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I. La montée en puissance
de la Chine : les limites
de l’ « ascension
pacifique »
II.
1- La Chine, une nouvelle
grande puissance
La Chine dispose aujourd’hui de tous les attributs d’une
grande puissance, même si elle ne se classe pas au
premier rang pour chacun des principaux critères. Elle est
devenue à n’en point douter une puissance
géoéconomique : première puissance commerciale du
monde depuis2009, premier PIB mondial à PPA en 2016 (les États-Unis conservant le titre pour le PIB à PPA par
habitant et restant de ce fait, selon le FMI, la première puissance économique mondiale),elle est forte de ses
réserves de change encore évaluées à 3 500 milliards de dollars en 2015.Elle assoit sa puissance financière en
prenant l’initiative de la BAII (Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures). De plus, sa monnaie –
le yuan, pourtant non convertible – est prise en compte depuis 2015 dans le panier de monnaies établissant la
valeur des droits de tirage spéciaux du FMI. Elle devient également une puissance géopolitique, hier régionale,
aujourd’hui mondiale. Disposant de l’arme nucléaire depuis 1964, occupant depuis1973 un siège permanent au
Conseil de sécurité de l’ONU, elle conforte sa puissance militaire et se présente aussi comme une puissance
spatiale depuis l’envoi du premier taïkonaute dans l’espace en 2003. La Chine est intégrée dans les institutions
internationales : elle est l’une des principales actionnaires de la Banque mondiale, participe au FMI et à l’OMC.
Elle a signé en2009 un accord de libre-échange avec l’ASEAN (elle fait partie de l’ASEAN+3 avec le Japon et la
Corée du Sud). Elle développe également un certain soft power : depuis 2004, des instituts Confucius ont été
ouverts dans 37 pays. La réussite des jeux olympiques de Pékin est aussi emblématique des ambitions du pays tout
comme l’exposition universelle de Shanghai, ainsi que le classement de Shanghai des universités mondiales.
2- La modernisation de l’armée chinoise
L’armée populaire de Chine représente 2,3 millions d’hommes auxquels s’ajoutent 1 million de réservistes.
Depuis1990, elle s’est engagée dans une vigoureuse politique de modernisation de son appareil militaire. Les
dépenses ont été multipliées par 5 entre 1990 et 2010 et ont atteint 145 milliards de dollars en 2015, ce qui place le
pays loin devant les autres puissances régionales (comme la Russie) et les puissances moyennes (comme la
France). Sa technologie est plus avancée : son premier avion furtif a été mis au point en 2011. Longtemps
puissance terrienne, la Chine développe considérablement sa flotte militaire, notamment pour marquer son
influence dans l’aire Pacifique et asseoir ses revendications en mer de Chine méridionale. Longtemps considérée
comme un « tigre de papier », l’armée chinoise rattrape son retard même si elle reste loin des capacités de
projection et d’intervention des États-Unis, ce qui conduit d’ailleurs la Chine à ne jamais s’opposer directement à
ceux-ci.
