FEMMES EN SITUATION DE PRECARITÉ

MERES D’ENFANTS HANDICAPÉS

Etat des lieux et préconisations

Juillet 2020

2020
 “L’association Autour des Williams,
association française de parents d’enfants
porteurs du syndrome de Williams et Beuren,
vous présente sa vision et ses préconisations sur
la situation des mères d’un enfant en situation
de handicap et de la précarité des femmes dans
cette situation.”

Sommaire
01. Préambule
02 Etat des lieux
03. Préconisations
04. Impacts attendus

Contribution:
Emmanuelle CRENN, Anne-Isabelle GUTIERREZ, Anne-Laure THOMAS, Stéphanie VACHEROT, Aurélie FESARD-VERSTRAET

MAMAN D’UN ENFANT EN SITUATION DE HANDICAP//Juillet 2020

 01. Préambule

Aujourd’hui en France :

• Selon les approches et classifications médicales, 1 à 2% des enfants

seraient porteurs d’un handicap sévère à moyennement sévère,
• On comptabilise 400 000 foyers avec un enfant en situation de handicap,
• Deux tiers des mères-aidantes arrêtent, réduisent ou aménagent leur
temps de travail,
• 43 % des mères dans les ménages bénéficiant de l’AEEH (l’allocation
• d'éducation de l'enfant handicapé) sont sans emploi, soit 16 points de plus
que les mères des ménages non bénéficiaires.
• L’arrivée d’un enfant handicapé pèse aussi sur la vie de couple, avec une
surreprésentation des familles monoparentales. Pour un ex-couple sur
trois, le handicap a joué un rôle dans la séparation,
• Le handicap d’un enfant fait peser sur les parents un risque d’isolement
matériel (éloignement du travail, du conjoint, des amis) mais aussi
psychologique avec une tendance à l’oubli de soi,
• 54% des enfants en situation de handicap de moins de 3 ans sont
gardés exclusivement par leurs parents, contre 32% pour les autres
enfants. Cette période de la petite enfance correspond plus ou moins au
début de la carrière professionnelle,
• Un nombre inquiétant de mères sont en burn-out, surcharge mentale,
épuisement physique et moral lié au manque total de répit dans la
gestion du quotidien, notamment à l’arrivée à l’âge adulte de leur enfant
en situation de handicap.

Le rôle central des mères au sein du matérielles, organisationnelles,

foyer est indiscutable et lorsque le
foyer est touché par le handicap,
tout son équilibre est affecté. La
santé, aussi bien physique que
mentale de la mère-aidante est
encore plus déterminante et il est
nécessaire de tout mettre en œuvre
pour la préserver.
Le lien mère-enfant, est démultiplié
quand l’enfant est en situation de
handicap. Il perdure d’ailleurs plus
longtemps, jusqu’à l’adolescence
voire la vie adulte. La mère assume
la situation et gère le stress qui en
découle.
Dans les cas de diagnostic tardif, ou
de maladie inconnue, le poids d’une
culpabilité implicite s’ajoute aux
préoccupations des difficultés
familiales, sociales et financières qui
en découlent
On note également de nombreux
témoignages de mères, à qui il a
été reproché de maintenir une
activité professionnelle au lieu de
dédier sa vie à son enfant
handicapé. Des reproches qui n’ont
pas été adressés aux pères pour
qui il parait normal de ne pas
remettre en cause leurs
implications professionnelles.
Il est primordial que la mère-aidante
puisse conserver, au travers d’un
emploi, une autonomie financière et
une vie sociale, afin de faire face aux
nombreux cas de divorces
rencontrés dans les foyers avec un
enfant handicapé.

