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CHAPITRE 6

Item 55 – UE 3 – Maltraitance et
enfants en danger / Protection
maternelle et infantile

I. Éléments de compréhension
II. Repérage d'une situation de maltraitance
III. Diagnostics différentiels
IV. Argumentation de la démarche médicale et administrative
V. Quelques entités cliniques et paracliniques

Objectifs pédagogiques

Connaître les différentes maltraitances chez l'enfant.

Repérer un risque ou une situation de maltraitance chez le nourrisson, l'enfant et l'adolescent.

Argumenter la démarche médicale.

Connaître les modalités administratives et judiciaires nécessaires à la protection de la mère et de l'enfant.

I Éléments de compréhension
A Définitions
La maltraitance à enfant est une situation fréquente et dont la prudence est de mise de par la difficulté à la repérer et à la
diagnostiquer. Elle nécessite une prise en charge pluridisciplinaire urgente. Son dépistage requiert une vigilance permanente en
tant que professionnel de santé.
Elle se définit comme « toute violence physique, tout abus sexuel, tous sévices psychologiques sévères, toute négligence
lourde ayant des conséquences préjudiciables sur l'état de santé de l'enfant et sur son développement physique et
psychologique » (Observatoire national de l'enfance en danger [ONED]).
La violence physique se caractérise comme toute blessure infligée à un enfant par un mécanisme de traumatisme pour
quelque raison que ce soit, à savoir une lésion tissulaire (ecchymose, fracture, piqûre, brûlure, perte de fonction d'un membre
ou d'un organe, etc.). Elle associe donc toutes les formes de traumatismes subis et souvent associés : cutanés, osseux,
neurologiques, ophtalmologiques.
Les sévices psychologiques sont définis comme toute agression psychologique sévère prolongée ou répétée, une
manifestation de cruauté mentale ou de rejet affectif, une punition et/ou une exigence éducative inadaptées à l'âge de l'enfant
ou à ses possibilités, le sadisme verbal, l'humiliation, l'exploitation.
L'abus sexuel est décrit comme toute participation d'un enfant à des activités sexuelles, inappropriées à son âge et à son
développement psychosexuel, qu'il subit sous la contrainte ou par la violence ou encore la séduction, ou qui transgressent les
tabous sociaux.
Quant à la notion de négligence lourde, il s'agit de toute carence sévère prolongée ou répétée, de nature physique
(alimentation, hygiène, soins médicaux, prévention), affective (sécurité), ou sociale (éducation, socialisation, instruction).
Le syndrome de Münchhausen par procuration est un type particulier de maltraitance, au cours duquel les parents,
habituellement la mère, allèguent des symptômes chez l'enfant, conduisant à de multiples examens ou interventions (le
professionnel de santé étant utilisé comme « promoteur de sévices »).
L'expression « enfants en risque » regroupe des enfants qui ne sont pas à proprement dit maltraités, mais dont les conditions
d'existence risquent de mettre en danger leur santé, leur sécurité, leur moralité, leur éducation ou la qualité des réponses aux
besoins psychologiques quotidiens.
Suite à la loi du 5 mars 2007, « La protection de l'enfance a pour but de prévenir les difficultés auxquelles les parents
peuvent être confrontés dans l'exercice de leurs responsabilités éducatives et d'accompagner les familles. L'intérêt de l'enfant,
la prise en charge de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs, ainsi que le respect de ses droits
doivent guider toutes décisions le concernant. »

B Épidémiologie
L'ONED a été créé par la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance. Il a pour objectif de
« mieux connaître le champ de l'enfance en danger pour mieux prévenir et mieux traiter » et fournit de nombreux éléments sur
l'évaluation du nombre d'enfants en danger, qu'il s'agisse d'enfants en risque ou maltraités.
Ainsi, sur le territoire français en 2008, il était dénombré près de 100 000 enfants en danger, 20 000 enfants maltraités, dont
44 % étaient âgés de moins de 6 ans, et 80 000 enfants en risque de danger. Parmi ces cas, un tiers concernait des violences
physiques, un tiers des sévices psychologiques et un tiers des abus sexuels. Près de 59 % de ces cas ont été judiciarisés, c'est-à-
dire qu'ils ont fait l'objet d'une procédure judiciaire.
Environ 75 % des enfants hospitalisés pour mauvais traitements sont âgés de moins de 3 ans et près de 50 % sont âgés de
moins de 1 an.
L'augmentation croissante observée du nombre de cas recensés est le reflet d'une double interprétation :

• le nombre d'enfants en danger augmente ;


• le repérage de ces situations par les professionnels de santé s'améliore et s'accroît.

