Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 28

PUBLICATION MENSUELLE N ° 26 FÉVRIER 1947

Brochures
d'Education Nouvelle
Populaire

J. · HUSSON
Directeur de l'Ecole Normale
de Charleville (Ardennes)

L'Education Decroly

Editions de l'Ecole Moderne Française


CA NNES (Alp.-Mar.)

PRIX: 10 &.
BROCHURES
D'EDUCATION NOUVELLE POPULAIRE
, . L<I technique Freinet ..... . 15. » 20. L ' H istoire vivante .... .... . Ill . •
2. L<I grammaire française en 21 . L es mouvements d'Education
quatre pages . • . .... ... ... 10 . • Nou velle ... ............. . to . •
3. Plus de leçons ............ . 10. » 22. La Coopérative à l'Ecole
-4 . Principes d'alimentation rD- Moderne ... .. . .... . ..... . to . •
tionn el/e . ..........•..... 10. » 23. Théoriciens et Pionniers de
5. Fichier scolaire coopératif .. . 10. » l'Education Nou velle . ... . 10 . •
6. Loisirs dirigés .......... .. . 10. » 24. Le Milieu Local .. ... .. ... . 10 .•
7. Lecture globale idéDla .• . .. 15. »
8. L 'Imprimerie à rEcole ..... . 10. »
fJ. Le dessin libre ..........•. 10.•
10. LD gravure da lino . • ... . . . 20. »
11. L<I classe explormion .•...• 10. »
12. Technique d'étude du milieu
local . . ... ... .. . .. . .... . . . 10. »
13 . Phone» et disques .... . .... . 10. »
1-4. Premières réDliSiltions d'éda-
cation moderne .....•.. • • 10 . •
15 - 16 - 17. Pour tout classer .. 20. »
18. POur la sauvegarde des en.
fanb ..... ... ... •.. . •. . .. . 10. » La collection de 22 broch ures,
19. P4r delà le 1er degré •..... 10. » franco . ..• • . . .... • •• . .••• 230 . •

BROCHURES
"

BIBLIOTHEQUE DE TRAVAIL
1. Ch4riots et CDrTOSSeS • •••• • 12. » 37. Les véhicules èi moteur ... . 12. 1

2. Diligences et MDl/es.Postes .. 12. » 38. Ce qu e nous voyons DU mi·


3. Derniers progrès ........ .. . 12. » croscope . . .. ....••.. ..••• 12 .•
4. Dans les Alpages ........ . . 12. » 39. Histoire d e l'Ecole . . . . . .. . 12. •
6. Les anc ienn e s mesures . ... . 12. » 40 . H istoire du ch4uffage .. ... . 12 . •
10. La forêt . .. ... .... .. ... ... . 12. » 4 1. H is toire des coutumes f uné-
23. Histoi re du /ivre . . .. . ... . . 12. ra ire:J . . .. .• . .•...•... .. • • 12.
24 . His toire du pain . . ...... . . 12 .•
26. L es 4beilles . ... ... ..... . .. . 12. »
27. Histoi re de 14 n4vigation .. . 12. »
28 . Histoire de l'aviation ..... . 12. »
29 . Les d é buts de l'auto .. . ... . . 12. ~
30. Le sel .... .. . ........ . ... . 12. »
31. L ' or . .. .... . . . . ....... ... . . 12. »
32. L4 Hollande .. . . .... ..... . 12. »
33. Le Zuyderzée . .... . ... .. .. 12. »
34. Histoire de l'habitation . .. . 12. »
35. Histoire de l' éclairage . . . . . . 12. » La collec tio n com p lè te des 24
36. Histoire de l'Dutomobile ... . 12 .• brochu res p a rues, franco .. 270. 1

EDITIONS DE L' hIPRIl\1ERJE A L'EcoI;E - CAl'ONES (A.-M.)


L'ÉDUCA TION DECROLY '
La tâeh e ~ppal'ait singulièl"~ ment difficile jeune, à 61 ans, en pleine action et qUe son
de vouloir en quelque'S pages présentEr non œuvre écrite qui n'a pas encore été l'assem-
seulement le mod·e d'éducation le plus riche blée ne consiste guère qu'en travaux spécia-
et 'l e plus élevé de notre temps. mais aussi lisés sur le langage, la pErception, les en-
le système à la fois le plus souple et l~ fants arriérés ou anormaux, la méthode des
p\:us compleiXe qui ait jamais été mis em tests, ou bien sur des questionsi de pédago-
pratique dans J',eTlseigneffi'ent. La difficulté gie pratique : enseignement de la llecture,
tient à la richesse d'aperçus méthodologiques enseignement du calcul aux débutants, ,e tc.
que nous offre l'école decrolyenne, à la com- Nous manquons donc du gran d ouvrage dans
plexité des problèmes qui ont été posés par lequel il aurait pu présenter sa' « t h éorie »
Le gr!lnd psychologue et éducateur belge, de 'l'éducation Il a préféré agir et instituer
-au refus aUl:si Qu'il a manifesté de vouloir ~i bien ql,le sa meilleure œuvre, pénétrée de
codifier une éducation à laquelle on doit, jus- son esprit ct vivantle' comme lui. demeure
tement retirer l'appellation de' ~ystème, car ({ l'Ecole de l'Ermitage » à Uccle près. de
l'affirmation d ogmatique et la synthèse ache- B I uxelles, C'est oependant cette théori'EI que
vée n'ont jamais tenté D ecl'O'ly, enfin, à nous allons e's sayer de présenter au risque
l'éclectisme même donlt celui-ci a fait preuve d'être sommairJeet très incomDlet, travail
quand il s'agissait d 'autres éducateurs et pOSSible néanmoin~, cal' tout chez Decrolv
d'autres méthodes s'ordonne selon un (; conception du mond~
Ir nous faut ajouter que Decroly est m ort très la l'ge et bien arrêtée,
2 LA TECHNIQUE FREINET

J. Biographie sommaire
Ovide Decroly 'Est ne a R enaix, en Belgi- !eE lourd :s charges économiques, ni par les
qu e, le 23 juillet 1871. D ES' études secondairEs déchéances et les misères sociaLes. Le ·Doc-
effectuées à Malines, pUis des études supé- te cu' t sa fel1lme firent un 'miracle malgré
r~e'UrEs à Gand le conduisirent vers la pro· la mod: s',ie de l:urs ressources. Il s trouvè-
f,ession médical e. Il avait 25 ans quand, après rent U :l8 mai<on dans 'l a rue de l'Ermitage
un séjour en c:inique, il obtint le grade de et, a idés de leurs dé vouéeS' collaboratrices :
doc teur avec une mention tlès élogieuse En Mlle Degan d, Mlle Monchamp, Mlle Ha-
1897, il réussit à un concoUl'S universitaire maïde, i's créerent une nouvelb -école-foyer.'
00 qui lui valut une bourse de voyage à Ce n e fu t à j'origine qu'une école embryon-
l'étranger. Il partagea son séjour hors de naire avec 7 petits enfants. Une activ:té
Belgique entre Berlin >et Paris. En 1899, il diligente la transforme aussitôt en une ruche
s'installa à Bruxelles. bourdonnante dont le .plan avait été tracé
Tout de suite le jeu!1Je1 docteur fut attiré à l'avance de main dc· maitre.
par les prOblèmes humains. TravaH:ant à la « Trois claSSES étaient prêtes, où nous
polyclinique, il s'intéressa à l'éducation des c vions disposé l'emb lyon d'un matériel spé-
enfants irréguliers Et an~rmaux et déjà en cial qui devait se déve,loppEr, .s'·enrichir
1900 il fonda un inst itut spécial d'ellSl€igne- avec la collahoration des enfants; Elles fu.
ment destiné à ces enfants. L'excessive bonté rcnt désignées sous le nom de classes d'ob~ er­
du Docteur 'lui attire immédiatement l'inté- vation ... et de mesure, claSSie' d'association et
rêt des pauvres d Eshérités die l'intelligence. classe d'expression. La grande remise pour
Le Docteur, secondé par sa femme qui fut voitures était d Evenue, par un miracre de
pOUr fui la plus dévouée· des collaboratrices, combinaisons et de judicieux travaux, une
pausa désormais son temps au milieu de ce vaste salle vitrée pour les jeux ft la gym-
nouveau laboratoire ' vivant qui prit une nastique, aVEC ses p:'inthes tral1Eforméfs en
existence officiel'lie en 1901. Il s'entoura de tableaux noirs, afin de permettre aux en-
collaboratriCEs et de collaborateurs qu'il' for. fants d'écrire, de dessiner, quand ils en
ma lui-même et avec l'UIl'e de ses institu- avai·ent envie, s' s escaliers suédois et, dans
trices, Mlle Jul'ja Degand, il entreprit, vers le haut, tout aut.our, sa grande' galerie claire,
1903-1904, ses p remières expériences sur la qui devint peu à peu notre salle d'Exposition
• méthode' de lecture globale. EUes aboutirent permanente où nous rasseml)lions le maté-
à un article de la « Revue scientifique ». en riel non employé et les multiples travaux
1905. A la même époque encore, le Docteur que les élèves fabriquaient avec du bois, du
créa ses premieTs jeux éduc'atüs très diffé- carton, de la terre glaise, de la parafine,
rents de ceux que la Doctoresse Montessori etc. La classe d'observati<m, avec les aqua-
devait metJtre au point en profitant des riums remplis de plimorbes, têtards, dyti-
premières réalisations d'Itard :et de Seguin. ques, nèpes, épinoches ; I~s 'terrariums les '
En 1905 encore, le Docteur innova en em- bizarres cultures d e' plantes, cette ciaSl:i€
ployant le cinéma comme moyen d'obslerva. vivante où chaque jour: amenait du nou-
tion des 'enfants occupés par des activités li- veau, où il se passait parmi le· petit monde
bres. Il prit des films sur sa p etite fille et sur animal des choses curieuses, Que l'on com-
les élèves de 'l 'Institut pour étudi Er la mar- mentait et racon'tait à chacun, avait le plus
che de l'enfant, son instinct d'imitation, ses grand succès non seulement auprès de nos
premières réaction5 sociales. él'èv·es, mais aussi auprès de leurs parents,
qui s'intéressaient à nos efforts, nous encou-
L'Institut prospérait et obtenait de remar- rageaient, quelques-uns allant même jusqu'à
quables succès quand. 'En 1907, il r eçut la passer avec Leurs 'e nfants de beaux diman-
visite du célèbre professeur parisien 1e Dr ches à la campagne, dans les bois, au bord
Babinski. EUe fut lm événement déteI:minant des mares, pOUr réc01ter de quoi enrichir
parce qU'elle. encouragea le Dr Decroly qui ndtre petit laboratoire. »
en avait déjà eu l'idée, à app'liqueT aux en-
fan.ts norm~ux les procédés pSYChologiques, (Hommag.e au Dr Decroly, rédigé pour
actIfs et VIvants qui réussissai·ent si bien son 6()C anniversaire, texte de J . Degand) .
avec les 'en~anlt s anormaux. La formule que
1e grand pedagogue avait donnée dans une
conférence de 1904 : {( J'école de la vie par **>1<

la vic » allait prendre tout son sens dans Comme l'expérience anglaise de Reddie,
un nouveau milieu où 'les pOSSibilités: infinies l'.expérience allemande de' Lietz, l'expérience
de la vie ne serai€nt plus contrariées ni par française de Demolins, l'expéri'ence' be'lge de
__ LA TECHNIQUE
-_. ._---------- -------- - - - - -
FREINET
-~----------------
3

Decroly allait dé~ormais se développer tout à <FermE-école de Waterloo, Institut des es-
la fois sur le tt.nam spéculallf et dans des troplés), là ges Lion Ci œü, l'es cha ritab,ES (le
domame.> concrets, la viel emportant sur la J:"Oyèl' 4 ,-s Q,pnèlms), la pl'e ~ldenc e de con-
théorie, la pen~é;b s'mcarmmt dans une ma- fe, ences ou de congres Q .l!.uuca(,lOn Nouvc.l€,
gmLque ll1S1ituLion, le& richesses de cœur teuc cela requerrait du Dr D t cl'O,y U11e acti-
des fondateurs fécondant sans cesse un ad- Vité inla<sable et des pl'odig ES d " dévoue-
miraablc loyer de Vie Enfantine et juvénHe, m ent, Il w mba sérieusement IHaladc en 1930,
Decl'Oly n 'abandonna pas pour ceia son n e se remit jamais complètenvnt eL s'éteig'nit
activiLé dE psychologue, EUe alla croissant uniVC1'S·êllement regretté le 12 s . pt. mbr,e 1932,
au fur et à m Esure que s'étendait la r,e nom- D e nombleuse,s; publications ' ont jalvnné la
mée de .l'éco.e de l'Ermitage, Il avait été caniè1e du Dr Decroly, On p eut dénombr,e-r
l'un des premiErs à complendre Binet et p armi Ell.es p lus d'une centaine d articles
s'était mis en rapport avec lui pOUl' son confiés à des rEvues savanLes, Ils portent soit
travail sur ks frontières anthropométriques, SUl' lES tests m entaux, ou sur les qU ESIt ion-
En 1904, il pratiquait couramment les tests na·ires d 'exploration méthodique de 1 aff ecti-
Binet, C'es t pour les avoir vus utiliser à vité, soit SUr les enfants irréguliers, soit sur
l'Ermitage qUe l'Américain Goddard com- le phénomène de globalisation, soit SUr des
mença en leur favel,ij' une campagne qui die'- qustions de pédagogie ou, accessoirement,
vait vulgariser la méthode en Amérique' et d 'orien'c ation professionnelle, Les étudES plus
provoquer par la suite les célèbres révisions éO€lfidues sont de deux sortes, ou psychü,ogi-
de T el man et de SLanford, ques ou pédagogiques, Parmi 'l es premières,
En 1911 le Dl' Decroly présida I.e l~r con- il faut retenir : « L'évolution de l'affectivité »
grès- international de pédologie; en 1913, (1927), « La pratiqUe d ES tes ts m entaux »
on lui confia la chaire de pédagogie à l'Ins- (1928, ,e n collabOration aVec R. Buysse), « La
titut supérieur de Buls Temp 2~ à BrUlœlles psychogénèse de l'enfant » (1932), « Com-
et en 1920, une chaire de psychologie de ment l'enfant anive à parl er » (1933 ), Les
l'enfan l à l'U niv<:rsité de Bl'Lix~'iJts, Désor- ouvragzs d e pédagogie résu :tent tous d'une
mais lés Charges du maîtl e al :èrent crois- coliaboration, avec G, Baon, « Vers 1 école
~ant. De lous les point s du monde on fai- rénovée» G921), avec Mlle Mor.chanp «( L'i-
sait ap-p 1 à lui. de Colomb e (fi 1925, d Es- l1lLiation à l'amivité intEl ectueEe et motrice
pagn" ln 1927, de TU! qUiE aus: i pOUr l'étude par le:5 j ~ ux éduc"tifs » (1914 ), avEC Mlle
des anOn1iaUX amsi bien que pour la l'é- Hamaide, « L'initiation au calcul et à la
fonn 2 des programmes sco!airES, . mesure au 1er dEgré» (l932),
En Belgique, la formation du p€rsopne l Les pédagogues se réjOUiront tous en ap-
enseignant primaire, 102, fonctionnement des prenant qu'un di~cip _ e a rass : mblé en un
labo , a toires de psychologie, la dir 2ction des volume qui va pa:aîtl' z, tous les travaux iné-
officeS! d'orientation professionnelle, 'le con- dits du maître qui cons.itueront un traité
seil des institutions éducatives nouvelles de pSYChologie d 'une très grande tich esse ,
4 LA TECHNIQUE FREINET

