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Compte rendu de la conférence d’Alain Aspect

du 22/09/2021

La conférence d’Alain Aspect portait sur le travail qu’il a réalisé de 1974 à


1982. Les expériences qu’il a mené ont permis de trancher le débat entre Bohr
et Einstein, c’est à dire donner une réponse au "paradoxe" levé par Einstein,
Podolsky et Rosen. Il s’est pour cela appliqué à montrer que les inégalité de Bell
peuvent être violée et à été le premier à obtenir des expériences qui ne laissaient
plus de doute statistique. Toutes les figures présentées viennent des diapositives
de la conférence.

1 Historique du débat Bohr-Einstein


Le débat
Ce débat presque philosophique concerne l’essence de la nature. Le forma-
lisme de la mécanique quantique, qui est intrinsèquement probabiliste, fait inter-
venir des paires de spins qui sont liées et que l’on nomme intriquées. L’intrication
fait donc apparaître un lien entre deux spins qui est contre-intuitif, tellement
contre-intuitif qu’Einstein pensait que l’intrication et la nature probabiliste de
la mécanique quantique sont dues à une tare de la théorie quantique. Il prône
l’existence de variable cachées, qui ne sont pas prises en compte dans la théorie
quantique mais qui permettent d’expliquer tous les résultats de manière certaine.
C’est donc une vision réaliste de la nature, où elle existe indépendamment de
nos observations. De l’autre côté, Bohr et plus largement l’école de Copenhague,
ont renoncé à cette vision et pensent que c’est seulement nos observations qui
forment une fausse réalité.

L’argument EPR
Cette discussion à amené Einstein, Podolsky et Rosen à donner un argument
en 1935 appelé aujourd’hui le paradoxe EPR mais qui n’est qu’un argument.
Cet argument repose sur deux hypothèses ; la théorie quantique et la localité
des influences (rien de plus rapide que la lumière).
Soit un état quantique fait de deux spins intriqués :
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|Ψ(ν1 , ν2 )i = √ {|x, xi + |y, yi}
2
avec ν1 et ν2 deux photons et le dispositif de la Figure 1. Il comprend une source
de paire de photons intriqués ainsi que deux polariseurs. Les deux résultats de la
mesure des polariseurs I et II d’orientation a et b, les résultats de la mesure sont

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Figure 1 – Schéma de l’expérience de pensée de l’article EPR

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±1. Le formalisme quantique nous montre que P+ (a) = P− (a) = ainsi que
2
1
P+ (b) = P− (b) = mais que les résultats prenant en compte les deux photons
2
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sont corrélés : P++ (a, b) = P−− (a, b) = cos2 (a, b) et P+− (a, b) = P−+ (a, b) =
2
1
sin2 (a, b) Dans le dispositif de la Figure 1 le polariseur I prends la forme
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d’un opérateur qui agit sur l’espace de Hilbert du photon ν1 , mais comme il est
intriqué avec ν2 , le résultat de la mesure du polariseur I détermine le résultat
de la mesure du polariseur II et ce, quelles que soient les distances auxquelles
sont placés les deux polariseurs. Tout se passe comme si le polariseur I agit
sur le ν2 instantanément lors de la mesure de ν1 . C’est cette conclusion qui est
impossible selon Einstein, des variables cachées doivent pouvoir expliquer ce que
l’on interprète comme un influence instantanée. La conclusion de cet article est
donc : si la théorie quantique est correcte et la nature est locale, alors il existe
des variables cachées.

