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Université Denis Diderot - Paris 7

Thèse de doctorat en médecine générale

Obstacles au repérage et à la prise en


charge des violences conjugales en
médecine générale

Présentée et soutenue publiquement le 10 octobre 2013


Mme Barroso-Debel Maria

Présidente de thèse : Pr Anne-Marie Magnier


Directeur de thèse : Dr Gilles Lazimi
Introduction : état des lieux
 Etudes :
 Saurel-Cubizolles (1997) : 3 à 6% des femmes enceintes et
4,1% lors des 12 mois suivant la naissance
 Eisenstat et Bancroft (1999) : ¼ des femmes consultant en
médecine générale
 ENVEFF (2000) : 1 femme sur 10 lors des 12 derniers mois
 CSF (2006) : 16 % des femmes au cours de leur vie
 Etude Psytel (2006) : 369 femmes décédées en France
 Etude ministère de l’intérieur (2013) : 1 décès tous les 2 jours

 Echelle mondiale : 30% des femmes


Définition des violences conjugales
 OMS : " Tous les actes de violence dirigés contre le sexe féminin,
et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des
souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la
menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de
liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée. »
 Asymétrie dans la relation
 Faits de l’homme dans 90 à 95% des cas
 Femmes enceintes particulièrement exposées
 Différents types : verbale et psychologique, physique, sexuelle,
économique
 Cycle de la violence selon Walker (1979)
Retentissement sur la santé des femmes
 OMS : 1 à 4 années de vie en bonne santé en moins
et coût de la prise en charge en ambulatoire x 2,5
 Traumatologie : lésions multiples, âges différents
 Impact psychologique : troubles sommeil, alimentation
 Pathologies psychiatriques : anxiété, dépression
(50%), SSPT (50%), 4 à 5 fois plus de traitements
psychiatriques, TS
 Gynéco-obstétriques : IST, IVG, MAP
 Pathologies chroniques aggravées ou déséquilibrées
 Décès
 Enfants témoins
Problématique (1)
 Études de repérage :
 Chambonnet (2000) : 2 femmes par an / MG
 Chamberlain (2000) : - d’1 victime / 20 repérée
 Morvant (2000) : 60% des MG ont dépisté des femmes victimes
; dans la suite, Cornilleau (2011) : 67,3%
 François (2004) : 1 femme par an / MG

 Etude de repérage systématique


 Lazimi en 2005 : 54% (100 femmes) et en 2007 :  6/10 (557
femmes)
 Gazaigne (2008) : 74% (100 femmes)
Problématique (2)
 MG = 1er interlocuteur dans 24% des cas
 Fossé entre les chiffres de prévalence et de
repérage = sous estimation par les MG
 Question : existe-t-il des obstacles au dépistage et à
la prise en charge des violences conjugales ? Quels
sont-ils ?
Matériels et méthode
 Étude qualitative
 28 entretiens individuels semi-dirigés auprès de MG
salariés ou libéraux (Paris et IDF)
 Maitres de stage, enquête téléphonique aléatoire,
médecins coordinateurs CMS/PMI
 Guide d’entretien : 12 questions ouvertes ou
fermées
 Recueil des données d’octobre 2012 à avril 2013
Caractéristiques de l’échantillon
 Femmes : 57,1% ; hommes : 42,9%
 Age moyen : 50 ans
 Activité : libérale ( 64,3%), PMI (17,8%), CMS
(14,3%), planning familial (3,6%)
 Secteur 1 (83%) / 2 (17%), en groupe (72%) / seul
(28%)
 Banlieue parisienne (87,7%), zone semi-rurale
(10,7%), Paris (3,6%)
Résultats (1)
 Estimation de la fréquence des VC en France : surestimation pour
42,8% des MG

Estimation Entre Entre Entre Entre Ne sait


10
en % 0 et 10 10 et 20 20 et 30 30 et 50 pas

Nombre de 6 2 3 5 4 8

médecins (21.4%) (7.1%) (10.7%) (17.8%) (14.3%) (28.6%)

 Nombre de femmes repérées/12 mois : 2,8/médecin (F: 3,4 et H:


