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Pourquoi tant de chrétiens ne veulent plus fréquenter nos églises?


Point de vue Biblique

Au milieu des années 80, lorsque je me suis converti, tous les chrétiens étaient fiers d’appartenir à une Église
locale. Mais ça, c’était il y a 30 ans. Aujourd’hui, les chrétiens sans Église ne cessent d’augmenter. Ce n’est
pourtant pas les Églises qui manquent, surtout si on ajoute toutes celles qui s’implantent ici et là. Alors,
pourquoi l’idée d’appartenir à une communauté chrétienne locale déplaît-elle autant maintenant?

J’ai souvent défendu l’idée que les « sans église » étaient des rebelles qui préféraient vivre à l’écart et faire ce qui leur plaît. Mais
voyez-vous, ce genre d’argument ne sert qu’à esquiver les véritables causes beaucoup plus profondes qui provoquent ce
désengagement. On ne peut pas mettre tout sur le dos de la malice des gens ou même sur les séductions du Malin. Il y a bel et
bien des facteurs liés à la piètre gestion des relations humaines dans les Églises.

D’abord, prêtons l’oreille

Depuis quelques années, j’ai commencé à prêter l’oreille à ces femmes et ces hommes qui, visiblement, ont perdu tout intérêt à
fréquenter une Église. Je voulais qu’ils me racontent leur petite histoire et je voulais comprendre pourquoi ils ont fait ce choix.
J’ai pris le temps de les laisser me parler des maladresses qu’ils nous reprochent à nous qui sommes responsables d’Églises. Dès
qu’on se donne la peine de les écouter, on découvre une panoplie de raisons qui, certes, ne sont pas toutes justifiables, mais qui
permettent tout de même de prendre connaissance des lacunes sérieuses dont nous sommes responsables.

Alors, posons-nous la question suivante : que s’est-il passé au cours des 20 ou 30 dernières années pour qu’une foule
inestimable de chrétiens ait choisi de vivre leur foi dans l’isolement loin des Églises?

Voici quelques-uns des griefs régulièrement entendus :

• Nominations par copinage à des postes importants de l’Église


• Manque de transparence dans la gestion des finances de l’Église
• Négligence dans la gestion de cas d’injustices flagrantes
• Impossibilité de donner mon opinion sur des décisions importantes
• Autoritarisme pastorale excessif
• Jeux de coulisses
• Appui inconditionnel des pasteurs à des amis pris en faute
• Musique trop forte
• Leaders qui ne s’intéressent qu’aux jeunes de la relève et qui n’ont rien à proposer aux aînés de l’Église
• Personne ne m’adresse la parole quand je suis à l’Église
• Parce que je suis divorcé, je ne trouve par ma place dans l’Église
• Aucun responsable de l’Église n’a pris le temps de me visiter lorsque j’étais malade
• Bien que je sois entouré d’une foule de chrétiens, je me sens terriblement seul
• etc.

Je tiens à préciser dès maintenant que je reconnais avoir souvent été moi-même impliqué dans ce genre de négligences. Non
pas que j’agissais suivant une malice volontaire, mais plutôt par manque de sensibilité et de professionnalisme dans la gestion
de l’Église. J’apprécie le fait qu’il n’est jamais trop tard pour apprendre à agir autrement à l’avenir.

Que s’est-il passé?


Pour répondre à la question, je propose l’hypothèse suivante : est-il possible qu’un nouvel ADN, totalement étranger à
l’Évangile, se soit incrusté dans l’administration et la gestion de nos Églises depuis quelques décennies? Je ne prétends pas que
mon hypothèse est la seule valable, mais voilà, je crois que l’Église du 3e millénaire s’est prise dans les filets du capitalisme
darwinien. Ces valeurs séculières qui depuis 150 ans ont propulsé notre monde dans l’effervescence d’une société technicienne
ont fini par atteindre l’Église qui n’a rien su faire d’autre que d’emboiter le pas.

Les projets populaires à valeur ajoutée et le triomphe de l’espèce (dite évangélique) passent bien avant la compassion, la
miséricorde et la prise en charge de la veuve et l’orphelin[1]. Nous adhérons sans trop de réserve à la sagesse naturelle d’une
certaine bourgeoisie chrétienne qui se préoccupe plus de l’image publique de l’Église institutionnalisée que de la proclamation
du message de l’Évangile. Les jeux d’impression qui protègent la bonne réputation de l’institution pèsent plus lourd dans la
balance que les principes de droiture bibliques qui devraient être au premier rang de nos priorités.

La beauté des temples, la qualité des cultes du dimanche et l’enflure verbale des énoncés de mission retiennent la plus grosse
partie de nos budgets et de notre précieux temps. Tout est fait en vue de favoriser des conditions gagnantes productrices
d’images à succès. L’Église emmitoufle le message de l’Évangile dans les riches contenus d’une théologie sans faille, mais
derrière cette théologie se cache un souci à peine avouable : la crainte des hommes qui est le principal vecteur des idées qui
orientent les choix de ceux qui dirigent.