Les inégalités de John Bell


L’argument EPR fût réfuté par Bohr dans un article considéré aujourd’hui
comme peu rigoureux par les scientifiques (et en particulier Alain Aspect) mais
suffit à l’époque à donner raison à Bohr. C’est seulement en 1964 que Bell permit
de faire passer ce débat de convictions à une théorie vérifiable expérimentale-
ment. Il construit pour cela une théorie des variables cachées et compare les
corrélations obtenues par cette théories et la théorie quantique.[J.S. Bell, Phy-
sics 1964, ref. to Bohm et Aharonov, Phys. Rev. 1957]
Synthétiquement, Bell considère deux points A et B de l’espace ayant chacun
comme réglage possible α et β pouvant prendre tous les deux comme valeurs
0 ou 1 par exemple et les mesures (a et b) donnent +1 ou −1. On peut alors
calculer la corrélation qui s’écrit
X
C(α, β) = abP (a, b|α, β)
a,b=±1

Supposons maintenant l’existence de variables cachées, qu’on appellera λ, dont


on ne précise pas la nature et dont le comportement est décrit parRune distribu-
tion de probabilité ρ(λ). On peut alors décomposer : P (a, b|α, β) = λ dλ ρ(λ)P (a, b|α, β, λ).
Bell fait alors l’hypothèse de la localité pour postuler que : P (a, b|α, β, λ) =
P (a|α, λ)P (b|β, λ) c’est à dire qu’un appareil ne peut influencer la mesure de

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l’autre (respect de la localité ou causalité locale). On obtient finalement :
Z ! !
X X
C(α, β) = dλ ρ(λ) aP (a|α, λ) bP (b|β, λ)
λ a=±1 b=±1

On peut alors utiliser cette théorie sur le dispositif de l’article EPR sachant
qu’on obtient avec le formalisme quantique :C(a, b) = cos(2(a, b)). On peut
alors tracer la corrélation en fonction de l’angle (a, b) entre les deux polariseurs
et on obtient la Figure 2. Il est impossible d’avoir une corrélation égale pour tout

Figure 2 – Corrélation en fonction de l’angle entre les polariseurs selon la


théorie quantique (bleu) et la théorie des variables cachées (rouge)

les angles et en se plaçant dans des cas particuliers on peut mener l’expérience
pour vérifier vers quelle corrélation tendent les résultats.

2 Le travail d’Alain Aspect


Alain Aspect s’est donc appliqué à faire l’expérience du paradoxe EPR ce
qui suppose tout d’abord d’avoir une source de paires de photons intriqués pure.

La sources de photons
Alain Aspect a utilisé une excitation à deux photons ce qui permet d’exciter
uniquement ce niveau et non plusieurs niveaux un peu aléatoirement comme
l’avait fait Clauser en 1976. Grâce à cette source, l’expérience a pu être menée
et a donnée raison aux prédictions de la théorie quantique. Cependant, Alain
Aspect voulait s’émanciper de ce qu’on appelle une échappatoire, c’est à dire
une possibilité de communication entre les deux polariseur au moment de la
mesure.

Expérience avec polariseur variable


Pour empêcher toute communication entre les miroirs, Alain Aspect a mo-
difié l’expérience en mettant un dispositif qui permet de changer l’orientation
des polariseurs toutes les 10 nanosecondes grâce à un système acousto-optique.
Ainsi le temps de propagation de la lumière (40ns) est supérieur au temps néces-
saire pour changer l’orientation et on est désormais sur qu’il n’y a aucune sorte

3
Figure 3 – Schéma des niveaux d’énergie mis en jeux dans la source d’Alain
Aspect (Absorption à deux photons).

d’influence entre les polariseurs qui ne peuvent donc pas se "mettre d’accord"
sur l’issue de l’expérience.

Conclusion
Alain Aspect a montré grâce à cette expérience qu’il n’y a pas de variables
cachées car il a obtenu une violation des inégalités de Bell. Ainsi, comme la
théorie quantique est vérifiée, la nature ne peut qu’être non-locale car si elle était
locale, il y aurait des variables cachées. Les travaux d’Alain Aspect ont ensuite
été poursuivi par de nombreux groupes pour s’affranchir d’autres échappatoires
moins évident et aujourd’hui la non-localité des effets d’intrication n’est plus à
prouver.

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