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Guy GOFFETTE
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Je me disais aussi : vivre est autre chose
que cet oubli du temps qui passe et des ravages
de l'amour, et de l'usure - ce que nous faisons
du matin à la nuit : fendre la mer,

fendre le ciel, la terre, tour à tour oiseau,


poisson, taupe, enfin : jouant à brasser l'air,
l'eau, les fruits, la poussière ; agissant comme,
brûlant pour, allant vers, récoltant

quoi ? le ver dans la pomme, le vent dans les blés


puisque tout retombe toujours, puisque tout
recommence et rien n'est jamais pareil
à ce qui fut, ni pire ni meilleur,
qui ne cesse de répéter : vivre est autre chose.

In Poésie d'aujourd'hui à haute voix, Poésie/Gallimard.

Jean-Luc MARION - L'enfer...

" L'enfer, c'est les autres " est un complet contresens :


l'enfer c'est la fin des autres;
les autres seuls mettent fin à l'enfer.
L'enfer, c'est l'enfermement,
l'enfermement en moi.

in Entretien, Le Point Hors-série n° 17, avril-mai 2008.

Henry BAUCHAU – Matines

Que l’homme dans le temps utile

Soit l’impatience d’exister


Et l’âme dans les eaux nubiles

Ouverte à l’immobilité

Peu de précèptes, la clarté

Peu de paroles de prière

Et cette sobre ébriété

Dans l’abondance de lumière.

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Henry BAUCHAU – La règle

Avec mes pierres carrées

Je t’enfermerai dans une œuvre

Car tu es coureur de chagrins

Et la règle est d’apprendre à rire

Homme

Avant de mourir.

In La main et l’esprit – Autour de la vision poétique d’Henry Bauchau et d’Almert Palma, Éd.
D’Art, événementiels, films.

Blaise CENDRARS - Pâques à New-York

.Seigneur, c'est aujourd'hui le jour de votre Nom,

J'ai lu dans un vieux livre la geste de votre Passion

Et votre angoisse et vos efforts et vos bonnes paroles

Qui pleurent dans un livre, doucement monotones.

Un moine d'un vieux temps me parle de votre mort.

Il traçait votre histoire avec des lettres d'or

Dans un missel, posé sur ses genoux,

Il travaillait pieusement en s'inspirant de Vous.

A l'abri de l'autel, assis dans sa robe blanche,

Il travaillait lentement du lundi au dimanche.

Les heures s'arrêtaient au seuil de son retrait.

Lui, s'oubliait, penché sur votre portrait.


A vêpres, quand les cloches psalmodiaient dans la tour,

Le bon frère ne savait si c'était son amour

Ou si c'était le Vôtre, Seigneur, ou votre Père

Qui battait à grands coups les portes du monastère.

Je suis comme ce bon moine, ce soir, je suis inquiet.

Dans la chambre à côté, un être triste et muet

Attend derrière la porte, attend que je l'appelle !

C'est Vous, c'est Dieu, c'est moi, - c'est l'Eternel.

Je ne Vous ai pas connu alors, - ni maintenant.

Je n'ai jamais prié quand j'étais un petit enfant.

Ce soir pourtant je pense à Vous avec effroi.

Mon âme est une veuve en deuil au pied de votre Croix ;

Mon âme est une veuve en noir, - c'est votre Mère

Sans larme et sans espoir, comme l'a peinte Carrière.

Je connais tous les Christs qui pensent dans les musées ;

Mais Vous marchez, Seigneur, ce soir à mes côtés.

Je descends à grands pas vers le bas de la ville,

Le dos voûté, le cœur ridé, l'esprit fébrile.

Votre flanc grand-ouvert est comme un grand soleil

Et vos mains tout autour palpitent d'étincelles.

Les vitres des maisons sont toutes pleines de sang

Et les femmes, derrière, sont comme des fleurs de sang,

D'étranges mauvaises fleurs flétries, des orchidées,

Calices renversés ouverts sous vos trois plaies.

Votre sang recueilli, elles ne l'ont jamais bu.

Elles ont du rouge aux lèvres et des dentelles au cul.

Les fleurs de la passion sont blanches comme des cierges,

Ce sont les plus douces fleurs au Jardin de la Bonne Vierge.


C'est à cette heure-ci, c'est vers la neuvième heure

Que votre tête, Seigneur, tomba sur votre Cœur.

Je suis assis au bord de l'océan

Et je me remémore un cantique allemand,

Où il est dit, avec des mots très doux, très simples, très purs,

La beauté de votre Face dans la torture.

Dans une église, à Sienne, dans un caveau,

J'ai vu la même Face, au mur, sous un rideau.

Et dans un ermitage, à Bourrié-Wladislasz,

Elle est bossuée d'or dans une châsse.

De troubles cabochons sont à la place des yeux

Et des paysans baisent à genoux Vos yeux.

Sur le mouchoir de Véronique Elle est empreinte

Et c'est pourquoi Sainte Véronique est votre sainte.

C'est la meilleure relique promenée par les champs,

Elle guérit tous les malades, tous les méchants.

Elle fait encore mille et mille autres miracles,

Mais je n'ai jamais assisté à ce spectacle.

Peut-être que la foi me manque, Seigneur, et la bonté

Pour voir ce rayonnement de votre Beauté.

Pourtant, Seigneur, j'ai fait un périlleux voyage

Pour contempler dans un béryl l'intaille de votre image.

Faites, Seigneur, que mon visage appuyé dans les mains

Y laisse tomber le masque d'angoisse qui m'étreint.

Faites, Seigneur, que mes deux mains appuyées sur ma bouche

N'y lèchent pas l'écume d'un désespoir farouche.

Je suis triste et malade. Peut-être à cause de Vous,

Peut-être à cause d'un autre. Peut-être à cause de Vous.


Seigneur, la foule des pauvres pour qui vous fîtes le Sacrifice

Est ici, parquée, tassée, comme du bétail, dans les hospices.

D'immenses bateaux noirs viennent des horizons

Et les débarquent, pêle-mêle, sur les pontons.

Il y a des Italiens, des Grecs, des Espagnols,

Des Russes, des Bulgares, de Persans, des Mongols.

Ce sont des bêtes de cirque qui sautent les méridiens.

On leur jette un morceau de viande noire, comme à des chiens.

C'est leur bonheur à eux que cette sale pitance.

Seigneur, ayez pitié des peuples en souffrance.

Seigneur, dans le ghetto, grouille la tourbe des Juifs

Ils viennent de Pologne et sont tous fugitifs.

Je le sais bien, ils ont fait ton Procès ;

Mais je t'assure, ils ne sont pas tout à fait mauvais.

Ils sont dans des boutiques sous des lampes de cuivre,

Vendent des vieux habits, des armes et des livres.

Rembrandt aimait beaucoup les peindre dans leurs défroques.

Moi, j'ai ce soir marchandé un microscope.

Hélas! Seigneur, Vous ne serez plus là, après Pâques !

Seigneur, ayez pitié des Juifs dans les baraques.

Seigneur, les humbles femmes qui vous accompagnèrent à Golgotha

Se cachent. Au fond des bouges, sur d'immondes sophas,

Elles sont polluées de la misère des hommes.

Des chiens leur ont rongé les os, et dans le rhum

Elles cachent leur vice endurci qui s'écaille.

Seigneur, quand une de ces femmes parle, je défaille.

Je voudrais être Vous pour aimer les prostituées.

Seigneur, ayez pitié des prostituées.


Seigneur, je suis dans le quartier des bons voleurs,

Des vagabonds, des va-nu-pieds, des receleurs.

Je pense aux deux larrons qui étaient avec vous à la Potence,

Je sais que vous daignez sourire à leur malchance.

Seigneur, l'un voudrait une corde avec un nœud au bout,

Mais ça n'est pas gratis, la corde, ça coûte vingt sous.

Il raisonnait comme un philosophe, ce vieux bandit.

Je lui ai donné de l'opium pour qu'il aille plus vite en paradis.

Je pense aussi aux musiciens des rues,

Au violoniste aveugle, au manchot qui tourne l'orgue de Barbarie,

A la chanteuse au chapeau de paille avec des roses de papier ;

Je sais que ce sont eux qui chantent durant l'éternité.

Seigneur, faites-leur l'aumône, autre que de la lueur des becs de gaz,

Seigneur, faites-leur l'aumône de gros sous ici-bas.

Seigneur, quand vous mourûtes, le rideau se fendit,

Ce qu'on vit derrière, personne ne l'a dit.

La rue est dans la nuit comme une déchirure

Pleine d'or et de sang, de feu et d'épluchures.

Ceux que vous avez chassé du temple avec votre fouet,

Flagellent les passants d'une poignée de méfaits.

L'Etoile qui disparut alors du tabernacle,

Brûle sur les murs dans la lumière crue des spectacles.

Seigneur, la Banque illuminée est comme un coffre-fort,

Où s'est coagulé le Sang de votre mort.

Les rues se font désertes et deviennent plus noires.

Je chancelle comme un homme ivre sur les trottoirs.

J'ai peur des grands pans d'ombre que les maisons projettent.

j'ai peur. Quelqu'un me suit. Je n'ose tourner la tête.


Un pas clopin-clopant saute de plus en plus près.

J'ai peur. J'ai le vertige. Et je m'arrête exprès.

Un effroyable drôle m'a jeté un regard

Aigu, puis a passé, mauvais comme un poignard.

Seigneur, rien n'a changé depuis que vous n'êtes plus Roi.

Le mal s'est fait une béquille de votre Croix.

Je descends les mauvaises marches d'un café

Et me voici, assis, devant un verre de thé.

Je suis chez des Chinois, qui comme avec le dos

Sourient, se penchent et sont polis comme des magots.

La boutique est petite, badigeonnée de rouge

Et de curieux chromos sont encadrés dans du bambou.

Ho-Koussaï a peint les cent aspects d'une montagne.

Que serait votre Face peinte par un Chinois?

Cette dernière idée, Seigneur, m'a d'abord fait sourire.

Je vous voyais en raccourci dans votre martyre.

Mais le peintre pourtant, aurait peint votre tourment

Avec plus de cruauté que nos peintres d'Occident.

Des lames contournées auraient scié vos chairs,

Des pinces et des peignes auraient strié vos nerfs,

On vous aurait passé le col dans un carcan,

On vous aurait arraché les ongles et les dents,

D'immenses dragons noirs se seraient jetés sur Vous,

Et vous auraient soufflé des flammes dans le cou,

On vous aurait arraché la langue et les yeux,

On vous aurait empalé sur un pieu.

Ainsi, Seigneur, vous auriez souffert toute l'infamie,

Car il n'y a pas plus cruelle posture.


Ensuite, on vous aurait forjeté aux pourceaux

Qui vous auraient rongé le ventre et les boyaux.

Je suis seul à présent, les autres sont sortis,

Je suis étendu sur un banc contre le mur.

J'aurais voulu entrer, Seigneur, dans une église ;

Mais il n'y a pas de cloches, Seigneur, dans cette ville.

Je pense aux cloches tues : - où sont les cloches anciennes ?

Où sont les litanies et les douces antiennes ?

Où sont les longs offices et où les beaux cantiques ?

Où sont les liturgies et les musiques ?

Où sont les fiers prélats, Seigneur, où tes nonnains ?

Où l'aube blanche, l'amict des Saintes et des Saints ?

La joie du Paradis se noie dans la poussière,

Les feux mystiques ne rutilent plus dans les verrières.

L'aube tarde à venir, et dans le bouge étroit

Des ombres crucifiées agonisent aux parois.

C'est comme un Golgotha de nuit dans un miroir

Que l'on voit trembloter en rouge sur du noir.

La fumée, sous la lampe, est comme un linge déteint

Qui tourne, entortillé, tout autour de vos reins.

Par au-dessus, la lampe pâle est suspendue,

Comme votre Tête, triste et morte et exsangue.

Des reflets insolites palpitent sur les vitres...

J'ai peur, - et je suis triste, Seigneur, d'être si triste.

"Dic nobis, Maria, quid vidisti in via ?"

- La lumière frissonner, humble dans le matin.

"Dic nobis, Maria, quid vidisti in via ?"

- Des blancheurs éperdues palpiter comme des mains.


"Dic nobis, Maria, quid vidisti in via ?"

- L'augure du printemps tressaillir dans mon sein.

Seigneur, l'aube a glissé froide comme un suaire

Et a mis tout à nu les gratte-ciel dans les airs.

Déjà un bruit immense retentit sur la ville.

Déjà les trains bondissent, grondent et défilent.

Les métropolitains roulent et tonnent sous terre.

Les ponts sont secoués par les chemins de fer.

La cité tremble. Des cris, du feu et des fumées,

Des sirènes à vapeur rauques comme des huées.

Une foule enfiévrée par les sueurs de l'or

Se bouscule et s'engouffre dans de longs corridors.

Trouble, dans le fouillis empanaché de toits,

Le soleil, c'est votre Face souillée par les crachats.

Seigneur, je rentre fatigué, seul et très morne...

Ma chambre est nue comme un tombeau...

Seigneur, je suis tout seul et j'ai la fièvre...

Mon lit est froid comme un cercueil...

Seigneur, je ferme les yeux et je claque des dents...

Je suis trop seul. J'ai froid. Je vous appelle...

Cent mille toupies tournoient devant me yeux...

Non, cent mille femmes... Non, cent mille violoncelles...

Je pense, Seigneur, à mes heures malheureuses...

Je pense, Seigneur, à mes heures en allées...

Je ne pense plus à Vous. Je ne pense plus à Vous.

Les Pâques à New-York.

Joyeux Norouz à tous mes amis Iraniens !


***
La cithare du bonheur
C'était un homme droit et sincère qui cherchait le chemin du bonheur, qui cherchait le chemin de la
vérité. Il alla un jour trouver un vénérable maître soufi dont on lui avait assuré qu'il pourrait les lui
indiquer. Celui-ci l'accueillit aimablement devant sa tente et, après lui avoir servi le thé à la menthe, lui
révéla l'itinéraire tant attendu : « C'est loin d'ici, certes, mais tu ne peux te tromper : au cœur du village
que je t'ai décrit, tu trouveras trois échoppes. Là te sera révélé le secret du bonheur et de la vérité. »

La route fut longue. Le chercheur d'absolu passa maints cols et rivières. Jusqu'à ce qu'il arrive en vue
du village dont son cœur lui dit très fort : « C'est là le lieu ! Oui, c'est là ! » Hélas ! Dans chacune des
trois boutiques il ne trouva comme marchandises que rouleaux de fils de fer dans l'une, morceaux de
bois dans l'autre et pièces éparses de métal dans le troisième. Las et découragé, il sortit du village pour
trouver quelque repos dans une clairière voisine.

La nuit venait de tomber. La lune remplissait la clairière d'une douce lumière. Lorsque tout à coup se fit
entendre une mélodie sublime. De quel instrument provenait-elle donc ? Il se dressa tout net et avança
en direction du musicien. Lorsque, stupéfaction, il découvrit que l'instrument céleste était une cithare
faite de morceaux de bois, des pièces de métal et des fils d'acier qu'il venait de voir en vente dans les
trois échoppes du village.

A cet instant, il connut l'éveil. Et il comprit que le bonheur est fait de la synthèse de tout ce qui nous est
déjà donné, mais que notre tâche d'hommes intérieurs est d'assembler tous ces éléments dans l'harmonie.

Conte soufi.

Michel MONNEREAU

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Il faut des mains de laine
pour apaiser le cœur.
Ah, poser son front
contre la vitre de l’attente
comme on garde
une parole pour qui l’on aime
et qui viendra peut-être,
si l’amour tourne au beau.
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La Saison des servitudes, Cheyne Éditeur.
Clarice LISPECTOR - Prends ma main...

. Prends ma main...
Je vais à l'instant te conter

Comment je suis entrée dans l'ineffable


Qui a toujours été ma quête insaisissable et secrète
Comment je suis entrée dans l'interstice unissant les numéros un et deux
Comment j'ai connu la frontière qui sépare mystère et feu
Combien souterraine est cette frontière

Entre deux notes de musique vibre une autre note


Entre deux maintenants de vie se glisse un autre maintenant de vie
Et deux grains de sable même inséparablement liés
Sont partagés par un espace infime
Entre deux sentiments se loge un autre sentiment
Et dans toute matière se love un espace
Qui est respiration du monde.
Et cette incessante respiration du monde
N'est autre que ce que nous entendons
N'est autre que le silence.