Les plus aptes de l’espèce…

Un certain darwinisme ecclésial s’installe et assure que les membres les plus aptes soient davantage valorisés, car c’est de leur
part qu’on attend une valeur ajoutée. Grâce aux discours bien léchés des meilleurs de la meute, on garantit le maintien d’une
image de marque qui ne scandalisera personne. Dans cette lutte pour leur survie, les Églises se rivalisent l’une contre l’autre par
des initiatives toujours plus créatives les unes au-dessus des autres. Est-il surprenant qu’étant les témoins de ce commerce
douteux, des chrétiens perdent, non la foi, mais le désir de vivre dans cette imposture?

Dans cette course incessante vers la réussite et le succès, le temps le plus précieux dont on dispose n’est pas accordé aux plus
démunis de nos communautés. Nombreux sont ceux qui ne trouveront jamais leur place pour vivre et servir dans nos Églises
parce que les premières places sont occupées par les privilégiés des lieux? Par exemple, comment se fait-il qu’une dame de 75
ans se fait dire par son pasteur qu’elle peut toujours changer d’Église si le volume de la musique de louange pendant le culte du
dimanche lui semble trop élevé? C’est bien là un triste exemple d’une Église darwinienne qui se reconnaît par la propension à
s’investir seulement dans les gens qui lui sont rentables : les jeunes. Quant aux plus âgés de la communauté, rien d’autre ne leur
est offert sinon que d’assister docilement au spectacle désolant d’un christianisme en décrépitude.

Capitalisme darwinien, c’est quoi ça?

Qu’est-ce que le capitalisme? « Système économique basé sur la propriété privée des moyens de production et structuré en vue
de maximiser les profits. Le capitalisme présuppose la liberté de commerce et l’existence d’un marché d’acheteurs et de
vendeurs de biens[2]. » Ainsi donc, le capitalisme est un système qui nous instruit à toujours s’assurer que chaque geste que l’on
pose nous amène une valeur ajoutée, un profit.

Qu’est-ce que le darwinisme? « Ensemble des mécanismes biologiques qui par le truchement de la sélection naturelle
permettent aux plus aptes d’une même espèce de se reproduire davantage et d’ainsi favoriser la survie de l’espèce à plus long
terme[3]. » Les plus forts, les plus capables et les plus ambitieux sont naturellement sélectionnés pour garantir la survie de
l’espèce.

Mais nous, les chrétiens, c’est Jésus notre unique influence, non?

Puisque nous sommes des fils et des filles du siècle présent, nos Églises n’échappent pas à l’intrusion agressive de ces idéologies
subversives. Une Église fréquentée par les capitalistes-darwiniens que nous sommes ne peut échapper si aisément aux usages
dévastateurs d’idéologies aussi puissantes que celles-là.

Mais oui, nous sommes des chrétiens trempés de la tête aux pieds dans ce monde idéologique qui favorise l’élévation des plus
aptes. Voilà qui impose à nos esprits une subtile relecture de l’Écriture qui permet aux valeurs du présent siècle mauvais de se
dissimuler dans l’instruction et la gestion d’un l’Évangile revampé au goût du jour. Cette orthodoxie à la sauce postmoderne
dilue la portée du message biblique pour n’en laisser à la fin qu’un simple bouillon sans odeur ni goût, sans dérangement, sans
renoncement et, surtout, sans l’essentiel du message de la croix.

Conclusion

Les chrétiens qui délaissent nos Églises ne sont pas nécessairement aussi charnels que nous le pensons, peut-être qu’ils sont
tout à fait spirituellement sain d’esprit. Tout compte fait, les charnels, c’est peut-être nous qui s’égarons dans les méandres du
succès. Oui, je sais que ce qui est dénoncé dans cet article ne représente pas la réalité de toutes les Églises et de ceux qui les
dirigent. D’ailleurs, on sent de plus en plus chez plusieurs un désir profond de prendre un virage assumé vers un peu plus
d’humanité chrétienne. J’entends par là que l’Église de J-C est dirigée par hommes et des femmes souvent fragiles, et c’est dans
cet état de fragilité que ces derniers sont appelés à tendre une main de compassion aux êtres les plus fragilisés de notre monde
en proie à la bêtise humaine. Comme le Christ en chemin, arrêtons-nous pour regarder ces hommes et ces femmes dans les yeux
et offrons-leur généreusement les richesses de la bonté de Dieu par lesquelles nous avons été nous-mêmes enrichis. Alors, peut-
être auront-ils envie de vivre l’amour de Dieu dans nos Églises locales. Réal Gaudreault (pasteur)

[1] « La religion authentique et pure aux yeux de Dieu, le Père, consiste à aider les orphelins et les veuves dans leurs détresses
et à ne pas se laisser corrompre par ce monde. » Jacques 1 : 27

[2] http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire?iddictionnaire=1473

[3] https://www.liberation.fr/sciences/1997/09/02/le-darwinisme-en-5-principes_216582

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