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pour une renaissance philosophique

Société
La bioéthique et le
“Prométhée déchaîné”
Sciences
La vie sur Mars ?
Symbolisme
Le Sanskrit,
la langue des dieux
Psycho
C.G. Jung et le yoga
DOSSIER
Civilisations
Aspects du sacrifice en Inde L’ Inde
Revue de Nouvelle Acropole N° 185 — 3 €
spirituelle
1
Numéro de novembre - décembre 2004
La philosophie
un art de vivre

Philosopher c’est s’interroger, car la


L’association philosophique Nouvelle Acropole vous propose : vie est une énigme, et les apparences
Cours de philosophie nous cachent souvent l’essentiel.
d’Orient et d’Occident C’est aussi apprendre à se connaître
pour progresser et s’améliorer.
Programme du cycle de cours Philosopher c’est vivre mieux en
Dialoguez avec les philosophes de tous les temps sur les questions tirant parti de nos potentialités et en
d’aujourd’hui. Dans ce cycle de 16 séances, vous découvrirez la richesse vivant pleinement chaque instant.
des philosophies comparées de l’Orient et de l’Occident, présentées
d’une manière accessible et vivante.
C’est aussi partager avec les autres,
car vivre en philosophe c’est offrir le
Qu’est-ce que la philosophie? meilleur de nous-mêmes à tous ceux
Qu’est-ce que l’homme ? qui nous entourent.
L’éveil de l’âme dans la philosophie grecque.
Qu’est-ce que l’homme ?
Les plans de conscience de l’être humain dans la philosophie orientale.
La philosophie
La réponse à ses aspirations profondes. Le banquet
La voie du bonheur. philosophique s’adresse
une initiation au
Avons-nous un destin ?
dialogue socratique principalement
La voie du combat intérieur et de l’action juste dans la philosophie de l’Inde.
autour d’un thème
La souffrance a-t-elle un sens ? philosophique choisi à ceux qui jugent
La voie du détachement du bouddhisme et des philosophes stoïciens. par les participants.
Trois ateliers plus important
Comment vivre les différences dans la société ?
Le sens de la justice. pratiques
(en week-end) d’avoir des raisons
Les altérations de l’âme et les maladies de notre temps. Exercices pratiques
autour de la de vivre que
L’éducation se limite-t-elle à la transmission d’un savoir-faire ?
connaissance de soi
L’histoire a-t-elle un sens et une finalité ? sur le plan du corps, des moyens
Le devenir de l’humanité en question. des énergies, du plan
émotionnel et du plan pour vivre mieux.
L’histoire se nourrit-elle de mythes?
mental.
Les liens entre mythe et histoire.
>> Voir au dos
L’histoire se répète-t-elle toujours?
de cette revue
L’éternel retour et le besoin de progrès. les adresses
L’histoire nous permet-elle d’entrevoir le futur ? des centres
Nouvelle Acropole
La loi des cycles dans l’histoire.
où se déroulent
Les voies de la connaissance dans les écoles de philosophie. les cours.
Nouvelle Acropole Revue n°185 - ISSN
0396-7387 - Dépôt légal novembre 2004
Édité par la Fédération Française des
pour une renaissance philosophique Nouvelle Acropole, association française

N° 185 — nov/décembre 2004 — 3 €


régie par le décret loi du 1er juillet 1901
Siège social Administration : La Cour
Pétral, D941, 28340 Boissy-lès-Perche
Rédaction 13, rue Péclet 75015
Paris - 01 45 30 01 30 Internet :
http://www.nouvelleacropole.org
Directeur de Publication : Fernand
SCHWARZ - Rédacteur en chef : Isabelle
OHMANN - Maquette : Sylvie COTS ET

NOTRE COUVERTURE : Caroline LAFITTE - Crédit photo : Nouvelle

L’INDE SPIRITUELLE Acropole - Impression : Gabel Prix de vente : 3 €


- Reproduction interdite sans autorisation.

Sommaire
Prochain numéro
N° 186 : Les arts martiaux
Parution janvier 2005
5 — Editorial
Par Fernand SCHWARZ • .............
6 — Société • La bioéthique et le «Prométhée déchaîné»
Par Hélène DROIT

8 — Découvertes • L’autre Machu Picchu


Par Isabelle PELLOUX

9 — Sciences • La vie sur Mars ?


Par Jean-Michel CHATELIER

10 — Civilisations • Aspects du sacrifice en Inde


D O S S I E R

Par Nicolas BUREAU


15

12 — Symbolisme • Le sanskrit, la langue des dieux 23


Par Hélène MARINETTI

15 — Art et symbolisme • Shiva dansant


Par Isabelle OHMANN

16 — Psychologie • C.G. Jung et le yoga


Par Laura WINCKLER

18 — Philosophies • Sagesse de Lanza del Vasto 16


Par Claude-Henri ROCQUET

20 — Rencontre avec • Asiatica, musée d’art


oriental de Biarritz
Par Olivier LARRÈGLE
10
22 — Sagesses • Les maîtres de Sagesse
et leurs enseignements 22
Par Isabelle OHMANN

23 — Philosophie à vivre • La loi du karma


ou les leçons de la vie
Par Délia STEINBERG GUZMAN

24 — Question philo • Les philosophies anciennes


sont-elles actuelles ? 12
Par Marie-Agnès LAMBERT

25— La page Calliope • Claude Nougaro, le magicien du verbe


Par Cathy PEYTHIEU

26— Regard sur • Les Maîtres à penser 26


Par Fernand SCHWARZ

27— A lire • Sagesses de l’Inde 6


Par Anne NOTARAS

30— Agenda • Le Maniérisme


Par Jean-Marc BACHÉ
COMMANDEZ
les numéros
disponibles !
N°169 Ying/Yang :
les deux faces
de l’imaginaire chinois
N°170 Paix :
A quand la Paix ?
Acropolis est une revue N°171 H.P.Blavatsky
Une réhabilitation
philosophique indépendante. nécessaire
Elle développe une réflexion N°172 La sagesse
des Améridiens
contemporaine sur la vie N°173 Eleusis et les
et sur l’individu, ancrée mystères de l’âme
dans les philosophies et N°174 La symbolique du
Mont-Saint-Michel
les sagesses traditionnelles. N°175 La philosophie
Elle se veut libre de toute ésotérique de l’islam
N°176 La quête de l’universel :
publicité. S’abonner ou Alexandrie
abonner un ami lui N°177 Le temps des cathédrales
permet de continuer N°178 Le périple du héros
à exister. N°179 Splendeurs
de l’Asie centrale
Acropolis est aussi sur internet :
www.nouvelleacropole.org N°180 Itinéraires de l’au-delà
Vous pourrez y consulter les articles de votre choix.
Sur revueacropolis.ifrance.com consultez la revue acropolis au format “pdf”. N°181 Sagesse égyptienne
N°182 Les civilisations disparues
Prochain numéro N° 186 N°183 Les visages du Sacré
Les Arts Martiaux N°184 Masculin / Féminin
Sagesses : Symbolique des Arts Martiaux
Civilisations : Le guerrier intérieur
Philosophie : Confucius et le combat intérieur
Et parmi nos rubriques :
Question philo : L’art de vivre en paix
Philo à vivre : David de Michel Ange

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éditorial
La peur de la vie
Notre monde devient de plus en plus dangereux et de plus en plus violent ainsi
que le démontre le nombre croissant de foyers de conflits. On avait pensé que,
après la chute du mur de Berlin, le monde deviendrait plus pacifique. Il n’en est
rien. Chaque jour nous offre une réalité plus instable et plus dangereuse car plus
rien n’est prévisible. Ainsi, notre nouveau défi semble être celui d’apprendre à
vivre dangereusement. C’est un conseil que tous les philosophes ont donné dans
le passé, mais l’Occident a cru pouvoir s’en passer et éviter cet effort.
C’est pourquoi rien n’est fait pour aguerrir les nouvelles générations face aux
incertitudes de la réalité. Car il n’est pas seulement question de trouver un
emploi, mais d’éviter d’être victime de la violence aveugle et des dangers tou-
jours plus réels dans une société de plus en plus fragile.

Le mal de vivre des jeunes

Le danger le plus grave à signaler est que s’installe la peur de vivre. Cette peur peut sembler incon-
grue dans une société comme la nôtre qui offre tellement d’abondance. En étudiant les statis-
tiques publiées par le Ministère de la Famille et de l’Enfance, on constate que la deuxième cause
de mortalité chez les jeunes de quinze à vingt-quatre ans est le suicide, la première étant les acci-
dents de la route. C’est un constat qui se confirme depuis de nombreuses années.
Il existe aussi les équivalents suicidaires qui guettent la jeunesse, tels que les alcoolisations aiguës
répétées, la consommation de drogue, la sexualité à haut risque (partenaires multiples, absence
délibérée de protection) ou les troubles sévères du comportement alimentaire. À ceci s’ajoute le fait
que 5% d’adolescents souffrent de dépression dont la moitié s’installe dans la chronicité. Mis bout
à bout, le pourcentage des jeunes touchés par le phénomène de la peur de la vie atteint 10 à 20%.
Il est clair, comme le disent les experts, qu’il faut favoriser toutes les démarches volontaires des
jeunes vers une meilleure connaissance d’eux-mêmes. Ceci est bien entendu la proposition de la
philosophie depuis Socrate. On peut vaincre la peur de la vie à travers le «connais-toi toi-même».
En effet, plus on se relie à son identité et au sentiment d’être, mieux on peut répondre à la ques-
tion «à quoi sert la vie ?».
La philosophie fait perdre la peur de la vie et nous encourage vers l’aventure et la responsabilité,
mais aussi vers la prise de risque. Aussi, on peut déplorer que notre système éducatif, au lieu de
préparer les jeunes à la vie réelle, semble, bien au contraire, les en éloigner. Sous couvert de vou-
loir préparer les jeunes à la vie active, on les coupe de la vie tout court. Emplois du temps sur-
chargés, absence de confrontation à la réalité, excès de compétition, promotion de la
reconnaissance sociale et pas des valeurs d’être, pas d’incitation à l’introspection, bref, aucune
formation intérieure pour tenir le choc de l’adversité et s’aguerrir pour le quotidien.
Ne laissons pas tomber les jeunes dans le piège de se sentir inutiles ou dépassés par la vie et
aidons-les à devenir amoureux de la vie. N’avons-nous pas le souvenir, chacun, d’un professeur
passionné de ce qu’il enseignait et qui est parvenu à nous faire aimer une matière qui nous était (1) Nouvel Obs,
rébarbative et à dépasser nos craintes de ne pas y parvenir ? Les Orientaux avaient bien compris 17 au 23 juin 2004

ce mystérieux pouvoir de l’amour qui permet de dépasser la peur. À notre tour d’apprendre aux
jeunes à aimer la vie pour vaincre la peur de la vie
Fernand SCHWARZ
Président de la Fédération française des Nouvelle Acropole 5
 Société