Il. L'idée centrale de la pédagoilie decrolyenne:


L~ être vivant et son milillu
Il sembke que trop fréqu emment depuis dans la vie », publié par « P 'Ll]' l'Fre
des siècles, les p~nseurs aient compris la n a- nouve'llte », 1938, Nu 141).
ture humaine d 'une manière unilatérale. Les A prEmièl e vue, de telles conceptions dé-
uns: l'ont considélé comme une monade~ ab- routent celui qui en est resté à la vieille psy-
soument indépendante et fe:rmée au monde chologie classique et qui, en pédagogie, par-
extérieur . les autres, 'comme un élément ap- tage une erreur que nous pourrions faire re-
partlenant' à un vaste' être collectif et dé- monter à Socrate. Les P:édaIiOIiUe5, pour la
pourvu d e ' vie 'p ropre et indépt: ndante. On plupart d es intellectuels, . ont inévitablement
retrouve là tour à tour l'erreUl' individua- d eux / tendance5 :' la première qui consiste
liste et l'erreur collectiviste. Mieux éC'lairés à croire que l'homme est un pur esprit et la
par la science, ~ la biologie ·et la psychO- seconde qui, dans l':tc(]l\i,:;it.io:l d'un savoir
logie en part·iculier, - 1es modernes sont àr- évidemment verbal, met tout 'l'accent sur la
rivés à une conception plus Exacte de la réflexion interne, sur la r echerche des idées.
nature d e 1homme et ils ne sont pas loin Celles-ci se trouvent ,en nous-mêmes et non
de se rallier en as:.sez grand nombr.e à la dans le monde extérie·'lr. Tous 1°<; éduca-
thèse que le' philosophie alliemand Keyser- ~€Ul'S qui sont mus .par de tels mobi.~ , ne .
ling énonçait ainsi dans son ouvrage inti- semblent pas avoir d 'autre idéal que de
tulé : « De la souffrance à la plénit ude » model,e r le fragile et tendre enfanlt suivant
<S tock édit.) . . le type du penseur de R odin, l'homme replié
« Dès Kan t et Goeth e tous les . hommes SUl' soi, nous osons à peine dire comme K~y­
auraient pu pressent ir ce qu'erueigne le pré- serling, « le solide gailla.rd qui se torture 'l a
sent livrE' : que l'homme n 'est pas une oêTv,eUle ». De là toUs les postulats de la péda-
« monade », mais un « rapport» entre Moi gogie intellieclualiste qui donne la préférence
et Univers ; lIUe seu le la polariSittion avec à l'esprit contre l'âme et le corps, qui né-
des élément.s étrangers P eU!l déclancher 'un glige le monde extérieur et les Objets au plO-
processus d e cloissance ou d'accroissement ; fit du mond:e intérieur et des idées. On
que l'homme n',existe seul à aucun point de impose ainsi à l'enfant la culture d 'une men-
vue positif ; que c'est précisém ent en tant talité, non seulement prématurée, r"ais aussi
qu'il aspire à la connaissance philosophique s'accordant très mal av,ec sa nature d'en-
que' l'homme doit s'ouvrir au monde sans au- fant, avec sa disposition extravertie, c'est-à-
cune nestrictiori et renoncer à toute cons- dir e tournée vers le monde d es Objets, dis-
truction exclusivement fondé e sur l'isolement position qui apparaît chez lui avant la dis-
crustacé du spéculateur cérébral. » (p.80-BD. · position introvertie, c'est-à-dire or1etntée vers
Decroly aurait souscrit à de telles affir- l'intimité du moi.
mations, car sa pensée a bien été d'ouvrir La ooncep tion decro'lyenne ne nie pa" le
l'te nfant au monde pour lui ~SUl'er un dé- monde extérieur au bénéfice du monde in-
veloppement indéfini' au cours d.e Sa matu- térieur. EUe commence par poser l'un en
rité. En 1908, énonçant 'le programme d'une face de l'autre' le monde ~xtérieur que l'on
école dans la vie, il écrivÇtit ceci : p eut appeler milicu ou ambiance et 'l'e monde
« Au l'este, le seul fait d e définir ainsi ce intérieur ou interne. Tous deux exiSt~t et
que doit être le pivot d e l'éducation, permet ont autant d e réalité l'un que l'autre. Lew'
déjà d e formul er certaines l'cs ~ s c'!l'ectrices int-er-réaction constitue la vie. Decroly les
importantes : . aperçoit comme les deux pôles complémen-
1° Puisqu'il faul\) préparer l'enfant à la vie, tair Es. De même qu e Keyserling, il accepte
il est d'une logique banale de l'initier à ce l'idée si riche de « toosion » qui, seule ex-
qu"est 'l a vie. plique l'e mouvement de 'l 'énergie et, par
2° La vie impliquant deux choses essentiel- conséquent, la vie. Entre ICI; deux pôles,
les, d'une part l'être qui te'n est doué, et nous trouvons expJ'imé dans la thèse decro-
.d 'autre part le milieu qui l'enveloppe, cette lyenne sur l'intérêt qui est d'un côté, et ve-
initia'tive 'peut se partager 'en deux parties : nant de 'l'enfant, un besoin et, de l'autre
a ) La connais:.sance de l'être vivant en lié- côté, venant du milieu, un stimula.nt. Toute
néral et d e l'homme en particulier ; l'éducation Decroly consiste à vivre con-
b) Celle d e la nature, y compr!s l'espèce sciemment oette double relation, ce « rap-
humain e en tant que groupeme.1t et consi- por t » (dirait Keyserling) qui va devenir d e
dérée comme formant une partie du milieu. plus en plus étendu au fur et à m esure que
Si l'école pouvait al'J'iver au moins d'une le développement de l'.E nfant s'accusera da-
manière suffisante à r emplir ce double but. vantage en profondeur sans qU'on puisse
à faire comprendre ces deux mécanismes, sa dire qU,el développement explique l'autre,
tâche serait r emplie . . » puisqu'ils sont à la feis cause et det l'un
(Dierely, « ' Li pre~ramme i!'un·, écol ? eli l'autre.
LA T ECHNIQUE FREINET 5
------------.------------~

II. Une éducation adaptée


aux besoins de l'enfant
Nous pouvons maintenant poser le schéma qui cherchent un équilibre avec leur milieu,
tie l"éducaition decrolyenne. Nous présente- l'homme est poussé par une aspiration qui
rons d'abord, sous la forme d'un dyptique : v~ent du fond de lui-même et Qui l'engage
.'un côté l'enfant et d e l"autr'e le .monde à progresser constamment selon la loi d'ou-
ixtérieur: deux mondes séparés en partie. à verture au monde dont nous pallions plUS
l'origine mais déjà mê:éo; l'un à l'autte et haut.
surtout prédisposés à s'ajuster et à s'harmo- Ce que D ecroly découvre en l'enfant, Cil
niser. .1;...
sont les b:soins généraux ICt universe:s de
L'enfant, en effdt; est orienté vers le la na ture humaine, les grands mobiles qui
monde extérieur et il l'est par des besoins poussent à l'action p ermanente de chacun
fondamentaux que D ecroly a ramenés à et au noble effort civilisateur \entrEpris par
quatre : l'espèce. C'est parce qu'il ailla à vivre com-
me les autres hommes, à s'engag<r un jour
10 Le besoin de se nourrir auquel on peut
dans la grande épopée collective, que l'en-
rattacher le besoin de respir.er et le besoin fant doit avoir de très bonne h eure l'atiten-
de propreté qui, :eux aussI. concernent l'en- tion tournée sur ces problèmes, humains par
tretien de la vie d la conservation d e la excellence. Decroly retient dans la psycho-
~a nté.
logie de l'enfant, d'abord ce qui le fait
2° Le besoin de lutter contre les intem- - h omme !tn pUissanoe, homme éternel, el
lI~rics : lfl. pluie, l~ f roid, l'humidité, la cha- c'est en humaniste plutôt qu'en psycholo-
leur excEssive, l'orage, le gel, etc ... gue qu'il détermine l'obj et de l'éducation.
3° Le besoin de se défendre contre lei! C'est quand il s'agira des moyens que nous
dangers et les ennemis divel'S, c'est-à-dire trouverons alors le psychologue averti dil
c2Jltre les animaux nuisibles qui attaquent l'enfance considérée comme un âge auto-
l nomme, ses maisons, s!es champs, ses ré- nome.
serves de' nourrjlture, etc .. , contre les plantes Les textes sont là qui confirment ce qUIl
nuisibles qui se développent au détriment nous avançons. D ecro ly abandonne l'expres-
de n05 cultures. contre les malfaiteurs et sion {( besoins fondamentaux de l'enfant »
ceux qui en veuLent à notre indépendance. pour parler de l'homme, de ses besoins es-
Les besoins 2 et 3 concern:ent notre auto- sentiels et d es attributs fondamentaux de
défense qui trouve d'aiUeurs de précieux la vie humaine :
auxiliaires dans le milieu, puisque noUl! « La vie se définit par plusieurs termes
avons appris à uŒiser les défenses n aturel- dont deux ont plus d'importance que toWl
IfS, à construire des abris artificiels, à do- les autres :« accroissement et propagation ;
mestiquer les animaux, à coopérer avec nos e:le comporbe d€ux séries d'activités, act ivi-
s:mblabl.€s animés du même besoin. tés qui concernent l'individu et activ!.tés qui
4° Lc besoin de travailler solidairement, concernent l'e~pèce .
de se recréCl' et de s'élever, D ecroly y rat- Nous prendrons donc 'pour point de dé-
tache le besoin de repos qui accompagne né- part les de4x grandes rubriques : fonct ions
cessair.ement ·le travail, et ·I.e besoin de lu- individuelles et fonctions sociales,
mière qui peut paraître par certains côtés L'homme ( 1), pour V1Vle, a, comme tout
relié au besoin d 'air mats qui vient ici parce être, . des beroins essentiels : il doit se nour-
'lue la lumière .est faite pour notre joie, On rir, se prémunir contre les intempéri:s, se
l~emarquera que Decroly a bien soin de pré- défendre contre des ennemis. Il doit se plé-
ciser : le besoin de travail!ler solidairement, parer à être capable, lorsqu'il sera adulte,
i.e référant ainsi à la grande loi de l'asso- à se suffir.e à lui-même (fonctions indivi-
ciation dans le travail et à son corollaire : duelles), à suffire à sa famille et à r emplir
la loi de division du travaiL Le besoin de ses obligations sociales ~fonctions sociales).
travaiUel' naît d z:s précédents puisque nous Cela résume bi en. en l es étendant à l'hom-
vivon l; dans un monde où rièn ne nous est me, les deux attributs fondamentnux sus-
offert gratuitementamais doit au contraire dits de la vie humaine : la conservation de
être mérité par ·l'effort. Insistons cependant. l'individu et celle de l'espèce... »
sur un point. Il ne s'agit pas d 'une activité Et si Decroly opèr.e< un passage de l'adulte
flui aurait ~xclusivement pour but la con- ~ l'enfant, c'.e~t parce qu'en son fonds, la
servation, le maintien d'un état. DecrOly a
ajouœ « il. s'élever », introduisant ici l'idée
que ,eontrairOlent à ,l a plante ou à l'animal (1) C'est nous q,.i soulill"nons.
6 LA TECHNIQUÈ FREINET

