Vous êtes sur la page 1sur 46

Pour une évaluation positive de

l’oral à l’école maternelle


Mercredi 8 février 2017
Besançon

Yves Soulé
Introduction

L’EXERCICE PARTAGÉ D’UN


MÉTIER DE PAROLES
Questionner l’importance accordée à
l’oral dans le programme de l’école
maternelle (1)
• Langage, langue, parole
• Le langage parlé : acquisition et développement
• De l’oral aux oraux : une formalisation
didactique complexe

CADET L., PEGAZ-PAQUET A., (coord.), (2016), L’oral en


question(s), Le Français aujourd’hui, n°195, Colin
BLANCHE-BENVENISTE C. (1997) : Approches de la langue parlée
en français, Ophrys.
Questionner l’importance accordée à l’oral
dans le programme de l’école maternelle (2)

• Les gestes professionnels langagiers


• Les analyses langagières de l’activité
enseignante

-> un double problème : l’oral comme « objet verbal non


identifié » et l’évaluation

MAURER B., (2001), Une didactique de l’oral du primaire au


lycée, Bertrand-lacoste
L’oral dans la conscience
disciplinaire des enseignants

• « le poids de l’évidence disciplinaire »


• Comment les enseignants « (re)construisent les
disciplines »
• « les variations de conscience disciplinaire
pourraient participer de l’inégale réussite des
élèves »

REUTER Y., (2007), « La conscience disciplinaire », Education &


Didactique, Présentation d’un concept, Vol.1, n°2.
Place de l’oral et de l’évaluation dans
l’agir enseignant
• Des logiques profondes
• Cinq macro préoccupations enchâssées
• Un jeu de postures
• Des configurations de gestes

 manifestés , réalisés, instanciés dans / par le langage


La « face » langagière des gestes
professionnels
Explicitation

Tissage
Reformulations Sollicitations
Reprises-modifications Interpellation
s
Objets
Etayage de savoir, Atmosphère
Techniques
Focalisation de
l’attention
conjointe (foyer
Pilotage d’attention
partagée)
Distribution des tours de parole
Enchaînements
Dénivellations
Plan de l’intervention

1. Le rôle intégrateur du langage


2. Apprendre l’oral
3. L’oral pour apprendre…l’oral
4. L’évaluation de l’oral : une
professionnalité à construire

 l’exemple de l’écriture
Première partie

LE RÔLE INTÉGRATEUR DU
LANGAGE
Quand l’enseignant entre en classe…
• Parler, faire parler, apprendre à parler, à prendre la
parole
• Evaluer les compétences langagières de l’enfant

 Considérer l’activité enseignante comme une activité


langagière
 Mesurer la part langagière du développement
professionnel
Favoriser la circulation des savoirs langagiers
professionnels

AURIAC-SLUSARCZYK E., (dir.), (2013), Apprendre et former : la


dimension langagière, PU Blaise Pascal.
Le langage dans la classe
(J. Ch. Chabanne, séminaire LIRDEF, 09/12/11)

• un observable spécifique (le matériau langagier)


 dimension méthodologique : constitution d’un corpus, enjeux de
la transcription
• une des formes d’existence du savoir (la « manifestation »
langagière des savoirs, des contenus, des connaissances)
 dimension épistémologique
• un organisateur didactique (mise en œuvre des dispositifs, des
démarches, des méthodologies)
 dimension mathétique
• un médiateur social et psychologique dans les situations
d’enseignement / apprentissage
 dimension relationnelle
• une « fenêtre sur l’activité » cognitive
 dimension réflexive
Deuxième partie

APPRENDRE L’ORAL
La part des programmes
• 1963-1966 : notion de « communication orale » (Plan Rouchette
= instauration de l’oral dans le premier degré)
• Années 70 : approches sociolinguistiques (fonctionnement de la
classe entre représentations, relations de pouvoir, appartenances
socioculturelles, habitus…)
• Années 80 : enjeux cognitivistes (la médiation orale dans
l’acquisition des connaissances et des compétences
intellectuelles) vs retour de l’écrit
• Années 90 : préoccupations interactionnelles didactiques
(acquisition de compétences langagières spécifiques)
• Années 2000 : centration sur le lire-écrire mais priorité au
développement des compétences langagières orales à l’école
maternelle
• 2015-16 : interactions LireEcrire-Oral
L’état des pratiques effectives
1. Un apprentissage « récent »
2. Un apprentissage secondaire vs second
3. Un apprentissage implicite / explicite
4. Un apprentissage autonome / intégré
5. Un apprentissage ancré dans la didactique du
français
6. L’oral dans les autres disciplines
7. Les disciplines contributoires
8. Le numérique
De quel oral parle-t-on ?

