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Psychosociologie de la mode
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COLLECTION DIRIGÉE PAR PAUL FRAISSE


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LE PSYCHOLOGUE

Psychosociologie
de la mode
MARC-ALAIN DESCAMPS
Université René-Descartes- Paris V

PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE


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ISBN 2 130359280
I édition : 2 trimestre 1979
© Presses Universitaires de France, 1979
108, Bd Saint-Germain, 75006 Paris
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Remerciements
Mesremerciements vont à M. Stoetzel dont lescourssur
le vêtement et la mode sont à l'origine de ce travail, à
M. Fraisse qui abien voulurelire le manuscrit, et àtous ceux
qui, en tant qu'amis, collègues, collaborateurs techniques,
enquêteurs et enquêtés, ont contribué à la réalisation de ce
livre, et plus particulièrement à F. Diaz, J.-P. Favril,
N. Feuerhahn, M.-M. Foulon, C. Gillet, G. Hassan,
E. Jabre, D. Lacoudrée, M.-J. Menand, C. Pallandre,
J. Pouvreau, A. Rilhac, A. Thoumy, B. Waks.
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Introduction
Nous parlons sans cesse de mode et nous ne savons pas
ce que c'est. La mode est un concept explicatif, lui-même
inexpliqué. Il est le lieu de toutes les contradictions. Mais
c'est un terme du langage courant, donc familier et supposé
connu. Commetel, il est entaché de toutes les illusions que
Bachelard a dénoncées par sa psychanalyse de la connais-
sance objective, et risque d'avoir le même sort que le mot
feu quin'est plus unconceptexplicatifdela chimiemoderne.
Or le mécanisme de la mode est une donnée fondamen-
tale dela psychologie sociale. Il est une des formes majeures
de l'imitation et nous le rencontrons sans cesse des théories
de l'apprentissage à celles de l'influence sociale. La mode
se situe au centre de la psychologie sociale, comme elle
est une des données essentielles des sociétés contemporaines
complexes. Nos sociétés affectent de modetout phénomène
social. Aussi la mode étend-elle sans cesse son emprise sur
nous, par des domaines toujours plus nombreux. Elle est un
phénomène si prégnant et si universel que les chercheurs
actuels se demandent si une étude scientifique de la mode
peut échapper, elle-même, au phénomène de mode. La
mode va-t-elle frapper d'impermanence et d'irréalité toute
étude de la mode ?
Des centaines de définitions de la mode ont été données
et chaque auteur en utilise plusieurs, glissant de l'une à
l'autre de manière équivoque. Est-il possible de construire
une définition opérationnelle valable pour les recherches
scientifiques ?
Tout a été dit sur la mode; sur chacundesescaractères,
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les opinions sont dans la plus complète opposition. Il n'existe


pas une affirmation, qui n'ait sa contradiction, tout aussi
bien argumentée. Au point que la plupart des auteurs
répugnent à traiter de la mode, se contentant de s'en
moquer. Tous les ouvrages sur la mode s'excusent d'abord
de traiter de ce sujet si futile. Doit-on en rester au constat
de ces contradictions et de ces inconséquences ?
Cette mode, que nous croyons si bien connaître, joue
sans arrêt sur nous et en nous. Elle est un facteur essentiel
de notre société. Où que nous tournions nos yeux, nous la
rencontrons, mais nous ignorons encore tout de ses causes,
ses freins, ses lois, ses mécanismes. Comment fonctionne
actuellement la mode dans notre société ?
L'objet électif de la mode est le vêtement. Pourquoi ?
Tous les auteurs qui veulent étudier la mode seule, en elle-
même, sont amenés à traiter en fait du vêtement. Le n° 3
de Traverses, qui souhaitait s'en délivrer, reconnaît ne le
point pouvoir. N'y a-t-il pas d'autre mode que celle du
vêtement ?
Pour répondre à ces questions nous essayerons, d'abord,
de fournir une définition précise opérationnelle de la mode.
Puis, pour échapper au nœud de contradictions, nousentre-
prendrons une analyse structurale de la mode. Enfin, nous
soumettrons nos concepts et analyses à l'épreuve de nom-
breuses recherches scientifiques de psychologie sociale, en
séparant nettement celles opérées sur le vêtement, son lieu
électif, de celles portant sur l'ensemble des domaines non
vestimentaires. Il s'agit, àpartir deladescriptiondesesméca-
nismes, de déterminer ses facteurs, ses premières lois, ses
rôles et surtout son sens si nous voulons véritablement
comprendre la mode. Nous utiliserons donc la psychologie
de la mode, sa psychanalyse, sa sociologie, mais aussi son
histoire, son économie politique, son analyse structurale
synchronique, etc., comme des disciplines complémentaires
et non exclusives.
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PREMIÈREPARTIE
Le mécanisme de la mode
(Etude conceptuelle)