nalture d'un enf~nt est avant tout une na- monde exltéri€ur. Ces intérêts guident l'im-
ture d'homme-enfant ou de petit d'homme. pulsivité mental,€, de même que les besoins
Il continue donc ainsi : guident l'impulsivité affective. Ils pennét··
« Et comm'ent procéder avec l'·enfant ? tent une prise de conscience du monde qui
Mais en recourant à l'observation directe, se superpose à J'action né'e des besoins ins-
par la constataition des processus dont il 'est . tinctifs. Cette action devient plus clair-
lui-même le ~iège; ensuite, par la percep- voyante et mieux adaptée. Les connaissances
tion des failtlS pris dans J"ambiance immé- élémentaires naîtront donc dies besoins pri-
diate, en premier li:eu de ceUl{ qui sont moins mordiaux :et des toutes premières adtions
acceSlSiblles dans le temps ·et dans l':espac·e, humaines, ce qui conduit 'l'e Dr Decroly à
ensuite. Et ce ,n'est pas bien difficile, car fau-:e de chaque besoin fondamental un cen-
précisément tous les événements qui consti- tre d'intél'êt qui reparaîtra avec des dévelop-
tuent sa vie pourront servir d'intuition. pements plus ou moins étendus durant tou-
te la scolari'té de 6 à 14 ans. Ainsi l'enfant
Il sera le centr.e : on comm·e ncera par lui se trouvé' êtl'e, comme le dit Decroly, le cen-
donner les ndtions sur son propre individu , tre ; le programme part d e lui :
n 6n au moyen d'une nomenclatur,e sèche et
. aride, maiS' en ,l ui faisant comprendre les - J'ai failn; il me' manque des aliments
mécanismes accessibles d e son organisme et sans eux je ne saurais viv.re.
physique ,e t m ental. • - J 'ai froid,et sans chaleur je souffr e,
Comme l'honune, il doit pour vivre, sati&- - J'ai besoin d'être protégé et sans la
faire à des besoins inéluctables ; se nourrir, présence de mes parents, je suis perdu dans
se reposer, se garant.ir contœ lfs intempéries, le vaste monde.
I:es accidents, -les maladies ; il doit aussi
s'instruire, se' préparer à gagner sa vie, il a T,e!J.s son!t les premiers états passifs qU&
des 'besoins moraux 'elt esthétiques. Voilà les j'·enfant va analysei' en même temps qu'on
thèmes points de départ. lu.i fera découvrir l'instinct vital ou la ten-
dance qui le polari~e vers lES chos€s dont il
Rendons··le conscient de leur existence et a besoin pour sa conservation. L'enfant cher-
de leur inéluctabilité, et montrons.-Iui ensuite che les aliments, l€s boissons, J'air, la èh a-
ce que. la naturE Et se~ s ëmbJablœ lui four- leur, la mciété des parents, .etc, Dans sa
nissent, par conséquent la dette qu'il a tendance, il y a déjà une aHentc et Ul1fl
contractée envers ceux-ci, enfin amenons-le espérance. Une recherche commence ; son
à rech'e rcher comm'ent il pourra s'en libérer, att)ention s,e porle sur des obj ets ou sur
comment il cessera, non seulement d'être une de!s personnes; elle est retenue pal' cEirtaina
charge, mais pourra, dans la proportion des d'entre eux qui exercent sur lui une véri-
soill;s qu'il a reçus et de l'aisance. qu'il pos- table attraction. lépondant à l'impulsion pre-
sède, satisfaire à ses oblig;l,ltions d'homme'. mière, C'est là l'intérêt qui suppose cette
de père, de éitoyen, de citoyenne. )) (Op. Oit. fois-ci une' présence, l'existence d'un monde
p. 269. 270.) qui vous répond. Nous touchons à un deu-
Aux besoins fondamentaux de nenfant cor- xième ordre' d'idées : comment nos besoins
respondEnt des intérêts puis-sants qui diri- sont-ils satisfaits- ? L'étude du milieu va ré-
gent son attention SUI' lui-même ou sur le pondre.

,
LA TECHNIQUE FREINET 7
--------~---------- --_._-- ---_ ._-

Une éducation
IV.
qui rattache
l'être vivant à son milieu
Le bESOin lie J'être à son milieu en vertu l» Inconvénients et mOy eN> d e les éviter.
d 'une loi natur.eJle : aucun être n',elSt indé-. cl Conclusions de vie pratique sùr la ma-
pendant et ne peut vivre SUl' lui-même, le nière don.t l'enfant doit se comporter
milieu a donc une importance' capitale au pour son bie'n ,et pour celui de l'huma-
11egard de nos besoins et de nos intérêts. Il nité. -
faut s'enquérir de lui pour satisfai~e intel- ToUr à tour seront donc étudiées l'action
ligemment nos désirs puisque nous S'omm es favorable ou défavorable du milieu sur l'in ..
d es hommes. Voilà le second aspect de la dividu et ensuite la réaction intelligente d "
doctrine de'crolyeIUlle en ce qu',elIe a de plus cet individu Sl.lir le milieu afin de se défen-
neuf et de plus original eu égard à son dre contre ses dangers ou de tirer parti de
temps. Le pédagogue semble dans ce cas &es avantages.
particuIjer, avoir été inspiré p3.t!- le médecin. Implicitement d'important:les conséquences
Très au courant des données de la biologie psychologiques et pédagogiques découlent d Q
moderne, Decroly a r epensé le problème. cette vue maîtresse. L.eI besoin lie l'être hu-
C'est. En effet, un e vérjté, mai.ntenant fami- main à son milieu non seulement par une
lière à ceux qui étudient les sciences de la act~vité physiologique mais aussi par un e
vie, que l'évolution signifie un processus de activ~té spiritu·elle. L'homme n 'est pas comme
différenciation sous l'action de facteurs ex- l'animal uniquement rattaché au milieu pal'
lélieurs. L'évolution de l'homme est. déter- des mécanismes instinctifs. Il doit. utiliser
minée à la fois par des facteurs internes et intelligemment le milieu 'e t t'n Ir etour le
des facteurs externes qui, loin d'être en milieu exe,rc e une action profonde sur 1e1 dé-
contradiction, se complètent mutuelleme!llt : veloppement de son intelligence et de son
la base de l'évolut.ion étant donnée par l es psychisme. Nous n'insisterons paE; sur le dé-
dispositions naturehles 'e t les stimulants de veloppem ent int!ellectuel car la question a
l'évolution provenant du milieu. été exposé-e plus h aut, m ais nous r etien-
En face de l'enfant, Decroly pose donc drons un moment l'action du miliEU sur le
l'Univ,e'r,s ou plutôt ce qu'il appelle le .milieu , . psychisme de l'êtl e humain.
en tendant bien par là qu'il s'agit du monde Chacun sait que nous éprouvons· un véri-
avec lequel l'enfant est. immédiatement en table lJesoin d ~ vivre en. conitact avec la
l'apport. Suivant une classification commode, nature 'et que les hommes qui habitent les '
universellement a dmis'e' 'et surtout très simple grandes cités modernes. artificiellement bâ-
et à la portée des enfants, le Dl' Decroly tLEl5I, ont un besoin impél'ieux d e s 'évader à
distingue très élémenitairelhent certaines époques pour rEtrouver la fral-
A. La nature. cheUJ' tonifiante de la montagne, de la mer
B. L'Humanité (les autres hommes). ou de la simple campagne. L \enfant qui est ·
et en subdivisant : . séparé du milieu familial ou qui ne trouve
Le milieu non vivant : pas d ans celui-ci l'amour dont il a besoin
al L' enfan t et la terl1e (eau, air, sel). dévient la vic time de sentiment., r efoulés
bl L'enfant et le soleil, la lune 'e t les €xtrêlTIEment dangereux POul' son équilibre
aut!'€'s astres. aff€ctif. Toutes les autres observat ions qui
Le milieu vivant : pourraient êtr e appor tées ici ne f eraient que
c) L'enfant et les plantes. démontrer la nécessité d e conserver autour
d) L'enfant et les animaux. de l'enfant un milieu naturel, une ambianc ~
Le milieu humain : affective norma !e qui ne contra,riera ni n e
·e·) L'enfant et sa famille. boulevEr Eera le développem ent naturel mali;
f ) L'enfant et l'école. au contraire aidera l'apparition et la nor-
g) L'enfant et la société (c. à d . com- malisation d es grandes· fonctions intellec..
mun'e, province, Patrie, Humanité) . tuelles ou spirituellES.
LEIS ca ractères de l'Ecole d e l'Ermitage il'é-
Si nous voulons préciser le schéma, il faut pondent à èette exigence fondamentale. L'en-
nous garder de tracer une frontière entre fa.nt doit pouvoir vivre en. contact étroit
j'enfant ·e t le milieu mais' plutôt marquer av ec la nature, surtout à un âge nui, à
leur interaction si bien que chaque point doit juste raison, a été appelé l'âge de Robinson.
être :tJ'aité sous trois aspects : Par conséQuent, l'Ecole de l'Ermitage sera
a) Avantages au point de VUe de l'homme une école nouvelle à la campagne, située à
et moyens d'en tirer parti. la périphérie de la grande ville, ouverte lar-
8 LA T ECHNIQUE FREINET

gement au monde extérieur, avec de~ salles événêments déterminants de sa vie ou de


de classe qui n'auront plus rien de commun l'histoire qui se déroule autour de lui. {{ Bien
avec la prison traditionnelle des enfants. entendu, écl~it not,r'€' pédagogue, le pro>-
Ceux-ci doivent pouvoir rester en contact gramme est interrompu 10lsqu'un événem en t
étroit avec leurs familleS qui seront mêlées important permet une leçon d 'actualité ' :
ool1stamment à la vile scolaire. L'école sera pOUl' les peLit;; (jusqu'à 8 ans environ), un
une écoic-foyer S\11" laquelle rayonnEra l'a- fait intérE1ssant let fortuit qu'ils pourront
mour du Docteur et de Mme Decroly. L'en- observer (naissance ou mort d'animaux ou
,fant doit fréquemm"nt, faire visite au]!: ate- de p:antes, neige, incendie, accid<:nta, etc,);
liers des artisans et « il ne faut pas crain- pour les grands (8 à 12 ans), un fait ana-
dl e' d'empru nter des activités au travail de logue, mais se passant à distance' dans la
l'ouvritr manuel pourvu qu'eUts ne ~oient ville, le pays ou à l'étranger, et auque'l ils
pas de pures manifestations mécaniques et ne peuvent assister (épidémies, accidents de
qU' Elles se rattachent, à titre d'application chemin de fer, de min'e, tremblement de
directe, à quelque point du programme adop- terre, éruption volcanique, avalanche, etc.) »
té ». Ccci afin de faire vivre l'enfant dans (Decroly, op. ci:t,. p. 270) .
un monde proprement humain qui est celui
du travail. Ce sont là d es centres d'intérêt dits occu-
siollllCIs et qui, en rnpport avec le moment,
L'éducation D ecroly ainsi que l'a voulu r empliron,t une grande partie du programme.
son Pl omoteur convient au plus grand nom- Enfin, dernière conséquence, l'exploration
bre de mentalité<. possibles. Oependant, du du mmeu conduit à l'école active. Elle éloi-
fait qU'élle prend en considération le milieu, gne les élèves du monde abstrait. (de la salle
eUe s'adapte aux circonstances particulières. de classe, des livres, des leçons orales) et
Elle se base sur le milieu local. Decroly ayant lelS entraîne dans un monde concl'tt. L'es-
retrouvé cette prophétie de Michelet : « L'en- sentiel de la cla&se doit d e ~e dérouler en
seignement, un jour, aura mille formes. On p':ein air, au miILeu des champs, dans la
n 'enseignera point un enfant de la Brie, forêt, le long de la rivière, ete.
futur maçon, comme on ensEignerai:t le petit
marin de Marseille ou le futur comme1'- L'éducation demande donc au miEeu de
çant », la comm,ent:e aussitôt : « Cette idée faire na1tre les problèmes lSur Qesquels
d oit se traduire comme suit : « Un jour, on s'C'xercera l'activité intelligente des élèves.
n' enseign e~'a plus au mOyén d 'un programm~ Le maUre n e sait pas à l'avance ce qu'il leur
uniforme tous les enfants' d'un pays, mais en.seignera. Le prog,r amme 'Decroly n'est
dans chaque localité on tirel'a parti des res- guère qUe ce qu'est la carte par rapport à.
sources naturelles et d~ s activit és humaines l"exploration véritable. De là une glande
qU' c'lles déterminent pour d<Jnner l'éduca- différence avec la &Cience scolaire ou livres-
tion générale avant d'ehtreprendre la pré- que. La connaissance des élèves s'accroît
pM'ation professionnelle. ' » d'une manière tout organique. Oe n e sont
(Decroly, op. cit. p. 268) . donc ni les administrateurs scolaires, ni lee
maltrC\Sl qui ont l'initiative, elle est conser-
Le programme ne sera donc qu'un cadre vée aux 'enfants. pour eux l'étonnem ent r em-
dans lequ él s'in.scriront LeS grands faits du place la règle imperoonnelle deS' program-
milieu propre à l"enfant aussi bien que l e~ mes officiels.
LA TECHNIQUE FREINET 9
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -- - - - -- - - - ---- -