MAMAN D’UN ENFANT EN SITUATION DE HANDICAP//Juillet 2020

 02. Etat des lieux

Le diagnostic

Le couple parental est seul, face à l’annonce du handicap souvent dévastatrice

dans un foyer.
A partir de ce diagnostic, débutent une série de questionnements, de peurs, le
deuil de l’enfant rêvé, la bascule vers un monde inconnu, celui du monde du
handicap et celui du suivi médical spécialisé. Quel spécialiste rencontrer pour
quelle pathologie ? Il est chronophage de trouver un lieu d’accueil pour son
enfant, une rééducation adéquate à ses besoins, de mettre en place un
protocole où les besoins de l’enfant sont en accord avec le budget.

Comment faire face à tous ces rendez-vous et maintenir son emploi ?

Comment justifier toutes les absences nécessaires pour ces rendez-vous aux
heures de bureau ? Toutes ces dépenses et ces absences ne sont pas prises
en charge financièrement.

Même si la mère souhaite maintenir une activité professionnelle, la réalité

de la situation la conduit très souvent à prendre la décision de faire une
pause dans sa carrière, en espérant y revenir plus tard. Malgré tout, si elle
réussi à maintenir une activité professionnelle, son ascension financière
aura été freinée voire stoppée.
Dans les deux cas, cette situation la met en danger et peut l’amener à
basculer vers un état précaire.

Dossiers administratifs

Dans 90% des cas, ce sont les mères On compte environ 6 mois pour élaborer
qui assurent le suivi administratif du un dossier complet qui demande de
handicap de leur enfant. l’investissement personnel, du temps et
une mobilisation très importante. Or, ce
La constitution du dossier administratif dossier est à réaliser tous les 2 ans
destiné à la MDPH (la maison jusqu’aux 18 ans de l’enfant.
départementale des personnes
handicapées), pour les prises en charges La sensation de devoir tout justifier
financières, demande énormément s’accumule à l’épuisement physique et
d’énergie. Il est complexe et compile des mental. Cet état peut déboucher sur
informations médicales, sociales, l’abandon des droits et faire basculer
financières, scolaires, de transport, le foyer vers une précarité encore plus
organisationnelles, etc. Pour chacun de importante.
ces points, il faut solliciter les spécialistes
compétents, justifier les dépenses
présentes ou nécessaires (avec
demandes de devis), demander les
attestations, etc…

MAMAN D’UN ENFANT EN SITUATION DE HANDICAP//Juillet 2020

 02. Etat des lieux

Emploi / Scolarité / Logement

• 71% des mères d’enfant en situation de handicap ont vu leur activité

professionnelle impactée par le handicap de leur enfant (contre 14% des
pères) : arrêt, réduction ou aménagement du temps de travail,
• Parmi les familles monoparentales, 39% des mères sont en temps partiel
(51% chez les couples),
• Au moment de l’entrée au collège, 39% des mères sont sans emploi (contre
21% en population générale),
• La mère doit, en parallèle, se soucier et résoudre les problématiques de
scolarité. Le parcours scolaire des enfants en situation de handicap est
sinueux et difficile à appréhender dans sa globalité (un référent de scolarité,
des bilans de spécialistes souvent dans le paramédical - psychomotricien,
ergothérapeute, orthophoniste, orthoptiste, ophtalmologiste, psychologue,
pédopsychiatre…, kinésithérapeute -, une aide de vie scolaire, un programme
adapté en cursus scolaire classique, classe ULIS, établissement spécialisé…)
• En fonction de son lieu d’habitation, la mère-aidante verra le parcours de son
enfant simplifié ou non. La géolocalisation du foyer est déterminante dans
l’organisation et la construction du futur de l’enfant. Cette donnée contraint la
mère à maintenir son lieu d’habitation ou bien à déménager,
• Etre mère d’un enfant en situation de handicap demande des connaissances
spécifiques dans tous les domaines et une capacité d’adaptation hors-
norme.

Aides financières et augmentation L’écart se creuse encore plus au

de la précarité à l’adolescence. moment de l’adolescence.