3- Les principales priorités de la politique étrangère chinoise
La première est de sécuriser ses approvisionnements, notamment énergétiques. Ses stratégies passent par la
sécurisation de routes maritimes et terrestres. C’est pour cette raison qu’elle développe un « collier de perles » en
s’assurant des appuis portuaires tout au long de la route maritime qui relie la Chine au golfe Persique. Elle défend
un projet de pipeline vers le littoral birman (gazoduc achevé en 2013 et oléoduc achevé fin 2014) pour contourner
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le dangereux détroit de Malacca. Cette stratégie passe aussi par des alliances commerciales et stratégiques dans le
cadre de la consolidation de ses relations avec les autres pays du Sud. La deuxième priorité est d’assurer la sécurité
et l’intégrité de son territoire. Une répression féroce est menée à l’égard des séparatismes intérieurs, notamment
tibétains et ouïgours. De même, Pékin fait pression pour le retour de Taïwan dans le giron de la République
populaire de Chine. Outre la question de la renégociation (précédemment évoquée) de certains tracés frontaliers, la
Chine défend ses frontières terrestres, d’où des conflits récurrents avec l’Inde, ce qui a fait l’objet d’une guerre
entre les deux pays en 1962, sans compter de nombreux accrochages militaires qui perdurent aujourd’hui. La Chine
cherche également à asseoir son contrôle sur son environnement maritime, d’où les multiples conflits insulaires
avec les pays voisins. (cf. mer de Chine méridionale).La troisième priorité de Pékin est d’être reconnue comme une
puissance régionale qui se déclinerait de la sorte envers ses voisins, envers le Sud-Est asiatique, envers l’Asie en
général et envers l’aire Pacifique. La Chine soutient le régime nord-coréen, le Pakistan, pays rival de l’Inde. Ainsi,
la BAII va-t-elle financer le programme de développement des infrastructures au Pakistan. Le projet vise à doubler
la capacité électrique du Pakistan (centrales thermiques, grand barrage hydroélectrique, parcs d’énergies
renouvelables) mais il est aussi un moyen pour la Chine de renforcer ses liens avec ce pays (et de faire du port de
Gwadar une des« perles » de son collier), de développer ses confins occidentaux et de contrecarrer la puissance de
l’Inde dans le monde indien. Ce projet trouve un écho dans le projet de Corridor économique Chine-Pakistan
énoncé en 2015. À travers l’OCS de Shanghai et la volonté de ressusciter les routes de la soie (mais cette fois pour
les hydrocarbures), l’empire du Milieu étend son influence en Asie centrale. La quatrième priorité est de limiter
l’influence américaine en Asie orientale. En effet, les rivalités sino-américaines sont de plus en plus patentes en
Asie. Les États-Unis protègent de nombreux pays de la région (Japon, Taïwan, pays d’Asie du Sud-Est) et exercent
un véritable containment régional limitant les ambitions d’une Chine qui se pense elle comme nouveau « deuxième
grand » du monde.
La Chine promeut donc l’idée d’une « montée en puissance pacifique ». Ainsi, elle constitue le poids lourd des
BRICS et est à l’initiative de rapprochements économiques entre ses membres : les deux établissements financiers
créés par les BRICS, la Banque asiatique d’investissements dans les infrastructures – BAII – et la Nouvelle banque
de développement BRICS – NDD BRICS –, ont toutes deux leur siège à Shanghai, mais leurs présidents sont issus
des autres pays des BRICS (Inde pour la NDD). Les deux banques sont des alternatives séduisantes au FMI (car
leurs prêts ne sont pas conditionnés) et à la BAD (Banque asiatique de développement), aux financements
majoritaires japonais et américains. À terme la BAII compte sur un capital de 100 milliards de dollars et la NDD
BRICS 150 milliards, chacune d’entre elles équivalant donc à un tiers des capacités de financement du FMI.
4- -Les limites de la puissance chinoise
Pour autant, la montée en puissance de la Chine se heurte à certaines limites. Sur le plan intérieur, les inégalités
sociales et régionales, toutes deux considérables, aboutissent à un climat de tension jusqu’ici maîtrisé par
l’autoritarisme du pouvoir. Le ralentissement de la croissance renforce ce premier facteur limitant. De même, le
soft power est limité par l’image d’un pays répressif que la Chine donne au monde : la magnificence des Jeux
olympiques de Pékin ne font pas oublier la répression de Tian’anmen de 1989 et le nombre de prisonniers
politiques. Sur le plan régional, l’éventualité d’un leadership chinois est contestée et combattue par le Japon et
l’Inde, mais aussi par les pays d’Asie du Sud-Est qui se tournent vers les États-Unis pour contrecarrer les ambitions
de Pékin. Ainsi, l’affirmation de la puissance de la Chine, si elle a compliqué les relations de plus en plus
asymétriques qu’elle entretient avec ses voisins, a rendu encore plus délicates les relations sino-américaines. Ces
dernières reposent sur un mélange de coopération économique, culturelle, voire environnementale (alors qu’à la
Conférence de Paris en 2009, la Chine s’était faite la porte-parole des pays émergents gourmands d’énergies
fossiles, le pays s’est rallié à la lutte contre le réchauffement climatique et à la COP 21) et de différends
géostratégiques (aux premiers des quels figure la question de Taïwan, celle du détroit de Formose et la politique
chinoise en mer de Chine méridionale) et politiques (droits de l’homme, cybersécurité).