(Traduction libre)
.
Le Dalai Lama
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Ce qui me surprend le plus dans l'humanité ?
Les hommes...
parce qu'ils perdent la santé pour accumuler de l'argent,
ensuite, ils perdent leur argent pour recouvrer la santé.
Et ils se perdent dans d'anxieuses pensées sur le futur au point de ne plus
vivre ni le présent ni le futur.
Ils vivent comme s'ils n'allaient jamais mourir...
et meurent comme s'ils n'avaient jamais vécu.

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Vous pouvez retrouver

toutes les phrases de la semaine sur le site:

www.hommesdeparole.org

Fondation Hommes de Parole

Genève - Suisse

Bureaux France :
38, rue Liancourt - 75014 - Paris
(33) (0) 143 35 40 96
.Arian LEKA - Le thème infini

.ils construisent leurs barques en terre ferme


les vieux matelots car il y a une mer pour vivre
et un ciel pour mourir

.10ème édition du Festival de poésie de Lodève, Voix de la Méditerranée, 2007.

Illustration: Blog de Marine_Lefebvre - voix-nomades.com.

Tags: poésie

Louis ARAGON - Tant que j’aurai le pouvoir de frémir...

Tant que j’aurai le pouvoir de frémir

Et sentirai le souffle de la vie

Jusqu'en sa menace

Tant que le mal m'astreindra de gémir

Tant que j'aurai mon cœur et ma folie

Ma vieille carcasse

Tant que j'aurai le froid et la sueur

Tant que ma main l'essuiera sur mon front

Comme du salpêtre

Tant que mes yeux suivront une lueur

Tant que mes pieds meurtris ne porteront

Jusqu'à la fenêtre

Quand ma nuit serait un long cauchemar

L'angoisse du jour sans rémission


Même une seconde

Avec la douleur pour seul étendard

Sans rien espérer les désertions

Ni la fin du monde

Quand je ne pourrais veiller ni dormir

Ni battre les murs quand je ne pourrais

Plus être moi-même

Penser ni rêver ni me souvenir

Ni départager la peur du regret

Les mots du blasphème

Ni battre les murs ni rompre ma tête

Ni briser mes bras ni crever les cieux

Que cela finisse

Que l'homme triomphe enfin de la bête

Que l'âme à jamais survivre à ses yeux

Et le cri jaillisse

Je resterai le sujet du bonheur

Se consumer pour la flamme au brasier

C'est l'apothéose

Je resterai fidèle à mon seigneur

La rose naît du mal qu'a le rosier

Mais elle est la rose

Déchirez ma chair partagez mon corps

Qu'y verrez-vous sinon le paradis

Elsa ma lumière

Vous l'y trouverez comme un chant d'aurore

Comme un jeune monde encore au lundi

Sa douceur première
Fouillez fouillez bien le fond des blessures

Disséquez les nerfs et craquez les os

Comme des noix tendres

Une seule chose une seule chose est sûre

Comme l'eau profonde au pied des roseaux

Le feu sous la cendre

Vous y trouverez le bonheur du jour

Le parfum nouveau des premiers lilas

La source et la rive

Vous y trouverez Elsa mon amour

Vous y trouverez son air et sont pas

Elsa mon eau vive

Vous retrouverez dans mon sang ses pleurs

Vous retrouverez dans mon chant sa voix

Ses yeux dans mes veines

Et tout l'avenir de l'homme et des fleurs

Toute la tendresse et toute la joie

Et toutes les peines

Tout ce qui confond d'un même soupir

Plaisir et douleur aux doigts des amants

Comme dans leur bouche

Et qui fait pareil au tourment le pire

C'est chose en eux cet étonnement

Quand l'autre vous touche

Égrenez le fruit la grenade mûre

Égrenez ce cœur à la fin calmé

De toute ses plaintes

Il n'en restera qu'un nom sur le mur


Et sous le portrait de la bien-aimée

Mes paroles peintes

Le roman inachevé, Poésie / Gallimard.

Tags: poésie

Martin BUBER
Il est une chose qu’on ne peut trouver

Qu’en un seul lieu au monde.

C’est un grand trésor,

on peut le nommer l’accomplissement de l’existence.

Et le lieu où se trouve ce trésor

est le lieu où l’on se trouve.


SABLE ET PIERRE

Deux amis traversent le désert.

A un certain moment de la journée, ils se querellent et l’un frappe l’autre au visage.

Celui qui a été frappé, sans mot dire, écrit sur le sable :

« Aujourd’hui, mon meilleur ami m’a frappé au visage. »

Ils poursuivent leur route jusqu’à ce qu’ils trouvent une oasis.

Ils décident d’y prendre un bain.

Celui qui avait été frappé au visage s’enlise dans des sables mouvants, mais son ami le sauve.

Après avoir atteint la rive sain et sauf, il écrit sur une pierre :

« Aujourd’hui, mon meilleur ami m’a sauvé la vie. »

Celui qui avait frappé puis sauvé son meilleur ami lui demande :

- Après avoir été frappé, tu as écrit sur le sable et maintenant tu écris sur une pierre.

Pourquoi ?

Son ami lui répond :

- Lorsque quelqu’un te blesse, tu devrais l’écrire sur le sable afin que le vent efface cette blessure
de ta mémoire.

Mais lorsque quelqu’un fait quelque chose de bon pour toi, tu dois l’écrire sur la pierre afin que
jamais le vent ne l'efface.

Apprends à écrire tes blessures sur le sable.

Et à graver tes gratitudes sur la pierre.

Tags: humanisme, humanité

Pablo NERUDA – Tu es ton présent…


Tu es ton présent, ton fruit : prends-le sur ton arbre, élève-le sur ta main,
il brille comme une étoile, touche-le, mords dedans et marche en sifflotant sur le chemin.

C’est merveilleux la vie.

.Paul ÉLUARD - Que ma parole...

..
Que ma parole pèse sur la nuit qui passe
Et que s’ouvre toujours la porte par laquelle
Tu es entrée dans ce poème
Porte de ton sourire et porte de ton corps

Par toi je vais de la lumière à la lumière


De la chaleur à la chaleur
C’est par toi que je parle et tu restes au centre
De tout comme un soleil consentant au bonheur

Poésie ininterrompue, Éd. Gallimard.

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Paul ÉLUARD - Nous avons fait la nuit...

Nous avons fait la nuit, je tiens ta main, je veille


Je te soutiens de toutes mes forces
Je grave sur un roc l’étoile de tes forces
Sillons profonds où la bonté de ton corps germera
Je me répète ta voix cachée, ta voix publique
Je ris encore de l’orgueilleuse
Que tu traites comme une mendiante
Des fous que tu respectes, des simples où tu te baignes
Et dans ma tête qui se met doucement d’accord avec
la tienne, avec la nuit
Je m’émerveille de l’inconnue que tu deviens
Une inconnue semblable à toi, semblable à tout ce que j’aime
Qui est toujours nouveau

Les yeux fertiles, Éd. Gallimard.

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Foroukh FARROKHZÂD - Il n’y a que la voix qui reste

Pourquoi m’arrêterais-je, pourquoi?


Les oiseaux sont partis en quête d’une direction bleue
L’horizon est vertical
L’horizon est vertical, le mouvement une fontaine
Et dans les limites de la vision
Les planètes tournoient lumineuses
Dans les hauteurs la terre accède à la répétition
Et des puits d’air
Se transforment en tunnels de liaison.
Le jour est une étendue,
Qui ne peut être contenue
Dans l’imagination du vers qui ronge un journal
Pourquoi m’arrêterais-je?
Le mystère traverse les vaisseaux de la vie
L’atmosphère matricielle de la lune,
Sa qualité, tuera les cellules pourries
Et dans l’espace alchimique après le lever du soleil
Seule la voix
Sera absorbée par les particules du temps
Pourquoi m’arrêterais-je?
Que peut être le marécage, sinon le lieu de pondaison des insectes de pourriture
Les pensées de la morgue sont écrites par les cadavres gonflés
L’homme faux dans la noirceur
A dissimulé sa virilité défaillante
Et les cafards...ah
Quand les cafards parlent!
Pourquoi m’arrêterais-je?
Tout le labeur des lettres de plomb est inutile,
Tout le labeur des lettres de plomb,
Ne sauvera pas une pensée mesquine
Je suis de la lignée des arbres
Respirer l’air stagnant m’ennuie
Un oiseau mort m’a conseillé de garder en mémoire le vol
La finalité de toutes les forces est de s’unir, de s’unir,
À l’origine du soleil
Et de se déverser dans l’esprit de la lumière
Il est naturel que les moulins à vent pourrissent
Pourquoi m’arrêterais-je?
Je tiens l’épi vert du blé sous mon sein
La voix, la voix, seulement la voix
La voix du désir de l’eau de couler
La voix de l’écoulement de la lumière sur la féminité de la terre
La voix de la formation d’un embryon de sens
Et l’expression de la mémoire commune de l’amour
La voix, la voix, la voix, il n’y a que la voix qui reste
Au pays des lilliputiens,
Les repères de la mesure d’un voyage ne quittent pas l’orbite du zéro
Pourquoi m’arrêterais-je?
J’obéis aux quatre éléments
Rédiger les lois de mon cœur,
N’est pas l’affaire du gouvernement des aveugles local
Qu'ai-je à faire avec le long hurlement de sauvagerie?
De l’organe sexuel animal
Qu'ai-je à faire avec le frémissement des vers dans le vide de la viande?
C’est la lignée du sang des fleurs qui m’a engagée à vivre
La race du sang des fleurs savez-vous?

Traduction de Mohammad Torabi & Yves Ros.

Jean-Pierre PAULHAC - Une voix...

Une voix
Comme un sourire
Une voix
Comme un soleil
D'océan indien
Une voix
Comme un horizon bleuté
Vers lequel voguent mes mots
Aspirés d'espoir

J'entends
Des rires de palmiers qui se tordent de musique
Des pas de danse qu'invente une plage espiègle
Des chants qui montent sur des braseros ivres
Des crustacés qui crépitent leur saveur pimentée

Ici
C'est le silence gris des bétons déprimés
C'est la glace qui saisit tous les masques
C'est un jadis souriant embrumé d'ombre
C'est l'ennui qui ne sait que recommencer

J'entends
Des guitares rastas aux cris de parfum hâlé
Des bras nus de désir qui dégrafent la lune
Des hanches insatiables que dessoudent la salsa
Des nuits secrètes aux folles sueurs de soufre

Ici
C'est le mutisme morne des grimaces polies
C'est la morgue soyeuse des cravates policées
C'est la cadrature étroite des cercles vicieux
Qui soumet à ses ordres la horde quadrillée

J'entends
Mes souvenirs marins d'aurores océanes
Mes remords nomades de dunes vives
Ma mémoire exilée qui déborde en vain
De tant d'hivers que la chaleur a bafoués

Ici
Le temps se tait s'étire et se désespère
Le temps n'est plus une chimère bleue
Le temps se meurt de mourir de rien
Et chaque ride compte un bonheur perdu

J'entends
Un rêve qui papillonne son corail osé
Un rêve qui murmure un refrain salé
Un rêve qui soupire son souffle de sable
Sur l'éternel instant d'un été sans fin

Une voix
Comme un sourire
Une voix
Comme un soleil
D'océan indien
Une voix
Comme un horizon bleuté
Vers lequel voguent mes mots
Aspirés d'espoir
...Jorge Luis BORGES - Voir...
Voir que la veille est un autre sommeil
Qui se croit veille, et savoir que la mort
Que notre chair redoute est cette mort
De chaque nuit, que nous nommons sommeil.
Voir dans le jour, dans l'année, un symbole
De l'homme, avec ses jours et ses années ;
Et convertir l'outrage des années
En harmonie, en rumeur, en symbole.
Faire de la mort sommeil, du crépuscule
Un or plaintif, voilà la poésie
Pauvre et sans fin. Tu reviens, poésie,
Comme chaque aube et chaque crépuscule.
La nuit, parfois, j'aperçois un visage
Qui me regarde au fond de son miroir ;
L'art a pour but d'imiter ce miroir
Qui nous apprend notre propre visage.
On dit qu'Ulysse, assouvi de prodiges,
Pleura d'amour en voyant son Ithaque
Verte et modeste ; et l'art est cette Ithaque
De verte éternité, non de prodiges.
Il est aussi le fleuve interminable
Qui passe et reste, et reflète le même
Contradictoire Héraclite, le même
Mais autre, tel le fleuve interminable.
...
L’autre, le même.
Bonne et heureuse année à toutes et à tous.

Laissez-moi vous souhaiter, à vous toutes et tous, amoureux de la poésie, une très bonne et très
heureuse année nouvelle.

Que 2008 vous réserve ses plus belles et ses meilleures chances.

Par ailleurs, puissions-nous tous être toujours insupportables de santé, de jeunesse et de joie de
vivre.

Puissions-nous tous être, pour les personnes que nous rencontrons, "humus d'humanité".

Puissions - nous, enfin, élargir sans cesse nos esprits afin d' "envisager" l'autre comme notre
semblable qui toujours a droit à nos meilleurs égards.

Et qu'importe alors si les années passent...!

ClairObscur.
...

Michel de GHELDERODE - Hodie Christus natus est !

...
En ce jour, un Sauveur est né ! Voilà ce qu’autrefois les chantres et les fidèles proclamaient à
pleine voix par cette nuit et cette journée mystiques – une sorte de nuit royale que suivait un
jour de haute liesse, la nuit de Noël. C’était le plus grand événement de l’année, où toute la
chrétienté s’unissait dans la ferveur, où les foules des cathédrales disaient dans les cantiques
leur volonté d’être sauvées des ténèbres et de la mort. Alors aussi, il y avait l’invariable, la dure
condition humaine : les guerres, les moissons détruites, les pauvres qui pleuraient aux portes
des mauvais riches, les loups chassés des bois par l’hiver, l’épidémie qui dépeuplait les villes,
l’usurier, le spéculateur ; mais alors aussi, il y avait les grandes paroles, paroles d’anges
descendues des nuages, paroles de prophètes taillées dans le granit, paroles du Dieu vivant qui
maintenaient les hommes debout et les confirmaient dans leur destin d’êtres créés pour le
labeur et la souffrance.

Voilà à quoi je pensais en cette nuit, qui s’épandait obscure, angoissante et sans issue, par la
terre entière ; une nuit sans apparitions, les anges étant très hauts, ou cachés très loin, pour
pleurer sans doute sur la misère du monde ; une nuit où le ciel ne s’enflammait pas au passage
de l’étoile ; une nuit qui appartenait au Démon et à ceux qui le servent – aux scélérats, aux
gens de la noce, aux repus, aux crétins qui se coiffent d’un bonnet de fou et vomissent sur des
femmes publiques en l’honneur du Christ naissant – du Christ dont la promesse reste pourtant
la dernière certitude de l’Univers qui vacille... Et j’ai pensé aussi qu’il était providentiel peut-
être que tant de choses vinssent à manquer pour mener notre fête traditionnelle, puisqu’ainsi
nous étions forcés à l’humilité, à la pauvreté ; puisqu’ainsi, il nous fallait fêter la divine
naissance dans nos cœurs, déshabitués des fêtes spirituelles. Car c’est bien dans notre cœur
que Jésus doit descendre, par cette nuit sainte.

