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potentiellement thérapeutique, sur, par exemple, la Alors qu’une première autorisation de mise
prolifération des cellules, les systèmes respiratoire sur le marché a été délivrée en janvier 2014
et cardiovasculaire, l’inflammation, le système pour le Sativex, ce médicament à base de
immunitaire, le cerveau (plaisir, douleur, appétit, cannabis, destiné à certains patients de sclérose
nausées, etc.). Les cannabinoïdes sont soit activateurs, en plaques, n’a toujours pas été commercialisé.
soit inhibiteurs cellulaires, selon les tissus concernés. Aucun accord n’a été trouvé sur le prix auquel
Le cannabis – avec toutes les molécules qui le il pourra être remboursé. Les associations de
composent – est, lui, considéré comme un dépresseur patients atteints de sclérose en plaques, ainsi
[qui ralentit le fonctionnement – ndlr] du système que le directeur du laboratoire espagnol chargé
nerveux central, donc du cerveau. de sa commercialisation, évoquent une peur des
Pourquoi le cannabis médical est-il toujours autorités françaises.
interdit en France, alors que plus d’une trentaine Je ne peux pas répondre pour les autorités chargées de
de pays en Europe et en Amérique l’ont autorisé la fixation du prix, mais il me semble que du côté de
sous diverses formes ? l’Agence du médicament, tout a été fait pour qu’une
Le terme de cannabis peut être un frein au autorisation de mise sur le marché soit possible, et
développement de son usage à visée médicale. Ce de façon rapide. La ministre précédente [Marisol
qui peut soigner, ce sont certaines molécules extraites Touraine, dont Nicolas Authier a été conseiller –
du cannabis, des cannabinoïdes, utilisées seules ou ndlr] a fait changer la loi pour cela et je n’ai pas
en association, et dont on va optimiser l’usage en ressenti de frilosité dans le milieu médical vis-à-vis
réduisant notamment les risques liés soit au THC lui- du Sativex. Il n’y a d’ailleurs aucune raison, compte
même, soit au mode de consommation comme le joint. tenu de conditions de prescription restreintes et d’une
population concernée plutôt faible. Et, encore une fois,
Il faudrait parler de cannabinoïdes thérapeutiques.
parce que ce n’est pas un médicament qui présente
Cela permettrait aussi de dissocier cet objectif médical
un risque supérieur à des traitements déjà disponibles,
du débat sur la dépénalisation ou la légalisation de
comme certains antalgiques dérivés de la morphine ou
l’usage récréatif du cannabis. Le statut de stupéfiant
psychotropes comme les benzodiazépines.
du cannabis ne doit pas être un frein au développement
des médicaments cannabinoïdes. Nous disposons bien « Il n’est pas question de stigmatiser ces
de médicaments à base de morphine, qui est aussi une patients »
substance stupéfiante et pas moins à risque en cas de Certains de vos patients utilisent-ils du cannabis
mauvais usage que le cannabis. pour se soigner ?
Le véritable défi est de montrer scientifiquement Oui, c’est le cas actuellement pour deux de mes
l’intérêt de ces substances cannabinoïdes actives, de patients dans les suites de douleurs chroniques rebelles
les extraire ou de savoir les synthétiser, et enfin aux autres antalgiques. Ces patients rapportent un
de trouver un mode d’administration sans risque ou soulagement de leur souffrance dans sa globalité, et
à moindre risque. La forme fumée, à travers les notamment sur le plan émotionnel. Nous essayons
joints, est un non-sens d’un point de vue médical ; en priorité de réduire les risques liés au THC et
la vaporisation, avec par exemple des cigarettes à l’inhalation. Je crois que nous pourrions presque
électroniques comme cela se fait déjà, est une première dire que la plupart des usagers qui rapportent un
avancée vers un moindre risque. Mais cela n’est pas usage de cannabis non récréatif sont dans un usage
forcément adapté à des traitements de fond de maladies thérapeutique.