1. un moyen d’expression
2. un outil d’enseignement
3. un outil d’apprentissage
4. un objet d’enseignement
5. un objet d’apprentissage

GARCIA-DEBANC, Cl., PLANE S., (2004), Comment enseigner


l’oral à l’école primaire ?, Hatier.
Pour une construction du sujet parleur

• La délimitation du cadre relationnel (contrat,


contexte, situations)
• Les relations intersubjectives
• L’expression et de l’identité des acteurs
• La mise en mots de l’expérience
• La mise à distance du faire et du dire
• La construction de l’expérience et de la pensée
• La construction du langage comme objet d’étude
Les entours de l’oral

• Insécurité langagière, inégalités socio-scolaires


• Climat de classe, incivilités, valeurs
• Estime de soi et motivation
• Evaluation positive, école inclusive
• L’illusion de la transparence du langage

REY V., GOMILA C., ROMAIN Ch., (2013), Détresse langagière


chez l’enfant, nouvelles perspectives, PU de Provence.
La communication scolaire :
une gestion complexe (Doyle, 1986)
• Deux tiers des interactions à l’initiative de
l’enseignant / un tiers à l’initiative des élèves
• 200 échanges / 55 min de cours = 16 s /échange
• Des conduites de questionnement récurrentes :
– 70% de questions fermées
– 25% de questions ouvertes
– 5% de questions stimulantes
(Legrand-Gelbert, 1988)

PÉROZ P., (2010). Apprentissage du langage oral à l’école


maternelle : pour une pédagogie de l’écoute, CRDP Lorraine
Comment obtenir un allongement significatif du
temps de parole donné aux enfants ?
Comment dégager un temps d’écoute active plus
important ?
Comment concilier objectifs cognitifs et
langagiers ?
Comment évaluer la durée /qualité de leurs
interventions ?

= ce dont le carnet de suivi doit rendre compte !!


Donner à l’oral de la « visibilité
didactique »

« La visibilité didactique correspond à la possibilité,


pour le professeur, de contrôler l’évolution
conjointe du temps du savoir et des places des
élèves dans le déroulement de la leçon. »

CHOPIN M-P, (2008), « La visibilité didactique : un milieu pour


l’action du professeur », Education & Didactique, vol.2, n°2.
L’oral dans la relation
pédagogique

• La rencontre «autour d’un savoir à acquérir à un


instant donné » (micro-institutions)
• La gestion des interactions ou la régulation des
« temps de latence »
• L’intervention doit aussi nous permettre de
« délier nos propres enjeux du travail de l’élève »
HATCHUEL F., (2003), « Pour une anthropologie clinique de la
rencontre pédagogique », Spirale, n°31
Requalifier les genres et les pratiques de
l’oral
• Le quoi de neuf ?
• L’album écho
• La dictée à l’adulte
• Le cours dialogué
• La récitation
• Le débat, la discussion / le cercle de lecture
• Les jeux
• La négociation de la trace écrite
Deuxième partie

L’ORAL POUR APPRENDRE…


L’ORAL
GADET F., LE CUNFF C., TURCO G., (coord.), (1998), L’oral
pour apprendre, Repères, n°17.
Corpus 01 « Rituels », p.256

E. bonjour/ bonjour les enfants


(brouhaha. Les enfants répètent « bonjour les enfants. Un enfant se tient
l’oreille comme la maîtresse)

bonjour / bonjour / alors on rappelle les règles


un petit peu / pour être sûre qu'on ne parle pas
tous ensemble / Joséphine on regarde par ici
3 niveaux de contraintes
• Contraintes situationnelles
– début de journée dans une classe de maternelle ;
rituels après l’accueil
• Contraintes discursives
– Discours d’enrôlement ; construction de l’attention
• Contraintes formelles
– Quelles manières de dire (plus ou moins codifiées)
pour être entendu ?
 « on rappelle », « on regarde »