Autrefois, il n’eût pas été nécessaire de tenir pareils propos. Il y avait parfaite accordance entre
le ciel et la terre ; dans les villes et les campagnes d’Occident, personne, du plus grand
monarque jusqu’au plus indigne sujet, voire même le prisonnier dans sa geôle qui ne se sentait
l’âme transportée, inondée d’une ivresse surnaturelle. C’était l’heure culminante où l’année
commençait. L’hiver pouvait souffler le froid, blanchir la plaine, on savait bien qu’il
n’amoncellerait pas davantage de ténèbres ; on savait que le soleil, arrivé au fond de l’abîme
sidéral, allait remonter, chaque jour un peu plus haut, et qu’ainsi on allait vers l’enchantement
de la terre, vers la sorcellerie du printemps. Mais pour l’instant, on se souvenait de sa dignité
de chrétien. En ce temps-là, Bethléem n’était pas loin, ou alors, s’il fallait admettre que ce le
fût, on imaginait que ce ne devait pas être bien différent du village de chez nous, enseveli sous
la neige, avec son église gothique, ses arbres morts et sa rivière gelée où patine la marmaille.
Mais oui : En ce temps-là, l’enfant Jésus naissait dans la contrée et la grâce était avec nous. Les
bergers qui bichonnaient leur brebis d’hommage parlaient le terrible patois des très-pauvres,
ce qui n’était pas pour faire honneur à la Sainte Famille. Et les rois mages, on les savait déjà en
chemin, de proche en proche. Leur chanson allait éclater d’une minute à l’autre devant la
porte. Comme ils étaient censés venir de tout là-bas, ils méritaient bien d’être réconfortés,
n’est-ce pas ? Pourtant, que faire en attendant le Minuit plein de mystère, sinon chanter aussi,
et laisser parler les anciens, qui racontaient ce qu’ils pouvaient se rappeler de la fuite en
Egypte, du massacre des Innocents et des jeunes années de ce Jésus, né de la plus belle des
vierges. Le conteur devenait de plus en plus grand au regard des enfants qui l’écoutaient, car
les yeux des petits s’agrandissaient d’émerveillement ou de peur. Il n’était question que de
prodiges, comme de cloches depuis des siècles et des siècles englouties dans l’étang, et qui
sonnaient cette nuit-ci, avec la permission de Dieu. Ecoutez... Les cloches parlent sous l’eau
profonde... Oui, oui, mes enfants, je le tiens de mon aïeul, qui lui-même le tenait du sien ! Et
tout cela était véritable, infiniment plus authentique, plus réconfortant, plus juste que tout ce
qu’affirment les docteurs, vous savez bien, ces docteurs de la loi, avec leurs lèvres minces, qui
sont les mêmes à toutes les époques, et que Jésus devait confondre un jour – le tout jeune
Jésus qui savait tout parce qu’il comprenait tout et qui comprenait tout parce qu’il aimait tout.
Et puis, ajoutaient les vieux conteurs, la science a-t-elle jamais apporté le bonheur à l’homme ?
Autour de l’âtre où flambaient des bûches dont les cendres allaient avoir des propriétés
curatives – car rien qui n’eût pris un tour magique par cette nuit de Noël – se trouvaient
réunies les générations extrêmes, les très vieux et les très jeunes – la Famille que la vie
dispersait pendant les quatre saisons mais qui, magnétiquement, une fois, se reformait comme
pour reprendre la chaleur de l’âtre, la lumière du foyer originel d’où elle avait lentement
rayonné vers le dehors.

La famille ! Cela, il faut le redire, c’était la vraie fête, cette réunion rituelle, l’appel ancestral
autour du feu – le feu dont on célébrait la fête aussi, sans trop le savoir, en multipliant les
chandelles. On voyait clair cette nuit-là. Les frères retrouvaient les frères ; les grands-pères
comptaient le nombre de leurs petits-enfants ; le passé et l’avenir se nouaient ; l’anneau de
chair, la ronde autour de l’ancêtre se formait, et l’on savait que le cercle irait grandissant
toujours. L’ancêtre pouvait rappeler avec humour que si Jésus avait commencé sa carrière sur
la paille, lui, l’ancien, aux premiers jours, il n’avait pour tout bien que la paille garnissant ses
sabots ; pourtant, ses descendants ne possédaient-ils pas la terre ? Cette paille, on la retrouvait
à l’église, à minuit ; elle jonchait le sol, à la fois pour tenir chaud, à la fois en symbole, en
allusion à l’étable sainte. La paille sous les pieds, c’était le privilège des nobles, un signe féodal
; c’était aussi le tapis sur quoi les princes marchaient dans les villes ; on ne l’ignorait pas –
mais en une nuit de si grande solennité, où Celui qui élevait et abaissait les empereurs et rois
vagissait entre un âne et un bœuf, les hommes étaient égaux – dans l’origine et la fin, le péché
et la Rédemption. Voilà ce qu’enseignait la liturgie ; voilà quelle était la leçon de la paille. Dans
l’église aussi, le feu et la lumière abondaient singulièrement. Et sous la nef, les chants étaient
d’allégresse, dont les mots disaient la paix promise aux hommes de bonne volonté. On voyait
arriver les bergers avec l’agneau vivant ; ils traversaient l’église et allaient se poster près de la
Sainte Famille, entonnant leur chanson à eux, avec des mimiques qui faisaient rire. Ah ! le
merveilleux office où l’on finissait par devenir halluciné, ébloui par l’autel tout incandescent et
les cierges comme des abeilles de feu et les éclairs d’or des prêtres ; on entrait en plein rêve,
enivré de musique ; on vacillait dans les brouillards d’encens ; on se sentait couvert de tant de
bénédictions que les mauvais sorts n’agissaient plus et qu’il ne pouvait plus rien arriver de
funeste d’ici l’année prochaine ! Mais encore qu’il faisait bon sur la terre, au retour du paradis,
après ce séjour en religion ! On retrouvait les chambres chaudes pleines d’odeurs culinaires, et
la table était mise. Les femmes avaient accompli leur oeuvre entre-temps. C’était du beau
travail, ce qui bouillonnait, ronflait, écumait, pétaradait sur les flammes ! La nuit avançant, la
famille devenait une troupe vorace ; la tribu mangeait – la tribu qui semblait épaissir, s’élargir,
gagner encore en puissance. Cependant, depuis très avant, veillés par une vieille mère, les
enfants dormaient. Ils le pouvaient, puisque la paix avait été clamée par les anges du jubé, les
voix argentines des soprani ; ils le pouvaient, le méchant Hérode n’osant plus revenir, avec ses
dogues et ses soudards. L’ancêtre, lui, se retirait du banquet et, suivant une très ancienne
tradition, sans rien en dire à personne, entrait subrepticement dans l’étable, pour annoncer
aux bêtes qu’il appelait par leur nom – aux bœufs, au cheval, à l’âne et à toute cette douce
animalité – que le Christ était né, et que la vie – la vie éternelle, avec les saisons, le travail, les
peines trop grandes et les joies trop petites – la vie allait continuer, après cette halte...

Choses et Gens de chez Nous, tome II, Éd. La Rose de Chêne, 2001.

***

Bon Noël à toutes et à tous !


**

Eugen DREWERMANN, Sur l'homme riche.

Il arrive un moment où la question n'est plus de continuer à accumuler de


nouvelles connaissances, de nouveaux discours, d'autres théories encore; tout à
coup il s'agit de trouver, avec sa passion, son désir, son instinct, un point fixe
d'où l'on puisse maîtriser les choses. La question n'est plus de l'origine des
choses et de leur fonctionnement; la question urgente devient soudain celle du
sens de ces données. (...)

On fait alors l'expérience que ce point vers lequel tout converge, ce centre de la
signification de toute chose accessible à la connaissance, ce n'est pas par un
effort d'énergie qu'on y accède, au contraire: toute attitude active d'acquisition
de connaissances doit céder le pas à une paisible attitude de contemplation,
d'écoute, de vision, de descente en soi.

Cette seule chose essentielle, on ne peut pas la forcer, c'est une rencontre,
quelque chose qu'on trouve sans le chercher.

Le sens de toute chose, on ne peut l'inventer; la raison dernière des choses, on ne


peut la fonder sur la raison: lorsque l'on rencontre cet essentiel, on a le
sentiment d'une unité dernière, suprême, le sentiment (...) d'avoir trouvé ses
repères, son équilibre intérieur, où tout questionnement est désormais inutile.

L'unique chose qui soit essentielle est enfin trouvée. Et à partir de cette chose, il
est enfin permis de vivre.
Tags: humanisme, philosophie

Christian Erwin ANDERSEN - joie de ne savoir de l'aube que l'aube...


.
joie
de ne savoir de l’aube
que l’aube

sentir par la phalène des narines


le flux d’air se réchauffer

ne pas poser de question


ignorer pourquoi et comment
ce matin là est là
hausser les épaules
qu’importe
que le soleil qui point
soit rouge plutôt que bleu
et d’où il vient

sentir se nouer sa gorge


quand par la vertu de la mort
la vie s’accomplit sous nos yeux
la grenouille a gobé l’insecte
qu’elle priait l’instant d’avant

joie et pas d’autre mot


pour échapper à l’entrave
du cri douloureux
cette aube est la première
la nuit à venir
sera celle du chant
qu’elle devait être

comme cette joie


mienne à présent

Source : helices.poesie@free.fr
Tags: humanisme, poésie

SAADI - En un soir, tout s’en va…

En un soir, tout s’en va : les fleurs n’ont plus d’odeur, plus de vent embaumé pour
frôler des pétales, plus rien ; et souffre un cœur.

En un soir, on est seul. Pleure un pleur le long d'un nez; il roule en un sourire,
sûr, puisqu’il ne faut jamais être triste.

En un soir, en un espoir, en un repos pour un chagrin. J’ai pris ma feuille rose


pour parler d’un jour gris. Parler de l’avenir avec espoir, sans en avoir ; parler
des autres, et pour les yeux.

En un soir et pour une ouverture. Ouvrir… On ne voit rien ou bien trop tard, on
ne sait pas, on ne sait plus. En une nuit pour un espoir, qu’on recueille entre ses
bras et qu’on garde bien au chaud, entre ses bras.

En un soir, entre ses bras, en une image qui me fuit, en un rêve qui se détruit, en
fleurs fanées pour un printemps… Pauvres immortelles, vous mourez sous la
poussière.

En un soir, en une pluie, en une larme… Je t’aime bien sûr, le sais-tu ? Je vois un
rire sous ta paupière, et le vieux singe que je suis ravale son mot, en un sanglot…
Non, non, non : c’est un rire.

Je t’aime. Je l’ai dit et bien sûr dit bien souvent. Comme un mot répété, il a perdu
son sens. Je le dis à chaque fois, et je mens.

Non, je n’aime pas, ce n’est pas vrai… c’est un caprice.

Je t’aime… Je crois que je vais analyser, froidement, au scalpel. Je fourrage, je


découpe dans le mot de mes sentiments. Je détruis.

Plus d’image et plus de mot. Je ne veux rien garder, puisque je mens.

En un soir, je suis triste. Espoir décomposé et images effeuillées, je garde pour


mon rêve un rêve irréalisable. Alors, je construis.

Je construis ? Non, non, je mens, encore et toujours, parce que je détruirai


ensuite, mieux que jamais. Les souvenirs quand vient le soir sont d’un calme
lancinant.
En un soir, en une nuit, en une larme, en un sanglot. Je ramène quelques mots,
perdus dans ma mémoire et quelques images que je colle. Avec un grand lit blanc,
dans une chambre blanche, avec des rideaux blancs, et un jour blanc, des peaux
toutes blanches et de grandes plantes vertes. Un corps blanc.

En un soupir. Le rêve s’abandonne, je l’abandonne. En quelques impressions


idéalisées, une campagne laiteuse, dans un demi-jour baignant dans un
brouillard, avec la pluie qui larme goutte à goutte et les feuilles qui pleurent
blanc en un son blanc.

Nuit sans sommeil.

En un ennui, en un soir, en un stylo, et des angoisses et des sanglots et des


soupirs. Il faut écrire et oublier, et laisser la main courir sur le papier, et me
laisser écrire que je t’aime, même faux et même idiot.

Je t’aime. Oui, je t’aime pour la nuit blanche et pour le souvenir laiteux d’un soir
de coton. Je voudrais te le dire en souvenir et en rêve. Car mon amour n’existe
pas ; il se construit et se détruit, fidèle à une mort latente et un espoir déçu.

En un cri, je t’aime ! J’entends tes pas tout près de moi et tes yeux noirs, je les
entends me dire mille choses dans un recueillement effronté.

J’entends chaque pulsation de ton cœur qui résonne en immense cathédrale.


J’entends et j’enregistre, puisqu’en un cri la vie se meurt en raccourci.

En un aveu : je t’aime ! Tu n’en sauras rien, puisqu’il le faut bien et qu’il faut
oublier qu’on sait et qu’on s’est souvenu. J’attends ton mouvement et te tendrai
les bras, en un grand signe de ma croix. Parce que je t’aime. Où m’as-tu vu et
qu’as-tu su ?

Pour mon désir, je t’aime… C’est sûr. Pour un repos et un bonheur, pour long
temps de malheur. L’amour est malheureux, car le partage ne se peut… on ne le
veut.

J’écris ça, noircissant du papier en mensonge de moi, hésitant par devers moi…
Pourquoi ?

Pourquoi un soir comme tant d’autres, en un souffle de regrets, j’embrasse des


amours mortes pour pouvoir encore y rêver ?

Pourquoi ma voix, pourquoi ma peine ? Je ne peux pas t’oublier.

En un soir où je suis moi, les questions vont et s’enchaînent, en découverte d’un


autre moi, de découvertes en découvertes. Parce que je t’aime et que j’entends
ton pas qui sonne et marche – qu’il résonne ! – battant mes flancs, battant dans
mon cerveau, en attente. Car il attend, car j’attends.

Le temps se bat – avec des âges. Parce que je t’aime et qu’il ne le faut pas, parce
que la glace me renvoie une image, une image qui ne me plaît pas.

Avec un rêve où je suis beau. Même ainsi je repousse mon espoir ; parce que je
t’aime et qu’il ne le faut pas. Tu as vingt ans, j’en ai soixante, j’ai trop vécu et suis
le sphinx. Pour toi j’ai oublié.

En un soir, bien sûr…


En un soir, j’ai effacé l’ardoise d’un coup d’éponge, j’ai… Je mens encore et me le
dois. Car tout mon souvenir, rien ne l’effacera…

Je referme mon cœur de plomb, et chaque battement décroît sur le plafond.


Triste, ce battement… Le rêve se suicide. Et son encre s’écoule en caractères
humides sur le papier, noir éternellement.

Ce n’est qu’un souvenir… en un soir, cependant.

Dehors, il y a la nuit, qui frappe sur ma porte, la longue nuit, vêtue de blanc dans
son linceul. Sans mouette ni alouette et sans réveil ; car il pleure, dehors. Il
pleure en un roulement triste et lent, mesuré, timide.

La nuit n’est pas venue, ni son ivresse de gin. Elle s’est assise sur un banc, dans la
rue, à la clarté d’un pâle réverbère. Blanche comme une mariée, mon amour…
blanche comme une morte, pleurant toute sa neige. La plaine se couvre d’un
manteau, car tout est blanc.

La nuit n’est pas venue, en ce soir. Et je suis seul, et je t’aime. J’ai séché le papier
avec un buvard blanc et j’ai perdu mon livre blanc. La nuit… elle n’est pas venue.
Le ciel se meurt, car il fait froid et il fait peur. Parce que je t’aime et me souviens,
et je dois t’oublier demain. Avec toi toute la nuit, à te serrer dedans mes bras, à te
garder tout contre moi, à t’aimer… peut-être malgré toi.

Mais la nuit n’est pas venue et je suis seul avec mes caresses, et la chaleur de mon
amour, et le nid qui n’attendait que toi ; et je suis seul avec tout un rêve, et je suis
seul avec tout un mal, puisque la nuit n’est pas venue.

Puisque la nuit n’est pas venue, puisque les arbres n’ont pas verdi, puisque le ciel
n’a pas blanchi, puisqu’un oiseau n’a pas chanté, puisque je t’aime, je n’ai pas
encore pu t’oublier. Et je t’attends avec la nuit, la nuit des autres, et leur télé, et
leur néon et leur confort, et leur amour, et une lampe qui brille dans une
chambre rouge. Et je t’attends avec le petit matin, avec la rosée, avec le soleil…
mais rien n’est venu.

Rien n’est venu parce que je t’aime, et que mon cœur est dans ton cœur, puisque
ta peine est dans ma peine, puisque ta joie s'est faite mienne. Je t'aime en
souvenir - c'est une belle histoire – : Viens !

En un soir, c’est fini. La nuit est arrivée, le charme s’est rompu, la peine s’est
cassée. En un soir, et sans pluie et sans pleurs. Je ne t’ai pas aimé, pas adoré, toi
le soir qui descend. Toi, l’ombre chère, je ne t’ai pas aimée. Je n’ai pas entendu
battre ton cœur, je n'ai pas entendu ton âme respirer.

Sur tes lèvres, un baiser… Et j’ai goûté ton âme. Saveur triste d’infini, de rose qui
se fane. Comme ton sourire qui vient de se faner. Je ne t’ai pas aimé, souvenir
adoré.