Un dernier chiffre-clé à retenir, probablement sous-estimé, et qui fait de la maltraitance une des pathologies graves de
l'enfant les plus fréquentes à intégrer dans les problèmes de santé publique : en France, deux enfants meurent chaque jour des
suites de mauvais traitements.

II Repérage d'une situation de maltraitance


A Circonstances
Un certain nombre de circonstances diagnostiques retrouvées en pratique doivent nécessiter prudence et vigilance avec la
notion de maltraitance en arrière-pensée :

• des consultations répétées pour des motifs banals (chutes, traumatismes, etc.) ;
• des symptômes divers (céphalées, douleurs abdominales, nausées/vomissements, etc.) ;
• certaines complications, aiguës ou chroniques (convulsions, malaises avec pâleur, dénutrition, etc.) ;
• certains troubles psychocomportementaux (troubles du sommeil, troubles anxio-dépressifs, difficultés à l'école, etc.).

La maltraitance étant un diagnostic difficile, la simple existence de l'une des précédentes circonstances décrites ne suffit pas
à évoquer d'emblée une situation inquiétante. En revanche, la conjonction de ces éléments avec des données cliniques et
paracliniques pourra la faire évoquer.

B Anamnèse
L'interrogatoire des parents est primordial dans ces situations. Le recueil anamnestique doit être fait de manière objective (non
interprétative), rigoureuse et progressive. Les faits rapportés doivent être consignés dans le dossier médical sans y apporter une
quelconque notion d'interprétation.
À l'anamnèse, il s'agit de rechercher :

• l'analyse du motif de consultation et des circonstances dans lesquelles se sont produites la ou les lésions
(discordance entre le motif décrit et les lésions constatées, histoire du traumatisme incohérente, événement suspect ;
• la chronologie : le retard à la consultation par rapport à la date supposée de l'événement traumatique doit interroger,
qui plus est lorsqu'il est mis en évidence des lésions diverses et d'âges différents ;
• le refus d'hospitalisation de l'enfant et/ou des examens complémentaires ;
• le nomadisme médical (consultation de plusieurs médecins) ;
• l'attitude parentale inadaptée (pas de contact avec l'enfant, indifférence quant à la gravité des lésions, responsabilité
reportée sur un tiers).

L'étude du carnet de santé de l'enfant est également primordiale. Elle a pour but de mettre en relief :

• des antécédents personnels et/ou familiaux (pathologies de l'hémostase, consultations médicales fréquentes,
notamment dans des services d'urgence) ;
• le calendrier vaccinal (respecté ou non) ;
• le développement staturo-pondéral et psychomoteur (retards) ;
• le mode de garde et l'entourage de l'enfant concerné (identité de la personne qui accompagne, événements
intrafamiliaux récents, etc.).

Enfin, un certain nombre de facteurs de risque sont classiquement décrits et leur existence doit inciter le praticien à une
vigilance accrue dans ces situations (tableau 6.1).
Tableau 6.1

Facteurs de risques de maltraitance

Risques familiaux Grossesse précoce et/ou non déclarée


Addictions (drogues, alcool)
Pathologie psychiatrique familiale
Maltraitances subies dans l'enfance
Contexte socio-économique (chômage, pauvreté)
Structure familiale (jeune âge parental, monoparentalité, famille nombreuse)
Risques liés à l'enfant et à son Prématurité et séparations néonatales
histoire Handicap physique et maladies chroniques
Maladies psychiatriques et troubles du comportement (troubles du sommeil, pleurs
incessants)
Risques liés à la fratrie Antécédents médicaux (hospitalisations fréquentes et répétées, mort inattendue du
nourrisson)
Antécédents administratifs (placements, décisions judiciaires)

Il faut souligner que la maltraitance est présente dans tous les milieux sociaux et, de surcroît, son diagnostic en l'absence de
difficultés économiques est complexe et largement sous-estimé. L'entourage est responsable dans près de 80 % des cas.

C Examen clinique
Cet examen physique de l'enfant doit être réalisé précautionneusement, chez un enfant mis en confiance, entièrement
déshabillé et en présence d'un témoin (personne connue et rassurante de préférence). Il a pour but de dresser un bilan lésionnel
complet. La prise de photographies est très importante dans ce contexte (l'accord parental n'est pas nécessaire).
Les étapes de l'examen clinique peuvent être décrites de la manière suivante :

• observation : comportement général de l'enfant, réactions, état général ;


• évaluation : développement staturo-pondéral (cassure de la courbe), développement psychomoteur, mobilité des
membres et des articulations ;
• palpation : fontanelles (signes d'hypertension intracrânienne), périmètre crânien ;
• inspection : téguments, organes génitaux externes et région anale (signes d'abus), zones d'alopécie.

