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Régulièrement, les relations diplomatiques sino-japonaises connaissent des tensions

fondées sur des contentieux territoriaux, comme celui concernant les îles Diaoyu-Senkaku. Ces
derniers sont notamment le signe d’une profonde rivalité entre deux puissances. En effet, Japon
et Chine cherchent à étendre leur influence tant à l’échelle régionale (en Asie de l’Est et du Sud)
qu’à l’échelle mondiale.

Comment ces deux puissances se disputent-elles le leadership régional et développent-


elles des ambitions mondiales ? Pour ce faire, nous aborderons d’abord l’échelle de l’Asie
orientale et méridionale, avant de prendre en compte l’échelle planétaire.

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Tout d’abord, il y a une rivalité régionale sino-japonaise en Asie de l’Est et du Sud.

Pour commencer, cette rivalité est d’ordre économique. La Chine et le Japon se disputent
le leadership en Asie orientale et méridionale. Par leadership, on entend la capacité d’un État à
s’imposer comme puissance à une échelle donnée. Pour l’instant, il est partagé entre les deux
puissances qui réalisent à elles deux environ 70 % du PIB dans la région et plus de 60 % de son
commerce extérieur. Ainsi, le Japon reste le leader financier. Il est le principal investisseur et
créancier d’Asie orientale. Par ailleurs, il conserve une large avance technologique fondée sur
une économie de la connaissance qui s’appuie sur une recherche et une innovation permanentes
(robotique, informatique). A contrario, la Chine est le leader industriel et commercial : elle est, loin
devant le Japon, le premier producteur et exportateur de produits industriels de la région
(automobile, textile, téléviseurs).Cependant, la Chine cherche à combler son retard
technologique par de gros efforts d’investissement dans la recherche. Les deux puissances sont
également des partenaires : la Chine est le premier partenaire commercial du Japon ; celui-ci est
le premier investisseur étranger en Chine. Par ailleurs, leurs économies sont de plus en plus
intégrées et les flux sont en augmentation constante. Il y a aujourd’hui environ 500 000 Chinois
au Japon et 130 000 Japonais en Chine.

Par ailleurs, ces deux pays connaissent une rivalité géopolitique. Le contentieux
historique entre les deux pays, remontant à la première guerre sino-japonaise en 1895, puis, à la
Seconde Guerre mondiale (occupation japonaise de la Chine de 1931 à 1945) et à la guerre
froide (alliance du Japon avec les États-Unis contre la Chine communiste), continue d’interférer
dans leurs relations. Malgré la signature d’un traité de paix et d’amitié en 1978, il y a
régulièrement des poussées nationalistes anti-japonais et anti-chinois de chaque coté. De plus, il
subsiste des litiges territoriaux, comme pour l’archipel Diaoyu-Senkaku en mer de Chine orientale
qui est administré par le Japon mais revendiqué par la Chine. Cet archipel est prisé notamment
pour sa zone économique exclusive. De par sa puissance militaire, la Chine s’impose peu à peu
comme le leader régional, notamment avec sa stratégie du « collier de perles » qui consiste à
garantir la sécurité des voies d’approvisionnement de la Chine jusqu’au Moyen-Orient, tout en
encerclant par la même occasion l’Inde. La marine chinoise est aussi de plus en plus présente en
mer de Chine orientale. Pénalisé par sa démilitarisation (héritage de sa défaite en 1945), le
Japon utilise sa puissance économique comme un instrument géopolitique. L’aide publique au
développement lui permet de faire contrepoids à la puissance chinoise en se rapprochant des
États craignant la « menace chinoise » tels que l’Inde ou le Vietnam par exemple. Par ailleurs,
l’intégration régionale progresse, mais au profit de qui se réalisera-t-elle ? L’ASEAN oscille ainsi
entre une ASEAN+3 (où Chine, Japon et Corée du Sud sont en plus des 10 Etats membres de
l’ASEAN) où la Chine semble en position de force, et une ASEAN+6 (ASEAN+3 avec l’Australie,
la Nouvelle-Zélande et l’Inde en plus) où l’influence de Pékin semble diluée dans les
démocraties.