La bioéthique
et le «Prométhée
déchaîné» Par Hélène Droit

AUJOURD’HUI, LA BIOÉTHIQUE SUSCITE DE NOMBREUX DÉBATS


L e biologiste américain Van
Rensselaer Potter est proba-
blement à l’origine du terme de
AUTOUR DE LA MANIPULATION GÉNÉTIQUE, L’EMBRYON HUMAIN,
LE CLONAGE OU L’EUTHANASIE. ELLE RÉCLAME DES NORMES POUR
«bioéthique» : il regroupait sous ce
PRÉSERVER LA VIE ET NON POUR SON PERFECTIONNEMENT À TOUT
vocable, les questions éthiques
liées au vivant, qu’il soit humain et PRIX. LE PROGRÈS TECHNIQUE PEUT-IL AMENER L’HOMME À PLUS
non humain. Son idée était de DE CONSCIENCE ET D’HUMANITÉ ?
mettre en place «une éthique de la
biosphère qui englobât autant
l’écologie que la médecine». encore dans des philosophies clas- Quelles valeurs
Néanmoins, très rapidement, la siques. De l’autre côté, se dressent pour quelles normes ?
bioéthique s’est essentiellement ceux qui préconisent avant tout la La bioéthique essaie aujourd’hui
concentrée sur l’éthique médicale qualité de la vie, recommandant de réconcilier le progrès scienti-
et sur les problèmes liés aux nou- que les chercheurs comme les fique avec le progrès moral. Elle se
velles techniques de procréation ou médecins participent du processus donne comme objectif de proposer
de procréation assistée. Puis elle a évolutif de l’humanité. Ces derniers des règles morales universelles à la
abordé les rives de la génétique nient généralement les problèmes médecine et à la recherche et ce,
humaine. éthiques et contestent les autorités jusque dans la déontologie des pra-
Le courant bioéthique est donc né susceptibles de fournir des préten- ticiens. Elle veut redonner de l’es-
aux Etats-Unis puis a été repris par dues normes réglementant leurs prit dans un domaine qui s’en
un intellectuel catholique, Daniel activités. Leur démarche se résume échappe. Elle attire l’attention sur
Callahan, qui démarra alors une à pouvoir expérimenter tout ce qu’il les conséquences désastreuses
réflexion philosophique autour des est possible dans le vivant. La vie d’un progrès «sans boussole» qui
problèmes liés à la génétique est un matériau qui peut se mani- pourrait conduire l’homme à sa
humaine. Deux courants se sont puler et se recombiner. La nature perte, appliquant ainsi la phrase du
alors affrontés. D’un côté, s’éleva la enfin, doit se soumettre aux désirs célèbre philosophe «Science sans
voix des défenseurs de la vie de l’homme. conscience n’est que ruine l’âme».
comme étant quelque chose de Face à ces deux courants volonta- Ce faisant, la bioéthique va orienter
sacré, voire un don de Dieu. Pour riste et abstentionniste, le progrès les grands choix politiques et les
eux, la nature combine la vie selon non canalisé apparaît d’autant plus grandes questions de société : ainsi
des lois qu’il faut respecter et tou- inquiétant que se développent vont naître les grands débats sur
cher à la vie en totale ignorance ne chaque jour davantage des techno- les manipulations génétiques, les
peut se faire sans conséquences logies nouvelles qui accélèrent tou- recherches sur l’embryon humain,
graves. Ils demandent que les pro- jours plus les recherches et les le clonage ou l’euthanasie. La bioé-
grès scientifiques, du domaine des applications des découvertes. thique couvre en effet tout le
recherches comme de leurs applica- Ainsi, l’achèvement du décryptage champ d’existence de l’homme : sa
tions, soient surveillés et contrôlés du génome humain en 2001 a vie prénatale, sa naissance, son
en terme d’éthique. Les valeurs ici ouvert des perspectives mena- courant de vie et sa mort.
sont généralement transcendantes çantes quant à la possible appro- La science veut pouvoir poursuivre
et prennent leur source, soit dans la priation des séquences génétiques ses recherches. Mais elle prend
tradition, soit dans les religions, soit d’un être vivant. conscience qu’elle se confronte à
6
des forces qui, mal connues et «Le Prométhée tour, que ce n’est pas grave
donc mal gérées, peuvent définitivement déchaîné, puisque cela ne concerne
être source de plus de que la fécondation in
souffrance.
auquel la science confère vitro et que ce n’est
Son principal problème des forces jamais encore connues qu’expérimental. Mais
aujourd’hui dans cette et l’économie, son impulsion effrénée, alors, pourquoi s’arrê-
quête des seuils à fran- terait-t-on à cette
chir ou à ne pas fran- réclame une éthique, qui, par étape puisque naî-
chir est de savoir des entraves librement consenties, tront demain d’autres
quelles valeurs exigences ? Hans Jonaz
emprunter pour propo-
empêche le pouvoir de l’homme tire la sonnette d’alar-
ser des normes. Or, le de devenir une malédiction me quand il écrit à ce
monde désacralisé nous a pour lui…» sujet dans son livre Le prin-
privés de valeurs essentielles, cipe responsabilité (1) : «Le
Hans Jonaz, Le principe responsabilité
absolument indispensables pour Prométhée définitivement
orienter le progrès. Il nous a privés déchaîné, auquel la science confère
aussi d’une dimension collective au des forces jamais encore connues et
détriment d’un individualisme exacerbé. l’économie, son impulsion effrénée,
La médecine, par ailleurs, nous propose- réclame une éthique, qui par des
rait un monde aseptisé, sans douleur, entraves librement consenties,
sans contrainte, sans épreuve… Où est la empêche le pouvoir de l’homme de
vérité ? Vivons-nous dans l’utopie ? devenir une malédiction pour lui…».
Quelle est la valeur de la vie ? Quel statut Hanz Jonaz invite ici à la responsabilité
pour le corps humain ? et au respect de l’image de l’homme et
Ce qui est sûr, c’est qu’une codification de son avenir. Il rappelle que la médeci-
de normes est aujourd’hui réclamée. ne doit d’abord préserver et conserver
Certains appellent même à une réflexion la vie et que son objectif premier n’est
voire à une coopération européenne et pas son perfectionnement. La médeci-
internationale pour confronter et harmo- ne et la recherche médicale devraient
niser les pratiques. En France, on assiste ainsi avoir comme objectif, bien sûr, de
ainsi à un interminable débat sur un pro- maîtriser la vie, mais en termes de
jet de loi relatif à la bioéthique, autour de connaissance des lois du vivant, de
querelles de valeurs. Mais ce débat est savoir pour «devoir-être» et pas seule-
désormais passéiste puisque l’on sait ment de connaître pour «pouvoir-
que cette loi, si elle était votée, serait faire». La bioéthique rejoindrait alors la
périmée avant même d’exister : en effet, peu à bioéthique écologique, dont le but est de
peu les normes européennes prennent le pas sur démontrer l’interdépendance des sphères du
les législations nationales. vivant, que ce soit entre tous les êtres vivants
mais aussi au travers des générations
L’image de l’homme d’hommes. La bioéthique écologique concerne
et de son avenir le prolongement de la vie de l’écosystème et des
La bioéthique essaie donc aujourd’hui de pro- êtres vivants. Elle est préoccupée d’avenir et de
duire de nouvelles normes, non inspirées d’une réflexion.
tradition ou d’une révélation, mais d’un consen- Ainsi se pose la question inévitable : cette
sus, d’une volonté dite éclairée. Or, force est de quête, sans fin, de perfectionnement de la vie,
constater que cette volonté cède souvent notamment physique, si elle n’est pas totale-
devant l’argumentation du nécessaire progrès ment dénuée de sens, puisqu’elle nous ramène
de la science. Preuve en est le glissement pro- sans cesse à une autre quête, celle d’un monde
gressif, de l’assistance médicale à la procréation meilleur, nous conduit néanmoins à nous poser
(pour remédier à l’infertilité), le «bébé médica- une autre question essentielle pour l’homme :
ment», technique qui permet de provoquer, en ce progrès annoncé rendra-t-il l’homme
éprouvettes, de vrais jumeaux dans le but de meilleur, sera-t-il source de plus de conscience
conserver un des hémi-embryons, afin d’avoir et donc de plus d’humanité ? 
des tissus sains à transplanter au bébé qui naî-
(1) Le principe responsabilité, Hans Jonaz, Flammarion, 1998
tra. Alors les parlements de dire chacun à leur
7
 Découvertes
L’autre APRÈS LA DÉCOUVERTE
DE LA CITÉ DE MACHU PICCHU,
C’EST AU TOUR DE CELLE DE

Machu Picchu Par Isabelle Pelloux


CHOQUEQUIRAO DE SUSCITER UN
INTÉRÊT CROISSANT, APRÈS TROIS
CENTS ANS D’OUBLI. CE SITE
CÉRÉMONIEL, ENFOUI SOUS LA
VÉGÉTATION A PROBABLEMENT
SERVI AU CULTE DE CORPS
CÉLESTES ET PLUS TARD COMME
LIEU DE RÉSISTANCE CONTRE LES
CONQUISTADORS ESPAGNOLS.
LE MYTHE SERA-T-IL UN
JOUR DÉVOILÉ ?

R ecouverte actuellement à 70% par la végétation


et située à quelques 3100 mètres d’altitude
dans la Cordillière des Andes, Choquequirao ne se
ricière) et blancs (dédiés à Inti, le dieu solaire) mais
aussi humains. Un rapprochement est certainement à
faire avec cet animal sacré car à certains moments de
laisse approcher qu’au prix de deux jours d’une l’année, la constellation dite du lama céleste se
éprouvante ascension pédestre. retrouve juste à l’aplomb du site.
Son sanctuaire recèle encore ses mystères car on ne Si l’or, représentait la chair même des dieux et la lumiè-
connaît ni sa date de fondation, ni celle de son occu- re de l’astre solaire à laquelle les fils du Soleil vouaient
pation mais on sait que ses leur vie, il fut également la cause de leur déclin face à
Dans ruines ont été visitées par l’avidité des conquistadors qui en ont fondu la quasi-
le cadre d’une recon- des explorateurs fran- totalité. Ainsi, pendant presque quarante ans, les
version de dette péruvienne et çais dès la première empereurs andins ont tenté de sauver leur civilisation
en collaboration avec les autorités moitié du XIXe des assauts espagnols. Après la chute de Cuzco en
qui souhaitent aménager un nouveau siècle avant le 1534, les derniers souverains incas se seraient réfugiés
site touristique pour désengorger celui de p a s s a g e e n dans les montagnes, notamment à Choquequirao,
Machu Picchu, des fouilles archéologiques 1909 du célèbre selon l’historienne Maria Rostworowski, d’où l’ennemi
conduites sous la direction d’une équipe découvreur amé- était visible à des kilomètres à la ronde, pour organiser
française ont débuté depuis juillet dernier. ricain de Machu l’ultime poche de résistance. Et c’est précisément près
Il s’agit d’exhumer d’ici 2012 la totalité Picchu, Hiram du site que le dernier grand Inca, Tupac Amaru, sera
des ruines de la cité incaïque de B i n g h a m . Pu i s capturé avant d’être décapité à Quito en 1572.
Choquequirao («berceau de Choquequirao fut à
l’or» en quechua). nouveau engloutie par La fin d’un mythe
les brumes du temps. Choquequirao et Machu Picchu (à 70 km à l’ouest),
seront ainsi restés dans l’oubli près de trois cents ans
Une géographie sacrée et les édifices construits au XVe siècle sous le règne de
On suppose néanmoins que le site devait servir à un Pachacuti, la proie d’une végétation luxuriante. Avec
culte des corps célestes car la construction d’un la découverte du Vieux Pic, en 1911, est né le mythe
centre cérémoniel à une telle altitude avait pour but des Vierges du Soleil, une communauté de femmes
d’honorer les dieux et de se protéger par la pratique vivant dans la cité inca de Machu Picchu. Or, après
des sacrifices de leurs courroux tant redoutés. On sait réexamination des squelettes se trouvant toujours au
également que les Incas respectaient une géographie Peabody Museum de Yale, l’anthropologue américain,
sacrée (la même symbolique se retrouve à Machu John Verano, dément l’hypothèse de Bingham selon
Picchu) qui délimitait l’espace selon le principe d’op- laquelle tous les squelettes étaient féminins et celle
position et de complémentarité afin de maintenir les de Eaton avançant l’âge de 25 ans. L’étude établit une
équilibres grâce aux rituels sacrificiels, notamment population mixte allant du fœtus au vieillard ! 
des lamas noirs (dédiés à Pachamama, la Terre nour- (Source : Sciences et Avenir)

8
 Sciences
La vie sur
Mars ? Par Jean-Michel Chatelier

MARS N’ALIMENTAIT PLUS LES RÊVES D’UNE VIE


EXTRATERRESTRE DEPUIS QUE NOUS AVIONS EU
CONNAISSANCE DES CONDITIONS INFERNALES
QUI Y RÈGNENT. AUJOURD’HUI, LES RECHERCHES ET
ANALYSES FAITES SUR CETTE PLANÈTE RÉACTIVENT L’IDÉE
D’UNE FORME DE VIE PASSÉE, VOIRE PRÉSENTE…

D epuis 1996, les missions


d’observations scientifiques
de la planète Mars se succèdent
Mars et qu’elle a bénéficié d’un cli-
mat beaucoup plus clément et
peut-être propice à l’apparition de
Les mesures actuelles ont permis
de détecter du méthane dans l’at-
mosphère de la planète rouge. Ce
dans un cadre d’études établi pour la vie. C’était il y a environ quatre gaz ne peut provenir que des êtres
plusieurs décennies. «L’étoile de la milliards et demi d’années, prati- vivants. Comme l’explique Jean-
mort» des Babyloniens, baptisée quement à la même époque que Pierre Maillard, de l’Institut
du nom du dieu de la guerre par les sur la Terre. Une vie primitive uni- d’Astrophysique de Paris, le
Grecs puis les Romains, n’avait cellulaire aurait alors pu exister sur méthane est un gaz instable qui a
cessé de nourrir l’utopie de l’hom- les deux planètes, mais sur Mars une durée de vie très courte. Il est
me moderne dans ses engoue- elle aurait disparu avec l’eau. donc produit en continu sur Mars
ments pour le sensationnel. L’apparition de la vie sur Mars pose actuellement. Il peut y avoir plu-
Cependant, les informations la même problématique que sur la sieurs origines, dont une liée à une
reçues de la planète rouge par les Terre. Pour les chercheurs, l’eau activité biologique… Serait-il donc
sondes Vikings, en 1976, lui serait indispensable à l’apparition produit par des bactéries mar-
avaient fait perdre son pouvoir ins- de toute forme de vie. Il y a quatre tiennes ? Nous ne pouvons que
pirateur d’une vie extraterrestre milliards d’années sur Terre, des nous souvenir des enseignements
sous forme de petits hommes molécules organiques se sont accu- de Giordano Bruno qui affirmait
verts. Le sol martien est très inhos- mulées dans les océans. Si nous l’existence d’autres formes de vie
pitalier, une sorte de désert très associons ces molécules aux lettres dans l’univers et qui fut brûlé par
froid (environ – 50 °C) dans une de l’alphabet, nous sommes néan- l’Inquisition pour avoir défié les
fine atmosphère rouge constituée moins encore loin d’une œuvre lit- dogmes de l’époque. Rappelons-
essentiellement de dioxyde de car- téraire ! L’apparition de la cellule nous également des enseigne-
bone difficilement retenue par une ancestrale, avec son code géné- ments plurimillénaires des
pression atmosphérique très tique, reste inexpliquée par la Orientaux pour lesquels la Vie est
faible. Depuis que la sonde Mars science, d’autant que nous une, elle assume toutes les formes
Pathfinder s’est posée sur le sol devrions distinguer, selon Jacques de la manifestation, change conti-
martien en juillet 1997, les Reisse (1) , les aspects «software» nuellement à travers le temps et
recherches se sont intensifiées, et «hardware» du problème atta- est en toute chose, pas moins dans
notamment depuis janvier 2004 ché au programme génétique. Les une amibe que dans une galaxie. 
avec les missions conjointes améri- systèmes vivants terriens actuels
caines et européennes. sont le résultat d’une évolution bio- (1) Auteur de «Origines de l’homme», actes du
logique de plus de trois milliards colloque organisé par le Collège de France en
De l’eau et de la vie d’années. Si la vie est apparue sur décembre 1988, sous la direction de Yves
Coppens, éditions Artcom.
sur Mars ? Mars en même temps que sur la
Sites internet :
Nous savons maintenant qu’il y a Terre, reste à savoir quel stade de http : //orbitmars.futura-sciences.com
eu de l’eau en grande quantité sur complexité elle a pu atteindre. http : // mars.bw.qc.ca/Mars

9
 Civilisations
Aspects du
sacrifice en Inde Par Nicolas Bureau

LA MODERNITÉ CONSIDÈRE LE PLUS SOUVENT LE SACRIFICE COMME UN ACTE


SUPERSTITIEUX, BARBARE ET CRUEL DANS LEQUEL L’HOMME DES SOCIÉTÉS PRIMITIVES,
ANIMÉ PAR LA CRAINTE DES DIEUX, TENTE D’APAISER LEUR COLÈRE ET D’OBTENIR
D’EUX GRÂCES ET FAVEURS EN ÉCHANGE D’OFFRANDES. POURTANT CETTE PRATIQUE,
AU CENTRE DE LA SOCIÉTÉ INDIENNE, S’APPUIE SUR UNE OBSERVATION CONCRÈTE
DES LOIS DE LA NATURE, ET TROUVE SON FONDEMENT DANS UNE MÉTAPHYSIQUE
RICHE ET COMPLEXE.