v. Une éducation qui exerce


intégralement toutes
les fondions de la pensée
Placés au cœur de la conception decro- désidel~ta tendent à devenir des buts en
lyenne, nous pouvons désormais en ape~'ce­ eux-mêmes et qu·ainsi ils pe~'dent toute in-
voir tous les prolongements. Le rôle de la fluence sur l'attitude: mentale générale. »
pédagogie n'est pas de connaître les reJa- (p. 74).
tions entre l'enfant et son milieu, mais de Une fois qu'on possède les techniques ac-
les faire vivrc au maximum, d'amener le quises de cette manière, il devient très dif-
jeune être à faire l'expé:'Îcnce intégrale et ficile de< les mettre au service de l'intel-
sans intermédiaIres du miUeu dans lequel il ligence car « pour qu'une technique puisse
vit. La méthode pédagogique sera une mé- êtr e. mise au service de l'intelligence, il faut
thode de 'Xie : l'écolc 110ur la vie, par la vie, qu'elle ait été acquise: avc-.c intelligence ».
telle est la d evise de D ecroly. Donc, méthode (p. 74).
de vie inteUectuelle et méthode de vie ~l()­ Les études disciplinaires ou logiques (par
ciale. Là encore nous allons trouver unCl exemple les mathématiques, - la question de
solution originale. Ce n'est pas que Decroly l'apprentissage des techniques d ·opératiOns
ait, tout inventé lui-même, au contraire, il ou d e calcul étant mise à part) confinent
s',est modestement complu à souligner que l'élève dans un monde abst.r'ait :
son programme ne contenait 1·ien en ses « Dans ' les études disciplinaires et surtout
diver es parties qui n'a it déjà été préconiSé logiques, il y a le danger d'isoler l'activité
par d'illustres devanciErs mais D Ecroly se intcàlectuelle des réalités de la vie. Le maî-
distingue chaque fois par le génie du péda- tl ,e et l'élève sont amenés: tous deux à sé-
gogue pratique Qui sait tir.r tout le parti parer la pensée logique - ch}Jse abstraite
possible d'une théol ie philosophiqu81 ou et lointaine - des exigences spécifiques et
d·une thèse psychologique. NoUS en avons concrètes de _la vie ordinaire. Le travail
un bel exemple ici. d'abstraction tend à éloigner à tel point d es
Dewey va nous servir de commentaire et réalltés; qu'il perd tout rapport avec la
c'est Decroly qui nous invite à r ecourir à conduite pratique ,e t morale ».
lui pour (clairer sa conception. Les deux Nous savons assez par expérience com-
hommes se sont rencontrés et ont constaté ment, même à l'école primaire. il est diffi-
une telle communauté d'idées_ ent.re eux que cile de ramener le calcul à ·s:s app' ications
Decroly, l'enonçant à exposer sa philosophie, véritables et difficile de substituer aux pro-
préféra tladuire en françalS le célèbre ou- blèmes dits éducatifs (sur les courrierS', les
vrage de philosophie américain : « Comment bassins qu'il faut ,!"'emplir ou vid2r) des exer-
nous pemo::1.s » (Flanunarion, édit.). cices qui soient empl untés aux opérations
Dewey E<t Decroly dénoncent l'un et l·autre que l'artisan ou le cultivateur ont à résou-
une fausse concep~ion de l'acLivité d e la dre tous les jours.
pensée qui dénature l'éducation. Dans « Com- Restent. les études qui ont 110ur but l'infor-
mEnt nous pensons », Dewey diStingue trois mation. Elles ne. w justifient pas davantage
groupes d'études : l'acquisition des tEchni- aux yeux du pédagogue américain :
ques, l'acquiSition des connaiSsanèes et les ({ Il en est absolument de- même des étu-
études disciplinairEs. Les uncs et les autres· des dont le but traditionnel consiste à four-
ont leurs défauts. Les études techniques exa- nir dES informations abondantes et précises.
gèrent le travail mécanique et le d r,essage : L'informat ion consiste simplement ,en une
({ Lss études dans lesquelle" domine l'ac- connaissance acquis.::t cmmaga<i!'lée. Le sa-
quisition des techniques ont aussi leurs re- voir est la connaissance- utilisé2 à diJ iger
vers. Ici, on cherche à prendre 10 chemin lES forces vers le meilleur ernploi de la vie .
. le plus court pour atteindrEI le but désiré. L'information prise uniqu ement pour elle-
La conséquence. c'est qu'on mécanise le tra- même n'implique pas l'éducation spéciale des
vail scolaire' et réduit ractivité intellectuelle. qualités intellectuelles, au contraire te sâ-
Lorsqu'il s'agit de fair e acquérir la lecture, voir est le fruit le plus délicat de cstte édu-
l'écriture, le dessin, les techn iques d e labo- cation. L'école cherche à étouffEr le savoir
ratoire.etc., Je désir d'épargner du temps et et le jugement droit sous l' ellta~sem ent des
du matériC'l, la préoccupation d'obtenir la irifarmations. Souv'€IIlt, le but d e l'étud,e,
netteté, l'exactitude, la promptitude, J'uni- semble être ~ notamment en géographie -
formité, prédomin·mt à tel point que ces de faire de l'élève ce qu'on a appelé un~
10 LA TE~HNIQUE FREINET

encyclopédie de CQnnaissances inutiles » (p. rents en t'enant compte des trois groupe!) da
75-76). Au faux plincipe de l'information processus pSYChiques fondam entaux
pour l'information, Dewey oppose cette cri- a) l'impression et la perception ;
tique décisive qui montre la voie· à suivre : b) l'association et la généràlisation, la ré-
« C'est un,el erreur de croire qu'un jour flexion et l,e jugement ;
on pUisse tirer parti à volonté des notions c) l'exprEssion èt l'acte (volonté) ,
qu'on a accumulées sans les _adapter à l'étu-
de et à la solut,ion d 'un problème » La p erception n'a de valeur que si elle
est . largement associée aux souverors d€s
Concluons donc : {( La pédagogie tradi- perc eptions antérieures, et permet des juge-
tionnelle déteTmine. un e activité de ia pen- ments ,r ationnels, si elle aboutit à d es actes
sée qui s'exerce toujours d 'un'e' m~nière de adéquats et logiques. » (Decroly, Le program-
plus en plus ab.str,!1Îte et de plus ·e n plus me d'un e école dans la vie », p. 271.)
analytique. D e là une activité scolaire d e Cette vérité psychologique bien mise en
plus en plus moroelée en tre diverses di~ci­ valeur par Dewey et Claparède, a conduit
plines : français, lecture, histoire, géogra- Decroly à substitu €.r une «act ivité synthéti-
phie, sciences, d es:;in, tIavaux manuels qui, que » à d es activités analytiques. on pour-
à Leur tour, se subdivisent à l'infini et se rait encore dire : « activité totale )} ou
partagent llC'S horaires en se bousculant les « activité globale » au lieu de synt hétique,
unes l es autres, en requérant des déplace- - mais en se gardant d e confondre cette mé-
ments d 'intérêt, ·e t d 'attention pe!l'pétuels : t h od e' pédagogique' appliquée à l'éducation
de la leçon de lecture à celle d e calcul, puis dE' l'esprit avec le procédé de lecture glo-
à ceJole d'orthographe, séparée par une leçon bale préconisé par Decroly. Ce procédé r e-
de choses d e la rédaction ou des exercices pose sur une fonction de globalisation En-
de vocabulaire. Finalement, seule l'acquisi- t.endue en un sens plUs restreint que l'ac-
tion d es t echniques obtient quê1que succès, tivité fonctionnelle. dont nous venons de
mais l'éducation manque son but qui est parlEr. Afin d'éviter toute équivoque. le
d'assurer d €so nowons indispensables , de m eu: mieux est de se servir de l'expression lan-
bler l'esprit, de dévelopP'€T harmonieusement cée par Claparède : « activité fonctionnelle »
les différentes fonctions et ct:insérer l'homme puisque J.e psychOlogue belg.e part d'un point
dans les groupes humains avec d es réf1€.~es de vue ident.ique :
moràux et des aptitudes à la sociabilité.
« Les -vueS' nouvelles de la psych01vgie
Apportant sa contribution positive à la fonctionneUe, O'I1t ramené l'attention sur
critique de « Comment nous p eIl..."<lns », D~ l'entièreté du problème psycholog:que, sU." les
croly nous ramène à un.e grande vérité psy- interactions psychiques .e t · les Interférences
chologique. Nom, pensons fonctionnellement mentales qui font de la mentalité un tout
et non pas abs~ll'aitJement, Il n'y a pa~, une organique indissoluble. » - (Decloly, « In-
fonction « pensée» que l'on exerceTait ,avec troduction à la pédagogie. quantitative. ».
succès, à part, grâce surtout au maniEment
d'idées abstraites ; il Y a un esprit vivant Le rôle du pédagogue est donc de fortifier
qui, pour remplir sa tâche', a besoin d" met- ce .pouvoir qu'a l'esprit de s'édifier progres-
tre en œuvre : l'observation, la mémoire, sivement en .réalisant des ensembles de per-
l'intelligence, l'association d es idéES, l'abs- ceptions, . d'idéES, de sentimen ts ou de vo-
traction, le jugement, le raisonnement, l'ima- lontés, qui s'ordonnent progre~sivE ment lEI!
gination,' les' facu ltés d 'élocution et d 'ex- uns par rapport aux autres pour constituer
pression et qui, en tautJes circonstances, doit des structures de plUs en plus hiéral'chisé e ~_
s'appliquer à des situations concrèt'fSI. des Il faut qu'il fasse agir les facultés d e l'en-
problèmes vécus. fant dans; leur totalité, E'videmment De-
croly r ecommande d "l suivre un proc e~sus
« Les exercices scola.ir,es, écrit Decroly, lec- • éducatif qui soit comme un mouvem en t à
ture, écriture, calcul, dessin, travail manuel: trois temps : observation, association , expres-
,e xcursions, histoire, géographie et même sion, mais dans la pratique ces d istrnctions
jeux, chant et exercices physiques, etc ., d 2- sont beaucoup moins nuancées qUe' dans rex-
vront. se gl'EffleT, autant que faire se peut, posé de la théorie qui revient à analyser ce
sur les .sujets-pivots. ; ces branches n e' son t qui ne d evrait pas être Eéparé. · .
plus ·autonomes, elles n'existent plus par
eUes-mêmes, mais ell€s forment uniquement L'ob:sexvation a pour but d'amener l'en-
et simplement des moyens' variés de fixer le" fant ·en contact direct avec le milieu, Ce qUi
notions, de le/; rattacher aux notions précé- doit 'lui permett,r e : a) de connaître le mi-
d entes, ct en p €lrmettre l'expression tant con- fieu, c'est-à-dire les obj e1ts , les êtres vivants,
crète que vE.rbale. Ce. sont d ES outils qu'il les per.sonnes, les évén ~ ments, les phénomè-
est bon d e savoir manier. mais d ont il ~e nes. La connaissance préCise du milieu noU!~
suffit pa ~' de connaitre ls' mécanism ~ _ est donnée par l'·exercice de tous n os sens.
Au fur et à mesure qu'elle s'établit, s'opère
« On fera -toujours en sorte' que les suj ets en même temps un affinement de nos 01'-
comportent trois groupes d'exercices diffé- ganes &€'nsorie'ls et une éducation complète
LA TECHNIQUE ~ FREINET Il

de la p e:rception ; b) de comprendre le qualités. Le savant ramène tout à des quan-


milieu ; en par't ant des perceptions, l'enfant tités. Pour lui , une observation n 'a pas de
fait des comparaisons, distingue des diffé:- valeur quand on a trouvé un mot rare pour
rences. Il devient capable- , de: parvenir à d es qualifier la choolç' ou la propriété . ; !€Ille ne
notions plus générales et l'un des premiers mérite' d 'être retenue: que' si elle s'inscrit
t ravaux qu'on puisse lui demancterEst un en unités ou en degrés. De très bonne heU1'e,
travail de groupement et de classification, nous dit Mlle Hamaïde, {< on attire l'atten-
évidemment avec des critères encore ,e nfan- tion d ES enfants sur la mesure des diverses
tins et surtout en partant des qualités Een- propriétés (températuœ', d ensité, coul'eur ,
-sibles les plus grossières. L'enfant devient dur eté, élasticité, flexibilité, malléabilité, po-
capabLe de discerner un ootain ordte dans r osité) d 'objets collectionnés par l'enfant
le monde en même temps qu'il développe sa lui-même. Ils classent ces objets selon leur
faculté d'abstraction ; c) 'd'expliquer le mi- degré de résistance, df! dureté, de fusibilité,
lieu. L'éducation D ecroly cherche à faire etc. Ils possèdent aussi un magasin où i.Ls
découvrir de bonne h eUre à l'enfant les ,cau- achètent, vendent, pèsent, établissant ainsi
ses des phénomènes, constater les conséquen- un rappOlt >€:ntre l e prix, ,l e poids i€:t le vo-
ces, étudier les modifications qui survien- lume », (La méthode' DecrOly, p. 128.)
nent quand varient les conditions. Cett,e re- L'exploration du milieu ne saurait cepen-
cherche des explications est un travail de dant suffire. Le dépaysement est souvent
raisonnement; d) de parvCillÏr à une 0€Ir- n écessaire pour que nous devenions sensi-
taine conception du monde, car l'étude des bles à l'originalité et à la singularité des
manifestations de la vie- est susceptible de choses qui nous entourent. D épassons donc .
conduire la notion de développement ou 1 les limites de' notre étroit domaine. Les'
d'évolution que nous voyons régir les espè- ChOSES que, nous avons sous les yeux ont un
ces vivantes et à ceHe de sociabilité qui 1 passé qui les explique et pour les bien com-
gouvetrne l'activité d es hommels'. pendre, il faut remontH' dans le temps, re-
On pourrait être tenté de reprocher à oette courir au ' témoignage deiS ancêtres ou d e,;
éducation d 'avoir un caractère scientifique historiens. Notre milieu, si fermé qu 'il puisse
trop marqué et de cu1Uv,eT la pensée au , paraître parfois, est aujourd'hui dépendant
détriment du sentiment et de l'imagiImtion. 1
de l'univers entier : nous devons une partie
L'examen extérieur d 'un programme Decro- de notre nourt1"iture à des paysans des cinq
lyen laÏSlS'e supposer, en effet, qu'il s 'agit de ' parties du globe ; l'industrie d e pays très
développer chez l'enfant les habitudes de lointains nous approvisionne en objets de
l'hommel moderne plus porté à agir qu'à toutes sortes, L'enfant ne comprendra bien
contempler. Ne va-t-on pas ainsi brûler les la solidarité et l'évolution hUmaine que si
étapes à l'âge deE: contes, puis 'à celui du l'on tourne: son' regard veTS l'histoke et la
Robinson ? Qu'on se rass'u re. Le Dr Decroly géographie. C'est pourquoi le Dr D ecroly
était un véritable artiste'. Il pratiquait et fait suivre le travail d'observation d 'un tra-
aimai,t la musique et le dessin. Il avait com- vail de documentation indirecte en utilisant
pris mieux que quiconque l'influence. paci- les livres, léS mémoires, lES nMTations de
fiante de la nature. La sen.sibili~ des en- voyage, les journaux et les illustrés, la radio
fants n'avait plus guère d e secrets pour lui. et le cinéma. Etre est aUSEi par e!Xcellence
,- Il a, par conséquent, donné une place à le travail de' la pensée qui consiste à rappro-
toutes les activités artistiques ' : modelage, cher des faits, à leur donner' ainsi une signi-
peilnt,ure, dessin, '!nusiqUl€i, d.ramatilsations, fication, à lies compar,eT, à procéder ensuite,
poésie que nous retrouverons plus loin. Sa- par induction à une véritable généralisation.
chant que l'enfant a besoin de la vraie: Par le travàil d'expression J'énfa,nt doit,
nature, des fleurs, des arbres', des oiseaux, être capable de communiquer aux autres l€lS
des ruisseaux et du vent, il Ie fait ViV1~ connaÏSlSances qu'i] vient d'acquérir soit par
constamment au milieu d'elle. Ainsi s'éveille l'obsell'Vation, soit par l'association : il ~ra
" €ln lui le goût du beau, le r,e!Spect des choses une causerie: à ses camarades (à l'Ecole de
~'Ermitage, on a dit déj à ({ conférence » ),
vivantes; le sentiment des harmonies natu-
relles. Son imagination s'épanouit et va 11 composera une monographie, un rapport,
d'elle-même à la rencontre des métaphores un compte-rendu de visite d'atelier bu d'u-
éternelJes qui émaillent l'œuvre d es grands sine, il ellvêna à des camarades éloignés un
poètes ~ l'Iliade, la Bible, la Lég€ll1de des Jo'u rnal qui renseigne en même temps les.
Siècles ou lei Poème du Rhône. palr ents sur l'activité de l'école. On a l'habi-
tude de classer les travaux d 'exprEssion en
Decroly désirait donc que l'enfant soit travaux d'expression abstraite et travaux
poète et savant tout à la fois. La' fraîcheur d'expression cpncrèbe, distinction qui n'a pas
du sentiment et la rigue'UJr de la pensée ne grande valeur, car l'enfant qui compose Une
lui paraissaient pa~ inconciliables. I1 ne faut monographie, la rédige, l'écrit à la main ou
donc pas être surpris qu'il ait déjà incliné la ta~e à la machine, ou l'imprime, l'illus~
les plus petits à l'observation exacte par la !re ,SOlt de dessins, à la plume, de peintures
mesure, Il n'est pas; en effet, d 'observa.tion a 1 aquarelle ou de gravures sur lino la
SCientifique sans mesure. L'artiste perçoit des relie, se servant par conséquent tour à tour
r ,
12 LA TECHNIQUE FREINET