La mère doit chercher/trouver des Les systèmes de garde diminuent,

financements pour accompagner le les aides aussi… et la majorité des
développement de son enfant et adolescents en situation de
préparer son intégration dans notre handicap ne sont pas en mesure de
société. rester seuls. Une alternative :
Les aides financières proposées travailler et financer des gardes à
(AEEH,PCH…) ne suffisent pas à domiciles ou arrêter de travailler.
assurer les soins médicaux, les
nombreux rendez-vous
hebdomadaires dont l’enfant a
besoin pour suivre le protocole
recommandé par le corps médical
ainsi que pour sa garde durant les
périodes sur lesquelles il ne peut être
scolarisé ou sur son lieu de travail.

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 02. Etat des lieux

Mère et travail

Un père sur cinq adapte sa vie professionnelle. Ce constat nous rappelle que
la mère est souvent contrainte à s’adapter davantage.

Aujourd'hui, la plupart des enfants handicapés demeurent dans leur famille et

suivent un programme de réadaptation. La mère est la principale intervenante
auprès de l'enfant et devient une mère-aidante.

La mère exerce une activité professionnelle pour offrir les soins nécessaires au
développement de son enfant mais aussi pour éviter l’isolement, la rupture avec
le monde « sans handicap » et s’assurer une indépendance financière. Le travail
permet de garder un lien social, évite de faire que la vie se résume au sujet du
handicap.
Mais le maintien de l’emploi a des conséquences financières et physiques
importantes. La mère qui travaille doit employer des aides à domiciles, des
gardes d’enfants, participer au développement et à la bonne tenue des suivis
paramédicaux autant que son salaire lui permet. Souvent, les garderies sont
refusées aux enfants handicapés sous prétexte de manque de personnel ou de
fatigabilité de l’enfant. La mère doit embaucher des personnes à domicile, dont le
coût est nettement plus élevé. La mère, doit également faire le taxi entre les
différentes rééducations. Elle est donc moins disponible au travail et se voit, pr
conséquence, refuser des promotions ou des mobilités.

Une alternative dangereuse : faire le choix de la précarité et vivre des aides et

des allocations. Mais lors du départ de l’enfant vers un placement en institut,
quand il n’y a plus d’aide de la CAF, la mère a souvent encore 20/25 ans à
travailler et est souvent considérée comme un profil senior ce qui s’ajoute aux
difficultés rencontrées lors de son parcours de réinsertion professionnelle  une
situation qui peut mener facilement à la très grande précarité.

Finalement, la mère a-t-elle le choix?

Si elle travaille, elle n’a pas le temps de gérer la logistique autour de son
enfant en situation de handicap et le financement de chaque suivi
(para)médical est quasiment impossible. Si elle ne travaille pas, elle peut
assurer la logistique mais ne peut plus financer les soins. Dans les deux cas,
l’isolement et la rupture sociale sont au rendez-vous.
Le risque pour elle est de s’oublier et d’oublier sa vie de femme, voire d’arriver
à l’épuisement total.

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 03. Préconisations

En synthèse, surcharge mentale permanente, burn-out, épuisement au long

terme, voilà le quotidien et l’avenir de la mère-aidante!
Que faisons-nous pour aider ?