chroniques. Et finalement, ils sont assez nombreux dans ce cas,
à l’utiliser pour soulager certaines souffrances ou
inconforts. Mais cela ne valide pas complètement le
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cannabis comme un bon médicament et ne permet pas Dans un avis de novembre 2015 sur le cannabidiol,
de réduire les risques associés ou d’homogénéiser les la commission des stupéfiants que vous présidez
pratiques. L’exemple du joint pour s’endormir le soir s’était montrée sceptique sur l’absence d’effet
étant probablement le plus fréquent. Néanmoins, cela psychotrope du cannabidiol. Quelle est votre
ne fait pas pour autant du cannabis (résine ou herbe) un position aujourd’hui ?
bon hypnotique, notamment sur la qualité du sommeil. Pour l’instant, il n’y a pas eu de signaux inquiétants
Il serait très intéressant que les autorités sanitaires remontés du point de vue sanitaire avec le cannabidiol.
s’emparent de cette question des cannabinoïdes Il a forcément un effet sur le système nerveux central,
thérapeutiques pour définir une véritable politique puisqu’il a des effets sur l’épilepsie et sur la douleur,
d’usage thérapeutique, cohérente, sécurisée et et que de nombreux revendeurs lui prêtent des effets
bienveillante. apaisants ou relaxants qui font penser à un effet
Il n’est pas question de stigmatiser ces patients qui anxiolytique. Son mode d’action va d’ailleurs dans ce
cherchent à soulager une souffrance. En pratique, sens. Mais il n’a probablement pas un fort potentiel
il faut actuellement essayer de faire en sorte que à visée d’usage récréatif aux doses habituellement
leur consommation soit à moindre risque et qu’ils utilisées. Il faut aussi rester prudent en l’absence de
ne développent pas de phénomènes de dépendance. niveau de preuve suffisant, car on voit clairement un
Néanmoins, ils peuvent avoir affaire à la justice s’ils business se développer sur cette substance. Il ne serait
prennent leur voiture ou s’ils font pousser chez eux pas acceptable de tromper des patients en souffrance.
des plants, car cela reste interdit. Certains magistrats Les produits, comme certaines huiles de CBD,
peuvent se montrer indulgents sous couvert d’un contenant moins de 0,20 % de THC sont-ils légaux
certificat médical, mais c’est la loterie. Plus nous en France ?
aurons de médicaments commercialisés à base de Non, il n’existe pas de seuil en dessous duquel le
cannabinoïdes, plus cela crédibilisera la démarche de cannabis serait légal. Le THC lui-même est interdit,
ces patients qui consomment à visée thérapeutique. c’est un stupéfiant. La loi dispose que certaines
Pour cela, il faudrait qu’il y ait des recherches plantes de cannabis sont autorisées uniquement à
en France sur ces cannabinoïdes, or il semble visée cosmétique, alimentaire ou vestimentaire, parce
très compliqué pour les chercheurs et chercheuses qu’elles contiennent moins de 0,20 % de THC. On ne
d’obtenir des autorisations. peut utiliser que les fibres ou la graine. Si on fabrique
L’Agence du médicament peut autoriser des un liquide contenant du CBD et du THC, cela devient
recherches sur des produits dérivés du cannabis si illicite. Le CBD lui-même n’est pas interdit, mais il
la sécurité des patients est assurée. Mais ce n’est faut être sûr qu’il y a 0 % de THC dans votre liquide.
pas à l’agence d’initier ces travaux et il est vrai Sauf s’il s’agit d’une préparation pharmaceutique avec
qu’il y a encore assez peu d’équipes de recherche une autorisation de mise sur le marché.
en France qui se sont emparées de la thématique Boite noire
des cannabinoïdes thérapeutiques. Ces substances L’entretien a été relu par Nicolas Authier, qui a précisé
doivent, si elles sont présentées avec des allégations certains points sans modifier le fond.
thérapeutiques, montrer une balance bénéfices/risques
satisfaisante dans l’intérêt premier des patients.
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