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5- -La Chine de Xi Jinping
Sur le plan économique, la Chine aborde une nouvelle phase de son développement caractérisé par la fin de la
période de croissance extensive, par l’entrée dans une phase de croissance plus lente. Le pays prend lentement
conscience de la nécessité d’opérer des changements structurels de grande ampleur (question de la monnaie, de la
protection sociale, de l’environnement...).Sur le plan politique, on note une confirmation d’un État fort (contrôle
des média et des entreprises, renforcement de la censure – notamment dans le domaine du cyberespace, vaste
politique anti-corruption qui cache mal la lutte contre les opposants), la réaffirmation de la construction d’un «
socialisme avec les caractéristiques chinoises » (avec un volet clairement anti-occidental). La capacité du Parti
communiste chinois à assurer la continuité du pouvoir dans un contexte changeant est patente, tout comme l’est le
renforcement du pouvoir personnel de Xi Jinping, confirmé en octobre 2016 comme « noyau dur » autour duquel le
parti communiste doit s’organiser. Sur le plan diplomatique, on assiste à une affirmation chinoise utilisant toutes
les formes de la puissance. La volonté de leadership dans la gouvernance mondiale se confirme : présidence et/ou
organisation de sommets internationaux comme celui du G20 en 2016 et celui des BRICS prévu en 2017,
réactivation d’anciens mécanismes de coopération comme la CICA (Conférence pour l’interaction et les mesures
de confiance en Asie). Enfin, une véritable partie de poker se joue en Asie orientale avec les États-Unis : les
Philippines du nouveau président Rodrigo Duterte ont annoncé leur « séparation » d’avec les États-Unis et leur
rapprochement avec Pékin.
II. Les ambitions indiennes
Une des spécificités de la puissance indienne en émergence réside dans l’apparent paradoxe d’une
puissance militaire et nucléaire en devenir et d’un État qui est marquée par son passé de leader des
non-alignés et par son attachement au multilatéralisme.
1- Une jeune puissance en quête d’autonomie
stratégique
L’Inde, ancienne championne du neutralisme depuis la conférence de Bandung en 1955, revoie sa stratégie
militaire. L’armement du pays a été longtemps axé sur l’autodéfense du fait des tensions frontalières avec la Chine
et le Pakistan, mais aussi des guérillas internes comme celles des naxalites. L’armée de terre ponctionne ainsi 50 %
du budget militaire et est composée de 1,2 million d’hommes, auxquels s’ajoutent mercenaires et paramilitaires
mobilisés en renfort par l’État. Elle se transforme peu à peu pour devenir une force d’intervention à différentes
échelles. Dans les années 1960, le pays s’était tourné vers l’URSS qui l’avait soutenu sur la question du Cachemire,
puis lors de la guerre contre la Chine en 1962. Inde et URSS signent en 1971 un accord de coopération militaire qui
fait de l’URSS le premier fournisseur (près de 70 % des importations d’armes), notamment pour l’armée de l’air
(MiG) et pour le nucléaire militaire au moins jusqu’à l’invasion soviétique de l’Afghanistan en 1979. Le
programme nucléaire militaire indien est présenté comme force d’autodéfense (1974, premier essai nucléaire indien
: peace fultests, selon le gouvernement en place), réponse immédiate au premier essai nucléaire pakistanais. Mais
l’Inde a toujours refusé de signer le Traité de non-prolifération nucléaire et, après s’être rapprochée des États-Unis,
le pays coopère actuellement avec la Russie et Israël. Depuis les années 2000, devenue le premier importateur
mondial d’armement puisque l’industrie indienne ne couvre que 40 % de la demande, l’Inde diversifie ses
fournisseurs et négocie en plus avec les grands pays exportateurs d’armes (États-Unis, France, Israël).Le pays vise
la modernisation de l’armement des armées de l’air et de la marine avec augmentation des capacités de projection
permettant une intervention extérieure comme en témoigne la promesse d’achat de 36 rafales à l’industrie française
en 2016 et l’achat d’un porte-avion à la Russie, en attendant la mise en service du premier porte-avion made in
India, prévue pour 2018. Les autorités nationales affirment que le sous-marin nucléaire lanceur de missile est
presque terminé. L’Inde accumule également les missiles de moyenne et longue portée : missiles Prithvi II (350
km), missiles sol-sol Agni 1 (750 km), missiles sol-sol Agni 2(2 000 km), missiles sol-sol Agni 4 (3 500 km). En
conséquence, la part du PIB consacrée à la défense augmente et atteint actuellement 2,4 %.
