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Didactique du lexique

Stage « Apprendre les mots au cycle 2 »


Cali, novembre 2011

Muriel Coret - IUFM de Poitiers

Muriel Coret Didactique du lexique


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1. Pourquoi travailler sur le lexique ?

1.1. Lexique perçu comme lieu d'irrégularités

Les processus dérivationnels "sont typiquement sporadiques et seulement quasi productifs"


(Chomsky 1965l)

Le lexique apparaît comme un tout « naturellement chaotique » (D. Slatka, 1969)

Le lexique est dans la langue le lieu de l'irrégularité, du contingent (S. Delesalle)

Le lexique est sans aucun doute l'irrégularité fondamentale, face aux régularités de la syntaxe et de la
phonologie (A. Rey)

Le lexique procure le vertige de l'infini : des milliers de mots, à peu près tous polysémiques – ce qui
multiplie les sens à maîtriser -, traversés par des relations synonymiques ou antonymiques non
systématiques – variant selon les emplois -, que nulle énumération ne peut épuiser et, a fortiori, que nulle
règle ou régularité ne peut organiser. (D. Leeman, FA 131 p. 42).

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• Années 80/90 : renouveau dans les recherches sur le lexique (morphologie, sémantique...).
cf. travaux de Danielle Corbin (université de Lille)

Conviction que le désordre des apparences cache un ordre profond qu'il appartient aux chercheurs de
restituer et modéliser ;
Modèle théorique qui s'appuie sur
l'associativité (forme et sens) : le sens d'un mot construit est construit en même temps que sa structure
morphologique, compositionnellement par rapport à celui-ci

• Développement de la didactique du lexique moins rapide

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1.2. Situation paradoxale


cf. en 2000, introduction de F.A. 131

Le lexique est relativement négligé dans les apprentissages en langue, et au mieux réduit à un
enseignement fossilisé dans des routines pédagogiques ou annexé à d’autres apprentissages
considérés comme plus fondamentaux.

Pourtant le lexique est un objet largement décrit et théorisé en lexicologie et en morphologie ; le


décalage avec son enseignement-apprentissage n’en est que plus profond. […] De fait, la situation
reste paradoxale, car elle oppose à ce vide une abondance de publications et de travaux qui ne
sortent pas du domaine universitaire.

En 2011, cf. F. Grossmann dans Pratiques 149/150


Par un retour de balancier classique, la didactique du lexique, après avoir subi une éclipse dans les
années 1980-2000, davantage centrées sur la lecture et l'écriture, revient depuis une dizaine d'années
au premier plan.

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1.3. Le lexique dans les programmes

1.3.1. Rapide historique

• Apparition relativement tardive du domaine du « vocabulaire » dans les programmes d’enseignement


primaire (Y. Legrand, 2004).

• Par la suite, la rubrique n’a pas cessé de s’étoffer ; le nombre des notions augmente nettement, dans un
mouvement
qui conserve les objectifs initiaux dominants (améliorer la compréhension)
tout en s’ouvrant à la structuration du lexique (relations lexicales, familles de mots).

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A. Bentolila, 2007 : « L’acquisition d’un vocabulaire riche et précis, dont nous avons montré l’importance
pour maîtriser la langue orale et écrite, exige un enseignement fondé sur une progression rigoureuse, des
séquences spécifiques, des activités systématiques et régulières ».
les « leçons de mots » en maternelle font débat

Monsieur Bentolila semble ignorer des données assez élémentaires sur l’apprentissage. Depuis pas mal de
temps, il est démontré qu’apprendre ne se fait nullement par empilement, mais par mise en relation. Lorsque
l’on apprend un mot nouveau — et cela ne peut se produire que dans une situation langagière, signifiante,
orale ou écrite, le plus souvent en lecture, jamais dans une leçon —, ce mot ne s’ajoute jamais à ceux que je
connais déjà : il réorganise le champ sémantique de ce mot et déplace nécessairement ceux que l’on possédait
auparavant. Pour le vocabulaire, comme pour tout autre apprentissage, apprendre, c’est transformer les
savoirs-déjà-là, et non ajouter un élément à une liste. (Charmeux, 2007)

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1.3.2. Programmes 2008

• Cycle 1, 2008 :
◦ échanges avec l’enseignant et avec ses camarades,
◦ dans l’ensemble des activités et, plus tard, dans des séances d’apprentissage spécifiques,
◦ il acquiert quotidiennement de nouveaux mots dont le sens est précisé ;
◦ séquences spécifiques : classification, mémorisation, réutilisation, interprétation
◦ mots nouveaux chaque semaine (noms, verbes, adjectifs, adverbes, prépositions)
◦ pour comprendre, échanger, exprimer leur pensée au plus juste

• Cycle 2, 2008 : :
◦ activités spécifiques en classe, mais aussi dans tous les enseignements,
◦ l’élève acquiert quotidiennement des mots nouveaux.
◦ capacité à se repérer dans le monde qui l’entoure, à mettre des mots sur ses expériences, ses opinions et
ses sentiments, à comprendre ce qu’il écoute et ce qu’il lit, et à s’exprimer de façon précise à l’oral
comme à l’écrit.
◦ compréhension, mémorisation et emploi des mots
◦ classement (termes génériques), synonymes / antonymes, familles de mots, dictionnaire.