D ans la mentalité de l’Inde


védique, le monde apparaît
comme un immense sacrifice où
de sa tête émanera le ciel, la terre
de ses pieds, etc. Par son propre
sacrifice, le dieu rend la création
même temps au dieu de se mani-
fester et prendre corps de flamme.
La combustion de l’oblation assure
tout ce qui vit a besoin de se nour- possible, ce qui fait dire à Mircea donc le transfert de l’énergie vitale
rir pour subsister. La vie repose Eliade que «ce type de mythe révè- d’un être à un autre. En détruisant
donc sur un paradoxe puisque le aux humains le mystère de la les formes matérielles, le feu libère
«tout être vivant est à la fois le man- transformation de la victime dans l’énergie qu’elles contiennent ; la
geur d’autres êtres et est lui-même l’œuvre pour laquelle elle à été vie n’est alors pas détruite mais
nourriture pour d’autres êtres. Vivre immolée» (2). Ainsi, la victime n’est peut circuler librement et animer
consiste essentiellement à manger pas véritablement tuée mais parti- d’autres formes. Agni étant «tout ce
et à être mangé.» (1) La substance cipe d’un autre niveau de réalité : le qui brûle, dévore ou digère : le
du monde, dans sa totalité, est dieu qui au départ était non mani- soleil, la chaleur, l’estomac, le désir,
alors assimilée à une nourriture festé, continue d’exister après le le plaisir» (5), il est l’organe de la
(anna) : «toutes les créatures sont sacrifice comme être cosmique, transformation, assurant le rôle de
faites de nourriture, Tout ce qui est support de la nouvelle création. messager, garant de l’échange.
sur Terre, Vit de nourriture et C’est par lui que les offrandes ter-
devient, à sa fin, nourriture.» L’équilibre de la vie restres arrivent aux dieux à travers
(Taittirtya Upanishad, 2, 2, 1). Dans le rituel, ces deux aspects du ses flammes et sa fumée. Ainsi les
Cette alternance entre dévorant et sacrifice sont représentés par le feu caractères antagonistes, destruc-
dévoré permet de comprendre le et par Soma. L’élément feu est teur et nourricier du dieu peuvent
sacrifice à travers un double aspect l’agent dévorant, qui «grandit aussi- se concilier, car rien ne meurt réel-
contradictoire puisqu’il est à la fois tôt qu’il est nourri et meurt dès qu’il lement, mais tout se transforme. De
acte destructeur, par la mise à mort est sans nourriture» et le Soma, même que l’estomac (les sucs
d’une victime, et en même temps l’oblation, c’est-à-dire «tout ce qui digestifs étant assimilés à une
créateur, parce qu’il produit la est sacrifié, dévoré ou consumé, le forme de feu) détruit l’aliment et le
nourriture nécessaire à toute vie. comestible, le froid, la lune, la nour- transforme en énergie pour l’orga-
Ces deux tendances antagonistes riture, l’huile sacrificielle» (3). Agni, nisme (nutriments), le feu permet la
apparaissent clairement dans le personnifiant le feu, est l’un des circulation de la vie et l’alimenta-
mythe de création, le Purusasûkta dieux les plus important du Rig tion de tout l’univers, transformant
(Rig Véda, X, 90), dans lequel la Véda. «Tout le sacrifice védique la nourriture terrestre jetée dans sa
naissance du monde est issue du était centré autour de cette divinité, bouche (les flammes) en nourriture
démembrement du géant primor- dans la bouche de laquelle (le feu céleste (fumée, lumière, chaleur,
dial Purusa (ou Prajapati). Les par- de l’autel) on versait les oblations» etc..).
ties de son corps dépecé vont (4). Bien que la substance offerte Le feu du foyer, autre aspect d’Agni,
constituer tous les éléments de soit entièrement détruite et consu- revêt la même fonction : ce feu, doit
l’univers : le soleil sera son regard, mée par le feu sacré, elle permet en rester allumé constamment afin de
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DOSSIER
garantir la relation avec le plan divin. Le de l’étude et de la connaissance.» Mais le
foyer étant toujours alimenté, la présence réveil de l’esprit se fait par échauffement,
du dieu dans la maison assure sa partici- comme l’illustre le mythe qui fait naître
pation à l’ordre cosmique. Si le feu venait Agni du frottement de deux bûches de
à s’éteindre, le foyer ne serait plus alimen- bois l’une contre l’autre. Ce mythe, remis
té par les principes d’ordre. Ainsi coupé du en scène lors du rituel (karma), nous
monde et des dieux, il risquerait la disso- montre que l’esprit est d’abord à l’état
lution et le retour au chaos, non pas par potentiel dans la matière. Le feu de la vie
colère du dieu, mais par «panne d’alimen- est alors l’entreprise par laquelle l’âme
tation». En permettant la circulation de la tente de se libérer de son incarnation
vie entre les niveaux de réalité, le feu dans la matière tout en animant les
confère au sacrifice une vocation orga- formes vivantes. La multiplicité des
nique ou cosmique assurant le maintien formes n’est qu’une illusion (Maya), car
de la création. Dans le rituel, ce qui se joue l’esprit Purusha est Un avant la création.
c’est donc à la fois l’équilibre cosmique La combustion de la substance par le feu
mais aussi, social, politique et familial. vient révéler à travers la fusion, l’unité
transcendante du divin, éloignant ainsi
Une voie spirituelle l’ignorance ou nescience (avidya).
Pour la philosophie indienne, ce feu de la «Comme un feu attisé réduit son bois en
transformation est le principe de vie pré- cendres, ainsi le feu de la connaissance
sent en toute chose. Tout être vivant est réduit en cendres toutes les œuvres» (7).
animé, c’est-à-dire brûle de l’énergie. La libération dans le yoga est le produit
L’ensemble de la création est en quelque de la transmutation de la conscience de
sorte un brasier géant consumant sa l’individu qui, sans cesse, meurt sacrifiée
propre substance. Si la vie, elle-même, pour renaître libérée parmi les dieux.
s’identifie à cette substance en combus- La fin du monde est perçue comme l’ex-
tion, la mort ne survient que lorsque tinction de cette flamme par laquelle
toute la substance d’un être est consu- l’âme universelle, prisonnière de la matiè-
mée. C’est pourquoi, dans les rites funé- re, tente de se libérer du cycle incessant
raires, les corps sont entièrement brûlés, des réincarnations (Samsara). La finalité
afin que l’esprit du mort soit complète- du sacrifice est l’arrêt même du sacrifice :
ment libéré de son attache matérielle. une fois la substance de l’univers entière-
«Les rishis (sages) avaient une vive ment consumée, le Purusha alors réunifié
Agni dans un halo de
conscience de cette omniprésence du feu flammes. Sculpture du (yoga), est réintégré à l’absolu
et les Upanishads identifieront constam- temple de Rajarani (XIe- (Parabrahman) non manifesté (pralaya).
XIIe siècle) à
ment l’âme (atman) avec “ce feu qui brille Bhubaneshvar, Inde
dans le cœur”» (6). Les philosophies du Si le sacrifice occupe une place centrale
Védanta et du Samkhya-yoga vont déve- dans la mentalité indienne c’est parce
lopper le thème du sacrifice intérieur et que, très tôt, il a été compris comme une
de la libération par la connaissance et l’ar- voie naturelle d’accomplissement dont
deur ascétique (tapas). Le Sâmkhya les correspondances et les applications
explique que l’âme spirituelle (atman, se déclinent dans tous les niveaux du
assimilé sur le plan individuel, à l’esprit réel. On le retrouve ainsi de façon omni-
universel, purusha) est enfermée dans présente aussi bien sur un plan métaphy-
une prison matérielle (Prakriti). Le but du sique, que dans sa dimension cosmique,
yoga, étant la libération de l’âme, le corps politique et individuelle. 
est offert en oblation. Comme il est écrit (1)- Mythes et Dieux de l’Inde, Alain Daniélou, Champs
dans la Bhagavad-Gitâ, (chapitre III, 28) Flammarion, 1997, p. 107
(2)- Du mythe cosmogonique, in Naissance du monde,
«L’offrande de celui qui s’efforce vers la Sources orientales I, Mircéa Éliade, Le Seuil, 1959, p. 487
perfection, peut être matérielle et phy- (3)- A. Daniélou, op. cit. p. 107
(4)- Les philosophies de l’Inde, Heinrich Zimmer, Payot,
sique ; ou encore elle peut être l’austérité 1996, p. 268
de sa propre discipline et l’énergie de son (5)- A. Daniélou, op. cit. p. 108
(6)- La religion védique, in Histoire des religions I,
âme dirigée vers quelque but élevé ; ou Jean Varennes, Pléiade, 1970, p. 603
encore elle peut être quelque forme de (7)- Bhagavad-Gîtâ, III
yoga ; ou encore elle peut être l’offrande
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 Sagesses

Le sanskrit
la langue des dieux
Par Hélène Marinetti (Dîpa)

Stèle inscrite en sanskrit Cambodge


VII e siècle- Musée Guimet.

LE SANSKRIT, CET EXTRAORDINAIRE INSTRUMENT


DE CULTURE, D’INVESTIGATION SPIRITUELLE ET E n Inde, dans les temples et les ashrams, mais
aussi à l’intérieur des maisons et sur les places
publiques, on entend chanter, prier, psalmodier en
DE COMMUNICATION, FUT LONGTEMPS «LINGUA
sanskrit. Les grands textes épiques sont inlassable-
FRANCA» EN ASIE, COMME LE LATIN EN EUROPE ment récités et représentés. Pour nous, Européens,
AU MOYEN-ÂGE. AUJOURD’HUI, PARLÉ SEULEMENT même amoureux de l’Inde, même pratiquants du
PAR QUELQUES MILLIERS D’ÉRUDITS INDIENS, Yoga, la langue sacrée semble d’un abord tellement
PROFESSEURS ET RELIGIEUX, LE SANSKRIT EST difficile que l’intérêt de la connaître n’apparaît pas
clairement. Et pourtant, à plus d’un titre, le sanskrit
CEPENDANT ENCORE BIEN VIVANT, COMME
nous ressource, en nous reliant à la résonance indo-
SUPPORT DE LA TRADITION HINDOUE, européenne, et surtout en ouvrant notre conscience à
À LAQUELLE ON PEUT L’IDENTIFIER. des dimensions inhabituelles du langage.

Parfaite et sacrée
Il ne fait aucun doute que le sanskrit présente un certain
nombre de difficultés : un alphabet riche de quarante
huit lettres, des règles phonétiques qui transforment
profondément les mots, une variété confondante de
déclinaisons et de conjugaisons ; toutes ces particulari-
tés et bien d’autres risquent de décourager le débutant.
Mais l’ascèse grammaticale, si elle est bien conduite, se
transforme vite en plaisir de découvrir une langue par-
faite, sens exact du mot «sanskrit».
La connaissance du sanskrit présente aussi cet intérêt
de renouveler et d’approfondir notre compréhension
de la langue française, ou de toute autre langue de la
famille indo-européenne, en éclairant les structures
anciennes au cœur des mots les plus familiers.

Mais il serait dommage de ne s’en tenir qu’au seul


aspect linguistique, si remarquable soit-il. Ce serait res-
ter à l’extérieur du temple. Pour bien comprendre le
sanskrit, il faut aussi le goûter, en extraire les sonorités,
le faire résonner et vibrer au fond de notre gorge, de
nos centres vitaux. Car c’est une langue sacrée, dépo-
sitaire de la Connaissance révélée, le Véda, et comme
telle, elle purifie, transforme, harmonise. Ses rythmes
et ses vibrations, s’ils sont transmis par un Maître, suf-
fisent à illuminer le disciple qui est prêt. Ces vibrations
sacrées sont porteuses de vérités éternelles, d’ensei-
Ganésha, Tamil Nadu, XV e -XVI e siècle-
granit - Musée Guimet. gnements qui s’adressent à tout chercheur spirituel.
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DOSSIER

«Om mani padmé hum» («Om ! Le joyau est dans le lotus !»)
est le plus puissant des mantras bouddhiques,
calligraphié ici sur un mur de Katmandou.

Qui n’a été saisi par l’une de ces for- phologie. Notre langue, qui est du d’un bout à l’autre de la chaîne :
mulations des Upanishads, qui latin transformé, comme les autres créer et karma (racine kar, faire),
disent tout, qui disent le TOUT en langues romanes, se trouve à joug et yoga (racine yuj, unir), voix
quelques syllabes éclatantes : tat l’autre bout de la chaîne linguis- et vac (racine vac, parler), dieu et
tvam asi, TU ES CELA. tique et cache, sous le vernis chan- deva (racine dîv, briller)…
geant que l’usage a déposé, Le sanskrit offre toujours clarté de
La famille l’empreinte primitive indo-euro- structure et supplément de sens,
indo-européenne péenne. Pour nous relier à cette ori- car il forme ses mots à partir d’une
Même s’il nous paraît très éloigné gine, le sanskrit s’impose comme racine, porteuse d’un sens d’action
dans l’espace et dans le temps, le un jalon précieux, indicateur irrem- en général. Cette racine, syllabe
sanskrit ne nous est pas étranger, plaçable des racines affleurantes. unique composée d’une ou plu-
puisqu’il fait partie, comme le fran- sieurs consonnes stables (les
çais, de l’immense famille des Une résonance familière voyelles sont changeantes), se
langues indo-européennes. Ainsi, le doux mot de SOURCE, cher- retrouve plus ou moins transformée
L’histoire nous rappelle que les chons-en l’origine. Venu de l’ancien et reconnaissable dans les autres
Aryens, ce peuple migrateur fort français sours (participe passé du langues indo-européennes. Par
entreprenant venu des Hauts verbe «sourdre», lui-même issu du exemple, dans le ciel indo-euro-
Plateaux d’Iran, se disséminèrent latin surgere, qui a donné aussi péen, étoile se dit târâ en sanskrit,
vers l’Est en Inde, et vers l’Ouest en «surgir»), ce mot s’est coulé dans le setare en persan, aster en grec, stel-
Europe, vingt siècles avant notre moule exact d’une racine primitive, la en latin, estrella en espagnol, star
ère. De l’Inde à l’Irlande, en passant attestée dans la racine sanskrite srij en anglais, sterne en allemand.
par l’Oural, la très grande majorité (prononcez sridj). Cette dernière
des langues anciennes et modernes signifie, comme l’indiquent presque Mais le sanskrit nous mène plus loin
sont issues de cette langue commu- ses sonorités, «jaillir, créer», et le encore, car nous savons par lui que
ne aryenne, non attestée par des substantif issu de cette racine, sristi la racine tar, d’où vient târâ, signifie
textes, mais reconstituée par des (prononcez srishti), désigne la créa- «traverser, faire traverser». Ainsi le
comparaisons entre les langues tion du monde, avec cette valeur sens profond se révèle : l’étoile,
apparentées, et appelée indo-euro- très indienne de projection, d’éner- dans sa traversée du ciel, nous sert
péen par les linguistes (très peu gie jaillissante. de guide sur les chemins de la terre
d’exceptions à cette origine indo- et des mers. On voit, par ces
européenne : citons le basque, le On retrouve dans Source, comme exemples qu’on pourrait multiplier,
hongrois, le lapon, le finnois, divers en décalque, la structure première : combien le sanskrit résonne dans
parlers locaux de Russie). Le sans- le S, le R (sous sa forme vocalique R notre langue. Attraper cette réso-
krit est issu de cette souche linguis- -ri- en sanskrit), et une autre sifflan- nance-là n’est pas pur exercice
tique, tout comme le gothique et le te C, issue de la palatale ancienne J. grammatical qui étale un vain
slave, le latin et le vieux perse. Mais Notre mot, un peu timide, n’est-il savoir. Il y a une certaine grandeur
il occupe une place privilégiée dans pas magnifié par cette «naissance dans ce jeu des filiations qui élargit
cette grande famille, celle d’une latente» ? Il est bon de savoir que, jusqu’à l’infini notre espace linguis-
aînée très proche de la langue-mère secrètement, au cœur du mot, tique. Tout d’un coup, notre langue
par son antiquité, et exemplaire par couve la force créatrice de la racine familière recèle des profondeurs
la richesse et la pureté de sa mor- première. Tant de mots se font écho, insoupçonnées ; on se retrouve plus
13
 Sagesses