L’Inde évolue dans un contexte géopolitique changeant et tourmenté dans chacun de ses cercles stratégiques
de relations. L’environnement régional de l’Inde est troublé : litiges frontaliers avec la Chine, guerre civile au
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Népal jusqu’en 2008, au Sri Lanka jusqu’en 2009.Depuis l’indépendance, les relations avec le Pakistan sont
conflictuelles, celui-ci ayant même accusé New Delhi d’avoir encouragé la sécession du Bangladesh en 1971.
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4- - Le troisième cercle : l’océan Indien et les
rivages africains
L’ambition indienne ne s’arrête plus aux influences terrestres : les espaces maritimes font désormais partie
des moyens de la puissance, ce qui nécessite une modernisation et un effort d’équipement sans précédent de la
marine indienne. L’Inde entend sécuriser sa péninsule en contrôlant les golfes (d’Oman à l’ouest, du Bengale à
l’est) et détroits qui la bordent. Elle étend ses « capacités de projection » dans l’océan Indien : à l’ouest, le
commandement Ouest (basé à Bombay) est tourné vers les détroits d’Ormuz et de Bab El-Mandeb ; à l’est, le
commandement Est (avec les avant-postes sur les îles Andaman) et sa la flotte surveillant les 2 millions km2 de
ZEE vers Malacca) et dans les détroits qui l’entourent, ce qui permet une surveillance de la grande route maritime
est-ouest qui passe au sud du pays. En effet, l’Inde s’inquiète des ambitions chinoises sur cette dernière à travers la
mise en place du « collier de perles »disposé par Pékin et sa réaction se manifeste sous deux formes : une
coopération avec les puissances maritimes rivales de la Chine dans le Pacifique (exercices militaires conjoints avec
les États-Unis et le Japon) et des accords spécifiques avec les pays (Qatar, Oman, Maurice, Madagascar,
Mozambique...) pour contrebalancer les alliés de la Chine (Myanmar, Sri Lanka, Seychelles, Iran, Soudan...). En
entretenant une vive tension sur la frontière himalayenne, la Chine oblige d’ailleurs l’Inde à y maintenir
d’importantes forces militaires, au détriment de leur déploiement par New Delhi dans l’océan Indien. Les relations
avec les pays du Golfe alliés aux États-Unis sont importantes : les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite sont
respectivement le premier et le quatrième partenaire commercial du pays. Les relations entre l’Inde et l’Afrique
sont anciennes et entretenues. De plus, la colonisation britannique a conforté la présence d’une diaspora indienne
dans certains pays africains de l’Est. Les années 2000 ont vu l’essor des relations économiques entre l’Inde et les
pays africains dans le cadre de relations Sud/Sud. Comme la Chine, l’Inde est un important importateur de matières
premières énergétiques : les deux pays sont donc rivaux dans la sécurisation de leurs approvisionnements et
l’exploitation de nouveaux gisements, notamment en Afrique. L’Inde organise des forums de coopération
économique (depuis 2008), multiplie les investissements dans les régions minières et dans les pays pétroliers.
Comme sa rivale, l’Inde est accusée de pratiquer le land grabbing. Troisième pays au monde pour les terres
cultivées à l’étranger, elle a investi dans de nombreux pays africains de l’Est (Kenya, Ethiopie...) ainsi qu’à
Madagascar et au Brésil, pour assurer sa sécurité alimentaire en céréales et en huile, mais aussi pour produire des
biocarburants.
