Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
À toutes fins utiles, je crois devoir aussi préciser que je ne reconnais pas
de préséance aux mythes et aux imaginaires collectifs parmi l’ensemble des
facteurs explicatifs du social. Je ne prétends pas non plus tirer au clair les
rapports ou les modes d’interaction complexes entre le culturel et le social,
bien que j’aurai quelques réflexions à proposer sur ce sujet. Par ailleurs, je
me distancie de la tradition de recherche initiée par Clifford Geertz, comme
de toutes les théories structuralistes qui abordent la culture comme si elle
était un système cohérent. Je préfère l’aborder comme un amalgame formé
a) de segments parfois cohérents et parfois contradictoires, mais toujours en
interaction, et b) de larges plages d’indétermination.
Pour cette raison et pour d’autres, je suis réfractaire à l’approche de
Claude Lévi-Strauss dans la mesure où elle ne laisse pas de place à
l’émotion, alors que je tiens celle-ci pour une composante centrale du
mythe. En outre, cette approche ne se montre pas assez soucieuse de mettre
au jour les enracinements sociaux du mythe.
Enfin, à ma courte honte, je confesse éprouver un malaise à l’endroit des
théories générales. Elles me semblent souvent établir leur cohésion aux
dépens de la complexité du social ; en systématisant, il arrive qu’elles
amputent ou occultent autant qu’elles éclairent.
1. Je remercie Alain Roy qui, depuis quelques années, a accompagné ma réflexion sur le mythe, de
même que les membres du groupe Successful Societies du Canadian Institute For Advanced Research
(CIFAR), tout spécialement Peter Hall, Michèle Lamont, William Sewell et Ann Swidler. Ma
reconnaissance va également à Nathan Glazer, Susan Hodgett et Jean-Jacques Wunenburger. J’ai
aussi tiré grand profit des commentaires formulés à l’occasion de nombreuses présentations de mes
propositions dans le cadre de communications ou de conférences en Amérique, en Europe et ailleurs.
Ce texte s’inscrit dans la programmation de la Chaire de recherche du Canada sur les imaginaires
collectifs, dont je suis le détenteur. Il a aussi bénéficié du soutien financier de l’Université du Québec
à Chicoutimi et de la Fondation de l’Université du Québec à Chicoutimi.
2. On peut en trouver des survols et des discussions dans L. Spillman (2002), J. C. Alexander (2003),
R. Friedland et J. Mohr (2004), M. D. Jacobs et N. Weiss Hanrahan (2005), J. R. Hall et alii (2010),
J. C. Alexander, R. Jacobs et P. Smith (2012), de même que les Reviews in Cultural Theory
(www.reviewsinculture.com). Enfin, M. Schudson (1989), D. Crane (1994) et W. H. Sewell (1999)
demeurent des références très utiles.
5. Je donne à ce dernier concept une acception très étendue en y incluant toutes les formes de lien
social qui s’instituent aux échelles les plus diverses : famille, communauté, ville, région, classes,
nation… J’y inclus également la socialité qui se déploie dans les institutions et organisations. Quant
au concept de société, il doit être compris au sens de « société globale », en référence à la théorie
sociologique de Georges Gurvitch. En pratique, cette expression est couramment assimilée au cadre
de la nation ou de l’État-nation.
6. De brefs survols sont présentés notamment dans D. Crane (1994, chapitre 3), M. Lamont et M. L.
Small (2008). Selon J. C. Alexander et P. Smith (2001, p. 2-3), la sociologie de la culture présenterait
cette dernière comme devant être expliquée par des facteurs externes, tirés du social. Pour les
praticiens de la sociologie culturelle, la culture est vue comme autonome et elle contiendrait son
propre principe explicatif. J’y reviendrai.
7. C’est une idée que l’on retrouve chez de nombreux classiques des sciences sociales, mais aussi
chez divers auteurs plus récents comme C. Castoriadis (1975) ou D. Schnapper (1994).