CHARAUDEAU, P., (2001), « Visées discursives, genres


situationnels et construction textuelle », in Actes du colloque,
Textes, types et genres, PU Toulouse
D. Maingueneau, 1995
• un discours s’inscrit « dans un espace d’échanges entre plusieurs
discours » (notion d’interdiscours)
• un discours implique une « interaction sémantique » (principe
d’intercompréhension)
• un discours porte des marques distinctives (+/- explicites de son
appartenance à un « genre » = un dispositif de communication défini
(notion de formation discursive et de contraintes discursives)
• un discours manifeste des compétences de parole (compétence
interdiscursive)
• un discours suppose une pratique sociale, culturelle, intellectuelle,
technique
• un discours ne se réduit pas à un ensemble d’énoncés, il peut intégrer
d’autres systèmes de signes (pratique intersémiotique)
• un discours est en relation avec son environnement (inscription
socio-historique)
• Extrait distribué :
Corpus Hélène : « Le loup va te dévorer »
 sem 47, classe 23, Séance 14
• Recherche IFé LireEcrire-CP
• Thèse en cours (dir. Martine Dreyfus, Yves
Soulé)
6
314. M : (en écrivant sur une feuille) (il) y a le [e] de Éloi++ le [e]
de Éloi +++ et là le [e] de dévorer+/ dévorer c’est un verbe +/
c’est le [e]+ e-r- (en montrant ce qu’elle a écrit aux élèves),+/
(avec pointage sur la feuille) dé-vo (avec pointage sur la feuille) -
Rer+++++/ (à Mohamed qui lui a présenté son écrit) tu (n)’as pas
écouté c(e) que j’ai dit,+++++++++++/ (à Ayoub) toi non plus, il
est où’ le dernier [e] de dévorer

Que cherche-t-on à faire, à montrer ?


= analyse didactique (relations, interactions en contexte
didactique, action didactique conjointe, position didactique des
acteurs, effet-maître)
= analyse du cours d’action
= analyse des gestes professionnels de l’enseignant
= gestes langagiers didactiques / professionnels
tu (n)’as pas écouté c(e) que j’ai dit
le [e] de Éloi
Tissage

le [e] de Éloi c’est un verbe le [e] de


le [e] de Éloi Éloi
Objets
de savoir,
Etayage Atmosphère
Techniques

il est où’ le dernier [e] tu (n)’as pas


de dévorer écouté c(e) que
j’ai dit
Pilotage des
tâches
L’oral dans le déroulement d’une
séance
• Phase 1 : présentation, découverte, tâche
• Phase 2 : réalisation et problématisation
• Phase 3 : institutionnalisation (1)
• Phase 4 : consolidation, reproblématisation
• Phase 5 : institutionnalisation (2)
• Phase 6 : évaluation, situations de
réinvestissement
Anticiper la trame langagière

 Préparer une séance /séquence c’est donc aussi


anticiper ce que seront…
• L’activité langagière
• Les pratiques langagières
• Les formats /genres
• Les conduites (reformulations, reprise-
modification, dénivellations, boucles
récapitulatives)
…propres à chaque phase
La médiation didactique orale :
 penser-parler-lire-écrire sont des activités cognitivo-langagières
(Lentin, 1971-75)

1. Oral et littérature
2. Oral et compréhension
3. Oral et langue
4. Oral et écriture
L’exemple de l’écriture à l’école maternelle

« valoriser publiquement les premiers tracés des petits qui


disent avoir écrit. » (p. 8)
l’envie, le plaisir de s’essayer à l’écrit, la curiosité pour l’écrit

« Leurs tracés montrent à l’enseignant ce que les enfants ont


compris de l’écriture » (p. 8)
faire attention à ce que font les élèves et en déduire un niveau
d’intention de plus en plus réfléchi.