Sceaux en stéatite - Matériel archéologique provenant des fouilles de Mundigak Afghanistan,


période IV, vers 2700 avant notre ère - Musée Guimet.

riche qu’on ne pensait, et plus noble aussi, car intrinsèques du sanskrit : la répéti- Après
relié à une tradition immense. tion des syllabes sacrées
engendre une sorte de massage
une maî-
L’alphabet de la création énergétique très subtil, et trise de
Vers 400 avant notre ère, un grammairien de ouvre des espaces profonds, latin et de
génie, Pânini, héritier des travaux de ses prédé- illuminés par cette douce
cesseurs, fixa définitivement les normes de la percussion. grec, suivie
langue sacrée qui devint alors «sanskrite», La vibration intérieure par des études
c’est-à-dire «bien composée, raffinée, élabo- s’unifie, s’harmonise avec
de sanskrit à
rée», et se maintint sous cette forme dite clas- le rythme du chant, et le
sique, durant vingt-cinq siècles. Les formes silence qui suit nous fait la Sorbonne,
dégradées de la langue pure, appelées prâkrits, entrer dans la vibration Hélène Marinetti
se régionalisèrent en dialectes, qui donnèrent universelle, dans l’har-
naissance aux diverses langues modernes de monie du TOUT. C’est a passé sept
l’Inde du Nord. l’expérience vivifiante années en Inde
Pour bien fonder le caractère sacré de la langue que procure le langage où elle a continué
qu’il décrivait avec une si haute technicité, des mantras.
Pânini se servit d’un beau mythe, qui illustre la d’apprendre la
naissance divine de l’alphabet sanskrit. Le dieu Pour passer langue sacrée
Shiva, au cours de sa danse cosmique, frappa des ténèbres
son tambourin en forme de sablier -damaru- à la lumière auprès de profes-
selon quatorze rythmes différents qui firent Parfaite…Sacrée… seurs et de pandits.
apparaître, en quatorze formulations succes- Divine. Cette langue Elle a créé un cours
sives, les quarante-trois phonèmes principaux semble d’une autre
de l’alphabet sanskrit. D’autres mythes, d’inspi- essence. Elle amplifie de sanskrit par
ration tantrique, associent l’apparition des pho- et sacralise la vibration correspondance et
nèmes à la création, ou plutôt la manifestation apparue en un temps
anime, depuis plus
des mondes, chaque lettre représentant un très lointain, quelque
aspect de l’énergie créatrice. Les Sages à l’œil part en Orient, et qui se de quinze ans, des
suprême, à l’oreille absolue, qui édifièrent les poursuit encore dans cours, des ateliers,
mythes, avaient compris que tout est vibration, notre langue. Elle nous
que le son est Energie créatrice, de même que permet d’entrer dans le des séminaires
les lettres, les syllabes, le langage. Cette intui- Temple pour écouter les dans le sud de
tion métaphysique s’accompagne naturelle- Enseignements. Elle jaillit la France, sur
ment, puisqu’on est en Inde, d’une pratique de l’infini, comme le sug-
spirituelle, connue sous le nom de mantrique gèrent les mythes, pour la langue
ou mantra-yoga, en laquelle éclate et se confir- nous ramener à l’infini, sur sanskrite,
me la spécificité du sanskrit. L’alphabet sans- l’aile des mantras. Elle est
krit, considéré comme une réserve de source. D’une saveur d’éter-
le chant
vibrations phoniques, est utilisé par les Maîtres nité qui éveille.  védique et
pour composer des mantras, ces formules la philoso-
diversement longues, chargées d’une puissan- Hélène Marinetti
ce vibratoire particulière et d’une efficacité cor- La Coutronne - 13390 Auriol phie de
Tél/fax : 04 42 62 55 06
respondante. Alors se révèlent les qualités http://sanskrit.claude-marillier.net l’Inde.
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 Art et symbolisme DOSSIER

Shiva
dansant Par Isabelle Ohmann

SHIVA EST UNE DES PRINCIPALES DIVINITÉS


DU PANTHÉON HINDOU ET L’UNE DES PLUS
AMBIGUËS. IL EST À LA FOIS CRÉATEUR ET
DESTRUCTEUR, DIEU DE L’ASCÉTISME
Shiva Nataraja, Seigneur de la danse, Tamil Nadu, Vellalagaram
ET DE LA PROCRÉATION. Époque cola, XI e siècle - Bronze- Musée Guimet.

S hiva représente la tendance à


la désintégration dans
l’Univers mais aussi la régénéra-
mouvement illustre le sentier que
devra suivre l’aspirant qui le mène-
ra de la terre vers le ciel.
de la mort. Toute chose est sujette
au changement continuel à mesure
que l’énergie assume sans relâche
tion. Sa couleur est «blanc comme de nouvelles formes dans le jeu
le camphre». Ses quatre mains La danse cosmique (lîlâ) de la création,
symbolisent sa domination univer- Shiva, de sa troisième main (supé- excepté le dieu «La
selle. Rien n’échappe à son pouvoir rieure droite) agite le damaru, petit dont la danse danse de Shiva est
destructeur et vivifiant. Sous son tambour-sablier, qui scande les est immuable
aspect fécondateur il est vénéré rythmes du monde, symbole de la et absolue.
l’image la plus limpide de
comme le linga, représentation vibration du son originel (bindu) l’activité de Dieu telle que
symbolique du phallus. En tant que dans l’espace au début de la créa- La danse de l’art ou la religion peuvent
maître du yoga, il transcende la tion, à partir duquel la conscience Shiva est un
nature illusoire de la réalité. habite toute chose dans l’univers. symbole de la glorifier»
La première étape dans l’univers l’unité et du Ananda Coomaraswamy
En Inde du Sud, Shiva est adoré fut le déploiement de l’espace rythme de l’exis-
comme «seigneur de la danse» (akasha), la zone potentielle dans tence. Le processus
cosmique, Shiva Nâtarâja. Il est laquelle le monde s’étendit par infini de la création s’exprime par
représenté avec deux de ses bras l’énergie centrifuge de Shiva. la posture énergétique du dieu.
orientés en signe de bénédiction, Shiva porte enfin dans sa quatriè- A la fin du Kâlî Yuga (l’âge actuel
la main inférieure droite tendue me main (gauche) simultanément des conflits et de l’ignorance), l’ex-
dans le geste qui rassure (abhaya- le serpent, symbole des origines et pansion de l’univers s’accélère,
mudrâ) et au bout du bras gauche, le feu évoquant à la fois l’appari- tout fusionne et Shiva accomplit
tendu tel un bâton ou une trompe tion de l’univers (fiat lux) et l’incen- alors la danse terrible de destruc-
d’éléphant, l’autre main montre le die consumant l’univers à la fin de tion (tândava). 
pied gauche levé en lequel le dévot chaque période cosmique. De ses
A lire
cherche refuge. tresses dénouées surgit la déesse Elisabeth Zana, La danse et le
Le pied levé symbolise la grâce et Gange, fleuve céleste descendu sacré, voyage dans la danse
des origines à nos jours,
l’envol du danseur ou la force sur la terre à travers la chevelure Editions Dervy.
ascensionnelle qui montre la voie du dieu. Ce livre se veut un témoigna-
ge de la place occupée par
de la libération, tandis que le pied la danse dans les différentes
resté au sol prend appui sur le nain Du piédestal en forme de lotus formes d’expression culturel-
le de l’homme. La danse,
Apasmâra, le démon de l’oubli, jaillit un arc de flammes qui s’allu- en reliant intimement
personnifiant tamas, l’inertie et me et s’éteint à chaque instant et l’homme au cosmos, se
présente comme un art
avidya, la nescience qu’il terrasse symbolise son énergie irradiante, sacré universel.
de son poids. C’est ainsi que ce mais aussi le grand jeu de la vie et
15
 Psychologie
C. G. Jung
et le yoga
Par Laura Winckler

À TRAVERS LE YOGA, TEL UN


CONDUCTEUR D’ÂMES, C.G. JUNG
VEUT AMENER L’HOMME OCCIDENTAL
VERS LA DÉCOUVERTE DE SON PROPRE
INCONSCIENT. PAR UNE DESCENTE AUX
ENFERS SYMBOLIQUE, IL POURRA
VAINCRE SON ORGUEILLEUSE
IGNORANCE ET APPRENDRE
Portrait au crayon À REDEVENIR UN.
de Carl Gustav Jung
D. Chaillot - 1999

S ans être un spécialiste, Jung s’est interrogé sur


l’apport des sagesses orientales, parmi les-
quelles le yoga (1). Il a dit : «Je considère cette acqui-
jette le trouble dans notre monde spirituel par la
supériorité de ses connaissances psychiques. Nous
n’avons pas encore pensé que, si nous le dominions
sition spirituelle de l’Orient comme une des plus de l’extérieur, l’Orient pouvait nous prendre par le
grandes créations de l’esprit humain» (2). Mais il dedans. […] L’Orient semble avoir quelque rapport
considère que la civilisation occidentale, encore avec la cause de notre transformation psychique
jeune, devra dans le futur élaborer son propre yoga, actuelle. Mais cet Orient […] gît essentiellement au
fondé sur les bases spirituelles qui sont les siennes. fond de nous-mêmes. Il est sans doute notre âme
créatrice de nouvelles formes spirituelles, capables
Depuis le XIXe siècle, la découverte et l’interpénétra- d’opposer des freins salutaires à la soif effrénée de
tion des cultures du monde a recréé une situation butin de l’Aryen» (4).
analogue à celle du syncrétisme de l’hellénisme
d’Alexandrie (3). Et ces croisements d’influences Le yoga et l’Occident
n’ont pas fini de donner tous leurs fruits. En 1928, Dans son article sur «Le yoga et l’Occident» paru en
Jung écrit : «Nous ignorons que, tandis que nous bou- 1936 (5), Jung observe la différence radicale d’ap-
leversons son monde matériel par la supériorité de proche entre l’Orient et l’Occident. Il souligne le dan-
nos connaissances techniques, l’Orient, de son côté, ger de vouloir singer une sagesse millénaire, sans
16
DOSSIER
être encore prêt à la vivre véritable- cette voie de sagesse plurimillénaire? ses liens avec le sujet et l’objet
ment dans toute sa richesse et sa dans la mesure où il ne peut s’af-
complexité. Lorsque l’enseigne- L’homme naturel franchir de ce dont il n’a pas
ment du yoga pénètre en Occident, «La division de l’esprit occidental conscience et pour l’Européen, son
il le fera par deux voies : soit anéantit dès le départ toute possi- sujet, est ce qu’en Occident on
comme objet de raison, en tant que bilité de réalisation adéquate des appelle l’inconscient» (6).
sujet d’étude, soit comme voie de intentions du yoga. Il est soit une
salut. L’Occidental est toujours affaire strictement religieuse, soit Le t r a v a i l s y m b o l i q u e d e
troublé «par la contradiction entre une méthode d’entraînement l’Occidental est d’accepter, comme
la vérité religieuse et la vérité scien- comme la gymnastique respiratoi- le soleil couchant, de mourir (occi-
tifique, le conflit entre la foi et la re, etc. Mais de cette unité et de dens), donc de descendre dans les
science» (6). Le yoga répond à cette cette totalité qui caractérisent le profondeurs de son âme, d’affron-
attente, dans la mesure où il relie yoga, on ne trouve plus nulle trace. ter les dragons de ses propres
une méthode «religieuse» et une L’Indien ne peut oublier ni le corps ombres pour pouvoir renaître à
pratique d’exercices spirituels avec ni l’esprit, l’Européen oublie tou- l’aube (oriens), dans un nouvel état
une approche scientifique et une jours l’un ou l’autre. Cette faculté de conscience, celui de l’individu,
philosophie d’une profondeur lui a permis pour le moment de l’être réunifié. «Nous ne voyons
inouïe. Il permet des expériences conquérir le monde, ce que n’a pas d’abord que la descente dans l’obs-
contrôlables et vérifiables qui satis- fait l’Indien. Non seulement l’Indien curité et la laideur ; mais celui qui
font l’approche scientifique des connaît sa nature, mais il sait aussi ne supporte pas ce spectacle ne
faits et en même temps, ouvre, jusqu’à quel point il est lui-même créera non plus jamais la lumineu-
«par sa profondeur et son âge cette nature. L’Européen, par se beauté. La lumière ne peut naître
vénérable ainsi que par sa doctrine contre, a une science de la nature et que de la nuit et nul soleil ne se tint
et sa méthode qui englobent tous il sait étonnamment peu de choses jamais fixé au ciel parce que la
les domaines de la vie, des possibi- sur sa propre nature, sur la nature craintive aspiration humaine se
lités insoupçonnées» (6). qui est en lui. C’est, pour l’Indien, cramponnerait à lui» (7).
un bienfait de connaître une métho-
Mais cette démarche de sagesse de qui l’aide à maîtriser la toute Avant d’aspirer aux sagesses
initiatique se confronte en Occident puissance de la nature au-dedans d’Orient, nous devons nous rap-
à une «absence de voie qui confine de lui et en dehors de lui. Pour procher de la source socratique,
avec l’anarchie spirituelle»(6). La l’Européen, c’est un poison qui lui prendre conscience de notre igno-
voie du yoga est à la fois une disci- sert à parachever l’asservissement rance, nous en purifier par la philo-
pline psychologique, une hygiène de sa nature déjà mutilée et à en sophie et seulement après, nous
de vie et une réflexion philoso- faire un robot docile à sa volonté. pourrons franchir les colonnes du
phique. «Dans ces exercices, elle […] L’Européen s’est, par évolution temple de la sagesse pour com-
relie le corps à la totalité de l’esprit. historique, tellement éloigné de ses prendre le sens de la devise del-
[…] La participation du corps s’allie racines, que, finalement, son esprit phique : «Connais-toi toi-même et
à la participation de l’esprit et de s’est divisé en croyance et connais- tu connaîtras l’univers et les
cette union naît une totalité vivan- sance, en dissociant les éléments dieux». 
te. La pratique du yoga est inimagi- opposés. Il a besoin d’un retour à la
nable et serait inefficace sans les nature, à sa nature. Son devoir est
idées du yoga. Elle réalise une de redécouvrir l’homme naturel qui
fusion du physique et du mental partout s’oppose à lui» (6). (1) du sanscrit : yuj, recherche
de l’attelage,
d’une rare perfection. […] Le yoga de l’union avec Dieu.
constitue l’expression adéquate et Ce dont il faut libérer l’Occidental, (2) p. 192, Psychologie et
orientalisme, Albin Michel,
la méthode parfaitement adaptée c’est de sa volonté de puissance, 1984
pour fondre ensemble corps et pour redécouvrir cet homme natu- (3) entre le IIIe siècle avant
et après J.-C.
esprit, afin qu’ils constituent une rel. «Ce qui lui manque c’est la (4) p. 187 à 189, Problèmes de l’âme
unité difficilement contestable et conscience de son infériorité, vis-à- moderne, Buchet/Chastel, 1961
(5) in Psychologie et orientalisme
créent ainsi une disposition psy- vis de la nature autour de lui et en (6) p.187 à 191 Psychologie et
chologique permettant des intui- lui. Il devrait apprendre qu’il ne Orientalisme, op. cité
(7) p.187, Problèmes de l’âme
tions qui transcendent la peut pas ce qu’il veut. S’il n’ap- moderne, op. cité
conscience» (6). prend pas cela, sa propre nature le
Sur l’individuation, lire :
Quel est donc l’inconvénient pour détruira. […] Il n’est pas en mesure «Devenir soi-même aujourd’hui» - Laura
que l’Occidental adopte ou imite de se détacher et de s’affranchir de Winckler, Revue Nouvelle Acropole, n° 151