CHAPITREPREMIER
Définition et vocabulaire
Le terme de mode appartient à la fois au vocabulaire de
la psychologie scientifique et au langage courant. Dans le
parler quotidien, il est mal défini, employé avec des accep-
tions très différentes et source de confusions. En tant que
terme scientifique, nous le définissons par toute une série
de degrés en allant du sens le plus extensifau plus intensif.
I degré : Au sens le plus large, ce terme désigne la
diffusion soudaine d'un objet ou d'un usage. Par exemple,
on a parlé de modelors de l'extension rapide de l'usage des
fourchettes auXVIsiècle, du café auXVIIIeet dela bicyclette
au XIX Il s'agit en fait d'acquisitions culturelles. En effet,
ces objets n'ont depuis jamais cessé d'être à la mode et leur
production s'est toujours maintenue. De plus, on peut
donner à cela des raisons autres que la seule mode. L'adop-
tion, même soudaine, d'un objet utile, comme le fer à
repasser, le train, le stylo à bille, etc., ne constitue doncpas
vraiment une mode, pas plus que certains usages justifiables
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commeles transports aériens, le tourisme, les vacances d'été,


puis d'hiver, la vaccination, etc.
2 degré: Une mode est, plus véritablement, la diffusion
soudaine d'un objet ou d'un usage, sans justification utili-
taire valable. Il ne s'agit alors que d'une question de goût,
mais qui persiste. Par exemple : la mode des collections de
timbres, du nouveau roman, de l'opéra, des romans poli-
ciers ou des westerns... Une mode est ce qui se diffuse sans
nécessité, par simple goût, elle relève de l'arbitraire et de la
fantaisie.
3 degré: Une modeest vraiment la diffusion soudaine,
sans raison et éphémère, d'un objet ou usage. Il faut, en ce
cas, que cet engouement rapide n'ait qu'un temps. Une
mode porte, par exemple, sur les crinolines, les parapluies
transparents, les talons aiguilles, les scoubidous, le bilbo-
quet, les collections de porte-clés, etc. La durée de cette
mode est souvent en raison inverse de la soudaineté de sa
diffusion. On dit généralement une mode, mais le terme
exact serait un engouement. On disait autrefois «être en
vogue », «faire florès », «s'enticher », «s'infatuer », avoir un
dada ou des foucades, maintenant on parlera plutôt d'être
dans le vent, être dans le coup, être in, s'emballer pour,
avoir le béguin. L'emballement passager de la mode paraît
donc aussi inexplicable et aussi éphémère que les caprices
du cœur. Maisle béguinnous renvoie auchapeau quecréent
les modistes. Le modèle de la mode a toujours été ce que
l'homme se met sur la tête. La toque nous a donné la
toquade. Setoquer ous'embéguiner, c'est, commeunenfant,
manifester un goût vif et passager pour un élément. L'en-
gouement nous indique que cela nous prend à la gorge,
comme un enthousiasme exagéré qui ne dure pas.
La langue anglaise n'emploie le motfashion que pour ce
qui relève du vêtement et correspond à la mode sociale,
semi-institutionnalisée. Les engouements passagers se tra-
duisent par toute une série de termes comme fad pour
ce qui est futile, craze pour le plus sérieux et subversif,
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rag pour le populaire et boom pour ce qui est le plus