Et tes lèvres sont rouges. Et j’ai goûté ton cœur, l'espace d'un miroir. Et le miroir
m'a dit que je me trompe souvent. Que la vie, la beauté, l’odeur, le goût des
choses, tout passe et tout s’oublie, fors le parfum des roses.

J’ai pris un magnolia fleurissant doucement, j’ai composé ses fleurs, j’ai tué mon
tourment. Sur la table aujourd’hui, un pot de roses rouges. Le parfum m’en
revient, en ce soir, sur tes lèvres. Car je t’aime, si tu veux ; car je mens, mon cœur
dans tes cheveux.
J'effleure tes cheveux, je t'embrasse, je t'aime. J'écris un chant d’amour d’où je
bannis la haine. J’écris mes sentiments, barre la conclusion. Je t’aime, c’est ainsi
: c’est mon absolution.

J’écris un chant d’amour et tu es mon poème. Tu es mon chant de vie : je t’aime !


Ce soir, il a fait bon : j’étais auprès de toi. Rien d’autre n’existait ; seuls : toi et
moi.

Sur la table, des roses rouges. Et tes lèvres, en rose rouge. C’est un cœur où je me
noie. Et tes doigts entre mes doigts. C’est ta main dedans la mienne. C’est ton âme
contre la mienne.

En un soir il fait beau. Tu es une clarté. Et ton corps a rosi. Et ton corps est
troublé.

J’ai offert des roses blanches. J’ai gardé un peu de sang – partagé, t’en souvient-il
? Et ce soir dans l’aube blanche, dans un souvenir troublant, je serre sur mon
cœur des roses rouges.

De mes doigts coule du sang.

Tags: poésie, poème, littérature_persane

.Illustration : perso.orange.fr/.../acoeurecrit.htm

ClairObscur - Prière pour ne pas mourir

.A la manière de Louis CALAFERTE

.Voudrais, moi,
Qu'on me sagesse
Qu'on me délicatesse
Qu'on me tendresse
Qu'on me noblesse
Qu'on me liesse
Qu'on me gentillesse
Qu'on m'allégresse
Qu'on m'enchante
Qu'on me clémence
Qu'on me certitude
Qu'on m'altruisme
Qu'on me concorde
Qu’on me girouette
Voire qu’on me magnanime

Voudrais, moi,
qu'on me philanthrope
Qu'on me miséricorde
Qu'on me nonchalance
Qu'on m'insolence
Qu'on me courtoise
Qu'on m'en-joie
Qu'on m'optimise
Qu'on m'innocente,
Qu'on m'indulgente
Qu'on me complaisance
Qu’on me fervente
Qu’on me gourgandine
Qu’on me tartarinne
Qu’on me tarasconne
Qu’on m’invulnérable
Qu’on me conviviale
Qu'on me gentille
Qu'on me fantaisie
Qu’on me fantasque
Qu’on me lunatique
Qu'on me chatouille
Qu'on me fripouille
Qu'on m'audace
Qu'on m'espérance
Qu’on m’arc-en-cielle
Qu'on m'enthousiasme
Qu'on m'enivre
Qu'on me comique
Qu'on m'épicure
Qu'on m'extase
Qu'on m'envoûte
Qu'on me gâte
Qu’on me fanfaronne
Qu’on me trublionne

Voire qu’on m’importune

Voudrais, moi,
Qu’on me généreuse
Qu'on me fraternise
Qu'on me fascinationne
Qu’on me caméléonne
Qu'on m'ensorcelle
Qu'on me chahute
Qu'on me chambarde
Qu'on me tapage
Qu'on me tumulte
Qu'on me vacarme
Qu'on me bahute
Qu'on m'encanaille
Qu'on me bouffonne
Qu'on me blague
Qu'on m'aventure
Qu'on m'anticonformisme

Voire qu’on me dégrise

Voudrais, moi,
Qu’on me rature
Qu'on me poétise
Qu'on me versifie
Qu'on me grammaire
Qu'on me littérature
Qu'on me livre
Qu’on me sémantème
Qu'on m'encyclopédise
Qu'on me dramaturge
Qu'on me littéraire
Qu’on m’itinéraire
Qu’on me romance
Qu’on me romanesque
Qu’on me fleur bleue
Qu’on me lyrique
Qu’on me bel augure

Voire qu’on m’euphorise

Voudrais, moi,
Qu’on m’océane
Qu'on me lames de fond
Qu'on me navire
Qu'on m'énigmatique
Qu'on m'illusionne
Qu’on me rose pourpre
Qu’on me souveraine
Qu’on me Carnet mondanise
Qu’on me bruxelloise
Qu’on m’athène
Qu’on me perse
Qu’on me france
Qu’on me canadienne
Qu’on me banquise
Qu’on me pandore
Qu’on me polynésie
Qu’on me poussière d'étoiles
Qu’on me romane
Qu’on me gothique
Qu'on m'Aurore... au crépuscule

Voire qu’on me terre à terre

Voudrais, moi,
Qu’on me recette
Qu’on me proportionne
Qu’on me cuisine pour tous
Qu’on me fromage
Qu'on me poivre
Qu'on me farce
Qu'on me moulinette
Qu’on me desserte
Qu’on me culinaire
Qu’on m’émulsionne
Qu'on me casserole
Qu’on me marinade
Qu’on me poissonne
Qu’on me mollusque
Qu’on me crustace
Qu’on me batrace
Qu’on m’eau douce
Qu’on me moutonne
Qu’on me volaille
Qu’on me canarde
Qu’on me dinde
Qu’on me dindonne
Qu’on me pigeonne
Qu’on me pintade
Qu’on me salade
Qu’om me pâte à choux
Qu’on me sucre
Qu’on me crème
Qu’on me poudingue
Qu’on me friture
Qu’on me glace
Qu’on me feuillette
Qu’on me tartelette
Qu'on me loukoum
Qu’on me rissole
Qu’on me braise
Qu'on me rôtisse
Qu'on m'accommode
Qu'on m'agrémente
Qu'on me réserve
Qu’on m’entremette
Qu’on me déjeune,
Qu’on me dîne
Qu’on me serve

Voire qu’on me ClairObscure

Mais veux surtout pas qu'on m'enterre !


Pablo NERUDA - Il semble qu'un navire...

.Il semble qu'un navire autre que tous les autres


devra, l'heure venue, se montrer sur la mer.
Il n'est pas en acier. Ses pavillons
ne sont pas orangés :
nul ne sait d'où il vient
ni à quelle heure on le verra :
mais tout est prêt
et il n'est de plus beau salon dressé
pour ce fugace événement.
L'écume est déployée
comme un luxueux tapis
tout d'étoiles tissé,
et plus loin c'est le bleu,
le vert, le mouvement ultra-marin,
l'attente générale.
Et les rochers ouverts,
lavés, nets, éternels,
ont été disposés
sur la table comme un cordon
de châteaux, un cordon de tours.
Tout
est prêt,
on a invité le silence,
et les hommes eux-mêmes, toujours distraits,
espèrent bien ne point perdre cette présence :
ils se sont habillés comme pour un dimanche,
ils ont fait briller leurs souliers,
ils ont passé le peigne en leurs cheveux.
Ils ont vieilli, ils ont vieilli,
et le bateau n'arrive toujours pas.

. In La rose détachée et autres poèmes, Poésie / Gallimard.

.Almeida GARRETT
.Voici quel est l'unique privilège des poètes :
jusqu'à leur mort ils peuvent être amoureux.

.Voyages dans mon pays, Éd. Unesco.


.Don Miguel RUIZ - Les quatre accords toltèques

.Que votre parole soit impeccable.


Parlez avec intégrité, ne dites que ce que vous pensez. N'utilisez pas la parole contre vous-même, ni
pour médire sur autrui.

Ne réagissez à rien de façon personnelle.


Ce que les autres disent et font n'est qu'une projection de leur propre réalité, de leur rêve. Lorsque vous
êtes immunisé contre cela, vous n'êtes plus victime de souffrances inutiles.

Ne faites aucune supposition.


Ayez le courage de poser des questions et d'exprimer vos vrais désirs. Communiquez clairement avec
les autres pour éviter tristesse, malentendus et drames. À lui seul cet accord peut transformer votre vie.

Faites toujours de votre mieux.


Votre "mieux" change d'instant en instant, quelles que soient les circonstances, faites simplement de
votre mieux et vous éviterez de vous juger, de vous culpabiliser et d'avoir des regrets.

Ces accords sont décrits dans l'ouvrage : Les quatre accords toltèques, Don Miguel Ruiz, Jouvence
Editions

Tags: humanisme
. Illustration : http://anecdot.ouvaton.org/blog/index.php?2006/12

.Colette FELLOUS - Plein été (citation)


.
J'ai un secret. Je sais qu'il est resté caché dans l'été, mais où, quand, comment, pourquoi, lequel ? Le ciel
est absolument blanc dans ma tête et je crois que je dois repeindre ma vie à la chaux, comme après
l'hiver, pour mieux voir les couleurs. Regarder dans les coins, derrière les choses, entre les feuilles, avec
cette unique règle que je voudrais maintenant me donner : courir dans tous les étés de ma vie, jusqu'à
retrouver ce que j'ai caché.
.
Colette FELLOUS, Plein été, Éd. nrf/Gallimard. Cité dans le Magazine littéraire N° 467 -
septembre 2007, p. 17.

Tags: philosophie, humanisme, poésie

.Illustration : Stéphane Kindler.

..Louis ARAGON - Les mains d'Elsa

.Donne-moi tes mains pour l'inquiétude


Donne-moi tes mains dont j'ai tant rêvé
Dont j'ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi tes mains que je sois sauvé

Lorsque je les prends à mon pauvre piège


De paume et de peur de hâte et d'émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fond de partout dans mes mains à moi
Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Ce qui me bouleverse et qui m'envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j'ai trahi quand j'ai tressailli

Ce que dit ainsi le profond langage


Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots

Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent


D'une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d'inconnu

Donne-moi tes mains que mon cœur s'y forme


S'y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement.

Le Fou d'Elsa, Éd. Gallimard.

Florence SAILLEN - Hommage à Louis Aragon sur son poème

" Les mains d'Elsa "

Donne-moi tes mains pour le partage


Donne-moi tes mains qui me rendent réel
Qu'elles effleurent doucement mon visage
Qu'elles me révèlent un goût de ciel
Du bout des doigts tu traces le sillage
De nos amours éternelles

Lorsque je parlerai d'Elsa


Je désire vos cœurs remplis de respect
Pour celle qui toujours restera
Une âme sœur une partie de moi
Elle qui effaça le mot jamais
De mon credo et de ma foi

Donne-moi tes mains que je t'emmène


Sur les sentiers du bonheur sans fin
Toi mon étoile bohème
Qui me fais oublier la soif et la faim
Toi qui sais si bien toucher mon âme
Elsa mon doux amour ma flamme

Bouleversement de nos certitudes


Prends ma main et allons-nous-en
Loin des envieux loin des curieux
Dans un lieu où le temps
Rendra notre parcours moins sinueux
Nous délivrant de nos servitudes

Donne-moi tes mains pour notre salut


Notre âme ainsi mise à nu
Donne-moi tes mains que mon cœur s'y dépose
Ainsi que mes espoirs et mes proses
Que cette offrande O mon Elsa
Soit à l'image de mon Amour pour toi
.Phrase de la semaine

A l’occasion du 60è anniversaire de la libération de l’Inde, voici deux extraits de "Gandhi" , le


magnifique film de Richard Attenborough avec Ben Kingsley, à voir ou à revoir sans faute...

« Quand je désespère, je me souviens que tout au long de l'histoire la voie de la vérité et de


l'amour a toujours triomphé.
Il y a dans ce monde des tyrans et des assassins et pendant un temps ils peuvent sembler
invincibles. Mais à la fin ils tombent toujours. Pense à cela : “toujours !”
Je veux simplement prouver aux hindous ici et aux musulmans là-bas que les seuls démons de
ce monde sont ceux qui grouillent dans notre propre coeur et que c'est là que doivent se livrer
tous nos combats. »

……

"Aussi longtemps qu'existera la superstition selon laquelle les hommes doivent respecter des
lois injustes, leur asservissement existera."

Gandhi.

P.S. Vous pouvez retrouver toutes les phrases de la semaine sur ce site: www.hommesdeparole.org

Illustration: qualily.nl

Tags: humanisme
.Kathleen RAINE - Antienne de la création

.Dans la fleur naît une graine,


Dans la graine pousse un arbre,
Dans l'arbre grandit une forêt.

Dans la forêt brûle un feu,


Un feu dans lequel fond une pierre,
Dans la pierre un anneau de fer.

Dans l'anneau on voit un O


Dans cet O regarde un oeil,
Dans cet oeil flotte une mer,

Dans la mer le reflet du ciel,


Dans le ciel brille le soleil,
Dans le soleil un oiseau d'or,

Dans l'oiseau bat un cœur,


Et du cœur s'écoule un chant,
Et du chant monte une parole.

Dans la parole parle un monde,


Parole de joie, monde de peine,
Des joies et des peines jaillit mon amour.

Amour, mon amour, jaillit un monde,


Et sur le monde brille un soleil
Et dans le soleil brille un feu,

Dans le feu se consume mon cœur


Et dans mon cœur bat un oiseau,
Et dans l'oiseau s'éveille un oeil,

Dans l’œil la terre, la mer, le ciel,


Terre et mer et ciel dans un O
Telle la graine dans la fleur.
Le Royaume invisible, coll.Orphée, Éd. de La Différence.
Tags: poésie, philosophie

.
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Wolfgang Amadeus MOZART
.
.
Je cherche les notes qui s'aiment…
.
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Tags: poésie

.Jean DESMEUZES - Sur la route de Vézelay...

Sur la route de Vézelay,


Un vieux platane m'a parlé ;
Non point de saint Bernard,
Car il naquit trop tard
Pour voir les chevaliers
Partant pour la croisade,
Droits sur leurs palefrois tout roides...
C'est plutôt des nouveaux Croisés
Que le platane m'a parlé,
De mes frères de résistance
Qui marchent lentement et pensent
À l'ombre de la Madeleine
Ou au soleil des utopies,
Sans ressentiment et sans haine,
Fantômes fidèles et pies.

Qui sont ces frères, direz-vous ?


Ce sont des musiciens,
Des poètes, des fous,
Des peintres, des épicuriens,
Des philosophes, des savants,
Des gens comme Romain Rolland,
Max Pol Fouchet, Rostropovitch,
Un petit homme à la barbiche,
Serge Gainsbourg et Jules Roy,
Fernand, Jean-Louis, de Fontenoy,
Et Delagneau, et puis Clavel,
Un Franciscain de Sermizelles,
Un Jean Charleux Rétif d'Auxerre,
Un Saint-Martin de Villemer,
Un vigneron de Vincelottes
Avec son bon ami Hosotte
Et Marc Meneau
À ses fourneaux...

Sur la route de Vézelay,


Un vieux platane m'a parlé
De ces prières essentielles
Qui naissent là, sur la colline
Et qui confient à l'Éternel
La vaine petite musique,
La valse folle et pathétique,
Le pauvre accord de mandoline
Des hommes en quête du Ciel.

IRANCIENNES, Éd. Arcam, 2000.

Tags: poème, spiritualité


.
Marceline DESBORDES-VALMORE - Les Roses de Saadi
.
J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les noeuds trop serrés n'ont pu les contenir.
Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées,
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ;
La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée...
Respires-en sur moi l'odorant souvenir.
.
Poésies posthumes.

..Marie-Amélie CHAVANNE - Invocation

Laisse-moi contempler ton regard,


Ton regard où s'attardent les nuages,
Que traverse un doux vol d'oiseaux,
Beaux oiseaux tristes aux ailes de naufrage
Qui s'en reviennent
Pour mourir dans le couchant...
Laisse-moi m'enivrer de ta voix,
Ta grande voix qui déchire l'espace,
Qui me blesse et m'apaise,
Ta grande voix
Qui fait trembler les étoiles...
Laisse-moi m'étourdir de ta splendeur
Pour oublier la terre
Et ses souvenirs...
Dans ton ombre laisse-moi dormir,
Près de ton âme reposer,
Laisse-moi l'éternité
L'éternité pour t'aimer...
Tags: poésie, rêve

Variations sur un thème...