• Permettre aux parents d’enfants handicapés de bénéficier d’une retraite

automatiquement liquidée à 62 ans, au même titre que les personnes
touchant l’allocation adulte handicapé (AAH).
• Encourager financièrement les femmes qui travaillent en prenant en
charge un quota d’heure de garde de l’enfant jusqu’à ses 18 ans.
• Renforcer le statut d’aidant en donnant la possibilité aux mères de valider
leurs compétences, connaissances et expertise du monde du handicap
(principe d’une validation des acquis) leur permettant ainsi de réintégrer le
monde du travail après une pause pour s’occuper de leur enfant en situation
de handicap,
• Pour ce faire, autoriser les contrats de formation en alternance ou
d’apprentissage, sans limite d’âge, où les mères-aidantes pourraient
reprendre leurs études et être rémunérées. Les entreprises partenaires à ce
programme bénéficieraient d’avantages fiscaux,
• Le temps passé à gérer la logistique pourrait être valorisé (transport,
prise de rendez-vous, coordination des agendas…) pour la retraite.
• Mise en place de centres psychologiques gratuits où les mères d’enfants
handicapés pourraient se rendre avec leurs enfants (garde d’enfant sur place,
le temps de la consultation)
• Création d’une plateforme pour mettre en lien toutes les mères d’enfants
handicapés par région/département,
• Aide financière spécifique pour garder les adolescents/adultes handicapés à
domicile
• Création d’une plateforme de personnes/étudiants travaillant dans le
secteur paramédical disponibles pour les accompagner à leurs entretiens
d’embauches, à leurs formations, au travail et également pour faire du baby-
sitting.
• Création et/ou financement d’animations pour les personnes en situations de
handicap dans les villages vacances. En allégeant la charge des parents, les
familles pourraient se recharger, profiter des vacances et leur permettre de
s’occuper aussi des fratries,
• Financement de formations spécifiques sur des sujets tels que les
démarches administratives ou médicales, informations sur les aides, mais
aussi plus de développement personnel, tel que la gestion du temps,
l’isolement psychologique, l’estime de soi, …

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 04. Impacts attendus

• Aider les mères d’enfants handicapés à retrouver un emploi et lutter contre

l’isolement
• Réduction de la précarité qui touche un certain nombre de femmes
mères d’un enfant en situation de handicap, notamment celles de plus
de 45 ans qui travaillent et qui ont à charge leurs enfants et/ou leur
famille, un salaire ne suffisant pas à subvenir aux besoins d’un foyer
avec un membre (enfant, adolescent, adulte) en situation de handicap.
• Prise de conscience générale que l’amélioration du bien-être et la
préservation de la santé de la mère-aidante jouent un rôle central et
déterminant.
• Affirmation et extension du rôle des structures existantes : Donner la
possibilité aux IME, Sessad d’élargir et d’ouvrir leurs propositions de soins
aux familles,
• Amélioration de la vie au quotidien pour la personne en situation de
handicap et son entourage,
• Libération de la parole, témoignages, encouragement d’initiatives locales,
construction de la solidarité, dans une optique de partage,

Des solutions peuvent être mises en place pour accompagner les mères-
aidantes et leur permettre de s ’épanouir dans leur vie professionnelle et
personnelle. Notre souhait est que les mères-aidantes vivent leur vie au
lieu de la subir.

Bibliographie

• https://handicap.gouv.fr/IMG/pdf/dp_-_cih_2018.pdf
• http://www.hcfea.fr/IMG/pdf/chiffres_cles_petite_enfance_handicap-2.pdf
• https://www.enfant-different.org/vie-professionnelle-des-parents/concilier-vie-
professionnelle-et-vie-de-famille
• https://www.la-croix.com/Actualite/France/Prevenir-l-extreme-epuisement-des-
parents-d-enfants-handicapes-2015-09-14-1355850
• https://senateurscrce.fr/activite-des-senateurs/les-courriers-officiels/article/la-
souffrance-des-parents-d-enfants-handicapes-est-bien-souvent-negligee
• https://www.erudit.org/fr/revues/ss/1991-v40-n2-ss3507/706531ar.pdf
• https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-psychologie-2010-6-page-423.htm
• https://marcelle.media/2020/04/27/soutenir-les-parents-denfants-en-situation-de-
handicap/#:~:text=Pour%20s'occuper%20d'un,en%20milieu%20hospitalier%20en%2020
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MAMAN D’UN ENFANT EN SITUATION DE HANDICAP//Juillet 2020

 Merci !
Nous espérons avoir retenu votre attention et
pouvoir compter sur votre soutien et vos actions
pour encourager et protéger
les mères d’enfants en situation de handicap
et en situation précaire.