultats de mesures et de calculs qui quanti- donnée par la relation (9) :
fient et permettent de faire des prédictions de ces détério-
σM + σm
rations. σ̄ = (9)
2
L’évolution du module d’élasticité au cours du temps,
3. ENDOMMAGEMENT permet d’identifier une loi d’évolution de l’endommage-
EN SOUS-COUCHE ment fonction du nombre de cycles N . Dans [8] on pro-
ET USURE SUPERFICIELLE pose une relation de la forme :
 
Dans cette partie, nous présentons des éléments de δd σM − σ1 (σ̄ ) σM − σ̄ β
=
modélisation permettant de quantifier les effets de la dété- δN σu − σM B(σ̄ )
rioration en sous-couche : un modèle d’endommagement

89
L. Chevalier, H. Chollet

Coefficients 42CrMo4 traité dans la 42CrMo4 traité dans la superficiellement ne dépasse pas 700 MPa, le nombre de
matériau masse sans traitement masse avec trempe cycles à rupture est extrêmement grand (nous sommes en
superficiel superficielle par induction dessous de la limite d’endurance).
σu (Mpa) 1 000 2 100
σ1o (MPa) 350 700 Des considérations thermodynamiques présentées
b (MPa−1 ) 0,0039 0,0019 dans [10] permettent d’introduire une contrainte équi-
Bo 16 950 35 166 valente au sens de l’endommagement notée σ ∗ . Cette
β 5 5 contrainte joue le même rôle que la contrainte de trac-
tion dans un essai uniaxial et peut être utilisée dans le
Figure 18. Coefficients estimés de la loi d’endommagement. diagramme de Wöhler. C’est l’analogue de la contrainte
équivalente de von Misès que l’on compare avec la limite
élastique. Cette contrainte est définie par la relation (10) :
r
∗ 2
σ = (1 + υ)σéq
2 + 3(1 − 2υ)hσ i2
H (10)
3
où σH est la contrainte hydrostatique, et σeq la contrainte
équivalente de von Misès. La contrainte hydrostatique de
compression referme les microcavités et ralentit l’évolu-
tion de la coalescence des défauts. La notation hσH i in-
dique que l’on ne considère que la partie positive de σH ,
c’est-à-dire :
n
σ si σH ≥ 0
hσH i = H
0 si σH ≤ 0
On peut faire apparaître la dépendance du coefficient de
Figure 19. Courbes de Wöhler approximatives des échantillons Poisson et de la triaxialité des contraintes en introduisant
traités et non traités superficiellement.
le coefficient Rυ défini par la relation (11) :
 
avec : 2 hσH i 2
 Rυ = (1 + υ) + 3(1 − 2υ) (11)
σ1 (σ̄ ) = σ̄ + σ1o 1 − b σ̄ 3 σéq
 
B σ̄ = Bo 1 − b σ̄ On constate que la contrainte équivalente au sens de l’en-
dommagement suit la même évolution que la contrainte
Lorsqu’on intègre cette loi entre, d = 0 pour N = 0
de von Misès à un facteur près Rυ . Lorsque la contrainte
et d = 1 pour N = NR on obtient une relation qui
hydrostatique est négative, ce qui est le cas du contact
donne le nombre de cycles à rupture en fonction des
came–galet, le coefficient Rυ est assez voisin de 1.
caractéristiques du cycle de fatigue. C’est une forme
p
analogue aux traditionnelles courbes de Wöhler : σ ∗ = σéq Rυ
 
σu − σM B(σ̄ ) β La figure 20 montre l’évolution de la contrainte σ *, pour
NR =
σM − σ1 (σ̄ ) σM − σ̄ les rondins 2B (non traité superficiellement) et 6A (traité
superficiellement), en fonction de la profondeur z au droit
Les caractéristiques mécaniques des matériaux ont été du centre du contact. Dans le cas du rondin 2B, il faut
déterminées en effectuant des essais de traction sur des s’attendre à observer une couche assez fortement endom-
éprouvettes taillées dans un rondin de 42CrMo4 trempé magée jusqu’à 1 mm de profondeur. En revanche, compte
dans la masse, une éprouvette dans la zone traitée et tenu de la limite d’endurance beaucoup plus élevée du
une dans la zone non traitée. Ces résultats permettent rondin 6A il est probable qu’il n’y ait pas d’endomma-
d’estimer les coefficients de la loi d’endommagement gement observable en sous couche. Par ailleurs, compte
à partir d’approximations raisonnables justifiées par les tenu de la faible limite élastique du rondin 2B et du haut
nombreux résultats présentés dans [9], par exemple. Pour niveau de contrainte appliquée, il est fort probable que le
les deux nuances, les courbes de Wöhler ainsi obtenues matériau plastifie en sous-couche. Il faut s’attendre à un
sont représentées sur la figure 19. On constate que si durcissement du matériau sur la profondeur plastifiée due
le niveau de contrainte appliqué sur les rondins traités à l’écrouissage.

