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Les Enfants terribles


de Jean Cocteau
Présenté par Pierre B. Gobin
Queen's University
Kingston, Canada.

COLLECTION DIRIGÉE PAR MAURICE BRUÉZIÈRE, DIRECTEUR DE


L'ÉCOLE INTERNATIONALE DE L'ALLIANCE FRANÇAISE DE PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE, 79. BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS- VI
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Les références concernant l'ouvrage étudié renvoient au


textedu LivredePoche, Éditiondu quatrièmetrimestre 1973.

© Librairie Hachette, 1974.


Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous
pays.
Laloi du 11 mars 1957 n'autorisant aux termes des alinéas 2et 3 de l'article 41,
d'une part, que les «copies ou reproductions strictement réservées à l'usage
privé du copiste et non destinées à une utilisation collective», et, d'autre part,
que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration,
«toute représentation'ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consen-
tement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1
de l'article 40).
Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, consti-
tuerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code
pénal.
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La vie et l'homme
Le prince frivole (1889-1913)
Je suis parisien, je parle parisien, je prononce parisien,
écrit Cocteau dans Le Potomak. C'est presque exact. Il est
né à Maisons-Laffitte, dans une famille bourgeoise (son père
était agent de change), cultivée (son grand-père maternel
l'emmenait régulièrement au concert), et à lapage(son père
avait très tôt acheté des tableaux impressionnistes).
Jean Cocteau fut un enfant choyé. Nettement plus jeune
que son frère et sa sœur, il participait au monde des
adultes, mais conservait les prérogatives de l'enfance. A
la mort de son père, il vécut avec sa mère chez les
grands-parents Lecomte à Paris, et fréquenta le lycée
Condorcet. Al'en croire, il fut un élève médiocre :
J'y remportais les prix decancre, le dessin et la gymnas-
tique.
Plus tard il se fera le champion des cancres auprès des
forts en thème. Ses études en tout cas furent décousues.
Mais plusieurs voyages lui révélèrent la Suisse et Venise.
Il se consola de son échec au baccalauréat en publiant des
plaquettes de vers (Le Prince frivole, La Danse de Socrate),
fortement inspirés par Anna de Noailles, qui lui valurent
d'être introduit dans la société mondaine, celle même que
fréquentait Proust. L'acteur de Max loua même le théâtre
Femina pour lancer le jeune poète (la lecture de vers de
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Cocteau —18 ans —était «précédée d'une conférence


de Laurent Tailhade »).
Je devins ridicule, gaspilleur, bavard, prenant mon
bavardage et mon gaspillage pour de l'éloquence et de
la prodigalité,
écrira Cocteau à propos de cette époque.

Les mues : scandales et parades (1913-1929)


Deux coups de semonce lui révélèrent la vanité de ses
premiers efforts.
D'une part, sur le plan littéraire, Henri Ghéon donna à la
N.R.F. un compte rendu sévère de La Danse de Socrate.
D'autre part, Serge de Diaghilev (Cocteau avait dessiné
des affiches pour les Ballets russes et proposé une choré-
graphie) reçut unaccueil houleux :cefut le «scandale »du
Sacre duprintemps.
La troupe russe m'apprit à mépriser tout ce qu'elle
remuaitenl'air. Cephénix enseigne qu'il faut sebrûler.
vif pour renaître.
Cocteaucomprit la vanité dusuccès; ayant reçu un «rappel
à l'ordre », il effectua une ascèse, en vertu du principe :
Ce que le public te reproche, cultive-le, c'est toi.
Enune première phase, assez gidienne, de recherche de la
sincérité, il écrivit Le Potomak (1913-1916), véritable
journal d'une mue.
D'autres mues furent provoquéespar la guerre : Cocteau,
réformé, organisa un corps d'ambulances et observa les
campagnes de 1914 et 1915 comme un héros stendhalien
avant d'en tirer des romans; par le vide que la guerre avait
laissé dansla vie culturelle de Paris, livrée à la propagande
chauvine, —Cocteau rejoignit Apollinaire et Picasso pour
secouer le conformisme et aider à définir l'esprit nouveau;
par l'engouement enfin qu'avait eu la jeunesse pour l'anar-
chieartistique —de concert avec Radiguet, il appela à un
retour à l'ordre, c'est-à-dire au classicisme, s'attirant
l'inimitié de nombreux surréalistes.
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La mort de Radiguet laisse Cocteau désemparé. Maritain