.
B. Cantat/Noir Désir - Le vent nous portera
.
Je n'ai pas peur de la route
Faudrait voir, faut qu'on y goûte
Des méandres au creux des reins
Et tout ira bien
Le vent l'emportera
Ton message à la grande ourse
Et la trajectoire de la course
A l'instantané de velours
Même s'il ne sert à rien
Le vent l'emportera
Tout disparaîtra
Le vent nous portera
La caresse et la mitraille
Cette plaie qui nous tiraille
Le palais des autres jours
D'hier et demain
Le vent les portera
Génétique en bandoulière
Des chromosomes dans l'atmosphère
Des taxis pour les galaxies
Et mon tapis volant lui
Le vent l'emportera
Tout disparaîtra
Le vent nous portera
Ce parfum de nos années mortes
Ceux qui peuvent frapper à ta porte
Infinité de destin
On en pose un, qu'est-ce qu'on en retient?
Le vent l'emportera
Pendant que la marée monte
Et que chacun refait ses comptes
J'emmène au creux de mon ombre
Des poussières de toi
Le vent les portera
Tout disparaîtra
Le vent nous portera
Des visages Des figures.
.
Forugh Farrokhzad - Le vent nous emportera
.
Dans ma nuit, si brève, hélas
Le vent a rendez-vous avec les feuilles.
Ma nuit si brève est remplie de l'angoisse dévastatrice
Écoute ! Entends-tu le souffle des ténèbres ?
De ce bonheur, je me sens étranger.
Au désespoir je suis accoutumée.
Écoute ! Entends-tu le souffle des ténèbres ?
Là, dans la nuit, quelque chose se passe
La lune est rouge et angoissée.
Et accrochée à ce toit
Qui risque de s'effondrer à tout moment,
Les nuages, comme une foule de pleureuses,
Attendent l'accouchement de la pluie,
Un instant, et puis rien.
Derrière cette fenêtre,
C'est la nuit qui tremble
Et c'est la terre qui s'arrête de tourner.
Derrière cette fenêtre, un inconnu s'inquiète pour moi et toi.
Toi, toute verdoyante,
Pose tes mains - ces souvenirs ardents -
Sur mes mains amoureuses
Et confie tes lèvres, repues de la chaleur de la vie,
Aux caresses de mes lèvres amoureuses
Le vent nous emportera !
Le vent nous emportera !
.
Poème extrait du film « Le Vent nous emportera » d’Abbas Kiarostami.
.
Ο άνεµος θα µας πάρει µαζί
.
Mέσα στη νύχτα µου, εάν κοντός, αλίµονο
ο άνεµος έχει τις συναντήσεις µε τα φύλλα.
Την αν κοντή νύχτα µου γεµίζουν του άγχου
Ακούτε την αναπνοή των σκοταδιών;
Αυτής της ευτυχίας, γίνοµαι αισθητός ξένος.
Στην απελπισία συνηθίζοµαι.
Ecoute! Ακούτε την αναπνοή των σκοταδιών;
Εκεί, µέσα στη νύχτα, κάτι συµβαίνει
το φεγγάρι είναι ερυθρό και στενοχωρηµένο.
Και κρεµασµένος σε αυτήν την στέγη
που διακινδυνεύει να καταρρεύσει σε όλη στιγµή,
Τα σύννεφα, όπως ένα πλήθος,
Αναµένει τον τοκετό της βροχής,
Μια στιγµή, και τότε τίποτα.
Πίσω αυτό το παράθυρο,
Είναι η νύχτα που τρέµει
και είναι η γη που σταµατιέται για να γυρίσει.
Πίσω αυτό το παράθυρο, άγνωστος ανησυχείται για µε και σε.
Εσύ, όλος "verdoyante",
Θέστε τα χέρια σας - αυτές φλογερές αναµνήσεις -
στα ερωτευµένα χέρια µου
και εµπιστεύεται τα χείλι σας, repues της ζέστης της ζωής,
Στα χάδια των ερωτευµένων χείλι µου
ο άνεµος θα µας πάρει µαζί!
.
Translation from French to Greek by Silvio Corsini.
Tags: poésie

.Octavio PAZ - Entre s'en aller et rester...

.Entre s'en aller et rester hésite le jour,


amoureux de sa transparence.
Le soir circulaire est déjà une baie:
dans son calme va-et-vient se berce le monde.
Tout est visible et tout est élusif,
tout est proche et tout est intouchable.
Les papiers, le livre, le verre, le crayon
reposent à l'ombre de leurs noms.
Battement du sang qui dans ma tempe répète
la même syllabe têtue de sang.
La lumière fait du mur indifférent
un théâtre spectral de reflets.
Dans le centre d'un oeil je me découvre;
il ne me regarde pas, je me regarde dans son regard.
L'instant se dissipe. Sans bouger
je reste et je m'en vais: je suis une pause.

Tags: poésie
.
Zéno BIANU - Je crois...
.
.
je crois
à la vie à la mort
à la grande amour donnée
ou traversée
je crois
à la vraie gravité
à la tendresse impitoyable
je crois
au cœur de la nuit
au cœur de la pluie
je crois qu’il faut mourir
puis vivre
mourir avant de mourir
pour ne plus aimer mourir
.
Infiniment proche, Éd. Gallimard, coll. L’Arbalète.
Tags: poésie

.
.
Ahmad SHÂMLOU
*
Tu as contemplé le voyage du corps jusqu'à la terre
Contemple le voyage de l'âme de la terre au cosmos
Si tu me cherches
Saisis l'herbe !
Assieds-toi avec les arbres !

.H. STUART MERRILL - La visitation de l'amour

Je veux que l'Amour entre comme un ami dans notre maison,


Disais-tu, bien-aimée, ce soir rouge d'automne
Où dans leur cage d'osier les tourterelles monotones
Râlaient, palpitant en soudaine pâmoison.
L'Amour entrera toujours comme un ami dans notre maison,
T'ai-je répondu, écoutant le bruit des feuilles qui tombent,
Par-delà le jardin des chrysanthèmes, sur les tombes
Que la forêt étreint de ses jaunes frondaisons.
Et voici, l'Amour est venu frapper à la porte de notre maison,
Nu comme la Pureté, doux comme la Sainteté ;
Ses flèches lancées vers le soleil mourant chantaient
Comme son rire de jeune dieu qui chasse toute raison.
Amour, Amour, sois le bienvenu dans notre maison
Où t'attendent la flamme de l'âtre et la coupe de bon vin.
Amour, ô toi qui es trop beau pour ne pas être divin,
Apaise en nos pauvres cœurs toute crainte de trahison !

Et l'amour est entré en riant dans notre maison,


Et nous ceignant le cou du double collier de ses bras,
Il a forcé nos bouches closes et nos yeux ingrats
A voir et à dire enfin ce que nous leur refusons.
Depuis, nous avons fermé la porte de notre maison
Pour garder auprès de nous le dieu errant Amour
Qui nous fit oublier la fuite furtive des jours
En nous chantant le secret éternel des saisons.
Mais nous l'ouvrirons un jour, la porte de notre maison,
Pour que l'Amour, notre ami, aille baiser les hommes
Sur leurs lèvres et leurs yeux - aveugles et muets que nous sommes ! -
Comme il nous baisa sur les nôtres, ce soir plein d'oraisons !
Et ce sera Pâques alors autour de notre maison,
Et l'on entendra prier les morts autour des tombes,
Et l'on verra s'essorer comme des âmes les colombes
Entre le soleil mort et la lune née à l'horizon.

La visitation de l'amour, Les Quatre Saisons, Poèmes, Éd. Mercure de France.

Tags: poésie
.
.
Thierry HUE - SOURIONS...

PASSEREAU
Il vole et il fait cui-cui
Il a une tête d'oiseau
Je supporterai tout de lui
Mais pas ce rot.
.

T'ES QUI MONO ?


Tu bosses en centre aéré
Tu fais faire des activités
Mais pour apprendre le judo
Tu es qui mono ?
.
HOMÉOPATHE
Sa cuisine est très réussie
Mais ses oublis parfois m'épatent
Elle met du sel dans le riz
Mais l'omet aux pâtes.
.

LABEL
Pour les poulets bien nourris
Label poulet fermière
Pour les édiles en leur mairie
Label maire.
.
PHARMACIE
Au bord de la mer
J'avais une blessure légère
J'ôtais mes habits
Et près du phare m'assis.
.

CINÉMA MUET
Cette fille fait du cinéma
On ne lui en raconte pas
Elle est timide ? Que nenni !
Alors elle est hardie.
.

BALEINE
La défense des baleines
Tu dis : c'est assez.
On massacre les cétacés
Et tu t'en bats l'aine.
.

CONFIDENCES
Pour pouvoir manger tard
On gavait des canards
C'était quand on y pense
Des confits denses.
.
MAL AUX DENTS
Tu as mal aux dents
Et c'est navrant
Mais quoiqu'il arrive
Passe à l'agence Yves.
.
PRISE DE TÊTE
Les nains de jardin
Font l'objet de menus larcins
Alors je les abrite
Pour pas qu'on sache où mes nains gîtent.
.
SANG NEUF
Un vampire fut arrêté
Avec sa teuf-teuf
A 60 c'était limité
Il se faisait du 109.
.
VOLE QU'ANNICK
Dans sa boutique, Annick,
Fait pourtant très attention
Mais les voleurs font irruption
Et ne volent qu'Annick.
.
ARQUÉS AU LOGIS
Dans la Rome antique
On ne les trouve pas que dans les lieux publics
Car les dômes sont aussi
Arqués au logis.
.
MIDI SIX
Mes quatrines faut que j'les réussisse
Quelle que soit l'heure
Mais la meilleure
C'est la quatrine de midi six.
.
DU LARD OU DU COCHON
Mes doigts pétrissent l'argile
Et donnent forme à des canons
C'est pas du cochon, dans ce cas, non
C'est de l'art, Gilles.
.
CEINTURE
On peut les vénérer
Pour leur droiture
Et pour la chasteté
Que les saintes eurent.
.
MOLIÈRE
Au théâtre cette metteuse en scène
Etait un sacré phénomène
Elle changeait souvent de manières
Dure aujourd'hui, mais molle hier.
.

CHROMOSOMES
Elle voulait astiquer les chromes
Mais ses hommes ne voulaient pas
Alors, frustrée, elle laissa
Les chromes aux hommes.
.
MENSONGE
La bonne prétend
Que j'ai acheté ces journaux
Mais c'est entièrement faux
Car la bonne ment.
.
RUDE HIVER
Pour ne pas avoir froid chez toi
L'hiver on te conseilla
Sans tarder de scier du bois
Alors t'en scias.
.
ECHAUFFEMENT
Tu fais de la musculation
Tu muscles un peu le dos
Pour les jambes, tu es très bon
Mais pour les bras, zéro.
.

LA JEANNE D'ARC ESPAGNOLE


Comme elle ne voulait pas bûcher
On la mit sur un bûcher
Elle passa de vie à trépas
Et, perdant son sang, grilla.
.
CRS
"Alors, brigadier, quoi de neuf ?
- Les manifestants étaient vingt.
- Ah, moi j'en ai compté 19.
- Tu te goures d'un."
.
OSCILLATION
Je sais que c'est ridicule
Mais je n'ai
Jamais vu un pendule
Aussi laid.
.
BONHEUR
Ils furent heureux
Des serments d'hier
Ces amoureux
Que des mots lièrent.
.
PROCÉDURE
Avocat au barreau
Telle était sa nature
Il voulait être un pro
Mais être un pro, c'est dur.
.
MI-MOLLET PAR LE FEU
Elle avait de l'eau jusqu'à mi-mollets
Et moi, j'étais amoureux
Elle m'avait mis le feu
Jusqu'à mi-mollets.
.
PHOSE SCEPTIQUE
Phose était un taureau
Courageux et qui ose
Je blâme les toreros
Quand ils mettent à mort Phose.
.
L'ÉTAT GÈRE
Les économies
Souvent génèrent
De sérieux conflits
Que les états gèrent.
.

MA VERTE EBRE
Est-ce la colonne vertébrale
De l'Espagne ou du Portugal ?
Toujours est-il qu'elle est célèbre
Ma verte Ebre.
.
44
A Nantes un ancien passait sans malice
Souvent au travers des mailles d'la justice
Mais ce n'était pas anecdotique
Qu'à Nantes la loi rate l'antique.
.
GROTESQUE
On ne te reconnaît plus
Quand tu passes dans la rue
Tu t'es fait drôlement beau
T'as changé d'aspect, Léo.
.
DIOGÈNE
On descend la rivière en canot
Et on se promène
Mais y a quelqu'un dans un tonneau
Et cet idiot gène.
.
ON CONNAIT MARAT
Il ne savait rien de l'Irlande
Mais répondant à la demande
Robespierre un jour déclara :
"Moi aussi je connais Marat."
.
POTEMKINE
"Le beef est mal passé
Il m'est resté sur l'estomac
- Dans ce cas tu le laisses, Thomas,
J'ai pas dû le faire cuire assez."
.
KOALA
En Australie, dans les montagnes
Je vais où ma voix m'accompagne
Mes sons se ref létant plus bas
J'allais donc où l'écho alla.
.
LES PIS NETS DES VOSGES
On a du vin, mais on déroge
Parfois au lait on fait la fête
Car chacun sait que, dans les Vosges,
Toutes les vaches ont les pis nets.
.
DROLE D'OISEAU
C'était un drôle d'oiseau
Et, par un triste soir
Sans lui dire un seul mot
Il laissa son père choir.
.
VA DONC EH PATATE
L'autre jour en Italie
Un accident m'est arrivé
Et ma foi j'ai bien failli
Pas arriver à Parme entier.
.
SANSCRIT
Après leur bain dans le Gange
Se grattant où ça les démange
On sait cela par leurs écrits
Les Hindous dans tous les sens crient.
.
PARADIS PERDU
Un jour, Eve est partie
Te laissant les bras ballants
Et puisqu'elle s'est enfuie
Pour l'amour, tu te brosses, Adam.
.
T'AS PAS 100 BALLES ?
Si tu n'as pas un rond
Et que tu as la dalle
Prends des tapas, c'est bon
Car les tapas emballent.
.
À LA MONTAGNE
N'ayez pas peur de l'écho
Et de son ironie
Car jamais dans votre dos
L'écho ne rit.
.
EN LOZÈRE
Un dentiste distrait
Dit à un d'ses patients
Dont le dentier restait :
"Ah, c'est bête, j'ai vos dents."
.
BERGER
C'est fou comme il bosse
Il a trois moutons
L'hiver il les brosse
Et l'été les tond.
.
LES BEAUX VARIENT
Flaubert a posé le probléme
Dans ses romans, ses poésies,
Les moches sont toujours les mêmes
Car souvent, seuls les beaux varient.
.
BÊTE RAVE ( PARTIE)
A une bête rave partie
Le DJ avait menti
Ce fut dommage à mon avis
Que toute la salle s'y fie.
.
MAIS DORS
Mon père n'est pas un chien
Mais ma mère, qui pourtant l'adore
Lui répète du soir au matin :
" Allons ! Mais dors ! "
.
REVERDIR
Elle est drôle ma poésie
Parfois, de la lire, j'en verdis,
Alors je me mets au boulot
Pour qu'on puisse en rigoler tôt.
.

AU PARTI SOCIALISTE
Pour citer Jean de La Fontaine
Nos militants, on en prend soin
Je peux vous dire qu'on a des chênes
Mais que l'on a de roseaux, point.
.
A ANGOULÈME
Comme nous étions six dans la bande
Que nous avions tous de gros nez,
On nous appelait la Bande,
La Bande des Six Nez.
.
L'APPAT QUI S'TEND
Devant la menace inique
Empêchons tant qu'il en est temps
L'Inde, puissance atomique,
De mordre à l'appât qui s'tend.
.
BANALITÉS
Le temps est chaud
Dit le croque-mort d'un ton beau
Rien n'est moins sûr
Répond le moine d'un ton sûr.
.

BALI VERNE
Et si après tout jules Verne
Etait né un jour à Bali ? Après tout, moi, ce que j'en dis
C'est pour éclairer votre lanterne
Mais c'est peut-être des balivernes.
.
PANNE
Vous êtes-vous trouvé un soir
Coincé à bord de votre auto
Au beau milieu d'la Forêt Noire ?
Croyez-moi, c'est pas du gâteau !
.