90
Endommagement des pistes de roulement

ment. Alors seulement la dureté décroît, la plus grande


valeur de dureté atteinte sert de référence Hv0 .
Pour avoir une information locale de l’endommage-
ment, on effectue une mesure locale de la dureté. C’est la
microdureté : elle se mesure classiquement en imposant
une indentation concentrée à l’aide d’un poinçon, puis
en mesurant l’empreinte laissée par ce dernier. Plus le
poinçon s’enfonce dans le matériau, plus ce dernier est
« mou » : plus sa limite d’élasticité est basse. Si le maté-
riau est localement écroui alors sa limite élastique aug-
mente ainsi que sa dureté. La dureté Vickers Hv est défi-
nie comme le rapport de F par la surface totale de l’em-
preinte. Avec F en gramme force et D en µm, on calcule
la dureté Vickers par la relation (13) :

F
Hv = 1 854,4 (13)
D2

Le micro duromètre est constitué d’un microscope,


équipé d’un système permettant de mesurer la taille
des objets que l’on observe au plus fort grossissement,
couplé à un mécanisme effectuant des indentations. Il
est possible de faire varier la masse appliquée ainsi que
le temps d’indentation. Ce système permet de mesurer
la dureté d’une manière très locale, une indentation fait
Figure 20. Contraintes en sous-couche dans les rondins 2B et entre 20 et 80 µm de coté. On peut donc effectuer des
6A. mesures à moins de 100 µm les unes des autres. Ce
système présente certains inconvénients. La petitesse de
la taille de l’indentation génère des dispersions assez
3.1.2. Mesures de microdureté importantes si la taille de l’empreinte est proche de la
en sous-couche taille de la microstructure du matériau. Selon le lieu où
Des études réalisées au LMT-Cachan [11, 12] ont éta- est effectuée la mesure, sur le joint de grain ou sur une
bli que la microdureté permet de caractériser l’endom- impureté, le résultat peut être différent.
magement local du matériau. En effet, la microporosité
évolue au sein d’un matériau endommagé et on observe 3.1.2.1. Mesures de microdureté sur piste non traitée
alors une chute de la dureté. Cette diminution de dureté Nous présentons les résultats relatifs à la piste 2B.
est liée à la variable d’endommagement par la relation Elle est découpée comme indiqué sur la figure 21. Sur les
(12) : photos de la figure 22, on observe l’allure des empreintes
Hv et les tailles caractéristiques de ces empreintes. Les
d =1− (12) mesures présentées ont été effectuées dans une zone se
Hv0
situant sur l’axe de symétrie de la piste de roulement. Les
Hv : dureté après endommagement résultats de mesures sont récapitulés sur le graphe de la
Hv0 : dureté de référence figure 23. Le roulage du galet sur la piste a modifié la
Il faut noter que suivant la manière dont le matériau dureté du matériau en profondeur. Sur ce graphique on
s’endommage, la dureté de référence Hv0 prend des va- distingue deux zones.
leurs assez différentes. Dans le cas de la fatigue à grand (1) Une zone située entre z = 0 et z = 2 mm où
nombre de cycles, si on est assuré que le matériau ne plas- Hv évolue suivant une forme que l’on peut comparer
tifie jamais, alors la dureté de référence est la dureté du à l’évolution de la contrainte σéq . En effet, le pic de
matériau vierge (rondin 6A, par exemple). En revanche, si contrainte vaut 600 MPa (très proche de Re ) ce qui
le matériau plastifie (rondin 2B), l’écrouissage induit une permet de penser qu’au cours des cycles il y a eu
augmentation de la dureté jusqu’au seuil d’endommage- écrouissage du matériau. Entre 0 et 1 mm, la contrainte

91
L. Chevalier, H. Chollet

Figure 21. Découpage des échantillons avant la réalisation des essais de microdureté.