et Max Jacob lui offrent de prendre l'hostie comme une
aspirine; surtout il croit trouver dans l'opium un moyen
de se placer dans un état de grâce poétique où le grand
sommeil affleure à la vie.
Dès qu'il sent sa liberté menacée, il se reprend cepen-
dant —et c'est la Lettre à Maritain (1926) où il marque sa
position par rapport à l'orthodoxie catholique, et la cure
de désintoxication à la clinique de Saint-Cloud (1928-
1929) d'où sortiront un document, Opium, et un roman,
Les Enfants terribles (1929).
A la recherche des anges
Nous avons vu le rôle que Cocteau assigne à Radiguet
dans sa reprise par rapport à l'esprit nouveau. C'est que
Radiguet est plus qu'un jeune homme. C'est un esprit
que la mort jalouse reprend à la première occasion. Toute
sa vie, Cocteau sera fasciné par les êtres de cette
. espèce —des anges. Ce seront les héros de ses romans
(Thomasl'imposteur), les dédicataires de ses poèmes (l'ange
Heurtebise), et les inspirateurs de sa vie (le pilote Roland
Garros, tué en 1918; l'officier de fusiliers marins Jean
Le Roy, lui aussi mort au combat; Raymond Radiguet,
Jean Bourgoint qui entrera en religion et sa sœur qui se
suicidera; le boxeur noir Al. Brown; la princesse russe
Nathalie).
Passé l'âge de quarante ans cependant, Cocteau établira
des rapports plus détendus avec «les anges ». Les jeunes
protégés feront figure de fils adoptifs : Jean Desbordes
—vers 1926 —pour qui Cocteau préfacera J'adore; Marcel
Khill, jouant le rôle de «Passepartout » quand Cocteau
effectuera le tour du monde en 80 jours pour célébrer le
centenaire de Jules Verne; Jean Marais, qui, à partir de
1937, sera l'admirable interprète des pièces et des films de
l'écrivain; Edouard Dermit enfin, dont le poète fera son
héritier.
1. Voir plus bas Les Enfants terribles.
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«Le Paganini du violon d'Ingres »


Cocteau avait très jeune manifesté ses talents dans de mul-
tiples domaines (affiches et chorégraphie, dessins). Il parti-
cipera au théâtre dans tous ses aspects : textes théoriques,
pièces, scénarios, adaptations d'œuvres classiques (Shakes-
peare, Sophocle), mises en scène, figuration, rôles impor-
tants (Mercurio dans son adaptation de RoméoetJuliette). Il
se mettra à l'école de danseurs (Nijinski), de clowns (les
Fratellini), de mimes, d'équilibristes. Il collaborera avec des
peintres (Picasso, Hugo, Bérard), des musiciens (Satie, le
Groupe desSix), des couturiers (Coco Chanel).
Par ailleurs, ayant reçu la possibilité de monter un film, il
s'intéressa au huitième art, et ce fut Le Sang d'un poète
(1929), qui devait être suivi de nombreux autres, tirés
de ses propres romans et pièces, ou reprenant des thèmes
célèbres [L'ÉternelRetour, Tristan et Iseult moderne (1943),
La Belle et la bête (1945)], mais où le poète participait
activement au tournage et à la production —allant jusqu'à
orchestrer ses mythes personnels en même temps que
l'histoire d'Orphée (Le Testament d'Orphée, 1959). Mais les
arts plastiques et la musique furent aussi cultivés pour eux-
mêmes. Ainsi on vit Cocteau durant les années 20 tenir le
piano au Bœufsurletoit ; après la seconde guerre mondiale,
il fit de vastes compositions murales (à Villefranche, à
Londres, à Milly-la-Forêt).

De l'illustre inconnu au cancre reconnu :


1938-1963

Toutes ces activités faisaient de Cocteau une «personnalité


bien parisienne ». Pourtant on refusait souvent de voir en
lui autre chose qu'un amateur supérieurement doué, quand

1. Auric, Honegger, Milhaud, Poulenc, GermaineTaillefer, Louis Duret.


2. Bar nommé d'après un de ses montages.
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on n'attribuait pas au snobisme ou au désir de briller les


efforts constants du poète pour se renouveler.
Longtemps Cocteau laissa dire : il vivait en bohème à
Paris, au Piquey près d'Arcachon ou à Villefranche-sur-
Mer, changeant d'appartements, logeant à l'hôtel, passant
«d'une chambre du crime » à une autre «chambre du
crime », mangeant comme un spartiate, se vêtant d'un
simple costume de sport ou d'un peignoir en tissu éponge.
Mais cette bohème n'excluait pas le goût du luxe; la
chambre spartiate recélait des trésors, dessins de maîtres,
dé à jouer fabriqué par Picasso, masques antiques; le
négligé vestimentaire pouvait faire place au dandysme;
la vie à la dure alternait avec la jouissance d'une nature
neuve ou d'hospitalités princières.
Après la seconde guerre mondiale, Cocteau ne pouvait
plus se contenter de cures de désintoxication ou de séjours
en haute montagne pour retrouver son équilibre physique
et nerveux. Sa méditation tendait aussi à s'intérioriser
(La difficulté d'être, 1947; Journal d'un inconnu, 1953). Les
scandales le fatiguent, comme la controverse qu'engage
avec lui Mauriac sur sa pièce Baccbus, en 1952. Le goût
de la remise en question demeurait, mais au sein d'un
ordre reconnaissable.
Cocteau salué par l'étranger (Académies allemande et amé-
ricaine), ayant gagné l'affectueuse estime de ses voisins
(au Palais Royal près de Colette, à Villefranche), désire
la reconnaissance par la nation.
En 1955 il sera appelé simultanément à l'Académie Royale
de Belgique (en remplacement de Colette) et à l'Académie
française où il défendra du reste les «mauvais élèves »
comme Baudelaire, qu'on avait laissés à la porte depuis
cent ans, et les «mauvais garçons » comme Genet.
Cocteau académicien est aussi père adoptif d'Édouard
Dermit, citoyen et propriétaire de Milly, dont il décore
la chapelle Saint-Blaise-des-Simples : c'est là qu'il sera
enterré en octobre 1963.
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Regards sur l'oeuvre