spectaculaire et parfois dramatique.
4 degré : Au sens strict, la mode est une suite ininter-
rompue et lente de diffusions soudaines, sansraison et éphé-
mères. Cen'est qu'à ce degré qu'il convient de parler de la
mode.Carla modes'opposeàunemode,puisquelamodeest
faitedemodescommelamaréedevaguessuccessives, ou une
symphonie de thèmes qui reviennent transposés. Il n'y a
doncvraimentdemodequelorsqu'ils'agitdurenouvellement
incessant des modalités d'un usage. Il faut pour cela qu'il
y ait réapparition cyclique. Au sens strict, le phénomène
social de la mode ne s'est, pour le moment, établi que sur
un seul objet : le vêtement. C'est ainsi que les robes des
femmes peuvent être suivant la mode : collantes ou bouf-
fantes. Les jupes bouffantes enforme de cloche, maintenues
écartées par divers instruments posés sur les hanches des
femmesont été à la modeà différentes périodes del'histoire
chezles Crétoises d'abord, vers le XVsiècle avant notre ère,
sous le nom de vertugadin ramené d'Espagne par Eléonore
deCastille vers 1470,puis avecles robes volantes ouàpanier
de Marie-Antoinette (1785-1789), renouvelées par les crino-
lines d'Eugénie deMontijo(1852-1870),et la modedes jupes
cloches vers 1950 en France.
Aussi convient-il de distinguer «la mode de »et «la
mode dans ». La mode d'aller à Biarritz, à Venise ou en
Suisse correspond audegré un. C'est-à-dire qu'un usage, un
lieu, un objet ont été lancés. Ils sont à la mode. Mais être à
la mode n'est pas contenir une mode au degré quatre. Il
existe des essais pour introduire une mode dans la coiffure,
le maquillage, les lunettes, l'automobile. Mais c'est bien loin
d'avoir le caractère organisé et l'immense audience de la
mode dans le vêtement. Là se situe seulement cette mode
formée de modes, ou un renouvellement incessant de diffu-
sions soudaines disparaissant aussi rapidement au profit
d'un nouvel engouement dans un recommencement sans fin
du processus. Chaque mode est par conséquent présentée
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comme aussi impérieuse que provisoire. On sait qu'elle ne


durera pas, car elle relève de la fantaisie et de l'arbitraire,
elle répond au besoin de changement pour le changement.
Par là la mode, bien que portant sur lesmœurs,lescoutumes,
les usages, les traditions, s'oppose à eux en ce qu'ils
s'imposent par leur ancienneté alors que la mode le fait par
sa nouveauté. Comme l'indiquent bien les Anglo-Saxons,
la seule motivation devente d'un objet est newouupto date.
Pourtant cettemodelentetelle qu'elle existaitdanslevête-
ment jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, nous la nions main-
tenant en tant que mode. Et, de fait, bien des personnes
n'avaient aucune conscience d'être à la mode. Selon les caté-
gories sociales les vêtements changeaient de forme tous les
cinq oudix ans. Pour beaucoup, ils restaient identiques pen-
dant toute une vie. C'est ainsi qu'au Moyen Age les vête-
ments se recevaient par héritage. Le rythme de changement
étant celui dela génération, onpouvait nier l'existence d'une
mode. Cependant il vaut mieux dire que les vêtements
paysans oudescorporations étaientlesièged'unemodelente,
endormie, latente, engourdie.
5 degré : Au sens plein, la mode est une suite ininter-
rompue et rapide de diffusions soudaines, sans autre raison
qu'elle-même et de nature éphémère. Cette succession
rapide de succès éphémères constitue la mode accélérée,
éveillée ou le règne de la mode tel qu'on le connaît aujour-
d'hui. Le rythme de la mode est devenu annuel, dans cer-
tains milieuxil est mêmesaisonnier, et l'on achète deshabits,
à la nouvelle mode, quatre fois par an. Le critère dela mode
accélérée est qu'elle provoque un renouvellement rapide de
l'objet avant toute usure. Apeine porté, il est abandonné
car déjà démodé. Bien sûr, cette mode au sens plein qui
règne surl'habillement, diachroniquement,estfaitedemodes
impérieuses à cadence rapide, mais aussi synchroniquement
de diverses modes qui coexistent en se juxtaposant selon les
divers milieux sociaux. C'est ainsi qu'en France actuelle-
ment il existe la mode de la Haute Couture, celle des bou-
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tiques, la mode des séries commerciales vendues sous une