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• Cycle 3, 2008 :
◦ relations de sens,
◦ relations de sens et de forme,
◦ identification des catégories grammaticales
◦ utilisation du dictionnaire.

Donc nécessité de repenser les activités, les outils et développer la curiosité devant les faits lexicaux.

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Progression GS > CE1 : un exemple

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2. Enseigner le lexique, mais comment ?

2.1. Deux grandes tendances

• apprentissage incident, occasionnel

• apprentissage structurel qui vise une analyse du système


Limites de ces approches (M. Dreyfus, 2004)
on ne peut négliger ni les aspects quantitatifs, ni les aspects qualitatifs

Grossmann 2011 : définition didactique de la compétence lexicale


celle-ci doit prendre en compte des aspects quantitatifs (on ne peut pas balayer du revers de la main la question
du vocabulaire actif / passif et de la constitution de répertoires adaptés) ; mais elle inclut également des aspects
qualitatifs, liés au développement de compétences métalinguistiques ; cette compétence inclut aussi la capacité à
faire des hypothèses sur le sens d'un mot inconnu, à partir d'éléments morphologiques, phrastiques ou textuels et
à construire et affiner progressivement le sens des unités lexicales, en distinguant leurs différentes acceptions
mais aussi en les intégrant dans des réseaux sémantiques.
Ce qui pose aussi la question de la sélection des mots à étudier dans un texte !

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2.2. Enjeux importants


relation directe entre la morphologie et la compréhension en lecture (p. 75)... un enseignement
focalisant l'attention des élèves de GS et CP sur la dimension morphologique de la langue parlée est
susceptible d'améliorer leur niveau de compréhension. Appliquée au CE1, cette sensibilisation
faciliterait aussi la maîtrise de l'orthographe. (Gombert J.E., Nathan 2002).
> connaissances morphologiques de l’enfant et apprentissage de la lecture
> lexique et compréhension
> lexique et orthographe

Légitimation de l’enseignement du lexique


L'apprentissage du lexique, on le sait, n'est pas un empilement de mots : c'est une mise en réseau, organisée
et structurée, de connaissances et de savoirs, dont les termes nous fournissent les accès
(FA 131).

A l’expérience, s’agissant du vocabulaire de la langue maternelle, tenons aussi pour fermement acquis
qu’un ensemble de mots appartenant à un champ lexical identique, ou à un même champ
morphologique, s’acquiert plus facilement qu’une unité isolée. (Pruvost 1999)

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2.3. La richesse lexicale des élèves

« Ils manquent de vocabulaire » !?

Richesse lexicale / « mot juste »


conditions de réemploi ?

Cf. Paveau 2000 : procédures mises en place pour atteindre la richesse lexicale
– valeurs qui définissent richesse / pauvreté varient selon les auteurs
– pédagogie économico-statistique : listes, QCM, mots hors contexte
– acculturation (par héritage) : restauration de « savoirs perdus »
– recherche du mot juste (rare), condamnation du mot « passe-partout » (fréquent = pauvre)

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Travail sur la fréquence (« pourquoi elle a un dé dans sa poche, Poulerousse ? »)

Le point de départ d'un enseignement systématique du vocabulaire me paraît résider dans l'étude des mots très
peu spécifiques, très peu connotés, à la fois hyperonymiques et très polysémiques, qui apparaissent en tête de
différentes fréquences. C'est là que se trouvent les primitifs sémantiques à partir desquels les hyponymes sont
construits et c'est dans la structure de leurs polysèmies qu'apparaissent les mécanismes conceptuels de base
propres à la langue française comme à toute autre langue maternelle (Picoche 1992).

La spécificité d'une langue repose en grande partie sur la structure de ses polysèmes, qui sont en même temps
des manières spécifiques de voir le monde (Picoche 1993).

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En conclusion

– légitimité et enjeux de l'enseignement / apprentissage du lexique à l'école


– présence affirmée dans les programmes
– deux approches complémentaires : connaissance du système lexical / approche intégrée

Lexique comme lieu d'irrégularité >> notion de réseau lexical

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