17
 Philosophies

Sagesse
de Lanza del Vasto Par Claude-Henri Rocquet

QUAND LANZA DEL VASTO S’EMBARQUE EN 1936 POUR LES INDES, CE N’EST PAS
L’INDE QUI L’ATTIRE. IL N’EST PAS EN QUÊTE D’UNE SAGESSE LOINTAINE ET SECRÈTE,
D’UNE RELIGION EXOTIQUE. IL A TRENTE-CINQ ANS. IL EST POÈTE ET PHILOSOPHE.
IL EST CHRÉTIEN, CATHOLIQUE, REVENU APRÈS UN RUDE COMBAT À LA FOI DE SES
PÈRES. IL EST FRANÇAIS AUTANT QU’ITALIEN. IL A VAGABONDÉ À TRAVERS L’ITALIE,
LA SICILE. IL A COMMENCÉ D’ÉCRIRE PRINCIPES ET PRÉCEPTES DU RETOUR
À L’ÉVIDENCE, CONSEILS BREFS À L’UNIQUE DISCIPLE QU’IL SE VEUT, LUI-MÊME,
ET LE TERMINERA SUR L’HIMALAYA.

À la veille de la guerre, s’il part,


c’est pour rencontrer Gandhi,
qui à ses yeux, indique seul l’issue
religions. Il rencontre des sages,
des ascètes – ces «gymnoso-
phistes», ces «sages nus», qui
L’Ordre de l’Arche
De retour en France, il fonde, dans
la fidélité à Gandhi – une fidélité
à la folie et au malheur de notre étonnèrent les philosophes grecs. inventive, inspirée –, et pour semer
monde. Et cette issue est celle du Lui-même, au bord du Gange, fait chez nous la non-violence, l’Ordre
Sermon sur la montagne. C’est l’É- l’expérience du yoga. Toutes ces de l’Arche : «ordre laborieux des
vangile qui est proposé, et vécu rencontres et cette découverte, il gandhiens d’Occident». C’est enco-
politiquement, expérimenté dans les revit dans son livre le plus re le temps de l’Occupation et bien-
l’histoire, aujourd’hui en Inde, par connu, et qui le rend d’emblée tôt celui de la Guerre froide et du
un sage et un héros – un «héros célèbre, en 1943 : Le pèlerinage péril atomique, la menace d’une
pur du sang de ses frères», un saint aux sources. Livre superbe, journal troisième guerre mondiale, d’un
et qui n’est pas chrétien. C’est de d’un apprentissage, grand récit qui déluge universel de feu. Quelle
cet homme que Lanza devient le s’achève par une méditation réponse apporter, vivre, dans cette
disciple, le fils et qu’il reçoit le nom devant les Pyramides et qui se pro- heure noire ? Et comment éviter la
qu’il portera désormais : longera, des années plus tard, par fin du monde ? Pour Lanza del
«Shantidas», Serviteur de paix. un témoignage qui aura moins de Vasto et ceux qui viennent deman-
Chemin faisant, Lanza découvrira retentissement mais qui n’est der au disciple de Gandhi ce qu’il
la sagesse de l’Inde, son art, sa peut-être pas moins admirable : faut faire, il s’agit d’abord de ras-
musique, sa poésie, sa pensée, ses Vinôbâ ou le nouveau pèlerinage. sembler des hommes et des
18
DOSSIER
femmes, en une sorte d’arche de Noé, afin qu’ils se son automatisme, faisait un premier pas, le premier
préparent à agir, le jour venu, contre la violence, la de toute une vie, commençait un travail fondé sur
catastrophe. De les former, de s’exercer. Mais pour l’attention. Et l’un des exercices était le rappel fré-
cela, il faut travailler à se changer soi-même. D’où la quent à soi-même, au long du jour, par quoi se rompt
vie communautaire, l’exercice quotidien, la règle et les l’entraînement et l’enchaînement au dehors. Par
vœux, une existence – paysanne, artisanale – fondée quoi je me reprends, – je me rappelle. Par quoi l’être
sur le travail des mains, la pauvreté volontaire, la sim- distrait, somnambule, dispersé, revient à soi, à plus
plification et la réduction des besoins, en quoi Gandhi profond que soi. Naissant et s’éveillant à la vérité de
voyait la vraie civilisation, la délivrance. La fondation son vrai moi.
de l’Arche, les actions non-violentes – de la lutte
contre les tortures et pour la paix en Algérie, jusqu’aux Connaissance, possession,
manifestations contre les centrales nucléaires et la don de soi-même
Bombe, jusqu’à la cause du Larzac –, Lanza en a fait le Parmi les engagements des Compagnons et des
récit dans L’Arche avait pour voilure une vigne. C’est Compagnes, il y avait celui de s’exercer à «la
en somme la suite du Pèlerinage aux sources. Une connaissance, à la possession et au don» de soi-
part de l’enseignement donné aux compagnons et aux même. De ces trois termes, le troisième – le don –
amis est recueillie dans Approches de la vie intérieure. est-il la clef ? Certes, on ne donne que ce que l’on
La communauté de l’Arche fut une école de sagesse, possède, et s’il s’agit de soi, la possession implique
un séminaire de sagesse, dont la fin n’était pas dans la connaissance. Ces trois termes sont liés. Peut-être
le retrait hors du monde, l’acquisition narcissique de chacun de nous est-il porté, en premier lieu, vers
la tranquillité, mais se trouvait dans une prophétie l’un ou l’autre ? Et peu à peu l’unité de cette trinité
portée au monde, un témoignage, un se forme en lui, et le forme... Mais
appel, pour que le monde se délivre n’est-ce pas le don de moi-même qui
de sa folie, de sa violence. Et Lanza me fait naître et connaître à moi-
était le cœur de l’Arche. Présence d’un même ? À vouloir garder sa vie pour
maître et d’un ami, d’un père. soi, on la perd. À la donner, on vit de
vie véritable. C’est par le don que je
me possède et me connais. Mais qui
Qui suis-je ? me donnera le savoir me donner ? –
Et qu’est-ce qu’être ? Qui ? sinon le maître de tout don,
«Charité bien ordonnée commence l’humble tout-puissant.
par soi-même», aimait à dire Shantidas : le nom que le Pèlerin et
Shantidas, dans un sourire, donnant le Patriarche portait parmi nous –
à l’adage un sel nouveau. Celui qui oui, qu’il portait – était signe et
fait vœu d’œuvrer à la conversion du enseignement. Avons-nous mieux à
monde, qu’il commence par travailler faire de notre vie que d’être des ser-
à se corriger lui-même, à se convertir, viteurs ? Et quel plus haut service, et
à se réveiller. À s’éveiller pour éveiller plus profond, que la paix ? La paix
si Dieu veut, les autres. Il disait aussi entre nous et la paix intérieure, seule
qu’on n’apprend pas à danser dans force et germe de paix entre les
un livre. De même ne devient-on pas «sage» sans un hommes. La paix sur terre est la gloire du ciel.
maître, ni sans compagnons. Sans apprentissage. La Philosophe, Lanza del Vasto l’était, assurément, au
sagesse d’un maître, ce qu’il nous enseigne est insé- sens ordinaire et ancien, mais plus encore au sens
parable de sa personne. Non qu’il s’agisse de le qu’il donnait au mot philosophie : «sagesse
copier ; mais l’être qu’il est devenu, incite et fait ger- d’amour». Illuminant le mot et la chose par ce
mer en nous l’être plus vrai que nous sommes appe- retournement. Quand il nous quittait, après nous
lés à devenir, – notre personne, ce mystère. La avoir éclairés, instruits, Shantidas avait coutume de
rencontre de Lanza, sa présence, était la première nous saluer ainsi : «Paix, Force et Joie.» Bénédiction
«leçon» : exemplaire, séminale. toujours vive. Sagesse. 
– «Moi». Qui «moi» ? Qui suis-je ? Et qu’est-ce
qu’être ? Tel était le choc, initial, que celui qui était
La plupart des livres de Lanza del Vasto sont réédités
venu entendre, le poète, ou le pèlerin, recevait sou- aux éditions du Rocher.
dain, comme l’auditeur de Socrate recevait – Platon le Anne Fougère et Claude-Henri Rocquet ont publié en 2003, chez
Desclée de Brouwer, Lanza del Vasto, pèlerin, patriarche, poète.
dit – ce qu’éprouve le nageur touchant un «poisson- Ce livre est une biographie, un essai sur l’œuvre et l’enseignement,
torpille». Alors pour celui qui, frappé, saisi, réveillé de un témoignage personnel.

19
 Rencontre avec...
Asiatica
Musée d’art oriental
de Biarritz Par Olivier Larrègle

DEPUIS 1999, LA VILLE DE BIARRITZ ACCUEILLE SUR SON SOL LA DEUXIÈME


COLLECTION D’ART ASIATIQUE D’EUROPE APRÈS CELLE DU MUSÉE GUIMET DE
Tambour
PARIS. CETTE COLLECTION PRIVÉE, L’UNE DES PLUS IMPORTANTES AU MONDE, rituel tibétain
(Damaru, XVIIe)
EST PRÉSENTÉE AU PUBLIC DANS LE MUSÉE ASIATICA. MICHEL POSTEL, SON Musée d’art
oriental
FONDATEUR, A REÇU LA REVUE ACROPOLIS POUR UN ENTRETIEN. Asiatica

L e Biarrot Michel Postel quitte la


France à la fin des années qua-
rante, un diplôme d’école de com-
indiennes, Michel Postel ne se satis-
fait pas de cette réussite. En 1999,
aidé de son épouse madame Zhu
d’autres arts mineurs comme les
fameux papiers découpés chinois
et la peinture tissée sur soie.
merce fraîchement acquis, pour Xintian (1) il se lance un nouveau
vivre en Inde, à Bombay. Au sein de défi issu d’une aspiration lointaine Pénétrer le sens
ce continent qui le fascine et l’attire longuement mûrie : offrir à Biarritz, de la culture
depuis toujours, il souhaite réaliser sa ville natale, un musée digne de L’idée et la création du musée
son rêve : conjuguer sa vie d’hom- son aura internationale. Asiatica ne doivent rien au hasard
me industriel avec son amour de Sans soutien particulier, sur ses mais sont le fruit d’une construc-
l’art asiatique et son attirance pour fonds propres, il réussira à ériger, tion intérieure qui prend racine au
l’Inde. Après cinquante années pour la joie des amateurs comme sein du continent indien ajoutée à
d’efforts soutenus, son rêve de jeu- des spécialistes, le Musée d’art plusieurs années de recherche
nesse est vivant avec l’implantation oriental Asiatica. À ce jour le musée dans les différents domaines de
du laboratoire pharmaceutique Asiatica présente l’une des plus l’archéologie, de l’histoire, de l’ico-
Franco-Indian-Pharmatical et la grandes collections privées d’art nographie et du symbolisme asia-
création au sein du laboratoire en asiatique au monde avec près d’un tique. À ce propos, Michel Postel
1978 du département d’investiga- millier de pièces. Mais Asiatica est nous dit : «J’ai d’abord visité tous
tion culturelle sur l’art asiatique. aussi un centre culturel qui offre les monuments indiens. Puis j’ai
Aujourd’hui, l’œuvre indienne de sans cesse des activités publiques étudié cet art avant de fonder, au
Michel Postel est pérennisée par la les plus variées : expositions photo, sein de ma société, une section
mise en place d’une équipe de découvertes artisanales, ateliers culturelle qui a permis de structu-
chercheurs, d’érudits et d’indus- pédagogiques, conférences… Ainsi, rer mon action, de recruter un
triels qui peut lui succéder en toute à l’occasion du quarantième anni- conservateur, de faire des
quiétude. versaire de la reprise des relations recherches, de publier des
entre la Chine et la France, le musée, ouvrages (2). »
Le défi d’un musée privé par l’intermédiaire de sa conserva- Le visiteur qui pénètre au musée
À l’âge de 74 ans, enrichi de ces cin- trice madame Zhu Xintian, a présen- est accueilli par une distribution
quante années d’expériences té une exposition sur le thème des d’objets et de pièces groupés
arts picturaux en Chine. La selon quatre régions géogra-
calligraphie fut phiques sur deux étages (voir
mise à l’hon- encadré : petite visite guidée du
neur avec la musée Asiatica).
présentation La visite du musée est rendue
de très belles conviviale et pédagogique grâce à
pièces de la col- des fiches explicatives en plusieurs
lection privée de langues que l’on peut consulter à
madame Zhu tout instant autour de table mise à
Xintian ainsi que notre disposition. Des audio-
la peinture et guides riches en explications sont
20 Pièce en pierre représentant les dix avatars du
dieu hindou Vishnou XIIe - Musée d’art oriental Asiatica
également proposés à l’accueil pour les visiteurs Parmi les objets rituels, il faut mentionner un diadè-
désireux de mener une visite approfondie. me d’oracle en métal doré incrusté de pierres semi-
précieuses. Dans la même vitrine, est exposé un
Comme l’a exprimé son Excellence Kanwal Sibal, tablier noir d’exorciste, au milieu duquel est repré-
ambassadeur de l’Inde en France, lors de l’inaugura- senté une divinité farouche. Parmi les statues, enfin,
tion du musée le 5 mars 1999, «se rendre au musée on remarquera celle de Vajradhara (XVIIe siècle) enla-
Asiatica, c’est pénétrer le sens de différentes cultures cé avec la déesse Prajna en bronze doré avec des
et traditions qui ne peuvent que nous enrichir et nous pierres incrustées.
offrir une meilleure compréhension de nous-mêmes
et du monde afin que chacun puisse vivre dans une Le Népal-Himalaya
plus grande harmonie.» Au sein de la collection exposée au rez-de-chaussée,
se trouvent des pièces représentant la particularité de
Michel Postel devant les terres la civilisation newâr de la vallée de Katmandu qui
cuites de la déesse Mère et des
Yaksha (région de Kausambi et illustre la coexistence, durant plusieurs siècles, entre
chandraketugarth, IIe av.J.-C.)
le bouddhisme et l’hindouisme.
Plusieurs statues sont présentées et notamment celle
de Padmapani du XIVe siècle, bodhisattva de la com-
passion très populaire parmi les Bouddhistes de la
vallée de Katmandu. Est également exposé un magni-
fique bronze doré du dieu de la lune, Chandra, du
XVIIe siècle, adoré aussi bien par les Hindous que les
Bouddhistes. Sont à ne pas manquer de magnifiques
objets rituels, notamment une jarre en terre cuite
représentant le visage de Bhairava, une forme terrible
de Shiva. Nous trouverons enfin un temple miniature
à toits superposés qui initie le visiteur à l’architecture
Petite visite guidée newâr de la vallée de Katmandu.