de la parole, de l'écritUl'€, du dessin et, du aboutissement de la pensée et comme mani-
travaH manuel. Il en est de même pou.r la festation de la volonté. tl n'a pas voulu seu-
compo&ition et l'édition d'un journal sco- lement faire étudier les activités humaines
laire. L'essentiel est ailleurs. fondamentales et <essentielles pour la vie avec
Le travail d'expnession a principa.1ement les métiers de base qui s'y rattachent. IL a
poyr rôle der manifester la réaction de la désiré aussi les faire pratiquer. L'enfant doit
peflsée enfantine au contact du milieu: r éac- pouvoir êtro cultivlltteur, éleV1€ur, jardinier,
' tion de communication vis-à-vis des. sembla- menUlSler, forgeron, ou sèrrurier, maçon,
bles à qui on V12ut traduire sa pensée, mais cordonnier, tailleur, etc... On s'est peut-être
au&si réaction du sentiment s'exprimant par étonné que le Dr Decroly soit parti de be-
une danse, un poème, une dramatisation et soins vraiment élémentaires et instinctifs.
réaction fabricatrice - ; transformation du En réalité, il a pprend aux enfants à subli-
'. miliEu à l'imitation des hommes, soit sous mer ces besoins pa.r le travail, à donnet·
forme de j't'u, soit sous la forme des techni- une réponse humaine au fait de ,l 'adapta-
ques artiffinales les plus courantes et les tion. E ~ c'œt encore là Ull autre trait de
plus simpl€s ; enfin action morale. la grandeur des conceptions du Ma1tre qu'el-
Decroly n'était ni grammairien , ni philo- les donnent lme solution aulC pl"blèmes que
logue, il avait la WW"llUle de pensée d'un les socialistes se sont posés chaqute fois
h umaniste et quand il parle d'expression, il qu'en fonction de leur doctrine ils ont abordé
songe toujourl à l'acte comme contrôle et l'éducation rattachée au t rM'IJ.il créateur.

f'

-
LA TECHNIQUE FREiNET 13

Une méthode
VI.
d'éducation génétique
La méthode Decroly est, nous l'avons vu, historique, d'initier l'mfant au calcul aCtif
une méthode d'accommodation, d'adaptation par l'emploi de mesures intérs"sanléw et com-
ail milieu; a joutons maintenant d 'adaptation modes, telles que la main, le pi'éG, la iongu€ur
prop-essive. Le but reste constammEnt le du corps, du bms, de la coudée, etc... Les
même, les prog~'ammes dans }t,urs grandes unités de poids sont fournies par des cail-
lignes ne varient pas mais « les procédés su- loux, des marrons, des grainC\Ol; d!e"s réci-
bissent les modifications que permet la capa- pients d e toutes sortes : flacons, cuillers,
cité abstractive plus grande de l'intJeliigence cr.eux de la main p euvent servir de mEsures
de l'enfant ». En psychologie, Decroly a tou- de capacit é. Le passage aux m esures conven-
jours apporté Ja plus grande attention à sui- tionne.les <Je fait plus tard, au début' de la
vre le développement de l'enfant. L'un de ses deuxième année (7-8 ans). A cet âgo, le"
ouvrages est intitulé : « La psychogénèse de enfants arrivent d'eux-mêmes à comprendre
l'enfant », un autre : « Comment ,l 'enfant que ~éS mesures précédémméIlt employées nti
arrive à parler ». Avec J . Degand, il a donné sont pas toutes équivahntes ni constantes.
le compte rendu de nomb/"1€'USes observations L'intervention de l'adulte 6e justifie à cet
relatives au développement de la notion instant PI écis pour fair.e .sai&ir l'usage que
chromatique, die l'aptitude graphique, de la nous faiosons d es étalons et des meSUrES con-
notion de temps, des quant ités continues et ventionnelles. Ce n'est là qu'une étape parmi
dJscontinues, de l'affectivité. Ces travaux ap- d'autres que Decroly dénombr.e ainsi dans
portent une contribution importante à la son « Initiation au calcul et à le'. mesuri
PSYChologIe du développement et ,ils ont con- au premier degré de l'Eéolc, D ecroly. )} (pp.
féré à leur auteur une autOlité toute spéciale 21-22) .
pour parler d 'une pédagogie' adaptée aux ' « Parmi les étapes natureU:s qui font la
conditions d e l'évolution enfàntine. t ransition entre la comparaison grœs-ière et
C'est de ce point de vue qu'il convient la mesUr<:< précise, notons les suivantes :
d 'étudier les jeux éducatifs inventés par le 1° On compar e de;s Qualités qui ne sont pas
Dr Decroly. Ils doivent servir d'initiation à dénombrables (couleur, goût, odeur, beauté)
l'activité intellectuelle et motrice, En obser- et celles susceptibles d e s'exprimer avt.C d es
vant l'enfant-constructeur, Decroly a eu l'i- nombres.
dée d'un matériel qui permette à l'enfant 2° On se sert d e l'estimation apprûximative
d'assembler les différentes parties d'Ulle: pou- en usant de teTmes globaux de quantité
pée, d 'une voiture, d 'un~ maison, etc., POUT (beaucoup, peu, plus, moin.s, t rop, assez, au-
en faire de véritables jouets, Le pédagogue t.ant).
répudie les eK'Crcices. montessOliens trop mé-
caniques et trop abstraits. Les jeux, dans sa 3Q Pour les quantités disconth'"lu'ES, on l'e-
pédagogie. sont des auxiliaires qui maintien- court au début à d e:s unités naturelles (com-
nent le contact avec la réalité et fiJCent l'at- me ~UT les quantités continues).
tention des petits sUl' J,es objets les plus pro- 40 bn fait le plus tôt possible, ·des compa-
pres à exciter leur intérêt : les animaux, les misons portant .sur le poids, le t emps, la
plantes, les personnagœ, lel& modes de loco- valeur, aussi bien que sur les quantités spa-
motion, etc .. tiales.
Plus caractéristiques encore· sont les appli- 5° Et pour les m esures spatiale.!> eres-mê-
cations que Decroly a faites de sa PSycholo- mes, on aborde l ~ mesurES de volume en
gie génétique à l'enseignemEnt du calcul. même temps ou avant celles de surface et de
Devançan t les' r echetrches de Piaget et de longut:ur.
Mlle SZicminska, il a étudié très attentive- 6° Gradu.eUement on passe de9 unités na-
ment avec Mlle Degand. la psych010gie de turelles aux unités conventionnelles du sys-
l'arithmétique et le déVeloppement des no- tème métrique et de la meOEure du temps. »
tions de quantités et de nombres. Il s'est Au 'sujet de ces étapes, rema rquons eN.
!l.perçu ainsi que l'enfant était dérouté pas particulier que l'une des pr.emièI1Es est con-
nos procédés de m esure qui dérivent d'un sacrée à l'usage d e la terminologie quanti-
iystème: abstrait et 'iu'au contraire, de bonne tative ayant r ecours à des termes globaux.
heure, il alTivait à compr>e'l1dre l'usage dœ On verra là .encore une des applications que
procédés de mesure naturels autrefois uti- Decroly a tirêes d e sa conception de 1 acti-
lil>étt par 'les peuples primitifs. Il recom- vité mentale globale de: l'enfant. « Il eSll. ra-
nande donc ~de &e conformer à l'évolution tionnel, dit-il, avant d'entrll-pr.cndl'e l'usage
Iatul1e'lle et '€il même temps à l'évolution des nombres eux-mêmes 'Et a'lant d'-emplorltr
14 LA TECHNIQUE FREINET

les unités, de Eie> servir avec l'enfant, pour chiffrer n'importe que'! texte. La vàie suivie
apprécier le" quantités, die termes quantita- ne différencie pas seulel la méthode globale
tifs-qualitatifs qui sont en réalité des termes de ' la mé thode traditionnelle. LES procédés
globaux. » (Ouvrage cité, p. 31). employés sont foncièrement différents, ;
« Rationnel », écrit Decroi,y, les anciennes alors que lIa prEmière fait jouer surtout la
fonction visuelle, la SEconde m et de préfé-
méthodes étaiEnt aussi rationnelles, mais
c'est le point, de vue qui a complètement renc'el à contribution les centre~ auditifs. Là
encore, les conceptions que Decroly avai t de
changé. La pédagogie ancienne, en ne cons.i- révolution enfantine lui ont fait opére'r un
Gérant que l'objet de l'éducàtion, la matièr.e l'e'tournement pédagogique. « La fonction
à en'5lE'ignei, la présentait d 'une manière; lo- visuelle est plus tôt développée- que lIa fonc-
gique. La pédagogie nouveUe, en faisont por-
tion auditive », :e xpliquait-il : « Donc, il est
ter son attEntion d'abord sur le sujet, c'~à­ vrai que la lecture exig>e' d'abord et surtout
dire: l'enfant et ensuivel :;ur ses r e:ations, avec
l'int€'r vention des centres visuels. Si, :en ou-
l'objet, procède à un véritable renversement tre, ceux-ci Sel développent tôt chez l'en-
des méthodes, par exemple, pour l'enseigne--
fan t et en tout cas lui donnent des notions
ment de: la lecture, à la substitution de la p:us importantes, plus nombreuses et plus
méthode< analytique à la méthode synthéti-
que. Celle-ci IE\St rationnelle à prioli, l'autre précises que le centre auditif, il semble l'a-
iionnel - et l'on s:e demande comment cela
est rationnelle en partant d es: bases qu'offre
l'observation psychologique. puisse ·se discuter 'encore - de recourir pour
l'enseignement de' la lectUJ~ au procédé el:.-
Tout au début de ses travaux, l'observation sentiellement visue'!, de préférence au pro-
d'une fillette de deux ans et demi amena cédé phonétique €t surtout au procédé pho-
le Dr D Cc-ro:y à formuler , l'hypothèse de la
compréhension globale des phrases. Des ~ x­ nétique pur, où le son 5e'lt de base à la
l'êiprésentation graphique. » D(;:croly et D~ ­
périences entreprisE:sI au sujet des percep- gand, Psychologie et pédagogie de -la lecture:
tions visu eUes vinrent, confirmer l'hypothèse:
R evue SCientifique, mars 1906.)
un enfant est capable de perceVOir d ES en-
sembles non ' différenciés, des phmsels par Il n'est pas dans noS! intentions de Critiquer
exemple, en leur attachant un sens. sans ici les déduçtions deorolyennes. Il est un
qu'il y ait reconnaissance dES mots qui com- fait indéniable : il a révolutionné l'ensei-
posent la phrase. Lei pédagogue succédant gn.ément de la lecture et prouvé qu'une autre
au psychOlogue conçut alors. ùes procédés de méthode de lecture que ~a méthode synthéti-
la lecture et d ei l'écTiture globales qui sui: que et phonét.i.que' pouvait être utilisée av€c
vent les étapes suivantes : lecture (ou écri-- succès, que l'observation et l'eocpéIimentation
ture) de phrases, décomposition d es phrases départagent ~aintenant les partisans d t
en mots, des mots en syllabes, des syllabes rune ou de l'autre méthode par ,le contrôle
en lettres (cas de !l'écriture principalement) scrupuleux des résultats .e t l'examen atten-
et enfin analyslei e:t synthè5e combinées au tif de 'lIeur retenti.sS!ement sur la mentalité
moment .où l"enfant devient ·capable de dé- enfantine !