AUTO FAUX-CULSSS
On dit que je suis hypocrite
Quand l'herbe monte, dans le vallon
Je prendrais soi-disant la fuite
Et bien, Monsieur, c'est faux, je tonds.
.

LE BARON PERCHÉ
C'était un cas bizarre
Il grimpait dans les arbres
Mais c'était un cas rare
Qui me laissait de marbre.
.
HISTOIRE OFFICIELLE
L'U.R.S.S.
A dressé sans faiblesse
A coups de chars et sans pudeur
Ceux qu'elle nommait Etats-Soeurs.
.
SERGE ENGARCIA
Serge Engarcia, ce sombre héros,
Etait un élève accompli
Il fut très brillant à l'écrit
Mais se fit planter aux oraux.
.
PHILOSOPHE
La reine des fleurs
Superbe se pavane
Mais j'ai bien trop peur
Que cette aristo fane.
.
GULLIVER
Gulliver a fait des voyages
Une grande partie de son âge
Il chantait à tort, à travers
Grave l'été, aigu l'hiver.
.
Quatrines (Extraits).
Tags: poésie, humour

Illustration : La marionnette par Geneviève Van der Wielen.

Louis ARAGON - Ce qu'il m'aura fallu de temps...

Ce qu'il m'aura fallu de temps pour tout comprendre


Je vois souvent mon ignorance en d'autres yeux
Je reconnais ma nuit je reconnais ma cendre
Ce qu'à la fin j'ai su comment le faire entendre
Comment ce que je sais le dire de mon mieux

Parce que c'est très beau la jeunesse sans doute


Et qu'on en porte en soi tout d'abord le regret
Mais le faix de l'erreur et la descente aux soutes
C'est aussi la jeunesse à l'étoile des routes
Et son lourd héritage et son noir lazaret

A cet instantané ma vieille et jeune image


Peut-être lirez-vous seulement mes vingt ans
Regardez-le de près et c'est un moyen-âge
Une sorcellerie un gâchis un carnage
Cette pitié d'un ciel toujours impénitent

Charlatan de soi-même on juge obligatoire


Ce qu'un simple hasard vous a fait prononcer
Demain ce n'est qu'un sou jeté sur le comptoir
Ce qu'on peut à vingt ans se raconter d'histoires
Et l'avenir est tributaire du passé
On se croit libre alors qu'on imite On fait l'homme
On veut dans cette énorme et plate singerie
Lire on ne sait trop quelle aventure à la gomme
Quand bêtement tous les chemins mènent à Rome
Quand chacun de nos pas est par avance écrit

La Grande Gaîté.

Tags: poésie

Chef Indien Seattle - Vous devez apprendre à vos enfants ...

Vous devez apprendre à vos enfants


que le sol qu'ils foulent
est fait des cendres de nos aïeux.
Pour qu'ils respectent la terre,
dites à vos enfants
qu'elle est enrichie par les vies de notre race.
Enseignez à vos enfants
ce que nous avons enseigné aux nôtres :
que la terre est notre mère;
que tout ce qui arrive à la terre
arrive aux fils de la terre;
et que si les hommes crachent sur le sol,
ils crachent sur eux-mêmes.

Tags: humanisme, humanité


Victor HUGO - L'univers, c'est un livre, et des yeux ...

L'univers, c'est un livre, et des yeux qui le lisent.


Ceux qui sont dans la nuit ont raison quand ils disent :
Rien n'existe ! Car c'est dans un rêve qu'ils sont.
Rien n'existe que lui, le flamboiement profond,
Et les âmes, les grains de lumière, les mythes,
Les moi mystérieux, atomes sans limites,
Qui vont vers le grand moi, leur centre et leur aimant ;
Points touchant au zénith par le rayonnement,
Ainsi qu'un vêtement subissant la matière,
Traversant tour à tour dans l'étendue entière
La formule de chair propre à chaque milieu,
Ici la sève, ici le sang, ici le feu ;
Blocs, arbres, griffes, dents, fronts pensants, auréoles ;
Retournant aux cercueils comme à des alvéoles ;
Mourant pour s'épurer, tombant pour s'élever,
Sans fin, ne se perdant que pour se retrouver,
Chaîne d'êtres qu'en haut l'échelle d'or réclame,
Vers l'éternel foyer volant de flamme en flamme,
Juste éclos du pervers, bon sorti du méchant,
Montant, montant, montant sans cesse, et le cherchant,
Et l'approchant toujours, mais sans jamais l'atteindre,
Lui, l'être qu'on ne peut toucher, ternir, éteindre,
Le voyant, le vivant, sans mort, sans nuit, sans mal,
L'idée énorme au fond de l'immense idéal !
La matière n'est pas et l'âme seule existe.

Rien n'est mort, rien n'est faux, rien n'est noir, rien n'est triste.
Personne n'est puni, personne n'est banni.
Tous les cercles qui sont dans le cercle infini
N'ont que de l'idéal dans leurs circonférences.
Astres, mondes, soleils, étoiles, apparences,
Masques d'ombre ou de feu, faces des visions,
Globes, humanités, terres, créations,
Univers où jamais on ne voit rien qui dorme,
Points d'intersection du nombre et de la forme,
Chocs de l'éclair puissance et du rayon beauté,
Rencontres de la vie avec l'éternité,
Ô fumée, écoutez ! Et vous, écoutez, âmes,
Qui seules resterez étant souffles et flammes,
Esprits purs qui mourez et naissez tour à tour :
Dieu n'a qu'un front : Lumière ! et n'a qu'un nom : Amour !
Gabriel CELAYA - Cantos Iberos

[...] J'ai appris à chanter


la nécessité, la simplicité, la joie.
De mes mains, j'ai touché la vie.
J'ai appris à chanter
la nécessité, douce à qui est fort,
et ce qui est mon affaire d'homme,
la joie de lutter.
De mes mains j'ai touché la vie,
les limites qui donnent forme à mon impulsion,
le désir d'infini mis au fait du jour.
J'ai respiré la mer,
et j'ai suivi dans la courbe de ses sourires
féminins, perdus,
le possible paraphe d'un traité de paix.
De mes mains j'ai touché la vie,
la nécessité, la simplicité, la joie,
l'évidence en moi qui crie.
J'ai appris à chanter
tout ce qui dans le peu que je suis s'exalte vers la gloire,
clame réalité,
coup après coup
dans ma poitrine gagne sa liberté.
Liberté obligée,
la liberté de l'homme qui en soi-même ne contient
la croissance héroïque à remplir son destin.
J'ai appris à chanter,
avec douceur et gravité je m'incline vers le futur
pour obéir aux lois
dont le cours vers la paix conduit mon impulsion.
La nécessité, la simplicité, la joie,
la force d'être un homme, la tangible conquête,
la justice qu'enveloppe un sourire !
J'ai appris à chanter,
pour toi, pour tous, pour moi jusqu'à mourir,
la savoureuse, la douce, la triste réalité
et l'histoire interminable.
Je suis, étant un homme, liberté.
Je grandis quand je m'accepte élaborant ma paix,
et je deviens mon chant si je chante l'espoir. [...]

Cantos Iberos.

Tags: poésie
Pablo NERUDA - Muere lentamente...
Il meurt lentement celui qui ne voyage pas,
Celui qui ne lit pas,
Celui qui n'écoute pas de la musique,
Celui qui ne sait pas trouver grâce à ses yeux.
Il meurt lentement
Celui qui détruit son amour-propre,
Celui qui ne se laisse jamais aider.
Il meurt lentement celui qui devient esclave de l'habitude
Refaisant tous les jours les mêmes chemins
Celui qui ne change jamais de repère,
Ne se risque jamais à changer la couleur
De ses vêtements
Ou qui ne parle jamais à un inconnu
Il meurt lentement celui qui évite la passion
Et son tourbillon d'émotions
Celles qui redonnent la lumière dans les yeux
Et réparent les coeurs blessés
Il meurt lentement
Celui qui ne change pas de cap
Lorsqu'il est malheureux
Au travail ou en amour,
Celui qui ne prend pas de risques
Pour réaliser ses rêves,
Celui qui, pas une seule fois dans sa vie,
N'a fui les conseils sensés...
Vis maintenant !
Risque-toi aujourd'hui !
Agis tout de suite !
Ne te laisse pas mourir lentement !
Ne te prive pas d'être heureux !

*******
Muere lentamente quien no viaja,
Quien no leye,
Quien no oye música,
Quien no encuentra gracia en sí mismo,
Muere lentamente.
Quien destruye su amor propio,
Quien no se deja ayudar.
Muere lentamente
Quien se transforma en esclavo del hábito
Repitiendo todos los dias los mismos trayectos,
Quien no cambia de marca,
Quien no se atreve a cambiar el color de su vestimenta
O bien no conversa con quien no conoce.
Muere lentament
Quien evita une pasión y su remolino de emociones,
Justamente estas que regresa el brillo
A los ojos y restauran los corazones destrozados.
Muere lentamente quien no gira el volante
Cuando esta inféliz
Con su trabajo, o con su amor,
Quien no arriesga el cierto ni el incierto
Para ir detrás de un sueño
Quien no se permite, ni siquiera una vez en su vida,
Huir de los consejos sensatos... ¡
Vive hoy ¡
Arriesga hoy ¡
Hazlo hoy ¡
No te dejes morir lentamente ¡
No te impidas ser feliz ¡
Tags: poésie

Michel CAMUS – Proverbes du silence et de l’émerveillement


Silence et paroles de feu se font la guerre pour nous tenir en éveil

Quel est ce feu sans nom, quel est ce feu secret dans l'infinie saillie
de la vie. Quel silence de feu et de glace avant comme après l'incen-
die de la naissance et de la mort

Dans le silence qui nous traverse jaillissent trop d'éclairs de pensées,


trop de flammes blanches d'émotion comme des torrents d'images
fuyantes : notre propre infini nous échappe

L'homme des mots est un symbole brisé étranger à son Double-de-silence.


Ses paroles : d'obscurs signaux à la rencontre de l'énigme qui les émet
d'un côté et de l'autre côté les efface en silence

Qui sait si le silence ne serait


source inépuisable de la corne
d'abondance que dans notre ignorance
nous appelons la vie

Qui sait si le silence ne serait


l'invisible tissu du Vivant reliant
les hommes aux étoiles

Qui sait si le silence ne serait


l'unique intimité sans fond de tout
ce qui naît et meurt

Qui sait si le silence ne serait


la racine et la floraison de toute
langue

Et si tout était silence, rien ne serait isolé de rien. Tout être


serait silence, toute chose serait silence. Et tout langage. Et
toute musique. Toute vie. Toute mort

L'homme que l'éblouissement tient en éveil s'oublie soi-même


dans le silence

Qui dira la richesse du merveilleux le suc infini qui coule dans


ses veines
Qui dira le sang le saint sang du silence

En vain ô face gisante de la vie


cherches-tu le sommeil à la surface
ombreuse de la nuit. L'autre face
t'entend rêver
En vain, pâlissant d'angoisse à l'idée de
perdre ton ombre, cherches-tu sous tes
pas ta lumière

De jour comme de nuit, en nous, autour


de nous, indéchirable : l'intime substance
des songes dont est tissé le monde

Où est l'Ouvert. Où la lumière. Au cœur


de l'éveil ? Au fond du sommeil ? Dans
le silence qui relie l'homme à l'infini ?

Surdité supérieure. Aveuglement suprême


O saint nom du silence en l'effacement
du nom

Il y a du merveilleux à voir en allant voir derrière les yeux


Du silence à entendre en ouvrant l'oreille entre rêve et sommeil
De l'infini à caresser dans la céleste chaleur animale de l'amour
Il suffit d'un rien, d'un éclair, d'un instant toujours trop aveu-
glant, toujours indéchiffrable

Encore du merveilleux dans le visage aveugle des pierres


De la joie sous l'écorce des arbres
Le même chant dans le rayonnement des étoiles

La musique du vide ensemence le ciel


et la terre
Ce que laisse entendre le silence
seul le silence l'entend

Le merveilleux rôde autour de nous,


devant nos fenêtres fermées, le mur
d'angoisse de notre face, la chambre
obscure de notre cœur
Seulement les êtres poreux se laissent
envahir par l'émerveillement du
silence

Et l'horreur ?
Et si l'horreur venait de l'homme
coupé du merveilleux

Avons-nous jamais entendu naître le souffle


Avons-nous perçu le silence où s'origine la parole
Ouvrons-nous toujours les yeux à la lumière de nos rêves

Les portes du merveilleux sont ouvertes


Qui en nous les voit ouvertes ?
Le silence

Seul le silence est silence


Seul le silence se connaît

L'homme est debout dans l'ignorance

Au commencement était le-Même


Et le-Même était Silence
Et le Silence s'est fait poésie :
Védas, Tao-Te-King, Cantique
des cantiques, Héraclite

Le-Même en moi séparé de moi


n'est personne en personne
Sans être nous-mêmes, il est
en nous-mêmes notre propre
silence

Le silence est sans fond où


prend fond la poésie

Pierre nue, vérité nue, pierre sans


nom sous mon nom dans l'image-mère
de la pierre
Si je fus, qu'ai-je été. Nous sommes
tous le-Même au cœur du silence

L'Autre du Même : Toi sous mon nom


L'ombre du Même ou la fiction de
l'autre ou de soi
Et la vie des mots qui masquent
le silence

Où il y a silence, je ne suis plus


moi-même
Où il n'y a rien ni personne règne
infiniment le-Même

Impensable, la déité du silence ne


peut se penser qu'en Dieu
Dieu ne pense que pour panser
l'angoisse de son propre silence

Je précède ma naissance, se dit Dieu.


J'illuminerai ma mort

Dès à présent, sans notre


Double-de-silence, rien ne nous
survivrait, même pas Dieu en nous

Il y a en tout homme une flamme de silence


qui sait ce que son ombre ne sait pas

Seule porte ouverte pour sortir de


soi, le silence
Seule porte ouverte pour sortir de
la langue, le silence
Et si le poème s'écrivait sans sortir
du silence

Présence informelle du silence au


cœur de l'homme comme l'art en
témoigne au dehors
La musique dans le ruissellement
des silences
Le poème en son propre dépassement
dans le silence
L'érection sur les sables des tours
de silence

Et si l'éblouissement sans forme


donnait forme à ce qu'il nous inspire

Dans l'absolu silence où vie et mort


coïncident, dans l'absolu silence où
personne n'est absolument vivant ni
mort, les yeux du vide sont ouverts
Métaphore de nos éblouissements sans
nom

Seul et unique levier d'Archimède pour


soulever l'univers-du-langage, trouer le
tissu des songes ou du monde, s'enraciner
dans le mythe du poème ou s'ouvrir à
l'Indéterminé : le silence

Toujours le silence est abrupt. Il n'est


réponse à rien et ne répond de rien
Les mots trépassent en lui comme les
amants plus loin qu'eux-mêmes dans
l'amour

Si le silence est l'envers du langage


la poésie est l'endroit du silence

Le vent fou ni l'orage ne troublent


les étoiles. Mais les ombres des mots
cachent le feu du silence comme les
nuages le soleil

Si le silence est source de la parole


où est la source du silence

Et si la dernière porte de la mort


s'ouvrait comme une fenêtre aveuglée
de soleil

Poésie, fille-mère du silence, son âme


sœur et son chant d'amour dans la
toute-clémence du néant
L'image-mère de la vie dans un désert
d'inconnaissance

Poésie, indéracinable mémoire d'éclairs


de silence, traces de brûlure, souvenirs
d'éblouissement lisibles dans les
balbutiements de la langue

Il y a du silence dans la musique de


la langue comme dans l'arbre et la pierre
et le feu et le vent, qui l'entend ?