5- Le quatrième cercle : l’Inde et le monde
L’Inde jouit d’une situation paradoxale à l’échelle mondiale : les héritages du non-alignement qui lui
confèrent une aura auprès des pays du Sud mais une distance des pays du Nord ; ces derniers ont confiance en
l’État de droit que représente l’Union indienne mais cette appartenance au clan des démocraties complique ses
relations avec nombre de pays voisins. Si l’Inde rentre dans la mondialisation à petits pas et au moyen de
multiplication de relations bilatérales dont elle sait tirer avantage, son soft power reste encore peu efficace à
l’échelle mondiale. Par exemple, Bollywood, premier centre mondial de production cinématographique, peine à
exporter ses réalisations hors des limites de l’Asie du Sud.
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III. Vers la réaffirmation du Japon ?
1- - Une puissance économique qui s’effrite ?
Le Japon a longtemps été qualifié de « géant économique mais de nain politique ». En effet, le Japon est
devenu la deuxième puissance économique mondiale dès la fin des années 1960.Dansles décennies 1970 et 1980,
les succès commerciaux du Japon ont entraîné de vives tensions avec les deux autres pôles de la Triade. Après
l’éclatement de la bulle immobilière en 1989, le Japon s’est englué dans une situation déflationniste dont il peine
encore à sortir en 2013. En effet, l’économie japonaise demeure morose et les Abenomics n’ont que des effets
limités, d’autant plus que le contexte tant régional – avec la décélération de la croissance chinoise –qu’international
– bas prix du pétrole et des matières premières sur lesquels les grandes maisons de commerce avaient spéculé à la
hausse – lui est défavorable. Cependant, malgré ces difficultés et même si le PIB chinois a dépassé en 2009 celui
du Japon, ce dernier jouit d’un PIB à PPA par habitant qui reste très élevé et demeure largement supérieur à celui
de la Chine.
Une puissance économique pérenne nécessite l’intégration dans une zone régionale où les relations avec les
pays voisins sont normalisées. C’est d’autant plus vital pour le Japon que sa population vieillit et que les
entreprises nippones ont absolument besoin de trouver des relais de croissance à l’extérieur. Les IDE émis vers
toute l’Asie orientale ont permis au Japon de jouer le rôle de développeur de l’Asie orientale et le Japon exerce
aussi la « diplomatie du chéquier » en apportant une aide publique au développement conséquente à certains pays
de la région
Les Abenomics
Il s’agit de mesures économiques d’inspiration keynésiennes du Premier ministre Shinzo Abe
[appartenant au PLD parti libéral démocrate, parti au pouvoir entre 1955 et 2009, puis depuis 2012]
reposant sur trois piliers : stimulus monétaire, relance budgétaire et réformes structurelles. Elles
visent à relancer l’économie japonaise par la consommation intérieure : hausse des salaires
demandée en échange d’une baisse des impôts sur les sociétés, hausse de la TVA pour réduire le
déficit public, politique bancaire favorable aux emprunts (la Banque du Japon proposant un taux
d’intérêt négatif en 2016) et dépenses publiques en hausse malgré le déficit déjà conséquent. Les
réformes structurelles relèvent quant à elles de la libéralisation économique tant dans certains
secteurs, notamment celui de l’agriculture, que dans l’ouverture internationale avec l’abandon du
protectionnisme. Le Japon négocie même des accords de libre-échange avec ses partenaires
commerciaux, notamment les États-Unis (TPPTrans-Pacific Partnership)
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navires patrouilleurs à destination de la mer de Chine méridionale), pour les Philippines (transferts de technologie
et d’équipement). Le Japon se rapproche également de l’Inde – qui développe sa flotte militaire – et se positionne
comme partenaire principal pour la transformation des îles d’Andaman et Nicobar en avant-postes stratégiques. Le
Japon veut cependant retrouver une place dans la géopolitique régionale et mondiale et ily est encouragé par son
protecteur américain. Tokyo est en effet à portée de missiles de la Corée du Nord et doit faire face aux prétentions
chinoises sur une partie de sa zone économique exclusive autour de l’archipel des Senkaku. De plus, dans un
contexte post Guerre froide, Washington souhaite alléger le coût de sa présence dans l’archipel. Enfin, du fait de sa
forte dépendance énergétique (aggravée par l’accident nucléaire de Fukushima qui a paralysé la quasi-totalité des
centrales du pays), le Japon, comme l’Inde et la Chine, a besoin d’assurer la sécurité de ses approvisionnements.