Figure 22. Empreintes des essais de microdureté : espacement des mesures.

est forte et le matériau s’endommage. Au-delà il y a


seulement écrouissage ; la contrainte est trop faible pour
endommager notablement le matériau.
(2) Une zone non affectée au-delà de z = 2 mm. Dans
cette zone le matériau est sain.
Ces mesures sont à comparer aux répartitions de
contraintes en sous-couche. Les commentaires relatifs au
type de détérioration en fonction des caractéristiques du
matériau se trouvent ainsi justifiés.

3.1.2.2. Mesures de microdureté sur les pistes traitées


Nous présentons sur la figure 25, des mesures effec-
tuées sur les rondins 6A et 6C. La face de mesure est
choisie dans un plan diamétral du rondin de manière à
Figure 23. Relevés de microdureté en profondeur au droit du visualiser les variations de dureté suivant x et z pour le
contact : échantillon non traité. même échantillon (figure 24).

92
Endommagement des pistes de roulement

La figure 25a illustre certaines mesures effectuées


sur l’échantillon P1 (rondin 6A). La photo a été prise
à la loupe binoculaire après les mesures. On peut y
voir en bas de l’image, la trace laissée par le roulement
du galet. Cette trace indique clairement que le galet a
creusé sa piste de roulement. On voit aussi très nettement
les positions des différents relevés de micro dureté par
rapport à la piste. Seul le relevé correspondant à l’axe de
symétrie de la piste est reproduit dans le graphe.
Notons que la dureté reste parfaitement stable jusqu’à
une profondeur de 5 mm au-delà de laquelle la trempe
superficielle n’a pas eu d’effet. À une telle profondeur les
Figure 24. Découpage avant réalisation de microdureté : contraintes sont extrêmement faibles et n’endommagent
échantillon traité superficiellement. plus le matériau.

Figure 25. Relevés de microdureté : l’échantillon traité superficiellement n’est pas affecté en sous-couche.

93
L. Chevalier, H. Chollet

Figure 26. Répartition surfacique des efforts tangentiels q(x) dans le cas d’un problème plan : (a) cas statique : on observe du micro-
glissement de part et d’autre du contact ; (b) mouvement relatif de roulement en régime stationnaire ; le contact est collant à l’avant
du contact du glissement sur l’arrière.

Sur la figure 25b, nous présentons aussi les résultats d’effort pour générer un éventuel glissement. Lorsqu’il
des mesures effectuées sur l’échantillon P3 (rondin 6C). y a des efforts tangentiels transmis d’un solide à l’autre
Notons que la piste de roulement se trouve cette fois sur alors le problème devient plus complexe.
le haut de l’image. La zone creusée est encore plus nette
que sur l’échantillon P1. La profondeur du traitement
est identique (5 mm environ). Ces mesures montrent que 3.2.1. Microglissement avec ou sans
globalement la dureté du matériau en sous-couches des mouvement relatif entre solides
pistes P1 et P3 n’a pas été modifiée par les contraintes
Considérons un coefficient de frottement µ si élevé
exercées par les galets. La dureté moyenne mesurée
sur la piste P1 (Hv = 722 MPa) est supérieure à celle qu’il ne se produit pas de glissement macroscopique :
de la piste P3 (Hv = 650 MPa). Ces différences entre le contact est dit collant. Dans le cas d’une charge
les deux pistes semblent dues à des caractéristiques de tangentielle Q entre les deux solides en contact, la
départ différentes (traitement thermique) plutôt qu’à une mécanique des milieux continus [13] permet de calculer
modification provoquée par le chargement des galets. la distribution de forces tangentielles surfaciques q(x).
Celle-ci admet une singularité sur les bords extrêmes de
Les profils de microdureté montrent que les rondins la bande de contacts (distribution analogue à ce qui se
traités superficiellement ne sont pas affectés en sous- passe en pointe de fissure). Cette distribution d’effort
couche par le roulage des galets. Cependant les profils tangentiel q(x), illustrée sur la figure 26a, est donnée par
sont usés sur une largeur bien supérieure à ce que la relation (14) :
peut prédire un calcul de Hertz. Il est donc certain
que l’usure en surface modifie les courbures de la piste Q
et/ou du galet ; c’est la modélisation de ce processus de q(x) = (14)
π(a 2 − x 2 )1/2
détérioration que nous allons détailler par la suite.
Ceci est en contradiction avec les lois de frottement de
Coulomb. En effet, q(x) ne peut dépasser la valeur µp(x)
3.2. Usure superficielle où µ est le coefficient de frottement et p(x) la pression
par micro-glissements au contact de contact. Il existe inévitablement un microglissement
au bord de la bande de contact sur deux zones centrées
Lors du contact statique entre deux solides, si l’effort de largeur (a–c). Puisqu’il y a du glissement, il en résulte
transmis est normal au plan de contact, les formules une répartition de charge q(x) = µp sur les bords. Dans
de Hertz donnent la répartition d’efforts surfaciques la zone centrale où le contact reste collant q(x) reste
normaux. Dans ce cas, il n’y a aucune composante définie par la relation (14).