griffe, la modeindustrielle desgrandes surfaces oudes entre-
prises de vente par correspondance, celle de la rue, etc.
Particulièrement deux types de modes s'opposent : la mode
organisée et la modespontanée. Nos diverses enquêtes nous
ont appris quedans l'esprit du public le terme demoderen-
voie toujours à la Mode semi-institutionnalisée telle qu'elle
émane des collections des grands couturiers, et se trouve
rediffusée par les journaux de modeoula séquence des nou-
veaux modèles à la télévision. Ce que l'on voit porté dans la
rue est vécupar conséquent commen'étant pas àla mode, et
pourtant tout en n'étant pas la mode des grands couturiers,
c'est quand même la mode de la rue. Surtout l'anti-mode
inventée récemment par les jeunes, blue-jean et tee-shirt ou
pull-over collant, est difficilement reconnue par ceux qui la
portent comme une mode, alors qu'elle possède tous les
caractères de la mode, avec surtout l'obligation à la fois vio-
lente et insidieuse qui fait que jeunes et étudiants sur la
planète portent tous avecjoie le même uniforme, emprunté
aux vachers des Etats-Unis.
Bien entendu, dans cette mode accélérée, tout n'est pas
renouvelé à chaque fois. Certains éléments n'évoluent
toujours que très lentement. On peut considérer que la
modecomplète, ausens oùnous la connaissons aujourd'hui,
superposeàun changement lent de l'ensemble, un cycle de
renouvellement rapide de quelques éléments de l'objet.
Nous distinguerons donc ces différents degrés en par-
lant, dans la mesure du possible, des acquisitions cultu-
relles durables ou définitives ( I degré), des engouements
(3 degré), de la mode lente (4 degré), de la mode rapide
(5e degré) ou de la Mode (sens emphatique pour la Haute
Couture).
Notre distinction des différents sens du mot mode est
fondamentale. Sans elle, on se trouve voué à la confusion.
Pourtant le mélange de ces différents sens et l'extension la
plus totale possible de l'emploi du motmodetrouvent des
défenseurs. La modeétant un fait universel, pour eux, tout
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Tableau récapitulatif
des imbrications des concepts constitutifs de la mode

est mode : la religion, l'enseignement, la science, la philo-


sophie, l'art, la médecine, etc. Ils ne reculent pas devant le
paradoxe d'écrire que la mathématique est mode, ainsi que
lapsychologie,la sociologie,lapsychanalyse,lalinguistique...
Alors qu'il n'y a dans ces domaines aucune mode stricte-
ment définie au sens 5, et que la part de la mode au sens
large y est très réduite. Elle n'est certes pas absente (par
exemple la vogue des mathématiques modernes ou théorie
des ensembles ou la biologie de Lyssenko en URSS), mais
elle reste très superficielle, et n'atteint finalement que la
vulgarisation deces sciences. Seulel'utilisation d'une science
par les mass media est mode (Dufrenne, 1976). Il peut y
avoir des engouements pour une théorie scientifique par
exemple, l'évolutionnisme de Darwin ou la relativité
d'Einstein. Mais cela n'empêche pas la science d'être vraie,
deprogresser et deseprouver par ses applications pratiques.
Il est vrai que la matière est de l'énergie, E = mc, comme
le prouvent les applications nucléaires, et que laterretourne,
que ce soit à la mode ounon.
De même que la philosophie de Hegel, le bergsonisme,
ou l'existentialisme sartrien, ont été à un certain moment
àla mode, n'ajoute ni n'enlève rien àleur valeur intrinsèque.
Prétendre valoriser la mode en lui accordant une toute-
puissance est en fait la détruire. Ce n'est plus un concept
scientifique précis, il ne peut plus y en avoir de définition
opérationnelle susceptible d'être vérifiée ouinfirmée par des
expériences de recherche sur le réel. C'est de plus une posi-
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tion autodestructrice. Car l'auteur qui déclare que tout est


mode, et que les sciences de la mode, comme l'histoire, la
sociologie, la psychologie, la psychanalyse ne peuvent l'étu-
dier, puisqu'elles sont mode elles-mêmes, fait toujours une
exception en sa faveur. Le croire enlèverait toute valeur à
son affirmation, qui ne serait, elle-même, qu'une mode. Et
de fait c'est le seul cas exact. Il y a un discours esthético-
linguistique ou économico-psychanalytique sur la mode qui
est le seul à la mode. Il se prétend au-dessus de la science,
enfait il n'aboutit qu'enunephraséologieaumieuxpoétique,
qui ne peut trouver sa place que dans les revues mondaines
àla mode. Les mots n'ayant plus un sens précis et constant,
le mot modefinit par pouvoir tout désigner. Cetype de dis-
cours actuel sur la mode en est au niveau du discours sur le
vêtement de Carlyle. Dans Sartor resartus (1833), ce der-
nier prétend donner aux habits le sens leplus vastepossible,
et commençant par confondre vêtement, habits, costume et
habillement, il finit par leur faire signifier le langage puis-
qu'il est le vêtement de la pensée (I-XI), le nom, premier
vêtement qui enveloppe le moi (II-I), la religion, le plus
intérieur des tissus (III-II), notre vêtement de chair, et nos
derniers revêtements, le Temps et l'Espace, et toutes les
formes par lesquelles l'Esprit se manifeste, la Grande
Charte, la Loi, la Majesté royale, et toutes les Dignités, qui
sont autant de vêtements (III-IX).
Le radicalisme de la mode n'est que la forme moderne
du scepticisme, un effort pour détruire toutes les valeurs en
les rendant précaires et subjectives. L'existence de la mode
n'enlève rien àla valeur dela vérité et àla possibilité d'accès
par l'hommeàla vérité. Commele montre la méthode expé-
rimentale de deux propositions opposées, la véritable est
celle qui reçoit la confirmation desfaits, puis permet d'abou-
tir àdes applications pratiques. Notre essai dedétermination
de la mode comme concept opérationnel scientifique per-
mettant d'engendrer des recherches expérimentales se
trouve pour son sens philosophique en accord avec les posi-
tions sur la mode de Radar, 1969 (Les manifestations de la
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mode comme phénomène de psychologiesociale, inDiogène)