/
LA TECHNIQUE FREINET ~5
--------------------~-

Une éducation
VII.
qui trouve l'équilibre entre l'individualisation
et la socialisation de l'enfant
Du mament qu'il s'agit d'une « expérience sait de la cammunicatian du savair e·s t can-
vécue », la pédagagie du Dr Decroly com- sidérablement grandi sous ce rapport. Evi-
mence par paser en principe la liberté de d emmènt D ecroly met l'enfant dans un mi-·
J'enfant ·e t son drait à l'activiLé persannE:J,le. lieu t el qu'il puu.se Sie' développer librement ,
Ce n'est qu'une expérience intime qui peut mais la nature a toujau l s besoin d'être ~i­
révéler le mande à l'·e nfant. De ce fait, l'édu- dée. Le jardinier réussit dans san jardin
cation réduit au maximum 'l e rôle des inter- parce Qu'il connaît lc,s b esoins des. plantes
médiakes : les adultes et l'inSititutian sco- du point de vue de' l'humidité. d e l'exposition.
laire. L'éducateur est près d e l'enfant paul' du terrain, des fumures, 'etc. De même l'édu-
lui se;rvir de guide mais non paur lui cam- cateur; il ne chang.e rien à la plant ~e n­
muniqUEr et lui impaser un savair d'adulte. fant, mais il l'oriente dans lE' milieu pour
En aucun cas l"expélience d'autrui ne: peut qu'elle s'épanouisse au maximum. Il doit la
remplacer l',e']{périence pel'5anneN.e. Quant à de,vit.e1·, presE,sntir son ' avenir, en profita nt
l'écaIe t e~l e: que naus 1'.E ntendans, elle' n'a d'atl'leurs d e toutes les r&sourCl€'Sl de: la
plus sa raison d 'être. Persanne n'a mi eU){ science actuelle. Alors que, la Dactoresse
défendu l'école traditionnelle qu'un indivi- Montessori se fi e principal:ement à l'int ui-
dualiste et un intellectualiste camme Alain. tion de l'institutrice, le Dr Decroly désire
Paur l'inteliectualiste l'école est le vase clos, que le maître soit armé des m eilleurs ins.-
le creuset aux parais· vid ES, dans leque'l la truments .d e, travail et i'~ a grandement
pensée 'ElSt · susceptible d 'enfanter la pensée. contribué pour ~a part à la mise au point
C'es t le lieu aù disparaissElIlt les tentations des tests et des questionnaires sur l'enfance.
et tes séductians du monde et aù l'attentian On lui doit notamment :
peut se livrer à la pure: cantemplation ders « L'examen affectif en général et chez
idées. L'école, pour Decraly comme paur les enfa-nts ·e n particulirer. » 1926.
Rousseau, c'est la naturel et. :le mande. L'é- « La pratique' des ,t'E sts mentaux. » avec
cole est semblable fi une l'Uche, les écoliers- Buy"se. 1928. _
abeilles n'y rentrent qu'après avoit" longue- L'étude du petit 'e nfant par l'obServatian
ruent butiné au dehars. L'écale n'el5,t plus que et l'expérimentation. » 1929.
le lieu de réunian de. la' cammunauté sca- « Essais d'application du test de Ba:l-ard. »
laire, celui où l'an trouve t ous L'ffi moyens 1932.
d'expressian et d'autres passibilités d'explo- Quand un enfa-nt entl1e à l'Ermitage, les
ration : le labarataire, la bibliathèque', les parents doivent répondre à un questionnaire
salles de documentatian, le cain vivant, les très détaillé, modèle du genre, qui a été
ateliers et l'imprimerie. établi par Decroly. En clasoo l'élève est pé-
riodiquement examiné par la méthode des
L'éducatian D Ec.t'aly cantribue au maxi- t elSts et le maître dresse, au fur et à m e-
mum à 1'individualisatian d e: l'ltnreignement: sure, la monographie de l'enfant s'aidant
plus de caurs dagmatiques et collectifs mals d es résultats des t ests et de ses ob~ervatians.
d es travaux persannels ouen équipe,s . (1). Ins!stons sur ce paint, car l'enfant que le
Seul .campte le' travail individuel de l'élève maltre observe est un ,e nfant vivant et qUI
ses acquisitions prapres, ' la lente digestion: demeure: naturel. Nous sommes à mille Ueues
et assimila tian des cannaissanc€s, :le chaix ~e l'expérienCe de laboratoire qui s'adresse
qu'il fait des moy,ens d'expressian qui lui a un ·enfant « dépaysé », intimidé « sorti de
canvreŒlIlen't le mieux, la culture de sa na- l'enfance », paurrions-nous dire.' L'examen
ture et son accammadatian pragI1€SSive au mi- de l'enfant auquet on se livre à l'école De-
lieu. Entre taus les stimulants que lui affre croly est un enregistrement du camportement
le mande extérieur, l'.e nfant choisit confor- de cet enfant face au mHieu et à san propre
mément à Sf S dispositions générales, à ses ~Ol . de ses relations avec le mond€! des ob-
aptituŒ'lS, à ses- dons. Le rôle du maître qui Je~ et des ma~festations d e ses tendances :
était S'ingu'iièrement diminué quand il s'agis- les tendances egocentliquCiS e t leI'> tendances '
excentriques. Aux premières, Decroly rap-
porte :
(.1) Sur cette question, se reporter à Deschamps: . 10 .L'instinct de conservation individuelLe
L" aulo-éducalion appliquée au programme De- mféneur (exemples : 5. réaction à certaim
coly, Bruxelles, Lamertin, 1925 . . aliments, 6. sensibilité à la douleur, 7. sensi-
16 LA TE CHNIQUE FREINET

bilité au f roid, 10. sensibilité à la fatigue


physiquU SOCIALISATION
e _ _ __
IIO L'instinct de développemEnt, d 'accrois-
iitrl1€'nt, d'extension ('ex. 1 a. de l'amour- La dernière partie du programme Decroly
propre, 2. ambitieux, 3. orgueilleux.) tourne l'ê.s regards de l'enfant V€TS les dif-
III". L' instinct de propriété. férents groupes sociaux. Après avoir, par
IVo. 'l't>ndances à connaître., curiosité (ex. exempl-e, étudié comment l'homme satisfait
1. curienx de 8cn...<.ations nouvelles, 2. curieux son besoin de nourriture par l'utili<:at ion d~
6l.e- notions, connaissances ... ) ressources de. la nature, des végétaux, de.
Vu. R éaction d f." défense passive (peur) animaux, l'école Decroly pœe aux élèves lea
(·ex. 1. craint l'obscurité, 2. le vide, 3. l'eau ... ) thèmes suivan ts : A) La famille ,e t 1~ besoill.
VIa. R éaction de défense active, et d'agre.s- de se nourrir : comment l'enfant dépend-il
sivité (5. bAltal, 6. destructeur, 7. cruel.) de la famille pour sa nourriture ? - com-
VII". Tendances esthétiques : admire le
ma;l.t l'enfant vient-il en aide à sa famille
beau dans les couleurs., l'es fOITil'ES. leiil sèns, de p our la nourrit ur e' ? B ) L 'école ,et le besoin
etc ... se n oull'ir : le fonctionnement de la
cantine scolaire, - ia contribution de l'é-
VIIlo. T endances éthiquC!5. cole pour l'e ravitai:llement du secours d'hi-
Les bé'!Ddunces excentriques ont rapport 'à ver. C) La société et le besoin de se nour-
la conservation d~, ]';::spèce, les manif'€ sta- rir : étude d'e:9 m étiers rela tifs à l'alimenta.
tions sociales ct l'21truisme. tion, - l'organi<:ation du commerce des pro-
1° La tendance <:exuelle. 1 duits alim entaires. Nous avons vu précé-
IIO Tendance pal'entale. (1. aime les j eux
demment que tonte la seconde partie du
questionnaire affectif conCErnait les tJe.-
tie pollPée, 2. préfère les. p Etits pour jou-er, dances sociales dites exocentriqu es. L'éduca-
3: protège les petits. .. tion Decroly sans rien sacrifier au proc~us
IIIO L'€ s tendances sociale:> (sympathi'€l et d'individua lisation recherche aussi au maxi-
tendances groupales) ( 1. aime la solitude, muITtl la sociali<:ation d e l'enfant. EUe Vii ~
2. est sympathique, 3. recherche la sympa- à ,r endre- cet enfant . conscient au maximum.
thit>). de ses instincts sociaux· et de l'enterdépen-
IVo 'l'cndances <;I()ciales élémentaires (ins- dance à€'S hommes. Sans imposer aux j eune:;
tinct d'imitation). des valeurs extérieun's, €Ille leur demande là,
Vlo Tendances sociales ' élémentaires (be- au..<!S:i. d'expérimenter oes valeUrs humaines.
$Qin d'a pprobatlon, réaction aux influence!! Elle ch€Tche à leur faire vivre au maximum la
e~ETc~s SUl' la conduite.) vie d t:' communauté dans une école organisée
comme un groupement 'libre et autonome
. VIIO Tendances sociales élémentaires
où Le self-gouvernement d €6 écoliers est la
tendarl.c:, ludique. règl o'. Mlle Hamaïde décrivant le foncLion-
VIIlo T endances évoluées : alLrui<:me. nlôment d e: l'écaLe de l'Elmitage rapporte :
Decroly étudie avec le même soin 1''1:1 ten- « Toutes les fonctions sociales qui sont eR
dances à l'ac tivité et h:s particularités intel- rapport avec le caractère et les capacités de
lectuelles cn r elation avec ~e s tendances af- l'enfant lui son t confiées ... Les enfants orga-
fec tives. On n e manquera pas de r emarqu€U' n isent {'ux-mêmes la. discipline de leur clas·
la convergenoe; du programme d 'études d e- se... Des charges différentes son t réparties
crolyen et de l' enquête d Ecrolyenn:e sur la parmi lE,s élève-s de la classe. »
psychOlogie 'de l'Enfant. L eur " détail,,1 corres- (La méthode Decroly, p. 194-195).
ponds'nt. C'est l'expéri ence vécue d après les
sollicita tions du programme. qui permet de Mais n 'insi<:ton s pas trop sur le self-gou·
répondre !iu qU€stionnaire. Sans l'€ program- vernemeat pui<:qu'il n'appartient pas en plO- •
me et la méthode on ne p eut donn er de ré- prié à J'école Decroly et que l'accEnt mérita
ponres à l"enquête affecti~ qu' En plaçant piutbt d·être mis sur un programme ayan t
l'enfant dans d , s conditions arbitraire.., et pOUr but d 'aider J'enfant à miEUX compuK-
• n ~e con tentant d 'à peu près. 'dre la vie sociale.
LA TECHN IQUE FREINET 17

VIII. Le programme, synthèse


des idées decrolyennes
L€IS idé€.1'1 decrolyennès, avons-nous écrit, térêt qui d épendront n aturellEment de l'in-
. 'ont pas été exposéee BOUS une form e dog- térêt momentané de l'enfant ou bim d UJl
matique et en un.e' synthèse achevée. Toute- sujet intéressant qui se prGduit à ce mo-
fois, elh:s apparaissent d 'une manièr,(l lumi- ment, et nous ne chotsiss0n8' pas, nous ne
neuse et sont toutes rassemblées dans les pro- détenninons pas d'avance le c\"nt. e cJ.'mtérêt
(rammes étudiés à l'Ecole de l'Ermitage ou que nous allons chotsir, nous choisiswns le
bien préS€ntés par Decroly à la demande des centre qui, au momiOnt même, présente le
payS modernes appliqués à r.é former leur plus d 'intérêt pour l'enfant, »
enlOeignement (Turquie, U.R.S.S.) . (Mlle Hamaïcte, La Méthode D écroly,
1. Les p:-ilgrammes sont composés en dé- Education 1932.)
Yeloppant les centres d'intérêt. Le centre
d 'intérêt est le prOblème qui mobiltse l'inté- Cette liberté totale n'est guère laissée
rêt de l'enfant et sur lequel son attention qu'aux p etits du jardin d'enfants, Très vite
peut. s'arrêterr. Pour ~e jeune 'enfan t, le pro- on 'en vient à un programme anêté à J'a-
blème Ee formule d'une manière toute sub- vance -qui combinte ce que noUs appellerons
jective :, «, J'ai faim ... », J'ai fr oid .. . », « J'ai les centres d intérêt dirigés ct les centres
peur... », etc. Pour les enfants plus âgés, d'intérêt occasionn els. D Ecroly et ses co]a-
lelii problèmes prennent un aspect plUS ob- borateurs ont toujours été partisans d'un
jectif : « QueUe aide la famille apporte-t-elle programme esquissé à 'L'avanCe et prévoyant
à l'enfant pour lutter contr:e le fŒ'oid, la dans ses grandes lignes les ,suj iOts traités,
faim... ? », « Comment les hommes luttent- les observations et les expériences enLr, pri-
ils contr,e' la pluie, la chaleur, l'humidité, ses, les reQœrcices de langage, d..::' lecture, d 'ex-
etc. ? » Le centre d'intérêt devient ainsi pre-.:sion écrite, de dessin et. les travaux ma-
« l'idée pivot », le lieu de concentration des nuels. Dans « Le calcul et la mesure au 1er
études autour de quelques problèmes géné- d egré », on trouvC!a, p. 10 à 14, une aES'éZ
raux, relativement peu nombreux et le pro- locngue justification <ire cette manière de
blème, avon.s-nous dit, offre une occasion procédar. Avec les élèves encore plwl âgés,
d'accrocher tous les divers enseignements. le programme se fait plus rigide et dans
2. L'apparition des C, J, d leur ordre de l'ensemble laisse moins d'initiatwe aux en-
illccession, fants. Les intérêts fondam entaux étant fixés .
Normalem ent, c'est le besoin ou l'intélêt ils sont classés dans l'ordre O'.! 110ill> IEIS
qui devraient faire surgir les questions, les avons énumérés. Le m aître affecte un temps
problèmes. C'est clIectivement ainsi que les n ett em ent délimité au déV'é ;;oppcment de
choses S2i passent en général pour lES pe- chacun d'eux, La classe discute- avE'C 'ui le
tites classes corrEspondant à la section en- développem ent de chaque cen tre d 'inté, ét.
fantine et au cours préparatoire, Au cours d 'une scolarité, les centréS d'in-
« Péndant les premières années, rapporte térêt revienn ent périocliquement dans UR
Mlle Hamaïde, nous préparons l'enfant à ordre que nous empruntons au 2< cahier d'ini-
comprendre ces quatre grands centres d'in- tiation à la méthode Decroly :

3 à 6 ans • 14 il 18 ans
6 à 8 lin. 8 à 14 ans
préparation
1 jnrdin d'enfants lc" degré 2·, 3~, 4- degrés
.aux étude s !upérieures
1
centrc,s occasionnels Cycle général en 1 an Un centre par an Oentres. spé<:ia:isés
fournis par Centres (le même pour toute animant les branches
Ile rpilieu immédiat fragmentaires la classe) d'un même gloupe l
D'ordil!'lirô chaque programme est syn- de Decroly et Boon pl'ésente La lut·te contre
thétiEé sous forme de tableaux. En suivant les , intempéries :
la colonne de gauche de l'un de ces tableaux, ({ Ce besoin comprend surtout la lutte con-
nous avons k développement du centre d'in.. tre le froid, pUis subsidiairement, contre les '
térêt dans le sens exploration du milieu et températurcs trop élevées, aussi contre l'hu-
étude des b~soins d e l'enfant. Voici, par midité, le vent, etc ....
e,xemple, commeht « Vers l'écolre rénovée: li L'ordre des idées de l'année est présenté
comme suit :
1~ LA TECHNIQUE FREINET