1,9)
Activité Libérale PMI CMS Planning
Nb de médecin 18 5 4 1

Nb de
femme/12 39 ( 2,1/MG) 23 (4,6/MG) 10 (2,5/MG) 6 (6/MG)
mois
Résultats (2)
 Type de violence : violences mixtes physiques et
psychologiques (47,4%), violences sexuelles et
économiques rares (1,3% chacune)
 55,3% des femmes ont révélé les violences qu’elles
subissaient
 Situation difficile : oui pour 19 MG, non pour 6 MG,
réponse mitigée pour 3 MG
 Dépistage systématique : 12 MG contre, 1 MG pour, 15
MG pour mais… non applicable en pratique
Résultats (3)
 Éléments cliniques de repérage : syndrome anxiodépressif,
changements comportementaux, signes de violence physique,
problèmes chez les enfants, alcoolisation, consultations en
couple, troubles somatiques multiples et inexpliqués
 Prise en charge : certificat, médicaments, soutien/écoute, arrêt
de travail, évaluation de la souffrance morale et du risque vital,
parler au conjoint agresseur
 Orientation : psychologue, police/gendarmerie, association,
conseillère conjugale, assistante sociale, aide juridique, UMJ,
urgences, consultation de victimologie, mise à l’abri des
enfants, psychiatre
 Pas de prise en charge ni de réseau pour 21,4% des MG
Obstacles (1)
 Liés au thème des violences conjugales :
 Pas le rôle du MG : « Ce n’est pas notre métier. »
 Autre culture : « Ce n’est pas vraiment de la violence, c’est de
la tradition. »
 Vie privée : « C’est un peu intrusif. »
 Liés aux femmes victimes :
 Co-responsable : « elles le cachent bien », elles sont
« irritantes », « agressives », « hystériques », « profil de
femmes qui récidivent », justifie l’agresseur
 Peur des représailles du conjoint : « peur qu’il la retrouve »
 Ne viennent pas seules : mari ou enfants
 Barrière de la langue
Obstacles liés au médecin (2)
 Représentation négative des victimes : « femmes fragiles », « milieux
populaires », « là où il y a de l’alcool »
 Méconnaissance des problématiques : « elles reviennent en arrière »
 Problème de temps : « c’est chronophage »
 Peur de sa réaction : « peur que ce soit mal pris »
 Mise à jour de situations douloureuses, dérangeantes : « c’est dur
émotionnellement », « on préfère pas trop entendre »
 Réseau d’intervenants : « on est pas aidés »
 Sentiment d’impuissance et d’échec : « pas de solution »
 Statut de médecin de famille : « je connaissais trop son entourage »
 Pas de formation : « on est pas formés pour ça »
 Sexe du médecin : « le fait d’être un homme »
 Relation idéale médecin-malade : « lien de confiance »
 Crédibilité de la patiente : « qui a raison ? »
Discussion
 Limites de l’étude : biais de recrutement, d’intervention
et d’interprétation
 Surestimation de la fréquence mais sous-repérage (2,8
femmes/an/MG, violences sexuelles et économique
peu représentées)
 Signes évocateurs pauvres
 MG isolés et solitaires dans le suivi et la prise en
charge
 Réticences au dépistage systématique hors
acceptable et efficace (Lazimi, 2005 et 2007, Coy-
Gatchen 2005, Piau 2006 )
Conclusion
 Enjeu majeur de santé publique : conséquences
physiques et psychologiques, pronostic vital
 Conscience de l’importance des violences
conjugales mais repérage rarement mis en
pratique
 Ressenti : situations difficiles à gérer (sphère
privée, femmes difficiles à cerner, représentations
négatives des victimes)
 Formation médicale absente ou incomplète
 Réseaux absents ou inadaptés
Perspectives d’avenir
 FMI/FMC : mise en place ou amélioration des
formations sur les violences conjugales et sur leurs
conséquences sur la santé des femmes
 Développer les études et recherches sur les
conséquences des violences
 Mettre en place des réseaux et assurer leur
fonctionnement
 Faire connaître les partenaires essentiels pour la
reconstruction des victimes (associations d’aide,
centre d’information, aide juridique, police, prise en
charge psychologique…)
Merci de votre attention.

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