et de Mikel Dufrenne, 1976 (La science et l'art au goût du
jour, in Traverses). Que la mode et les snobs qui la sup-
portent prétendents'attaquer àtoutes lesvaleurs sans excep-
tion est unfait. Queson domaine soit en extension constante
en est un autre. Mais elle ne peut s'établir que dans les
domaines où l'on renonce à toute pérennité de valeur (de
vérité, debeauté ou deprogrès technique). Elle se maintient
dans le domaine symbolique réservé par le groupe au jeu
social de l'innovation. Ayant perdu toute valeur de péren-
nité, il devient alors inévitablement la proie de l'exploi-
tation commerciale.
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CHAPITREII

Analyse structurale de la mode


La mode est un phénomène psychosocial complexe. Ce
mécanisme de contagion imitative comprend de nombreux
vecteurs ; chacun correspond à l'un des domaines de notre
société qui fait dela modeun usage particulier. Deplus, des
forces opposées jouent sur chaque vecteur. D'où la possi-
bilité dela décrire demanière contradictoire et deprétendre
que la modeest le lieu de toutes les contradictions ou de la
présenter comme englobant toute une série de paradoxes.
En fait des solutions de compromis s'établissent chaque fois
et la modenefonctionne qu'en privilégiant,selonlesmilieux,
l'un de ses vecteurs et qu'en résolvant ces diverses opposi-
tions. (Pour une étude détaillée de ces différentsvecteurs,se
reporter à Descamps, La mode et le vêtement, in L'univers
de la psychologie, t. V, Lidis, 1978.)

I VECTEUR: LAVALEUR
A) Sa négation
La valeur de la mode a été constamment niée. La mode
est folle : voilà un thème éternellement à la mode. Les pre-
mières fois où la modeest nommée, c'est dans ses critiques.
La Bible la vomit par la bouche du prophète Isaïe (III, 16).
Elle est persiflée par les satiristes latins : Horace, Juvénal,
Martial, Plaute... La tradition est continuée par les Pères de
l'Eglise, dont Tertullien, et tous les prédicateurs duMoyen
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Voici la première étude scientifique de la mode. Jusqu'à
maintenant on n'avait fait que réfléchir sur le vêtement, et il
cachait tout. La mode est ici étudiée pour elle-même, en tant
que phénomène psychosocial fondamental.
Nos sociétés affectent tout de mode. Sortant de son
domaine traditionnel, le vêtement, elle s'étend aux voitures,
lunettes, bijoux, remèdes, voyages, produits de maquillage,
à la presse, à l'édition, aux chansons et à tous les arts, au
mobilier et à l'alimentation...
L'élucidation de ses degrés et l'analyse structurale de ses
facteurs permettent de la suivre dans ses recouvrements,
depuis l'imitation dans un petit groupe jusqu'à son exploita-
tion commerciale, industrielle et économique. Son étude est
fondée sur des enquêtes de psychologie sociale, portant non
seulement sur le vêtement mais aussi sur les autres domaines.
La recherche de ses mécanismes, de ses lois et surtout de son
sens vise à répondre à la question essentielle : « Pourquoi
de nos jours tout devient-il une question de mode ? »

Marc-Alain Descamps enseigne la psychologie sociale à


l'Université René-Descartes (Paris V).
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