94
Endommagement des pistes de roulement

Si les deux solides passent progressivement du repos Dans le cadre de cette application, on considère tou-
au roulement relatif stationnaire, on montre dans [14] que jours que la répartition de pression de contact est, au dé-
la répartition d’efforts tangentiels q(x) passe de l’allure part, du même type que celle proposée par Hertz. D’une
présentée sur la figure 26a à celle de la figure 26b. manière plus générale, les défauts de mise en position re-
Le roulement d’une surface sur l’autre conduit à un lative des deux solides peuvent faire apparaître plusieurs
déplacement de la zone de contact collant vers l’avant mouvements relatifs parasites : on les appelle les pseudo-
du contact (x > 0 sur la figure). Le microglissement se glissements. Lorsque ces pseudoglissements existent, la
produit vers l’arrière du contact et la répartition q(x) dans puissance dissipée peut être considérable. Elle est moins
cette zone est égale à µp(x). importante lorsque le positionnement du galet est correct
et qu’il y a globalement roulement sans glissement sur
3.2.2. Calcul du microglissement la piste de came. On peut distinguer l’influence de trois
par l’algorithme FASTSIM types de pseudoglissement (figure 27) :
Cas 1. Pseudoglissement longitudinal (ou de traînée) : il
FASTSIM est un algorithme de calcul simplifié conçu
par Kalker [15] et exploité encore récemment par son apparaît dans le cas du contact came–galet lorsqu’il n’y
auteur dans [16, 17]. Cet algorithme permet de calculer a pas exactement roulement sans glissement au centre de
les forces au contact came-galet à partir des paramètres l’ellipse de contact. Ceci peut être dû à la lubrification
du contact (géométrie, cinématique et matériau) et des qui diminue l’adhérence et/ou à un effort tangentiel
pseudo-glissements et que nous allons définir. Dans important provenant de la traînée du galet. Même dans
la suite de cette partie on présente le principe et les le cas où cette traînée n’est pas suffisante pour provoquer
possibilités de ce logiciel pour résoudre les problèmes un glissement global il peut y avoir microglissement et
de contact came–galet. Il s’agit d’une méthode simplifiée donc dissipation à l’interface.
qui suppose l’existence d’une zone de contact collant Cas 2. Pseudoglissement de spin : ici encore c’est un
à l’avant du contact. La zone de contact est considérée défaut de mise en position de l’axe du galet qui est
comme un « tapis de ressorts ». à l’origine du pseudoglissement. Ce dernier, caractérisé

Figure 27. Influence des défauts de mise en position et de traînée du galet sur les pseudoglissements.

95
L. Chevalier, H. Chollet

par l’angle ϕx , induit une rotation relative autour de la avec :