Aspects de l'œuvre
On a pu dire (Jean Hugo et W.-H. Auden après lui) qu'il
faudrait un vaste palais pour loger l'œuvre de Cocteau, si
l'on veut que tous les aspects en soient représentés :
peinture :
desvastes compositions murales, pièces uniques de la villa
Sansto Sospir ou de Saint-Blaise des Simples à Milly, en
passant par les dessins, illustrations, affiches, portraits,
jusqu'au timbre qui diffusa à des millions d'exemplaires
le profil d'une Marianne ingénue et mystérieuse;
sculpture :
céramique, masques de plâtre, objets en cure-pipes ou en
papier, introduisant danslavie courante unetouche d'inso-
lite, animant d'irrévérence les symboles de l'apparat
(commedans le dessin de la poignée de son épée d'aca-
démicien);
films et pièces :
avecleurs décors, leurs éclairages, leur locution. Les ren-
contres d'accessoires y infléchissent la rêverie, les cir-
constances de la production et les incidents du tournage
sont saisis au bond et renforcent le merveilleux. Un
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figurant sefoule le pied :voilà un ange qui boîte et le sort


qui hésite (LeSangd'unpoète);une actrice ne sait pas bien
le français : son débit laborieux distancie l'héroïne tra-
gique comme le ferait un masque (Antigone), son accent
en fait une Jocaste exotique, femme-enfant dont Œdipe
peut s'éprendre (La Machine infernale). Les malheurs de
l'histoire y éclairent indirectement la condition humaine
(les ruines de Saint-Cyr bombardé sont utilisées pour
figurer l'enfer d'Orphée). Les inventions modernes rafraî-
chissent les mythes (L'Éternel Retour réunit Tristan et
Iseult dansungarage; la mort d'Orphée, princesse élégante,
est précédée de motards qui captent les messages de l'au-
delà à la radio);
musique; chorégraphie.
Les livres
L'édition des œuvres complètes de Cocteau publiée entre
1946 et 1951 par Marguerat à Lausanne comporte déjà
onze volumes. Elle ne comprend pourtant ni l'importante
production dupoète après 1951, ni les œuvres de jeunesse
antérieures au et répudiées par Cocteau, ni cer-
tains livres assez osés comme Le Livre blanc, dont l'ano-
nymat est cependant transparent, ni même des textes de
circonstances écrits àla hâte et queleur auteur ne recueillit
pas en volume. Par ailleurs les lettres personnelles de
Cocteau commencent seulement à être publiées (comme
parexemple sa correspondance avec André Gide, procurée
par M. Khim en 1971); les brouillons, esquisses, variantes
qui ont survécu n'ont pas fini de nous livrer leurs secrets;
les propos familiers du poète, causeur fascinant, notés par
de nombreux interlocuteurs, de Mondor à MaxJacob, de
Raïssa Maritain à Claude Roy, n'ont pas été rassemblés.
Commentse retrouver dans cette énorme création? Coc-
teau lui-même nous propose une classification. L'édition
Gallimarddesesouvragespostérieurs à 1948-1949 groupe
les œuvres sous les rubriques suivantes : poésie; poésie de
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Uncoup depoing destatue... la demi-conscience où les


enfantsseplongent... cette chambre était une carapace
oùilsvivaient... commedeuxmembresd'unmêmecorps...
incultes,fraisjusqu'au crime,incapablesdediscernerun
bien et un mal... les accessoires dusonge.. Lesêtressin-
guliers et leurs actes asociauxsont lecharmed'un monde
pluriel qui les expulse... La photographie n'était pas
inoffensive.. Araignée nocturne... étoilant sonpiège de
tous les côtés de la nuit, lourde, légère, infatigable...
reculer lesbornes du vivable... la minute splendide où
ils s'appartiendraient dans la mort.
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