Qui a jamais vu l'informelle substance


du silence. Fertile abîme. Cordon
ombilical du merveilleux
Et si le silence était sans métaphore
notre seul transport dans l'infini

L'art n'est pas le seul langage du


silence, mais l'univers, l’œil,
l'extase et la beauté
Comme des fenêtres ouvertes aveuglées
de soleil

Tout fait l'amour à tout instant pour


que fleurisse la mort et que grandisse
le silence

Aussi l'absolue poésie est-elle l'accueil


du silence. Sa demeure hors les mots
en la nuit du dedans-sans-dehors dans
l'Indéterminé

Aussi l'absolue poésie échappe-t-elle à


l'emprisonnement de la langue, aux
épaisseurs de ses murs, à la fausse
profondeur de ses ombres

Aussi l'absolue poésie est-elle aussi


virginale aussi silencieuse que la mort
toujours présente à la racine aveugle
du regard

Notre propre infini nous échappe

La langue ne choisit pas d'être épousée


par le silence, c'est lui qui la pénètre
et s'en retire, d'où la silencieuse
jouissance du jaillissement du cri
survenant du fond des âges pour y
rentrer aussitôt comme une lueur
sauvage dans la nuit

Le silence serait à vif si les vivants


se voyaient morts

Mâle est l'érection du langage, relative


plénitude

Absolue la maternelle vacuité du silence


Imprononçable le mot de l'énigme au
cœur de la vie
Indéchiffrable le signe muet de sa
présence
Abyssal le songe éternel du regard
Immortelle la part de silence au cœur de
l'homme

Quel poète n'est pas écartelé par l'exil


de sa langue dans l'éden du silence
Le poème comme instrument du silence
dans la musique de la langue

Le silence, dites-vous, est un concept


Et si le concept était un germe issu du
silence

Loin d'être la négation de la langue


le silence est son double secret, germe
intime et matrice infinie
Car du corps-du-silence naît le souffle
et du souffle la parole que le sens
insensé du silence ensemence
Que sait-on sans mot dire

Par le silence le poète s'efface


par la poésie le silence se dépasse

Duplicité du silence, duplicité du


poème nous comblent d'incertitude

Proverbes du silence et de l’émerveillement, Éd. Lettres Vives, coll. Terre de


poésie.
Tags: poésie
Louis ARAGON - Le chant de la paix

Je dis la paix pâle et soudaine


Comme un bonheur longtemps rêvé
Comme un bonheur qu'on croit à peine
Avoir trouvé

Je dis la paix comme une femme


J'ouvrais la porte et tout à coup
Ses deux bras autour de mon âme
Et de mon cou

Je dis la paix cette fenêtre


Qui battit l'air un beau matin
Et le monde ne semblait être
Qu'odeur du thym

Je dis la paix pour la lumière


À tes pas dans cette saison
Comme une chose coutumière
À la maison

Pour les oiseaux et les branchages


Verts et noirs au-dessus des eaux
Et les alevins qui s'engagent
Dans les roseaux

Je dis la paix pour les étoiles


Pour toutes les heures du jour
Aux tuiles des toits et pour toi
L' ombre et l'amour.

Je dis la paix aux jeux d'enfance


On court on saute on crie on rit
On perd le fil de ce qu'on pense
Dans la prairie
Je dis la paix mais c'est étrange
Ce sentiment de peur que j'ai
Car c'est mon cœur même qui change
Léger léger

Je dis la paix vaille que vaille


Précaire fragile et sans voix
Mais c'est l'abeille qui travaille
Sans qu'on la voie

Rien qu'un souffle parmi les feuilles


Une simple hésitation
Un rayon qui passe le seuil
Des passions

Elle vacille elle est peu sûre


Comme un pied de convalescent
Encore écoutant sa blessure
Son sang récent

La guerre a relâché ses rênes


La guerre a perdu la partie
Il en reste un son sourd qui traîne
Mal amorti

Ce sont ces chars vers les casernes


Qui font encore un peu de bruit
Nous danserons dans les luzernes
Jusqu'à la nuit

Tu vas voir demain tu vas voir


Les écoliers dans les préaux
En ce beau temps à ne plus croire
La météo

On va bâtir pour la jeunesse


Des maisons et des jours heureux
Et les amours voudront que naissent
Leurs fils nombreux

On reconstruira par le monde


Les merveilles incendiées
La vie aura la taille ronde
Sans mendier

Enfin veux-tu que j'énumère


Les Versailles que nous ferons
Les airs peuplés par les chimères
De notre front

Et l'immense laboratoire
Où les miracles sont humains
Et la colombe de l'Histoire
Entre nos mains

Les yeux et la mémoire, Éd. Gallimard.


Tags: poésie

René CHAR - Nous n'appartenons à personne...

Nous n'appartenons
à personne,
sinon au point d'or de cette lampe
inconnue de nous,
inaccessible à nous,
qui tient éveillés
le courage et le silence
Tags: poésie

Dominique DAGUET - ÊTRE SEULEMENT

Ton oreille s'ouvre à la rose du temps


Déprise d'un sommeil muet.
Une rumeur naît de l'espace
Tandis que toi, sourde aux pensers,
Absente des gestes et des mots,
Tu laisses la mer t'envahir de son flot
D'ombres,
Odeurs et notes mêlées.

Quelque chose ainsi s'en est venu de loin,


Une voix encore inconnaissable,
Violences et tendresses confuses
Dans un silence gros de vagues et d'alarmes.

Le cœur seul écoute :


La rumeur s'enfle qui défait de toute vision.
Âme, mon âme, tu trembles
Dans ce lieu vaste qui est musique,
Dans ce roulement ténu des sons,
Dans ces lames de fond,
Corps traversé,
Esprit sidéré :
Je te saisis, espace,
Mon espace,
Je t'invente,
Je t'enfante,
Je te confonds à l'arc
De mes bras,
Au gouffre des entrailles,
A l'écrin sonore du regard.

Tu déroules en ma nuit
Tes écharpes de roses
Et de cendres,
Puis dans ces douceurs grises tu déposes
L’œuf noir de la folie.

Quelle présence ici


Autre que mienne !
Ce cœur qui bat
Outre moi
En moi m'abolit
Pour que dans mon oubli
S'épanouisse hors de tout lien
L'être seulement.

Croix de l'espace, Éd. Les Cahiers Bleus/La Librairie Bleue.

Tags: poésie

SAADI

Monday June 11, 2007 - 09:23pm (CEST) Permanent Link | 1 Comment


June 10, 2007
Blaise CENDRARS - Îles...

Îles
Îles
Îles où l'on ne prendra jamais terre
Îles ou l'on ne descendra jamais
Îles couvertes de végétations
Îles tapies comme des jaguars
Îles muettes
Îles immobÎles
Îles inoubliables et sans nom
Je lance mes chaussures par-dessus bord car je voudrais
bien aller jusqu'à vous

Feuilles de Route.

Pablo NERUDA - Si...

Si chaque jour
tombe dans chaque nuit
il existe un puits
où la clarté se trouve enclose.
Il faut s'asseoir sur la margelle
du puits de l'ombre
pour y pêcher avec patience
la lumière qui s'y perdit.

La rose détachée, Poésie/Gallimard.

Tags: poésie, philosophie

Rainer MARIA RILKE - Enfance

Vers là-bas coule de l'école la longue peur


et le temps d'attente, pleins de choses vagues.
O solitude, ô pesant passe-temps...
Et puis de là : les rues pétillent et sonnent
et sur les places les fontaines jaillissent
et dans les jardins le monde devient immense —.
Et marcher à travers tout cela en petit vêtement,
tout autrement que les autres vont et viennent —:
O temps bizarre, ô passe-temps,
ô solitude.

Et regarder de loin dans tout cela :


des hommes et des femmes, des hommes, des hommes, des femmes
et des enfants, qui sont différents et multicolores ;
et là une maison et de temps en temps un chien
et la frayeur qui alterne sans bruit avec la confiance —:
O tristesse sans signification, ô rêve, ô effroi,
ô fond sans fondement.

Et jouer ainsi : à la balle et à l'anneau et au cerceau


dans un jardin qui pâlit doucement,
et effleurer parfois les adultes,
aveugle et farouche de hâte de saisir,
mais au soir, silencieux, rentrer à la maison
à petits pas raides, fermement tenu par la main —:
O compréhension qui se défile sans cesse,
ô peur, ô fardeau.

Et des heures durant au bord du grand étang gris


s'agenouiller avec un petit bateau à voile ;
l'oublier, parce que d'autres encore
passent aux anneaux des voiles semblables et plus belles,
et devoir penser au petit visage pâle
qui apparaissait se noyant dans la mare —:
O enfance, ô comparaisons qui échappent.
Vers où ? Vers où ?

Tags: poésie, humanité, humanisme

Pablo NERUDA - La lettre en chemin

Au revoir, mais tu seras


présente, en moi, à l’intérieur
d’une goutte de sang circulant dans mes veines
ou au-dehors, baiser de feu sur mon visage
ou ceinturon brûlant à ma taille sanglé.
Accueille, ô douce,
le grand amour qui surgit de ma vie
et qui ne trouvait pas en toi de territoire
comme un découvreur égaré
aux îles du pain et du miel.
Je t’ai rencontré une fois
terminée la tempête,
La pluie avait lavé l’air
et dans l’eau
tes doux pieds brillaient comme des poissons.
Adorée, me voici retournant à mes luttes.
Je grifferai la terre afin de t’y construire
une grotte où ton Capitaine
t’attendra sur un lit de fleurs.
Oublie, ma douce,
cette souffrance
qui tel un éclair de phosphore
passa entre nous deux
en nous laissant peut-être sa brûlure.
La paix revint aussi, elle fait que je rentre
combattre sur mon sol
et puisque tu as ajouté
à tout jamais
à mon cœur la dose de sang qui le remplit
et puisque
j’ai
à pleines mains ta nudité,
regarde-moi,
regarde-moi,
regarde-moi sur cette mer où radieux je m’avance,
regarde-moi en cette nuit où je navigue,
et où cette nuit sont tes yeux.
Je ne suis pas sorti de toi quand je m’éloigne.
Maintenant je vais te le dire :
ma terre sera tienne,
je pars la conquérir,
non pour toi seule
mais pour tous,
pour tout mon peuple.
Un jour le voleur quittera sa tour.
On chassera l’envahisseur.
Tous les fruits de la vie
pousseront dans mes mains
qui ne connaissaient avant que la poudre.
Et je saurai caresser chaque fleur nouvelle
grâce à tes leçons de tendresse.
Douce, mon adorée,
tu viendras avec moi lutter au corps à corps :
tes baisers vivent dans mon cœur
comme des drapeaux rouges
et si je tombe, il y aura
pour me couvrir la terre
mais aussi ce grand amour que tu m’apportas
et qui aura vécu dans mon sang.
Tu viendras avec moi,
je t’attends à cette heure,
à cette heure, à toute heure,
je t’attends à toutes les heures.
Et quand tu entendras la tristesse abhorrée
cogner à ton volet,
dis-lui que je t’attends,
et quand la solitude voudra que tu changes
la bague où mon nom est écrit,
dis-lui de venir me parler,
que j’ai dû m’en aller
car je suis un soldat
et que là où je suis,
sous la pluie ou
le feu,
mon amour, je t’attends.
Je t’attends dans le plus pénible des déserts,
je t’attends près du citronnier avec ses fleurs,
partout où la vie se tiendra
et où naît le printemps,
mon amour, je t’attends.
Et quand on te dira "cet homme
ne t’aime pas ", oh ! souviens-toi
que mes pieds sont seuls dans la nuit, à la recherche
des doux petits pieds que j’adore.
Mon amour, quand on te dira
que je t’ai oublié, et même
si je suis celui qui le dit,
même quand je te le dirai
ne me crois pas,
qui pourrait, comment pourrait-on
te détacher de ma poitrine,
qui recevrait
alors le sang
de mes veines saignant vers toi ?
Je ne peux pourtant oublier
mon peuple.
Je vais lutter dans chaque rue
et à l’abri de chaque pierre.
Ton amour aussi me soutient :
il est une fleur en bouton
qui me remplit de son parfum
et qui, telle une immense étoile,
brusquement s’épanouit en moi.
Mon amour, il fait nuit.
L’eau noire m’environne
et le monde endormi.
L’aurore ensuite va venir,
entre-temps je t’écris
pour te dire : " je t’aime. "
Pour te dire "je t’aime ", soigne,
nettoie, lève,
protège
notre amour, mon cœur.
Je te le confie comme on laisse
une poignée de terre avec ses graines.
De notre amour des vies naîtront.
De notre amour on boira l’eau.
Un jour peut-être
un homme
et une femme
A notre image
palperont cet amour, qui aura lui, gardé la force
de brûler les mains qui le touchent.
Qui aurons-nous été ? quelle importance ?
Ils palperont ce feu.
Et le feu, ma douce, dira ton simple nom
et le mien, le nom que toi seule
auras su parce que toi seule
sur cette terre sais
qui je suis, et nul ne m’aura connu comme
toi,
comme une seule de tes mains,
que nul non plus
n’aura su ni comment ni quand
mon cœur flamba :
uniquement
tes grands yeux bruns,
ta large bouche,
ta peau, tes seins,
ton ventre, tes entrailles
et ce cœur que j’ai réveillé
afin qu’il chante
jusqu’au dernier jour de ta vie.
Mon amour, je t’attends.
Au revoir, amour, je t’attends.
Amour, amour, je t’attends.
J’achève maintenant ma lettre
sans tristesse aucune : mes pieds
sont là, bien fermes sur la terre,
et ma main t’écrit en chemin :
au milieu de la vie, toujours
je me tiendrai
au côté de l’ami, affrontant l’ennemi,
avec à la bouche ton nom,
avec un baiser qui jamais
ne s’est écarté de la tienne.

Tags: poésie, littérature

Jean-Yves LELOUP & Gérard VERRET – Annonce-leur…

Annonce-leur que l'eau doit être partagée entre eux et la chamelle

Et qu'il appartient à chacun de boire à son tour.

Annonce-leur que l'eau doit être bue

Par plusieurs soifs, la plus grande et la plus petite.

Ne mesure pas la bonté de l'eau à l'ampleur de ta cruche.

La part promise, la part permise

A chacun, c'est celle que peut contenir le creux de ses mains.

Annonce-leur encore que l'eau n'est vive que pour ceux qui ont soif.

Déserts.
Tags: poésie
Pablo NERUDA - Je veux toutes les mains des hommes

Je veux toutes les mains des hommes

pour pétrir des montagnes

de pain et recueillir

tous les poissons de l'océan,

toutes les olives

de l'olivier,

tout l'amour qui ne s'est point encore éveillé

et laisser un cadeau

dans chacune des mains

du jour.

Les Mains du jour (Las manos del dia).

Hubert REEVES - Terre, planète bleue...


Terre, planète bleue, où des astronomes exaltés capturent la lumière des étoiles aux confins de
l'espace.

Terre, planète bleue, où un cosmonaute, au hublot de sa navette, nomme les continents des
géographies de son enfance.

Terre, planète bleue, où une asphodèle germe dans les entrailles d'un migrateur mort d'épuisement sur
un rocher de haute mer.

Terre, planète bleue, où un dictateur fête Noël en famille alors que, par milliers, des corps brûlent dans
les fours crématoires.

Terre, planète bleue, où, décroché avec fracas de la banquise polaire, un iceberg bleuté entreprend son
long périple océanique.

Terre, planète bleue, où, dans une gare de banlieue, une famille attend un prisonnier politique
séquestré depuis vingt ans.

Terre, planète bleue, où à chaque printemps le Soleil ramène les fleurs dans les sous-bois obscurs.

Terre, planète bleue, où seize familles ont accumulé plus de richesses que quarante huit pays démunis.

Terre, planète bleue, où un orphelin se jette du troisième étage pour échapper aux sévices des
surveillants.

Terre, planète bleue, où, à la nuit tombée, un maçon contemple avec fierté le mur de briques élevé tout
au long du jour.

Terre, planète bleue, où un maître de chapelle écrit les dernières notes d'une cantate qui enchantera le
cœur des hommes pendant des siècles.

Terre, planète bleue, où une mère tient dans ses bras un enfant mort du sida transmis à son mari à la
fête du village.

Terre, planète bleue, où un navigateur solitaire regarde son grand mât s'effondrer sous le choc des
déferlantes.

Terre, planète bleue, où, sur un divan de psychanalyse, un homme reste muet.

Terre, planète bleue, où un chevreuil agonise dans un buisson, blessé par un chasseur qui ne l'a pas
recherché.

Terre, planète bleue, où, vêtue de couleurs éclatantes, une femme choisit ses légumes verts sur les étals
d' un marché africain.

Terre, planète bleue, qui accomplit son quatre-milliard-cinq cent-cinquante-six-millionième tour


autour d'un Soleil qui achève sa vingt-cinquième révolution autour de la Voie Lactée.