du musée Asiatica La Chine


L’Inde Les jades, les ivoires et les porcelaines constituent
Au sous-sol sont exposés des objets de différentes l’essentiel des œuvres chinoises. Les jades préhisto-
provinces de l’Inde sur une période allant de deux riques présentant des animaux stylisés et les jades
mille ans avant notre ère au XVIIe siècle après J.-C.. À plus récents révèlent la grande finesse d’exécution
noter une exposition de statues en bronze d’une qua- des artistes et artisans chinois de l’époque Ming
lité rare allant du XIe au XVIIe siècle. Michel Postel, un (XIVe - XVIIe siècle). 
amoureux des boucles d’oreille indiennes, présente
au visiteur une collection insolite. Celle-ci côtoie, pour Musée d’art oriental Asiatica, 1 rue Guy Petit, 64 200
le charme des visiteurs, une présentation de bijoux en Biarritz.
Horaires d’ouverture : Lundi au Vendredi 10h30-18h30
or indien que vous pouvez retrouver dans un ouvrage
Samedi et Dimanche 14h-19h
intitulé Ear Ornaments of Ancient India. Notre visite Tarifs d’entrée :
de la civilisation indienne se poursuit au rez-de- Individuels
chaussée avec l’Inde du nord et une collection de sta- Enfants (8/12 ans) : 2,50 € Jeunes (13/25 ans) : 3 € Adultes
tues masques (mohra) de l’Himachal Pradesh. (+ de 26 ans) : 7 €
N’ayons pas peur des mots, cette collection est Groupes à partir de 10 personnes.
Enfants (8/12 ans) : 1,50 € Jeunes (13/25 ans) : 2 € Adultes
unique au monde. Vous trouverez également une (+ de 26 ans) : 5 €
salle consacrée à l’artisanat, aux textiles et aux minia- Téléphone pour réserver : 05 59 22 78 79
tures indiennes. Visites de groupes et Visites guidées sur rendez-vous.
www.museeasiatica.com
Le Tibet
(1) Mme Zhu Xintian (docteur d’État en histoire et archéologie
La section consacrée au Tibet est particulièrement d’Extrême-Orient.
riche. Nous retrouvons bien entendu les peintures (2) M. Postel est le fondateur du Project for Indian Cultural Studies
dirigé à l’heure actuelle par M. Mankodi (historien et philologue) et
tibétaines (thangkas) qui représentent les divinités avec lequel il a publié en collaboration avec M. Neven plusieurs
du bouddhisme tibétain, certaines datant du XVIe ouvrages dans le domaine de l’histoire de l’art, devenus des ouvrages
de référence (tel Antiquities of Himachal Pradesh en 1985).
siècle. Nous admirerons également des mandalas (3) Mandala : iconographie cosmogonique (représentation du monde)
tibétains (3) d’une qualité exceptionnelle. qui sert de support de méditation dans les monastères tibétains.

21
 Sagesse
Les Maîtres de sagesse
et leurs enseignements Par Isabelle Ohmann

QUI SONT CES MAÎTRES DE SAGESSE AUX POUVOIRS MERVEILLEUX DONT PARLENT
LES TRADITIONS D’ORIENT ET DONT L’EXISTENCE FUT POPULARISÉE EN OCCIDENT
AU XIXE SIÈCLE ? UN LIVRE RÉCEMMENT PUBLIÉ MÈNE L’ENQUÊTE (1).

C ’est Héléna Blavatsky qui, la pre-


mière, parla publiquement des
Maîtres de la sagesse, jusque là restés
par le développement de ses pouvoirs
latents. Ils sont simplement des êtres
plus avancés sur l’échelle de la progres-
dans l’ombre (2). Loin d’être de «purs sion spirituelle qui attend d’être gravie
esprits», les Maîtres de la sagesse sont par toute l’humanité.
avant tout des hommes, vivants et mor-
tels. De nombreux témoignages parlent Dépositaires de
de leur présence physique et de leur la connaissance
contact. Présentés comme des hommes Pourquoi les appeler Maîtres ? Parce qu’ils
parfaits ou des saints, ces Mahatmas, nous instruisent, répondait H.P. Blavatsky
des grandes âmes, sont parvenus au (3), et que toutes les vérités ésotériques
terme de leur perfectionnement intellec- qui nous sont parvenues proviennent
tuel et moral et ont acquis une parfaite d’eux. «Ils forment un ordre, une confrérie
Portrait du Mahatma Kout
compréhension des secrets de la nature. Houmi, un des maîtres de [la Fraternité Blanche] qui possède ses
madame Blavatsky. règles, ses lois et existe depuis des mil-
Guides et exemples liers d’années… Ce sont eux les gardiens
Les Maîtres de sagesse, écrit Erik Sablé, de la connaissance originelle, les déposi-
sont «ces Boddhisattvas de la tradition «Il est évident qu’il taires de cette tradition primordiale» écrit
bouddhiste qui, bien qu’ayant accompli encore Erik Sablé. Et c’est grâce à H.P.
existe, par ailleurs,
leur cycle terrestre, réalisé leur perfec- Blavatsky que leurs enseignements sur la
tion, restent en contact avec l’humanité une multitude de vie et l’évolution, les composantes de
pour l’aider, l’assister, participer à l’évo- saints, de yogis, de l’homme et le chemin spirituel, à la base
lution des formes. Ils sont comme des soufis, de sages, qui des plus grandes traditions, furent formu-
phares qui permettent à la famille se considèrent eux- lés par écrit à l’usage des aspirants à la
humaine de ne pas s’égarer dans cette mêmes ou sont sagesse occidentaux. Des enseignements
‘vallée des ombres’ qu’est notre monde considérés comme plus actuels que jamais dans notre monde
et de prendre pied sur l’autre rive. Ce des ‘Maîtres’, des en quête de sens. 
sont eux qui se manifestent de loin en ‘Gourous’, mais (1) La révélation des maîtres
loin comme Rishis, Bouddhas, instruc-
leur connaissance de la sagesse, leurs enseigne-
teurs, pour fonder une religion, répandre ments sur Dieu, la vie post-
un enseignement». Ils ne sont pas seule- et leur expérience mortem, le chemin spirituel et
Shambhala, Erik Sablé, Le
ment nos guides, mais des exemples de spirituelle restera mercure Dauphinois, 125
ce que chaque être humain peut devenir toujours limitée du pages, 10 €. À noter que Erik
Sablé a également publié La
fait qu’ils ne sont vie et l’œuvre de René
Schwaller de Lubicz, éditions
À lire - du même auteur : Pratique de la méditation.
pas régulièrement Dervy – voir notre interview
Après avoir rappelé l’importance de la maîtrise affiliés à la Grande dans la revue Acropolis n°183
de l’esprit dans la voie spirituelle, Erik Sablé (2) Parce qu’elle fut l’objet de
détaille les pratiques de méditation et propose Fraternité Blanche nombreuses calomnies, le
quelques thèmes. Un petit livre qui nous conduit livre d’Erik Sablé rappelle utilement la nécessité et
inexorablement au cœur de nous-même.
et par là reliés à la l’importance de réhabiliter cette grande ésotériste.
La méditation selon la voie de la connaissance, la source de toute Voir également notre article «H.P. Blavatsky,
pensée, le désir, le temps, l’espace, la contempla- une réhabilitation nécessaire» dans la revue
tion, Erik Sablé, Le Mercure Dauphinois, vérité.» Acropolis n°171.
80 pages, 12 € (3) La Clé de la théosophie, H.P. Blavatsky, éditions
Erik Sablé Adyar, 1976

22
 Philosophie à vivre

La loi du
Par Délia Steinberg Guzman
karma
ou les leçons de la vie

LE CONCEPT DE KARMA NOUS VIENT DE LA SAGESSE


INDIENNE. IL EXPRIME LA LOI D’ACTION ET DE RÉACTION,
CHACUN DE NOS ACTES ENTRAÎNANT AUTOMATIQUEMENT
LES CONSÉQUENCES APPROPRIÉES. QUEL EN EST LE SENS
PHILOSOPHIQUE ?

D e même que nous compre-


nons le blanc parce que nous
le comparons au noir, nous com-
nous intéresserions pas à la cause
de nos erreurs, nous n’essayerions
pas d’éviter les erreurs, ni de les
quence : la conséquence de quoi ?

Et rappelons-nous une fois de plus


prenons la loi par les effets qu’elle analyser pour trouver les défauts. que le véritable philosophe ne se
produit en nous et sur nos exis- contente pas des questions. Le
tences. Une chose est de vivre le karma pourquoi est une première réac-
Chaque fois que nous nous éloi- avec passivité, en supportant ses tion logique de la personnalité. Le
gnons du chemin, nous nous avertissements d’un esprit rési- plus important est la réponse aux
cognons contre ses murs latéraux, gné, autre chose, très différente, questions, c’est d’arriver à com-
qui, grâce à leur élasticité, nous est de l’interpréter pour se proje- prendre la racine de tout ce qui
ramènent dans le bon sentier. Ces ter dans le courant de la vie, dans nous arrive et cesser de nous
coups peuvent être plus ou moins son sens. Au lieu de nous arrêter considérer comme les éternels
forts, plus ou moins douloureux, sur nos plaintes et nos égoïsmes persécutés de la vie pour assumer
proportionnellement à notre éloi- qui nous amènent à considérer la nature de celui qui apprend de
gnement de la loi. Mais si nous notre douleur comme unique, au tout ce qui lui advient. 
n’avions pas ces effets doulou- lieu de jouir de la faiblesse du
Ce texte est extrait du livre Philosophie à
reux, nous ne tournerions pas les «pourquoi précisément à moi», il vivre, Délia Steinberg Guzman, Éditions des
yeux de notre âme vers le pour- faut aller à la poursuite des Trois Monts, 2002
quoi de cette douleur, nous ne causes. Les effets sont une consé- N.D.L.R. : le chapeau est de la rédaction.

23
 Question Philo
Les philosophies anciennes
sont-elles actuelles ? par Marie-Agnès Lambert

LES PHILOSOPHIES ANCIENNES SONT À LA MODE


les progrès techniques non contrôlés, les
AUJOURD’HUI. CES ENSEIGNEMENTS PLURIMILLÉNAIRES
pertes de valeurs, la robotisation…
SONT-ILS CAPABLES D’APPORTER UNE RÉPONSE Comment les philosophies anciennes
SATISFAISANTE AU MONDE MODERNE ? peuvent-elles répondre à toutes ces inter-
rogations ?

L a philosophie, (du grec Sophia, amour


de la sagesse) est atemporelle. Elle
existe depuis que les hommes utilisent
Pour Pierre Hadot (1), les philosophies
anciennes ne sont pas simplement des dis-
cours mais un art de vivre, une manière
leur raison pour penser. On ne peut dater d’être et de se comporter. Cette connais-
précisément la naissance de la philosophie sance ne s’acquiert pas sur le mode de
même si certains mettent en avant une l’avoir mais sur le mode de l’être.
période importante pour son expansion, «Connais-toi toi-même et tu connaîtras
comme le VIe siècle avant J.-C. . À cette l’univers et les dieux» était gravé sur le
époque, la philosophie s’est développée fronton du temple d’Apollon à Delphes.
presque simultanément en Chine avec Cette devise était et est toujours celle de
Lao-Tseu et Confucius, en Inde avec tout homme qui veut changer le monde en
Bouddha, en Israël avec le prophète Isaïe, commençant par se changer lui-même, qui
en Grèce avec Thalès de Milet, Héraclite cherche à se corriger et à se perfectionner
d’Éphèse, et plus tard avec Pythagore, en appliquant une vie morale fondée sur
Platon, Aristote et enfin à Rome avec l’em- les vertus, l’éthique, le respect des autres
pereur Marc Aurèle, Épicure, Épictète… et une conduite droite et juste. L’homme
Avec l’arrivée du Christianisme, le discours est lui-même quand il s’éveille à la
philosophique platonicien et aristotéli- conscience, quand il peut agir dans le
cien s’est séparé du mode de vie monde et quand il sait pourquoi il le fait. Ce
Il ne faut qu’il inspirait pour devenir un qui conduit Simplicius à dire «Quelle place
pas faire le philosophe, simple matériel conceptuel utili- le philosophe tiendra-t-il dans la cité ? Ce
mais philosopher réellement ; sé dans les controverses théo- sera celle d’un sculpteur d’homme.»
car nous n’avons pas besoin logiques. À la Renaissance, Être philosophe aujourd’hui, c’est être
avec la séparation de la foi et beaucoup plus qu’un intellectuel. Ce n’est
d’une apparence de santé,
de la raison, la philosophie pas seulement s’éveiller, chercher la véri-
mais de la santé véritable. occidentale a retrouvé une té, s’interroger et spéculer sur le sens des
Épicure, Lettre à Ménécée. autonomie qui a finalement choses. C’est, d’abord, avoir un regard
conduit à ce qu’elle est devenue toujours neuf sur le monde, c’est réactua-
aujourd’hui : un art spéculatif, une liser les modèles proposés par les Anciens
démarche purement théorique, une disci- pour trouver la meilleure voie pour vivre
pline enseignée à l’école et en université. sa vie. Philosopher, aujourd’hui, c’est sur-
De nos jours, il y a des professeurs de phi- tout pratiquer concrètement la philoso-
losophie, mais plus de philosophes ! phie dans sa vie de tous les jours, c’est
apprendre à vivre et rechercher la voie du
La philosophie un art bonheur. Et cela, les philosophes anciens
de vivre qui traverse l’avaient compris bien avant nous ! 
les époques
(1) Pierre Hadot, qu’est-ce que la philosophie antique ?
Il n’en reste pas moins que les hommes se Gallimard/folio, 1995
posent toujours les mêmes questions fon- À lire
Pierre Hadot, la philosophie comme manière de vivre,
damentales et qu’ils cherchent à mieux Albin Michel, 2001
vivre dans le monde actuel, déchiré par les Bertrand Vergely, la philosophie, Éditions Milan,
collection Essentiels, 1996
passions, les guerres, les actes terroristes Fernand Schwarz, la voie du bonheur, éditions
et barbares, la consommation effrénée, des Trois Monts, 1999

24
 La page de Calliope

Claude Nougaro Toulouse, la ville de


Claude Nougaro.