normale à l’ellipse de contact (ici l’axe Z) que l’on
δVx δVy ϕx
appelle le pivotement ou le spin. Ce spin est à l’origine υx = , υy = = −ϕz , φ=
de fortes usures sur les zones de bord de l’ellipse où la V V Rg
pression est faible.
Ces quantités serviront d’entrée au logiciel FASTSIM. En
Cas 3. Pseudoglissement transversal (de dérive) : le dé- pratique, les solides ne sont pas rigides mais déformables,
faut de perpendicularité entre l’axe de rotation du galet il faut prendre en compte les déformations au niveau
et la vitesse du centre du galet est à l’origine du pseudo- de la zone de contact. Soient ux et uy les composantes
glissement de dérive. Si le défaut est suffisamment faible, des déplacements relatifs entre les solides provenant des
la déformation au contact assure le maintien de l’adhé- déformations. Ces déplacements contribuent aussi à la
rence. Par contre, une forte valeur du défaut angulaire est vitesse de glissement locale et aux composantes Vgx et
à l’origine de forts glissements. Vgy il convient d’ajouter vx et vy qui valent :
Dans l’hypothèse où les corps en contact sont suppo-
sés rigides, on peut calculer la vitesse de glissement géo- ∂ux ∂uy
vx = V , vy = V
métrique entre la came et le galet en tous points de l’el- ∂x ∂x
lipse de Hertz par la relation (15) : en régime stationnaire. Ces déplacements proviennent de
E g ∧ Cg M − Ω
vEg (M ∈ galet/rondin) = Ω E r ∧ Cr M (15) la déformation, l’hypothèse du « tapis de ressorts » per-
met de considérer que ces déplacements sont propor-
Cg et Cr sont des points des axes de rotation du galet tionnels aux contraintes tangentielles τx et τy . Soit L
et du rondin. Les Ωi sont les taux de rotation de ces la raideur tangentielle du contact qui dépend du module
deux solides. L’axe Y est l’axe de rotation du rondin et d’élasticité G et des courbures au niveau du contact ; les
l’axe X est la direction de la vitesse du centre de l’ellipse équations cinématiques deviennent :
de contact appartenant au rondin. Dans cette base, les ∂τx
différents vecteurs de la relation ci-dessus s’écrivent : wgx = υx + yφ + L
∂x
0 x (17)
∂τy
ΩE r = ωr Cr M = y wgy = υy − xφ + L
0 Rr ∂x
L’algorithme FASTSIM propose de résoudre le système
−nx ωg −ϕz ωg x (17) pour des valeurs de vx , vy et φ connues en suivant
E g = −ny ωg ≈ −ωg
Ω Cg M = y des bandes longitudinales indépendantes (y = const) et
−nz ωg −ϕx ωg −Rg en supposant que le contact est collant sur le bord avant
du contact. Dès lors, les wgi sont supposés nuls et on
On en déduit les composantes X et Y de la vitesse de détermine une approximation des τi en résolvant :
glissement en tous points de l’ellipse de contact par les
  υx + yφ
relations (16) : ∂τx υx + yφ  
=−    τx = − x + const
Vgx = Rg ωg − Rr ωr + yϕx ωg ∂x L L

(16) ∂τy υy − xφ    2xυy − x 2 φ
=−  τy = − + const
Vgy = −Rg ϕz ωg − xϕx ωg ∂x L 2L
S’il n’y a pas de glissement au centre de l’ellipse la Les constantes sont déterminées par les conditions limites
quantité Rg ωg − Rr ωr est nulle, sinon on suppose qu’elle sur le bord de l’ellipse :
est faible. On la note δVx c’est le pseudoglissement s
longitudinal. De la même façon −Rg ϕz ωg est faible et
y2
on le note δVy : c’est le pseudoglissement transversal. Le τx = τy = 0 en x = a 1 − 2
terme restant provient du défaut angulaire autour de Z et b
engendre du spin. On calcule le module du vecteur tangentiel :
Pour travailler avec des grandeurs adimensionelles, on q
divise les deux relations précédentes par la vitesse du q(x, y) = τx2 + τy2
point de contact V (Rg ωg ou Rr ωr ). Ce qui donne :
Vgx Vgy On sait que le glissement apparaît dès que ce module
= υx + yφ, = υy − xφ vaut µp(x, y). Dès que le glissement apparaît on sature
V V
96
Endommagement des pistes de roulement

(a) (b)

(c) (d)
Figure 28. Cas de υx de 0,001 pour une charge N de 1 600 N et un coefficient µ de 0,3. (a) Dimensions réelles de l’ellipse de contact :
les éléments marqués d’un « s » saturent en effort tangentiel, il y a microglissement dans ces éléments. (b) Répartition des contraintes
tangentielles sur l’ellipse de Hertz adimentionnée : on notera que la valeur maximale est assez forte (170 MPa) néanmoins il y a
très peu de glissement. L’effort tangentiel global vaut 204 N ce qui est très inférieur à 0,3·1 600 = 580 N qui correspond au début
du glissement global. (c) Vue 3D du module de l’effort tangentiel (en Pa) : dans chaque bande parallèle à l’axe des X on retrouve la
distribution présentée précédemment. (d) Puissance par bande : sur chaque bande parallèle à X on somme la puissance locale ; dans
un processus stationnaire cette répartition donne une idée de la manière dont va s’user la piste de roulement.

les vecteurs tangentiels qui deviennent alors connus et le pseudo-glissements sur l’usure. Les quatre rayons de
système (17) permet le calcul des vitesses de glissement courbure valent :
réduites wgi .
Rg = 20 mm; Bg = 500 mm
Rr = 25 mm; Br → ∞
3.2.3. Résultats obtenus par l’algorithme
FASTSIM pour la géométrie galet L’effort normal est de 1 600 N ce qui correspond à la
sur rondin du banc d’essai charge maximale dans les souffleuses actuelles (figure 6).
La vitesse de rotation du rondin est de 750 tr·min−1 soit
À partir de simulations effectuées avec FASTSIM une vitesse linéaire du point de contact de pratiquement
nous présentons quelques résultats sur l’influence des 2 m·s−1 du même ordre que celle des souffleuses.