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5eflotte sillonne au large du Sri Lanka quand la 7eflotte navigue en mer de Chine orientale). Les États-Unis
déploient également des boucliers anti-missiles (Japon, Taïwan). Ils envoient des conseillers militaires
(Philippines). Ce dispositif a été allégé avec la fin de la Guerre froide : évacuation d’une partie des bases militaires
des Philippines, réduction des forces en Corée du Sud et au Japon. Il est réactivé après les attentats de 2001 dans le
cadre de la lutte contre le terrorisme, dont l’Asie constitue « le second front ». La diplomatie américaine
d’opposition à un « Axe du Mal » (Irak, Iran, Corée du Nord) lors des présidences de George W. Bush le renforce.
Les mandats de Barack Obama ne remettent pas en cause l’attention de Washington pour l’Asie : on parle même
de« pivotement stratégique des États-Unis vers l’Asie » qui semble s’accélérer avec la fin du dernier mandat de
Barak Obama : approfondissement de l’Alliance nippo-américaine en 2015,nouvel accord avec les Philippines
début 2016 (mais dénoncé en octobre 2016 par le nouveau président philippin qui annonce la fin de l’alliance
historique avec les Washington et un rapprochement avec la Chine) et levée de l’embargo sur les armes au Vietnam
en 2016également. En effet, l’Asie, et notamment l’Asie de l’Est, est une pièce maîtresse sur l’échiquier de la
puissance américaine. Les États-Unis se veulent aussi une puissance de l’océan Pacifique et leur principal
partenaire et concurrent est la Chine. Cela explique la rivalité entre Washington et Pékin dans la zone et, par-delà
elle, dans le monde. Cela se voit également sur le plan économique, dans la place que tient l’Asie de l’Est dans la
promotion d’une mondialisation à l’américaine. La signature, en février 2016, du TPP (Trans-Pacific-Partnership)
– dont la Chine ne fait pas partie et dont le Japon de Shinzo Abe attend beaucoup –et la bataille pour sa ratification
par le Congrès américain pendant le lame duck (courte période entre les élections et l’investiture du nouveau
président) le montrent.
Conclusion :
La multipolarité n’est pas le multilatéralisme Aucune puissance régionale ne parvient à un
véritable leadership, les trois asiatiques – soit parleur passé (impérialisme japonais des années
1930), soit par leur présent (Chine qui promeut son « ascension pacifique » mais tente de
redevenir l’empire du Milieu), soit par le caractère encore virtuel de sa puissance (Inde qui, de
plus, avait échoué à fédérer le Tiers-Monde sous la bannière du non-alignement) – neutralisant
leurs forces. Le jeu régional repose donc sur un équilibre de forces. On assiste ainsi à des
évolutions ambivalentes tant pour les puissances régionales (Chine, Japon) que pour les
puissances de rang moindre (Corée(s)) : d’un côté des signes d’apaisement, mais également des
provocations, notamment dans les zones maritimes convoitées. De plus, en Asie de l’Est, il
n’existe pas de système régional de sécurité ce qui permet aux États-Unis de jouer un rôle
prépondérant dans ce domaine. Présents dans la zone, les États-Unis n’y font pas non plus figure
d’hyperpuissance mondiale dans la mesure où ils doivent composer avec un Japon moins
conciliant (question d’Okinawa), une Chine à la fois partenaire et rivale, et une Inde qui compte
bien monnayer sa bienveillance. Cette multipolarité
est à la fois facteur de stabilité – notamment pour les
régimes politiques en place –et de tensions : la Chine
n’a pas réglé ses contentieux avec le Japon et encore
moins avec l’Inde.