Le magicien du verbe Par Cathy Peythieu

C ’est avec l’espérance dans l’âme, le


coeur bouillonnant de flots de
Garonne, que le poète Claude Nougaro est
Armé d’amour
mort le 4 mars. Il nous aura légué, à tra- Un jour, un jour, c’est sûr
vers sa magie du verbe et du son, le rêve Reviendra le jour pur
d’un profond espoir en l’homme et d’un
immense respect de la nature, source vive
L’immense jour d’avant le Temps
de son inspiration … «les parfums de la Le couple moribond
terre les couleurs de l’eau l’or de l’été…». Se lèvera d’un bond
Mais s’il chantait, à travers le message de Armé d’amour jusqu’aux dents
sa «Plume d’Ange» : «La foi est plus belle …………………………………………………..
que Dieu», c’est que sa conception spiri- Je me courbe vers toi ma tremblante statue
tuelle et esthétique du monde cherche à
Le miel de mille ciels ruisselle de tes cils
élever l’âme au-dessus du jeu des réalités
trompeuses pour accéder à la magie du Qu’une ombre te traverse aussitôt je la tue
quotidien. L’ange revient alors sans cesse Que mon chant soit bloqué tu en dénoues le fil
pour rythmer le réel. Calmement tu t’endors quand je pars pour mes
L’extraordinaire puissance d’être qui l’a guerres
fait se mouvoir, a modelé cet homme à Le casque de mon front pour tout arsenal
l’allure de «Petit taureau» comme le potier
Je pars saigner de l’eau sous le feu des mystères
façonne la terre vers sa forme essentielle.
Son expression est belle et ses mots telle-
Une étoile de mer me fera général .
ment bien «ajustés» au chant de la vie. De ……………………………………………………
son «désert de papier blanc» naîtra l’hym-
Cet enfant surgira d’un silence de perle
ne à «Toulouse» où l’on devine la force
visionnaire du poète, capteur de mythes, De nos vies échangées dans un éclair d’azur
savant marieur de poésie et de musique. Et le noir aujourd’hui et l’effroi qui déferlent
Mais le poète est immortel, embellissant S’enfuiront à jamais poursuivis par les murs
le monde à travers la farouche liberté d’un Les murs d’une maison qui se nomme le monde
mysticisme sauvage, un espoir sans cesse Ouverte à tous les vents fredonnant des oiseaux
renouvelé en l’amour qui fait naître un
Il renaîtra de nous, ma brune à l’âme blonde
jour nouveau et meilleur.
Et la mort plus jamais ne fera de vieux os.
«Pour nous, il sera toujours une houle de Claude Nougaro, Extraits de «Armé d’amour»
lumière sur la mer océane de la poésie, un
souffle brûlant sur le champ magnétique de Vous pouvez trouver les paroles des chansons de Claude Nougaro
(110 textes disponibles) sur le site :
nos affections les plus secrètes». http://www.paroles.net/artis/1716
Henri Rozes. 

25
 Regard sur...
Les Maîtres à penser
Par Fernand Schwarz

I l y a deux manières de vivre pos-


sibles : on peut vivre sans philo-
sophie en se laissant vivre
marque de notre temps, l’arrogan-
ce de la pensée et les certitudes
envahissent le monde et déferlent
désespoir des orphelins de l’être ?
Comment parvenir à une vie
digne ? Certainement pas par un
paresseusement et voué à son sur notre quotidien. Comme si le repli sur soi mais par une élévation
confort matériel, comme le dit deuil imposé par la mort des qui donne de la grandeur à nos vies
Vergely (1). Mais on peut aussi grandes idéologies s’achevait et et l’envie de nous dépasser, qui
refuser de se laisser vivre n’accep- redonnait du tonus aux maîtres à suscite un nouveau souffle qui
tant pas de faire du confort et de la penser. […] Le dégel de cette ban- puisse nourrir notre esprit.
possession des biens matériels le quise de vanité produit, ces temps- Ce ne sont ni une idée ni un dis-
but de son existence. ci, ses premiers icebergs et cours intellectuel qui nous l’appor-
Les philosophes de tous les temps annonce des nouveaux Titanics teront mais bien des choix de vie
et, à dire vrai, tous ceux qui ont politiques et intellectuels» (2). qui nous incitent au courage, à la
décidé de contribuer au progrès de tempérance, à l’équanimité, à la
l’être humain, ont compris que le «Quelle névrose s’empare de solidarité et nous obligent à sortir
confort et la paresse ne pouvaient nous ? Nous sortons d’un siècle de notre confort ; en réalité, ce sont
être des buts en soi. de ténèbres, les plus noires et les parmi les vertus atemporelles qui
Les hommes et les sociétés qui se plus sanglantes que cette terre ont permis aux hommes et aux
laissent vivre, sans rien faire pour ait connues et, déjà, nous com- peuples de sortir vainqueurs d’eux-
leur destinée, s’appauvrissent et mettons les mêmes erreurs mêmes et de se libérer des chaînes
s’affaiblissent, moralement et qu’hier. Une forme nouvelle de de toute dictature. 
matériellement. Ils ne cessent pas totalitarisme s’installe dont nos
simplement d’avoir une vision élites politiques, économiques
(1) Dictionnaire de la philosophie, Bertrand
d’avenir, mais ils deviennent inca- intellectuelles et médiatiques Vergely, Édition Milan, 254 p, 24 €
pables de comprendre la réalité sont les avocats zélés» (2).
(2) Denis Jeambar,
présente. Tout devient creux. La Les dictateurs à penser,
sagesse s’en va et les maîtres à Un paraître normatif et de et autres donneurs
de leçons, Editions du
penser arrivent. paillettes s’est installé. Il Seuil, 118 pages, 10 €.
empêche toute transformation et
Les donneurs de leçon qui, en réa- progression réelles et veut endor-
lité, n’ont jamais rien appris de la mir tout à chacun dans le confort
vie s’instaurent, comme le dit et la paresse à penser et à faire.
Denis Jeambar, en «dictateurs à Comment éviter alors le sentiment
penser». «La modestie n’est pas la d’absurdité, de tristesse et de
26
 A lire
Sagesses de l’Inde Par Anne Notaras

L’INDE A CECI DE PARTICULIER, QU’ELLE Vedânta (3) qui illustre admirablement l’ensei- Vous
EST LE PAYS D’UNE SPIRITUALITÉ VIVANTE. gnement du grand sage. Après une introduc- pouvez
ALORS QUE LES SAGESSES DE L’ÉGYPTE tion destinée à démontrer les réticences de visiter toute
l’auteur à «tout ce fatras oriental», le livre se
ET DE LA PERSE OU LES GRANDES PHILO- la Terre, vous
révèle d’une simplicité extraordinaire, sans
SOPHIES DE LA GRÈCE ET DE ROME NE être pour autant réducteur, marque d’un ensei-
ne trouverez
SUBSISTENT PLUS QUE DANS LES LIVRES, gnement vécu et non livresque, à l’image de nulle part la
LES TRADITIONS DE L’INDE CONTINUENT celui de Ramakrishna lui-même. Y sont abor- vraie religion.
À EXISTER À TRAVERS DES SAGES dés avec clarté le cheminement spirituel et les Elle n’existe
grands thèmes de la philosophie vedantine. pour vous
CONTEMPORAINS ET LEURS ÉCOLES.
EN TÉMOIGNENT DEUX LIVRES RÉCENTS La lumière de Mâ Ananda Moyî
que dans
L’UN SUR RAMAKRISHNA (1) ET L’AUTRE votre
Mâ Ananda Moyî fut la femme la plus vénérée
SUR MÂ ANANDA MOYÎ (2). en Inde au XXe siècle et son rayonnement cœur.
s’étendit sur le monde entier et auprès de Ramakrishna
fidèles de multiples religions. Sans cesse en
Ramakrishna,
déplacement, celle qui fonda de nombreux
un maître mystique
ashrams enseignait de façon déroutante,
L’ouvrage de Rachel et Jean-Pierre Cartier se informelle, spontanée et souvent drôle. Mais
veut une biographie de Ramakrishna. Sans elle ne cessait de répéter : «la vocation de
doute n’y a-t-il rien de nouveau, mais on (re)lit l’homme est de trouver Dieu» en prônant,
avec bonheur cette narration captivante des comme Ramakrishna, la voie de la bakthi,
grands épisodes de la vie du Maître, qui n’est celle de la dévotion ardente. Cette réédition
pas sans rappeler, à bien des égards, saint nous présente ses enseignements sous
François d’Assise. Petit moine hindou sans ins- forme d’exposés et de dialogues. Les réfé-
truction, né dans un village perdu du Bengale, rences aux termes sanscrits (aidés par un
Ramakrishna devint à la fois un des plus glossaire) et aux traditions hindouistes, la
grands dévots de la Déesse, la Mère Divine profondeur de la pensée, incitent à recom-
ainsi qu’il l’appelle et le chantre de la tolérance mander cet ouvrage à tous les amoureux des
religieuse. «Il prêchait une religion ouverte, sagesses de l’Inde.
dénuée de tout fanatisme, ce qui l’amena à
étudier le christianisme et l’islam au point de Enfin, on n’oubliera pas le livre de Alexandre
devenir, sans renier pour autant l’hindouisme, Archaka (4). Disciple de Sri Aurobindo, l’au-
un véritable Maître soufi.» Et l’on admire, sans teur a passé vingt ans dans un ashram en
toutefois comprendre, le mystère de cet être si Inde. Dans cet ouvrage, il nous incite à regar-
détaché du conditionnement de la vie, au point der de plus haut le clivage matérialité-spiri-
d’être plongé parfois plusieurs mois dans des tualité qui, selon lui, n’a plus vraiment raison
états extatiques, et capable, en même temps, d’être. Nos faiblesses humaines les plus
de manifester une compassion concrète pour criantes nous mèneront, presque à notre
les êtres qu’il côtoyait au point de laisser der- insu, à l’Unité, à franchir le «mur de la lumiè-
rière lui non seulement des ashrams, mais des re» et à rejoindre notre origine divine. Un livre
écoles, des orphelinats, des universités, des fort et inspiré. 
hôpitaux, des dispensaires, tous nés de l’en-
(1) Ramakrishna, un Maître pour notre temps, Rachel et
thousiasme du Maître et de ses disciples, Jean-Pierre Cartier, La Table Ronde, 172 pages, 13 €
parmi lesquels Vivekananda à qui il confia la (2) L’enseignement de Mâ Ananda Moyî, Traduit
par Josette Herbert, Albin Michel, Spiritualités vivantes, 378
continuation de son œuvre. pages, 8,60 €
Auteur également d’une biographie de (3) Une approche du Vedânta, Christopher Isherwood,
Editions du Rocher, 140 pages, 16 €
Ramakrishna, Christopher Isherwood a publié (4) Le mur de la lumière, Alexandre Kalda ARCHAKA,
récemment un petit livre personnel sur le Éditions du Rocher, 181 pages, 17 €

27
 A lire
Philosophie... Matrix, machine philosophique
Alain BADIOU
représentation du réel par les
machines se révèle néanmoins
imparfaite. La liberté intellec-
et cinq autres auteurs
Ellipses, 191 pages, 12 €
tuelle et physique de l’homme
La philosophie, c’est la vie
enchaîné apparaît donc comme
Lou MARINOFF
«Matrix, machine philoso- une question transversale à
La Table Ronde, 415 pages, 19 €
phique» est un essai constitué tout le livre en parallèle au film.
S’appuyant sur des citations de de treize textes et d’un glossaire
philosophes de tous les temps où s’interpénètrent différentes Le capitalisme
et des exemples vécus, l’auteur interprétations philosophiques est-il moral ?
propose des réponses pos- des deux premiers films de la André COMTE-SPONVILLE
sibles et pertinentes à nos trilogie «Matrix». Ce très riche Albin Michel, 236 pages, 15,90 €
problèmes quotidiens. Le hit ouvrage s’ingénie à mettre en S’appuyant sur Pascal pour
parade des idées en fin de lumière concepts classiques, éclairer son analyse, l’auteur en
volume est une approche références moins connues et vient à la conclusion suivante :
pédagogique plaisante de la prospectives philosophiques «C’est parce que l’économie
philosophie. De lecture facile. contenues dans le film à l’atten- (notamment capitaliste) n’est
qui permette une espérance
tion d’un lectorat studieux, pas plus morale que la morale
À la recherche du sens commune à tous les hommes
d’où le glossaire. En bref, Matrix n’est rentable que nous avons
perdu en questionnement et consti-
apparaît comme une mise en besoin des deux. Et c’est parce
René LENOIR
tue les fondements possibles
scène version «techno» de l’al- qu’elles ne suffisent ni l’une ni
Éditions Michalon, 238 pages, 17 €
d’un monde équitable et soli-
légorie de la caverne inspirée de l’autre que nous avons besoin,
daire, pour relever le défi du
Platon, où la machinerie ne se tous, de politique.»
L’auteur puise dans la science, monde inacceptable qu’est le
contente pas d’entretenir l’illu-
la philosophie, la spiritualité, nôtre aujourd’hui. Un ouvrage
sion de la réalité, comme le
les bases d’une cosmogonie, qui joint la hauteur de vue à la
voile de Maya, mais se nourrit
«vision de la place de la vie et volonté de réunir. De lecture
littéralement de l’homme. La
de l’homme dans l’univers», aisée, à recommander.