= des modalités d’évaluation à opérationnaliser


« … l’enseignant lit, bruite… » (p.8)
 Les conditions d’acceptabilité des essais : reconnaissance de la
production de l’enfant comme production écrite

« Ils recourent à différentes stratégies, en les combinant ou non »


(p.9)
Observer/comprendre les procédures, faire émerger les stratégies,
comprendre le cheminement de l’enfant

« Les premiers essais d’écriture permettent à l’enseignant de


voir que les enfants commencent à comprendre la fonction et le
fonctionnement de l’écriture, même si ce n’est que petit à petit
qu’ils en apprendront les règles. (p.9)
 Le temps didactique
Les prédicteurs de réussite
- De la trace à la lettre
- Le sens de l’écriture
- L’orientation des lettres (le « ductus » : ordre et
direction)
- La connaissance du nom des lettres
- L’enchaînement, l’espacement, la segmentation
- Le développement progressif et continué des
consciences
- L’acculturation à l’écrit
- Les pratiques de production et de verbalisation réflexives
L
E
LE
?

L’examen de la TRACE (Carole)


Novembre 2014/atelier MS/séance 2 : le E de « LE PAPILLON » - DVD 1 28min36
Points de vigilance, points de discussion

• Le corps (la main, l’avant-bras, l’œil)


• L’action (la pince)
• l’impact (la pression)
• la trace
• La pause (la réaction)
• La reprise (apprentissage de l’espace et du temps)
• la réédition
• la série
LE SENS DE L’ECRITURE
Carole, nov 2014, GS/séance 2 - DVD1 33’25 à 33’50
Consigne : Ecrire la phrase « Le papillon rouge vole » On observe Laura qui écrit de
la droite vers la gauche et Flavien qui a écrit le mot « PAPILLON » de la gauche vers
la droite.
PE : « Qu’est-ce que tu as écrit, Laura ? »
Laura : « J’ai écrit PAPILLON ROUGE.»
PE : « Alors, tu vois, Laura, tu as écrit dans ce sens
(l’enseignante trace une flèche qui indique le sens
de l’écriture de l’élève).
Tu as écrit de la droite vers la gauche. Quand on
écrit, on commence toujours du côté gauche. On
écrit de la gauche vers la droite. Alors je t’écris :
PAPILLON ROUGE. »
Quatrième partie

L’EVALUATION DE L’ORAL :
UNE PROFESSIONNALITÉ À
CONSTRUIRE
Un enjeu de formation

 Difficultés d’appréhender le travail enseignant dans et


par le langage mais nécessité de le faire

• Le langage dans l’activité enseignante


• Le langage dans la formation professionnelle.
• La place du langage dans les modèles d’analyse
du travail enseignant
Méthodologie

• Observation fine des tâches et des activités


réalisées par les élèves et sur les étayages qui
accompagnent la réalisation de ces tâches.
• Analyse des verbalisations langagières (et non
langagières) des interlocuteurs en tant que traces
de ces apprentissages.
Problème
• Quel lien entre les cadres théoriques que nous utilisons
dans le laboratoire et les analyses langagières ?
• Peut-on / Comment envisager une modélisation de
l’activité langagière ?
• Comment mesurer l’impact de cette activité et de son
analyse ?
• Comment accompagner et conseiller un enseignant
dans le développement de ses gestes professionnels
langagiers ?
Le modèle de l’agir enseignant

• Des logiques profondes


• Cinq macro préoccupations enchâssées
• Un jeu de postures
• Des configurations de gestes

 manifestés , réalisés, instanciés dans / par le langage


349.M : ah+ t(u) écoutes’+/ t(u) as vu Nazim’++/ il
a été super fort,++++++++++/ ALORS là Ayoub,+
+++/ mets moi la date+ le code mon grand,+/ et
BEN,+++++/ tu sais quoi’+/ ce soir on va dire à
maman que t(u) as écrit la phrase+ le loup va te
dévorer tout seul,+/
Conclure…

• Ce que la dimension langagière dans la classe


et dans les entretiens de formation révèle de
l’activité enseignante
• D’une pratique « réflexe » à une approche
réflexive de la dynamique langagière

l’usage des ressources langagières traduit une compétence


interactionnelle résultant d’une expérience interprétative
dans l’action.

Vous aimerez peut-être aussi