Un certain nombre de lésions sont évocatrices de maltraitance.

1 Lésions tégumentaires

• Ecchymoses, hématomes : chez le petit enfant, les ecchymoses sont fréquentes, notamment lorsqu'il commence à se
déplacer. Elles sont principalement situées sur des zones exposées telles que les genoux, les faces antérieures des
jambes ou encore le front. Elles restent exceptionnelles avant 8 mois et une localisation non plausible de lésions
(figure 6.1) doit attirer l'attention, qui plus est si elles tendent à reproduire l'empreinte d'un objet (boucle de
ceinture, par exemple) ou de doigts (lésions dites « en forme » ; figures 6.2 et 6.3).
FIGURE 6.1 Localisations des lésions traumatologiques chez l'enfant
En bleu, localisations habituelles traumatologiques de l'enfant ; en rouge, localisations suspectes de violences
infligées.
FIGURE 6.2 Ecchymose en forme (gifle)

FIGURE 6.3 Ecchymose en forme (coup de ceinture)

• Brûlures : en cas de brûlures à bords nets (parfaitement rondes par exemple, pouvant évoquer une brûlure de
cigarette) ou de lésions localisées sur des zones normalement non exposées et protégées par des vêtements (fesses,
etc.), un traumatisme infligé doit être évoqué (figures 6.4).
FIGURE 6.4 Brûlure de cigarette

• Morsures : les morsures d'enfant sont en général présentes sur des zones exposées et accessibles. De plus, la distance
inter-incisives est généralement inférieure à 3 centimètres. Une morsure de dimension supérieure doit faire évoquer
une situation suspecte (figure 6.5).
FIGURE 6.5 Morsure

2 Fractures
Une fracture chez le petit enfant qui ne se déplace pas est très suspecte. En majorité, les fractures d'origine accidentelle
surviennent après l'âge de 5 ans. Au même titre que les lésions tégumentaires, le type et la localisation de fractures peuvent
faire évoquer une maltraitance. Citons notamment :

• les fractures et arrachements métaphysaires (figure 6.6) ;


FIGURE 6.6 Arrachement métaphysaire

• les fractures d'os longs et/ou profonds (fémur, vertèbres ; figure 6.7) ;
FIGURE 6.7 Fracture spiroïde

• les fractures du crâne ;


• les fractures de côtes ;
• les décollements épiphysaires (humérus, fémur).

Le syndrome de Silverman est une entité qui sera traitée de façon plus détaillée par la suite dans cet item. Il correspond à la
description initiale des lésions osseuses radiologiques multiples d'âges différents.

3 Lésions neurologiques et/ou ophtalmologiques


Un grand nombre de lésions neurologiques traumatiques peuvent être rencontrées dans le contexte de maltraitance et peuvent
entraîner d'importantes séquelles. De même, des lésions ophtalmologiques diverses peuvent être identifiées ; elles sont la
conséquence de traumatismes directs induisant des plaies et/ou des contusions palpébrales et cornéennes ou indirects,
secondaires à des secousses, induisant des hémorragies rétiniennes.
Une entité bien connue est le syndrome du bébé secoué qui est un traumatisme crânien infligé avec saignements
intracrâniens, majoritairement des hématomes sous-duraux et des hémorragies rétiniennes.

D Examens paracliniques
En cas de forte suspicion ou de situation avérée de maltraitance, il convient de réaliser :

• de manière systématique :
– un bilan d'hémostase (NFS-Plaquettes-facteur XIII-TP/TCA-fibrinogène),
– des radiographies du squelette entier et une scintigraphie osseuse (en cas d'absence d'images franches
sur les radiographies standard),
– un avis ophtalmologique : fond d'œil bilatéral à la recherche de décollement rétinien, d'hémorragies
rétiniennes, d'un œdème papillaire ;
• de manière orientée :
– si anomalie neurologique : TDM cérébrale sans injection (recherche d'un hématome sous-dural sous
forme de lentille biconcave, d'un hématome parenchymateux, d'hémorragie intracérébrale ou de signes
d'hypertension intracrânienne),
– si traumatisme abdominal : échographie abdominale, bandelette urinaire,
– si suspicion de rachitisme carentiel : bilan phosphocalcique,
– si notion d'intoxication : ionogramme, toxiques sanguins et urinaires, transaminases,
– si sévices sexuels : prélèvements locaux (recherche de liquide séminal, Gonocoque/Chlamydia) et
sanguins (sérologies IST +/– β-hCG).