Des visions
di érentes de la
coopéra on

Par ailleurs, l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) regroupe la Chine, la Russie et


quatre pays d’Asie centrale, et tenant le Japon (et les États-Unis) à l’écart, permet à Pékin
d’affirmer son leadership régional.

En bref, à l’échelle régionale, les deux puissances rivalisent et leurs poids économique et
géopolitique restent de même ampleur, cependant, la Chine semble s’imposer comme leader. On
peut maintenant se demander ce qu’il en est à l’échelle mondiale.

Pour commencer, il y a également une rivalité économique. Depuis 2010, la Chine


devance le Japon : elle est désormais la 2e puissance économique mondiale, faisant passer son
voisin au 3e rang. Elle ambitionne de devenir la première puissance économique devant les
États-Unis, toujours au 1er rang. En 30 ans, la Chine a connu une forte croissance de son
économie, toujours en cours (8,2 % en 2013), en fondant sa puissance sur une main d’œuvre
peu chère qui peut donc produire à bas coûts, ce qui a attiré de nombreux IDE. Par ailleurs, la
Chine est la 1ère puissance industrielle mondiale et le 1er exportateur mondial (produits
industriels). Elle comporte cependant des limites avec d’importants problèmes environnementaux
et une technologie encore en retard. Quant à lui, le Japon demeure une grande puissance
financière (la Bourse de Tokyo est la 2e du monde), industrielle et commerciale (4e rang mondial)
grâce à la puissance de ses firmes transnationales (Toyota, Sony). Il est par ailleurs le 4e
exportateur mondial et il reste, de plus, le 1er investisseur mondial (Amérique du Nord, Europe,
Asie). En outre, le Japon était le premier créancier au monde en 2014 mais son économie
comporte des limites, le Japon ayant peu de ressources, les Japonais doivent beaucoup
importer.

Ensuite, à l’échelle mondiale réside également une rivalité géopolitique. La Chine


s’affirme comme une puissance mondiale alors que le Japon reste un « nain politique ». En effet,
contrairement à son rival, la Chine dispose d’atouts historiques (membre permanent au Conseil
de sécurité de l’ONU, arme nucléaire). Elle s’est dotée du 2e budget militaire au monde pour
moderniser son armée, en particulier sa flotte (1er porte-avions en 2012). Elle fait contrepoids à
l’influence américaine au sein de l’ONU (menace de veto contre l’intervention en Syrie) et en
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prenant la tête des BRICS. Le Japon cherche à s’émanciper : il revendique un siège de membre
permanent au Conseil de sécurité ; depuis 1992, il participe financièrement à des opérations
militaires hors de ses frontières comme en Irak et en Afghanistan. De plus, héritage de la
Seconde Guerre Mondiale, le Japon est sous protection américaine, ce qui constitue un avantage
géopolitique d’envergure.

En outre, il y a une rivalité culturelle entre ces deux puissances à l’échelle mondiale. Le
soft power permet à chacune des deux puissances d’exercer une influence mondiale. La Chine
s’appuie notamment sur les instituts Confucius, l’organisation de grands événements
internationaux comme avec l’exposition universelle de Shanghai en 2010 ou encore les JO 2008
et la Chine est la première diaspora au monde (50 millions de personnes). Par ailleurs, au niveau
gastronomique, la cuisine chinoise est très répandue dans le monde et culturellement, le nouvel
an chinois est célébré dans le monde entier. Au contraire du Japon, elle continue d’avoir une
image négative, notamment sur les droits de l’Homme et la persécution du Tibet. Le Japon
développe la stratégie du Cool Japan fondée sur la diffusion planétaire de produits culturels
(mangas, jeux vidéo, mode) mais aussi gastronomiques comme avec les sushis.

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En somme, le Japon et la Chine sont des rivaux économiques, géopolitiques et culturels
tant à l’échelle asiatique qu’à l’échelle mondiale, mais leur interdépendance est également très
forte. Actuellement, la Chine semble l’emporter dans cette compétition et il fait peu de doute que
la Chine assumera rapidement le leadership régional, en attendant mieux.

Dans les deux cas, cependant, Japon et Chine doivent compter avec les États-Unis :
comme soutien et garant de sa sécurité pour le premier, comme un rival encore loin en tête pour
le second.

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