97
L. Chevalier, H. Chollet

(a) (b)

(c)
Figure 29. Cas d’un φ de 2,5 pour une charge N de 1 600 N et un coefficient µ de 0,3. (a) Répartition des contraintes tangentielles
sur l’ellipse de Hertz adimensionalisée : on notera la répartition très différente du cas précédent. Ici les vecteurs semblent tourner
autour de la zone centrale, les éléments saturés sont plutôt sur l’extériur du contact. (b) Puissance par bande (en W·m−1 ) : sur chaque
bande parallèle à X on somme la puissance locale, pour valider la méthode on montre que la finesse du découpage influe très peu
sur la puissance globale dissipée. Entre les deux découpages on passe de 14,85 W à 14,83 W soit une erreur de deux pour 1 000 sur
la puissance dissipée.

Le cas illustré sur la figure 28 correspond à un Les paramètres υx et υy ont une influence assez sem-
pseudo-glissement longitudinal de 1/1 000. Les quatre blable sur la puissance dissipée. Bien que le pseudo-
figures 28a, 28b, 28c et 28d montrent le type de résultat glissement transversal υy conduise à du glissement sui-
accessible par FASTSIM. vant la direction Y , on observe que la zone saturée est
Sur la figure 29, on étudie le cas où le paramètre υx identique à celle d’un coefficient υx de même valeur. Les
est égal à 0 avec un spin φ qui correspond à un défaut vecteurs tangentiels sont dirigés vers Y , néanmoins la
ϕz de 5 % (soit φ = 2,5). La répartition des contraintes puissance par bande a la même allure qu’avec du pseudo-
tangentielles est très différente et la puissance par bande glissement longitudinal. Les deux paramètres υx et υy
présente deux bosses qui permettent de supposer que ont un effet similaire sur l’usure.
l’usure sera plus élevée sur les extrémités du contact et Notons qu’un défaut de parallélisme ϕz conduit à une
moindre au centre. puissance dissipée plus importante que la même valeur

98
Endommagement des pistes de roulement

(a) (a)

(b)
(b)
Figure 31. Influence de la charge sur la puissance dissipée.
Figure 30. Influence de υy sur la puissance dissipée N = (a) Cas υx = 1/1 000. (b) Cas υx = 1/4 000.
1 600 N et µ = 0,3. (a) La répartition des contraintes tangen-
tielles sur l’ellipse de Hertz adimensionalisée cas υy = 1/1 000 :
on notera la répartition très différente du cas υx de même va- Néanmoins, sur la figure 31b, on observe que cette évolu-
leur. Ici les vecteurs sont tous orientés dans la direction Y . tion tend à inverser lorsque la charge devient plus impor-
(b) Puissance par bande : on notera la similitude de répartition
par bande avec υx = 1/1 000. tante. Pour des traînées faibles, on peut diminuer la puis-
sance dissipée et donc l’usure en chargeant un peu plus
le contact. La charge normale devenant plus importante,
de défaut ϕx . D’un point de vue technologique, il est la zone de microglissement diminue jusqu’à disparaître :
donc nécessaire d’éviter le spin qui provoque beaucoup on ne dissipe plus rien.
plus d’usure que la dérive. Cette remarque permet de
justifier les différences observées sur les pistes P1 et P2
qui ne sont pas usées de la même manière alors que 3.3. Évolution de l’usure superficielle
les conditions de chargement et de lubrification sont les
mêmes. Lorsque les conditions ne sont pas parfaites, les efforts
Sur la figure 31a on a tracé l’évolution de la puissance tangents conduisent à des glissements en surface qui se
dissipée pour une valeur de υx fixée (1/1 000) en fonc- traduisent, quand la lubrification est insuffisante, par une
tion de la charge normale N . On remarque que cette puis- usure par abrasion. Cette usure va à son tour modifier la
sance croît en fonction de la charge ce qui paraît naturel. géométrie des pièces en présence, jusqu’à ce qu’une des

99
L. Chevalier, H. Chollet

Figure 32. Bande centrale de l’ellipse virtuelle.