III Diagnostics différentiels


Il convient de garder à l'esprit un certain nombre de diagnostics différentiels à évoquer selon le type de lésions constatées :

• ecchymoses, hématomes, abrasions : tâches mongoloïdes (tâches bleutées « ardoisées » physiologiques chez les
enfants à peau foncée), Cao Gio (frottement par métal chaud à but antipyrétique chez certaines populations
asiatiques), jeux scolaires, rituels d'endormissement, troubles de l'hémostase, maladie cœliaque (carence en
vitamine K) ;
• brûlures : lésions vésiculo-bulleuses d'origine infectieuse ou allergique ;
• fractures : ostéogénèse imparfaite (« maladie des os de verre »), ostéomyélite, cancer, rachitisme, scorbut.

IV Argumentation de la démarche médicale et administrative


Au terme des examens cliniques et éventuellement paracliniques, le médecin a la possibilité d'une prise en charge ambulatoire
et en hospitalisation selon l'appréciation du niveau de risque et de la sévérité du tableau clinique.
Le choix de l'hospitalisation ne doit pas être uniquement guidé par une nécessité médicale absolue mais aussi par
l'importance de réaliser un bilan psycho-social dans le cadre d'une évaluation plus globale de l'enfant et enfin d'extraire l'enfant
du milieu potentiellement violent. Cette hospitalisation permet en outre de réaliser les différentes mesures médico-
administratives ou médico-judiciaires.
En cas de maltraitance avérée ou de complications graves évocatrices de maltraitance, l'hospitalisation doit être la règle,
consentie par la famille si possible. S'il existe un danger immédiat, avéré ou potentiel et que les parents refusent
l'hospitalisation, le praticien doit avertir sans délai le procureur de la République en formulant une demande d'ordonnance de
placement provisoire afin de permettre cette hospitalisation.

A Prise en charge médicale


Dans tous les cas, la prise en charge de la douleur s'impose. Des prises en charge spécifiques, en milieu chirurgical ou
neurologique, par exemple, peuvent être nécessaires.
Les lésions cutanéomuqueuses et les brûlures doivent faire l'objet de mesures adéquates (antisepsie, sutures, injection de
sérum antitétanique et vaccination antitétanique en cas de vaccination non à jour).
Dans les cas de suspicions de violences sexuelles, la prise en charge doit être coordonnée entre le pédiatre et le médecin
légiste (unités médico-judiciaires). En effet, il convient de ne pas multiplier les examens cliniques (en particulier
gynécologiques) réalisés par différents intervenants. Une prise en charge conjointe, pédiatrique et médico-légale, doit être la
règle. Elle permet de réaliser le bilan lésionnel nécessitant éventuellement des soins et d'effectuer, si besoin, des prélèvements
de biologie moléculaire ou à la recherche d'infections sexuellement transmissibles. Au terme de l'examen clinique est discutée
l'indication d'une prophylaxie antivirale (VIH, VHB) et antibactérienne (Chlamydia trachomatis, Neisseria gonorrhoeae). Par
ailleurs, une contraception orale d'urgence peut être nécessaire.
Un soutien psychologique doit être apporté à l'enfant et à son entourage.

B Prise en charge médico-administrative et médico-judiciaire (figure 6.8)


Un certificat médical initial, descriptif, rédigé par un médecin, doit être systématiquement réalisé (voir le chapitre 3
« Certificats médicaux / décès et législation / prélèvements d'organes et législation »).
FIGURE 6.8 Prise en charge médico-administrative et médico-judiciaire Source : Maltraitance
chez l'enfant : repérage et conduite à tenir - Octobre 2014, HAS. Nous remercions la Haute Autorité de santé
de nous avoir autorisés à reproduire cet outil. Il est également consultable sur le site www.has-sante.fr
rubrique « Évaluation & recommandation ».

Deux situations sont à distinguer, celle du danger potentiel et celle du danger avéré. Sont également à prendre en compte
dans la décision de la nature de la prise en charge la nature des faits et la coopération de la famille.