Spiritualité... Enfants indigo une nouvelle


conscience planétaire
Sylvie SIMON
Il n’y a ni mort ni peur Éditions du Rocher, 207 pages, 18 €
THICH NAT HAN
La Table Ronde, 175 pages, 13 € Ainsi appelés à cause de la cou-
leur de leur aura, ces enfants,
Une réflexion mystique et poé- de plus en plus nombreux, sont
tique sur la mort – la plus puis- difficiles, déroutants, souvent
sante de nos illusions La spiritualité au quotidien
Pascal MICHEL porteurs de facultés exception-
humaines – et sur le moyen, en nelles et d’une sagesse inhabi-
réapprenant à contacter notre Éditions du Rocher, 218 pages, 14,90 €
tuelles. Ils seraient venus sur
vraie nature, éternelle et une, Les réflexions qu’inspirent à terre en ces temps difficiles,
de trouver la paix intérieure. l’auteur 17 verbes, de écouter à selon nombre d’entre eux, pour
être, en passant par agir, se aider l’humanité à franchir un
taire, mentir, souffrir, changer, cap. Un ouvrage clair, sobre, qui
rire, prier, etc. interroge.

Traditions et cultures...
La Mythologie gréco-latine Sur les pas de George Sand
et l’Histoire ancienne à travers Gonzague SAINT BRIS,
100 chefs-d’œuvre de la peinture illustrations de
François LEBRETTE, Philippe MORIN
Pr Alain SCHNAPP Presses de la
Presses de la Renaissance, Renaissance,
224 et 220 pages, 29 € chacun 94 pages, 26 €

Un livre d’art, d’un format et


d’un prix modeste, d’excellente
qualité et d’une présentation
remarquable. Chaque double Contes des sages taoïstes
page traite d’un thème avec, Un très beau livre Pascal FAULIOT
sur la page de gauche, un texte d’un format original,
Seuil, 249 pages, 15 €
auquel fait vis-à-vis, sur la page où chaque texte
de droite, un tableau célèbre. est mis en valeur Agréable à manier et riche d’une
Une plongée dans l’Antiquité, par des aquarelles. Paysages décrits par George Sand, manoirs et iconographie en couleur, ce petit
élément essentiel de notre civi- châteaux du Berry, tout ce qu’elle a connu prend vie ici. Le lecteur livre nous raconte des histoires
lisation européenne, comme est sous le charme et les sortilèges de ce qui a nourri l’œuvre de la chinoises poétiques, voire
en témoigne la peinture occi- «bonne dame de Nohant». Un vrai plaisir ! magiques, toujours porteuses
dentale qui s’en est inspirée. de la sagesse de la voie du Tao.

2828
28
 A lire
Questions de société... Sciences et Nature...
Les chiffonniers d’Emmaüs notre planète et auxquels l’au-
Boris SIMON teur nous motive en estimant
Michalon, 313 pages , 17 € leur impact collectif. Une attitu-
de positive et concrète qui fait
Cinquante ans après sa paru- tant défaut à tous les accords et
tion, la réédition du récit des traités internationaux.
débuts et de l’expansion de la
Communauté d’Emmaüs, par Enquête sur les plantes
un ami proche de l’abbé Pierre magiques
qui a consacré plusieurs Michèle BILIMOFF
années de sa vie à promouvoir Éditions Ouest-France,
l’œuvre de ce dernier. 127 pages, 15 ¤

La France qui tombe Livre d’images sur papier glacé,


Nicolas BAVEREZ cet ouvrage nous raconte l’his-
Perrin, 134 pages, 12,50 € toire de ces plantes, auréolées
de mystère. Complices des
Historien, économiste et édito- humains pour le meilleur et
rialiste, l’auteur met ses quali- pour le pire, elles sont bien
tés dans ces trois disciplines au Sauvez cette planète ! réelles et contribuent à appor-
service d’un portrait sans indul- mode d’emploi ter la part de rêve dont chacun
gence de la France du dernier Dominique GLOCHEUX de nous a besoin.
quart de siècle : un déclasse- JC Lattès/Glocheux, 283 pages, 12 ¤
ment dans tous les domaines,
Des actes quotidiens simples à
dû à l’incapacité des uns, à la
mettre en place pour répondre
démagogie des autres et à
aux dangers qui menacent
l’aveuglement de beaucoup.

Biographie...
Ne dites pas à Dieu
ce qu’il doit faire
François DE CLOSETS
Coup
Éditions du Seuil, 443 pages, 23 €

Sous la plume de François de


de cœur !
Closets, ce récit de la vie
d’Einstein prend la force d’une Les Connexions
épopée. Seul et contre tous, il invisibles
est devenu ce qu’il voulait être, Une approche systémique
le rénovateur de la physique. du développement durable
C’est le roman d’un homme de
science mais aussi d’un siècle Fritjof CAPRA
porteur d’espérances et de bar- Editions du Rocher,
barie tout à la fois. Avec 340 pages, 25 €
Einstein, le pacifiste, l’humani-
té entre dans la préhistoire de Un livre de Fritjof Capra est toujours un événement dans le
l’ère nucléaire. monde de la pensée. Encore une fois, dans cet essai qui syn-
thétise les grands courants de la pensée scientifique actuel-
le, Fritjof Capra s’emploie à proposer une alternative aux
ravages du capitalisme mondial, voué à l’échec et qui doit
Roman... être repensé. «Cette nouvelle approche permet d’envisager
la dimension spirituelle de l’existence dans une perspective
parfaitement compatible avec les enseignements tradition-
Le Prêtre du Temps nels et la spiritualité.»
Pierre JOVANOVIC
«Les Connexions invisibles» décrivent comment la vie biolo-
Le jardin des Livres, 320 pages,
gique et sociale peut être interprétée dans une vision systé-
22,71 €
mique fondée sur les interactions entre les différents plans,
Un livre étrange et fascinant où seule garante de développement durable. Pour Capra, la
les hiéroglyphes tiennent lieu société en réseau, qui transforme déjà le pouvoir et la cultu-
de titres de chapitres. Son re, doit être un moyen et non une fin et savoir toujours res-
héros, prêtre d’Amon, familier ter reliée à son grand modèle, la nature. C’est le socle
des dieux et de Celui dont ils théorique sur lequel reposent les solutions pratiques que
sont le visage, vit au XXe siècle Fritjof Capra a recueillies à diverses sources, car l’ouvrage se
av. J.-C., dans l’Égypte antique veut concret et propose de nombreuses voies d’applica-
mais, fils du Temps, s’y déplace tions, pour la plupart déjà en œuvre dans tel ou tel coin de
à travers les millénaires pour lui la planète.
à venir.

29
 Agenda

Le Maniérisme
l’Italie à la cour de France
Par Jean-Marc Baché

L e Maniérisme est
une des période
de l’histoire de l’art
avec Galilée et brûlée avec Giordano Bruno. Cette pen-
sée néo-platonicienne était le ciment d’une conception
unitaire de l’homme, de la culture et de la nature,
les plus paradoxales. reliant les aspects spirituels et matériels de la vie, qui
Primatice (1504-1570),
la Muse Polymnie, dessin Toute tentative pour se reflétait dans l’art.
pour la Galerie Basse de
Fontainebleau, Louvre. le définir avec des Face à la crise morale de cette époque, la vision aristo-
concepts généraux télicienne resurgit et sortira triomphante au concile de
est d’avance vouée à l’échec et pourtant les œuvres de Trente. On essaie de maintenir à flot le radeau d’un
cette période se distinguent presque au premier coup rêve brisé sur lequel le vent du génie ne souffle plus.
d’œil. En effet, par comparaison, avec des œuvres de la Le mystère de la vie chez Léonard de Vinci est rempla-
haute Renaissance, elles apparaissent étrangement cé par des références confuses à l’ésotérisme et à l’al-
désuètes. Les tons plus acides y dominent, la composi- chimie chez Vasari. La grâce spirituelle de madones de
tion y est souvent plus confuse, les formes sont soit Raphaël ou l’élégance morale de son courtisan sont
plus naïves soit d’une élégance formelle un peu sèche transformées en élégance glacée chez Pontormo ou
ou alambiquée. Il y a toujours quelque chose de trop… affectée chez Rosso. Au combat entre la chair et l’esprit
Et pourtant les œuvres de cette époque se font l’écho des œuvres de Michel-Ange se substitue soit la vision
de préoccupations qui nous sembleraient très mystique du Greco, soit l’érotisme galant de l’école de
modernes eu égard au paradigme apparemment loin- Fontainebleau. Cette «manière» des maîtres que l’on
tain de la haute Renaissance. essaie de maintenir n’est que le fumet agréable qui
La clef du paradoxe est justement là ; une certaine permet d’avaler le pain de la décadence.
vision de l’homme ressuscitée dans le creuset de la La France commence à donner le ton à l’Europe, elle
Florence médicéenne grâce à la pensée néo-platoni- cherche à accueillir des décorateurs plus que des pen-
cienne des émules de Ficin et de Pic de la Mirandole a seurs. Elle accueille Rosso et Fiorentino mais humiliera
été brisée avec les sacs de Rome et Florence ; muselée Bessarion, le dernier sage. 

VIIIe concours 2004


• Primatice • La Pietà de Rosso • Véronèse profane
de poésie du Cercle Calliope
Du 20 septembre 2004 Du 23 septembre 2004 Du 22 septembre 2004
au 03 janvier 2005 au 13 décembre 2004 au 30 janvier 2005 "L’ autre"
Hall Napoléon Aile Richelieu L'autre, l'autre soi-même,
Grand interprète de la pein- l'Autre... autant de possibilités
Hommage au peintre italien Formé à Florence, peintre, ture vénitienne du XVIe d'envisager notre relation à
Francesco Primaticcio, dit décorateur, concepteur de siècle et influencé par le la vie, de passer du "un"
Primatice qui servit les rois décors fixes et éphémères, Maniérisme, Paolo Caliari dit au "deux", au multiple.
François 1er et Charles IX. Il d’objets d’art, Fiorentino «Véronèse» est le peintre
incarne la quintessence du Rosso a été appelé à la cour profane par excellence qui Calliope est
maniérisme et l’accomplisse- du roi François 1er et devint réunit les deux grandes tradi- le cercle de
ment de la Renaissance fran- maître de chantier de Fon- tions picturales : la tradition poésie de
çaise. Exposition pour le tainebleau, où il conçut les toscano-romaine avec son Nouvelle
500ème anniversaire de sa décors du roi, dans la galerie goût pour la représentation Acropole, créé
naissance. François 1er. mythologique et allégorique en hommage à
et la tradition vénitienne son fondateur
• Le Maniérisme dans Musée du Louvre - Paris 1er avec la splendeur et la Jorge Livraga,
Tél : 01 40 20 50 50
la sculpture française magnificence des couleurs. poète et
philosophe.
du 22 septembre 2004 19, rue de Vaugirard
au 20 décembre 2004 75006 Paris
Tel : 01 42 34 25 95 http://monsite.wanadoo.fr/calliope

30
4 jours et 3 nuits
du lundi 18 au jeudi 21 avril 2005

...EGYPTE
voyage accompagné par Isabelle Ohmann

Inscriptions jusqu’au 1er décembre 2004


Florence est une ville au destin exceptionnel : cité

Terre des Dieux indépendante, foyer culturel et humaniste, elle


abrita les plus grands artistes d’une époque et
leur rayonnement suscita la Renaissance dans
toute l’Europe. De cette ville on ne peut qu’être
ébloui par tant de beauté qui s’offre à nos yeux. Le
Dôme et sa coupole érigée par Brunelleschi ; le
couvent San Marco et les délicates fresques de Fra
Angelico ; le musée des Offices où rayonne
Botticelli ; le Palais Pitti et sa collection unique de
tableaux de Raphaël ; la chapelle des Médicis et
les puissants tombeaux sculptés par Michel-Ange ;
les églises et les palais de la Renaissance ; tout
nous parle d’une époque où l’esprit de l’homme
éclairait la vie de la cité.

Florence Capitale de la Renaissance


« Quand on contemple Florence du haut de San Miniato et qu’on voit comment
elle est encadrée par ses montagnes et traversée par son Arno comme par une
artère vitale, quand l’âme remplie de l’art de ses galeries, de ses palais, de ses
églises, on se promène l’après-midi dans ses collines avec leurs vignes, leurs
oliviers, leurs cyprès où chaque pied de terre, dans les chemins, les villas, les
champs, est saturé d’une culture et d’un passé prestigieux, où une pellicule
du vendredi 11 au dimanche 20 février 2005
d’esprit recouvre cette terre comme un corps astral, alors nous vient le
voyage accompagné par Isabelle Ohmann sentiment qu’il se pourrait bien que l’opposition de la nature et de l’esprit soit
1390 euros en chambre double ici abolie. »
Inscriptions jusqu’au 1er décembre 2004 Georg Simmel, Rome, Florence, Venise

Ce voyage très complet vous emmène dans les plus


grands sites de l’Egypte pharaonique. Le Caire avec
ses célèbres pyramides, Karnak et Louxor et les
tombeaux stupéfiants de la vallée des rois, des
reines et des artisans, les temples ptolémaïques de

... Florence
Denderah, d’Edfou et de Philaë. Des visites étendues
des sites sont prévues pour une découverte en
profondeur des richesses de l’Egypte.
Ce séjour vous offre aussi le temps d’escapades
pour flâner sur les rives du Nil ou marchander dans
les souks toujours très animés.
Confort de vol, bus conditionnés, choix des hôtels
(4 ou 5 étoiles) et qualité des restaurants ont été
minutieusement étudiés pour votre plus grand
agrément.
Le choix des visites et les conférences d’accom-
pagnement durant le voyage vous offriront une
bonne introduction au symbolisme de la civilisation
égyptienne.

Un voyage inoubliable pour tous ceux que


l’Egypte fascine !
« Saisissez le message de celui qui est au seuil de la mort. Que chaque homme
se fasse aimer de son prochain. Que la rectitude soit repectée dans tous les
discours. Je vous parle avec mon cœur, générations futures, et j’attends de
vous que vous répondiez.»
Les avertissements d’Iouper — 200 av. J.-C.

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de la philosophie à la manière classique,
c’est-à-dire une philosophie pas seulement
intellectuelle et théorique, mais une
philosophie à vivre pour une existence plus
humaine et plus épanouie. Elle est
également tournée vers l’avenir et la
jeunesse. Elle aspire, comme tous ceux qui
se sentent responsables, à laisser un monde
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par une éthique humaniste, elle œuvre
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culturelle fondée sur les valeurs essentielles
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