Figure 33. Différence entre l’ellipse de Hertz et celle déduite
de l’interpénétration.

courbures principales soit suffisamment irrégulière dans


la zone de l’ellipse potentielle pour que les hypothèses de largeur dy. Cette raideur normale est déduite de la
Hertz soient mises en défaut. raideur d’un contact Hertzien virtuel centré sur la bande,
de courbures principales correspondant aux courbures
En dehors des accostages, pour lesquels une dissipa-
locales en coïncidence.
tion longitudinale irrégulière peut intervenir, c’est surtout
en transversal que l’on s’attend à une courbure perturbée En effectuant l’interpénétration des surfaces non dé-
sur la pièce la plus fragile : la came des machines réelles formées, on détermine par ailleurs une intersection dont
ou le rondin des expériences sur banc. le contour dans le plan de contact doit être l’ellipse cal-
culée par Hertz. C’est sensiblement le cas si on interpé-
nètre les deux demi-espaces d’une hauteur très proche
3.3.1. Une méthode semi-Hertzienne 2D de δ/2, δ étant le rapprochement entre les deux corps
Si toutes les hypothèses de Hertz ne sont plus valables, élastiques dont Hertz a proposé une expression au même
on les conserve cependant dans la direction longitudinale, titre que les demi-axes a et b (figure 33). Ce n’est pas
où la répartition de pression est supposée toujours ellip- le rapprochement des deux zones près du contact, car
tique, d’où le qualificatif de semi-Hertzien. En revanche, les deux demi-massifs se déforment également dans la
pour déterminer la répartition de pression transversale, on masse.
doit repartir de la forme réelle relevée sur les éprouvettes, Pour retrouver plus précisément l’élancement de l’el-
et proposer une nouvelle méthode respectueuse des résul- lipse b/a par cette méthode d’indentation, on observe
tats de Hertz dans un cas Hertzien. qu’il est cependant nécessaire d’amplifier les différences
Dans l’hypothèse générale de surfaces quelconques, il de courbures longitudinale–transversale. Cette correction
serait nécessaire de simuler l’indentation de deux corps sera appliquée également en semi-Hertzien.
en 3D, donc d’effectuer des mesures et des calculs fasti-
dieux. Mais en conservant l’hypothèse d’une répartition 3.3.3. Application
elliptique en longitudinal, on se limite à interpénétrer par à la méthode des bandes
le calcul les deux profils transversaux non déformés. Il Dans le cas semi-Hertzien, une fois déterminée la
s’agit là encore d’exploiter l’idée du « tapis de ressort », raideur de contact de chaque bande, on effectue assez
en section transversale 2D, avec cette fois une raideur facilement une convergence vers l’indentation H . H est
normale des ressorts non linéaire de type Hertzienne, en le rapprochement des deux surfaces rigides pour lequel
2/3
ni et un écrasement des ressorts de la hauteur hi (fi- on obtient l’équilibre entre la somme des charges ni par
gure 32). bande et la charge normale globale N . Cet équilibre est
traduit par la relation (21) :
3.3.2. Détermination X X
de la raideur normale Hertzienne ni = (ki hi )3/2 = N (18)

D’un point de vue pratique, la raideur de chaque Cette convergence se fera sur les vecteurs pour tenir
ressort est celle d’une bande de longueur 2a et de compte de l’orientation des facettes des surfaces en pré-

100
Endommagement des pistes de roulement

Figure 34. Ellipse réelle, ellipse virtuelle.

sence. On obtient alors une répartition de pression sur des


longueurs de bande ai formant une surface de contact sy-
métrique avant–arrière, qui n’est plus forcément symé-
trique transversalement (figure 34). (a)

