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Explication linéaire n°4 – Texte Bac STMG

Victor HUGO, Notre Dame de Paris, livre VIII, 1831


Texte du parcours - Synthèse

ATTENTION : cette synthèse sera présentée sous la forme d’un plan de commentaire composé.

I. Présentation
Notre Dame de Paris est un roman historique de Victor Hugo, publié en 1831. Dans cette œuvre, Victor Hugo,
dans une opération démiurgique, entreprend de ressusciter le Paris du XVe siècle. Pour ce faire, il situe l’action de
son roman sur l’île de la Cité, et fait de la cathédrale de Notre Dame l’un des personnages majeurs de son œuvre.
L’extrait étudié se situe au livre VIII. L’archidiacre de Notre Dame, Claude Frollo, fou amoureux de la jeune
bohémienne Esméralda, fait poignarder par jalousie Phoebus, l’homme qu’elle aime. Esmeralda est alors accusée à
tort et condamnée à la pendaison.
C’est alors que Quasimodo, le sonneur sourd et bossu de Notre Dame enlève Esméralda et se réfugie sur les
hauteurs de la cathédrale. De fait, au Moyen-Âge, cette dernière constituait un asile permettant d’échapper à la
justice humaine.

II. Mouvements (uniquement pour l’explication linéaire)

Mouvement I : Quasimodo, un personnage ambivalent (l. 1-9).

Mouvement II : Quasimodo, un personnage vengeur investi d’une puissance divine (l. 9 à 17).

III. Projet de lecture

Nous montrerons comment la représentation d’un personnage marginal permet une réflexion sur l’injustice
humaine.

IV. Analyse

I. Quasimodo, un personnage ambivalent

A. Le monstre de Notre Dame

Le bossu Quasimodo, au début de notre extrait, apparaît de prime abord comme un monstre. Le monstre,
conformément à son étymologie latine (du latin monstrum : « prodige de la nature ») est un être qui, sur le plan
physique ou moral, excède les limites de la nature. Le monstre est en effet une aberration qui peut être source
d’effroi.
Cette difformité, ainsi que la terreur qu’elle suscite, est explicitement mise en valeur par le texte :

 « Sa grosse tête chevelue s’enfonçait dans ses épaules comme celle des lions qui eux aussi ont une
crinière et pas de cou » l. 2-3.

 « Son œil de gnome » l. 8.

Les images du lion et du gnome font de Quasimodo une créature effrayante, caractérisée par sa bestialité. Elles
l’assimilent à une gargouille, comme les celles qui ornent les façades des cathédrales gothiques et donc, de Notre
Dame de Paris.
Cette assimilation entre le sonneur de cloches et la cathédrale apparaît à de nombreuses reprises dans le roman
de Victor Hugo. Nous la retrouvons également dans notre texte :
 « Ses larges pieds semblaient aussi solides sur le pavé de l’église que les lourds piliers roman » l.2-3

On peut noter que la confusion entre Quasimodo et Notre Dame prépare le renversement moral qui interviendra
dans la suite du portrait physique du bossu. En effet, le mouvement du Romantisme – auquel appartient Victor
Hugo – se passionne pour l’art gothique médiéval, qu’il oppose aux lignes rigoureuses du classicisme hérité de
l’Antiquité. Pour les artistes romantiques, l’art gothique est à la fois source d’admiration et d’effroi. Admiration
pour la richesse infinie de l’architecture médiévale, sa maîtrise de l’ombre et de la lumière rendue possible par
l’art du vitrail. Effroi face à l’incroyable profusion des figures grotesques qui ornent les façades des cathédrales :
gargouilles, démons, cortèges de saints suppliciés… De l’observation de l’art gothique naît au XIXe siècle la
légende noire du Moyen-Âge, période fantasmée toute emplie par le respect de Dieu et la crainte des démons,
sombre période où l’on tremblait sous les voûtes des églises en attendant le Jugement Dernier.

Quasimodo, avec sa beauté paradoxale, naissant de la hideur même, est donc le produit de cette vision fantasmée
par le Romantisme du Moyen-Âge et de l’art Gothique.

B. La beauté paradoxale de Quasimodo

La première partie du texte s’achève sur l’image stéréotypée du monstre dévoreur de jeunes filles. Le contraste
entre la fragilité d’Esmeralda est l’apparente dureté de Quasimodo est d’ailleurs mise en valeur au moyen d’une
antithèse :

 « Il tenait la jeune fille toute palpitante suspendue à ses mains calleuses » . l. 4

Le texte instaure cependant une rupture, marquée par la conjonction de coordination mais l. 4. Loin de la
bestialité qui le caractérisait au début du texte, le portrait de Quasimodo se révèle infiniment plus complexe,
puisqu’il se révèle d’une incroyable tendresse à l’égard d’Esmeralda :

 « Mais il la portait avec tant de précaution qu’il paraissait craindre de la briser ou de la faner. On eût dit
qu’il sentait que c’était une chose délicate, exquise et précieuse » l. 4-6

L’emploi du verbe « sentait » fait de Quasimodo, non pas un monstre, mais un être sensible, doué d’humanité et
d’empathie. Le texte va même plus loin, puisqu’il fait de Quasimodo une figure maternelle :

 « Il la serrait avec étreinte dans ses bras […] comme eût fait la mère de cette enfant ; son œil de gnome,
abaissé sur elle, l’inondait de tendresse, de douleur et de pitié » l. 8-9.