1 Information préoccupante
Il s'agit de l'ancien « signalement administratif » abrogé par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance.
L'information préoccupante est définie comme « Tout élément d'information, y compris médical, susceptible de laisser
craindre qu'un enfant se trouve en situation de danger ou de risque de danger, puisse avoir besoin d'une aide et qui doit faire
l'objet d'une transmission à la cellule départementale pour évaluation et suite à donner ».
La notion de danger n'a pas de définition légale, elle est donc à l'appréciation de l'équipe pluridisciplinaire prenant en charge
l'enfant. Cependant, l'article R.4127-43 du Code de la santé publique dispose que « Le médecin doit être le défenseur de
l'enfant lorsqu'il estime que l'intérêt de sa santé est mal compris ou mal préservé par son entourage. » Le terme de santé doit
être pris dans sa définition globale de l'OMS intégrant les dimensions bio-psycho-sociales.
L'information préoccupante (IP) est transmise à la Cellule de recueil et d'évaluation des informations préoccupantes (CRIP)
dépendant du Conseil départemental et fait l'objet d'une évaluation de la situation du mineur afin de déterminer les actions de
protections et d'aide pouvant être mises en œuvre. Il s'agit d'une instance pluridisciplinaire centralisant l'ensemble des IP et les
renvoyant vers les Centres d'action sociale compétents dont dépend la Protection maternelle et infantile (PMI).
Les centres de PMI sont constitués par des équipes pluridisciplinaires (médecins, sages-femmes, puéricultrices, auxiliaires
de puériculture) assurant le suivi des enfants, des mesures de prévention et de protection de l'enfant.
Des mesures d'aide éducative (prestations à domicile) peuvent être proposées et nécessitent la coopération de la famille :
accompagnement en économie sociale et familiale, action d'un technicien de l'intervention sociale et familiale, intervention
d'un service d'action éducative, etc.
2 Signalement judiciaire
Dérogation au secret médical (voir le sous-chapitre « Partage des données de santé : le secret professionnel »), il s'agit d'un
écrit objectif portant à la connaissance du procureur de la République la situation d'un mineur présumé en danger. Bien que le
signalement ne soit pas une obligation légale, l'infraction par omission que constitue la non-assistance à personne en péril peut
être reprochée au médecin (article 223-6 du Code pénal).
La loi du 5 novembre 2015, tendant à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les
professionnels de santé, modifie l'article 226-14 du Code pénal qui dispose que « Le signalement aux autorités compétentes
effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son
auteur, sauf s'il est établi qu'il n'a pas agi de bonne foi. » La jurisprudence précisera ce qu'est la « bonne foi »…
En pratique, le médecin doit signaler au procureur (24 heures sur 24), par téléphone suivi d'un courrier en cas d'urgence ou
par courrier seul, tout élément dont il a été témoin ou dépositaire susceptible de constituer un danger pour le mineur. Il existe
un modèle-type téléchargeable sur le site de l'Ordre national des médecins. Un double peut être transmis par le médecin à la
CRIP, cette dernière étant toujours informée par le procureur de la République.
Le procureur de la République peut renvoyer au président du Conseil départemental ou saisir le juge des enfants. Ce dernier
peut décider des mesures suivantes :

• assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) visant à apporter conseil et aide à la famille ;
• obligations particulières : le maintien de l'enfant dans la famille est conditionné par la soumission à des obligations
telles que la fréquentation d'établissements éducatifs, etc.
• le placement : l'enfant est confié à un tiers, à un autre membre de la famille, à un service ou à un foyer suite à une
ordonnance de placement provisoire (OPP). En cas d'urgence, le Parquet peut lui-même ordonner une OPP avant de
saisir le juge des enfants. L'OPP doit être motivée et notifiée aux titulaires de l'autorité parentale qui n'ont aucun
recours possible. Le placement est valable huit jours.

V Quelques entités cliniques et paracliniques


A Syndrome du bébé secoué
Le syndrome du bébé secoué (SBS) est un sous-ensemble de traumatismes crâniens infligés ou traumatismes crâniens non-
accidentels provoqués par des secouements avec ou sans impact, survenant la plupart du temps chez un enfant de moins de
1 an.
Les conséquences des secousses chez le nourrisson s'expliquent par un rapport poids tête/poids corps élevé, une hypotonie
axiale, un cerveau immature (faible myélinisation) et de larges espaces sous-arachnoïdiens.
Ainsi, les secouements provoquent la rupture de veines ponts (hémorragie sous durale et sous arachnoïdienne), des
hémorragies cérébrales bi-polaires (fronto-occipitales) et des lésions de cisaillements (accélération-décélération) à l'origine de
lésions axonales diffuses.
Les signes évocateurs sont :

• un bombement de la fontanelle antérieure ;


• des troubles de la vigilance, des convulsions, une hypotonie axiale ;
• un malaise grave, la pâleur, des vomissements, des pauses respiratoires ;
• un changement de couloir de la courbe du périmètre céphalique ;
• des lésions contuses (ecchymoses, hématomes) intéressant en particulier les zones de préhension.