Premier mois fournissent leur p eau, 'leur foul'l'ure, leurs


PHENOMf;NES BIOLOGIQUES pons, leurs plumes, le:ur soie, etc .....
L'usage de la laine, fabrication des vête-
EN RAPPORT AVEC LA LUTTE ments 'en laine. Elevage, récolte, filature, tis-
CONTRE LES INTEMPERIES
sage (réaliser tout ce qui est possible).
Observation des plantes, des animaux com- c ) L'aide que l'homme donne aux animaux
parés à l'enfant. pour les préserver cont11e 'les int!empéri·es.
Rappel ou exposé avec démonstrations du
mécanisme de la nutrition, des combustions Quatrième 'et cinquième mois
internes (digestion, respiration, circulation). LES MINERAUX ET LA LUTTE
Influence de 'l'alimentation sur la tempé- CONTRE LES INTEMPERIES
rature du corps.
Influence. du froid et de la chaleur sur la
peau. Influence de l'eau froide ou de l'eau Sixième et septième mois
chaude sur la peau. LES VEGETAUX EXAMIN1i:S ET GROUnS
Influence d e l'air en mouvement. ' D'APRÈS LE POINT DE VUE
Influence du mouvement sur la t empéra. PRESERVATION contre les INTEMPERIES '
ture d e certaines p~rties du cOqJS.
Comparaison avec IfS' plantes -et les ani-
maux. Huitième mois
Manière dont c ertaintes plantes types se LA LUTTE CONTRE LES INTEMPERIES
préservent contre 1 froid, la chaleur, l'hu- ET LE MILIEU HUMAIN
midité, le vent.
Manière dont certains animaux.types se
présenent contl1e ~€s mêmes f acteurs. Neuvième mois
Deuxième et troisième mois LA LUTTE CONTRE LES INTEl\fPERIES
ET LES ASTRES .
LES ANIMAUX ET LA LUTTE
CONTRE 'LES INTEMPERIES
a) Etude d es animaux examinés et grou- Dixième mois
pés En se basant sur les moyens d e lu tt er RECAPITULATION
contre le froid, la cha leu r, l"humidité, le essais de synthèses en t.'tbleaux,
vent. - Exemples : . graphiques avec dessins, etc ....
Pour le ' fmid : animaux couverts d e plu-
m es , d e poils; animaux ayant une couche Si, au contrail'e, nous suivons ete gauche
d e graisse; animaux se réfugiant dans la à droite les diverses colonnes des tableaux
terre, dans les rochers, les àrbres, 'e tc.; se decroly ens, nous avon.s alors ce qu e nous
construisant des abris, etc. . avon s app elé le . développ em ent fonctionn el
b ) E tude des animaux glOupés i€'Il se bas:mt d es programmEs : observation, mesure, asso-
sur l'aide qu'ils fourniss ent à l'homme pour ciation da n s l'espac E', association dans le
se préserver des intempéries : animaux qui temps. expression.

1/
LA TECHNIQUE FREINET 1!)

Rapports
IX.
entre le programme Decroly
et ·les techniques
Comparons le' programme Decroly et les la graphie capricieUSe' des mots d e notl'€
groupe5 d'études, dont parlait Dewey. Nous langue. En songeant à cette discipline, unEli ·
constatons que ce programme offre un équi- troisième remarque se présen t,era d'elle-même
valent des études faites en vue d e: racquisi- à l'€'sprit du lecteur : les techniques sont ré-
tion d'un savoir. Son but est, en effet, la barbatives parce qu'elles n e 'm obilisent pas
rech€Tche de connaissances organisées par immédiatem ent l'intérêt. Elles Sûnt requi5es
une activité intellectuelle. Les informations pour des buts 'lointains, inaperçus par les
ne sont d'aucun prix pour lui. On peut ajou- enfants dans les commenOEments. Un tlE l
te r encore que ce programme offre la matière esprit ,s'accorde peu avec l'effort joyeux tôt
d 'études di5ciplinaires sans isol,p r l'activité rintéfêt qui s'attachent a ux C. 1. decrolyens.
in1eIlectuelle d es réalités de la vie. Mais les Et pourtant il y a là d es nécessités qu'on
techniqU€5 n'appara issent pas dans ce pro·· n'élude pas quels qUel soient les dangers :
gramme. Où situer rappr·entissage dei la lec- la mécanisation sans souplesse rebelle à l'uti-
t ure ? celui du calcul (étude de la' numéra- lisation pratique déclanchée par les procédés
tion, d es tables, des- diverses opérations) ? normaux de la vLe et la schématisation des
Les exercices de grammaire et ceux d e voca- problèm es dits « éducatifs ».
buiairel peuvent-ils s'insérer quelq\l:8 part au Etant donné l'obligation de conserV€T les
milieu de toutes ces enquêtes ,e t d e toUs! c techniques, comment donc Fespecter le prin-
plans d'études ? Etudi€-t-on ~ystématique­ cipe posé par D ev,ney : « Pour qu'une habi-
ment l'orthographe à l'école b ecroly? Un leLé pratique, une technique effective puisse
légitime embarras risque de troubler les ins- être utilisée avec l'intelligence, il faut que
tit uteurs. l'in telligence ait coopéré à son acquisition. lt
Il est exact qUe programme decrolyen et (Op. cit. p. 75.)
programme « technique» paraissent très p eu Decroly a résolu LEl prOblèm e d'une double
s'accorder en5emble. Les techniques son ' dif- manièr e : 1 En tr.ouvant une liaison entre la
0

ficiles à insér€T dans un programme d'acti- technique et l'intérêt ; 2 en donnant à la


0

vités libres palce qU'·e,ues ont leurs nécessit és technique une « matière » prise . aux pro-
propres et que Leur étude ,exige beaucoup ~ rammes. L'intérêt, et· même un intérêt puis-
plus l'ordl'e et la contrainte' que la liberté. sant est suscl'ptiblEl d'être attaché à l'ap-
On imagine, mal qu'on puisse étudi€T à fond prentissage d'une technique; . il suffit que
les mathématiques, m êm e élémentair,es , en l'enfant sente un impérieux b esoin de ;maî-
attendant que l'occasion pose les problèmes, tùser une technique pour qu'il se mette à
Le premier qui s'offrira peut être exoessive- l'étudier avec passion. A ce moment-Ià, l'en-
ment ardu et requélil1 des connaissances que fant devient capable d'efforts extraordinaires
le sujet n' a pas eu ~e temps d'acquérir. Le et prodUits avec plaisir. On le ",erra 5'ab-
volume du cylindl",e p€fUt se pœer avant · la sorbet!" dans l'étude d es opérations ou accu-
surface du cercle et l'opération SUr les nom- muler les exercices de gramma ire et d'ortho-
br es décimaux avant l'opération sur les nom- gr aphe. Il y a un mommt précis ~u :J l'édu-
br,es entiers. L'étude d'une technique: obéit . cat eur p~ychologue doit ,savoir . découvrir
à un ordre logique qui gradue très savam- pour profiter d es bonrlies dispositions d El l'en-
ment les difficultés. Nos instructions offi- fant : l'instant de l'apprentissage d e la lec-
cj,(ille5 ne cessent. p ar exEmple en ce qui con- ture quand il ne ::;e contente plus d es his-
cerne les ma'th ématiques, de faire valoir toires qu'on lui raconte', quand il a éprouvé
lE' prix des progreSSions et d es enchaînemen~s Le besoin de rédiger lui aussi « un livr,e, de
rigoureux.· vie », Quand il désire correspondre aV'€c un ·
d es siens ou un camarade ; l'instant d e. l'uti-
Les progrès d e l'élève dans l'étude d'une lisation d es m esUl'€S légales du système mé-
techniqUe dépendent fflcore: d 'un véritable triqu e quand l'enfant a ap e,;çu qu'en se SEl"-
d ressage, d"un entraînement à vaincre la vant des mesures naturelles . il n e peut com-
difficulté présentée! à de multiples reprises pal'€r ses résultats à ceux de ses camarades
jU5qu'à ce Que, grâce aux effets de l'habitude, (le:;; « mains» de tous n e sont pas également
une habileté soit vraiment acquise. L'ensei- longues) ou qu'il n'arrive pas à d es résultats
gnement de l'orthographe nous présente constants (les graines ou les marrons qui
l'exemple typique de ces répétitions, sans lui servaimt de pOids S il œes.sèchmt>. (Voir le
lesqueUIes il n e sE"l'ait pas possible .de fixer caLcul et' la mes\l:re au l or d egré.)
20 LA TECHNIQUE FR~INET

Deux conséquences découlent de cette prise 20 premiers nombres, on comptera des bœufs.
de position à l'égard des techniques, Decroly des' moutons et des" chèvres si le C, 1. porte
retarde l'étude dôs « branches-outils » et la SUl' l'élevàge ; on se servira de fruits : pom-
place après le moment que nous avons adopté mes, poires, prunes, oranges, etc" si, au con-
à l'école primaire, Entre 6 et 7 ans, l obser- traire, l'attention des enfaijts s'est portée
vation suffit 'encore pour motivEr l'activité sur la récolte d'automne, Des liaisons sem-
intJ:ollec ue.ls sans qu'il soit ,rrécessaire de Il'e- blabL€S pourront être établies durant toute
courir à la lecture pour la documentation, la scolarité puisque chaque programme d'ob-
Decloly juge que nous apprenons trop tôt servations a pour compléments des exercices.
à lire et qu'ainsi l'élève ne comprend pas de mesure et de nombreux calculs,
la pOl téc' dt' son act'€! : Il attend donc que L'exemple de l'appren~issage de la lecture
l'impulsion à la lecture vienne de l'activité par la méthode globale est peut-être encore
iilteljectlKlle appliquée au développement du plus significatif, Les procédés de la lecture
progrûmme', Ce retard a pour effet un gain globale p euvent très bilen s'accorder avec un
d e temps dans la durée! des acquisitions pour enseignement ijvresq\lle et ce n est pas ré-
ia double raison que l'enfant a plus de ma-
pondre aux vœux du 'Dr Decroly que de
tUflté et qUie' l'énergie qu'il dépense est telle- suivre ' la démarche analytique d'une lecture
ment plus considérabl,e qu'elle amène de ra- « idéo-visuelle », 'Au livre qui peut fournir
pides progrès, la matière de la Lecture, on doit préférer,
Une fois les premiers rudiments de la tech- pour les débutants, l'exercice de langage qui
nique acquis, au besoin en concentrant spé- en partant des événements vécus par la clas-
cialement les efforts sur cet apprentissage, se, fournira le stock dl) pHrases élémentai-
Decroly ns sépare plus les progrès de la res que les enfants. retiendront d'autant plus
technique de l'avancement dans le pro- vite qu'ils en saisissont aisément le sens, Le
gTamme, Le programme fournit alors la ma- pr.ernier livre die lecture est fourni pal' le
tièr,e de tous les exercices requis par la pro- livre de vie du cours préparatoire ; le se-
gression logique <Le la tlechnique, Le calcul cond, par les livres de vie éChangés aVEC ].€13
et la lecture en offrent encore l'exemple, A camarades d'une école correspondante,
chaque moment l'institulieur étab;it des liai- L'éducation D ecroly réussit donc à Inté-
sons transversales .entre ses deux program- grer les techniques à son programme de vie,
mes, l'un Sc développant selon les exigenc€s à la péné trer d'une âme nouvelLe .et à l,eur
de la lùgique et l'autI1el selon les incitations C0l1SerVe1' leur sens de moyens 'e t d'outils
de la vie, A l'époque de l'apprentissage des au service de la p€tllJsée.

Ponr' achever un exposé sur l'éducation Mais je n~ puis oublier que l'éducation est
Decroly, il faudrait dresser une cont~e-partie un art, et qUe dans tout art, s'il y a la
à tout Ce qu::, nous Vlenons d'écrire €t qui méthode qui, en pédagogie, est d 'une impor-
ramène cette éducation à un système, Cette tance qu'on a trop Sous-éstimlX', il y a aussi
éducation peut prendre cet aspect t ellement l'artiste, Si lei programme Decroly a donné
BoeS éléments sont bien liés les uns aux autres de si bons résultats, c'est sans doute qu'ou-
et à C?'\l,'Oe de la puissance de synthèse de son tre sa valeur intrinsèque, il a encore: eu
initiat(ur, Mais elle est aussi et surtout l'avantage: d 'être appliqué sous la direction
suiva nt rexprE"sion de Claparède, « une mé- de celui qui l'a créé, ,e t à la vision duquel il
t hode de vic » : répond, »
« C'est. de son esprit beaucoup plus que de Ces ligr.es sont parfaitement justes, De-
&a lett,''€ qu'il s'agit de s'inspir'€l', Et si je croly eut le génie d'ê tre un éducatcur com-
fais c~tte remarque, continuait le psycholo- plet et un pédagogue sans idées brutalement
gue genevois, ce n'est pas du tout que j'aie arrêtées ; modeste, par de..."Sug le marché,
la m oindre critique iL fairel au plan qui nous il avait le sentiment d'ouvrir seulement une
est soumis, plan qui résulte à la fois des voie et il aurait sans doute abandonné toute
conquêtl€S -de la psychOlogie et de celles de son œuvre scientifique pour faire dix fois
l'expérience, qui a été élaboré par l' :,n des plus de bien autour de lui. Aussi cette grande
meilleurs connaisseurs qui soient de l'âme figure demeure-t.elle un noble exemple ; il
enfantine, et' dont un~ expért€Dce C0uron· n'a pas mis d e distance entre les éducateurs
née d'un succès ind.iscuté a démontr~ la et lui-même; il est le premier d'une lignée
valeur. .11 il nous invite amica1ement à le suivre,
LA TECHNIQ~ FREINET 21

C'wt saru doute le plus proche et le plus soit-elle, r esprit decrolyen dans leurs cla~. Ils
tf,'mpéré de tous les thémiciens de la péda- invoqueront surtout nos programmes, nos ho-
go~ie .nouvedle en même temps que le p lus raireS et nos emplois du temps comme obstacles
riche et le plus humaniste (au S€'IlS actuel à r essai des programmes et de la méthode De-
et modl/l'ne du mot). La conversion à une croly. Noua leur répondrons quïl est possible
pédagogie nouveil€i a tout avantage à com- de surmonter partiellement la di/fieulté en étu-
mencer par une aclhésion à l'œuvre du Dr diant le milieu local (étude prescrite par les
Decroly ( 1 ). conférences pédagogiques). On réservera à cette
J. HUSSON . étude les heures d'activités dirigées et de plein
air. Les centres d'intérêt seront alors développés
suivant la . méthode d'observat,i on-association-
(I) Nos lecteurs nous demanderons peut·être expression. Nous en donnons un exemple en
comment introduir~, d'une manière si modeste appendice.