La douleur et la pitié, deux vertus chrétiennes, ainsi que la posture de Quasimodo, tenant étroitement Esmeralda
dans un geste de douleur contre son sein, ne peuvent qu’évoquer le motif religieux de la Pietà 1. Associé à la Vierge
Marie – la figure par excellence de la maternité – Quasimodo se retrouve auréolé d’une beauté paradoxale.

Le caractère paradoxal de cette beauté est souligné par le texte, lequel insiste, par l’usage du déterminant
démonstratif à valeur péjorative, sur le caractère extraordinaire de cette beauté qui semble soudain transfigurer
Quasimodo : « Il était beau, lui, cet orphelin, cet enfant trouvé, ce rebut, il se sentait auguste et fort » l. 11

II. La marginalité au service d’une dimension réflexive

A. Quasimodo et Esméralda : deux figures de marginaux

Le texte prend soin d’opposer dans un premier temps Esmeralda et Quasimodo. A elle reviennent la beauté et la
délicatesse, à lui la dureté et la laideur :
 « Il tenait la jeune fille toute palpitante suspendue à ses mains calleuses comme une draperie blanche »
l. 4 ;
 « On eût dit qu’il sentait que c’était une chose délicate, exquise et précieuse, faite pour d’autres mains

1
La Piétà : dans l’art religieux, la Pietà est une représentation de la Vierge Marie tenant contre elle le corps du Christ après la
descente de croix.
que les siennes » l. 6

Pourtant, malgré leurs différences, Quasimodo et Esmeralda se réunissent, liés par une même caractéristique : la
marginalité. L’un est exilé de la société en raison de sa laideur, l’autre est injustement condamnée à mort : « Et
puis c’était une chose touchante que cette protection tombée d’un être si difforme sur un être si malheureux » l.
15-16.

Cette marginalité rassemble les deux personnages et les unit dans une lutte commune : la résistance à l’injustice
de la société humaine : « C’étaient les deux misères extrêmes de la nature et de la société qui se touchaient et
qui s’entraidaient ». l. 17

Cette dernière phrase possède une dimension réflexive, et laisse apparaître, en germe, ce qui deviendra deux des
principales préoccupations sociales de Victor Hugo après l’instauration, par la force du IIème Empire, en 1852 : la
nécessité de dénoncer la violence de la société, responsable de la misère humaine, et la nécessité pour le peuple
de s’unir pour résister à cette même oppression.

B. La transfiguration de Quasimodo : le représentant de la vengeance divine

Toutefois, en 1831, Victor Hugo ne possède pas encore les convictions démocratiques qu’il adoptera par la suite.
Quasimodo, en tenant tête depuis les hauteurs de Notre Dame aux juges qui ont condamné Esmeralda, ne se fait
pas le représentant du peuple maltraité, mais de la justice divine, corrigeant les erreurs de la société humaine.

Cette idée se matérialise par une réécriture de l’épisode biblique de la Transfiguration du Christ, que l’on trouve
dans les Evangiles (Mathieu, 17, 1-9). Dans cet épisode, Jésus se révèle sur le mont Thabor à ses disciples dans
toute sa gloire divine, poussant ces derniers à croire en son enseignement.
Dans notre texte, Quasimodo semble soudainement transfigurée par une beauté surhumaine, participant du
pouvoir divin.
Il est tout d’abord mentionné l. 8 : « son œil de gnome […] se relevait subitement plein d’éclairs ». La foudre,
tant dans les textes de la mythologie gréco-latine que dans l’Ancien Testament, est l’attribut du pouvoir divin.
L’éclair signale ici le caractère mystique du pouvoir dont se retrouve investi Quasimodo.

Quasimodo, malgré sa laideur, dispose alors d’une beauté surhumaine, reconnue par la populace qui s’agite sur le
parvis de Notre Dame : « Alors les femmes riaient et pleuraient, la foule trépignait d’enthousiasme, car en ce
moment-là Quasimodo avait vraiment sa beauté» l.9-10. Enthousiaste – c’est-à-dire, au sens étymologique,
« pénétrée par le souffle divin » - la foule reconnaît la beauté de Quasimodo, comme les disciples du Christ ont
reconnu sa gloire sur le mont Thabor.

Cette vengeance s’exerce contre la justice humaine, laquelle, en condamnant Esméralda, a transgressé les lois
divines en inculpant un innocent. Les membres de la justice humaine sont ainsi dépeints sous les traits de fauves
prédateurs, avide de dévorer leur proie : « cette justice humaine à laquelle il avait arraché sa proie, tous ces
tigres forcés de marcher à vide, ces sbires, ces juges, ces bourreaux » l. 13

Quasimodo, depuis les hauteurs de Notre Dame, devient ainsi l’instrument du pouvoir divin. Son intervention peut
alors se lire comme la manifestation de la volonté de Dieu, corrigeant l’injustice causée à l’encontre d’Esmeralda
par la justice humaine : « toute cette force du roi qu’il venait de briser, lui, infime, avec la force de Dieu » l. 14

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