Le diagnostic de TC infligé par secouement est hautement probable en cas :

• d'hémorragies intracrâniennes extra-axiales plurifocales : hématome sous-dural, hémorragie sous-arachnoïdienne


(figure 6.9) ;
FIGURE 6.9 Hématome sous dural fronto-temporal

• d'hémorragies rétiniennes profuses ou éclaboussant la rétine périphérique (figures 6.10 et 6.11)

FIGURE 6.10 Hémorragie rétinienne


FIGURE 6.11 Hémorragie rétinienne

• d'histoire absente, fluctuante ou incompatible avec les lésions cliniques ou l'âge de l'enfant.

Il peut également être mis en évidence des lésions cérébrales hypoxiques, œdémateuses et cervicales (hématome intra-
canalaire, lésions médullaires, lésions occipito-vertébrales ou cervico-thoraciques).
Le bilan paraclinique comporte :

• imagerie :
– TDM cérébral + IRM cérébrale et cervicale,
– radiographies du squelette entier, scintigraphie osseuse : recherche de fracture récente ou de cal
osseux ;
• fond d'œil : hémorragies rétiniennes, œdème papillaire (HTIC).

B Syndrome de Münchhausen par procuration


Il s'agit d'un syndrome rare décrit en 1977 dans lequel un parent (le plus souvent) ou un proche :

• invente une maladie ;


• provoque une maladie : injections de toxiques, malnutrition, etc. ;
• invente et provoque une maladie ;
• simule une maladie.

L'enfant est présenté pour le diagnostic ou les soins d'une affection récurrente ou persistante aboutissant à des actes
médicaux à visée diagnostique ou thérapeutique.
Les symptômes disparaissent lorsqu'on procède à la séparation de l'enfant et du parent ou du proche responsable qui dénie la
cause des symptômes.

C Syndrome de Silverman
L'existence de fractures chez un enfant non-déambulant, en dehors d'un contexte accidentel, doit faire évoquer l'hypothèse
d'une maltraitance. Le bilan radiographique doit être systématiquement complet.
Le syndrome de Silverman est un syndrome radiologique associant des lésions osseuses multiples d'âges différents :

• fractures diaphysaires récentes ou anciennes (cal osseux ; figure 6.7) ;


• arrachements métaphysaires (figure 6.6) ;
• décollements sous-périostés.

En cas de doute sur une radiographie initiale, il convient de répéter l'examen quinze à vingt-et-un jours après ou de réaliser
une scintigraphie osseuse.

Points clés
• Il faut penser à la maltraitance lors d'anamnèse incohérente, de prise en charge ou d'attitude inappropriée, de
consultations répétées pour traumatisme, de troubles du comportement chez l'enfant.
• Certaines localisations des ecchymoses, certaines fractures (côtes), des fractures de membres chez un enfant qui ne
marche pas doivent faire suspecter une maltraitance.
• L'examen clinique et paraclinique doit être complet et systématique.
• L'association de saignements intracérébraux et d'hémorragies rétiniennes doit faire évoquer le diagnostic de bébé
secoué.
• Devant toute suspicion de maltraitance, il faut absolument protéger l'enfant. La protection peut passer par le
signalement judicaire ou administratif (information de la Cellule des informations préoccupantes).

Haute autorité de santé. Repérage et signalement de l'inceste par les médecins : reconnaître les
maltraitances sexuelles intrafamiliales chez le mineur (2011), www.has-
sante.fr/portail/jcms/c_1067136/fr/reperage-et-signalement-de-l-inceste-par-les-medecins-reconnaitre-
les-maltraitances-sexuelles-intrafamiliales-chez-le-mineur
Haute autorité de santé. Syndrome du bébé secoué. Recommandations de la commission d'audition (2011,
mise à jour 2017), www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2794425/fr/syndrome-du-bebe-secoue-ou-
traumatisme-cranien-non-accidentel-par-secouement
Haute autorité de santé. Maltraitance chez l'enfant. Repérage et conduite à tenir (2014, mise à jour 2017),
www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1760393/fr/maltraitance-chez-l-enfant-reperage-et-conduite-a-tenir

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