APPENDICE
,Plan de travail pour un centre d'intérêt
la décrue. - La crue vue tout le long du
La r:rue de la Meuse fleuve.
Utilis€~' lES journaux. Le service des ponts
et chaussé~s pUblie d es renseignell1ents jour-
i. OBSER.VATIONS ET DOCUMENTATION nalie.rs. Constituer un dossier de documenta-
A i Classes promenades le lon~ de la Meu-
tion auquel on Set repol'liera les autres an-
se : (au moins d eux claS6€lS-pronlenades du- nées pour d 'utiles comparaisons,)
rant la semame : contmuer si la crue se pro- Ci Enquêtes ;
longe). - Recnerches SLU' les cru€s antérieures)
Itinéraire d es classes p rom enades au notamment celle d1:1 1926) : enquête 'auprès
pont de MéZières : ' d efi parents ; r,€chetch e de vieux journaux.
sur la rive droite de la Meuse, à Montcy - Ce que devient le traval1 sur les, quais.
et le long du Mont Olympe, avec arrêt au - Interview' d'un marinier. Que pense-t-
pont de Montcy ; il de la crue ?
sur la rive l'auche de la Meuse, de l'E. N. - Les effets de la crue ; coll€ctioIUlel' les
de Garçons, jusqu'à la P lace du Moulinet articies de jowïla~ (ex. le passage d un
l'île du Vieux Moulin. auiobus sw' un pont qui s·écroule.)
Objet de ces classes pl"Omenad~ ; - Enquêt,e auprès d 'un fonctionnaire ElU
Leçons de vocabulaire seruoriel : la. cou- service; cks ponts et chaussées, etc ...
leur d€6 eaux - les mouvements des ea.ux - II. PARTIE LITTERAIRE
la vie de la rivière. ET DRAMATIQUE
Exercices d'observations : - Choix de beaux textes de prose et de
La hauteur des eaux : le long des rives, vers sur la. Meuse (C. Lemonnier, Dumont-
squs l-t's ponts (r.elevés journaliers, l'exteruion Wilden, Ch. Delchevalerie, Noel RlWt,)
de la rivière, endroits où la rivière quitte - Choix di! textes sur les inondations.
son lit, parties inondées, surfa'ces inondées. (Applications . : lfictures, dicté€s, C.P,) ,
La vitesse du courant : au milieu du fléu- III. ASSOCIATIONS
ve, sur la riVe concav,e, sur Ja rive convexe. Géo{raphiques ; rév:lsion du rég~ dss
Notion du débit du fleuve - Ce que char- fleuves français.
rie la rivière - Qu~ devient la circulation Scientifiqueti ; la protEction contre 1$1
sur la rivière -.: Que devient la circulation inondations.
~'IJ lonl' des rives, des routes, Sur les POllÙi. Historiques ; historique d.e la -lutte cont(le
Les t ravaux de protectiOUl ; ]€s brise- les inondations.
vaiues, la défense des ponts, la défense dei iv. TRAVAUX CARTOGRAPWQUEi
rives. l'amarral'oe; d.es batl:aux, ~pjca'Qon de CartE: de la Meuse a. vec prQi'reasion de ~
la construc~ion des ponts, des route.li, Qœ crue : horaire, débit.
bar.rages, des digues. ' Carte des parties inondées aux environs d.e
B) His~ori.que de la crue par la documen- Charl€JVille, en indiquant la prol'ression jour-
làtion. nalière de l'inondation.
Le calendrie'r météorologique de, janvÎJe:r et Calendrie1' météorologique de l'époque d.e
de février (étude détaillée et confection pro- la crue. '
gressive). Graphique indiquant la montée des eaux
la crue, la crue, l~ .seilla ti.'1iIS .e
Le mouvement de la crue : l'annonce de
!li. .rue,
aa plilnt ete Mézières.
(WkarleviIli. Février 1946. )
22 LA TECHNIQUE FREINET

Détail d'un point de programme développé


Le travail

OBSERVATION MESUREl.

Ravinements cau~és par la pluie Longueurs, largeurs, profondeurs


(plaine d e l'école, la drève, un d E' lavinemmts, d e rivières, de
torrent, un ruisseau). fleuves.

Creusement d'un E. vallée: méan- Fonnes, .surfaOl'/s, volumes de


d l es. rives, versa nts (vallées récipients, bass ins, canaux, ré-
de l'Ohain, d ~ l'Omeau. d e la servoirs.
Meuse).
Te~pémtures d'ébullition, con-
Propriétés de l"mu. Eva poration, gélation. fu~'ion ,€tc.
ébullition, congélation, COl1-
- densation. Calorimétl·ie: quantités d e char-
Solutions : corps saJ.ubl€s, in- bon utilisé ES pour la produc-
solubles. tion d e vapeur, pour la fusion
AnalY5e, synthèse. . de la glace, etc.
H ydrogène, oxygène.
r.
Densités des COrps par rapport à
L'eau et les liquides :
l'eau.
Pressions : principe d e Pas-
. Parties immergées des corps
cal, pompes, principe d ·Ar-
flottants.
chimède.
Equilibre vases communi-
Capacité et tonnage d'un navire . .
cants, siphon, jet d 'eau. éclu-
se, ascen ~S'llr (canal avec éclu-
Vitesse, f oree, tra vail, puissance
ses, ascem;eur de Houdeng).
d'un courant, de navires.
Utilisation :
Force mo trice. Pression, force d'expansion de
chute, moulin (Ohain), la va p eur.
Presse hydraulique,
turbine hydraulique. Durées . d 'ébullition, d'écoule-
machine à vapeur. ment , d 'évaporation ; du pas-
Transports et communica- sage d'une écluse; d e la mon-
tions : bateau, locomotive. tée d 'un ascens!€ur, etc ....
LA TECHNIQUE FREINET
)",
23

par des enfants de 12 à 14 ans

ASSOCIATION • EXPRESSlON

Erosion : Vocabulaire se rapportant aux


Eaux ruisselantes' acquisitions nouvell~s. Obser-
eaux courantes vations nouvelles'. Observation
cycle de l'UlU. et utilisation d ES mots nou-'
veaux.
Définition et explication de
Creusement des vallées. Lit, ver - termes. SenS' propre et figuré ,
sant5, largeur, méandl'€S, ri· Homonymes. Synonymes. An-
V ES ; courant; amont, aval ,; tonymes.
afflu ent, confluent ; estuaire,
creusements !Cn ten-ains meu-
bles, durs, etc. Grammaire. Cla5sification gram-
maticale des mots nouveaux.
Conjugaison des verbes cm-
FOlnh'ttion de grottes (GrottJe ·de ,ployés. Exercices visuels, dic-
Spy). Pri ncipa:es grottes d e tées, analyses de textES se rap-
Belgique, du Monde. portant au suj€t étudié.

Erosion marin'e. Causeries faites par les enfants.


Falaises, baies, caps, golfes, (LES moulins à eau. Une ex-
etc ..... cursion à Anvers. Constl uction
de bateau au XVIe siècle. Le
« Normandie », etc ...
Alluvionnements.
Cônes d'éboulis des torents
rives. (Polders de l'Escaut) Lectures, récitations, théâtre et
deltas; les grands deltas chants, choisis dans Ies sujets
plages. traités.

Dessin. Bateaux, ~luses , ports,


Utilisation. , mer, plage.
Irrigation. (Agriculture).
Lavage (laine5 Vesdre).
ROUissage (lin, Lys). Croquis pris au cours de5 visites
ForCE motrice: houille blanche et illustration des cahiers.
Transport et communication :
cou: ~ d'cau, navigables, ca- Modelage. Vallée, grotte, falai-
naux, ports (Bruxelles,Anvers ) ' ses, torrents, batEa ux, cartes
flottage, . .
en relief.
Rôle des fleuv es : actuelle.-
ment et dans l'histoire.
Menuiserie. Cartes-puzzle.s, ba-
Navigation à travers les âges teaux.
navire,boussole (fair€ l't!' point) ,
ports, découvertes géographi- Divers : jet d 'eau, pompe, puits
' ques, écluse. barrage, moulin il eau.
24 LA TEe::HNIeUE FREINET

.SCHEMA DE L'EDUCATION DECROLY

1° Besoin de Le milieu
Se nourrir ...(r------------4... non vivant

20 Besoin, de
10 Action favorable ou défavora- (nature,
lubter ble du milieu sur l'Individu soleil,
contre I~s astret»
intempéries , a) avantages et moyem d'en
tirer parti

b) inéonvénients et moyens de
les éviter ;

30 Besoin de cl conclusions Ge vie pratique' Le mUieu


se défendre sur la manièI1e dont l'enfant vivant:
'contre les doit SEl comport€T pour son (animaux,
L'ENFANT dangers et bien et celui d e l'humanité. vé,étaux) LB MILIEU
let; ennemis


40 Besoin de 2° Kéaction de l'individu SUl" le
travailler milieu et appropriation du
8oIida4remimt milieu aux besoins de l'hom-
me. Le milieu
humain :
_1It------------l.~ (familial,
scolaire,
social)
PENeER AGIR ET
31!1NTIlt élaboration S'EXPRIMER
tra.yail des seru! g,ràce aux idées Idées contrôlées
stimulé par l'intérêt générale& induites et traduites par
OBSERVATION ASSOCIATION l'EXPRESSION
observation - ~re dans l'espace et 1re temps concrète - abstraite

manière d'envisager chaque . ~ntre d'intérêt

,..
BIB L IOGRAPHIE

Observations. - Nous ne citons ici que les 4. DEWEY: Comment nous pensons, trad. par le
ouvrages importants. De courles noIes indiquent Dr Decroly, Paris, Flammarion, édit., 1929.
la valeur et la portée de ceux-ci. Le classement Une philosophie et une psychologie qui
euggère l'ordre de lécture qùe nous jugeons pré. serviront d'introduction indispensable aux
férable pour l'initiation à la méthode Decroly. conceptions decrolyennes,
J. GALLIEN, FONTEYNE, CLARET, DECAND: Initia- 5. DECRbLY el M"e MONCHAMP: L'initiation à
tion à la Méthode Decroly, cinq fascicules l'activité intellectuelle et motrice par les
de la Collection Bleue, Editions du Centre jeux éducatifs, Neufchâtel et Paris, Dela-
National d'Education à Uccle, 1937. chaux et Niestlé, 1914, in-16.
Les cinq fascicules se décomposent ainsi :
1. Principes et méthodes, L'Ecole Decroly, Indispensable aux institutrices des écoles
L ' Ermitage; 2. L'observation et la mesure; maternelles et des cours préparatoires.
3. L'association; 4. L'expression ; 5. Expé_
rience pédagogique de langage visuel gra- 6 . DECROLY et HAMAïDE : Le calcul et la mesure
phique, Méthode globale. Lea collaborateurs au premier degré de l'Ecole Decroly, Neuf-
directs du Dr Decroly ont su présenter sous châtel et Paris, Delpchaux et Niestlé, 1932,
une forme remarquable l'initiation à une in-16.
méthode qu'il ont découverte dans l'enthou- Même remarque que pour le précédent
siasme en vivant près du maître, volume.

2, HAMAïDE (Amé\ie): La Méthode Decroly, Neuf- 7. MAWET (Lucienne) : Lecture globale idéale.
châtel, Paris, Editions Delachaux el Niestlé, Editions de l'Imprimerie à l'Ecole, Vence.
m-16, 1922.
Exposé complet de la pédagogie de l'école II y a beaucoup de méthodes de lecture
de l'Ermitage et compte rendu détaillé des globale et quelques-unes s'éloignent énor-
résultats obtenus au cours de quatre années mément de la pratique de l'école vivante.
d'application dans Une classe de ... année, Mme Mawet explique comment il faut res-
école moyenne C à Bruxelles. pecter la voie naturelle et elle démontre par
l'expérience comment la technique de l'im-
3, DECROLY et BoON: Vers l'école rénovée, primerie ainsi que les échanges des livres
Bruxelles, Lebègue, 1921. Bref opuscule met. de vie sont les seuls moyens qui permettent
lant eIl' relief les idées maîtresses du Dr De- de favoriser au mieux l'extériorisation de
clO)y. l'enfant.
POUR
L'ECOLE MODERNE
FRANCAISE
-
La modernisation de notre école suppose des outils
nouveaux et la modification de nos techniques de travail.
Nos Brochures d'Education Nouvelle Populaire sont les
modes d'emploi de ces outils et constituent l'initiation
élémentaire indispensable à nos techniques.
Tous les éducateurs doivent les lire.

Vous lirez également avec profit le livre de


C. FREINET: L'Ecole Moderne Française . .... . 60. Il

Conseils aux Parents . ......... . 50. Il

Vous vous abonnerez à la reyue pédagogique de la C.E.L. :


L'Educateur (bimensuel), un an. . . . . . . . . . . .. 250. Il

l Enfantines, brochures mensuelles pour enfants,


un an ........................... . 40. )1

à La Gerbe, journal scolaire d'enfants (mensuel),


un an ........................... . 50. Il

EDITIONS DE L'ECOLE MODERNE FRANCAISE


CAN ' ES (A.-l\t.)
C.C. Freinet IIS.03 Marseille

Imprimerie IEGITNA. 2'1. rue J ean-Jaurè~ - CANNES (A.-M.)

Vous aimerez peut-être aussi