Tags: humanisme, humanité


Léo FERRÉ - La poésie …

La poésie contemporaine ne chante plus… Elle rampe


Elle a cependant le privilège de la distinction… elle ne fréquente pas les mots mal famés… elle
les ignore
On ne prend les mots qu'avec des gants : à "menstruel" on préfère "périodique", et l'on va
répétant qu'il est des termes médicaux qui ne doivent pas sortir des laboratoires et du Codex.

Le snobisme scolaire qui consiste, en poésie, à n'employer que certains mots déterminés, à la
priver de certains autres, qu'ils soient techniques, médicaux, populaires ou argotiques, me fait
penser au prestige du rince-doigts et du baisemain

Ce n'est pas le rince-doigts qui fait les mains propres ni le baisemain qui fait la tendresse
Ce n'est pas le mot qui fait la poésie, mais la poésie qui illustre le mot. Les écrivains qui ont
recours à leurs doigts pour savoir s'ils ont leur compte de pieds, ne sont pas des poètes, ce sont
des dactylographes
Le poète d'aujourd'hui doit être d'une caste
d'un parti
ou du Tout-Paris
Le poète qui ne se soumet pas est un homme mutilé

La poésie est une clameur. Elle doit être entendue comme la musique. Toute poésie destinée à
n'être que lue et enfermée dans sa typographie n'est pas finie. Elle ne prend son sexe qu'avec la
corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l'archet qui le touche

L'embrigadement est un signe des temps. De notre temps


Les hommes qui pensent en rond ont les idées courbes
Les sociétés littéraires c'est encore la Société
La pensée mise en commun est une pensée commune

Mozart est mort seul, accompagné à la fosse commune par un chien et des fantômes
Renoir avait les doigts crochus de rhumatismes
Ravel avait dans la tête une tumeur qui lui suça d'un coup toute sa musique
Beethoven était sourd
Il fallut quêter pour enterrer Béla Bartók
Rutebeuf avait faim
Villon volait pour manger
Tout le monde s'en fout

L'Art n'est pas un bureau d'anthropométrie


La Lumière ne se fait que sur les tombes

Nous vivons une époque épique et nous n'avons plus rien d'épique
La musique se vend comme le savon à barbe
Pour que le désespoir même se vende il ne reste qu'à en trouver la formule.
Tout est prêt : les capitaux
La publicité
La clientèle.

Qui donc inventera le désespoir ?

Avec nos avions qui dament le pion au soleil.

Avec nos magnétophones qui se souviennent de "ces voix qui se sont tues", avec nos âmes en
rade au milieu des rues, nous sommes au bord du vide, ficelés dans nos paquets de viande, à
regarder passer les révolutions

N'oubliez jamais que ce qu'il y a d'encombrant dans la Morale, c'est que c'est toujours la
Morale des autres.

Les plus beaux chants sont les chants de revendications

Le vers doit faire l'amour dans la tête des populations

A L'ÉCOLE DE LA POÉSIE ON N'APPREND PAS

ON SE BAT

Tags: poésie

Albane GELLÉ - Il...

Il
dit que c'est aujourd'hui la saison
de sourire. Souriante elle ne dit
rien.

Je te nous aime, Cheyne Éd.

Tags: poésie

Pierre ALBERT-BIROT – Admiration

J’ai été devant les maisons de la ville


Et j’ai dit C’est admirable
J’ai été devant les roues et les machines
Et j’ai dit C’est admirable
Et j’ai été devant les monts immobiles
Et j’ai dit C’est admirable
J’ai été devant les mers bleues les mers vertes
Et j’ai dit C’est admirable
J’ai été devant les arbres des forêts
Et j’ai dit C’est admirable
Et j’ai été devant les grosses bêtes
Et j’ai dit C’est admirable
Et j’ai été devant les petites bêtes
Et j’ai dit C’est admirable
Et j’ai été devant les femmes
Et j’ai dit C’est admirable
Et j’ai été devant les hommes
Et j’ai dit C’est admirable
J’ai été devant l’ombre
Et j’ai dit C’est admirable
Et devant la lumière
Et j’ai dit C’est admirable

Parce que j’ai regardé

Poèmes à dire, une anthologie de la poésie francophone, Poésie/Gallimard.

Tags: poésie
André ROCHEDY - Garde fidèlement...

Garde fidèlement
le visage de l’aube
Pour la traversée des ténèbres
le passeur cherchera
dans tes yeux
l’obole de lumière

Le chant de l’oiseleur, CHEYNE Éd.

Marie Clotilde ROOSE - Et toi...

Et toi je voudrais t’entourer


de ton propre mystère turban de soie
dont tu te pares et dénouer un à un les fils secrets
de ton regard.

Tourment, Le Taillis-Pré (Prix René Lyr, Prix Geneviève Grand'Ry).

Tags: poésie
Léopold SEDAR SENGHOR - Femme noire

Femme nue, femme noire

Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté

J'ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeux

Et voilà qu'au cœur de l'Été et de Midi,

Je te découvre, Terre promise, du haut d'un haut col calciné

Et ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l'éclair d'un aigle

Femme nue, femme obscure

Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fait lyrique ma bouche

Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d'Est

Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur

Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l'Aimée

Femme nue, femme obscure

Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l'athlète, aux flancs des princes du Mali

Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.

Délices des jeux de l'Esprit, les reflets de l'or rouge ta peau qui se moire

A l'ombre de ta chevelure, s'éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.

Femme nue, femme noire

Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l'Éternel


Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les

racines de la vie.

Œuvres Poétiques, Éd. Le Seuil.


Tags: poésie

Christiane Singer - Les Vivants n’ont pas d’âge

L’important n’aura pas été pour moi de guérir à tout prix, mais d’expérimenter le feu
foudroyant de cette expérience de vie, de me laisser évider par la foudre, de saisir un pan peut-
être du terrifiant mystère de la souffrance physique et de voir si on peut en sortir vivant.
Mon expérience est qu’on le peut et que, guérie ou non guérie, je suis dans la pulsation de la
vie. Elle est si intense que je la sens dans mes doigts en écrivant : j’ai vu ce que je voulais voir,
et je suis comblée.
C’est tout. (…)
Les Vivants n’ont pas d’âge. Seuls les morts-vivants comptent les années et s’interrogent
fébrilement sur les dates de naissance des voisins.
Quant à ceux qui voient dans la maladie un échec ou une catastrophe, ils n’ont pas encore
commencé de vivre. Car la vie commence au lieu où se délitent les catégories.
J’ai touché le lieu où la priorité n’est plus ma vie mais LA vie. C’est un espace d’immense
liberté.

Derniers fragments d’un long voyage, Éd. Albin Michel.


Tags: humanisme, humanité, spiritualité
Constantin CAVAFIS (Costantino Kavafis) – Pourquoi nous être ainsi
rassemblés...?

— Pourquoi nous être ainsi rassemblés sur la place?

Il paraît que les barbares doivent arriver aujourd'hui.

— Et pourquoi le Sénat ne fait-il donc rien?

Qu'attendent les Sénateurs pour édicter des lois?

C'est que les barbares doivent arriver aujourd'hui.

Quelles lois pourraient bien faire les Sénateurs?

Les barbares, quand ils seront là, dicteront les lois.

— Pourquoi notre empereur s'est-il si tôt levé,

et s'est-il installé, aux portes de la ville,

sur son trône, en grande pompe, et ceint de sa couronne?

C'est que les barbares doivent arriver aujourd'hui.

Et l'empereur attend leur chef

pour le recevoir. Il a même préparé

un parchemin à lui remettre, où il le gratifie

de maints titres et appellations.

— Pourquoi nos deux consuls et les préteurs arborent-ils

aujourd'hui les chamarrures de leurs toges pourpres;


pourquoi ont-ils mis des bracelets tout incrustés d'améthystes

et des bagues aux superbes émeraudes taillées;

pourquoi prendre aujourd'hui leurs cannes de cérémonie

aux magnifiques ciselures d'or et d'argent?

C'est que les barbares doivent arriver aujourd'hui;

et de pareilles choses éblouissent les barbares.

— Et pourquoi nos dignes rhéteurs ne viennent-ils pas, comme d'habitude,

faire des commentaires, donner leur point de vue?

C'est que les barbares doivent arriver aujourd'hui;

et ils n'ont aucun goût pour les belles phrases et les discours.

— D'où vient, tout à coup, cette inquiétude

et cette confusion (les visages, comme ils sont devenus graves!)

Pourquoi les rues, les places, se vident-elle si vite,

et tous rentrent chez eux, l'air soucieux?

C'est que la nuit tombe et que les barbares ne sont pas arrivés.

Certains même, de retour des frontières,

assurent qu'il n'y a pas de barbares.

Et maintenant qu'allons-nous devenir, sans barbares.

Ces gens-là, en un sens, apportaient une solution.

En attendant les barbares et autres poèmes. Trad. du grec par Dominique


Grandmont. Éd. Poésie / Gallimard.
Tags: poésie, philosophie, humanisme
Cette vie ne coule pas.
Chaque heure est une conquête,
dans chaque geste.
Car l'eau, le sable, le vent ne se laissent dominer
que dans la patience, avec lenteur.

Dominique DAGUET - ÊTRE SEULEMENT


Ton oreille s'ouvre à la rose du temps
Déprise d'un sommeil muet.
Une rumeur naît de l'espace
Tandis que toi, sourde aux pensers,
Absente des gestes et des mots,
Tu laisses la mer t'envahir de son flot
D'ombres,
Odeurs et notes mêlées.

Quelque chose ainsi s'en est venu de loin,


Une voix encore inconnaissable,
Violences et tendresses confuses
Dans un silence gros de vagues et d'alarmes.

Le cœur seul écoute :


La rumeur s'enfle qui défait de toute vision.
Âme, mon âme, tu trembles
Dans ce lieu vaste qui est musique,
Dans ce roulement ténu des sons,
Dans ces lames de fond,
Corps traversé,
Esprit sidéré :
Je te saisis, espace,
Mon espace,
Je t'invente,
Je t'enfante,
Je te confonds à l'arc
De mes bras,
Au gouffre des entrailles,
A l'écrin sonore du regard.

Tu déroules en ma nuit
Tes écharpes de roses
Et de cendres,
Puis dans ces douceurs grises tu déposes
L’œuf noir de la folie.

Quelle présence ici


Autre que mienne !
Ce cœur qui bat
Outre moi
En moi m'abolit
Pour que dans mon oubli
S'épanouisse hors de tout lien
L'être seulement.

Croix de l'espace, Éd. Les Cahiers Bleus/La Librairie Bleue.

Louis ARAGON - Je suis la croix où tu t'endors…

Je suis la croix où tu t'endors

Le chemin creux qui pluie implore

Je suis ton ombre lapidée

Je suis ta nuit et ton silence

Oublié dans ma souvenance

Ton rendez-vous contremandé

Le mendiant devant ta porte

Qui morfond que tu ne sortes

Et peut mourir s'il est tardé

Et je demeure comme meurt

A ton oreille une rumeur

Le miroir de toi défardé

Te prendre à Dieu contre moi-même

Étreindre étreindre ce qu'on aime


Tout le reste est jouer aux dés

Suivre ton bras toucher ta bouche

Être toi par où je te touche

Et tout le reste est des idées

Le Fou d'Elsa, Éd. Gallimard.

Tags: littérature, poésie

Constantin CAVAFIS (Costantino Kavafis) – Le dieu a abandonné


Antoine

Quand vers minuit, soudain, tu entendras passer un cortège invisible avec de merveilleuses
musiques et des éclats de voix, ne te lamente pas en vain sur la Fortune qui chancelle, sur tes
œuvres qui ont échoué, sur les entreprises de ta vie qui, toutes, se sont avérées illusoires.

En homme prêt de longue date, en homme de cœur, salue-la, cette Alexandrie qui s’éloigne.
Surtout, ne te leurre pas, ne dis pas que ce n’était qu’un rêve, que ton oreille t’a trompé ;
dédaigne ces futiles espoirs.

En homme prêt de longue date, en homme de cœur, comme tu te dois de l’être, toi qui méritas
pareille ville, approche-toi d’un pas ferme de la fenêtre et écoute avec émotion, mais non pas
avec les plaintes et les supplications des lâches, comme une ultime jouissance, la rumeur, les
ravissants accords du mystique cortège et salue-la, cette Alexandrie que tu perds.

Poèmes anciens ou retrouvés, traduction par Gilles Ortlieb et Pierre Leyris, Éd.
Seghers.
Tags: poésie
Constantin CAVAFIS (Costantino Kavafis) – Ithaque

Quand tu partiras pour Ithaque, souhaite que le chemin soit long, riche en péripéties et en
expériences. Ne crains ni les Lestrygons, ni les Cyclopes, ni la colère de Neptune. Tu ne verras
rien de pareil sur ta route si tes pensées restent hautes, si ton corps et ton âme ne se laissent
effleurer que par des émotions sans bassesse. Tu ne rencontreras ni les Lestrygons, ni les
Cyclopes, ni le farouche Neptune, si tu ne les portes pas en toi-même, si ton cœur ne les dresse
pas devant toi.

Souhaite que le chemin soit long, que nombreux soient les matins d'été, où (avec quelles
délices!) tu pénétreras dans des ports vus pour la première fois. Fais escale à des comptoirs
phéniciens, et acquiers de belles marchandises: nacre et corail, ambre et ébène, et mille sortes
d'entêtants parfums. Acquiers le plus possible de ces entêtants parfums. Visite de nombreuses
cités égyptiennes, et instruits-toi avidement auprès de leurs sages.

Garde sans cesse Ithaque présente à ton esprit. Ton but final est d'y parvenir, mais n'écourte
pas ton voyage: mieux vaut qu'il dure de longues années et que tu abordes enfin dans ton île
aux jours de ta vieillesse, riche qu'Ithaque t'enrichisse.

Ithaque t'a donné le beau voyage: sans elle, tu ne te serais pas mis en route. Elle n'a plus rien
d'autre à te donner.
Si tu la trouves pauvre, Ithaque ne t'a pas trompé. Sage comme tu l'es devenue à la suite de
tant d'expériences, tu as enfin compris ce que signifient les Ithaques.

Poèmes, présentation critique par Marguerite YOURCENAR, traduction par Marguerite


YOURCENAR et Constantin DIMARAS, Éd. Poésie / Gallimard.

Tags: poésie
Heather DOHOLLAU - Douceur de marcher sur le sable

Douceur de marcher sur le sable

Dans le bruit des vagues

Quand l’espace se creuse

Et le jour comme une cave de lumière

Courbe sur nous ses murs de ciel

La mer reste l’impensable naissance et mort

Le portail transparent d’un rien autre

Quittant la ligne de nos pas

Nous sommes les ressortissants de nos rêves

Ébauchant hors de l’ombre les gestes d’écume.

Les portes d’en bas, Éd. Folle Avoine.

Jean MOGIN - BLEU DE BLEU

Quand j'ai besoin de bleu,


Quand j'ai besoin de bleu, de bleu,

De bleu de mer et d'outre-mer,

De bleu de ciel et d'outre-ciel,

De bleu marin, de bleu céleste,

Quand j'ai besoin profond,

Quand j'ai besoin altier,

Quand j'ai besoin d'envol,

Quand j'ai besoin de nage,

Et de plonger en ciel,

Et de voler sous l'eau,

Quand j'ai besoin de bleu

Pour l'âme et le visage,

Pour tout le corps laver,

Pour ondoyer le cœur,

Quand j'ai besoin de bleu

Pour mon éternité,

Pour déborder ma vie,

Pour aller au-delà

Rassurer ma terreur,

Pour savoir qu'au-delà

Tout reprend de plus belle,

Quand j'ai besoin de bleu,

L'hiver,

Quand j'ai besoin de bleu,

La nuit,

J'ai recours à tes yeux.

La belle alliance, Paris, Seghers, s.d.


Tags: poésie, littérature, humanisme, humanité, philosophie
Fermez les yeux et entendez bruire cette foule humaine dans votre dos. Toute
cette humanité dont vous procédez!
Sentez derrière vous cette longue “chaîne d’amants et d’amantes” (vers d’Eluard)
dont vous êtes, en cet instant, les seuls maillons visibles!
Ils n’ont pas désespéré du monde et vous en êtes la preuve vivante!
C’est avec cette conscience-là que vous trouverez la force et le courage de vous
élancer.
Le passé n’est pas ce qui nous retient en arrière mais ce qui nous ancre dans la
présence et nous insuffle l’élan d’avancer.

“N’oublie pas les chevaux écumants du passé”


Christiane SINGER.

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