3.3.4. Intégration dans FASTSIM,


calculs de puissance
Il reste à appliquer à cette surface l’algorithme FAST-
SIM tel qu’il avait été écrit en Hertzien, les pseudoglis-
sements étant définis pour chaque bande. Par exemple, le
pseudoglissement υx sera déduit de la valeur 1R/R0 tel
que R0 est le rayon de roulement moyen et 1R la dif-
férence d’altitude entre le centre de la bande et le plan
du rayon moyen. À ce stade, il peut être utile de déter-
miner le rayon de roulement R0 tel que l’équilibre des
contraintes obtenues corresponde à la force de traînée
des roulements internes du galet, ce qu’on réalise une
nouvelle fois par convergence, le problème étant non li-
néaire.
Une des difficultés est de choisir des raideurs tangen-
tielles Li pour chaque bande, qui ne soient pas trop va-
riables d’une bande à l’autre, de façon à représenter un
effet progressif des variations de courbures représenta-
tif du cisaillement entre bandes, qui n’est pas pris en
compte par ailleurs. Une alternative souvent employée (b)
est de choisir un coefficient L moyen pour toute la sur-
Figure 35. (a) Usure du profil à la centième itération dans le
face [18]. cas d’un pseudo-glissement de traînée seul. (b) Répartition de
Le calcul de puissance dissipée s’effectue de la même pression et zone de contact comparée avec l’ellipse de Hertz
initiale.
manière qu’en Hertzien, l’énergie est attribuée linéaire-
ment à l’usure volumique des surfaces — ou de la sur-
face la plus tendre. On en déduit une nouvelle forme de
l’éprouvette, dont les courbures vont conduire à une nou- on présente sur la figure 35a, l’évolution du profil usé au
velle répartition de pression, un nouveau calcul de puis- bout de 100 passages de galet dans le cas d’une traînée
sance dissipée. . . de galet sans défaut de mise en position (υx = 2/1 000,
La progression de l’usure, nonobstant le fait que les φ = 0). Les conditions de chargement sont assez sévères :
calculs de convergence doivent être stables, est ainsi N = 2 600 N, µ = 0,1. Dans ce cas, on observe une
simulée en régime stationnaire. En guise d’illustration, évolution de la largeur usée (figure 35b) qui augmente

101
L. Chevalier, H. Chollet

la piste et une valeur moyenne légèrement plus élevée que


dans le cas précédent.

4. CONCLUSIONS

Sur les rondins non traités superficiellement, d’im-


portantes variations de dureté en sous-couche montrent
que différents mécanismes se superposent : plastifica-
tion, écrouissage, endommagement. Une zone directe-
ment sous le contact est fortement endommagée alors
qu’entre 1 et 2 mm de profondeur l’écrouissage a durci
le matériau initial. De manière plus générale nous avons
montré, dans cette étude, l’importance de l’usure superfi-
cielle dès lors que le traitement thermique était suffisant
en sous-couche. De plus, dans les simulations présentées,
(a) apparaît clairement le rôle majeur des défauts de mise en
position ϕx et ϕz dans la puissance dissipée au contact et
donc dans l’évolution de l’usure superficielle.
À partir d’une hypothèse de linéarité entre le taux
d’usure et la puissance dissipée par bande on peut
modifier de manière incrémentale la courbure de la piste
et du galet. Ainsi l’évolution du creux laissé par le
galet sur la piste évolue au cours du temps et peut être
comparée avec les mesures effectuées sur le banc d’essai.
Des travaux sont en cours actuellement au LMT Cachan
sur ce point et une collaboration avec l’Inrets, devrait
permettre la mise au point d’un logiciel simulant l’usure
des pistes de roulement non seulement sur banc d’essai
mais aussi pour le processus non-stationnaire du système
d’ouverture fermeture moule présenté dans la première
partie de l’article.

RÉFÉRENCES

[1] Legrand E., Robbe-Valloire F., Analyse des efforts tangentiels


dans les contacts billes-bagues non lubrifiés, Bulettin SFM,
(b) Rev. Fr. Méc. 2 (1994) 93–102.
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Figure 36. (a) Usure du profil à la centième itération dans le cas Math. Comput. Model. 28 (1998) 29–36.
d’un pseudo-glissement de traîné et du spin. (b) Répartition de [3] Chabrand P., Dubois F., Raous M., Various numerical methods
pression et zone de contact comparée avec l’ellipse de Hertz for solving unilateral contact problems with friction, Math.
initiale. Comput. Model. 28 (1998) 97–108.
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solids: the fully coupled approach, Math. Comp. Model. 28
(1998) 153–170.
au cours des passages successifs et qui conduit, à terme, [5] Chevalier L., Fonction roulement : détérioration des pistes de
à une usure sur toute la largeur du galet. cames, Technologie 104 (1999) 31–43.
[6] Chollet H., Étude en similitude mécanique des efforts tangents
Sur la figure 36, on illustre l’influence d’un dé- au contact roue-rail, Thèse, Université Paris 6, juin 1991.
faut de mise en position conduisant à du spin (υx =
[7] Soua B., Étude de l’usure et de l’endommagement du roule-
2/1 000, ϕz = 5/1 000 ⇒ φ = 0,2). On obtient dans ce ment ferroviaire avec essieux non rigides, Thèse ENPC soute-
dernier cas, une usure plus grande sur l’un des bords de nue en mars 1997.

102
Endommagement des pistes de roulement

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